Sécurité sanitaire du médicament (Nouvelle lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament.
Discussion générale
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. - Tout aurait été dit sur ce texte ? Pas encore... Votre commission des affaires sociales défend une motion tendant à opposer la question préalable pour, soutient-elle, marquer clairement son désaccord avec le texte issu de l'Assemblée nationale. Ce texte est vital pour notre système de santé. Il y aura un avant et un après Mediator.
Il y aura également des décrets, une refonte de l'organisation de l'Agence de sécurité du médicament, une dimension européenne.
Je souhaite une clause de rendez-vous dans deux ou trois ans pour vérifier que cette loi importante fait bien l'objet d'« un service après-vote ».
Tout n'aurait pas été dit sur la déclaration des liens d'intérêts. Contrairement à l'Assemblée nationale, le Sénat voulait interdire ceux-ci durant trois ans pour les postes de direction de certaines grandes agences. Ne confondons pas liens et conflits d'intérêts. Si une telle disposition existait, nous n'aurions pas pu nommer M. Maraninchi, ce qui serait bien dommage. A chacun d'apprécier la situation des candidats lors de l'audition parlementaire... Avec votre système, il faudrait que les candidats viennent de la planète Mars pour pouvoir concourir !
Je ne veux pas donner trop d'importance à la sémantique, mais après le Mediator, tout doit changer, y compris le nom de l'agence en charge du médicament. Le symbole est important.
Pourquoi maltraiter les associations de patients au nom de la transparence ? Vous introduisez entre elles et les professionnels de santé une inégalité de traitement ! La transparence étant à la base de la confiance, vous provoqueriez un recul de la démocratie sanitaire.
Le décret prévu à l'article 9 bis préserve le dispositif ; il n'en modifie nullement la portée. Les essais cliniques devront être réalisés contre comparateurs actifs.
L'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) doit bénéficier largement aux patients. Ne les privons pas d'une chance de guérir !
Sur les actions de groupe, le débat n'est pas mûr. Enfin, le fameux article 19 sur la visite médicale... Je ne veux pas stigmatiser une profession mais celle-ci doit profondément changer. La visite collective est déjà une réalité à l'hôpital dans 30 à 40 % des cas. Certes, elle est difficile à mettre en oeuvre dans les petits hôpitaux, mais le collectif commence à deux personnes.
Une position partisane sur un tel texte est exclue : la santé est l'affaire de tous ! (Applaudissements à droite)
M. Bernard Cazeau, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Notre approche, dénuée d'a priori politique, s'appuyait sur les conclusions, auxquelles nous avions unanimement souscrit, de la mission Mediator et de la mission conduite par M. Barbier en 2006 sur le médicament.
A l'Assemblée nationale, la gauche avait souhaité laisser une « seconde chance » à ce texte au Sénat. Tel a été ici le sens du vote du groupe UCR. La majorité gouvernementale a malheureusement fait voler en éclat ce beau consensus et fait échouer la CMP.
Quelque 51 articles restaient en discussion. L'Assemblée nationale a repris notre rédaction sur dix-sept articles, sous réserve du nom de la nouvelle agence, auquel nous n'attachons d'ailleurs pas autant d'importance que vous. Nous pensons simplement que la qualifier de française plutôt que de nationale a davantage de sens dans les instances internationales.
L'Assemblée nationale a accepté des propositions émanant du groupe UMP, et quelques miettes du groupe CRC ou des Verts...
M. Ronan Kerdraon. - Allez savoir pourquoi...
M. Bernard Cazeau, rapporteur. - Cela n'étonnera personne. Je déplore que l'Assemblée nationale ait refusé les apports du Sénat en matière de liens d'intérêts, que nous ne confondons pas avec les conflits d'intérêt dont ils sont la cause. Il en est de même du financement des associations de patients, un corps indépendant d'experts.
Qui plus est, ce texte marque un recul sur les avancées adoptées en première lecture à l'Assemblée nationale : je pense à l'important article 9 bis. Le risque d'entraver le développement de médicaments innovants protègera les me too. En fait, ce texte se résume à la transposition de la directive européenne sur la pharmaco-vigilance.
M. Jacky Le Menn. - Eh oui !
M. Bernard Cazeau, rapporteur. - Le flou qui entoure ses dispositions inhibera la future agence. Pourquoi refuser d'harmoniser la procédure de contrôle des déclarations d'intérêts avec celle du projet de loi Sauvé ? En vous contentant de comités internes, vous rendez le système totalement inefficace.
Quant à l'interdiction de liens d'intérêts durant trois ans, votre argument ne tient pas : ces éminents professeurs, à défaut de prendre la direction d'une agence, peuvent en devenir des experts ou, mieux oeuvrer directement pour les soins et la recherche au sein des services hospitaliers.
L'Assemblée nationale a supprimé le site public regroupant les informations sur les liens d'intérêts. Autrement dit, Google tiendra lieu de transparence...
Quant aux ATU, je persiste à croire qu'il faut distinguer les ATU de droit commun des ATU dérogatoires pour répondre à des cas très isolés... Les campagnes sur la vaccination, je le répète, doivent relever de la seule puissance publique. Sur la visite médicale, que reste-t-il de votre article 19 ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Grâce à vous, pas grand-chose ! Et M. Hollande, qui avait vu les visiteurs médicaux ! Double langage du parti socialiste !
M. Bernard Cazeau, rapporteur. - Vos propositions ont été censurées par votre majorité ! Vous n'avez pas su la convaincre, elle qui est prompte à défendre les intérêts particuliers.
Selon un haut responsable de notre système sanitaire, le prochain Médiator sera un dispositif médical. Il n'y a rien dans le texte !
« Le doute doit désormais bénéficier au patient », disiez-vous, monsieur le ministre. L'Assemblée nationale est revenue sur les articles mettant en cause la responsabilité des produits défectueux.
L'article 17 bis alignait leur régime juridique sur celui des produits issus du corps humain. L'article 17 ter allégeait la charge de la preuve qui pèse sur les requérants. Il n'en reste rien.
L'article 30 bis introduisait l'action de groupe pour les victimes d'interactions médicamenteuses. Il fallait profiter de ce texte symbolique. Mais l'Assemblée nationale a préféré le statu quo et renvoyé tout cela aux calendes grecques avec votre complicité, monsieur le ministre !
M. Ronan Kerdraon. - Cela a fait pschitt !
M. Bernard Cazeau, rapporteur. - Vos propos vigoureux, monsieur le ministre, perdent au fil des mois de leur fermeté et de leur originalité. Nous ne pouvons nous acharner à convaincre : d'où la question préalable. (Applaudissements à gauche)
M. André Reichardt. - Encore !
Mme Chantal Jouanno. - Quel esprit constructif !