Conseillers départementaux (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral et du projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux. Nous poursuivons l'examen de l'article 2.
Discussion des articles du projet de loi (Suite)
Article 2 (Suite)
M. le président. - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Jean-Jacques Hyest. - Ce matin, nous avons examiné un amendement. Quelle rapidité ! Je m'inquiète de la suite de nos débats. Des décisions s'imposent.
M. le président. - La conférence des présidents se réunira à 19 heures.
M. Jean-Jacques Hyest. - Je présente cet amendement de suppression car le binôme pose de grave problème. Nous l'avons amplement défendu ce matin.
M. le président. - Amendement identique n°130, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC.
M. Yves Détraigne. - Je veux féliciter M. le ministre pour l'imagination de ses services qui ont inventé le double mixte politique, mais juste pour l'élection. Après, ce sera chacun pour soi....
Nous craignons que le nouveau canton éloigne le conseiller général de ses interlocuteurs naturels et de ses électeurs.
Les urbains auront plus de conseillers généraux, c'est un fait. Mais l'interlocuteur du président du conseil général sur le dossier urbain, c'est le maire. Le canton n'a aucun sens dans les villes. Les conseillers généraux seront toujours court-circuités.
Dans les campagnes, ce sera la régression puisqu'il y aura moins de conseillers. Pour toutes ces raisons, nous avons déposé cet amendement.
J'avais voté la création du conseiller territorial. Je suis celui grâce auquel, ou à cause duquel, la loi avait été adoptée... Vous avez aimé le conseiller territorial, vous allez adorer le conseiller départemental !
M. Bruno Sido. - Très bien !
M. Michel Delebarre, rapporteur. - J'ai essayé de suivre le double mixte mais je suis doublement défavorablement à ces deux amendements.
M. Manuel Valls, ministre. - Le Gouvernement s'est appuyé sur le vote de la majorité du Sénat, qui a supprimé le conseiller territorial. Nous avons eu un débat sur le mode de scrutin qui devait s'imposer. Nous avons écarté le scrutin de liste proportionnel, pour ne pas éloigner les élus de leur territoire. Nous avons aussi écarté le scrutin mixte -proportionnel dans les départements urbains, scrutin majoritaire dans départements ruraux-, qui risque la censure du Conseil constitutionnel.
Enfin, beaucoup sont attachés ici au scrutin majoritaire pour le lien direct créé avec les électeurs; c'est me faire beaucoup d'honneur que de me présenter comme l'inventeur du nouveau mode de scrutin mais c'est Mme André qui l'a proposé ici même pour la première fois au nom de la délégation aux droits des femmes : il a l'avantage de la parité tout en permettant le rapport plus direct avec les électeurs.
Le Conseil d'État a rendu un avis sur le tunnel de 20 %.
Beaucoup d'orateurs se sont exprimés sur ce point. J'ai dit que le Gouvernement était prêt à faire des avancées sur ce seuil, mais j'estime qu'il faut que le Sénat, saisi avant l'Assemblée, s'exprime et fasse ses propositions. Si l'on est d'accord sur la parité et la représentativité des territoires, il faut repousser ces amendements de suppression et faire des propositions que le Gouvernement est prêt à entendre.
M. Hervé Maurey. - Je regrette que mes propos de ce matin aient été caricaturés ou mal compris mais je n'ai fait que reprendre les propres craintes exprimées par Mme Gonthier-Maurin, qui préside la délégation aux droits des femmes. Je voterai ces amendements de suppression. Comme l'a dit Mme Debré, on se sert de la parité pour mettre en place un système abracadabrantesque.
Pourquoi changer de mode de scrutin parce qu'il y a disparité entre les cantons ? Ce qu'il faut, c'est redécouper les cantons tout en gardant le mode de scrutin. Pour favoriser la parité, prévoyons des pénalités.
Pourquoi refuser le scrutin mixte appliqué non pas selon la nature des départements, monsieur le ministre, mais dans chaque département, en réservant la proportionnelle aux zones urbaines ? Ce dispositif serait inconstitutionnel, nous dit-on. Avec M. Collombat, j'ai rendu un rapport sur ce point il y a trois ans et plusieurs constitutionnalistes ont estimé que ce mode de scrutin ne posait aucune difficulté.
M. Philippe Adnot. - Si nous supprimons l'article 2, la discussion s'arrête et l'Assemblée nationale choisira le mode de scrutin qui lui convient.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - C'est la vérité !
M. Michel Delebarre, rapporteur. - CQFD !
M. Philippe Adnot. - Je voterai donc contre ces amendements.
Mme Nathalie Goulet. - La matinée a été dense. Je n'avais pas l'intention de voter cet article mais ce que j'ai entendu ce matin m'a plutôt convaincue du contraire. Ce que je trouve à reprocher au nouveau mode de scrutin, c'est qu'il maintient trop de conseillers généraux. Dans mon département de 293 000 habitants, il y en a 40, soit 10 de trop !
M. Jean-Pierre Raffarin. - Lesquels ?
M. Michel Delebarre, rapporteur. - Des noms !
M. Jacques Mézard. - Si on ne vote pas cet article, il aurait fallu voter les motions. Même si nous ne voterons sans doute pas ce texte in fine, il nous paraît utile d'avoir un débat sur cet article, d'autant que M. le ministre nous a dit qu'il était ouvert à des évolutions.
Nous ne remettons pas en cause la parité ni le redécoupage des cantons. Sous le précédent quinquennat, on a entendu dire qu'il y avait trop d'élus, qui coûtaient trop cher. Pourquoi ne pas augmenter légèrement le nombre d'élus de façon modérée pour parvenir à un accord ?
Nous ne voterons pas la suppression pour que le débat se poursuive tout en estimant que la porte entrouverte par le ministre est singulièrement fermée.
A la demande des groupes UDI-UC et socialiste, les amendements identiques nos4 rectifié bis et 230 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 160 |
Contre | 180 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°312, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article L. 191 du code électoral, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L... - Dans chaque département est institué un canton unique. »
Mme Hélène Lipietz. - Nous avons de la suite dans les idées : nous voulons la proportionnelle. Pour cela, il faut un canton unique.
M. le président. - Amendement n°210, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 191. - Les conseillers départementaux sont élus à la proportionnelle intégrale sur une seule circonscription électorale, à partir de listes de candidats comportant autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir et composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. »
Mme Cécile Cukierman. - Nous sommes bien sûr favorables à la parité. Néanmoins, une autre exigence constitutionnelle doit être respectée : le pluralisme. Les deux principes peuvent se concilier, grâce à la proportionnelle : c'est le binôme républicain. D'ailleurs, dans les autres scrutins locaux, la proportionnelle est la règle.
Pourquoi maintenir un anachronisme démocratique aux cantonales ? Avec le binôme, le pluralisme va régresser.
La proximité ? Des apparatchiks, il y en a, qu'ils soient élus à la proportionnelle ou au scrutin majoritaire. La ruralité est mal défendue si elle est la propriété d'un seul homme ou d'une seule femme ; elle l'est vraiment si des projets sont conduits avec les divers acteurs, jusqu'à leur terme.
Il ne peut y avoir plusieurs élus sur un même territoire ? Et les sénateurs ?
M. le président. - Amendement n°309, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 191. - Les conseillers départementaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. »
Mme Hélène Lipietz. - Cet amendement propose l'élection des conseillers départementaux au scrutin de liste, classiquement.
M. le président. - Amendement n°308, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 191. - Les conseillers départementaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. Chaque liste est constituée de quatre sections. »
Mme Hélène Lipietz. - Si vous craignez que ce scrutin de liste éloigne les élus des électeurs, il faut créer des sections par départements, au nombre de quatre, sur le modèle des régionales. Au sein de ces sections, il faudrait qu'il y ait deux hommes et deux femmes, pour faire respecter le principe de parité.
M. le président. - Amendement n°229 rectifié bis, présenté par MM. Collombat, C. Bourquin et Chevènement.
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par dix alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 191. - Les conseillers départementaux sont élus au scrutin proportionnel de liste à deux tours, dans des sections correspondant aux intercommunalités ou regroupements d'intercommunalités du département. Chaque liste qui comporte autant de noms que de sièges à pourvoir, est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe.
« Pour être élu au premier tour, la liste arrivée en tête doit avoir obtenu la majorité absolue et 25 % des inscrits.
« Les listes présentes au premier tour peuvent fusionner entre les deux tours.
« Peuvent figurer au second tour les listes ayant obtenu au moins 10 % des suffrages au premier tour.
« Les regroupements d'intercommunalités sont constitués lorsque la taille de celles-ci est inférieure au rapport entre la population départementale et le nombre de conseillers départementaux. La population de ces regroupements ne peut être inférieure de plus de 30 % à ce rapport.
« Le nombre de conseillers départementaux est identique à celui des conseillers généraux lors de la promulgation de la loi n° du relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Des modifications mineures peuvent cependant y être apportées pour tenir compte de l'évolution de la population du département.
« Le nombre de sièges attribué aux sections du département tient compte de la population et de la taille des intercommunalités, afin de permettre une représentation équilibrée des territoires.
« A l'issue du premier ou du second tour de scrutin, les sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.
« Les listes n'ayant pas obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »
M. Pierre-Yves Collombat. - Je propose une solution alternative crédible qui satisfait aux principes de parité et de diversité, sans les inconvénients du mode de scrutin proposé. Enfin, il faut que les territoires ruraux puissent continuer à s'exprimer dans les conseils départementaux.
Je propose un mode de scrutin proportionnel sur la base de circonscriptions infradépartementales s'appuyant sur les intercommunalités. On me dit que c'est trop tôt, qu'elles ne sont pas achevées : tous les départements auront leurs schémas en juin. Quand les révolutionnaires ont procédé au découpage des départements, ils avaient à choisir entre la géographie et les réalités locales, comme le proposait Mirabeau, qu'ils ont suivi. Notre solution, qui s'en inspire, pourrait rassembler beaucoup d'entre nous. Elle présente des inconvénients, mais moins que celle du Gouvernement.
M. le président. - Amendement n°211, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 191. - Le conseil départemental est composé d'élus représentant chaque canton du département et d'élus issus de listes départementales, soutenues par les candidats se présentant au suffrage des électeurs dans chaque canton. Ces élus sur listes représentent 30 % de l'assemblée départementale.
Mme Cécile Cukierman. - Nous ne sommes pas des jusqu'auboutistes. C'est pourquoi nous proposons cet amendement. Partisans d'un scrutin proportionnel intégral, respectueux des principes républicains de parité et de pluralisme, nous proposons un scrutin mixte assurant la représentation des territoires, la parité et rééquilibrant, par un scrutin de liste à la proportionnelle pour 30 % des conseillers départementaux, la représentation des diverses sensibilités politiques.
Nous voulons aboutir à un accord avec la majorité sénatoriale qui a rejeté le conseiller territorial.
M. le président. - Amendement n°119, présenté par M. Doligé.
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 191. - Les cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux sont de deux natures :
« - les cantons d'agglomération où les conseillers départementaux sont élus sur des listes à la proportionnelle au plus fort reste à deux tours ;
« - les cantons hors agglomération où les conseillers départementaux sont élus au scrutin uninominal à deux tours. »
M. Éric Doligé. - Plusieurs solutions sont possibles, nous le voyons. A l'ADF, il nous a été dit que le débat devait vivre. Donc, la situation n'est ni figée, ni aussi unanime qu'on l'a prétendu. Entre le scrutin proportionnel et le binominal, des scrutins mixtes sont possibles. On nous dit de prendre garde à la constitutionnalité d'un tel scrutin. Attendons que le Conseil constitutionnel se prononce. Mais au Sénat, nous sommes bien élus par un scrutin mixte.
Le président de la République a annoncé qu'il voulait instiller une dose de proportionnelle aux législatives. Sans refuser la parité, nous proposons des cantons qui reposent sur des agglomérations où la proportionnelle serait la règle et, pour les autres cantons, on en resterait au scrutin uninominal à deux tours, tout en redéfinissant la taille des cantons, avec un tunnel à 30 % ou 40 %, au lieu des 20 % proposés.
La navette permettrait d'affiner les choses et ainsi de sortir du blocage.
M. le président. - Amendement n°335 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Béchu, Beaumont, Billard, Carle et Cornu, Mme Deroche, MM. Doligé, Doublet et Houel, Mme Lamure et MM. Paul, Pillet, Trillard et D. Laurent.
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 191. - Les communes du département membres d'un même établissement public de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants forment un canton élisant au moins deux membres du conseil départemental.
« Chaque autre canton du département élit un membre du conseil général. »
M. Éric Doligé. - Cet amendement est défendu.
M. le président. - Amendement n°107, présenté par M. Doligé.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 191. - Les électeurs de chaque canton du département élisent au scrutin binominal à deux tours au conseil départemental deux membres de sexe différent qui se présentent en binôme de candidats. »
M. Éric Doligé. - Si cet amendement était adopté, ce serait une petite satisfaction... (Sourires)
M. le président. - Amendement n°230 rectifié, présenté par MM. Collombat, Barbier, C. Bourquin, Chevènement et Requier.
Alinéa 2
Remplacer le mot :
canton
par le mot :
section
M. Pierre-Yves Collombat. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°202 rectifié, présenté par MM. Adnot, Bernard-Reymond, Husson et Türk.
Alinéa 2
Après le mot :
membres
supprimer la fin de cet alinéa.
M. Philippe Adnot. - Je ne jette pas l'opprobre sur le scrutin voulu par le Gouvernement mais je propose la proportionnelle dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants et le scrutin majoritaire dans les cantons hors agglomération. J'aurai un autre amendement pour qu'on puisse déroger aux règles posées par le texte dans les territoires d'une densité inférieure à 20 habitants par kilomètre carré.
M. le président. - Amendement n°51 rectifié ter, présenté par MM. J. Boyer, Détraigne, Roche et Dubois.
Alinéa 2
Après le mot :
différent
insérer les mots :
issus de communes différentes, originaires d'une ancienne structure élective cantonale différente,
M. Jean Boyer. - Les deux conseillers ne devront pas être issus de la même commune. C'est une garantie que la réalité de terrain soit prise en compte.
M. le président. - Amendement n°35 rectifié bis, présenté par MM. Jarlier et Détraigne, Mme N. Goulet, MM. Dubois, B. Fournier, Roche, Lasserre, Mercier et Namy et Mme Morin-Desailly.
Alinéa 2
Après le mot :
différent,
Insérer les mots :
électeurs de communes différentes, dans les cantons qui comprennent plusieurs communes,
M. Pierre Jarlier. - Cet amendement vise à éviter la surreprésentation d'une commune au sein d'un canton. Si les deux conseillers départementaux sont issus de la ville la plus peuplée du canton, il y a un risque que les communes les moins peuplées de celui-ci ne soient plus représentées.
M. le président. - Amendement n°70 rectifié bis, présenté par MM. Savin, Saugey et Carle.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
qui se présentent en binôme de candidats
par les mots :
issus de communes différentes lorsque le canton est composé de plusieurs communes
M. Michel Savin. - Même objet.
M. le président. - Amendement n°157 rectifié bis, présenté par MM. Savary, Buffet, Cardoux et Charon, Mmes Debré et Duchêne, Mlle Joissains, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Lecerf, Lefèvre, Legendre, P. Leroy, Marini, Pierre, Retailleau, Carle, Hyest et Billard, Mme Deroche, MM. Ferrand, B. Fournier et Gournac, Mme Hummel, M. G. Larcher, Mmes Primas et Sittler et M. Vial.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
représentant chacun l'une des sections du canton
M. Jean-Jacques Hyest. - Pour éviter un des inconvénients du binôme, il faut des territoires de représentation à taille humaine.
M. le président. - Amendement n°310, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Au sein de chaque département, 20 % des conseillers départementaux sont élus au scrutin de liste paritaire à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. »
Mme Hélène Lipietz. - Il s'agit d'introduire une dose de proportionnelle dans le scrutin binominal.
M. Michel Delebarre, rapporteur. - L'échange de vues de ce matin préfigurait la présentation de ces amendements. Chacun a tenté de démontrer qu'il fallait retenir le mécanisme qu'il propose. Ce débat est intéressant mais, interprète de la position de la commission, je ne peux accepter au hasard des discussions tel amendement et refuser tel autre.
Il n'y a qu'un amendement auquel je donne un avis favorable : l'amendement n°107, mais M. Doligé a dit qu'il ne s'en satisferait pas...
M. Manuel Valls, ministre. - Je constate que le Gouvernement n'est pas seul à faire preuve d'imagination... Chacun cherche la bonne voie dans ce débat de qualité. Les amendements qui proposent la proportionnelle pour l'ensemble du département ne peuvent recueillir l'accord du Gouvernement. Même avis que le rapporteur, y compris à l'amendement n°107.
Je m'arrêterai seulement sur le mode de scrutin mixte -preuve que la mixité est possible... Le double mixte ne vaut pas que pour un match au tennis, il peut durer tout un tournoi... Je vous trouve bien pessimiste sur la capacité d'un couple -politique- à résister à l'épreuve du temps. Les cantons dits ruraux ne le sont pas tous complètement, dans la grande couronne d'Ile-de-France par exemple.
M. Bruno Sido. - C'est vrai !
M. Manuel Valls, ministre. - Un scrutin mixte serait particulièrement complexe -il faudrait fixer par la loi des critères objectifs pour répartir les sièges entre les différents cantons- et délicat à mettre en oeuvre partout. Le Gouvernement ne recherche pas la complexité. Il a choisi un mode de scrutin simple, lisible et uniforme, quel que soit le département ou le canton.
Le risque d'inconstitutionnalité d'un scrutin mixte ne peut être écarté dès lors que le suffrage de l'électeur n'est pas pris en compte de la même manière selon qu'il s'exprime en zone urbaine ou en zone rurale. Les élus représentent des électeurs avant de représenter des territoires. Le risque de rupture du principe d'égalité devant le suffrage est réel.
En résumé, je soutiens le même amendement que le rapporteur. Pour les autres, avis défavorable.
M. Jean Louis Masson. - Je ne peux pas laisser dire que les petits partis ne peuvent obtenir des élus au scrutin majoritaire. Il y en a dans mon département. Il suffit qu'ils présentent de bons candidats...
Introduire la proportionnelle dans les villes et pas en campagne ne ferait qu'agrandir le fossé entre les unes et l'autre. Je ne vois pas pourquoi on devrait les traiter différemment, pourquoi tel élu serait territorialisé et pas tel autre.
Le binôme répond au principe de territorialité. Ce ne sera pas la fin du monde ! Je n'y crois pas ! Les deux membres du binôme sauront vite comment s'organiser. Il y aura deux fois moins d'hommes dans les conseils généraux ? Rappelez-vous nos débats sur la parité pour l'élection des sénateurs...
Mme Cécile Cukierman. - Et sur la proportionnelle !
M. Jean Louis Masson. - Certains ici croyaient que c'était la fin du monde ! Plus un seul d'entre nous ne trouve anormal de siéger aux côtés de femmes au Sénat.
Mme Cécile Cukierman. - Eh oui !
M. Jean Louis Masson. - Je voterai l'article 2.
M. Philippe Adnot. - Le risque d'inconstitutionnalité n'existe pas. Les sénateurs représentent la France, ils sont élus dans une circonscription, le département, soit à la proportionnelle, soit au scrutin majoritaire. Il en irait de même dans les conseils généraux. Il n'y a pas de risque, je le répète, les constitutionnalistes consultés l'attestent.
Je voudrais que les sénateurs se prononcent très librement.
M. Manuel Valls, ministre. - Le mode de scrutin sénatorial n'a jamais été soumis, et pour cause, au Conseil constitutionnel.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Très juste.
M. René Garrec. - Il n'y a pas de précédent.
M. Manuel Valls, ministre. - J'ai moi aussi consulté d'éminents constitutionnalistes, dont les avis divergent.
La différence avec le scrutin sénatorial, c'est que vous proposez deux scrutins différents dans le même département, dans la même circonscription électorale. C'est là que le principe d'égalité devant le suffrage serait mis à mal.
M. Pierre-Yves Collombat. - Vous n'avez pas répondu à ma proposition lisible, simple et uniforme. Elle ne présente aucun risque d'inconstitutionnalité et écarte le casse-tête de la définition des secteurs urbains ou ruraux : un seul mode de scrutin mais des effets différents selon les secteurs.
Le Gouvernement commet la même erreur que le précédent : il sépare les questions institutionnelles et de compétences du mode de désignation des élus. Le but de la création du conseiller territorial était de dissoudre le département dans la région.
M. Jean-Jacques Hyest. - Pas du tout !
M. Pierre-Yves Collombat. - Mais avec le mode de scrutin choisi, le conseil régional n'était que la réunion des conseils généraux et le pouvoir effectif restait aux départements !
M. Jean-Jacques Hyest. - Et voilà !
M. Pierre-Yves Collombat. - Quelle cohérence !
Ici, en principe, on restaure le département dans sa dignité, mais le mode de scrutin déterritorialise la représentation. Je regrette qu'en croyant avoir trouvé la pierre philosophale on passe à côté d'une grande réforme qui renforce l'intercommunalité et sa légitimité démocratique tout en confortant le département dans son rôle de solidarité territoriale, d'aménagement du territoire, de cohérence des services publics de proximité. J'avais la faiblesse de penser que la piste de réflexion que j'ai ouverte offrait un moyen de redonner une jeunesse à l'institution départementale.
M. Philippe Bas. - Il y a dans tous ces amendements des pistes sérieuses qui méritent d'être davantage étudiées, en particulier celles ouvertes par MM. Doligé et Pointereau.
Le département n'est pas une circonscription, ne l'a jamais été et ne le deviendra pas si ces amendements sont adoptés. Ce qui importe, c'est de se rapprocher de l'égalité de représentativité de chaque élu. La question des limites entre la ville et la campagne n'est pas insoluble.
Nous aurions intérêt à adopter l'un de ces deux amendements, quitte à mettre à profit les discussions à l'Assemblée nationale pour en améliorer le dispositif.
Mme Nathalie Goulet. - Jusqu'au renouvellement de 2011, le conseil général de l'Orne ne comptait qu'une seule femme sur quarante. Nous savons ici ce qu'il en est des dissonances au sein d'un ticket d'un même parti ! (Mouvements divers sur les bancs UMP)
M. Jean Boyer. - Je suis cohérent. Mon vote serait inchangé si le Gouvernement était d'une autre couleur politique. Monsieur le ministre, pourquoi pas un élu qui reste trois ans et un autre qui prenne le relais pour les trois années suivantes ? Le secret du bonheur est de savoir attendre. Mais il y a des suppléants qui attendent très longtemps...
M. Éric Doligé. - Sur le plus petit commun dénominateur, nous pourrions nous mettre d'accord. Je me réjouis de l'avis favorable donné à l'un de mes amendements, mais j'en ai un autre qui dispose de suffrages potentiels ; nous pourrions nous retrouver, avec les groupes CRC, écologiste et UMP, sur un scrutin mixte. Je me rallierai volontiers à l'amendement de M. Adnot.
Monsieur le ministre, nous avons débattu hier de la constitutionnalité ; en la matière, nous ne sommes sûrs de rien.
Pour les sénatoriales, au gré des changements de majorité, on vote dans le même département tantôt à la proportionnelle et tantôt au scrutin uninominal. Pour les députés, nous avons un pourcentage de proportionnelle nationale -la proportionnelle départementale pourrait y ressembler. Il serait intéressant que nous nous retrouvions sur un scrutin mixte. On nous reprochait hier de ne pas avoir de propositions. Nous en avons, qui se rejoignent, même si celle de M. Collombat est différente, mais intéressante.
M. Gérard Longuet. - Nous avons en effet plusieurs options intéressantes. Pourquoi une discussion commune ? Chacune mérite un débat à part. La proposition de M. Collombat mérite comme les autres d'être débattue. Les nôtres sont significatives, même si M. le ministre craint pour leur constitutionnalité.
M. Jean-Pierre Raffarin. - Je comprends la démonstration théorique du Gouvernement, elle est honnête : il faut de la parité et de la proximité. Mais deux élus sur un même territoire, cela pose problème. Je reste profondément girondin. Pourtant, j'ai souvent été déçu par la décentralisation lorsque les rivalités locales l'emportent sur l'intérêt général. La compétition institutionnelle entraîne la paralysie.
Votre texte a l'air clair ; dans les faits il provoquera la confusion et des ambiguïtés de responsabilité. Vous ne rendez pas service aux territoires fragilisés par la crise, qui ont besoin de dispositions claires et de responsabilités assumées.
M. Jean-Jacques Hyest. - Les amendements en discussion sont fort différents les uns des autres.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - En effet.
M. Jean-Jacques Hyest. - Certains veulent de la proportionnelle, d'autres aussi mais seulement en milieu urbain, ce qui n'est pas très gentil pour certains collègues qui sont très bien identifiés et font bien leur travail... Ce qui est vrai, c'est que les électeurs identifient parfois mal les acteurs locaux et leurs périmètres d'action. Sur tous les bancs, nous avons défendu le scrutin mixte, puis y avons renoncé parce qu'il est compliqué à appliquer.
La proportionnelle, par secteur ou pour partie, soulève une autre série de questions. Quand on commence à en introduire une dose, on finit souvent par la proportionnelle intégrale...
Tout cela est intéressant mais n'est guère satisfaisant. Le projet du Gouvernement ne l'est pas plus, bien qu'issu d'une proposition de la délégation des droits des femmes du Sénat.
Le ministre ne m'a pas répondu sur les sections, je le regrette.
L'amendement n°312 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos210, 309, 308, 229 rectifié bis, 211, 119 et 335 rectifié.
L'amendement n°107 est adopté.
M. Éric Doligé. - Quelle ouverture !
Les amendements nos230 rectifié, 202 rectifié, 51 rectifié ter, 35 rectifié bis, 70 rectifié bis, 157 rectifié bis deviennent sans objet.
M. Manuel Valls, ministre. - Coup double !
M. Philippe Adnot. - Pour quelle raison mon amendement n°202 rectifié tombe-t-il ?
M. le président. - Parce que l'amendement n°107 réécrit l'alinéa 2 de l'article 2.
L'amendement n°310 n'est pas adopté.
M. Jean-Jacques Hyest. - Je souhaite une suspension de dix minutes.
La séance, suspendue à 17 h 50, reprend à 18 h 25.
M. Didier Guillaume. - Nous avons bien travaillé cet après-midi. (Rires) Il reste à affiner quelques dispositions. Je demande une suspension de trente minutes. (Mme Hélène Lipietz s'exclame)
M. le président. - La conférence des présidents se réunit à 19 heures. Le plus sage serait de reprendre la séance à 21 h 30.
Mme Cécile Cukierman. - C'est bien d'une assemblée d'hommes d'organiser nos travaux de cette façon !
Mme Éliane Assassi. - Vous pourriez demander l'avis des autres groupes !