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Table des matières
Question prioritaire de constitutionnalité
Harcèlement sexuel (Conclusions de la CMP)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
Loi de finances rectificative pour 2012 (Conclusions de la CMP)
M. François Marc, rapporteur général
SÉANCE
du mardi 31 juillet 2012
13e séance de la session extraordinaire 2011-2012
présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président
Secrétaire : M. Jacques Gillot.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 30 juillet 2012, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, il a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution de l'article L.O 134 du code électoral (2012-4563 AN). Le texte de cette saisine est disponible à la direction de la séance.
Harcèlement sexuel (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au harcèlement sexuel.
Discussion générale
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, en remplacement de M. Alain Anziani, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. - Veuillez excuser l'absence de M. Anziani.
Le contrat est rempli, la promesse tenue. C'est le 4 mai que le Conseil constitutionnel a choisi d'annuler, pour des raisons pertinentes, la législation existante en matière de harcèlement sexuel. Au Sénat, nous avons immédiatement pensé aux victimes et aux justiciables engagés dans une action en cours, brutalement interrompue. C'était notre devoir de parlementaire de faire que ce vide juridique demeure le moins longtemps possible -il fallait l'avoir comblé fin juillet. Nous sommes le 31 : le contrat est rempli.
Je salue le travail fécond mené au Sénat à l'initiative de Mme David, présidente de la commission des affaires sociales, et de Mme Gonthier-Maurin, présidente de la Délégation aux droits des femmes. Nous avons constitué ensemble un groupe de travail, qui a auditionné 50 personnes. Ce travail utile a permis de rassembler les points de vue. Je salue le travail de M. Anziani et de Mme Demontès, rapporteure de la commission des affaires sociales, ainsi que des auteurs des sept propositions de loi -de tous les groupes- déposées devant le Sénat.
Je veux souligner l'entente féconde avec Mme la garde des sceaux et avec Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre chargée des droits des femmes. Nous avons beaucoup dialogué, et le projet de loi du Gouvernement a été un apport très utile. Lorsque chacun apporte sa pierre à l'édifice, le travail parlementaire est une oeuvre qui n'appartient plus à personne parce qu'elle appartient à tous.
Il était sans doute plus facile pour le Conseil constitutionnel d'abolir les dispositions législatives que de rédiger une nouvelle définition. Nous nous y sommes attelés -avec l'apport des syndicats et des associations.
En première lecture, le Sénat a clarifié la rédaction des définitions relatives au harcèlement sexuel, et choisi d'inscrire dans la loi la notion « d'acte unique » : un chantage qui ne s'exerce qu'une seule fois.
Nous avons alourdi les peines (deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende et trois ans et 45 000 euros en cas de circonstances aggravantes), introduit -sur la proposition de la commission des affaires sociales- la notion de vulnérabilité économique et sociale de la victime comme circonstance aggravante, après un grand débat. C'est une innovation qui pourra être réutilisée dans d'autres circonstances. Dans le harcèlement, il y a bien un rapport du fort au faible où la misère, la précarité jouent un rôle.
Nous avons expressément reconnu les discriminations en raison de l'orientation sexuelle. Nous avons facilité l'action en justice des associations, aligné les dispositions dans la fonction publique, inclus les stagiaires et apparentés. L'unanimité s'est peu à peu construite. Elle a été très forte.
L'Assemblée nationale a conforté le texte du Sénat. Elle a remplacé le terme « agissement » par celui de « comportement », que préférait notre commission des lois. Je ne reviens pas sur la querelle sémantique... Cette rédaction est satisfaisante. L'Assemblée nationale a conservé le terme de « situation », que nous avions préféré à celui, trop vague, d'« environnement ». Elle a clarifié la rédaction pour éviter que le nouveau délit de chantage sexuel soit utilisé pour requalifier le délit d'agression sexuelle. Notre rédaction était pourtant très claire, mais des craintes subsistaient : l'Assemblée nationale a donc explicitement exclu cette requalification. Elle a aligné les peines encourues en cas de harcèlement moral sur celles encourues en cas de harcèlement sexuel. Elle a reproduit la définition in extenso dans le code du travail, et facilité l'allocation de dommages et intérêts au civil pour les personnes engagées dans une action interrompue par la décision du Conseil constitutionnel. La réparation au plan civil est une bonne idée.
Il n'y a avait pas de bonne solution : soit le Conseil constitutionnel donnait un délai au législateur pour récrire la loi, comme pour la garde à vue, mais en attendant les avocats des accusés auraient invoqué l'inconstitutionnalité de la disposition, soit il créait un vide juridique.
La CMP, qui s'est réunie dans un excellent climat, a amélioré la rédaction. Un aspect lui a toutefois échappé : il fallait étendre à Wallis et Futuna, à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie les dispositions relatives à l'indemnisation des victimes. L'amendement du Gouvernement est donc bienvenu.
L'engagement est tenu. Nous avons demandé la procédure accélérée, que nous n'aimons pourtant guère, car nous avions un devoir moral à l'égard des victimes. Nous avons compensé l'absence de deuxième lecture -qui est si souvent utile- par notre travail préalable et notre dialogue avec le Gouvernement.
C'est pourquoi je vous demande d'approuver les conclusions de la CMP. (Applaudissements à gauche)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - M. Sueur a dit l'essentiel. Nous concluons ce débat, ouvert par votre diligence, deux semaines après la décision du Conseil constitutionnel. Je salue la qualité de votre travail, depuis l'élaboration des sept propositions de lois jusqu'à la CMP. Nous avons travaillé dans un délai contraint en procédure accélérée, que je tiens aussi, en tant qu'ancienne parlementaire, en aversion, car nous avions avant tout le souci des victimes. Les voilà désormais mieux armées que par le passé. L'incrimination est mieux définie, plus précise, couvre un champ plus large, les peines sont plus adaptées à la gravité des faits et à leurs conséquences.
Le texte, adopté à l'unanimité par le Sénat et par l'Assemblée nationale puis par la CMP obéit aux objectifs fixés : d'abord, la célérité, pour mettre un terme au vide juridique qui subsistait malgré la circulaire de la Chancellerie ; une définition plus précise ensuite, pour satisfaire aux exigences constitutionnelles ; une sanction adaptée à la gravité des faits, en conservant une cohérence ; enfin, armer les victimes pour qu'elles puissent recourir à la justice le plus vite et le plus efficacement possible.
Nous avons précisé les discriminations, mieux protégé les témoins, modifié le code de procédure pénale pour que le travail remarquable des associations soit facilité.
Des sénateurs -Mme Dini en particulier- ont souhaité que la prescription coure non pas du dernier fait mais du terme du contrat du travail. Nous y avons fait droit dans les débats, sinon dans la loi.
En effet, les délits sont soumis en règle générale à une prescription de trois ans. La faire courir à partir de la cessation du contrat de travail la rendait quasi infinie... La difficulté est de réunir les preuves. Tout presse, en cas de harcèlement sexuel, car les effets sont dévastateurs. L'important est que la victime ait accès au plus vite à l'action publique.
Il n'y a pas de complaisance sociale : c'est ce que vise l'article 3 du projet de loi, avec l'affichage des articles du code pénal sur les lieux de travail mais aussi la campagne gouvernementale qui sera lancée à la rentrée.
Les débats évoqués par le président de votre commission des lois, qui ne sont pas seulement « sémantiques », découlaient du souci des parlementaires de définir précisément les éléments constitutifs de l'infraction. La CMP a trouvé la solution optimale, afin d'assurer une bonne interprétation, donc une bonne application de la loi. Elle a maintenu le fait unique, qui a fait débat à l'Assemblée nationale.
Les sanctions sont unifiées, ce qui laisse une plus large marge d'appréciation au juge. Le texte retient cinq circonstances aggravantes, dont, à l'initiative du Sénat, la vulnérabilité économique ou sociale ainsi que la dépendance -amendement voté à l'unanimité.
La minorité de 15 ans a fait débat. Je sais qu'il y a une insatisfaction -nous cherchons tous à protéger les mineurs. Ce projet de loi ne concerne pas que le milieu professionnel -où l'on trouve des mineurs de 15 ans. Nous n'avons pas voulu introduire un biais susceptible d'entraîner des conséquences en cascade dans le code pénal, qui protège les mineurs et comporte aussi des exceptions de minorité. Nous devons protéger les mineurs dans le milieu sportif, dans les colonies de vacances, etc., mais aussi dans le milieu professionnel. Une circulaire d'application appellera l'attention des parquets sur le cas des jeunes de 16 à 18 ans, d'autant que le président de la République a fait de la jeunesse une priorité de son quinquennat.
L'identité sexuelle et l'identité de genre ont également fait débat. Nous avons retenu l'identité sexuelle, tout en précisant sans ambiguïté que les personnes transsexuelles doivent être particulièrement protégées.
Notons des avancées sur les témoins, sur la fonction publique, sur le quantum de peines relevé pour le harcèlement moral.
Le débat a encore été dense en CMP sur la réparation due aux victimes. Celles-ci peuvent obtenir réparation au civil. À l'initiative de la rapporteure de l'Assemblée nationale, un article 7 nouveau a été introduit, qui permet que les plaignants maintiennent leur demande de réparation civile devant les juridictions correctionnelles saisies au pénal, sans devoir entamer une nouvelle procédure. La circulaire d'application demandera aux parquets d'informer les plaignants de cette possibilité. L'amendement adopté à l'Assemblée nationale a néanmoins soulevé des interrogations concernant la sécurité juridique de cette disposition, qui serait transitoire.
La rédaction de la CMP tient compte des observations du Gouvernement, et ne fait plus référence à l'article 470-1 du code pénal mais à la décision du Conseil constitutionnel, pour préciser le champ d'application de cette procédure.
Cet article 7 n'était pas applicable aux départements de Wallis et Futuna, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française ; d'où l'amendement du Gouvernement. Comment venir en aide aux victimes qui se retrouvent face à une action éteinte ? L'aide juridictionnelle pourra être mobilisée, car il s'agit d'une circonstance exceptionnelle, relevant de l'article 10 de la loi de 1991.
Les services de la Chancellerie, en particulier la direction des affaires criminelles et des grâces, ayant travaillé d'arrache-pied, la circulaire d'application sera publiée le jour même de la promulgation de la loi.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Nous avons fait là de la belle ouvrage. Je vous remercie pour la qualité de nos débats sur ce texte. (Applaudissements)
Mme Esther Benbassa . - La collaboration parlementaire réelle qui a prévalu sur ce texte a eu pour seul souci de protéger les victimes et sanctionner les harceleurs. Il était urgent de combler le vide juridique entraîné par la décision du Conseil constitutionnel. La qualité des débats doit aboutir à un texte qui ne risque plus la censure constitutionnelle.
Je rends hommage à Mmes Taubira et Vallaud-Belkacem, qui ont travaillé main dans la main avec les parlementaires.
En reprenant le terme « agissement », les députés se sont alignés sur notre commission des lois. L'obligation d'affichage des articles du code pénal relatifs au harcèlement sexuel relève d'une sage et utile prophylaxie sociale. Attention toutefois à la multiplication des affichages tapissant les murs des entreprises au risque d'être banalisés, et d'affaiblir la portée du dispositif... J'aurais préféré que ces dispositions soient fournies individuellement aux salariés. La publication de poumons abîmés par la cigarette ne dissuade guère les fumeurs. Il aurait été plus solennel de remettre ce document lors de la signature du contrat de travail pour responsabiliser les employeurs et leurs employés. Aux États-Unis, les employeurs sont soumis à un questionnaire par internet tous les ans.
Je me réjouis que la transphobie ait été reconnue dans notre droit.
Le terme de « transgenre », répandu en France surtout dans les milieux militants et universitaires, risquait d'être mal compris, contrairement à son synonyme anglais dans les pays anglo-saxons. Une réserve toutefois : l'accumulation des mots risque de rendre un peu confuse la lecture du sixième alinéa de l'article 2 quater... La discussion au Sénat sur l'identité sexuelle a été exemplaire, témoignant de la volonté commune de réprimer la transphobie.
L'ajout de l'article 7 par les députés apporte une solution aux effets induits par l'abrogation du texte de 1992 : les tribunaux pénaux demeurent compétents en matière de réparation civile. Les auteurs de harcèlement sexuel ne pourront plus se prévaloir de la décision du Conseil constitutionnel, mais pourront toujours invoquer l'article 226-10 du code pénal réprimant la dénonciation calomnieuse s'ils sont accusés à tort.
Le groupe écologiste votera ce texte. Nos débats m'ont appris, à moi professeure d'université, toute la modestie que nous devons avoir devant les mots. La loi est là pour défendre avant tout les plus fragiles. Tout peut se jouer sur un simple mot, une formule. C'est une évidence ? Peut-être mais en dix mois de présence au Sénat vous me l'avez rappelée. Merci de m'avoir dispensé cette belle leçon, à mon âge -mais il n'y a pas d'âge pour apprendre! (Applaudissements)
Mme Muguette Dini . - Voilà trois mois que le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, a rendu son verdict. Cette décision était justifiée, car le code pénal était trop imprécis. Cette définition était le produit de strates législatives diluant progressivement le délit. Le texte était donc mal appliqué, de nombreuses plaintes pour agression sexuelle étant requalifiées en harcèlement sexuel.
Cette décision a toutefois été une catastrophe pour de nombreuses victimes. On sait tout le tort que cette décision brutale a pu causer aux victimes. Injustice suprême, les condamnations prononcées mais non encore exécutées ont été annulées ! D'où l'importance de l'article 7, qui maintient la compétence du juge correctionnel en matière de réparation.
Aujourd'hui, nous pouvons nous réjouir. Le Sénat a réagi rapidement, en créant un groupe de travail, en votant un texte cohérent, solide, précis, applicable immédiatement. Parmi les avancées, la création de l'observatoire national des violences faites aux femmes, le renforcement des droits des associations, la reconnaissance de l'identité sexuelle comme motif de discrimination.
Le harcèlement sexuel est particulièrement présent dans le monde professionnel. Ce projet de loi prévoit l'affichage sur le lieu de travail des dispositions du code pénal : c'est indispensable pour que ces dispositions soient connues des harceleurs potentiels -qui y réfléchiront peut-être désormais à deux fois avant de traiter les femmes comme des objets sexuels !
Le combat pour protéger les femmes des violences sexuelles semble être sans fin. Quel exemple que les propos ridiculement sexistes tenus récemment à l'encontre de la ministre Mme Duflot ! (Applaudissements sur quelques bancs socialistes) C'est la société toute entière qui doit veiller à lutter contre le sexisme -les mères doivent y sensibiliser leurs fils, dès le plus jeune âge. L'Éducation nationale a aussi un rôle à jouer.
Madame la ministre, je salue votre réactivité et votre écoute. Je vous remercie d'avoir su rapidement composer et faire voter ce texte. J'appelle de mes voeux la remise sur le métier de la prescription de l'action publique ainsi que du rééchelonnement des peines ; les victimes de violences sexuelles le demandent, nous devons les aider. Le groupe UCR votera ce texte. (« Très bien ! » et applaudissements de la gauche à la droite)
Mme Éliane Assassi . - À mon tour je salue ce travail transcendant les clivages qui a abouti.
Nous avons entendu votre engagement, madame la ministre, de créer un observatoire national des violences sexuelles. Des campagnes de sensibilisation et d'information dotées de moyens sont indispensables.
Le groupe CRC a largement pris part à l'élaboration de cette loi. Certes, nous avons eu des divergences, sur les éléments constitutifs de l'acte unique ou la majorité sexuelle notamment, mais elles ont nourri le débat et alimenteront les réflexions des magistrats.
Je me réjouis de la prise en considération de la précarité économique ou sociale comme un motif de circonstance aggravante. Cette vulnérabilité prend un sens particulier en matière de harcèlement sexuel, qui est souvent commis par des personnes qui abusent de la situation précaire de la victime, par exemple dans le milieu du travail. Un signal fort leur est donné. Il faudra traiter cette question en relation avec d'autres infractions : on ne peut profiter impunément de la précarité économique et sociale d'une personne.
Longtemps ignorée, la situation des personnes transgenres ou transsexuelles a enfin été reconnue dans ce texte, même si les termes retenus d'« identité sexuelle » ne sont pas, à nos yeux, les plus appropriés.
Nous avons tous condamné le choix du Conseil constitutionnel d'abroger l'article 222-33 du code pénal avec effet immédiat, abrogation qui a fait tomber toutes les affaires pénales pendantes. Il était impératif de trouver une solution. C'est chose faite. L'Assemblée nationale n'a pas hésité à bousculer les usages juridiques avec l'article 7 nouveau, qui permet aux victimes d'obtenir une réparation au civil en leur évitant de réitérer le parcours du combattant qu'elles ont dû subir, dès lors que l'action publique est éteinte du fait de la décision des Sages.
Au-delà du harcèlement sexuel, nous devrons nous pencher sur les conséquences des décisions rendues par le Conseil constitutionnel à la suite de questions prioritaires de constitutionnalité. Pourquoi ne pas réfléchir plus largement sur le rôle, les missions, la composition du Conseil constitutionnel ?
Le groupe CRC votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements à gauche)
M. Nicolas Alfonsi . - Nous nous félicitons tous du travail accompli. Il est à l'honneur du Sénat de s'être saisi immédiatement de la question et d'avoir mené une large concertation au sein de son groupe de travail. Je me réjouis tout autant que le Gouvernement ait été à notre écoute sur un sujet qui dépasse les clivages partisans. L'Assemblée nationale a conforté l'analyse du Sénat en améliorant le texte, preuve du caractère indispensable du bicamérisme. Sans doute est-ce cela la véritable « coproduction législative ».
Sur le fond, la CMP a exprimé une grande convergence de vues entre les deux assemblées. Les membres du groupe RDSE ont formulé des observations qui ont été prises en compte, je m'en félicite. La définition initiale du chantage sexuel pouvait en effet prêter à confusion ; le texte que nous allons voter écarte le risque de déqualification des tentatives de viol et des agressions sexuelles. Il appartiendra aux juges de préciser les éléments constitutifs des pressions exercées sur les victimes.
Nos collègues députés ont apporté des précisions utiles, en étendant le champ du harcèlement et en prévoyant la réparation des victimes. Le dispositif de l'article 7 sera bien temporaire.
Nous avons été nombreux à remarquer que l'abrogation par le Conseil constitutionnel avait eu des effets dommageables sur les procédures en cours. Avec l'existence des questions prioritaires de constitutionnalité va sans doute s'ouvrir un débat plus large sur la modulation dans le temps de ses décisions ; et cela au nom de la sécurité juridique, notion que le Conseil d'État comme la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) ont érigé en principe général. Le débat est loin d'être clos.
Madame la ministre, le groupe RDSE unanime se satisfait de ce texte. Veillons à ne pas légiférer dans l'urgence, même si en l'espèce celle-ci est justifiée. L'instauration des questions prioritaires de constitutionnalité doit conduire le législateur à travailler avec encore plus de rigueur et de précision. Merci, madame la ministre pour votre célérité. La circulaire d'application paraîtra dès la promulgation du texte : voilà qui est rafraîchissant ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Hyest . - Quel que fût le résultat des élections, nous avions tous la responsabilité de combler le vide juridique laissé par la décision du Conseil constitutionnel. Le Sénat a immédiatement constitué un groupe de travail à cet effet. Nous avons abouti à un bon résultat. Le chantage sexuel nous a préoccupés -il ne fallait pas que chantage et chantage sexuel fussent assimilés. L'Assemblée nationale a permis de lever quelques incertitudes, si bien qu'il existe désormais peu de risques de confusion et de requalification.
Il est d'ailleurs fréquent de qualifier des viols en agressions sexuelles pour aller plus vite, pour que les victimes soient plus rapidement reconnues. Certaines cours d'assises, comme en Seine-et-Marne, sont saturées par les affaires de viols. Quand il y a un doute, l'efficacité prime.
Je regrette que l'on n'ait pas gardé le terme d'« agissement ». J'en rends responsable mon excellent ami Guy Geoffroy. Le « comportement » n'est pas l'« agissement ». Mieux valait supprimer « propos » et ne garder que ce dernier terme.
Il fallait aussi procéder à une harmonisation dans le domaine du droit du travail et celui de la fonction publique, notamment quant aux discriminations. À l'occasion du harcèlement sexuel on a ouvert une porte. C'est la grande question des codes dits suiveurs. On a reproduit le code pénal dans le code du travail et dans le statut de la fonction publique -on aurait pu tout aussi bien renvoyer dans ces derniers au code pénal... Il s'agit bien des droits de la personne au travail, n'en déplaise aux députés ; c'est la position du Conseil constitutionnel depuis sa décision du 12 février 2002.
L'amendement que le Gouvernement a déposé sur la vulnérabilité économique ou sociale appelle à la prudence. Les circonstances aggravantes se fondent d'habitude sur des faits objectifs. La rédaction retenue est acceptable, mais il faudra voir s'il ne faut pas étendre cette circonstance à d'autres crimes et délits.
Bien entendu, il n'y aura pas de recours au Conseil constitutionnel et je doute qu'une question prioritaire de constitutionnalité puisse prospérer ; toutes les garanties ont été prises. Voilà du bon travail parlementaire avec la coopération de la Chancellerie.
Mon groupe votera ce texte, comme en première lecture et en CMP. Il y a une prise de conscience collective, notre société évolue parfois dans le bon sens...
M. Charles Revet. - Heureusement !
M. Jean-Jacques Hyest. - Oui, parfois ! Nous souhaitons que les juridictions soient sévères avec tous ceux qui ne respectent pas la personne humaine. (Applaudissements sur tous les bancs)
Mme Christiane Demontès . - Le Gouvernement a demandé la procédure accélérée, ce qui est parfaitement justifié compte tenu de la décision à effet immédiat du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012. Les sénatrices et sénateurs se sont mobilisés. Notre commission spéciale a procédé à de nombreuses auditions. Vous vous êtes appuyées sur ses travaux, mesdames les ministres, avec pour objectifs de combler un vide juridique et de donner du harcèlement sexuel une définition aussi précise que possible.
Le Sénat a apporté plusieurs modifications importantes : alourdissement des peines et des amendes, prise en considération de la vulnérabilité économique et sociale comme circonstance aggravante -c'est une première. Oui, monsieur Hyest, nous pourrons l'introduire dans d'autres textes ! Le Sénat a également ajouté l'identité sexuelle à la liste des discriminations, étendu aux associations la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile, procédé à une coordination avec le droit du travail et le statut de la fonction publique.
L'Assemblée a supprimé à l'article premier la notion d'ordres, menaces et contraintes en conservant les seules « pressions graves » afin d'éviter la déqualification de l'agression sexuelle. Les députés ont en outre préféré reproduire in extenso les définitions du harcèlement dans le code du travail, n'y revenons pas. Ils ont enfin créé l'article 7, récrit par les rapporteurs en CMP, qui prévoit que les tribunaux correctionnels pourront accorder aux victimes concernées par l'abrogation décidée par le Conseil constitutionnel des réparations civiles.
Nous avons atteint notre objectif. La loi est désormais suffisamment claire pour protéger les victimes, punir et décourager les harceleurs. Avec la campagne de sensibilisation à venir et la circulaire ministérielle, elle sera connue et appliquée.
Nous avons voté beaucoup de lois qui n'avaient d'autre raison d'être que la communication de l'ancien président de la République. (Protestations à droite). La présente loi sera vraiment utile. (Applaudissements à gauche)
Mme Virginie Klès . - À mon tour de dire ma satisfaction à l'issue de débats passionnés, passionnants mais difficiles. Chaque mot a pris son importance, face à des situations protéiformes. C'était une nécessité pour notre droit, pour les victimes quels que soient les lieux où elles évoluent, où les relations humaines peuvent dégénérer en relations de proie à prédateur, d'emprises, de pressions parfois mortifères.
Il fallait définir le délit par rapport à l'acte lui-même et non pas seulement par ses effets sur la victime. Pour les victimes les plus fragiles, les circonstances aggravantes ont été étendues, c'est une grande avancée.
Pensons aussi aux auteurs : pour certains d'entre eux, les cas pathologiques, la reconnaissance du délit, et donc l'étape pénale, est la seule voie vers le non-renouvellement de l'acte.
Cela ne suffira pas. Il faut appliquer ce texte et ne pas oublier que la relation entre victime et auteur est continue. N'oublions pas non plus la dénonciation calomnieuse, qui détruit et tue, souvent utilisée par les manipulateurs pathologiques.
Aucun appel au secours ne doit rester sans réponse. La justice est là pour entendre, écouter, sanctionner et protéger. Madame le garde des sceaux, donnez des instructions pour que les plaintes soient traitées en urgence, en mobilisant tous les partenaires qui peuvent aider les victimes ! (Applaudissements à gauche)
M. Jacky Le Menn. - Très bien !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Je me réjouis que nous ayons respecté le calendrier que nous nous étions fixé. La volonté était partagée sur tous les bancs des deux assemblées de combler le vide juridique laissé par la décision du Conseil constitutionnel.
Les pouvoirs publics se sont mobilisés en écho à l'émoi des victimes et des associations. Le Sénat y a pris sa part en mettant rapidement en place son groupe de travail. La nouvelle définition est incontestablement un progrès, qui prend mieux en compte la réalité du harcèlement sexuel et facilitera l'administration de la preuve devant les tribunaux.
Présidente de la Délégation aux droits des femmes, je me réjouis que ce texte tienne compte de certaines de nos recommandations : je pense à l'ajout de la vulnérabilité économique ou sociale parmi les circonstances aggravantes, à la coordination avec la loi de juillet 1983, à l'obligation faite à l'État et aux collectivités locales de prendre les dispositions préventives nécessaires.
Nous avions aussi émis des recommandations dont la portée n'est pas législative. Nous invitons Mme la garde des sceaux à veiller à ce que le nouveau délit ne soit pas utilisé pour sanctionner des agissements qui relèvent d'autres incriminations pénales ; nous ne pouvons plus accepter que le harcèlement sexuel soit utilisé pour déqualifier des agressions sexuelles ou tentatives d'agressions sexuelles. Nous plaidons également pour la réalisation d'une nouvelle enquête et la création d'un observatoire national des violences faites aux femmes. Vos engagements, madame la ministre des droits des femmes, sont encourageants. L'observatoire national devra être une plateforme d'action et de coordination des différents acteurs publics, institutionnels, sociaux et associatifs.
Les leçons à tirer de l'application de la loi de juillet 1990 relative aux violences envers les femmes et de la présente loi pourront conduire le législateur à apporter des retouches. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Claude Requier . - Le délit de harcèlement sexuel est de création récente. Il recouvre une réalité dont les statistiques officielles peinent à rendre compte. Elles ne disent rien des victimes qui restent silencieuses en raison des pressions qu'elles subissent.
La décision du 4 mai 2012 était prévisible dans ses considérants. Elle a eu le mérite de jeter la lumière sur les agissements dont les femmes sont victimes dans notre société. La présente loi modernise notre droit. Il en est ainsi de la création du nouveau délit de chantage sexuel. Nous aurions pu craindre, à l'issue de la première lecture, une confusion avec d'autres délits, nous comptons sur vous, madame la garde des sceaux, pour que cette loi soit appliquée à la lettre et que cessent les déqualifications.
Nous nous réjouissons de l'extension du champ de la loi à la fonction publique. La violence sournoise du monde du travail appelle des réponses claires et fortes. L'obligation faite à l'employeur d'informer sur le lieu de travail va dans le bon sens.
La version finale de ce projet de loi dépasse le cadre initial. Nous nous réjouissons de l'avancée obtenue en matière de lutte contre les discriminations. L'apport du Sénat a été majeur, le Parlement et le Gouvernement ont bien travaillé. Mais leur oeuvre commune restera vaine tant que l'égalité entre les femmes et les hommes ne progressera pas, tant que les victimes n'oseront pas parler, tant que la peur ne fera pas reculer les harceleurs. La mobilisation des pouvoirs publics est indispensable pour sensibiliser tous nos concitoyens. Le groupe RDSE votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements à gauche)
M. Alain Gournac . - Ce sujet me préoccupe depuis plus de dix ans. Ancien membre de la commission des affaires sociales et membre de la délégation aux droits des femmes, je m'y investis quotidiennement. Comme l'a relevé M. Pillet, le harcèlement sexuel est un drame humain, mal compris, trop souvent méprisé.
Depuis des années, nous n'avons eu de cesse de construire un cadre juridique clair et cohérent. Notre vote est attendu par les nombreuses victimes dont les affaires ont été classées, mais aussi par des victimes encore inconnues, qui pourront plus facilement porter plainte contre leurs tortionnaires. Elles n'accepteront plus l'inacceptable. Elles ne garderont plus le silence.
Je salue le travail du rapporteur du groupe de travail et celui de la délégation. Ne partons pas pour autant en vacances sereins, en nous disant : la femme est protégée... Il reste tant à faire !
Sur ce sujet sensible, nous avons procédé à une écriture unique du droit, qui s'étend aux codes pénal et du travail et au statut de la fonction publique. Le groupe UMP votera ce texte, qui répond à l'attente des victimes. (Applaudissements de la gauche à la droite)
Mme Michelle Meunier . - À mon tour de me féliciter de ce travail collectif des sénatrices et sénateurs, membres des commissions des lois et des affaires sociales, du groupe de travail, de la délégation aux droits des femmes, des groupes politiques. Merci aux présidents de commission et aux rapporteurs d'avoir mis en mouvement notre assemblée. La décision du Conseil constitutionnel avait ouvert une période d'insécurité juridique pour les victimes. Il fallait réagir vite, comme l'ont fait le président de la République, les ministres, le Sénat. Trois mois, c'est beaucoup pour les victimes ; mais c'est peu pour prendre le temps de rencontrer et d'écouter les associations, les experts, pour protéger, prévenir, défendre.
Il fallait commencer par définir le harcèlement sexuel, si lourd de conséquences pour les victimes et leurs proches. Les violences envers les femmes forment un continuum, qui pénètre toutes les sphères de la vie. Elles doivent être sanctionnées avec mesure, par des réponses pénales adaptées, et prévenues pour empêcher des passages à l'acte plus graves.
Ce texte est un texte symbole, adopté à l'unanimité, le premier projet de loi du nouveau Gouvernement. C'est un premier pas sur le chemin long et difficile de la défense des droits des femmes et de la conquête de nouveaux droits.
Les députés ont conforté le texte du Sénat et ajouté des dispositions utiles. La précarité économique ou sociale est désormais reconnue comme circonstance aggravante. Sur le lieu du travail, le chantage à l'emploi est pratiqué, implicitement ou explicitement. Il fallait le reconnaître et le sanctionner.
L'article 225-1 inclut la notion d'identité sexuelle et introduit la transphobie dans la liste des discriminations sanctionnées. La situation difficile des personnes transgenres et transsexuelles a été longuement abordée dans nos débats.
Je garde le souvenir de l'audition des associations les représentant, qui nous a fait prendre conscience des difficultés que rencontrent ces personnes. Il faudra d'autres avancées législatives, notamment en matière d'état civil. Le genre est un concept opératoire pour faire progresser l'égalité entre hommes et femmes, dit la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Il faudra y revenir.
Je remercie Mme Vallaud-Belkacem qui a annoncé la prochaine création d'un observatoire national des violences envers les femmes. C'est avec enthousiasme que je voterai ce texte, tout en sachant qu'il reste beaucoup à faire pour que l'égalité soit une réalité partout en France. (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président. - Sur les articles premier à 6, je ne suis saisi d'aucun amendement ; le vote est donc réservé.
Article 7
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les dispositions du présent article sont applicables à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - C'est une adaptation technique, qui prévoit l'application des dispositions transitoires de l'article 7 du projet de loi à Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Je n'ai pas réuni la commission des lois, persuadé qu'elle n'accepterait en aucun cas que Wallis et Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie fussent exclues de l'application de cet article.
L'amendement n°1 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Jacques Mézard . - Notre groupe votera ce texte avec conviction. Le Conseil constitutionnel, en abrogeant l'article 222-33 du code pénal, nous a opportunément rappelé le principe général de légalité des délits et des peines. Il a eu raison : au lieu d'accumuler les textes pour des considérations médiatiques, mieux vaut légiférer peu mais bien, dans un souci de précision, en laissant aux tribunaux le soin de tenir compte des cas particuliers. Une justice équilibrée doit protéger les droits des victimes mais aussi ceux des présumés innocents. Nous voterons ce texte sans retenue pour que l'amélioration de la législation protège celles qui sont le plus souvent en position de faiblesse. (Applaudissements)
Mme Laurence Cohen . - Ce texte répond aux exigences des victimes et des associations féministes. Le Sénat y a grandement contribué, en menant un débat de fond. Je pense particulièrement aux discriminations dont sont victimes les personnes transsexuelles. Il faudra y revenir. Le nouvel observatoire devra avoir les moyens d'assurer ses missions : en période de crise la tentation pourrait être grande de prendre des mesures symboliques en consacrant tous les moyens à l'action économique. Toute avancée de l'égalité réelle entre femmes et hommes repose sur l'indépendance économique des femmes, leur autonomie, la parité, le respect de la dignité. Nous sommes pour une loi-cadre contre les violences. Les associations, dont le collectif Droits des femmes, y travaillent. Notre société est gangrénée par le sexisme ordinaire et institutionnel. À nous d'y remédier.
« L'égalité, cela s'impose » écrit justement Geneviève Fraisse dans La fabrique du féminisme.
Nous sommes heureux de soutenir cette loi, premier pas vers d'autres. (Applaudissements à gauche)
Les conclusions de la CMP, amendées, sont adoptées.
M. le président. - C'est l'unanimité ! (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Alain Gournac. - Bravo !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre . - Je voulais saluer chaleureusement votre travail, en amont et au cours des débats. Il a été exemplaire. En moins de trois mois, nous avons relevé le défi, l'urgence s'imposant à nous, de rétablir, de préciser et de renforcer la protection des victimes de harcèlement sexuel. Beaucoup a été dit sur les risques de la question prioritaire de constitutionnalité : un examen systématique des crimes et délits sera mené pour évaluer le risque d'exposition à une question prioritaire de constitutionnalité.
Ce texte était juridiquement nécessaire et moralement indispensable. En le votant à l'unanimité, vous envoyez à la société un signal très fort. C'est un acte politique essentiel pour les victimes, passées et à venir, qui seront dorénavant protégées. Enfin, les juridictions seront éclairées par nos débats.
Exemplaire, ce texte l'est aussi par la collaboration remarquable entre le Parlement et le Gouvernement. Viendra après le vote le temps de la promulgation et de l'application. La campagne de sensibilisation, la réforme des sanctions disciplinaires à l'université sont déjà en cours de préparation. Nous en reparlerons bientôt ! (Applaudissements)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois . - Je tiens à remercier les deux ministres pour deux annonces importantes. Tout d'abord, la création de l'observatoire sur les violences faites aux femmes et l'évaluation des conséquences de la présente loi. J'y vois le présage d'une coopération importante sur l'application des lois.
Ensuite, madame la garde des sceaux, vous avez annoncé que la circulaire d'application paraîtrait le jour de la promulgation de la loi. Voilà qui nous comble ! J'espère que cet exemple fera école. (Applaudissements)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux . - Je vous le confirme pour la circulaire. Pour les décrets d'application, il faudra un peu de temps, mais je m'engage à ce que tous les décrets dépendant de mon ministère, soient publiés. Ceux qui concernent la loi pénitentiaire, adoptée il y a trois ans, sont en cours de préparation par mes services.
Nous avons tous bien travaillé, et avons le sentiment de l'oeuvre accomplie, même s'il reste beaucoup à faire...
M. Alain Gournac. - Oh oui !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Sur la prescription, madame Dini, nous cherchons la voie la plus efficace. La question de l'échelle des peines est un chantier lourd. L'affichage est une nécessité, madame Benbassa, cela n'exclut pas une information supplémentaire. J'ai apprécié vos propos sur l'humilité qui nous incombe face aux mots. C'est en effet une lourde responsabilité que d'écrire la loi ! Les questions prioritaires de constitutionnalité font naître de réelles interrogations : irons-nous jusqu'à détricoter tout notre droit ? La bonne réponse, comme l'a indiqué M. Mézard, c'est la conscience de notre responsabilité au moment de l'élaboration de la loi. Nous allons mener un travail de prospection pour identifier les textes fragiles.
La vulnérabilité économique et sociale pourra être reprise comme circonstance aggravante dans d'autres textes, en effet, ce sera un progrès.
Sur le fait unique, la rédaction de l'Assemblée nationale -que nous partageons- lève toute crainte de déqualification.
Je tiens à redire le plaisir que j'ai eu à travailler avec vous, en tant que garde des sceaux, et en tant qu'ancienne parlementaire ! Le génie des deux assemblées, et un peu aussi du Gouvernement ! a accouché d'un beau texte, en très peu de temps -même si des doutes persistent pour moi, notamment sur la minorité de 15 ans. Vous n'avez pas hésité à aborder des sujets connexes, avec intensité, avec densité, en évitant le risque de trop embrasser et mal étreindre. Merci. (Applaudissements)
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires. Conformément à l'article 9 du Règlement, j'invite la commission de la culture à présenter une candidature pour un suppléant appelé à siéger au sein du conseil d'administration de l'Institut national de l'audiovisuel ; la commission des affaires étrangères à présenter une candidature pour un titulaire appelé à siéger au sein du conseil d'administration de l'Institut des hautes études de la défense nationale, en remplacement de Mme Hélène Conway Mouret, nommée membre du Gouvernement ; la commission du développement durable à présenter une candidature pour un suppléant appelé à siéger au sein de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer, en remplacement de Mme Anne-Marie Escoffier, nommée membre du Gouvernement ; et la commission des affaires sociales à présenter trois candidatures pour des titulaires appelés à siéger au sein du conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine. Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.
La séance est suspendue à 17 heures.
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La séance reprend à 19 h 10.
Avis sur une nomination
M. le président. - En application de la loi organique du 23 juillet 2010 et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, et en application de l'article 3 de la loi du 3 janvier 2002 et de l'article 2 du décret du 26 novembre 2004, la commission du développement durable, compétente en matière de transports, lors de sa réunion du 31 juillet 2012, a émis un vote favorable (6 voix pour) en faveur de la nomination de M. Philippe Duron aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport recensant les emprunts structurés conclus entre les établissements de crédit et les collectivités territoriales et organismes publics qui comportent soit un risque de change, soit des effets de structure cumulatifs ou dont les taux évoluent en fonction d'indices à fort risque, établi en application de l'article 5 de la loi du 2 novembre 2011 de finances rectificative pour 2011. Il a été transmis à la commission des finances et à la commission des lois et est disponible au bureau de la distribution.
Loi de finances rectificative pour 2012 (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012.
Discussion générale
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - La commission mixte paritaire, sans surprise, est parvenue à un accord. Les deux assemblées ont examiné ce texte dans le même état d'esprit, en une quarantaine d'heures de débat chacune.
L'objectif était de nous donner les moyens d'atteindre notre objectif de solde public pour 2012, tout en engageant une nouvelle politique fiscale, inspirée par les orientations qui ont été tranchées par les élections.
La commission mixte paritaire a validé dans la rédaction issue du Sénat les quatre articles qui reviennent sur les symboles de l'ancienne politique fiscale : les heures supplémentaires, la TVA sociale, les droits de mutation à titre gratuit, l'impôt sur la fortune.
Comme dans toute commission mixte paritaire qui réussit, nous avons fait des compromis. Nous avons accepté de ne pas supprimer dès aujourd'hui les ambassadeurs itinérants mais d'attendre le rapport qui nous sera remis dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.
Mme Nathalie Goulet. - Ce n'est que partie remise !
M. François Marc, rapporteur général. - Nous avons préservé l'extension de l'assiette de la taxe sur les transactions financières, adoptée à l'initiative du groupe CRC, ainsi que l'augmentation des taux des prélèvements sur les retraites chapeau, issue également du groupe CRC. La commission mixte paritaire a également retenu l'augmentation des taux de la taxe sur les logements souhaitée par le RDSE, de même que la création d'une taxe sur les cessions de fréquences voulue par le groupe socialiste, tout comme l'exonération de hausse du taux du forfait social accordée aux sociétés coopératives ouvrières de production. L'abaissement, suggéré par la commission des affaires sociales, du seuil de déclenchement de l'assujettissement aux prélèvements sociaux des parachutes dorés, est acquis. L'amendement Fortassin a été conservé et une fraction du produit de la redevance sur les nouvelles concessions hydroélectriques sera désormais affectée aux communes.
La commission des finances a apporté sa contribution au texte définitif sur la situation de la zone euro : avant le dépôt du prochain projet de loi de finances, nous obtiendrons un état global des objectifs de stabilité mis en place depuis 2010. Nous obtiendrons aussi un rapport sur une éventuelle extension de la taxe sur les risques systémiques, taxe instituée à la suite du rapport Lepetit demandé par la commission des finances du Sénat.
Les initiatives que j'ai proposées à la commission, complétées par celles de M. Jarlier, contribueront à la solution des difficultés concrètes auxquelles sont confrontées des intercommunalités, et sera enfin engagée la révision des valeurs locatives professionnelles
M. Jean-Claude Frécon. - Très bien !
M. Philippe Dallier. - C'est bien lent.
M. Didier Boulaud. - Mais c'est le changement.
M. François Marc, rapporteur général. - Nous nous retrouverons cet automne pour un programme financier fourni, avec une loi de programmation des finances publiques et les deux lois financières pour 2013 avec lesquelles nous devrons engager une très forte réduction du déficit public, avec 1,5 point de PIB, ce qui est considérable.
Nous serons à vos côtés, monsieur le ministre, dans cette entreprise. Pour l'heure, j'appelle nos collègues à voter les conclusions de la CMP. (Applaudissements à gauche)
M. Richard Yung. - Avec plaisir !
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation . - Le texte élaboré par la commission mixte paritaire satisfait pleinement le Gouvernement, moyennant quelques amendements rédactionnels. Ainsi terminons-nous la toute première étape du redressement de nos finances publiques. Vous avez rappelé nos prochains rendez-vous : la loi de programmation des finances publiques et le projet de loi de finances pour 2013.
Votre travail aura enrichi le projet de loi du Gouvernement sans en modifier l'équilibre. L'article 8, adopté sur la proposition du président Marini, prend en compte la situation des raffineries en difficulté. Plusieurs articles additionnels, notamment sur les retraites chapeau et les parachutes dorés, la révision des valeurs locatives, sont dus au Sénat. Je me réjouis de l'article 27 sur les Scop, dont la rédaction a été proposée par Mme Espagnac.
Je vous remercie pour vos contributions, en particulier le président de la commission et le rapporteur général, ainsi que tous les sénateurs, y compris ceux de l'opposition dont la vigueur contribue à la vitalité du débat démocratique. C'est grâce à votre travail à tous que ce projet de loi est satisfaisant. Merci aux parlementaires de la majorité pour leur soutien à ce collectif, qui nous permet de tenir les engagements du président de la République, en particulier la suppression de la TVA dite sociale.
Je conclus en vous souhaitant d'excellentes vacances. (Applaudissements à gauche)
M. François Fortassin . - Ce deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2012 répond à l'urgence d'assurer l'équilibre de nos comptes publics. Ce sont 7,2 milliards d'euros de recettes supplémentaires, conformément aux suggestions de la Cour des comptes, qui viendront les abonder. Son Premier président a insisté sur l'urgence qu'il y avait à agir, pour notre pays. Ne remettons pas à demain ce que nous pouvons faire dès aujourd'hui.
M. François Marc, rapporteur général. - Très bien !
M. François Fortassin. - Trouver des recettes supplémentaires n'est pas une tâche facile Il faut répartir équitablement l'effort entre les Français, le précédent gouvernement y a échoué. Le vôtre doit réussir. Ce projet de loi y pourvoit.
M. Roger Karoutchi. - Voyons !
M. François Fortassin. - Il faut rétablir nos comptes publics. Après les errements du passé, il faut restaurer la confiance des Français.
M. Philippe Dallier. - Tout en finesse !
M. Roger Karoutchi. - Un homme de qualité comme vous !
M. François Fortassin. - La justice fiscale prévaut, après les cadeaux fiscaux aux privilégiés.
J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur l'inquiétude de nos concitoyens, que certains ici s'emploient à alimenter. (M. Roger Karoutchi s'exclame). Selon d'aucuns, le Gouvernement pénaliserait non les plus aisés mais les classes moyennes. Bien sûr, celles-ci sont préservées.
M. Philippe Dallier. - Et les 9 millions de salariés qui bénéficiaient des heures supplémentaires ?
M. François Fortassin. - Mais il faudra rester vigilant.
M. Philippe Dallier. - Ô combien ! (Rires à droite)
M. François Fortassin. - C'est toute la différence entre la majorité et l'opposition. Y a-t-il une justification à ce que les heures supplémentaires soient défiscalisées et pas les heures normales ? Non, il n'y en a aucune. (Applaudissements à gauche)
M. André Reichardt. - Si : les 35 heures.
M. François Fortassin. - Une plus grande transparence et une plus grande humilité, qui ont tant fait défaut par le passé, ont vu le jour. En des temps difficiles comme les nôtres, il convient d'éviter les pertes de recettes. Le Gouvernement devra établir les responsabilités éludées par son prédécesseur.
Certes l'amendement que nous avons défendu à l'article 6 n'a pu être adopté. Cependant le rapporteur général a dit en partager l'esprit. Nous appelons de nos voeux une taxe sur les transactions financières plus ambitieuse. Nous sommes favorables aux coopérations renforcées européennes, mais la France devra rester vigilante, afin que la taxe soit à la hauteur des enjeux.
Des amendements du RDSE ont été adoptés. Nous nous en félicitons et en remercions le rapporteur général, notamment pour la taxe sur les logements vacants.
Comme la Cour des comptes, notre groupe souhaite que l'on donne la priorité à la lutte contre les niches fiscales et sociales inefficaces. La création de tranches d'imposition supplémentaires met en évidence les faiblesses de notre système d'imposition du revenu. Nous souhaitons la fusion de l'impôt sur le revenu, de la CSG et d'une large part des cotisations sociales salariales, avec un élargissement de son assiette plutôt qu'une hausse des taux.
Ce collectif constitue un premier acte encourageant. La majorité des membres du groupe RDSE le soutient. Je souligne la qualité des arguments du rapporteur général, du ministre...
M. Roger Karoutchi. - Quel flatteur !
M. Philippe Dallier. - Encore !
M. François Fortassin. - ...ainsi que l'excellent climat qui a présidé à la commission mixte paritaire, majorité et opposition confondues. (Applaudissements sur les bancs RDSE et les bancs socialistes)
Mme Marie-France Beaufils . - Premier acte politique majeur de la nouvelle majorité et du nouveau Gouvernement, ce collectif budgétaire a été dominé par un climat économique incertain. La croissance économique est loin d'être au rendez-vous. Les décisions économiques et budgétaires de ces dix dernières années n'ont pas évité la recrudescence des plans sociaux et le marasme économique. Certains gaspillages perdurent. Nos finances publiques supportent le poids de la crise. Comme le rappelait Mme Borvo, présidente de notre groupe, cela fait trente ans que notre pays subit la course au moins-disant fiscal et social.
Vous recherchez, monsieur le ministre, des économies pour le budget 2013 ? Regardez du côté de toutes ces niches fiscales non pertinentes qui polluent le code général des impôts. Il y a là des sources de diminution de la dépense fiscale. Est-il juste de dépenser 730 millions avec le dispositif ISF-PME alors qu'un doublement du plafond du livret de développement durable aurait un coût moindre pour un effet de levier plus puissant ?
Avant de créer une banque publique d'investissement est-il juste de dépenser tant d'argent au service des fondations, ou des entreprises avec les LBO ? Les entreprises sont-elles tenues de respecter la loi ou la loi doit-elle se conformer aux attentes des entreprises ?
Il faut engager dès maintenant des réflexions associant l'ensemble de la majorité parlementaire sur les questions de justice fiscale, de limitation des niches fiscales, de politiques publiques efficaces. Plutôt des postes supplémentaires dans l'Éducation nationale que des heures supplémentaires ! Le principal gisement de redressement budgétaire n'est pas dans le gel du point d'indice des fonctionnaires mais dans la recherche systématique de la justice fiscale.
Les bases d'imposition sont détournées de leur objet. Pourquoi ne pas s'attaquer à l'évasion et à la fraude fiscale, à l'« optimisation » au détriment de l'intérêt général ?
Le collectif comporte des mesures fortes, comme la suppression de la TVA dite sociale ou l'imposition accrue des patrimoines. Nous partageons les intentions du Gouvernement en général mais l'objet de ces nouvelle recettes ne doit pas être seulement de réduire le déficit.
La mise en cause du dispositif concernant les heures supplémentaires doit être prolongée. Nous ne sortirons pas la France de l'ornière dans laquelle elle végète depuis dix ans tant que le salaire médian stagnera autour de 1 600 euros. La France est malade de ses trop bas salaires. Le débat doit s'engager. Le coût du travail n'est pas la seule variable d'ajustement ! C'est un débat de société. À qui doit profiter la richesse produite ? Il faut une juste rémunération du travail, une désincitation aux délocalisations.
Il reviendra au projet de loi de finances 2013 de profiler le nouvel ISF dont nous avons besoin. Nous devons nous interroger sur l'évolution du tarif de l'impôt. Nous sommes partisans d'une déconnexion de l'ISF et de l'impôt sur le revenu.
Certains de nos amendements ont été adoptés et nous nous en félicitons, mais les questions posées par le gel du barème de l'impôt sur le revenu et le plafonnement de la taxe d'habitation restent en suspens. Un signal clair doit être adressé aux plus modestes. La négociation collective sur les salaires et les qualifications est l'affaire des partenaires sociaux. Le gel du barème est d'abord un problème pour les salaries, traitements et pensions, qui composent la plus large part de l'impôt sur le revenu. Le redressement des comptes publics peut-il passer par une ponction sans cesse majorée sur les revenus du travail ? La question devra être posée lors de la loi de finances initiale pour 2013.
Les valeurs locatives cadastrales représentent une question à 220 millions d'euros. C'est beaucoup pour les contribuables concernés, peu au regard des cadeaux fiscaux accordés à bien des contribuables ces dernières années...
Nous souhaitons que rapidement viennent des transformations d'une autre ampleur, tout en soutenant de manière constructive ce texte. (Applaudissements sur les bancs CRC et sur certains bancs socialistes)
M. Jean Arthuis . - Ce rendez-vous était attendu. Nous nous réjouissons de l'aboutissement de la commission mixte paritaire. Je salue notre rapporteur général pour la qualité de l'exercice auquel il s'est livré, au nom de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je me réjouis que la proposition de notre collègue Jarlier ait emporté l'adhésion du Sénat et de l'Assemblée nationale. Rendez-vous est pris pour la loi de finances initiale 2013.
L'heure est grave la France est en crise. Nous avons deux grands enjeux : le rééquilibrage de nos finances publiques et le retour de la compétitivité. Pour tenir nos engagements de ramener notre déficit à 4,5 % du PIB, vous utilisez l'outil de la fiscalité, et vous n'y allez pas de main morte : 4 milliards d'euros pour les ménages, 3 milliards d'euros pour les entreprises.
M. François Rebsamen. - Il faut tout de même prendre aussi en compte la suppression de la « TVA sociale » !
M. Jean Arthuis. - Les ménages subiront les conséquences des prélèvements imposés aux entreprises qui se traduiront dans le prix des produits. Vous avez, en revanche, été bien timides pour ce qui est de réduire les dépenses publiques.
Au Sénat, nous avions suivi le rapport de la Cour des comptes en ramenant à 0,9 % la contribution au CNFPT, dont la trésorerie était déjà fort abondante. Vous la portez à nouveau à 1 %. Les collectivités territoriales apprécieront, alors que le CNFPT n'a pas le monopole de la formation des agents publics territoriaux.
Vous vous en êtes tenus au plus facile : alourdir la fiscalité et détricoter ce que la législature précédente avait conçu.
M. Yves Daudigny. - Il fallait commencer par là.
M. Jean Arthuis. - Pour la compétitivité, le taux retenu pour la TVA antidélocalisation était infime mais c'était une amorce. Début juillet, lors de la conférence sociale, les partenaires sociaux sont convenus d'alléger les charges sociales. Mais comment financer cet allégement ?
La CSG était une piste, pas la meilleure à mon sens, mais M. Cahuzac vient de déclarer qu'il n'est pas question de l'augmenter pour le moment. Il faudra, messieurs les ministres, que vous reconnaissiez la nécessité d'alléger les charges sociales. La seule solution qui restera à votre portée sera une sensible augmentation de la TVA.
Les salariés de Peugeot et les concitoyens qui subissent les plans sociaux attendent d'autres réponses que ce projet de loi de finances rectificative. Pourquoi sanctionner une entreprise qui persiste à produire en France ? M. Montebourg veut relocaliser les centres d'appels téléphoniques, M. Sapin veut simplifier le code des marchés publics, qu'il connaît bien. Tout cela est du raccommodage. Pensez d'abord à alléger les charges sociales ! Nos concitoyens consommateurs ne participent pas au financement de la protection sociale, sauf s'ils achètent des produits français.
Je regrette, avec nos collègues de l'UCR, de ne pouvoir voter ce collectif. (Applaudissements au centre et à droite)
présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente
Mme Fabienne Keller . - Voici le premier grand texte budgétaire du quinquennat de François Hollande. Permettez-moi de saluer le travail des commissions et de tous ceux qui nous ont permis d'examiner ce texte.
La commission mixte paritaire a réussi, naturellement puisque la majorité gouvernementale est majoritaire dans les deux assemblées. Le groupe UMP s'est opposé à de nombreuses dispositions de ce texte qui illustre l'absence de cohérence des choix politiques de ce Gouvernement.
Vous augmentez les effectifs de la fonction publique dans les secteurs prioritaires. Mais quels secteurs allez-vous sacrifier ? La culture ? L'aide au développement ? Le social ? Comment tenir l'équation impossible que vous nous avez présentée : maintien des effectifs et de la masse salariale des fonctionnaires ? Par quel miracle ?
Vous doublez le montant de la taxe sur les transactions financières -mise en place courageusement par le gouvernement précédent.
Vous vous targuez d'augmenter le Smic de 6,50 euros par mois mais n'hésitez pas à retirer 40 euros par mois en moyenne à 9 millions de salariés avec la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires et l'augmentation de la fiscalité sur la participation et l'intéressement.
Philippe Dallier vous a proposé de faire un sort aux indemnités de résidence du Premier ministre et du président de la République qui sont logés. Pourquoi l'avoir refusé ?
M. François Rebsamen. - Quelle petitesse !
Mme Fabienne Keller. - Vous reprochez aux heures supplémentaires d'être financées par la dette ? N'est-ce pas la dette qui finance vos nouvelles mesures, comme les recrutements supplémentaires ou la retraite à 60 ans pour les carrières longues ?
M. François Marc, rapporteur général. - Mais non !
Mme Fabienne Keller. - Le pouvoir d'achat qu'apportent les heures supplémentaires, c'est de la consommation en plus, de la croissance en plus, qui créent de la richesse, des recettes, qui réduisent la dette.
M. François Rebsamen. - On ne les a pas vues.
M. Roger Karoutchi. - Vous regardez mal.
Mme Fabienne Keller. - Vous rompez ce cercle vertueux pour nous faire entrer dans un cercle infernal : baisse de confiance des entreprises, baisse des recettes fiscales, absence complète d'économies, à la différence du projet de loi de finances 2012, caractérisé par un effort historique remarqué par la Cour des comptes.
François Hollande est désormais le président des impôts des Français. (Protestations sur les bancs socialistes ; M. Roger Karoutchi approuve)
Pour toutes ses raisons et toutes celles que nos collègues ont exprimées au long des débats, le groupe UMP ne pourra voter ce projet. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Vincent Placé . - Ce collectif est dicté par l'urgence, financière, d'abord : dans les cinq ans précédents, la dette de la France a augmenté de 50 % ; sociale, ensuite : l'exonération des heures supplémentaires est coûteuse et inefficace. La diminution des abattements sur les droits de succession est juste et bien loin de toucher les classes moyennes dont l'opposition se présente en défenseur : 88 % des successions demeurent exonérées. Les grandes entreprises qui pratiquent massivement l'évasion fiscale sont sollicitées par ce projet, à hauteur d'1 milliard d'euros.
Plusieurs mesures vont dans le sens que nous avons préconisé. Les écologistes approuvent ce projet, avec lequel la France tourne définitivement la page de l'ère Sarkozy. (M. Roger Karoutchi s'esclaffe)
Le plus dur est devant nous pour redresser le pays et lutter contre les ferments d'extrême-droite semés par l'ancienne majorité lors de la campagne présidentielle. (M. Roger Karoutchi soupire) J'en veux pour preuve les propos tenus ce matin même par un député UMP qui, dans un journal bien connu d'un collègue de l'Essonne, compare ce collectif à une « épuration » ! Les mots ont une histoire ! Les prédicateurs populistes du Front national s'en frottent les mains. Est-ce normal et convenable ?
M. Roger Karoutchi. - Je n'ai pas lu de tels propos.
M. Jean-Vincent Placé. - Cela nous donne la mesure de nos responsabilités.
Nous voulons relever nos finances publiques et rétablir l'égalité sociale. Il faut inscrire notre société dans le grand mouvement de la transition écologiste qui s'imposera à nous, quoiqu'il arrive. Nous espérions quelques signaux en ce sens, que nous n'avons pas perçus. Nous avons noté l'ouverture du Gouvernement, avec une dextérité qui vous honore, monsieur le ministre, mais qui vous donne aussi des devoirs. Ainsi, la fiscalité du gazole est une aberration comme l'a reconnu le Gouvernement, rejoignant une position ancienne des écologistes. Nous attendons la conférence environnementale de septembre.
Les écologistes sont en confiance. Le sénateur que je suis s''honore du travail solide et sérieux de ces dernières semaines qui démontre l'intérêt du bicamérisme. J'en rends hommage particulièrement au rapporteur général, à M. Daudigny et au ministre. Le texte de la CMP l'illustre. Avec sérénité et confiance, j'apporte le soutien des écologistes. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Michèle André . - La nouvelle majorité a pour mandat de mettre en application le programme de François Hollande, dans la justice et l'équilibre. Cet équilibre repose sur la participation de tous à l'effort, équitablement réparti entre recettes et économies sur les dépenses.
L'action sur les dépenses est nécessaire : elle sera menée dans le projet de loi de finances pour 2013 ; nous ne voulions pas affaiblir, par une action précipitée, nos services publics malmenés par le précédent gouvernement.
L'accroissement des cotisations pesant sur les retraites chapeau et les parachutes dorés vise à réduire les inégalités les plus flagrantes. C'est une question de justice. Les cessions de fréquences audiovisuelles -la rédaction du Sénat avait été censurée par le Conseil constitutionnel- seront désormais mieux encadrées et subiront une juste taxation. La taxe sur les logements vacants a été augmentée. Idem pour le forfait social -mais l'amendement de Mme Espagnac a pris en compte la spécificité des Scop.
Le projet de loi de finances rectificative n'avait pas vocation à tout régler mais à préparer l'avenir. Notre excellent rapporteur général a lancé le travail sur la révision des valeurs locatives, enjeu essentiel pour les collectivités locales. Reste à traiter la fiscalité environnementale et l'imposition du revenu. Nous le ferons dans le projet de loi de finances pour 2013. Le Sénat y prendra toute sa part. Nous restons fidèles à notre projet, et nous nous félicitons de ce premier pas. Sans surprise, le groupe socialiste votera le projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements à gauche)
M. Yves Daudigny . - Le rapporteur général de la commission des affaires sociales que je suis est satisfait et confiant. Les premières mesures de ce projet de loi de finances rectificative apportent à la sécurité sociale 1,5 milliard d'euros de recettes supplémentaires en 2012, et 5,5 milliards d'euros par an à compter de 2013. Cet effort n'est pas financé par l'endettement, comme c'était devenu l'habitude, mais par une fiscalisation plus juste des revenus jusque-là les moins sollicités et la fin d'exonérations non pertinentes, voire exorbitantes en cette période de crise. Enfin, nous sortons de la spirale d'endettement dans laquelle le précédent gouvernement nous avait enfermés.
Un amendement de la commission des affaires sociales a clarifié la compensation de l'exonération des heures supplémentaires due par l'État à la sécurité sociale, la dette 2010-2011 de celui-là étant apurée au bénéfice de celle-ci. Un deuxième de nos amendements a abaissé le seuil d'assujettissement des parachutes dorés d'1 milliard d'euros à 360 000 euros. Il est normal que ces revenus participent au financement de la protection sociale. Notre troisième amendement abrogeait toute restriction d'accès à l'Aide médicale d'État (AME). La lutte contre la fraude s'avère hors de propos en la matière. Quel réel motif a donc inspiré Thierry Mariani, auteur de cette mesure ? Ni le souci de la santé publique, ni celle de l'efficacité économique !
Ce projet de loi de finances rectificative engage le retour à l'équilibre et à la justice. Nous avons eu un débat sur l'éventuelle soumission de l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA) à récupération sur succession. Cette proposition ne tient pas : la nature participative de la récupération sur succession contredit la logique même de la solidarité. C'est un choix de société. Les premières mesures du projet de loi de finances rectificative ne préjugent pas de la réforme de la dépendance : au Haut conseil de sécurité sociale de proposer des solutions.
La confiance, c'est celle que l'on vous doit, monsieur le ministre, car la raison, l'efficacité et la justice sont au rendez-vous de ce premier texte. (Applaudissements à gauche)
Mme Marie-Christine Blandin . - Les écologistes se félicitent des arbitrages en faveur de l'école et de la culture, en dépit de la tentation, qui aurait pu être grande, d'y renoncer.
N'en déplaise à ceux qui préfèrent le béton à la conservation, il est des conservations enrichissantes, celles de la transmission du savoir et du vivre-ensemble, qui seront permises par les créations de postes accordées à l'Éducation nationale. Les ressources humaines sont un investissement pour les générations futures.
Autres conversations, celles que facilite le spectacle vivant -préservé par ce projet de loi de finances rectificative, ou encore le livre. L'amendement de M. Assouline a vécu dans la CMP : la vente du droit d'émission attribuée gratuitement sera désormais taxée. Nous nous en réjouissons.
Notre commission de la culture s'était étonnée que le précédent gouvernement n'ait budgété aucune prime pour les médailles d'or aux jeux Olympiques. Nous avons raison d'avoir confiance en nos sportifs, qui ont d'ores et déjà obtenu cinq médailles d'or à Londres ! Il faudra y veiller, monsieur le ministre !
Les écologistes demandent au Gouvernement de militer auprès de la Cour européenne pour faire valoir la légitimité de tout ce qui concourt au développement social et culturel, de tout ce qui participe à l'intérêt général et doit être préservé des règles du marché et de la concurrence. C'est ainsi que l'économie sociale et solidaire l'emportera sur les règles impitoyables et destructrices d'emploi de l'hyper-concurrence.
Nous soutenons bien entendu ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Mme la présidente. - Je rappelle qu'en vertu de l'article 42-12 du Règlement, lorsque le Sénat est appelé à se prononcer après l'Assemblée nationale, il procède à un vote unique sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.
Le vote des articles premier bis à 20 est réservé.
Article 24
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 6
Remplacer les mots :
, spectacles de variétés,
par les mots :
; spectacles de variétés
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. - Amendement rédactionnel.
Mme Fabienne Keller. - Un point virgule, quelle précision !
M. François Marc, rapporteur général. - La commission n'a pas pu se réunir. On ne peut qu'être favorable à cet amendement -qui revient à une formulation proche de celle du Sénat.
Le vote des articles 24 à 27 bis B est réservé.
Article 27 bis C
Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Amendement de suppression de gage.
Le vote des articles 27 bis C à 30 est réservé.
Article 30 bis
Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Idem.
Le vote est réservé.
Article 33
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Idem.
M. François Marc, rapporteur général. - Avis favorable.
Le vote est réservé.
Interventions sur l'ensemble
Mme la présidente. - Je mets aux voix l'ensemble des conclusions de la CMP.
M. Roger Karoutchi . - Sincèrement, ce projet de loi de finances rectificative -en session extraordinaire- ne fait que détricoter, supprimer des mesures du gouvernement précédent. Quelle est la grande mesure que vous apportez ?
Mme Françoise Cartron. - La justice !
M. Roger Karoutchi. - Ce n'est pas tout de démolir -TVA sociale, droits de succession, même l'intéressement y passe. Vous mettez en avant l'ISF, les parachutes dorés -on prend aux riches, très bien !
M. Michel Berson. - Ce n'est pas négligeable !
M. Roger Karoutchi. - Mais la fin de l'exonération des heures supplémentaires, le forfait social, l'alourdissement des droits de succession, cela frappe aussi les classes moyennes ! Tout le monde va payer -sans que l'État ne fasse le moindre effort ! On verra à l'automne, dites-vous. Nous sommes prêts, nous agirons dès l'été, disiez-vous pendant la campagne. En réalité, vous ne proposez que matraquage fiscal et détricotage idéologique. Si la crise financière s'aggrave, vous nous direz à la rentrée que vous ne pouvez rien faire de positif -parce que vous avez refusé de mettre en place un programme d'économies sur les dépenses publiques. Il faut marcher sur ses deux jambes ! On sait que les collectivités locales verront leurs dotations réduites...
Mais ce soir, vous ne nous proposez que des augmentations d'impôts, sans autre perspective. Nous ne savons rien de la politique fiscale et financière du Gouvernement. Le groupe UMP votera évidemment contre. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Vincent Delahaye . - Il est vrai que nous avons hâte d'être à l'automne... (Exclamations et mouvements divers) J'espérais davantage de débats de fond, dès cet été, sur la compétitivité ou l'emploi. Seule la TVA sociale a fait l'objet d'une vraie discussion, qui aura sans doute fait évoluer les esprits. Je regrette que la CMP soit revenue sur l'amendement concernant les ambassadeurs thématiques : il faut réduire les dépenses.
Ce projet de loi de finances rectificative ne taxe pas que les riches, mais les classes moyennes. La réduction du traitement du président de la République et du Premier ministre est avant tout symbolique et démagogique. Je regrette que la contribution de l'État au CNFPT ne soit pas maintenue à 0,9 %...
M. Jean Arthuis. - Eh oui !
M. Vincent Delahaye. - Avec la très grande majorité du groupe UCR, je voterai contre ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)
M. François Marc, rapporteur général . - Merci à nos collaborateurs. Je salue le travail du Gouvernement et surtout le vôtre, monsieur Cahuzac. Vous avez hérité d'une situation fort difficile. Elle l'était déjà il y a cinq ans, mais le gouvernement avait commencé par diminuer les recettes ! On voit où on en est aujourd'hui. Au-delà de la conjoncture, les décisions prises par le passé nous laissent avec un déficit structurel et de difficiles arbitrages à rendre.
Nous allons vite nous retrouver autour de la maquette budgétaire : je suis sûr que nous saurons ensemble relever le défi de la justice et de l'équilibre. Je prodigue à M. le ministre du budget tous nos encouragements. De difficiles mais nécessaires décisions l'attendent. (Applaudissements à gauche)
Les conclusions de la CMP, modifiées, sont mises aux voix par scrutin public de droit.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 172 |
Pour l'adoption | 177 |
Contre | 166 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements à gauche)
Ajournement du Sénat
Mme la présidente. - Je constate que le Sénat a épuisé son ordre du jour pour la session extraordinaire. Mais l'Assemblée nationale n'a pas terminé ses travaux. Dans ces conditions, le Sénat voudra sans doute s'ajourner. Je vous souhaite à tous de bonnes vacances !
La séance est levée à 20 h 50.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques