SÉANCE
du jeudi 13 décembre 2012
38e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président
Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Gérard Le Cam.
La séance est ouverte à 9 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Bisphénol A (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.
Discussion générale
Mme Patricia Schillinger, rapporteure de la commission des affaires sociales . - Nous avons longuement débattu de ce texte le 9 octobre dernier. Rappelons le contexte : le bisphénol A (BPA) est très largement utilisé dans les produits de la vie courante. D'après les études de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en 2011 et en 2012, il existe un consensus sur la toxicité du bisphénol A chez l'animal -elle est suspectée chez l'homme ; sur le fait que l'alimentation est la source principale d'exposition ; sur les effets à faible dose du produit ; et sur la vulnérabilité particulière des femmes enceintes ou allaitantes et des nourrissons.
Quelles sont les modifications apportées par l'Assemblée nationale ? D'abord, la date qui nous avait beaucoup occupés. Par prudence, les députés ont retenu le premier jour du premier mois suivant la promulgation de la loi, quand nous avions fixé au 1er janvier 2013 l'interdiction pour tous les conditionnements alimentaires destinés aux enfants de 0 à 3 ans. Pour les autres conditionnements, le Sénat, peut-être dans sa légendaire sagesse, avait retenu la date du 1er juillet 2015. Pour autant, les industriels ont largement anticipé cette évolution -preuve de l'utilité de nos débats parlementaires. L'Assemblée nationale est revenue à la date volontariste que je défendais, à savoir le 1er janvier 2015. Nous pouvons d'autant plus l'accepter que les députés ont circonscrit le champ aux conditionnements en contact direct avec les produits alimentaires.
En outre, le Gouvernement devra remettre avant le 1er juillet 2014 un rapport évaluant les substituts possibles au bisphénol A, ce qui permettra si nécessaire une évolution de la législation. L'Assemblée nationale a enfin confirmé l'habilitation des agents de la répression des fraudes au contrôle de ces dispositions et l'avertissement sanitaire que nous voulions.
En revanche, ils ont supprimé, au motif que son champ était trop large, l'extension de la suspension, proposée par Mme Jouanno, à tous les dispositifs médicaux à destination des femmes enceintes ou allaitantes et des enfants en bas âge contenant des substances cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques, les fameux CMR. Le tableau des CMR publié au Journal officiel de l'Union européenne comporte plus de mille pages... Mieux vaut en rester là d'autant qu'un rapport viendra.
L'Assemblée nationale a circonscrit le champ de la mesure plus ciblée, introduite par M. Barbier, pour interdire au 1er juillet 2015 l'utilisation, dans les services de pédiatrie, de néonatalogie et de maternité, de matériels de nutrition parentérale et de tubulures contenant certains phtalates. Les députés ont limité cette disposition aux dispositifs contenant le seul DEHP.
En outre, l'Assemblée nationale a ajouté deux interdictions : l'utilisation du BPA pour les collerettes des tétines, sucettes et anneaux dentaires et les biberons contenant du bisphénol A dans les établissements de santé.
Le rapport voulu par les Verts sur les perturbateurs endocriniens nous renseignera et permettra d'actualiser nos connaissances.
La navette parlementaire a été fructueuse. Adoptons ce texte sans modifications pour qu'il entre en vigueur sans délai. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille . - Je vous prie d'excuser l'absence de la ministre de la santé.
Ce texte n'a qu'un objectif : la sécurité de nos concitoyens. Il ne s'agit pas de sanctionner : quand la santé est en jeu, les intérêts privés doivent passer à l'arrière-plan. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont voté en 2010 l'interdiction du bisphénol A dans les biberons. La même année, une étude a montré l'existence d'un lien entre le BPA et certaines pathologies ; une autre, en 2011, que les femmes enceintes ou allaitantes et les enfants en bas âge étaient les plus vulnérables au BPA. On sait que le BPA peut migrer vers les produits alimentaires. Dans ce contexte scientifique, il serait irresponsable de ne pas agir.
Ce texte, déposé il y a un an par M. Bapt et cosigné notamment par M. Jean-Marc Ayrault, vise à interdire le bisphénol A dans la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché de conditionnements alimentaires utilisant du bisphénol A. Ce faisant, la France sera pionnière en Europe : le bisphénol A est un produit potentiellement toxique pour tous nos concitoyens. Nous avons procédé par étapes : la date du 1er janvier 2013 pour les produits à destination des enfants de moins de 3 ans, deux ans après pour tous les contenants alimentaires, le temps de trouver des substituts.
Avec la Conférence environnementale, ce Gouvernement a posé les bases de la démocratie environnementale : une méthode et un calendrier pour éliminer les risques que présentent les substances mutagènes, cancérogènes, reprotoxiques et les perturbateurs endocriniens. Nous devons progresser dans les recherches, au niveau national comme à l'échelle européenne.
Cela dit, pour certains produits, nous ne pouvons plus attendre. Ainsi, à l'article 3, l'Assemblée nationale a décidé d'interdire les tubulures contenant du phtalate DEHP dans les services de pédiatrie, néonatologie et maternité. Un substitut existe et il n'est pas nocif. Le Gouvernement s'est saisi du sujet des dispositifs médicaux ; c'est un signal fort envoyé aux industriels pour qu'ils mènent rapidement des travaux sur les produits de substitution : ce texte marque la fin du laissez-faire.
La prévention des risques sanitaires de l'environnement est un axe majeur de la politique de santé du Gouvernement. Un groupe de travail sur les perturbateurs endocriniens rendra ses conclusions avant juin 2013. Les actions seront priorisées, nous ne pouvons pas nous circonscrire au bisphénol A ; il faudra mener le travail sur les phtalates et rechercher des substituts, tous les perturbateurs endocriniens doivent faire l'objet de notre attention.
Notre priorité est la protection de nos concitoyens : adoptons ce texte conforme sans tarder ! (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Deroche . - Le bisphénol A représente un danger sanitaire à haute température et au contact d'un aliment, tel un biberon de lait réchauffé au micro-ondes. D'où la proposition de loi du 30 juin 2010, dont l'initiative revient au Sénat, pour protéger en urgence une population fragile, les nourrissons et enfants de moins de 3 ans dont le système hormonal est encore immature.
Pour ce texte, la situation est différente : d'une part, il interdit l'utilisation du BPA, chauffé ou non, au contact des produits alimentaires ou non ; d'autre part, l'innocuité des substituts n'est pas encore garantie. Il faut donc ménager une période transitoire afin que les industriels puissent s'adapter. Je me réjouis donc de l'alinéa 6 ajouté à l'article premier par les députés. Je me réjouis également du rapport demandé au Gouvernement sur les substituts. Ne nous précipitons pas au risque de prononcer une suspension qui serait contre-productive.
Nous soutenons le compromis trouvé sur les dates, ainsi que l'article 4. Le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements à droite)
Mme Isabelle Pasquet . - La protection de nos concitoyens est un impératif politique et sanitaire qui découle du principe de précaution à valeur constitutionnelle. Cela aurait dû nous conduire à une position moins frileuse. Dès 2010, il aurait fallu interdire l'utilisation du bisphénol A dans tous les conditionnements alimentaires et ne pas repousser les délais.
Dans ces circonstances, nous sommes déçus devant le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale. La restriction de l'interdiction du recours au bisphénol A dans les conditionnements en contact direct avec des produits alimentaires était une demande du secteur agro-alimentaire ; elle ne saurait nous satisfaire. La recherche sur les substituts est une nécessité ; les pouvoirs publics l'accompagneront-ils ? Y participeront-ils ? Elle ne doit pas rester entre les mains des industriels.
La proposition de Mme Jouanno d'interdire les dispositifs médicaux contenant des substances CMR dès le 1er janvier 2015 était peut-être trop ambitieuse, mais pourquoi la supprimer purement et simplement ? Le Gouvernement peut-il nous rassurer sur ses intentions ? Idem sur la limitation apportée à la proposition de M. Barbier : seul le DEHP sera interdit dans les tubulures utilisées dans les services de néonatologie, maternité et pédiatrie.
Certes, il est difficile de parvenir à un équilibre, légiférer sur le fondement du principe de précaution n'est pas aisé. Pour autant, ce texte marque un progrès. La loi de 2010 avait fait bouger les lignes : trois autres pays européens nous ont suivis. Puisse ce nouveau texte en faire de même.
Le groupe CRC votera le texte de l'Assemblée nationale. (Applaudissements à gauche)
M. Vincent Capo-Canellas . - L'objectif est consensuel. La question n'est pas de savoir si nous devons adopter ce texte, mais selon quelles modalités.
D'autres, avant moi, ont rappelé l'état des connaissances scientifiques sur la toxicité du bisphénol A. Après le texte de 2010, cette proposition de loi interdit le recours au bisphénol A pour les conditionnements destinés aux nourrissons dès le premier jour du premier mois suivant la promulgation du texte et étend cette suspension à tous les produits au 1er janvier 2015. Auparavant, un rapport d'étape sera l'occasion de faire le point sur cette question. Je me réjouis de ces dispositions pragmatiques.
Qu'en est-il pour les dispositifs médicaux ? Pour nous, il faut maintenir la proposition de Mme Jouanno, en pointe sur ces questions depuis son passage au ministère de l'écologie. Lors de la conférence environnementale, le Gouvernement a pris peu d'engagements à ce sujet, si ce n'est celui de la ministre de l'écologie. Il faut approfondir les recherches, on en sait encore trop peu sur les effets cocktail ou à long terme de ces substances.
Oui, il faut agir au niveau national comme à l'échelon européen pour réduire l'exposition de nos concitoyens aux perturbateurs endocriniens. N'oublions pas les effets sur la concurrence. La demande d'inscription du bisphénol A dans Reach et un rapport en février prochain sur la protection des populations vont dans le bon sens. Pourtant, la France doit pousser la Commission européenne à agir plus vite pour lutter contre les phtalates, les perturbateurs endocriniens, les substances mutagènes, cancérogènes et reprotoxiques.
Ce texte est un signal fort, poursuivons dans cette voie.
M. Gilbert Barbier . - À ce stade, il est inutile de justifier le bien-fondé de ce texte : le doute, au nom du principe de précaution, doit suffire à interdire une substance. Du reste, le RDSE avait été à l'initiative de la loi du 30 juin 2010, que le Sénat avait restreinte aux biberons, et que l'Europe avait reprise. Depuis, des études scientifiques ont prouvé la toxicité des CMR, je l'ai vu en conduisant un rapport pour l'Opecst.
C'est dire que je partage la préoccupation des auteurs de la proposition de loi. Je regrette toutefois que les députés aient réduit ma proposition au DEHP et aux tubulures. Quid des contenants, comme les poches plastiques, et les autres phtalates ?
Il n'y a plus à tergiverser ; au reste, les industriels ont largement anticipé cette interdiction. L'avertissement sanitaire devrait être plus gros pour être efficace ; voyez le logo pour l'alcool chez les femmes enceintes.
En revanche, j'ai une objection concernant la date du 1er janvier 2015 pour l'interdiction totale. Certes, il y a Nestlé. Mais cette entreprise ne met pas en boîte du cassoulet de Castelnaudary... Il ne sera pas facile de trouver des substituts, en particulier pour les produits acides. J'en appelle, madame la ministre, à fixer une date réaliste pour plus d'efficacité.
Mme Aline Archimbaud . - La dangerosité du bisphénol A n'est plus une hypothèse : plus de 700 études, dont 95 % sont concordantes, décrivent ses effets délétères sur la qualité du sperme ou le métabolisme du glucose, montrent qu'il augmente les risques de cancer et, surtout, que ses effets sont héréditaires et transgénérationnels.
Nous saluons donc cette proposition de loi. Certes, elle exclut, depuis son passage à l'Assemblée nationale, les dispositifs médicaux et les conditionnements qui ne sont pas directement en contact avec un produit alimentaire. Néanmoins reconnaissons qu'elle comporte une grande avancée : le rétablissement de la date initiale de l'interdiction pour tous les conditionnements, soit le 1er janvier 2015. Autre motif de satisfaction, le rapport sur les substituts que le Gouvernement doit remettre pour le 1er juillet 2014. Des substituts existent d'ores et déjà, leur liste est longue depuis les briques Tetra Pak, le copolyester Tritan jusqu'aux films en PET. Enfin, l'interdiction du bisphénol A dans les tétines et autres sucettes.
Si je regrette que l'on ait écarté la proposition de Mme Jouanno, il faut adopter ce texte sans modifications afin qu'il entre rapidement en vigueur. Ce texte n'est qu'une étape, il ne nous empêche pas de poursuivre le combat sur les perturbateurs endocriniens. Une étude d'un chercheur de l'Institut de veille sanitaire, M. Matthieu Rolland, publiée le 5 décembre dernier, a montré une chute de 32 % du taux de concentration des spermatozoïdes dans les pays industrialisés entre 1989 et 2005 ; cette chute peut être liée à des facteurs environnementaux, dont les perturbateurs endocriniens. Le rapport prévu à l'article 4 est bienvenu, de même que la mise en place du groupe de travail annoncée par le Gouvernement. Nous serons vigilants. (Applaudissements à gauche)
M. Bernard Cazeau . - Je veux remercier M. Bapt pour son initiative. Ce texte a pris sa forme définitive : le mot suspension souligne sans équivoque notre volonté d'appliquer le principe de précaution en matière de santé publique.
En 2010, un rapport du ministre de la santé du Canada démontrait la présence de traces de BPA dans 91 % de la population. La liste des effets suspectés de cette substance est longue et inquiétante. L'absence de certitudes ne doit pas retarder la mise en place d'une politique de prévention.
En première lecture, le Sénat avait précisé l'interdiction du BPA dans les emballages alimentaires. L'Assemblée nationale n'a pas remis en cause notre texte, si ce n'est qu'elle a avancé cette interdiction de six mois, au 1er janvier 2015, ce qui d'ailleurs était la position du groupe socialiste du Sénat en première lecture. Le compromis est acceptable, d'autant que les entreprises pourront faire face : elles n'ont pas attendu l'adoption de ce texte pour travailler sur des substances alternatives et innovantes. Il s'agit d'une chance pour notre industrie, car d'autres pays commencent à envisager d'interdire le BPA. Pensez-vous que les consommateurs espagnols et italiens soient moins attentifs et vigilants que les Français ?
L'Assemblée nationale a adopté deux mesures de compromis : seuls les conditionnements entrant en contact direct avec les aliments seront concernés. Le Gouvernement remettra, avant le 1er juillet 2014, un rapport pour évaluer les substituts possibles au BPA, en fonction duquel nous adopterons, si besoin est, notre législation. Il serait déraisonnable de rouvrir le débat sur les dispositifs médicaux.
M. Gilbert Barbier. - Et pourtant !
M. Bernard Cazeau. - Plus de 400 molécules étaient visées. En raison du champ trop large, l'Assemblé nationale a estimé que nous risquions de nous priver des dispositifs médicaux indispensables. Il nous faudra revenir sur cette question à l'avenir. Ne nous précipitons donc pas et cherchons la meilleure solution. M. Barbier voulait interdire trois catégories de phtalates dans les services de maternité. Pour l'un des trois, le DEHP, il existe un substitut possible. Pour les deux autres, le rapport prévu à l'article 4 nous dira l'état de la recherche.
Nous devons voter ce texte conforme pour qu'il entre en vigueur rapidement. (Applaudissements à gauche)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée . - Je veux remercier tous les orateurs. Nous partageons tous le même objectif. Il s'agit effectivement d'une avancée notable et Mme la ministre saura porter devant ses collègues européens les engagements qu'elle a pris devant vous. Merci à Mme la rapporteure pour son travail.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
Les amendements nos2, 10 et 4 ne sont pas défendus.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Barbier.
Alinéa 4
Supprimer les mots :
, l'exportation
M. Gilbert Barbier. - Il faudrait autoriser l'exportation de produits contenant du BPA qui est toujours utilisé à l'étranger, afin de ne pas défavoriser nos entreprises.
Mme Patricia Schillinger, rapporteure. - La commission était opposée à cet amendement en première lecture. Comment exporter des substances que nous estimons toxiques en France ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Il s'agit d'une question d'éthique : on ne peut pas exporter des produits dangereux. Avis défavorable.
M. Gilbert Barbier. - Je comprends l'argument et retire mon amendement. Mais les PME seront pénalisées.
L'amendement n°9 est retiré.
L'amendement n°5 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Aïchi.
Alinéa 5
Remplacer l'année :
2015
par l'année :
2014
Mme Leila Aïchi. - Il convient de rétablir la date d'application de la mesure de suspension fixée au 1er janvier 2014 dans le texte transmis en première lecture par l'Assemblée nationale.
Un report prolongera le problème sanitaire.
Nous nous exposons à un désastre sanitaire car le BPA induit de graves maladies. Comment accepter que des femmes enceintes ingèrent encore ces produits ? L'étude de l'INVS publiée le 5 décembre démontre ainsi que le nombre de cancers de la prostate a quintuplé entre 1978 et 2008, -celui des testicules et du sein- doublé.
Je ne comprends pas que des considérations économiques interviennent dans ce débat quand il y a urgence sanitaire. Il existe déjà des substituts. Pourquoi attendre encore ? Pourquoi ne pas privilégier les emballages en carton qui réduisent, de plus, les émissions de CO2 ? Ils sont utilisés en Italie, en Suède ; nous créerions des emplois.
L'amendement n°1 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par MM. Barbier, Mézard, Baylet, Collin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 5
Remplacer la date :
1er janvier 2015
par la date :
1er juillet 2015
M. Gilbert Barbier. - Si on maintient le terme « comportant du BPA », certains produits continueront à être utilisés alors qu'ils en contiennent.
M. Cazeau a parlé des matériels médicaux. Pendant des années, le verre servait de contenant pour le sang. Certes, c'était moins pratique que les poches plastiques, mais interdire le BPA dans les tubulures et pas dans les contenants, c'est tout de même curieux.
Cet amendement repousse la date de l'interdiction de six mois afin de laisser aux entreprises le temps de s'adapter.
Mme Patricia Schillinger, rapporteure. - M. Barbier souhaite repousser la date et Mme Aïchi l'avancer. La commission vous propose de maintenir la date en l'état, ce qui est déjà une avancée ambitieuse. Il serait dommage de repousser la date d'adoption de ce texte. De plus, le Gouvernement pourra toujours autoriser certaines opérations s'il n'y a pas de solutions alternatives. Avis défavorable aux deux amendements.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Je partage ces arguments. L'Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à un compromis. L'urgence est de voter cette loi le plus vite possible. Retrait des deux amendements ?
Mme Leila Aïchi. - Je maintiens mon amendement. À juste titre, Mme la ministre a souligné dans son intervention la nocivité du BPA ; à juste titre elle a rappelé les effets de cette substance sur la reproduction humaine.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
M. Gilbert Barbier. - Je comprends la nécessité de trouver un compromis. Reste que les industriels devront s'adapter rapidement aux nouveaux conditionnements. Je compte sur vous, madame la ministre, pour les y aider.
L'amendement n°8 est retiré.
L'article premier est adopté.
Article 2
Les amendements n°s3 et 11 ne sont pas défendus.
L'article 2 est adopté.
Article 3
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme Jouanno et les membres du groupe UCI-UC.
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 5214-1. - Sont suspendues à compter du 1er juillet 2015 la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout dispositif médical destiné aux femmes enceintes, aux femmes allaitantes, aux nourrissons ou aux enfants jusqu'à trois ans comportant :
« 1° soit une des substances définies comme cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques de catégorie 2 au sens de la partie 3 de l'annexe VI du règlement CE n°1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n°1970/2006 ;
« 2° soit un perturbateur endocrinien présentant de probables effets sérieux pour la santé humaine, identifié dans les conditions fixées à l'article 59 du règlement (CE) n°1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n°793/93 du Conseil et le règlement (CE) n°1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission.
M. Vincent Capo-Canellas. - Cet amendement reprend la proposition n°10 de la mission commune d'information portant sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique, présidée par Mme Jouanno. Il interdit l'ensemble des substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR de catégorie 2) et perturbateurs endocriniens dans les dispositifs médicaux destinés aux nourrissons, jeunes enfants et femmes enceintes.
Les dispositifs médicaux ne sont pas moins dangereux que des jouets ou des conditionnements pour la santé de nos concitoyens, pouvait-on lire dans le rapport de la mission adopté à l'unanimité. M. Barbier, au nom de l'Opesct, ne disait pas autre chose.
Il est temps d'agir : pourquoi maintenir le BPA dans les dispositifs médicaux ?
Enfin, l'argument de la réunion de la CMP, qui retiendrait l'entrée en vigueur de la loi, est de faible portée : n'est-ce pas pour éviter le débat ? (M. Gilbert Barbier applaudit)
Mme Patricia Schillinger, rapporteure. - Le Sénat avait adopté cet amendement en première lecture. Le rapport de la mission d'information présidée par Mme Jouanno a démontré qu'il fallait créer les conditions d'une vraie sécurité. L'article 4 prévoit d'ailleurs un rapport du Gouvernement sur les perturbateurs endocriniens. C'est à partir de ce rapport que nous pourrons agir. Le champ de cet amendement est trop large : il vise tous les dispositifs médicaux : nul n'est capable de dire combien de dispositifs sont concernés. En outre, un hôpital aurait bien du mal à distinguer ceux qui ne concernent que les services de pédiatrie. L'Assemblée nationale parle de 400 dispositifs, mais j'estime qu'il s'agit plutôt de 6 000 d'entre eux. Le litium ne fait-il pas partie de ces substances ? Devrons-nous l'interdire alors qu'il est présent tant dans les batteries que dans certains médicaments. Autant il est possible de se passer d'un jouet ou d'un emballage, autant il est beaucoup plus délicat de refuser un dispositif médical qui peut sauver des vies.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Je respecte l'amendement de Mme Jouanno, qui soulève des questions importantes. Mais cette disposition est imprécise : son champ d'application est trop large. Nous ne connaissons pas toutes les alternatives : quels substituts ? Sont-ils sans danger pour la santé ?
Ce texte démontre la volonté du Gouvernement d'avancer sur cette question avec l'interdiction du DEHP dans les tubulures, du bisphénol A dans les tétines et du biberon au bisphénol A comme dispositif médical. En l'état actuel, nous ne disposons pas des études suffisantes pour interdire dès maintenant certains dispositifs médicaux. Retrait ?
M. Vincent Capo-Canellas. - Si le champ de cet amendement est trop large, pourquoi ne pas le restreindre? Je ne comprends pas le refus du Gouvernement, d'autant que cet amendement avait été adopté en première lecture.
M. Bernard Cazeau. - L'amendement de Mme Jouanno reprend les préconisations du rapport dont j'étais le rapporteur. J'en approuve le principe. Il n'est néanmoins pas possible de changer de dispositifs médicaux aussi rapidement. Les procédures doivent être respectées. Je me range donc à l'avis de l'Assemblée nationale, de Mme la rapporteure et de Mme la ministre.
Certes, nous pourrions décider de notre propre législation sans attendre l'Europe, mais attendons la présentation des études à venir. Il est nécessaire d'envisager cette question de façon plus globale.
M. Gilbert Barbier. - J'admire les contorsions verbales de Mme la rapporteure et Mme la ministre. Il y a un instant, il y avait urgence : maintenant, il faut attendre.
Pourquoi ne pas appliquer le principe de précaution ? Les substances de remplacement existent, tant pour les tubulures que pour les contenants. Certes, la loi doit être votée rapidement, mais pour les prématurés, la teneur en BPA est de 100 à 500 fois supérieure à ce qu'elle est pour un adulte. La mission d'information a beaucoup travaillé, et je regrette que le Sénat repousse cet amendement.
Mme Nathalie Goulet. - Nous avons connu M. Cazeau plus audacieux, notamment sur les cabines de bronzage. (Sourires)
Sur cet amendement, j'observe que la date du 1er janvier 2015 n'est pas demain : cela laisse du temps...
Le vote conforme ne s'impose pas. Une CMP ? Et alors ? La sécurité sanitaire n'en souffrirait pas. Cet amendement pourrait être rectifié. Le refus du Gouvernement est un mauvais signal pour la sécurité sanitaire.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Sans être médecin, je sais l'importance d'apprécier le risque : si l'on veut supprimer un produit dans les instruments médicaux il faut être sûr que le substitut n'est pas plus néfaste encore. Or nous n'en savons rien.
Il ne s'agit pas d'un recul ; nous voulons supprimer tous les phtalates, mais prenons le temps d'évaluer les produits de substitution. Au nom du principe de précaution, nous risquons de prendre de nouveaux risques.
Mme Nathalie Goulet. - 2015 ! Deux ans, madame la ministre !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Sachons apprécier les risques que nous prendrions pour les actes médicaux lourds. Je souhaite le retrait de cet amendement.
Mme Patricia Schillinger, rapporteure. - Vous étiez chirurgien, monsieur Barbier. Le champ de cet amendement est bien trop large : comment contrôler l'interdiction de milliers de substances ? On prendrait un risque.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté, ainsi que l'article 4.
La proposition de loi est définitivement adoptée.
(Applaudissements)