Rappels au Règlement
M. Roger Karoutchi . - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 29 ter. Ce matin, le Premier ministre a annoncé à la radio qu'un nouveau texte sur le logement serait présenté au Parlement, avant même que le Conseil constitutionnel ait annoncé sa décision sur celui qui lui est soumis.
M. Philippe Marini. - C'est inédit !
M. Jean Bizet. - C'est le changement !
M. Roger Karoutchi. - J'ignorais que la rue de Montpensier était devenue le pavillon de musique des jardins de Matignon. (Applaudissements admiratifs à droite) Le Conseil constitutionnel a-t-il un porte-parole au Gouvernement ? Personnellement, je ne sais pas s'il décidera d'annuler le texte voté en septembre.
Et le Premier ministre d'annoncer cette annulation comme le résultat d'un « cafouillage parlementaire » ! (Exclamations à droite) C'est pourtant l'exécutif qui a précipité l'examen de ce texte, au point que la commission saisie au fond n'a pu élaborer un texte. Si responsabilité il y a, c'est bien celle du Gouvernement. Le Parlement a fait son travail, que le Gouvernement fasse le sien.
Je souhaite que le président du Sénat demande une rectification et je ne doute pas que le président de la République rappellera à l'ordre son Gouvernement, qui est à la disposition du Parlement, lequel est souverain en matière de loi. C'est la deuxième fois que le Conseil constitutionnel censure ce Gouvernement pour des pratiques qui n'ont pas lieu d'être.
M. Ayrault se récriait, en 2008, protestant que l'on ne respectait pas, alors, les droits du Parlement. Qu'il les respecte aujourd'hui. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Catherine Troendle . - Le président de la République et le Premier ministre ont mis en avant l'exigence de confiance mutuelle entre l'exécutif et les collectivités. Pourquoi n'a-t-il pas été fait droit, dans ces conditions, à ma demande que soit ouverte la séance de ce soir ? Nous resterons fermes sur nos positions, notamment relativement à l'article premier, clé de voûte de ce texte. Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir la montagne d'amendements déposés par le groupe socialiste : il sera impossible de faire aboutir l'examen de ce texte cet après-midi. Le groupe socialiste recourt à l'obstruction sur ce sujet essentiel, nous le déplorons. Et nous apprenons à l'instant que le groupe CRC a déposé une motion de renvoi en commission : c'est faire bien peu de cas des six mois de travaux que la commission a déjà menés. (Applaudissements à droite)
M. François Zocchetto . - Nous ignorions qu'il y avait eu une révision constitutionnelle pendant l'été ! Depuis quand le Premier ministre peut-il se faire porte-parole du Conseil constitutionnel ? La Constitution est très claire : elle fait du président de la République le garant de son respect. J'espère qu'il ne l'oubliera pas.
Le changement, est-ce renverser les principes qui fondent notre République ? Dans la même matinée, M. Ayrault a bafoué à la fois le Parlement et le Conseil constitutionnel ; au moins restera-t-il, pour son exploit, dans les mémoires. (Applaudissements à droite)
Le président du Sénat doit jouer son rôle, aussi. Le projet de loi sur le logement nous a été présenté dans des conditions abracadabrantes, au point d'ignorer les dispositions de la réforme constitutionnelle de 2008. Nous dénoncerons cette politique de Gribouille. (On renchérit à droite ; exclamations sur les bancs socialistes) Nous déposerons une proposition de résolution pour réformer notre Règlement afin d'éviter de telles dérives. (Applaudissements à droite)
Mme Valérie Létard . - Nous sommes scandalisés par l'attitude du Gouvernement dans l'interminable feuilleton de la loi sur le logement. Il a trouvé aujourd'hui un nouveau bouc-émissaire : le Parlement. M. Karoutchi a dit ce qu'il en était.
Le Gouvernement a fait fi de tous les délais. En dépit de ces conditions ubuesques, le Parlement a fourni un travail de qualité, au fond, dans une urgence aggravée par la procédure accélérée. Et voilà qu'on lui fait prendre la responsabilité de l'incompétence gouvernementale, dont les Français font les frais. Car si le Conseil constitutionnel sanctionne le texte voté en septembre, la mise en oeuvre des dispositions qu'il prévoit en sera considérablement retardée. C'est inacceptable.
La moindre des choses serait que le Premier ministre adresse des excuses aux parlementaires. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean Louis Masson . - Les délais de traitement des dossiers de la réserve parlementaire ne cessent de s'allonger. La moitié des dossiers que j'ai déposés il y a plus de quatre mois sont toujours bloqués ; alors que l'hiver approche, des projets ne peuvent avancer. Ce n'est pas normal. Le Gouvernement doit être alerté et faire son travail ! (Applaudissements sur quelques bancs à droite)
M. Jean-Claude Lenoir . - Les cafouillages succèdent aux cafouillages, la confusion à la confusion. La journée n'est pas bonne. Il est vrai que le troisième jour de brumaire était officiellement affecté à la foire ! (Rires et applaudissements à droite et au centre)
La commission de l'économie a voté l'exception d'irrecevabilité sur le texte relatif à la transition énergétique, mis en discussion dans la plus grande confusion. Mise sur les rails fin septembre, le Gouvernement ayant déclaré la procédure accélérée, voilà que la machine grogne. Mme Batho s'est permis de déclarer qu'il n'était pas admissible que le groupe communiste ait mêlé ses voix à la droite et au centre.
M. Marc Daunis. - Elle n'a pas dit cela !
M. Jean-Claude Lenoir. - Je lui rétorque que c'est le contraire qui s'est passé, et que c'est l'honneur des parlementaires que de se déterminer en conscience.
M. Didier Guillaume . - Un éléphant dans un magasin de porcelaine ! Que de bruit pour rien. Personne ne sait ce qu'il en sera de la décision du Conseil constitutionnel (vives exclamations à droite et au centre) et le Premier ministre a retiré ses propos : il est clair que ces rappels au Règlement ont d'autres desseins que ce que vous déclarez. (Protestations à droite et au centre)
La loi sur le logement serait de l'affichage politique ? Allez donc dire cela à tous nos concitoyens pas ou mal logés. Mme Létard se plaint du retard ainsi pris ; si elle reconnaît l'urgence de ce texte, pourquoi ne pas lui avoir accordé ses suffrages ?
La transition énergétique ? La démocratie a joué. La commission a voté une motion d'irrecevabilité. Le texte était peut-être mal écrit, je n'en sais rien. Je sais en revanche que l'hiver arrive et que nombreux auraient été les Français à bénéficier de ses dispositions.
Déposer une trentaine d'amendements, ce n'est pas faire de l'obstruction, madame Troendle. Pour nous, nous ne menons pas une opposition de principe à vos propositions. Il y a des sujets sur lesquels nous pouvons nous retrouver, comme la proposition de loi Béchu ou la proposition de loi Doligé. Le groupe socialiste votera les textes qui iront dans le sens de l'intérêt de nos concitoyens. Il a aussi la ferme volonté que le Sénat soit respecté. (Applaudissements socialiste et sur certains bancs de la droite)
M. Hervé Maurey . - Épisode lamentable de la loi Duflot, prise de parole rocambolesque du Premier ministre ce matin, je n'y reviens pas.
Il y a quelques minutes, nous avons appris que le groupe CRC défendrait une demande de renvoi en commission de la proposition de loi Doligé. Elle va contre l'article 44 de notre Règlement, qui dispose qu'une telle demande n'est pas recevable quand le Sénat s'est déjà prononcé, ce qu'il a fait en février. Je comprends que ce que l'on veut, c'est enterrer ce texte, qui émane de l'opposition, pour pouvoir sortir un projet de loi dont la gauche aura la paternité. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Vincent Placé . - Je croyais le Sénat une assemblée de sages, bien faite pour relever le débat... (Exclamations à droite)
Il n'y a pas eu, sur le logement, de cafouillage parlementaire (exclamations ironiques à droite) mais l'exercice normal du pouvoir par les uns et par les autres. Nous avions dit en conférence des présidents ce qu'il y avait à dire. M. Karoutchi est un expert ; il n'a sans doute jamais rencontré pareille situation quand, ministre des relations avec le Parlement, il avait affaire à une majorité de godillots. (Vives protestations à droite)
Ce que le Conseil constitutionnel dira tout à l'heure s'imposera à tous. Le président de la République ne fera pas comme son prédécesseur qui, à propos des Arméniens, avait dit se moquer du Conseil constitutionnel.
Les bonapartistes que vous êtes considèrent que tout doit descendre depuis l'Élysée. (Protestations sur les bancs UMP) Pour ce qui nous concerne, nous ne considérons pas comme anormal que les groupes de la majorité aient parfois des positions différentes. Je suis sûr que le Gouvernement sera attentif à ce qu'ont dit nos amis CRC. Il est normal que l'opposition s'oppose, que les groupes de la majorité s'expriment et que le groupe socialiste soit un fidèle pilier du Gouvernement. Je parle de s'exprimer, pas de se livrer à ce ridicule spectacle. (Vives protestations à droite et au centre)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois . Il est essentiel, de fait, d'être attentifs aux règles de la procédure parlementaire. Mme Troendle voit de l'obstruction dans le dépôt de 32 amendements par le groupe socialiste. Elle oublie que les groupes UMP et centriste n'en ont pas déposé beaucoup moins et les non-inscrits 2. C'est le jeu normal du débat. La longueur de la discussion générale ? Mais les règles sont respectées : rapporteur au fond, rapporteurs pour avis, président de la commission et ministre interviennent avant les orateurs des groupes.
Comment donner suite au travail important mené lors des états généraux ? « Tout ce qui monte converge », c'est dans cet esprit que nous devons examiner la proposition de loi de M. Doligé.