SÉANCE
du jeudi 20 décembre 2012
44e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Charles Guené,vice-président
Secrétaires : M. Jean Boyer, Mme Catherine Procaccia.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Vous connaissez la règle : deux minutes trente par intervenant.
Doha
M. Jean-Vincent Placé . - (« Ah ! » à droite) La conférence de Doha, à défaut d'un accord universel ambitieux, a mis en valeur l'urgence de progresser dans la réduction des gaz à effet de serre. Le réchauffement global fait fondre les glaciers, y compris dans les Alpes. Certaines maladies se propagent. La disparition de certaines espèces pose problème à l'agriculture. Certaines populations sont particulièrement vulnérables -inondations, maladie. Les pays du sud sont particulièrement concernés. Les pays les plus riches doivent accepter des règles contraignantes : sans parler de leur responsabilité historique dans le réchauffement climatique, ils ont un intérêt économique à ce que les pays du Sud participent à la lutte contre le réchauffement. A la suite du terrible typhon qui les a frappées, les Philippines ont lancé un appel à la solidarité.
François Hollande a proposé que la France accueille la conférence de l'ONU sur le climat en 2015, lors de la conférence environnementale à Paris. Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a, quant à lui, proposé qu'un sommet précède le grand rendez-vous de 2015. Le groupe écologiste au Sénat se réjouit de ces annonces mais la France sera-t-elle prête ?
Quel financement la France mobilise-t-elle pour lutter contre le réchauffement climatique, notamment dans les pays du Sud ? Les engagements de Copenhague seront-ils tenus ? (Applaudissements sur les bancs écologistes, sur plusieurs bancs socialistes et sur quelques bancs à droite)
M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement . - J'étais à Doha avec M. Fabius, Mme Batho et une délégation de parlementaires, dont un sénateur, M. Dantec. Nous avons pris une part active à ces négociations dans lesquelles j'ai représenté l'Union européenne avec mon collègue britannique pour les questions financières. La France a tenu les engagements de Copenhague sur les financements précoces ; nous avons mobilisé 1,2 milliard d'euros sur trois ans, grâce à l'effort du gouvernement précédent.
Nous avons une responsabilité à l'égard du futur, pour aller au-delà. Nous avons décidé d'affecter 6 milliards d'euros pour le secteur de l'énergie, avec comme priorité les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. Nous avons décidé d'affecter 10 % de la taxe sur les transactions financières au développement ; la moitié de ces 10 % abonderont le fonds vert décidé à Copenhague. La France est l'un des pays européens les plus actifs pour mettre en place une taxe européenne sur les transactions financières et en affecter une partie au développement. Non seulement notre pays a respecté ses engagements, mais il est en pointe. Mobilisons nous pour que l'accord de 2015 à Paris soit un succès. (Applaudissements à gauche ; M. Roger Karoutchi applaudit aussi)
Banque de France
Mme Laurence Cohen . - Depuis 1993, l'indépendance de la Banque de France est indispensable dans le cadre de la construction européenne, rejetée, dois-je le rappeler, par nos concitoyens en 2005.
Le président Hollande a déclaré à plusieurs reprises que son adversaire principal était le monde de la finance, ce qui a notamment permis le rassemblement du 6 mai. Il est donc incompréhensible que M. Noyer, gouverneur de la Banque de France, supprime pas moins de 2 000 postes : 2 000 postes qui manqueront pour traiter les dossiers de surendettement, 2 000 postes qui manqueront pour affiner l'action de la Banque publique d'investissement , 2 000 postes qui manqueront pour assurer la sécurisation des moyens de paiement et la connaissance de l'activité économique, 2 000 postes qui s'ajoutent aux plans de licenciement qui se multiplient aux quatre coins de la France.
Que pensez-vous du plan de déstructuration de la Banque de France ? Allez-vous convoquer une table ronde avec les personnels, dont nous soutenons la lutte, et l'ensemble des parties prenantes ? Il est temps que cesse cette logique tueuse d'emplois qui, de Florange à la rue de la Banque, d'Aulnay-sous- Bois à Petit-Couronne ou de Sanofi aux 3 Suisses, méprise l'intérêt général ! Les salariés ont besoin d'une loi qui les protège contre les licenciements à visée boursière : nous y sommes prêts. (Applaudissements sur les bancs CRC et sur quelques bancs socialistes)
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances . - Nous avons le souci de moderniser l'action publique et de préserver les services publics. Je ne veux pas polémiquer avec vous mais je ne crois pas que ce soit la construction européenne qui ait été rejetée en 2005...
La Banque de France doit faire face à de profondes mutations : d'où la réflexion qu'elle a engagée sur l'optimisation de ses missions. Son gouverneur a présenté, le 21 septembre dernier, un plan de réorganisation qui fait l'objet d'une consultation des personnels et des acteurs locaux : j'ai moi-même reçu les syndicats de la Banque de France à Montbéliard, dont je suis l'élu.
En tant que représentant de l'État actionnaire, je suis attentif à la conduite de ce plan, que je soutiens pour quatre raisons.
D'abord, il garantit une couverture géographique importante, avec la présence d'au moins une succursale par département : ainsi, les bureaux d'accueil et d'information de Vincennes, d'Ivry-sur-Seine et de Créteil seront conservés.
Ensuite, le plan permet une optimisation de la gestion des activités ; tout le traitement du surendettement sera maintenu.
Troisièmement, le plan repose sur un calendrier très progressif : il n'y aura aucune fermeture d'unité tertiaire avant 2016.
Enfin et surtout, je ne peux accepter d'être qualifié de tueur d'emploi. (Exclamations à droite) Un plan de sauvegarde de l'emploi est prévu pour les 227 agents concernés par les fermetures de caisses ; compte tenu des départs en retraite, seulement 175 seront concernés par les reclassements. In fine, ce plan se fera sans aucun licenciement et dans la concertation : j'y serai très attentif. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Péréquation
M. Jean-Michel Baylet . - Hier, à l'initiative des radicaux et du président du groupe du RDSE, Jacques Mézard, de nombreux sénateurs de plusieurs groupes, dont le président du Sénat lui-même, ont interpellé le Premier ministre pour dénoncer les modifications des critères de répartition des fonds départementaux de péréquation.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - La faute à qui ?
M. Jean-Michel Baylet. - Quelques députés ont en effet subrepticement introduit par amendement de nouveaux critères pour favoriser leurs propres collectivités. (Exclamations ironiques à droite)
Chers collègues de l'opposition, étant donné la manière dont vous avez traité les collectivités territoriales, vous n'avez pas de leçon à nous donner ! (Mêmes mouvements ; applaudissements à gauche)
Curieuse conception de la péréquation et de la justice fiscale : ces nouveaux critères profitent surtout aux départements les plus riches et les plus peuplés, au détriment des autres, les deux tiers, qui connaissent déjà d'immenses difficultés. Ce n'est pas notre conception de l'égalité des territoires, ni la vôtre, ni celle du président de la République. Compte tenu des engagements de campagne, la péréquation constitue la base de la justice territoriale.
Il n'est plus possible de revenir sur cette injustice, puisque le budget a été définitivement adopté ce matin par les députés, mais le Premier ministre, qui nous a entendus, semble prêt à annuler le dispositif. Madame la ministre, quand et à quelle occasion le Parlement pourra-t-il se prononcer sur ces questions essentielles pour les territoires ? Les sénateurs et les élus locaux pourront-ils recevoir l'assurance d'une péréquation équitable ? (Applaudissements sur les bancs socialistes, du RDSE et sur quelques bancs UMP)
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique . - Le débat sur plusieurs dispositions d'aide aux territoires les plus en difficultés a été riche. Un fonds d'urgence de 170 millions a été créé par le Gouvernement ; le débat sur les critères d'attribution de ce fonds a eu lieu : il importe maintenant de s'atteler à la mise en place de ce fonds.
Le fonds de péréquation de la CVAE à fait l'objet de travaux du comité des finances locales. Le Gouvernement a proposé un dispositif équilibré, conformément à la volonté forte de la gauche et du Sénat d'introduire des critères de justice, tenant compte des charges des collectivités.
Pour les critères de répartition du fonds de péréquation des DMTO, la logique est la même : nous avons introduit des critères de charges et de revenus moyens. Des modifications sensibles introduites à l'Assemblée nationale n'ont pu être examinées par votre Haute assemblée à cause du rejet de la première partie de la loi de finances, entraînant le rejet du texte et le non-examen de la deuxième partie. (« Eh oui ! » à droite)
Les premières simulations du fonds DMTO ont suscité beaucoup d'inquiétudes au Sénat ; nous les avons entendues. Je confirme l'engagement solennel du Premier ministre : les fonds de péréquation de la CVAE et des DMTO seront réexaminés aussi vite que possible au cours du premier semestre 2013 ; il nous reste à trouver un véhicule législatif. Vos arguments sont pertinents, monsieur Baylet, mais il faudra aussi parler de péréquation verticale. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs socialistes)
Réforme des scrutins électoraux
M. Roger Karoutchi . - (« Ah ! » à gauche) Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, mais c'est un bonheur d'entendre Mme Lebranchu.
Les Français sont touchés par de grands problèmes : fiscalité, sécurité, chômage... Le Gouvernement agit peu en ces domaines mais que de créativité électorale ! Un président de groupe de notre noble assemblée, appartenant à la majorité présidentielle, a d'ores et déjà annoncé que les prochaines sénatoriales donneraient quatre sièges de plus pour la gauche ; certains disent maintenant que la réforme des élections cantonales désavantagerait les territoires ruraux. On nous annonce la proportionnelle pour les législatives, une réforme des intercommunalités, une réforme du scrutin européen... Toujours pas de réforme économique de fond mais une capacité d'initiative pour garder le pouvoir par des réformes électorales absolument incontestable !
M. Jean-Pierre Michel. - Ce n'est pas vrai !
M. Alain Gournac. - Du calme !
M. Jean-Pierre Michel. - C'est scandaleux ! Et Marleix ?
M. Roger Karoutchi. - Laissez les électeurs tranquillement exprimer leur opinion au travers des systèmes électoraux en place ; faites une pose dans les réformes électorales et consacrez vous aux réformes économiques et sociales ! Nous attendons du Gouvernement l'assurance que nous n'irons pas vers des réformes électorales au pas de charge, qui seraient d'ailleurs sanctionnées par le Conseil constitutionnel ! (Applaudissements sur les bancs UMP ; protestations à gauche)
M. Didier Guillaume. - Le pas de charge, vous en êtes spécialistes !
M. David Assouline. - Le pas de charge, c'était Sarko !
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique . - Le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux et modifiant le calendrier électoral, adopté hier par votre commission des lois...
M. Jean-Pierre Sueur. - Tous les articles ont été adoptés !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - ...prévoit en effet de reporter en 2015 les futures élections départementales et régionales. Avec l'abrogation du conseiller territorial, on se retrouvait avec cinq élections en 2014 et trois élections le même jour en mars : c'est impossible à organiser pour de petites communes rurales.
M. Didier Guillaume. - Absolument !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Comme vous le savez, 96 % du corps électoral des élections sénatoriales est aujourd'hui composé des seules communes, soit 142 000 sur 148 000 membres du collège électoral ; ils seront bien élus en mars 2014. Les conseillers généraux représentent 2,7 % de ce collège et les conseillers régionaux 1,2 %. C'est donc un nombre très faible au regard du collège électoral sénatorial ! (Protestations sur les bancs UMP) Le projet de loi, en décalant les élections à 2015, se rapprochera de la durée normale des mandats, qui est de six ans, alors que le gouvernement précédent avait...
M. Gérard Larcher. - Par la loi !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - ...organisé un raccourcissement artificiel des mandats à quatre et trois ans. Le nouveau calendrier correspond donc à un retour à la durée normale des mandats que vous devriez applaudir.
M. Alain Gournac. - Ce sont des combines ! Ce n'est pas bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Soyez assurés de la parfaite régularité constitutionnelle de ce renouvellement ! Les réformes du précédent gouvernement n'étaient pas anodines.
S'il n'y avait pas eu besoin de redresser le pays, nous n'aurions pas autant de travail ! (Protestations sur les bancs UMP, applaudissements à gauche)
Réforme des retraites
M. Jean Boyer . - Les chiffres sont inquiétants : le besoin de financement des principaux régimes atteignait 14 milliards d'euros en 2011 et s'élèvera à 18,8 milliards en 2017.
Toutes les réformes, jusqu'ici, se sont fondées sur des hypothèses trop optimistes. Nous connaissons la dégradation du rapport entre les actifs et les retraités mais aussi l'allongement de l'espérance de vie, à la fois bienvenue et dangereuse pour l'équilibre de nos régimes de retraite.
Les marges de manoeuvre sont très étroites. Des inégalités demeurent entre les pensionnés du secteur privé et ceux des services publics...
M. Alain Gournac. - Hou la !
M. Jean Boyer. - ...et il faut engager une réforme structurelle, par exemple avec un système à points. Madame la ministre, merci de votre réponse. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Le rapport du conseil d'orientation des retraites fait état de perspectives financières préoccupantes mais il faut distinguer le court terme -la fin de la décennie- et le long terme, à l'horizon 2030-2040.
Le constat est sans appel pour la réforme engagée par le précédent gouvernement, qui prévoyait un retour à l'équilibre en 2018. Or, le déficit devrait être de 20 milliards d'euros. Des mesures ont été prises dans la loi de financement de la sécurité sociale, avec les ressources nouvelles affectées aux régimes de retraite et au fonds de solidarité vieillesse (FSV), ce qui prouve notre esprit de responsabilité.
Au-delà, les perspectives sont un peu plus optimistes, grâce à notre démographie -qui n'est pas celle de l'Allemagne.
Nous attendons le second rapport ...
M. Alain Gournac. - Encore un rapport !
Mme Marisol Touraine, ministre. - ...comme prévu, fin janvier, sur l'équité entre les régimes, la pénibilité, la retraite des femmes. Viendra alors une concertation avec les organisations syndicales. La réforme doit à la fois garantir l'équilibre financier et assurer plus de justice -comme nous l'avons déjà fait pour les carrières longues dont les titulaires peuvent partir à la retraite à 60 ans. Toutes les propositions seront mises sur la table. (Applaudissements à gauche)
Accès aux soins dans les zones rurales
M. Alain Fauconnier . - L'Aveyron, comme beaucoup d'autres départements, est confronté au problème des déserts médicaux. Le maillage hospitalier a été préservé de haute lutte mais la situation reste fragile, en raison d'une T2A inadaptée à ces structures. Le président de la République a pris des engagements, en particulier sur le temps d'accès aux soins de premier secours. Ne décevez pas les attentes des populations qui ont beaucoup souffert de la politique du gouvernement précédent !
Dans votre pacte santé-territoires, pour favoriser l'installation, vous préférez l'incitation à la contrainte. Bien des collectivités territoriales s'y sont engagées depuis longtemps, sans grand succès Quel rôle entendez-vous réserver, dans ce contexte, à l'hôpital public ? (Applaudissements à gauche)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Oui, des départements comme l'Aveyron sont confrontés à la désertification médicale mais les territoires ruraux ne sont pas seuls concernés. Les grandes villes y sont aussi confrontées.
Le Gouvernement a pris la question à bras-le-corps. Il y va de l'égalité d'accès aux soins : 2 millions de Français de plus, en cinq ans, se trouvent dans des déserts médicaux.
Je suis persuadée que les mesures coercitives seraient vite contournées. L'essentiel ne réside pas dans l'incitation financière mais dans la capacité à proposer des conditions d'exercice renouvelées aux professionnels qui souhaitent travailler en liaison avec les hôpitaux et les autres professionnels de santé. C'est pourquoi le pacte santé-territoires repose sur trois axes : la rénovation des études médicales, la rénovation de la pratique pour encourager les regroupements et valoriser la rémunération forfaitaire et l'investissement dans les zones rurales. L'hôpital sera préservé car on ne conçoit pas que des professionnels libéraux s'installent là où le service public se retire. (Applaudissements à gauche)
Décision du Conseil constitutionnel sur le droit local alsacien
M. André Reichardt . - Le 30 mars, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l'article 100-f du code professionnel d'Alsace-Moselle, qui fonde le droit local de l'artisanat et a permis à l'Alsace de résister aux crises mieux que d'autres territoires. Elle doit même à l'artisanat et à ses corporations sa prospérité économique des dernières années. Question essentielle en un temps où l'on s'inquiète de la compétitivité hors coût.
Président de la commission d'harmonisation du droit local, j'envisage de déposer une proposition de loi pour recréer les organisations obligatoires d'artisans sans encourir la sanction du Conseil constitutionnel.
La question se pose du financement de ces organisations. Une imposition de toutes natures pourrait y pourvoir, mais la voie de la redevance est également possible.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour faciliter notre démarche ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme . - J'étais à Strasbourg lorsque la décision est tombée et je me suis entretenue avec les présidents des corporations, qui m'ont dit leurs inquiétudes. J'ai lancé une évaluation sur les conséquences en termes d'emploi et de financement de ces corporations. Je fais recenser toutes les dispositions de droit local qui pourraient être mises en cause en cas de nouvelle saisine. Il faut stabiliser le droit local au plus vite.
Je suis réservée sur votre proposition de loi parce que c'est le principe d'affiliation obligatoire, et non seulement son caractère onéreux, que le Conseil constitutionnel a censuré.
M. André Reichardt. - Mais non !
Mme Sylvia Pinel, ministre. - Le Conseil a légitimé l'existence de ces corporations. Il faut travailler à les rendre plus performantes...
M. André Reichardt. - Elles le sont !
Mme Sylvia Pinel, ministre. - ...pour qu'elles soient acceptées par tous. Aux artisans, aux chambres de métiers à faire des propositions pour le développement économique, la formation des apprentis : elles se rendront indispensables. Nous sommes déterminés à soutenir l'artisanat en Alsace-Moselle comme dans tout le pays. Je présenterai, fin février, un plan pour l'artisanat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Lutte contre l'évasion fiscale
M. Richard Yung . - L'évasion fiscale ne date pas d'aujourd'hui. L'ancienne majorité a voulu la combattre par le bouclier fiscal qui était financé par les contribuables en France.
M. Didier Guillaume. - Ça n'a pas marché !
M. Alain Gournac. - La faute à Sarko ?
M. Richard Yung. - Ce qu'il faut, c'est renforcer les moyens de lutte contre la fraude fiscale, comme le fait le projet de loi de finances rectificative, et non signer un chèque en blanc aux plus riches.
Un fait divers et un échange d'amabilités ont défrayé récemment la chronique...
M. Alain Gournac. - Maladroit !
M. Richard Yung. - C'est peu de choses avant la « fin du monde »... (Rires)
Jeter son passeport par dessus les moulins ne règle rien et ne fait pas perdre la nationalité française. Les sommes qui ont été indiquées, si elles sont vraies, découlent de la politique fiscale de M. Sarkozy. (Exclamations à droite) L'engagement UMP de l'acteur concerné ne doit pas faire attribuer à M. Ayrault ce qu'il devrait reprocher à M. Fillon. (Applaudissements à gauche, protestions sur les bancs UMP)
Le vrai problème est celui du dumping fiscal. Comment développer la convergence dans l'Union ? Les conventions fiscales avec la Suisse, le Luxembourg, la Belgique doivent être revues, comme l'avait promis le candidat François Hollande : selon quel calendrier et quelles modalités ? (Applaudissements à gauche)
M. Alain Gournac. - La Belgique paiera !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget . - En 2006, le quitus fiscal a été supprimé par M. Copé (« Ah ! » à gauche), on ne peut donc plus faire d'évaluation après cette date. La grande majorité des expatriés l'ont été pour des raisons professionnelles, qu'ils aient trouvé ou cherché un emploi à l'étranger. Pour le reste, après 1996, avec le plafonnement du plafonnement par M. Juppé, des départs importants ont eu lieu.
Entre 2002 et 2006, avec une politique fiscale plus accommodante, ce fut pareil : le nombre d'expatriations fiscales a été multiplié par deux fois et demie. Quand au bouclier fiscal, qui devait provoquer des impatriations, il n'a rien changé : on estime de 750 à 850 le nombre d'expatriations par an.
On ne peut donc imputer les expatriations à la seule fiscalité. Il n'en faut pas moins réagir pour éviter que ceux qui s'expatrient s'exonèrent de leurs obligations fiscales à l'égard du pays où ils sont nés, où ils se sont formés et où certains ont fait fortune. Reste que, pour certains, il y aura toujours des raisons de partir car ils estiment toujours qu'ils paient trop d'impôts. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et écologistes)
Syrie
Mme Christiane Kammermann . - La Syrie est à feu et à sang. La brutalité de la répression conduite par le régime nourrit la radicalisation religieuse dans un pays qui est la clé de voûte du Moyen-Orient. 400 000 Syriens se sont réfugiés à l'étranger, dont 100 000 au Liban, ce qui constitue une lourde charge pour les pays d'accueil. Le conseil de sécurité de l'ONU n'a pas pris de résolution en raison du veto chinois et russe. Lakhdar Brahimi, le médiateur de l'ONU, a fait des propositions sans résultat... La conférence des amis du peuple syrien signe l'engagement de la communauté internationale que prolonge la réunion de Marrakech du 12 décembre.
Comment la France voit-elle la transition ? Celle-ci peut-elle être négociée ? Quel soutien aux populations ? Comment la France peut-elle aider la coalition à se structurer ? Va-t-elle la reconnaître comme le gouvernement légitime de la Syrie ? Quelles répercussions sur le Liban ? Si la situation se dégradait encore, comment seraient protégés nos compatriotes ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes . - Merci de rappeler le drame qui se joue en Syrie, où un régime martyrise son peuple : 40 000 morts, 500 000 déplacés, 2 à 4 millions de Syriens menacés par un drame humanitaire.
Mais il y a des raisons d'espérer, prudemment. La situation militaire est nouvelle : la coalition s'est dotée d'une organisation dirigée par un chef d'État major, qui conduit des opérations jusqu'aux portes de Bagdad. La pression est forte sur Bachar el-Assad. La Russie commence à considérer son départ comme inévitable. Cela peut aider à approfondir les échanges diplomatiques. Comment, cependant, agir sans attendre ? Nous sommes les premiers à avoir reconnu la coalition nationale comme gouvernement alternatif légitime. La conférence des amis du peuple syrien a conduit les États-Unis à reconnaître cette coalition. Nous sommes sur la bonne voie. Il faut poursuivre nos efforts pour que les pays qui hésitent encore à nous rejoindre le fassent et éviter la déstabilisation de toute la région. (Applaudissements à gauche)
Grand Paris
M. Philippe Kaltenbach . - Le rapport sur le Grand Paris express vient d'être rendu. Il dénonce les approximations du précédent gouvernement. (Exclamations à droite)
Devant l'ampleur de la sous-évaluation du coût, un nouveau phasage sera nécessaire. Les élus locaux ont fait part de leurs inquiétudes. Il faut éviter un saucissonnage. Au Sud est, quid de l'interopérabilité de la ligne rouge et de la ligne orange ? Du triangle de Gonesse au nord est ? De la desserte de Nanterre à l'ouest ?
M. Gérard Larcher. - De Mantes-la-Jolie ?
M. Philippe Kaltenbach. - 10 milliards d'euros de surcoût : c'est une des bombes à retardement laissées par Nicolas Sarkozy. Pour réussir le Grand Paris express, il faudra aussi dégager des ressources. Pouvez-vous rassurer les élus, qui souhaitent être associés, sur le phasage et le financement ? (Applaudissements à gauche)
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement . - J'ai diligenté ce rapport pour évaluer le coût réel du Grand Paris, en particulier sur les points que vous avez rappelés.
Pour tenir l'échéance de 2026, il faudrait 10 milliards supplémentaires et réaliser 18 kilomètres de métro par an, objectif intenable et jamais réalisé en aucun pays. Telle est la vérité. Je veux cependant rassurer les élus et les habitants : le Grand Paris se fera, le premier ministre l'a confirmé. L'État apportera son financement mais il faut prioriser, en menant la concertation avec les élus pour développer les territoires et désenclaver ceux qui, comme Clichy-sous-Bois, attendent depuis quarante ans.
M. Alain Gournac. - Et Mantes-la-Jolie !
Mme Cécile Duflot, ministre. - Nous remettrons à niveau les transports en commun existant dans les zones qui ne seront pas prises en compte dans les prochaines années. Je ne me laisserai pas entraîner dans de vaines polémiques. Je veux agir avec sérieux et méthode en disant la vérité. (Applaudissements à gauche)
La séance, suspendue à 16 h 5, reprend à 16 h 15.