Biodiversité (Débat)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la tenue d'un débat sur la biodiversité.
M. Ronan Dantec, au nom du groupe écologiste, auteur de la demande. - (Applaudissements sur les bancs écologistes)
« Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers ».
Ce poème de Baudelaire a été publié en 1861 dans la deuxième édition des Fleurs du mal. Dix ans auparavant, Herman Melville avait publié Moby Dick : « Les grandes baleines avaient projeté leur souffle sur toutes les mers, arrosant et parant de mystère les jardins des profondeurs avec tant de jets d'eau ». Déjà alors, la chasse à la baleine s'industrialise et, dès la fin du XIXe siècle, les baleines grises disparaissaient de l'Atlantique nord et les albatros des côtes de l'Europe. En 2008, deux scientifiques notaient la corrélation entre la disparition de ces deux espèces. La biodiversité, c'est l'interaction des équilibres.
Né quelques dizaines d'années plus tard, Charles Baudelaire aurait-il pu écrire ce poème qui a nourri notre imaginaire ? Le lien entre l'oiseau et la plume du poète, c'est la troisième catégorie des services, artistiques, à côté des services de prélèvement et ceux de régulation -du climat, notamment, et de la pollinisation, sans lesquels nous serions quelque peu embêtés.
Nous sommes dans le temps où l'homme peut, à grande échelle, faire fondre les banquises, empoisonnant les océans. Nous sommes donc face à une impérieuse nécessité : protéger l'interaction entre l'humain et son environnement.
Le premier enjeu est la préservation de la terre agricole et des espaces naturels : tous les sept ou huit ans, des terres équivalant à un département sont artificialisées. Saluons l'action de France Nature Environnement, qui demande que tout espace dénaturalisé soit compensé par un espace renaturalisé. Il faut modifier les règles d'urbanisme. Les schémas de cohérence territoriale doivent être plus directifs. La densification des grandes villes est un enjeu central : halte au grignotage des lotissements néoruraux, dont les habitants sont condamnés à boulotter les kilomètres.
Il faut sortir du modèle d'une agro-industrie shootée au phytosanitaire. Hélas, aucune stratégie n'est à l'oeuvre. L'accroissement des surfaces cultivées en bio, prévue par le Grenelle, serait une amorce de solution. La mission sénatoriale sur les pesticides devra proposer des avancées concrètes. Sur les OGM, nous nous félicitons de l'unanimité à gauche.
La reconquête des milieux aquatiques, prévue par la directive de 2000, est aussi une priorité. Des remises en cause seront nécessaires, comme pour le traitement des eaux de pluie. Réduire nos effluents est également un enjeu majeur. Il y faudra des coopérations, en Méditerranée notamment.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Ronan Dantec, auteur de la demande. - Las, ce Gouvernement n'a jamais fait de l'environnement une priorité.
A Rio, la France devra militer contre la surpêche et en faveur de la recherche : son territoire marin, le deuxième après les États-Unis, lui donne des responsabilités particulières. A quoi s'ajoute la lutte contre les pollueurs marins.
Oui, il faut rapprendre à vivre avec l'ours des Pyrénées et avec le loup des Alpes, protéger des espèces terrestres et marines remarquables, mais la perte de la biodiversité banale mérite aussi notre attention. Préserver les territoires, limiter les agressions, préserver les espèces : voilà les bases d'un plan stratégique. Il faut traduire en droit les engagements de Nagoya pour éviter la captation par le privé du bien public qui est le vivant. La trame verte et bleue doit devenir opposable aux documents d'urbanisme, sauf à rester simples documents d'étude.
Si chacun est aujourd'hui prêt à s'ériger en protecteur de la nature, il y a loin de l'intention au réel. Je vous sais tous attentifs à la charte des populations d'amphibiens. Mais aurons-nous la force de persuasion pour convaincre que l'aéroport de Notre-Dame des Landes n'est pas raisonnable ? Et défendrons-nous jusqu'au bout le grand hamster d'Alsace ?
Je ne doute pas que la majorité sénatoriale cessera son antienne sarkozo-pendulaire : « un coup je m'affiche, un coup je m'en fiche ». (On rit sur les bancs écologistes)
La fiscalité, enfin. C'est à une vraie réforme à laquelle il faut procéder. Toute l'intervention publique, y compris des collectivités territoriales, doit être remaniée, avec les acteurs de terrain sans lesquels rien ne se fera, le monde scientifique, au premier chef. Nous ne connaissons que moins de deux millions d'espèces multicellulaires sur la dizaine de millions estimées. En 2010 ont été découvertes 123 espèces, dont une grenouille sans poumon et un primate.
Le monde associatif ensuite, qui a préservé bien des sites et sauvé bien des espèces. Hommage lui soit rendu. Le futur Conseil national de la biodiversité lui donnera une enceinte. Une gestion partagée ne sera fructueuse que si un statut est reconnu au monde associatif ; le bénévolat ne peut suffire. L'enjeu est démocratique. Je me félicite de la création, au Sénat, d'une commission du développement durable et de l'écologie. Il serait logique de créer, dans la foulée, un groupe d'étude sur la biodiversité.
Je partage l'écoeurement des associations de protection de l'environnement face aux dernières annonces du chef de l'État, comme celui des chasseurs, que l'on prend pour des gogos en période électorale. Eux aussi méritent plus de considération.
Le prochain sommet de Rio doit nous occuper. La France plaide pour une organisation mondiale de l'environnement, à laquelle le président Abou Diouf a apporté le soutien de la francophonie. Cette OME doit être assez puissante pour s'imposer face à l'OMC. La commission de développement durable de l'ONU doit aussi être soutenue.
De Virgile à Rousseau, en passant par Averroès, cette lumière espagnole du temps de notre sombre Moyen Age catholique, notre monde a su, dépassant l'étroite pensée de Darwin, nous montrer que la vérité ne se réduit pas à la struggle for life. Entre la baleine et l'albatros, où est la lutte pour la vie ? Chacun a besoin de l'autre. Notre monde rationnel peut se servir de cet enseignement, dépasser les logiques de compétition, qui nous appauvrissent, pour arriver à une approche de coopération qui nous enrichira tous. C'est ce message d'interaction que nous devrons porter jusqu'à Rio. (Applaudissements sur les bancs écologistes et sur la plupart des bancs à gauche)
M. Daniel Raoul. - Amen !
Mme Évelyne Didier. - La biodiversité, c'est la vie : la diversité du monde est une assurance vie pour l'humanité. Le monde du vivant est une source de création inépuisable qui, hélas, s'érode depuis quelques décennies, sous l'effet des activités humaines. La prise de conscience par les États est réelle mais reste insuffisante. Nagoya laisse les mesures au bon vouloir des États. Certes, des outils existent, comme la trame verte et bleue, mais les finances ne suivent pas.
Le bilan reste mitigé. Les sujets de controverse sont nombreux -voir les difficultés de cohabitation entre les éleveurs et le loup. Pour l'heure, seulement 2 des 26 dispositifs dommageables à l'environnement ont été supprimés. Même si certains objectifs du plan stratégique de Nagoya sont en bonne voie d'être atteints, il reste bien du chemin. Les subventions à la pêche doivent être revues et la surveillance renforcée. Les dispositions relatives aux variétés agricoles ne sont toujours pas équitables : des variétés anciennes ont des atouts dont on se prive avec la standardisation.
La prise de conscience, dans la population, reste insuffisante, comme celle des élites. Chacun doit s'emparer du sujet. Il faut commencer par l'éducation. Des parlementaires, notamment.
M. Roland Courteau. - Certes.
Mme Évelyne Didier. - Il ne s'agit pas de mettre la nature sous cloche mais d'associer les populations, comme avec Natura 2000. La gouvernance des eaux extraterritoriales reste un échec. Mandat devrait être donné à l'assemblée générale des Nations unies pour la conservation des espèces marines.
Se pose, surtout, la question de la privatisation de la biodiversité. Valoriser la nature, en euro ou en dollars, peut être utile à la prise de conscience mais la valeur d'usage des écosystèmes dépasse l'ensemble des richesses produites par l'homme.
M. Jean Desessard. - Bravo !
Mme Évelyne Didier. - Tout écosystème détruit est perdu : l'idée de compensation écologique est une imposture. Je crains une généralisation du chantage : « je ne détruis pas ma forêt, mais que me donne-t-on en échange ? » Il faut sortir la notion de gratuité de l'ornière marchande où on l'a ainsi placée : ne laissons pas le vivant devenir l'objet de transactions si sordides. (Applaudissements à gauche)
M. Raymond Vall. - La biodiversité, essentielle à la survie de l'homme, est souvent négligée. L'échelle longue du temps se heurte à une accélération préoccupante. En moins de 250 ans, la biodiversité a été brutalisée, voire détruite. Elle est pourtant une barrière contre les cataclysmes. Il a fallu Rio pour qu'on la considère comme une ressource vitale. La responsabilité de la France, avec son outre-mer, huitième pays dont le plus grand nombre d'espèces sont menacées, est toute particulière.
L'homme porte une lourde responsabilité : l'artificialisation des sols, la disparition de 75 % des zones humides, la surexploitation des ressources naturelles, à quoi s'ajoutent les effets dévastateurs du changement climatique. Bien des espèces marines disparaissent du fait de l'absorption par les océans d'un tiers des gaz à effet de serre.
La feuille de route de Durban devra se traduire en engagements contraignants. Le coût économique est énorme, même si des efforts ont été accomplis. Il faut une vision plus prospective. L'inventaire des espèces reste à achever et pourraient y être associés les citoyens. La stratégie nationale pour la biodiversité, qui engage l'État, concerne tous les acteurs de la société civile. Saluons les 62 projets innovants qui ont été retenus. L'aménagement du territoire joue également son rôle. Que la trame verte et bleue soit intégrée aux documents d'urbanisme est une bonne chose.
Le rendez-vous de juin 2012 à venir, à Rio, nous invite à relever le défi en engageant des actions concrètes, conformément au principe du sommet de 1992, qui allait à impliquer chacun dans une mobilisation de tous sans laquelle les sommets resteront condamnés à se succéder sans produire d'effets. Les parlementaires ont un rôle majeur de relais à jouer dans cette prise de conscience. (Applaudissements à gauche)
Alain Houpert. - Je me réjouis de ce débat et que notre société prométhéenne s'aperçoive que sa richesse est dans la différence. Merci donc d'avoir voulu ce débat fondamental. Alors que l'on s'emploie à favoriser le pluralisme en politique, le progrès économique et social nous porte à oublier l'enjeu central de la biodiversité. Elle est aujourd'hui sortie du cénacle des spécialistes. Chacun peut constater l'appauvrissement rapide de l'environnement. Nos campagnes françaises ont perdu la petite faune et la flore endogène dont elles étaient riches.
L'interaction entre les écosystèmes n'est plus à démontrer. Depuis le 1er janvier de cette année, 2 788 espèces ont disparu, ainsi que 20 % des récifs coralliens et 6 millions d'hectares de forêts primaires. Et le réchauffement climatique ne fait qu'aggraver les choses.
Les causes ? La santé démographique de l'humanité, qui a bousculé, après les équilibres internationaux, ceux de la planète. Les échanges, qui ont contribué à la paix, ont aussi uniformisé l'offre et la demande. Le développement de la recherche génétique a donné lieu, lui aussi, à des abus.
Mais on ne saurait faire de l'homme le coeur du problème, quand il doit bien plutôt être mis au coeur de la solution. Tous les hommes ont droit à des conditions de vie décentes et à se nourrir à leur faim. Il faut faire confiance à l'humanité, qui a toujours su faire face à sa propre expansion.
Préserver, ce n'est pas déployer un excès de zèle, militer contre la croissance. La politique, c'est créer des choix là où l'on croit qu'il n'en est plus : ne pas prévoir l'avenir mais le rendre possible, disait Saint-Exupéry. Le pessimisme ne mène à rien. Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir, de la différenciation. Si le climat avait été une banque, on l'aurait sauvé depuis longtemps !
Nos financiers, hélas, ont manqué de beaucoup de bon sens paysans. Nous retrouverons le chemin en renouant avec ce pas sûr, celui du paysan, qui est aussi celui du sénateur. Les mesures radicales ne sont pas comprises. Il ne faut pas dénigrer ce qui marche. Comme on dit en Bourgogne, entendre de ses yeux permet de mieux voir. Nous avons besoin de fondements solides. Un message délivré hors sol auprès des agriculteurs ne saurait être entendu : il serait reçu comme un prêche de nouveau converti. Quand on vit, comme moi, à la campagne, on sait que l'on n'est pas seul, sous la voûte étoilée. Plus les racines sont profondes, plus les branches sont étendues.
Acceptons l'évolution et cherchons des signes d'espoir. Nous sommes à la recherche de la cité future, lit-on dans le livre des Hébreux, de la Bible. Cessons de jeter l'anathème et ayons confiance en la recherche. Socrate disait que l'espérance est l'attitude de l'homme éveillé. La finance est devenue notre seule boussole. Je ne suis ni pessimiste ni optimiste, mais déterminé. Ne cherchons pas les coupables mais trouvons les remèdes.
La planète, nous la protégerons ensemble, dans l'échange. Nous sommes les usufruitiers de la terre nourricière ; nous n'en sommes pas les propriétaires, elle nous possède. Par l'esprit, nous trouverons la solution.
M. Jean-Vincent Placé. - C'est un grand plaisir d'intervenir dans ce débat, mais j'éprouve un certain dépit devant ces bancs clairsemés.
Comme l'a excellemment dit M. Dantec, pour la biodiversité, il y a urgence. J'ai eu l'honneur de fonder Natureparif et j'ai observé l'ampleur de la tâche.
Qu'est-ce que la biodiversité ? Ce n'est pas une lubie d'écologistes. Elle ne se limite pas à quelques espèces de faune et de flore à protéger mais c'est la diversité biologique grâce à laquelle nous pouvons vivre. Elle est omniprésente. Il faut préserver la nature, par amour.
Je suis un pragmatique. (On le confirme sur certains bancs du RDSE) Protéger la biodiversité, ce n'est pas un choix mais une nécessité. Les concepts de services écologiques et écosystémiques montrent que la biodiversité est présente dans nos vies quotidiennes. Défendons la nature pour ce qu'elle nous apporte.
La biodiversité est inestimable. Le rapport Chevassus au Louis a été rendu sur l'approche économique de la biodiversité. Notre président de la République, après une petite période écolo virtuelle, nous a dit son sentiment : « l'environnement, ça commence à bien faire ». Ce n'est pas être à la hauteur des enjeux. L'appauvrissement de la biodiversité, c'est immanquablement l'augmentation des prix.
La biodiversité a des impacts sociaux. Les ménages qui s'installent à la campagne veulent une meilleure qualité de vie. La dimension environnementale des maladies cardiovasculaires est méconnue. C'est pourtant une réalité ! La biodiversité n'est pas seulement la priorité des amoureux de la nature.
Madame la ministre, le Gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure de l'enjeu. Que fait-il pour changer les pratiques des industriels ? Comment améliorer la situation en réduisant les moyens -50 % en Ile-de-France ?
La France est toujours à la traîne en matière de fiscalité verte. Elle se place au 24e rang sur 27 dans l'Union européenne. Le Gouvernement semble impuissant. Je l'encourage à appliquer les préconisations qui figurent dans le rapport Sainteny sur les aides publiques dommageables à la biodiversité. Et je fais des propositions : il faut produire mieux, recyclable, en créant des emplois... C'est avec tristesse que je constate que la préservation de la biodiversité n'est pas une priorité de ce gouvernement. Vous allez nous répondre, madame la ministre. J'espère que vous saurez nous convaincre que le Gouvernement dépasse les seuls effets d'annonce. L'avenir de la planète en dépend ! (Applaudissements sur les bancs écologistes et socialistes)
M. Jean-Claude Merceron. - La biodiversité s'effondre, mais quel rythme pour le collapsus ? C'est Yves Paccalet, adjoint du commandant Cousteau et scientifique émérite, qui disait cela en 2006. Depuis, le bilan s'alourdit. En une heure, l'homme défait ce que la nature met un an à accomplir.
Nous avons bouleversé l'équilibre naturel : l'homme pourrait être responsable de la quatrième grande extinction de la vie sur la planète.
En Vendée, les rivières sont asphyxiées par les plantes exotiques. Ces atteintes multiples sont confirmées par le rapport Halonen-Zuma remis au secrétaire général des Nations unies dans la perspective du sommet de Rio de juin. Il faudrait accroitre la production agricole et d'énergie dans des proportions considérables pour répondre aux besoins de la population d'ici à 2030. Mais les mers sont surexploitées, la pollinisation décroît, les forêts disparaissent. Trois des seuils à ne pas franchir l'ont été : le réchauffement climatique, la perturbation du cycle de l'azote et de la biodiversité. Le danger est réel, mais mal connu. Le péril avance masqué. Combien la terre abrite-t-elle d'espèces vivantes ? Nous n'en savons rien. Nous ne connaissons pas l'impact de notre activité sur toutes ces espèces. Et puis, qui sauver ? L'homme a provoqué le déluge et cherche à construire l'arche de Noé.
Le facteur affectif permet de mobiliser des fonds pour le panda. Mais le ver de terre n'est-il pas plus utile à la biodiversité ?
Pourquoi les écologistes ne nous parlent-ils pas de cela au lieu de regarder les choses par le petit bout de la lorgnette et de défendre leur mare aux canards ?
M. Joël Labbé. - C'est faux !
M. Jean-Claude Merceron. - Que fait la France, madame la ministre ? Allons-nous rester les bras croisés ? Ne pourrait-on lancer un inventaire transnational des espèces et nous faire, à Rio, les défenseurs du vivant ? Les considérations économiques et financières ont fait passer ces considérations au second plan. Sans diversité, il n'y aura plus jamais de AAA, ni rien d'autre, d'ailleurs...
M. Claude Jeannerot. - L'essentiel a été dit. Ce qui caractérise la situation, ce n'est pas un déficit de paroles et de prise de conscience, mais d'action. La crise nous occupe, nous mobilise.
Pourtant, cette crise n'est pas seulement économique et sociale, mais aussi environnementale.
Le rythme d'extinction des espèces est sans précédent. Or, qu'ont décidé les pouvoirs publics ? Certes, il y a eu le Grenelle : c'était innovant et ambitieux. Depuis, les objectifs n'ont pas été atteints. Sur le plan de l'agriculture, l'usage des pesticides ne va pas diminuer de moitié ; il augmente avec des produits plus concentrés. Or, cet usage a un impact direct sur la biodiversité et l'eau.
La trame bleue et verte va-t-elle être mise en oeuvre ? Les collectivités territoriales prennent le relais de l'État défaillant. Enfin, la fiscalité environnementale stagne : comment orienter des choix fiscaux pour limiter l'étalement urbain, comment réduire les émissions de métaux lourds ? N'est-il pas temps de créer un fonds national de la biodiversité ? Une forte volonté politique nationale est nécessaire.
Il faut aujourd'hui un nouveau contrat de confiance entre l'État et les collectivités locales. Le département du Doubs a été en cela pionnier, faisant la preuve qu'il savait entreprendre. Charles Beauquier, député du Doubs, a fait voter la loi de 1906, qui permit de classer la source du Lison, au pays de Courbet, que menaçait de destruction un meunier.
En tant que président du conseil général du Doubs, je m'attache à faire vivre l'héritage qui m'a été légué.
C'est un nouveau pacte de confiance qui nous permettra de progresser. Sortons de la dictature de l'urgence et envisageons le long terme. Il est temps d'agir. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. - Je veux remercier le groupe écologiste d'avoir organisé ce débat.
Sans méconnaître les pressions sur la biodiversité, ce débat doit être mis en perspective. Il ne s'agit effectivement pas d'une lubie d'écologistes, monsieur Placé. La société s'est émue. Le mot de biodiversité, d'obscure locution de spécialistes, est devenu terme courant pour 98 % des personnes interrogées, dont 35 % peuvent en donner une définition correcte. Cela prouve que la prise de conscience est effective. Grâce à cela, nous arriverons à Rio plus forts.
Avec les 2 800 initiatives que nous avons soutenues dans le cadre de l'année de la biodiversité, nous y avons contribué. Le monde économique a aussi eu sa part dans cette prise de conscience. Certaines normes lui ont été imposées mais il les a intégrées pour la valorisation d'un savoir faire écologique. Protéger la biodiversité n'est pas une option mais une obligation. Le Grenelle, qui a été voulu par le président de la République, a bénéficié de ce changement des mentalités. C'est un mouvement planétaire qui explique le succès de la convention de Nagoya. La France a adopté une stratégie nationale pour la biodiversité, élaborée en concertation avec tous les acteurs. A ce jour, 230 structures ont adhéré et vont présenter un programme d'action, qui sera labellisé. Ils seront rendus publics en octobre 2012.
M. Jean-Vincent Placé. - C'est bien loin !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - En matière d'aires protégées terrestres, le Grenelle I permet de combler les lacunes actuelles. Plus de 200 ont été identifiés et 3 parcs nationaux supplémentaires seront créés, dont le parc des Calanques. Un parc forestier le sera, entre Champagne et Bourgogne.
Pour les zones humides, la création d'un parc national a été plus longue à mettre en place mais elle devrait aboutir en 2012.
Trois réserves naturelles seront créées au premier semestre. Les agences de l'eau et le Conservatoire du littoral ont déjà acquis 18 400 hectares de zones humides sur les 20 000 prévus d'ici à 2015.
Une stratégie pour la création d'aires marines protégées a été élaborée. Trois parcs marins ont déjà été créés et quatre autres le seront. Les parcs de Port-Cros et de Guadeloupe ont vu leur territoire étendu en mer. Natura 2000 couvre 12 % du territoire et les parcs naturels en couvrent 14 %.
La barre des 1 000 contrats Natura 2000 a été franchie ; deux parcs naturels régionaux vont être créés : Préalpes d'Azur et Baronnies.
Pour créer des infrastructures naturelles, c'est la trame bleue et verte, qui est en marche avec les collectivités. Des décisions d'effacement de barrages ont été prises, même si cela fâche certains.
Les plans nationaux d'action en faveur des espèces menacées d'extinction concernent désormais 70 espèces, inventoriées par le Muséum national d'histoire naturelle.
En matière de préservation des terres agricoles et naturelles, nous favorisons la densification urbaine. Les élus locaux peuvent mettre en place une taxe pour sous-densité.
Le Gouvernement souhaite lutter contre les OGM. S'agissant du plan Ecophyto, l'effort se poursuit, en dépit des contraintes budgétaires, avec 140 millions de crédit en 2011.
L'amélioration de la connaissance est nécessaire : nous devons donner à chacun les moyens d'agir efficacement grâce à une meilleure connaissance. Le ministère finance des appels à projets thématiques et la Fondation pour la recherche sur la biodiversité a été créée.
D'ici 2018, une cartographie au 25 000e de la végétation sera réalisée et disponible gratuitement pour les personnes publiques. D'autres types d'inventions évoluent, comme les zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique (Znieff).
J'en viens aux crédits. L'État s'était engagé à explorer des mécanismes de financements nouveaux. Le Fonds d'investissement pour la biodiversité a été créé et sera doté de 25 millions. (Applaudissements à droite)
Enfin, la gouvernance de la biodiversité sera rénovée. Le groupe de travail présidé par le préfet Schmidt, et dont votre collègue Dantec était membre, a fait des propositions consensuelles : la création d'un comité national unique et d'un conseil scientifique permettra de simplifier le travail sur la biodiversité.
Je suis fière que nous ayons mis l'homme au coeur de la biodiversité.
Les pressions sur la biodiversité vont croissant. Nous devons progresser encore et des chantiers sont en cours. Le rapport Sainteny sur les subventions dommageables pour l'environnement doit trouver plus d'écho ; il faut valoriser les services écosystémiques. Il reste une marge d'innovation, en avançant avec le bon sens paysan dont a parlé M. Houpert. Les ministères doivent y prendre leur part. C'est dans cet esprit que le Scellier a été modifié.
La révolution est en marche et je vous remercie de m'accompagner, chacun à sa manière. (Applaudissements à droite)
Prochaine séance demain, jeudi 9 janvier 2012, à 9 h 30.
La séance est levée à 23 h 20.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du jeudi 9 février 2012
Séance publique
A 9 heures 30
1. Débat sur la situation de l'industrie automobile en France
A 15 heures
2. Questions d'actualité au Gouvernement
3. Proposition de résolution relative à la filière industrielle nucléaire française, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution (n°202, 2011-2012)