Énergies renouvelables (Questions cribles thématiques)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur les énergies renouvelables.
L'auteur de la question et le ministre disposent chacun de deux minutes. Une réplique d'une minute peut être présentée par l'auteur de la question ou par un membre de son groupe politique. Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sur France 3 et il importe que chacun des orateurs respecte son temps de parole.
M. Michel Savin . - Depuis le 8 octobre 2012, EDF n'a plus d'obligations d'achat d'énergie hydraulique, laquelle représente la deuxième source de production électrique de notre pays, après le nucléaire. La France métropolitaine compte plus de 2 000 centrales hydroélectriques, dont la plupart sont propriété communale.
Les propriétaires d'installations hydrauliques ont désormais trois possibilités pour revendre leur production : souscrire un contrat H-97, souscrire un contrat H-07, vendre sur le marché de l'énergie au tarif moyen de 5 centimes d'euros le kilowatt. Les arrêtés fixant les conditions de souscription à ces deux contrats obligent les exploitants à réaliser des travaux sur les centrales hydroélectriques sans tenir compte de l'état des équipements, et ce dans des délais très contraints. Dans ces conditions, beaucoup de petits producteurs s'interrogent sur les conditions économiques de la poursuite de leur activité. Il faut souhaiter que les mettre dans l'obligation d'arrêter leur production ou de vendre leur centrale ne soit pas l'objectif recherché...
Vous aviez appelé, ici même, à un « patriotisme écologique » mais rien sur l'hydraulique. Pourquoi mettre à la charge des exploitants de centrales hydrauliques des montants de travaux calculés sur la capacité de production des équipements sans tenir compte de leur état ? Peut-on envisager une prolongation d'un an pour ces deux contrats afin de laisser aux exploitants le temps de réunir les conditions exigées ?
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie . - Le Gouvernement soutient toutes les énergies renouvelables dont, bien sûr, l'hydroélectricité, d'autant qu'elle reprend production de pointe et d'extrême pointe. Dès mon arrivée, de nombreux élus m'ont interpellée sur les renouvellements des contrats de rachat. L'arrêté du 10 août 2012 a donné un délai de huit ans pour la mise à niveau de ces installations.
Afin de ne pas pénaliser les centrales ayant déjà investi, l'arrêté prévoit des aménagements pour prendre en compte la situation particulière de chaque installation, tout en garantissant une harmonisation du parc et une rémunération adéquate de l'électricité produite.
J'ai approuvé le projet de contrat type élaboré par EDF, Obligation d'achat, qui avait été soumis aux petits producteurs d'hydroélectricité début septembre. Les producteurs peuvent donc désormais signer leur nouveau contrat d'achat.
Afin d'assurer la continuité entre les anciens contrats et les contrats renouvelés, l'entrée en vigueur du nouveau contrat peut être antérieure à sa date de signature. Le renouvellement des contrats peut ainsi avoir lieu sans rupture. L'électricité produite entre la fin de l'ancien contrat d'achat et l'entrée en vigueur du nouveau contrat sera rachetée à un tarif proche du prix de marché.
M. le président. - Chacun doit tenir son temps de parole.
M. Michel Savin. - Des délais supplémentaires sont indispensables.
M. Marcel Deneux . - Vous avez annoncé, le 7 janvier, des mesures d'urgence pour la relance de la filière photovoltaïque française. Vous avez fixé un objectif très ambitieux, auquel je souscris, doublant la puissance antérieure.
Vous proposez de revaloriser de 5 % le tarif d'achat pour les petits contrats, de bonifier les tarifs en fonction des lieux d'implantation. Fin septembre 2012, on avait atteint les 4 000 mégawatts, alors que l'objectif était de 5 400. Cet objectif sera-t-il réalisé l'an prochain ?
Comptez-vous réviser les objectifs de 2020 pour le photovoltaïque ? Est-ce compatible avec nos engagements européens ?
Mme Delphine Batho, ministre. - Le Gouvernement a pris effectivement des mesures d'urgence sur le photovoltaïque pour répondre à l'objectif fixé par le président de la République de 50 % de renouvelable à l'horizon 2025. Une loi de programmation devrait vous être présentée afin de donner aux entreprises un cadre stable.
Nous avons donc pris trois mesures : des appels d'offres pour les nouvelles installations photovoltaïques, domaine dans lequel les entreprises françaises disposent d'une avance technologique ; la relance des appels d'offres automatiques pour les moyennes installations ; la bonification du rachat pour les petites installations qui respectent les critères européens.
Nous voulons à la fois soutenir le photovoltaïque et nos entreprises dans cette filière, sans attendre la prochaine loi de programmation.
M. Marcel Deneux. - Votre réponse m'éclaire. J'étais rapporteur du paquet Énergie-climat il y a trois ans. Je serai vigilant afin qu'il soit respecté.
M. Roland Courteau . - L'arrêté du 17 janvier 2008 qui fixe le tarif de rachat de l'électricité de l'éolien souffre d'une certaine insécurité juridique. Le Conseil d'État a suspendu sa décision et posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne. Quoique cet arrêté demeure en vigueur, une incertitude pèse sur la filière car les banques hésitent à l'aider.
Avez-vous des idées sur ce que pourrait être la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne ? Faut-il un nouvel arrêté ?
Mme Delphine Batho, ministre. - L'énergie éolienne terrestre est très compétitive mais demeure en dessous des objectifs fixés par le Grenelle. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite en encourager le développement. C'est un des rôles de la BPI.
La France n'est pas le seul pays à soutenir les énergies renouvelables par une obligation de rachat. S'agit-il d'une aide de l'État ? La question est posée mais la Commission européenne n'a pas été saisie par le précédent gouvernement. Il est probable qu'elle aurait accepté. Ce gouvernement ne commettra pas l'erreur de ne rien faire. Sans attendre le résultat de la procédure en cours, j'ai fait expertiser juridiquement ce dispositif.
La filière éolienne a beaucoup souffert de la politique menée ces dernières années. La France assurera la sécurité juridique de son développement.
M. Roland Courteau. - Merci de cette réponse. L'éolien est l'énergie renouvelable qui promet le plus grand potentiel. Mais les installations d'éoliennes diminuent. Le Grenelle avait prévu 19 000 mégawatts à l'horizon 2020. Nous en sommes loin.
J'apprécie vos actions et vous en remercie.
Mme Annie David . - L'hydroélectricité est la première énergie renouvelable et ne produit pas d'effet de serre ; elle est stockable et garantit une gestion efficace des crues et des voies navigables. C'est un vrai patrimoine naturel et industriel. Pourtant, les exploitations arrivent à échéance : la loi Sapin s'appliquera, avec un appel d'offres en cours, les exposant à la privatisation. Le cahier des charges a occulté toute exigence sociale et cette procédure, voulue par la précédente majorité, n'a pas été abolie, ce qui nous inquiète.
En octobre, vous avez dit votre opposition à la libéralisation des barrages. Pouvez-vous nous confirmer votre position ? Quelles seront vos propositions ?
Mme Delphine Batho, ministre. - Les grands barrages et les installations hydroélectriques font partie du patrimoine de la France. Le gouvernement précédent s'était engagé à ce que 20 % des concessions fassent l'objet d'un renouvellement. Dix concessions, pour un total de 5 300 mégawatts, devraient être renouvelées. Leur avenir est un enjeu majeur pour la transition énergétique ; pour la compétitivité économique et l'emploi, car ces installations se situent souvent à proximité d'industries électro-intensives ; sur le plan environnemental.
J'ai souhaité que la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale se saisisse également du renouvellement des concessions hydroélectriques, en lien avec le Sénat, les élus locaux et l'ensemble des parties prenantes.
La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a engagé une réflexion de fond sur les alternatives qui s'offrent à nous. Le rapport sera rendu en février. Les conclusions de ces travaux seront soumises au débat sur la transition énergétique.
Mme Annie David. - C'est mon amie Marie-Noëlle Battistel, députée de l'Isère, qui conduit ces travaux.
Confier la production hydraulique à des intérêts privés serait très risqué car cette production serait entre les mains des industriels, voire des traders. Or, 6 500 salariés sont concernés. En Isère, les concessions de trois barrages sur le Drac arrivent à échéance et nous avons lancé, avec le front de gauche, une pétition pour les défendre. Je sais pouvoir compter sur vous, madame la ministre.
M. Jean Desessard . - Ma question est la même que celle de M. Courteau. Je ne dirai pas, par modestie, que les grands esprits se rencontrent (sourires) mais cela traduit une inquiétude partagée.
Appelé à se prononcer sur l'arrêté fixant le tarif de rachat de l'activité éolienne, le Conseil d'État a saisi la Cour de justice de l'Union européenne qui doit rendre sa décision à la fin de cette année, d'où une grande incertitude des professionnels, ce qu'ils n'aiment pas. Comme M. Courteau, je voudrais savoir s'il n'est pas possible de déposer une nouvelle demande à l'Union européenne pour être assuré des tarifs d'achat.
Les professionnels espère une sécurisation des tarifs d'achat de l'éolien, qui est une énergie propre et qui peut créer des emplois. Comment sécuriser ce secteur ?
Mme Delphine Batho, ministre. - Il n'y a pas d'incertitudes à entretenir sur les perspectives de développement de l'énergie éolienne terrestre en France.
Les régions ont adopté les schémas régionaux éoliens, le Gouvernement prépare des mesures législatives. Les concertations locales nécessaires sont garanties par les procédures établies. Le contentieux que vous évoquez ne porte pas que sur l'éolien mais sur l'ensemble des énergies renouvelables. Le Gouvernement assurera la sécurité juridique des tarifs de rachat pour toutes les énergies renouvelables.
M. Roland Courteau. - Très bien.
Mme Delphine Batho, ministre. - Je suis prudente sur la forme car les discussions sont en cours avec les instances européennes mais, sur le fond, je veux être claire, rassurante et ferme.
M. Jean Desessard. - Vous me rassurez. Vous sécurisez ce secteur créateur d'emplois et stratégique non seulement pour l'environnement mais aussi pour le développement industriel de notre pays. Merci, madame la ministre, de votre fermeté.
M. Raymond Vall . - Oui, les grands esprits se rencontrent ! Oui, nous avons besoin de filières solides et compétitives. Il nous faut tout mettre en oeuvre pour relocaliser les emplois perdus ces dernières années. Madame la ministre, vous n'y êtes pour rien mais des dispositions fortes n'ont pas été prises et sont maintenant attendues.
Le photovoltaïque est en difficulté, nombre d'entreprises sont au bord du dépôt de bilan. Elles doivent pouvoir répondre aux appels d'offres.
La géothermie, énergie permanente, n'est exploitée pour la production d'électricité qu'en Alsace. Que prévoyez-vous pour son développement ?
Mme Delphine Batho, ministre. - Le patriotisme écologique consiste à faire en sorte que chaque euro investi dans les énergies renouvelables donne lieu à création de valeur ajoutée. Le précédent gouvernement a laissé une ardoise de 5 milliards d'euros à EDF, que nous assumerons. L'instabilité tarifaire et réglementaire de ces dernières années a détruit des emplois. Nous voulons en recréer. Des entreprises françaises attendent du travail, elles sont prêtes à valoriser leurs technologies de pointe. Il est inacceptable que le nombre d'emplois dans ce secteur soit passé de 105 000 à 90 000.
Oui, la géothermie a un potentiel considérable qui n'est pas suffisamment exploité. De même la méthanisation et les énergies marines. C'est pourquoi j'ai demandé au Conseil national de la géothermie de nous faire des propositions que je soumettrai au Conseil national sur la transition énergétique.
M. Raymond Vall. - Bravo pour cette réponse mais il est inacceptable que les appels d'offres de juin et de septembre 2012 et pour 2013 aient encore été reportés. Je vous demande de me répondre par écrit sur ce point.
M. Jean-Pierre Vial . - L'effacement est un enjeu écologique inscrit au coeur de la transition énergétique mais c'est d'abord une réponse aux besoins et à la sécurité du réseau en période de pointe. Or notre situation en la matière ne cesse de se dégrader. Il y a dix ans, la France était exportatrice ; il y a cinq ans, ses besoins étaient équilibrés. L'estimation des besoins de la période de pointe 2012 est de 7 gigawatts, avec une projection de croissance de 1 gigawatt par an. Cette situation est d'autant plus inacceptable que la France dispose des capacités d'effacement nécessaires, lesquelles ne demandent qu'à être mobilisées et à croitre, à condition d'être accompagnées comme le prévoit le dispositif capacitaire mis en place à l'occasion de la loi Nome.
Vous vous étiez engagée à prendre rapidement un décret en ce sens. Il est surprenant de ne pas mobiliser les financements nécessaires pour maintenir et développer ces capacités de production, ce qui est indispensable pour les industriels.
Mme Delphine Batho, ministre. - Monsieur le président Vall, les appels d'offres seront publiés dans les tout prochains jours.
Monsieur Vial, fin 2010, j'ai pris deux dispositions importantes : publication du mécanisme de capacité, dispositif sur l'interruptibilité. La proposition de loi de François Brotte relative à la transition énergétique comporte plusieurs dispositions qui vont dans le sens de vos préoccupations. J'ai déposé un amendement qui permet à RTE de mettre en oeuvre des appels d'offres.
M. Jean-Pierre Vial. - Merci. Les mesures techniques sont importantes. J'ai été sensible au dépôt de cet amendement, qui débloque la situation.
M. Michel Teston . - Le bois-énergie constitue un potentiel important et partiellement inexploité dans notre pays. Cette filière pourrait créer de nombreux emplois non délocalisables mais elle peine à faire face à une demande qui reste dépendante des prix du fuel. Le soutien à l'organisation locale de l'offre est nécessaire. Quelles sont vos orientations en la matière ?
Mme Delphine Batho, ministre. - Effectivement, c'est la première filière d'énergie renouvelable dans notre pays. J'ai consacré mon premier déplacement à la biomasse, insuffisamment connue, pour lui rendre hommage. La filière bois-énergie représente 60 000 emplois dont 36 000 en zone rurale.
Lors de la conférence environnementale, nous avons décidé un financement pérenne du fonds chaleur, doté de 220 millions cette année. Or, 1 euro de ce fonds génère 3 euros d'investissement. Avec mes collègues Le Foll et Montebourg, nous travaillons en commun sur l'ensemble de la chaîne de valeur de la filière bois. Nous importons trop de bois dans le bâtiment.
Le Premier ministre a confié une mission au député de l'Yonne Jean-Yves Caullet, lequel rendra ses conclusions en juin. Nous avons intérêt à développer les petites et moyennes installations plutôt que les grosses centrales.
M. Michel Teston. - La transition énergétique nécessite le développement de l'ensemble des énergies renouvelables. J'ai pris bonne note de vos engagements. Veillez au bon équilibre de l'exploitation des forêts locales, entre bois-énergie et bois de construction ou d'ameublement.
M. Alain Richard . - C'est un bonheur de s'exprimer en dernier sous une telle présidence... Je dispose de quelque temps pour poser ma question.
L'énergie est un enjeu essentiel de notre redressement économique immédiat. Les énergies renouvelables, ce n'est pas seulement l'avenir lointain. Vos décisions ont un impact économique immédiat.
Il me semble que nous avons un certain déficit de débat sur le coût mesurable des initiatives qui sont prises. Le débat ne doit pas être abstrait. Le Gouvernement devrait réfléchir à la création d'un outil de transparence et de lisibilité économique afin d'objectiver en termes de mesure économique les décisions prises en matière d'énergie renouvelable.
Mme Delphine Batho, ministre. - Oui, l'enjeu économique, en termes de compétitivité, de coût de l'énergie est considérable pour les ménages comme pour l'industrie. La moitié de l'énergie finale consommée en France provient d'hydrocarbures importés.
Nous ne reproduirons pas le Grenelle, qui finançait à crédit les énergies renouvelables de la dette d'EDF. Ce ne serait pas responsable. Nous avons indiqué la charge des mesures concernant le photovoltaïque : 1 à 2 euros pour chaque Français sur sa facture d'électricité. Nous entrons dans une période où il faudra investir dans la transition énergétique. Il faudra faire les bons choix d'investissement et de financement.
M. Alain Richard. - Vous n'aviez pas besoin de me convaincre de votre engagement personnel.
Dans le débat national, pourriez-vous suggérer la mise en place d'une instance pluraliste qui puisse mettre en forme des outils de mesures pour comparer les projets ? La commission des comptes de la Nation est une telle institution. Pourquoi pas une commission des comptes énergétiques de la Nation ?
La séance est suspendue à 16 heures.
présidence de M. Charles Guené,vice-président
La séance reprend à 16 h 20.