Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Protection de l'identité (Deuxième lecture)
Patrimoine monumental de l'État
Articles additionnels avant l'article premier
SÉANCE
du jeudi 3 novembre 2011
13e séance de la session ordinaire 2011-2012
présidence de M. Charles Guené,vice-président
Secrétaire : M. Jean-François Humbert
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt de rapports
M. le président. - M. le Premier ministre a transmis au Sénat plusieurs rapports. Celui sur les missions d'intérêt général et l'aide à la contractualisation retraçant l'évolution de la dotation nationale et des dotations régionales affectées à ces missions ; celui sur la tarification à l'activité des établissements de santé et ses conséquences sur l'activité et l'équilibre financier des établissements publics et privés ; celui sur le bilan d'avancement du processus de convergence tarifaire faisant état des réalisations et des travaux menés dans la mise en oeuvre de la convergence tarifaire ; celui sur l'évaluation de la mise en oeuvre de la franchise sur les médicaments, les actes des auxiliaires médicaux et les transports sanitaires ; enfin, le rapport d'activité du Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins.
Ces rapports ont été transmis à la commission des affaires sociales.
Rappel au Règlement
M. Jean-Jacques Hyest. - Hier nous n'avons pu achever la discussion de la proposition de loi sur l'intercommunalité. Nous avons su hier soir que nous siégerions cette nuit et peut-être demain. C'est le genre d'improvisation que l'on a beaucoup reproché au Gouvernement !
On ne respecte même plus l'article 29 bis de notre Règlement : en ne commençant qu'à 9 h 30 ce matin, on ampute le créneau réservé à l'UMP.
Trouvons des règles qui s'appliquent à tous !
M. le président. - Je conviens de ces désagréments d'emploi du temps et j'évoquerai le sujet en Conférence des présidents mais les quatre heures de ce matin ne seront pas amputées : il est prévu que nous puissions poursuivre nos travaux jusqu'à 13 h 30.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Le débat hier était fort intéressant ; les nombreux amendements de M. Hyest le sont aussi et nous souhaitons l'écouter jusqu'au bout.
M. Jean-Jacques Hyest. - Quel hypocrite !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Je n'apprécie guère un tel adjectif.
M. Jean-Jacques Hyest. - Je le maintiens.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous êtes libre de vos propos.
Votre groupe a présenté concomitamment une motion de renvoi en commission et de nouveaux amendements. Où est la logique ? Quoi qu'il en soit, vous aurez l'occasion de les défendre ce soir, voire cette nuit. Voilà une béatitude.
Je remercie le président Guené de son propos. Le début de séance a été repoussé à 9 h 30 parce que le débat financier d'hier a duré jusqu'à minuit et demi. Mais vous ne perdrez pas une minute.
Cet après-midi, les amendements sur la proposition de loi centriste sont nombreux ; j'ai proposé à la Conférence des présidents que dans ce cas comme dans celui d'hier, on puisse poursuivre la discussion jusqu'à son terme. Cela me paraît de bonne méthode parlementaire, plutôt que d'appliquer un couperet après deux, trois ou quatre heures.
M. Jean-Jacques Hyest. - Il faut respecter la Constitution !
Protection de l'identité (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'identité.
Discussion générale
M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. - La proposition de loi Lecerf-Houel a fait l'objet lors de la première lecture de débats denses et constructifs. Il s'agit de simplifier les démarches administratives et lutter contre l'usurpation d'identité.
Ce qui concerne la nouvelle carte d'identité a été adopté conforme, je m'en réjouis. Les usurpations d'identité sont difficiles à quantifier, de l'emprunt d'identité sans conséquence jusqu'à l'escroquerie. Ce phénomène polymorphe touche quoi qu'il en soit plusieurs dizaines de milliers de personnes. C'est un fléau lancinant en constante progression, qui peut transformer une vie normale en cauchemar : personnes bloquées aux frontières, dépressions chroniques, interdictions bancaires, souscriptions de crédits à la consommation, radiations de droit à la sécurité sociale, etc. Les victimes sont harcelées de lettres recommandées, de convocations devant la justice, elles doivent démontrer leur innocence, expliquer, se justifier.
Il nous faut une carte d'identité susceptible d'empêcher ce phénomène : titre plus sûr et procédure d'obtention simplifiée. Ne restent en discussion que les modalités concernant les données biométriques. Le titre électronique sécurisé existe déjà pour les passeports.
L'article 5, objet du désaccord, traite du lien entre les éléments d'état civil et les données biométriques. Votre commission propose un fichier à lien faible, alors que nous reprenons l'équilibre entre sécurité et libertés individuelles défini en 2005 dans le rapport Lecerf à propos d'un fichier national d'identité. Nous préférons un lien fort, considérant que c'est plutôt l'accès à la base que les données elles-mêmes qu'il faut sécuriser. S'exprimant à propos du décret relatif au passeport biométrique, le Conseil d'État, a estimé récemment que, si le traitement est encadré, il ne porte pas une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles. L'utilisation de la base centrale doit garantir la délivrance du titre à la bonne personne. Des réquisitions sont envisageables sous le contrôle du juge. Est aussi prévue une stricte traçabilité des personnes qui consultent le fichier.
En revanche, une base à lien faible ne permet pas d'identifier un usurpateur entré dans la base avant le vrai possesseur de l'identité. La fiabilité technique est contestée et le système n'a jamais été expérimenté à cette échelle, on n'en connaît ni le coût ni la durée d'élaboration. On en est au stade du seul concept. Comme une seule entreprise serait concernée par une base à lien faible, légiférer en ce sens irait contre le droit européen de la concurrence.
Ne vous arrêtez pas au milieu du chemin, donnez à la puissance publique la capacité de lutter contre ce fléau, revenez sur l'amendement de la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois. - Le Sénat souscrit au but poursuivi : titres électroniques associés à une base de données biométriques. Mais l'Assemblée nationale a adopté une position radicalement différente de la nôtre sur la question cruciale de l'architecture du fichier central biométrique. La commission des lois a estimé, le 17 octobre, qu'un retour à la rédaction initiale du Sénat s'imposait. L'initiative était tout de même de notre côté ! Nous avons fixé les termes du débat en reconnaissant la légitimité de l'objectif sans porter atteinte aux droits fondamentaux.
L'Assemblée nationale a supprimé les garanties techniques que nous avions apportées, en estimant qu'en cas d'usurpation on ne pourrait, par consultation du fichier, la détecter. Le fichier ne pourrait être utilisé en matière criminelle, disent les députés. Mais nous privilégions la dissuasion sur la répression : si l'usurpateur a 99,9 % de chances d'être repéré, comment persévérerait-il ? L'objectif du texte est donc atteint et il y a bien proportionnalité entre le but et la rédaction.
L'Assemblée nationale rompt cet équilibre et nous fait courir un risque d'inconstitutionnalité ; puis encore, elle nous place en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Son texte ne satisfait même pas la volonté affichée par les députés car il rend possible l'utilisation du fichier central même hors de toute réquisition judiciaire.
Le 25 octobre, la Cnil a adopté une note d'observation sur la proposition de loi, demandant que l'on s'assure que le traitement créé ne peut être employé que pour l'établissement des titres d'identité.
La finalité de police judiciaire doit être distincte. C'est pourquoi la Cnil retient l'idée d'un lien faible.
Le 26 octobre, le Conseil d'État, à propos du passeport biométrique, a rappelé l'ingérence dans la vie privée que constituent la collecte et le traitement des données personnelles : elle ne se justifie qu'encadrée strictement. La base créée est unique par sa taille : 60 millions de personnes fichées !
Seule la rédaction retenue par notre commission des lois respecte à la fois les principes fondamentaux attachés aux libertés publiques, les normes juridiques supérieures qui s'imposent au législateur et la proportionnalité entre l'objectif de la loi et les moyens mis en oeuvre pour son application.
Dans la lutte contre la fraude à l'identité, le zéro défaut est l'objectif de l'Assemblée nationale. Dans la protection des libertés publiques, le risque zéro est la priorité du Sénat. (Applaudissements)
Mme Virginie Klès. - Nous partageons un certain nombre de constats et d'objectifs. L'usurpation d'identité est un drame, quelle qu'en soit l'ampleur, quantitativement. Mais ne jouons pas au chat et à la souris avec la Cnil et le Conseil d'État : ne jouons pas sur les concepts de proportionnalité, de finalité...
Les contrôles à la source instaurés pour la délivrance des titres d'identité seront déjà très efficaces. Les données biométriques rendent possible une identification certaine, sachant que certaines sont traçantes, d'autres non. Les empreintes digitales sont traçantes -on les laisse partout où l'on passe- mais elles peuvent être reconstituées et utilisées contre vous.
Les nouveaux titres sont une amélioration et nous y souscrivons. Nous ne sommes pas non plus opposés au fichier central, mais... il y a beaucoup de « mais ». La commission des lois a une position consensuelle, partagée par la Cnil : la base ne saurait devenir un fichier de police généralisé. Le fichier à lien faible permet une détection des fraudes à 99,9 %. Il reste 0,1 % de fraude, ne faisons pas peur aux Français avec cette question.
Écoutes plus ou moins légales, la confiance de nos concitoyens envers les garanties juridiques a bien faibli ! Évitons les intrusions dans leur vie privée, c'est ce qu'ils attendent de nous. La rédaction du Sénat protège les libertés individuelles.
Je conserve un petit regret, l'intégration de la puce vie quotidienne dans le titre, sur laquelle nous n'avions pas tout réglé : des traces de la vie privée seront laissées sur le réseau internet. Quoi qu'il en soit, nous voterons la proposition de loi dans la rédaction de la commission des lois. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Éliane Assassi. - La proposition de loi vise à lutter contre l'usurpation d'identité, mais entre les objectifs et les ambitions réelles des auteurs de la proposition de loi et ceux du Gouvernement, il y a un écart. Nous estimons que ce texte aurait mérité le statut de projet de loi, avec avis du Conseil d'État.
Le Gouvernement nous demande de retenir un fichier à lien fort, qui puisse être utilisé à des fins de police judiciaire. Son acharnement est éclairant sur la nature même de ce fichier, dont l'objet ne sera pas seulement administratif, mais bel et bien judiciaire !
Progressivement, l'action sécuritaire du Gouvernement tourne au fichage généralisé. Le Système de traitement des infractions constatées compte 34 millions de lignes ! On voit tous nos concitoyens en coupables potentiels. Des membres de l'UMP se réjouissent de l'utilisation possible de la nouvelle base pour la lutte contre l'immigration. Ces inquiétantes déclarations sont révélatrices des utilisations possibles d'un tel fichier.
La Cnil a alerté le législateur sur le passeport biométrique qui risque de « porter une atteinte excessive aux libertés individuelles ». Elle a même évoqué un « détournement » du fichier à des fins purement judiciaires. C'est un appel à la prudence. Que n'avons-nous pu auditionner des représentants de la Cnil !
La règlementation européenne n'impose pas d'éléments biométriques dans les cartes d'identité. Celles-ci seront-elles payantes ? Et le boîtier pour le contrôle biométrique ? Sera-t-il gratuit comme en Allemagne ou payant comme en Belgique ? Ne nous laissons pas faire par des lobbies qui parlent de sécuriser les échanges commerciaux sur internet ! Il y a également un transfert de charges vers les collectivités locales, dont les missions des services d'état civil ne sont pas extensibles à l'infini.
Nous voterons une nouvelle fois contre ce texte.
Mme Anne-Marie Escoffier. - J'ai trop le souvenir d'une expérience qui avait généralisé de vrais-faux passeports pour ne pas être vigilante aujourd'hui. L'esprit initial du texte a été détourné par l'Assemblée nationale. MM. Lecerf et Houel voulaient renforcer la lutte contre l'usurpation d'identité grâce à un dispositif respectueux des droits fondamentaux, avec une extrême vigilance sur les modalités. Jamais le fichier ne doit être utilisé dans des procédures judiciaires. Nous n'avons voté pour, que parce que la rédaction retenait un fichier à lien faible.
Comment le pays des droits de l'homme peut-il accepter la constitution d'un tel fichier généralisé ?
C'est donc naturellement et fermement que je le dis : un retour au texte initial du Sénat s'impose, car lui seul nous préserve des démarches intrusives qui nous emprisonneraient, qui attenteraient aux libertés. La note d'information de la Cnil est claire. Les membres du RDSE conditionneront leur vote positif à un retour au texte du Sénat, tel que rédigé par la commission des lois. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Jean-René Lecerf. - Je suis satisfait d'avoir déposé avec M. Houel cette proposition de loi, après notre rapport de 2005. Lors des discussions budgétaires, lors de la discussion de la Loppsi II, j'ai interrogé le Gouvernement sur son action contre les usurpations d'identité et la raison du retard pour passer aux titres biométriques. Les trois quarts des Français y sont favorables, comme à un fichier central ; ils estiment aussi que la carte d'identité devrait être rendue obligatoire. On ne peut donc me présenter comme le petit télégraphiste du Gouvernement, ainsi que l'ont fait certains députés.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Très bien !
M. Jean-René Lecerf. - Pourquoi un procès de principe à cette proposition de loi ? Pourquoi réclamer un projet de loi ? L'initiative parlementaire en la matière est symbolique et une proposition de loi n'est pas le parent pauvre de la législation. Lors du débat à l'Assemblée nationale, j'ai constaté un accord sur les objectifs. Nos collègues demandaient un avis de la Cnil, du Conseil d'État.
La fraude documentaire est quantifiée. Sans doute pas 200 000 mais pas non plus 13 900 ; pas moins de 80 000 en tout cas. Du reste, il est si facile d'obtenir un titre d'identité : il suffit de faire une déclaration de perte et de trouver dans les poubelles quelques factures qui attesteront un domicile !
Le fichier central assurera l'unicité de l'identité. Il importe aussi de sécuriser la chaîne de délivrance. L'article 4 y pourvoit en prévoyant que des vérifications pourront être opérées sur les documents d'état civil fournis. Les contrôles automatisés réduiront considérablement la fraude identitaire à ce stade.
Si un usurpateur obtenait malgré tout un titre de fausse identité, il serait enfermé dedans de façon irréversible.
Ce caractère définitif est dissuasif !
Quant à la présence de la deuxième puce dite de vie quotidienne... Les commentaires n'ont pas donné dans la nuance, évoquant un abaissement par l'État de sa propre image... Mais les données biométriques seront inexploitables par les opérateurs commerciaux, qui pourront néanmoins s'assurer de l'identité des personnes. C'est bien l'État qui sanctuarisera l'identité dans la vie publique -c'est sa responsabilité régalienne.
Reste la question la plus délicate qui continue d'opposer Assemblée nationale et Sénat, celle du lien créé : faible ou fort ? Le choix de lien faible, défendu par notre rapporteur, permettra de détecter les usurpations d'identité mais empêchera de remonter jusqu'aux usurpateurs, d'identifier des personnes amnésiques ou des victimes de catastrophes ; toute utilisation du fichier en matière de recherche criminelle sera de même impossible. Des garanties juridiques étendues suffiront-elles à écarter tout risque pour les libertés publiques ?
Je me réjouis de ce débat devant le Parlement : c'est à nous de concilier renforcement de la sécurité et protection des libertés publiques. Tel est bien l'enjeu. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Yves Leconte. - Ce débat est bienvenu. Le Gouvernement aurait préféré sans doute mettre en place ces cartes d'identité par la voie réglementaire pour mettre la population sous contrôle.
Nous devons donc être vigilants, comme nous l'avons été lors de la première lecture. Protéger et simplifier, certes -c'est pourquoi un fichier central est prévu- mais le lien faible est impératif pour éviter tout viol des libertés individuelles. Les pouvoirs publics ont la responsabilité d'encadrer l'usage des fichiers : le devoir de sécurité doit être respectueux du droit de chacun à l'intimité.
Représentant les Français à l'étranger, je témoigne des difficultés rencontrées par eux pour se faire établir un certificat de nationalité française. Pouvez-vous confirmer que la nouvelle carte d'identité sécurisée ne conduira pas à l'abrogation des décrets de 2010, qui ont beaucoup simplifié leurs démarches ?
Respecter pour convaincre. L'espace Schengen témoigne des progrès réalisés par l'Europe. C'est dans ce cadre qu'il faut agir. Les dispositions régissant les cartes d'identité électroniques chez nos partenaires sont encore trop diverses -presqu'aucun d'entre eux ne prévoit de fichier central. La commission des lois propose un fichier à lien faible afin de respecter les libertés individuelles. Imposer un lien fort, comme le souhaite le Gouvernement, serait un viol des libertés sans aucune justification pour lutter contre la fraude à l'identité et serait inefficace, dès lors que nos partenaires européens ne nous suivraient pas. Une harmonisation européenne serait la bienvenue.
Vous voulez calquer la nouvelle carte d'identité sur les passeports biométriques ; rien ne l'impose. Le Conseil d'Etat a censuré, le 26 octobre dernier, la conservation dans un fichier centralisé de huit empreintes digitales alors que deux seulement figurent dans le composant électronique du passeport.
La Cnil a exprimé plusieurs réserves sur le texte de l'Assemblée nationale. Nous serons donc extrêmement vigilants et refuserons tout retour à celui-ci. Nous voterons la création d'un fichier pour lutter contre l'usurpation d'identité, non pour ficher les Français ! Il est heureux que le groupe UMP se soit saisi de ce sujet que le Gouvernement voulait traiter en catimini.
Un dernier point : revenons au droit commun pour la délivrance et le renouvellement des titres de séjour des étrangers en situation régulière ; les conditions qui sont faites à ceux-ci aujourd'hui font honte à notre pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes.
M. Michel Houel. - (Applaudissements à droite) Le vol d'identité est un danger dont les Français sont de plus en plus conscients ; 86 % d'entre eux en ont entendu parler -mais ne se sentent pas visés.... L'usurpation d'identité fait pourtant chaque année des milliers de victimes ; la criminalité identitaire a beaucoup évolué en cinq ans. Aujourd'hui, neuf Français sur dix pensent qu'il est compliqué de faire valoir ses droits lorsqu'on est victime d'une usurpation d'identité. Dans la vie courante -ouvrir un compte, souscrire un abonnement, louer un appartement- la transmission de donnés personnelles est un passage obligé. Les victimes de ces infractions sont traumatisées, des vies sont anéanties.
L'objectif initial de ce texte est de protéger l'identité de nos concitoyens. L'Assemblée nationale nous a suivis sur la quasi-totalité de ses dispositions. Reste un désaccord fondamental : le fichier. Pour nous, le recours à celui-ci doit seulement garantir qu'une personne ne puisse disposer de deux identités ; l'Assemblée nationale estime de son côté qu'il faut autoriser la recherche et l'identification des individus grâce aux empreintes digitales. A notre sens, l'équilibre entre préservation de l'ordre public et protection les libertés publiques serait alors rompu.
Nous devons en revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi, nous en tenir à la lutte contre l'usurpation d'identité, encadrer les vérifications d'identité à partir des données biométriques, comme le recommande la Cnil. Je vous encourage à suivre la commission. Le Sénat doit rester le garant de la protection des libertés et le défenseur des valeurs de la République. (Applaudissements au centre et à droite)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article 4 est adopté.
Article 5
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - Prenons modèle sur l'Allemagne qui n'a pas voulu créer un tel fichier tout en instaurant une carte d'identité biométrique et inspirons-nous des recommandations de la Cnil. Le Gouvernement revient à la charge en réintroduisant un lien fort entre état civil, empreintes digitales et image numérisée. Avec ces dispositions contraires à la convention du Conseil de l'Europe sur la protection des données, notre pays risque une condamnation de la CEDH. Voyez l'arrêt qu'elle a rendu en 2008 !
M. François Pillet, rapporteur. - La légalité de la base ne pose pas de problème mais ce sont les modalités d'accès qu'il convient d'encadrer, ce que vous propose la commission des lois. Une base à lien faible rend impossible l'identification d'une personne par ses seules empreintes digitales. Nous avons renforcé les garanties matérielles en interdisant tout dispositif de reconnaissance faciale. Vos inquiétudes ne sont pas fondées. Retrait ou défavorable.
M. Claude Guéant, ministre. - La base centrale est indispensable : avis défavorable.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les empreintes digitales sont conservées pendant une durée maximum de six mois à compter de leur recueil.
Mme Virginie Klès. - Je souhaite attirer l'attention sur la durée de conservation des empreintes digitales. Nous proposons six mois, mais la durée de vie du titre peut aussi convenir. Si l'amendement du Gouvernement devait être adopté et si l'Assemblée nationale en revenait à sa rédaction, nous serions inflexibles. Cela précisé, je retire l'amendement mais il faudra bien définir une durée de conservation, en particulier pour les empreintes. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
L'amendement n°3 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Alinéas 3 à 5
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
L'identification du demandeur ne peut s'y effectuer qu'au moyen des données énumérées aux 1° à 5° de l'article 2.
M. Claude Guéant, ministre. - S'il y a un problème, c'est que des gens malhonnêtes se glissent dans le fichier ; les honnêtes gens doivent être protégés.
Contrairement à ce qui a été dit, il s'agit d'un fichier administratif et non judiciaire ; il est seulement prévu que le juge puisse prendre des réquisitions pour prendre connaissance de certaines données. La justice est constitutive de la démocratie ; est-il raisonnable de gêner le juge dans ses investigations ?
Le lien faible permet de déterminer l'existence d'une fraude. Mais pourquoi se priver de la possibilité d'identifier à coup sûr l'usurpateur ? Cet amendement respecte scrupuleusement la décision du Conseil d'État -dont j'ai lu les conclusions- et l'avis de la Cnil.
M. François Pillet, rapporteur. - Le système proposé par le Sénat est simple et techniquement aisé à mettre en oeuvre, il ne pose aucun problème de brevetabilité. Le point essentiel, c'est que le fraudeur sera rapidement détecté, si bien que 99,9 % des fraudes seront mises en échec. Lien faible ou fort, cela ne change de toute façon rien à la première demande.
En première lecture, nous avions dit le risque d'inconstitutionnalité et la certitude d'aller contre le droit européen ; depuis le dernier passage en commission des lois, la note de la Cnil et l'avis du Conseil d'État ont été rendus publics. Ne pas revenir au texte du Sénat, c'est rendre possible aux services antiterroristes l'identification des usurpations par les empreintes digitales... hors réquisition judiciaire. C'est inacceptable.
Nous ne vous faisons aucun procès d'intention, monsieur le ministre. Mais ne pouvons pas laisser derrière nous, démocrates soucieux des libertés publiques, un fichier qui pourrait se transformer en outil liberticide. (M. Jean-Pierre Michel applaudit) Je ne veux pas que ce fichier porte un jour mon nom, ou le vôtre, ou le nôtre, monsieur le ministre. (Applaudissements)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Après les fortes paroles de notre rapporteur, je veux remercier le groupe UMP d'avoir inscrit ce texte.
Nous comprenons que le ministre de l'intérieur cherche à doter la police et la justice de moyens pour qu'elles puissent accomplir leurs missions, mais le Sénat doit être le défenseur scrupuleux et infatigable des libertés publiques. Conformément à la philosophie de Montesquieu, il faut séparer les pouvoirs et les responsabilités. Vous êtes dans votre rôle, monsieur le ministre, nous sommes dans le nôtre en disant que ce fichier, créé par la loi, doit avoir pour seul objet la lutte contre l'usurpation d'identité.
Mme Virginie Klès. - L'avis de la Cnil est parfaitement clair : le fichier ne peut être utilisé à d'autres fins que la sécurisation des titres. Je m'associe aux propos de notre rapporteur sur nos responsabilités.
A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°4 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l'adoption | 4 |
Contre | 341 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Applaudissements sur les bancs socialistes)
L'article 5 est adopté, ainsi que l'article 5 bis.
Article 5 ter
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Première phrase
Supprimer les mots :
et les opérateurs économiques
Mme Éliane Assassi. - Les opérateurs économiques privés ne doivent pas être habilités à consulter le fichier.
M. François Pillet, rapporteur. - Je suis parfaitement d'accord avec vous. Mais votre inquiétude n'a aucune raison d'être. Un opérateur économique pourra seulement vérifier si le titre est valable. Aucune donnée à caractère personnel ne lui sera accessible. Retrait.
M. Claude Guéant, ministre. - Même avis.
Mme Éliane Assassi. - Je vous renvoie à l'avis de la Cnil. La puce « vie quotidienne » est facultative. Certes. Personne ne sera obligé de communiquer ses données personnelles aux opérateurs privés sur internet. Certes. Mais on sait ce qu'il en est des propositions facultatives qui peuvent devenir quasi automatiques -à preuve : la carte d'identité est facultative et beaucoup de Français la croient obligatoire. La puce optionnelle peut permettre la constitution d'un identifiant pour chaque citoyen ; or la Cnil refuse qu'un suivi des personnes sur internet soit possible.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
L'article 5 ter est adopté.
L'article 6 est adopté, ainsi que l'article 7 bis.
Vote sur l'ensemble
Mme Virginie Klès. - Nous sommes d'accord sur les objectifs de lutte contre l'usurpation d'identité et la sévérité des sanctions contre les fraudeurs. L'efficacité de ce texte est fondée sur la dissuasion. Nous le voterons et rendons hommage au travail de notre rapporteur. Un équilibre satisfaisant aura été trouvé entre la sécurité et la protection des libertés individuelles.
M. le ministre relève que le lien faible n'est utilisé nulle part : tant mieux, nous montrons la voie... Et il n'y a pas de risque de monopole.
Il faudra être attentif à la mise en place pratique des nouveaux titres ; les maires seront à l'évidence une nouvelle fois sollicités. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
Rappels au Règlement
M. Jean-Jacques Hyest. - Je vois qu'il était prévu que la séance pût durer aujourd'hui jusqu'à 13 h 30. Mais cela ne figurait pas dans la Conférence des présidents ! Et entre 13 h 30 et 15 heures, il n'y a pas deux heures, que je sache : or il est impératif d'interrompre nos travaux durant deux heures, comme nous l'avons toujours respecté pour la bonne marche des services, qui sont d'un grand dévouement, et pour la préparation de nos travaux.
De même ce soir, à quelle heure allons-nous interrompre nos travaux ? Enfin, s'agissant du dépôt simultané de motions et d'amendements, monsieur Sueur, combien de fois avez-vous agi de même ?
M. le président. - Je vous donne acte de vos propos. La règle des deux heures restera en vigueur.
M. Jean-Jacques Hyest. - Grâce à nous, ce matin !
M. Jean-Pierre Michel. - Rappel au Règlement... à propos du Règlement ! M. Hyest était moins notarial lorsqu'il présidait la commission... (Exclamations indignées à droite) Je suggère la création d'un groupe de travail pour revoir notre Règlement et l'organisation de nos travaux ; pourquoi notamment prévoir systématiquement quatre heures par proposition de loi ? Nous allons terminer à trois ou quatre heures cette nuit, alors que nous perdons ce matin deux heures de travail. Ce n'est pas satisfaisant.
M. le président. - Je vous donne acte de votre requête.
La séance est suspendue à 11 h 35.
*
* *
présidence de M. Charles Guené,vice-président
La séance reprend à 15 heures.
Rappels au Règlement
Mme Françoise Férat. - L'examen de la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État n'aura pas lieu dans de bonnes conditions : 80 amendements ont été déposés en deuxième lecture. Le bouleversement de l'ordre du jour demandé par le président Sueur hier pour achever l'examen de sa proposition de loi a été dénoncé par le président Zocchetto et notre proposition de loi ne sera achevée que ce soir ou même demain. Les mesures que je propose, dans mon rapport d'information sur le patrimoine monumental, ont été adoptées à l'unanimité par la commission de la culture en 2009 ; ce fut le socle de notre proposition de loi. La nouvelle majorité veut saborder le texte, à des fins politiciennes : c'est indigne du Sénat. J'ai donc renoncé à être rapporteur. Je souhaite que l'attitude de la nouvelle majorité ne perdure pas. (Applaudissements au centre et à droite)
M. le président. - Acte vous est donné de votre rappel au Règlement.
M. David Assouline. - Les débats en commission ne préjugent pas de l'examen en séance. Rien de ce que prophétise Mme Férat ne se passera. Nous avons voulu donner l'exemple, en n'imitant pas l'obstruction pratiquée par la droite, et même par le ministre hier !
Nous ne dépasserons pas le temps qui nous est imparti. Bien que nous n'ayons pas été entendus en première lecture, et bien que la droite à l'Assemblée nationale ait aggravé les dispositions prévues, nous retirerons les amendements secondaires. J'espère que vous écouterez enfin nos arguments.
M. le président. - Acte vous est donné de votre rappel au Règlement.
Patrimoine monumental de l'État
M. le président. - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l'État.
Discussion générale
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Dans son célèbre article « La notion de patrimoine », André Chastel rappelait que cette notion est une invention récente, spécifiquement occidentale, solidaire des concepts d'art et d'histoire.
J'ai dit en janvier que j'approuvais les grandes lignes de cette proposition de loi, qui s'inscrit dans la continuité de la loi de 2004 qui a amorcé le transfert de certains monuments de l'État aux collectivités territoriales. Le partenariat entre État et collectivités, le Sénat y est attaché. L'État a entrepris une réorganisation administrative qui le conduit à rationaliser la gestion de son patrimoine immobilier. Face à un bâtiment inutilisé, tout gestionnaire a la tentation de vendre. Le ministre de la culture ne peut rendre qu'un avis sur la vente de monuments classés. Tous les ministères disposent de monuments classés : 1 750 monuments sont potentiellement concernés, hôtels particuliers, hôpitaux, tribunaux, casernes, prisons...
Pas plus qu'en 2004, il ne s'agit de braderie : l'objectif est d'encadrer le transfert et de faciliter la réutilisation de monuments pour créer des équipements culturels.
Il s'agit de conservation et de mise en valeur partagées. Il faut promouvoir une gestion moderne du patrimoine.
La proposition de loi de Mme Férat permet que ces transferts ne servent pas qu'à renflouer l'État, grâce à des garde-fous. Le Haut conseil du patrimoine, sur le modèle de la commission Rémond, devra apprécier pour chaque monument dont la cession est envisagée sa place dans le patrimoine et l'opportunité de le céder. En liaison avec le CNMH, il devra évaluer les contraintes et la qualité du projet culturel.
D'autres usages sont possibles, dans le respect de l'esprit des monuments : je ne crois pas à un patrimoine ossifié. Pourquoi pas une école, un service administratif dans un monument historique, ainsi resitué au coeur du bien public ?
En dernier ressort, le ministre de la culture aura un droit de veto. Il veillera à la bonne conservation du monument, quel qu'en soit le propriétaire. D'ailleurs la loi interdit la cession par lot : pour paraphraser un mot célèbre, la dévolution est un bloc ! (Sourires)
La revente moins de quinze ans après le transfert entraînera le reversement d'une partie du produit à l'État, ce qui découragera la spéculation.
Le patrimoine est la somme de nos héritages. Il s'invente perpétuellement de nouvelles limites. Je ne souhaite pas plus que vous que notre patrimoine soit dispersé sans une étude fine au cas par cas. Cette proposition de loi n'institue pas un principe d'inaliénabilité, mais promet le dialogue : c'est un signe de confiance en l'avenir.
Le patrimoine fut la création d'hier, et la création d'aujourd'hui voisine souvent avec l'irrévérence.
Il ne s'agit donc pas de se mettre au garde à vous. Un de mes illustres prédécesseurs parlait de « ces chênes qu'on abat » : le patrimoine est une vaste futaie que je veux faire vivre. (Applaudissements à droite)
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure pour la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - La commission de la culture avait vivement réagi lorsqu'il y a deux ans, le Gouvernement avait voulu relancer le transfert de monuments aux collectivités, sans évaluation des transferts précédents.
L'article introduit dans le projet de loi de finances en 2010 a été censuré, mais un rapport de la commission a ensuite pointé les dangers de cette politique. L'actuelle majorité du Sénat a voté contre cette proposition de loi en première lecture, et n'a pas changé d'avis. Les collectivités sont victimes d'une politique du Gouvernement qui se décharge sur elles de ses missions, sans leur en donner les moyens.
Depuis fin 2009, l'attitude du Gouvernement ne nous a pas rassurés. Le 24 août dernier, le Premier ministre a enjoint aux collectivités d'être aussi économes que l'État, elles qui ne l'ont jamais été autant ! Nombre de projets d'investissements sont condamnés.
Mais l'État continue à solliciter les collectivités pour financer des projets qui relèvent de ses compétences. Or le piège des emprunts toxiques se referme sur diverses collectivités.
Celles-ci ont besoin de ressources pérennes, et s'indignent que leur gestion soit qualifiée de « gabegie ». Nous voulons éviter le piège d'une relance de la dévolution du patrimoine sans garanties financières.
M. le ministre parlait de confiance : elle n'était pas au rendez-vous. La commission n'a donc pas adopté ce texte, dont la philosophie même est dangereuse. Mme Férat a exprimé sa déception. Oui, tous les membres de la commission sont attachés au patrimoine ; oui, tous ses membres ont apprécié le travail de la mission d'information. Mais dès juin 2010, Mmes Bourzai et Blondin s'inquiétaient des modalités de revente. M. Ralite évoquait le principe de précaution, et s'alarmait des conséquences de la réforme territoriale. Mme Laborde refusait de donner quitus à l'État.
Puis nous avons découvert le rapport sur cette proposition de loi, qui contient des propositions inquiétantes, sur la possibilité de déclassement par exemple. M. Dauge évoquait à ce propos la vente du siège du ministère de la coopération, et M. Ralite regrettait que le principe d'inaliénabilité ne soit pas affirmé. On était très loin d'un climat idyllique ! Les amendements de la gauche ont été écartés : « avis défavorable », a-t-on à chaque fois entendu.
La commission s'est donc déclarée en faveur des amendements de réécriture de plusieurs articles. Le Haut conseil doit veiller à l'usage fait de tous les monuments quel qu'en soit le propriétaire.
Jacques Rigaud, dans son rapport sur l'aliénabilité des oeuvres des musées, disait que l'héritage que nous transmettrons à nos enfants doit être au moins aussi riche que celui que nous avons reçu : c'est la logique du développement durable. Dans son état actuel, le texte introduit des brèches dangereuses dans la protection du patrimoine. La commission a été attentive à tous les amendements.
Nous avons préservé l'article premier A qui introduit la notion de « patrimoine mondial ». L'État n'a pas été à la hauteur des engagements pris en 1972.
L'article 2 bis offre une garantie supplémentaire contre le dépeçage, et nous voulons le conserver. La commission est également favorable à l'amendement n°52 qui réaffirme l'inaliénabilité et l'imprescribilité du patrimoine.
La commission veut défendre une politique patrimoniale protectrice, respectueuse des générations à venir, et refuse que l'État se défausse de ses responsabilité. Gandhi disait : « il faut être fière d'avoir hérité de tout ce que le passé avait de meilleur et de plus noble. Il ne faut pas souiller son patrimoine en multipliant les erreurs passées ». (Applaudissements à gauche)
Mme Cécile Cukierman. - C'est le tout-économique qui est aujourd'hui le moteur de l'action publique. « Pragmatisme », « rationalité », nécessité » : tels sont les maîtres mots. La culture est elle-même considérée comme un bien marchand.
Le 12 décembre 2007, le Conseil de modernisation de politiques publiques plaidait pour de nouveaux transferts de monuments, réduits à une variable d'ajustement budgétaire.
Nous sommes bien loin de la décentralisation culturelle voulue par Jean Dasté et Jean Vilar : l'État ne fait que transférer des charges aux collectivités et à leurs contribuables.
Un Haut conseil serait chargé de se prononcer sur les transferts : ce n'est qu'un aménagement. Le patrimoine pourrait même être vendu au secteur privé, et l'État réduirait ses dépenses : cette proposition de loi trouve d'ailleurs son origine dans un article d'une loi de finances...
Or les collectivités n'ont plus les moyens de leurs compétences. On est loin du partenariat voulu par Michel Duffour, où l'État apportait un soutien financier, scientifique et technique !
Cette proposition de loi consacre l'aliénation des monuments nationaux : il faut trouver de nouveaux usages rentables à ces lieux prestigieux mais coûteux. Hôtels de luxe, galeries marchandes...
Le bail emphytéotique administratif est tout aussi dangereux : l'illusion de responsabilité publique est maintenue, mais les lieux sont utilisés à des fins mercantiles.
Cette proposition de loi ne fait qu'organiser la braderie des monuments nationaux. Nous sommes des élus responsables, attachés à la défense du patrimoine. Si nos amendements sont acceptés, nous voterons le texte. (Applaudissements à gauche)
Mme Françoise Laborde. - Notre patrimoine monumental est une richesse inestimable, mais il représente une charge très lourde à porter, parfois au détriment de la bonne conservation des monuments. La loi de 2004 a lancé une première vague de transfert de monuments aux collectivités, sans transferts des moyens pour le personnel. L'amendement introduit dans le projet de loi de finances pour 2010 a été censuré, mais il a relancé la réflexion. Je salue la qualité du travail de Mme Férat. Dans son rapport, elle préconisait d'identifier les monuments à vocation culturelle, afin d'envisager leur transfert à titre gratuit à des collectivités.
Le groupe RDSE a voté ce texte en première lecture, mais il estimait qu'il était perfectible. Nous nous félicitons du rôle dévolu au Haut conseil. Mais le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale est dénaturé. Il est hors de question de brader le patrimoine de la Nation ! La notion de « projet culturel » doit être indissociable du transfert à titre gratuit : d'où notre opposition à l'article 7. Le projet culturel de la collectivité à laquelle doit être transmis un bien à titre gratuit ne saurait être à durée déterminée !
Nous déterminerons notre vote en fonction des amendements adoptés. (Applaudissements sur divers bancs à gauche et au centre ; M. Jacques Legendre applaudit aussi)
M. Jacques Legendre. - Le patrimoine tient à coeur à tous les sénateurs. Comment imaginer la France sans ses monuments, traces de son histoire ? Qu'ils appartiennent à l'État, aux collectivités ou à des particuliers, nous avons le devoir de les protéger.
Il faut d'abord savoir qui est responsable de quoi. La commission Rémond n'a travaillé que sur les monuments relevant de la Direction du patrimoine du ministère de la culture. Or, l'État ne savait pas clairement de quoi il était propriétaire !
Deux questions se posent : quelles sont les exigences de protection et qui peut le mieux s'en charger ? Ce n'est pas nécessairement l'État, qui doit en revanche veiller à ce que chaque bien soit entretenu par son propriétaire. Il serait scandaleux que l'État oblige une collectivité à prendre la responsabilité d'un monument : il n'en a jamais été question.
La commission Rémond s'est interrogée sur le patrimoine qui faisait partie intégrante de l'identité de la France, qui en traduisait l'âme.
C'était cela qu'il fallait déterminer ! Je me souviens de débats animés lors de la commission Rémond, en particulier sur le Haut-Koenigsbourg fallait-il le transférer aux collectivités territoriales comme celles-ci le souhaitaient ? Les travaux de la commission Rémond n'étaient certes pas terminés puisqu'ils ne concernaient pas tous les monuments en main d'État.
Certains bâtiments ont été libérés et l'État peut s'interroger sur le maintien dans son giron d'hôpitaux, de casernes, de citadelles -celle d'Arras présente un grand intérêt patrimonial. Serait-il scandaleux qu'une collectivité en prenne la responsabilité ? Non, si elle peut démontrer sa capacité à l'entretenir et à l'ouvrir au public. Ce qu'il faut éviter, c'est qu'elle se comporte comme un particulier et revende le bâtiment quelques années plus tard.
M. David Assouline. - Vous voterez donc nos amendements !
M. Jacques Legendre. - Nous nous sommes interrogés aussi sur l'avenir de l'Hôtel de la Marine, place de la Concorde. Le Gouvernement a accepté de charger une commission de réfléchir à son avenir. J'en ai fait partie et j'y ai pris beaucoup d'intérêt, sous la présidence du président Giscard d'Estaing. Cette commission, c'est un peu la préfiguration du Haut conseil du patrimoine.
Nous savons aussi que l'État est multiple : il y a l'État côté Bercy et l'État côté rue de Valois.
Mme Françoise Cartron. - Ceux de Bercy et ceux de la rue de Valois doivent se parler !
M. Jacques Legendre. - La rue de Valois doit avoir le dernier mot.
Mme Férat a eu la mission de réfléchir sur la gestion du patrimoine. Son rapport, qui a fait l'objet d'un assez large consensus au sein de notre commission, a débouché sur une proposition de loi. La première lecture a donné lieu à un riche débat et une majorité large l'a votée. L'Assemblée nationale l'a modifiée avec des amendements qui ne nous satisfont pas tous. (On approuve à gauche)
Je ne comprends pas que la commission de la culture n'ait pas voulu établir un texte. Nous devons faire ce travail en séance et examiner plus de 80 amendements !
M. David Assouline. - C'est le contraire : des amendements discutés en commission ne seront pas réexaminés ici.
M. Jacques Legendre. - La majorité sénatoriale a déposé à la fois des amendements de suppression et des amendements de repli. Y a-t-il une majorité sénatoriale avec une orientation claire, ou seulement une addition de refus ? (Exclamations à gauche)
L'UMP salue le travail de Mme Férat qui a dû se démettre de ses fonctions après avoir mené avec grand coeur un travail approfondi. Nous voulons que le patrimoine national soit préservé. Certains monuments doivent rester dans les mains de l'État. D'autres peuvent être transférés à des collectivités, si des garanties sont données. La sauvegarde du patrimoine est l'affaire de la Nation entière : État, collectivités territoriales, citoyens. C'est notre honneur d'y être attentifs ! (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Le patrimoine, c'est 14 000 monuments classés, 27 monuments inscrits et plus de 2 000 parcs et jardins protégés. L'État détient 1 700 monuments, dont 96 sont gérés par le Centre des monuments nationaux et accueillent 8,6 millions de visiteurs par an, mais six seulement sont bénéficiaires. Le patrimoine, c'est aussi 100 000 emplois directs et dix fois plus d'emplois induits.
Mais le patrimoine, c'est aussi notre histoire, reflet de notre identité. Victor Hugo disait : « Il faut des monuments aux cités de l'homme. Autrement où serait la différence entre la ville et la fourmilière ? »
Nous sommes tous très attachés à notre patrimoine. Notre commission de la culture avait constitué un groupe de travail pour étendre la relance des transferts des monuments aux collectivités. Ce rapport fut adopté à l'unanimité de notre commission. Une proposition de loi s'en est ensuivie, qui offrait trois niveaux de garanties, en créant le Haut conseil du patrimoine, en encadrant les transferts et en prévoyant la possibilité de transferts gratuits. Pourquoi diaboliser ce texte aujourd'hui ? Un transfert n'est-il pas préférable à une ruine ? Je pense à l'abbaye de Jumièges en Seine-Maritime, plus accessible depuis que le département en a la charge.
M. Vincent Eblé. - Grâce à Didier Marie !
Mme Catherine Morin-Desailly. - Certes.
Le texte issu de l'Assemblée nationale a de quoi inquiéter. En commission, le rapport de ma collègue a été rejeté et des amendements ont été proposés pour revenir au texte initial. Il fallait revenir sur la réduction des prérogatives du Haut Conseil et sur la modification de l'article 7. Nous voterons donc les amendements de Mme Férat. Pourquoi avoir refusé d'amender le texte de l'Assemblée nationale en commission ? Nous aurions pu travailler sur un socle solide. Il serait dommage que nos monuments historiques connaissent le sort réservé aux hôtels particuliers parisiens.
Je regrette la posture politicienne prise par certains de nos collègues, qui a conduit Mme Férat à démissionner. Notre Haute assemblée s'est pourtant toujours illustrée par son travail approfondi. Notre groupe espère que nous parviendrons à un texte consensuel. Nous ne pouvons laisser aux députés le dernier mot. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Françoise Cartron. - Chaque année, la journée du patrimoine démontre l'engouement des Français pour les monuments historiques.
Deux grands principes doivent guider notre travail de législateur : que la préservation de notre passé collectif reste toujours l'intérêt supérieur défendu par la loi ; que l'implication des collectivités territoriales s'inscrive dans le cadre de la défense de cette conscience collective, et uniquement dans ce cadre. Nous jugeons donc normal que l'État se tourne vers les collectivités, pourvu que les règles qui encadrent cette association soient claires et assez précises pour éviter tout démantèlement et toute spéculation. Il ne faut pas pour autant que ces mêmes règles mettent en danger financier ou juridique, les collectivités à qui l'on pourrait transférer des biens monumentaux. Enfin, la valorisation de ces biens et l'accès au public doivent demeurer la priorité.
Voilà pourquoi la rédaction de l'Assemblée nationale n'est pas satisfaisante. Les modalités de transferts ont en effet été assouplies : le principe de gratuité est remis en question. Si l'objet est déclaré non culturel, il peut être vendu. C'est ainsi que la municipalité de Saint-Emilion souhaite se défaire du Clos des Cordeliers, l'un des derniers monuments historiques librement accessible au public de la cité médiévale. Nos monuments ne sont pas des produits de luxe, ils doivent être accessibles au plus grand nombre. Et a-t-on avancé sur le dossier de la vente à la découpe de la citadelle de Blaye ?
Avec l'article 4, la cession d'un bien immobilier avec ses meubles ne présente plus un caractère obligatoire. On pourra ainsi dépecer des biens patrimoniaux exceptionnels.
En période de resserrement budgétaire, quelles garanties apporte l'État pour que les collectivités puissent poursuivre l'entretien des monuments et des sites acquis ? On risque des déclassements pour revente afin d'éviter un coût devenu insupportable.
Le Haut conseil du patrimoine ne dispose pas de suffisamment de pouvoirs. Certes, un grand nombre de monuments sont difficiles à entretenir, mais une vente à la découpe n'est pas acceptable. Notre groupe émet des réserves sur les modalités de transferts prévues. Nos amendements nourriront le débat. (Applaudissements à gauche)
M. Vincent Eblé. - Au fil de la navette, nos inquiétudes perdurent. Il faut plus de garanties. La politique patrimoniale publique doit protéger contre tout dépeçage à des fins spéculatives.
Nous aurions préféré un projet de loi plutôt qu'une proposition de loi, même si nous rendons hommage au travail effectué par Mme Férat.
Nous sommes d'autant plus inquiets que le patrimoine de l'État a été soumis à de nombreuses attaques. Rapporteur pour avis du budget « Patrimoines », je n'oublie pas l'adoption par la majorité sénatoriale d'alors de l'article 52 du projet de loi de finances pour 2010, qui assouplissait les conditions de transfert jusqu'à autoriser la vente à la découpe des monuments historiques. Il est bon qu'il ait été censuré par le Conseil constitutionnel, même si ce n'est que pour une question de forme. Je me souviens aussi de votre tentative de vendre l'Hôtel de la Marine. Depuis 2007, France Domaine tente de vendre de multiples biens de l'État.
Que penser dès lors du transfert à titre gratuit du patrimoine de l'État aux collectivités ? Nous n'y sommes pas hostiles par principe, pourvu qu'il y ait un vrai partenariat avec l'État. Le monument historique doit faire l'objet d'un projet culturel et non pas commercial. Nous déplorons l'irruption d'opérateurs privés, et regrettons que nos amendements interdisant la revente d'un monument par une collectivité aient été repoussés.
Outre que la rédaction de l'Assemblée nationale risque de faciliter le dépeçage, l'État pourrait se défausser de ses charges d'entretien sur les collectivités. Nous aurions souhaité un État moins démissionnaire et plus ambitieux ! Les collectivités sont asphyxiées. Ne seront-elles pas encouragées à spéculer si les contraintes sont trop lourdes ?
La loi du 13 août 2004 permet déjà à l'État de transférer à titre gratuit aux collectivités locales des monuments classés ou inscrits dont la liste est fixée par décret. Avant de programmer une autre phase de transferts, il eût été sage de faire un bilan et de s'attacher à comprendre les réticences de certaines collectivités : sur les 176 monuments inscrits sur la liste Rémond, il n'y a eu qu'une soixantaine de conventions signées... (Applaudissements à gauche)
Mme Claudine Lepage. - En première lecture, M. Dauge justifiait son vote en regrettant que les portes soient restées fermées. L'Assemblée nationale les a cadenassées. Après la censure de la disposition votée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, Mme Férat a produit un rapport en juin 2010, puis la proposition de loi que nous examinons. Mais le ver était dans le fruit.
Les garanties prévues dans ce texte n'étaient pas suffisantes. Le Gouvernement veut aujourd'hui remplir ses caisses, c'est évident. Sa politique culturelle se réduit à un aspect purement comptable. À Florence, le Palazzo Lenzi qui abrite le consulat et l'Institut français doit être vendu à la découpe. Le Palais Buquoy à Prague, la Case de Gaulle à Brazzaville, l'hospice Wallon à Amsterdam, l'église Saint-Louis des Français à Lisbonne sont autant d'ambassades, de centres culturels, de logements de fonctions, mais aussi de lieux de culte, dont une centaine à la valeur patrimoniale exceptionnelle. Une trentaine d'entre eux auraient même vocation à être classés monuments historiques sur le territoire français ; le palais Thott l'est déjà suivant la législation danoise. En l'absence de répertoire des 1 500 biens français répartis dans le monde, nous ne pouvons qu'être méfiants.
Le quai d'Orsay ne bénéficie pas de la totalité du produit de ses cessions, pour d'obscurs motifs. Pourquoi ne pas créer une agence foncière à l'étranger ? M. de Raincourt l'avait promis... Nous devrions encadrer davantage ces ventes, comme pour celles qui ont lieu en France. À l'étranger, comme en France, nous devons préserver notre patrimoine pour éviter qu'il ne soit simplement au service de la résorption de la dette. (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président. - Seuls les articles restant en discussion peuvent être examinés.
Article premier A
Mme Françoise Férat. - Je suis ravie de voir que notre liasse d'amendements a fondu comme neige au soleil ! Que s'est-il passé ?
Le principe de précaution doit être réaffirmé. Certaines modifications de l'Assemblée nationale ouvrent des brèches inquiétantes. Pourquoi avoir refusé un travail approfondi en commission ? Je ne comprends toujours pas.
Avec cet article, il convient de protéger des sites du patrimoine mondial. L'Assemblée nationale a assoupli le dispositif proposé par M. Ambroise Dupont. Or, certains sites sont très étendus et doivent être protégés par le représentant de l'État au niveau régional. D'où mon amendement.
M. David Assouline. - Malgré ce que j'ai dit en début de séance, on nous reproche encore notre attitude. Les délais ont été très courts, car le groupe de l'Union centriste voulait discuter très vite de ce texte. Faute de disposer du temps nécessaire à l'élaboration d'un bon compromis, nous avons décidé d'affirmer notre position de principe, d'autant que nous sommes échaudés par l'attitude de l'Assemblée nationale à l'égard des textes votés par le Sénat.
Nous voulions border les dispositions de la proposition de loi. Mais comme cela nous a été refusé en première lecture et que l'Assemblée nationale a empiré les choses, nous voulions que vous entendiez nos préoccupations.
M. Legendre n'a pas parlé d'une opposition droite-gauche ; il a dit qu'il faudrait que le Sénat soit entendu et que notre vision l'emporte. J'espère que nous aboutirons à ce résultat, même si la majorité est à gauche. Si vous votez ce qui rend le texte acceptable même si cela vient de la gauche, vous démontrerez notre volonté commune. Par le passé, vous n'avez jamais voulu rien accepter des propositions de loi déposées par la gauche, même amendées. Telle n'est pas notre attitude.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par Mme Férat, M. Legendre, Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mme N. Goulet, M. Maurey, Mme Goy-Chavent, MM. Namy, Merceron, Tandonnet, Vanlerenberghe et Delahaye et Mme Létard.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
le département
par les mots :
la région
Mme Françoise Férat. - Il est défendu.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Avis défavorable. Cette modification n'est pas opportune ; les préfets de départements sont aptes à se concerter.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Avis favorable. Le préfet de région est l'interlocuteur des Drac et il est compétent dans tous les domaines cités dans cet article. Cette disposition est d'ordre réglementaire mais peut être intégrée dans la loi.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Je suis un peu consternée. On nous avait annoncé 80 amendements et 41 ont disparu ! Ce tour de passe-passe est étrange. Vous avez l'art de la pirouette. (« Oh ! » à gauche) Il faudrait revenir à un travail méthodique.
Mme Nathalie Goulet. - J'aimerais qu'on m'explique pourquoi on privilégie le département et non la région dans cet article. Je ne demande qu'à comprendre.
M. Claude Domeizel. - Il est plus logique que ce soit le représentant de l'État dans les départements, car il est le plus proche des affaires concernant celui-ci. En cas de besoin, la concertation avec le préfet de région est toujours possible.
L'amendement n°1 rectifié ter n'est pas adopté.
L'article premier A est adopté.
Article premier
Mme Françoise Férat. - Nous en arrivons au Haut conseil du patrimoine (HCP) à sa création, sa composition et ses pouvoirs.
La méthode choisie est celle d'une définition progressive de la liste des monuments transférables de l'Etat. L'État est propriétaire de 1 700 monuments historiques, il est illusoire d'envisager l'analyse en bloc par cette instance. C'est pourquoi il est prévu une liste évolutive. L'Assemblée nationale a introduit la liste détaillée des critères de la commission Rémond dans le code du patrimoine. Notre commission y avait fait référence sans les énumérer afin de ne pas lier à l'avance le HCP. En l'état actuel du texte, il ne pourrait plus définir de nouveaux critères pour demander le maintien de la propriété de l'Etat.
Mme Colette Mélot. - Cet article est le socle de cette proposition de loi puisqu'il crée le HCP. Cet organisme permettra d'éviter les dérives connues par le passé. La suppression de cet article était surprenante. Je me réjouis que la majorité se soit ravisée.
Le HCP sera consulté pour les cessions et devra identifier les monuments historiques ayant une vocation culturelle. Il se prononcera aussi sur le déclassement de monuments. Il rendra un avis consultatif avant toute cession, et sera informé de tout projet de bail emphytéotique supérieur à 30 ans. L'UMP sera donc opposée à toute réécriture de l'article.
L'amendement n°6 est retiré.
M. le président. - Amendement n°39, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
I.- Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La liste établie par le Haut conseil du patrimoine monumental ne comporte ni les cathédrales, leurs cloîtres et leurs palais épiscopaux attenants, ni les abbayes-mères.
II.- En conséquence, au début de la deuxième phrase du même alinéa
remplacer le mot :
Il
par les mots :
Le Haut conseil du patrimoine monumental
Mme Françoise Cartron. - Texte même.
M. le président. - Amendement n°38, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
I.- Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La liste est établie par décret au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la loi n ° du relative au patrimoine monumental et ouvre droit au transfert des monuments figurant sur la liste pour une durée d'un an à compter de sa publication.
II.- En conséquence, au début de la deuxième phrase du même alinéa
remplacer le mot :
Il
par les mots :
Le Haut conseil du patrimoine monumental
M. Vincent Eblé. - Il convient d'établir un calendrier des transferts, comme la dernière fois.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Avis favorable aux deux amendements.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Défavorable. Il serait dangereux de définir en quelque sorte des monuments historiques de première et de deuxième classes ; notre patrimoine forme un tout. En outre, la liste des monuments transférables sera établie chaque année au fil des travaux du Haut conseil ; comment pourrait-il à l'inverse instruire 1 700 dossiers en un an ?
M. Jacques Legendre. - Il y a parfois des miracles dans cet hémicycle... (Exclamations à gauche) Un amendement antérieur de Mme Cartron tendait à supprimer le Haut conseil ; ces amendements, au contraire, en établissent l'existence ! Mais méfions-nous des mots. L'amendement n°6 disposait qu'en aucun cas, ce monument ne pouvait être confié à une collectivité ; à quoi aurait donc servi le HCP ?
En outre, une grande loi de la République précise déjà que les cathédrales appartiennent au patrimoine de l'État.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Je suis admiratif du travail de Mme Férat et du président Legendre. L'attention que la nouvelle majorité porte à ces questions mérite aussi notre respect et notre estime. Tournons la page de l'amertume et du chagrin, et ouvrons le débat. (Applaudissements)
M. Claude Domeizel. - Oui, il faut clore définitivement cette polémique. La nouvelle majorité avait le droit de déposer des amendements de suppression puis de repli. Nous voulons contribuer à un texte d'importance.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteur. - Dans cet esprit constructif, j'estime prudent de rectifier l'amendement n°38 pour y insérer le contenu de l'amendement n°39.
Mme Françoise Cartron. - D'accord.
M. le président. - Le texte de l'amendement n°38 rectifié se lira comme suit :
I.- Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La liste est établie, après avis du Haut conseil du patrimoine monumental, par décret au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la loi n ° du relative au patrimoine monumental et ouvre droit au transfert des monuments figurant sur la liste pour une durée d'un an à compter de sa publication.
II.- En conséquence, au début de la deuxième phrase du même alinéa
remplacer le mot :
Il
par les mots :
Le Haut conseil du patrimoine monumental
L'amendement n°39 est retiré.
L'amendement n°38 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par Mme Férat, M. Legendre, Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mme N. Goulet, M. Maurey, Mme Goy-Chavent, MM. Namy, Merceron, Tandonnet, Vanlerenberghe et Delahaye et Mme Létard.
Alinéa 2, troisième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le caractère transférable est apprécié au regard de critères définis par le Haut conseil du patrimoine monumental, qui incluent les critères retenus pour établir la liste annexée au décret n° 2005-836 du 20 juillet 2005, relatif aux conditions de transfert de la propriété de monuments historiques aux collectivités territoriales et pris en application de l'article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Mme Françoise Férat. - Il est défendu.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Il est bon de rappeler l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité des monuments historiques. Défavorable.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Favorable : il est au contraire opportun de faire référence aux critères de la commission Rémond, même s'il faudra les compléter : chaque cas doit faire l'objet d'un examen historique et technique approfondi avant de décider si le monument peut être transféré.
L'amendement n°2 rectifié ter n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Alinéa 2, quatrième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il se prononce sur le caractère transférable de tous les monuments concernés par une demande de transfert ou de cession.
Mme Cécile Cukierman. - Le Haut Conseil du patrimoine doit être systématiquement consulté.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Favorable.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Je souhaite bien du courage au Haut conseil pour faire face à l'engorgement qui le guette ! Votre préoccupation me semble satisfaite par un ajout des députés. La procédure est déjà assez lourde.
L'amendement n°7 est adopté.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Alinéa 2, dernière phrase
1° Remplacer les mots :
sont informés de tout projet de bail emphytéotique administratif d'une durée supérieure ou égale à trente ans
par les mots :
doivent également se prononcer sur tout projet de bail emphytéotique administratif
2° En conséquence, supprimer les mots :
; ils peuvent rendre un avis lorsqu'un tiers au moins d'entre eux le demande
Mme Cécile Cukierman. - Il ne s'agit pas d'engorger le Haut conseil, mais il doit se prononcer sur les baux emphytéotiques.
L'amendement n°41 est retiré.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Favorable à l'amendement n°8.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Défavorable. On soumettrait au Haut conseil des baux qui n'auraient rien d'emphytéotiques et on l'empêcherait ainsi d'accomplir ses autres missions. Un bail emphytéotique permet d'énoncer des conditions d'utilisation et de conservation ; il peut être dénoncé en cas de manquement.
L'amendement n°8 est adopté.
M. le président. - Amendement n°43 rectifié, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les projets de baux emphytéotiques ne peuvent porter ni sur les cathédrales, leurs cloîtres et leurs palais épiscopaux attenants, ni sur les abbayes-mères, ni sur les monuments d'intérêt national ou fortement symboliques au regard de la Nation.
Mme Françoise Cartron. - Texte même.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Favorable.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Défavorable. Les cathédrales et leurs annexes sont soumises à un régime spécifique depuis la loi de séparation. Ils appartiennent au patrimoine de l'État.
Mme Françoise Férat. - L'abbaye de Fontevraud me vient à l'esprit. Je voterai l'amendement.
M. Jacques Legendre. - S'agissant des cathédrales, cet amendement est inutile, mais qu'en est-il des abbayes-mères ? Je pense à Cîteaux et à Clairvaux : y en a-t-il d'autres ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - M. le président Legendre me fait passer un grand oral : abbayes-mères, cousines, pacsées ou mariées... (Rires) Je ne crois pas nécessaire d'aller plus loin dans la typologie.
L'amendement n°43 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le Haut conseil du patrimoine monumental est guidé dans ses décisions par le principe d'inaliénabilité des monuments inscrits ou classés. La cession et le bail emphytéotique ne sont consentis qu'à titre exceptionnel et ne peuvent en aucun cas constituer un mode de gestion global et pérenne du patrimoine monumental de l'État comme des collectivités territoriales.
Mme Cécile Cukierman. - Le bail emphytéotique doit rester l'exception. Cela évitera d'engorger le Haut conseil ! (Sourires)
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Favorable.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Je suis désolé d'avoir agacé Mme Cukierman... Il faut préserver cet outil commode qu'est le bail emphytéotique. Défavorable.
L'amendement n°13 est adopté.
M. le président. - Amendement n°45, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Se prononce sur l'opportunité de déclassement du domaine public de tout monument historique appartenant à l'État ;
M. David Assouline. - Il est défendu.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Avis favorable.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Il ne s'agit pas pour le Haut conseil de cautionner des déclassements en vue de revente, mais d'empêcher tout dévoiement de la loi à des fins financières. Je ne comprends pas que l'on fasse sauter un tel garde-fou. Un bâtiment peut être déclassé pour d'autres raisons que la revente, pour en faciliter la gestion, par exemple -je pense à la transformation de casernes à Metz en logements locatifs. Avis très nettement défavorable.
Mme Françoise Cartron. - Nous le retirons.
L'amendement n°45 est retiré.
M. le président. - Amendement n°51, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
Alinéa 10, première phrase
Remplacer les mots :
Lorsqu'un monument historique est identifié comme susceptible d'avoir une utilisation culturelle, le Haut conseil du patrimoine monumental formule des prescriptions
Par les mots :
Le Haut conseil du patrimoine monumental formule des prescriptions en vue de l'utilisation culturelle de tout monument historique
M. David Assouline. - Défendu.
Mme Maryvonne Blondin, rapporteure. - Favorable.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - C'est un contresens, une grave erreur, de donner à tous les monuments historiques un usage culturel. C'est prendre le risque de freiner les mesures de protection et de voir se développer des projets peu pertinents. Les enfants doivent pouvoir aller à l'école dans un monument historique, les étudiants y étudier ou même s'y loger, les entreprises et les administrations y installer leurs bureaux. Nombre de monuments ont été sauvés ainsi. Allez à Villers-Cotterêts ou à Royaumont, vous vous en rendrez compte.
Mme Nathalie Goulet. - M. le ministre a raison. Il va falloir animer ces monuments. Quand on connaît la grande misère des collectivités... Dans mon pauvre département de l'Orne, des collectivités se sont endettées mais n'arrivent pas à faire vivre certains monuments...
L'amendement n°51 est adopté.
M. le président. - Amendement n°48, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art L. 611-2-1. - Le Haut conseil du patrimoine monumental est saisi par le ministre en charge du domaine de l'État de tout projet de vente ou de bail emphytéotique d'une durée supérieure à trente ans concernant un bien immobilier à caractère historique, artistique ou patrimonial appartenant à l'État et situé hors du territoire français. Il se prononce sur le bien fondé du déclassement en appréciant les conditions d'utilisation prévues de l'immeuble cédé ou octroyé par bail. Son avis est transmis aux ministres compétents, dans les conditions prévues à l'article 4 de la loi n°... relative au patrimoine monumental de l'État.
Mme Claudine Lepage. - Cet amendement tend à donner compétence au Haut conseil sur les projets de ventes et de baux emphytéotiques concernant les monuments de l'État situés à l'étranger.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Favorable.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - L'amendement précédent rend la loi inapplicable. Je souhaite bien du courage à ceux qui devront sauver des lieux patrimoniaux !
Avis défavorable à l'amendement n°48. La Villa Médicis, par exemple, dépend de la législation italienne, et cette disposition ne pourrait s'y appliquer.
L'amendement n°48 est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°52, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 621-29-2 du code du patrimoine, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - Les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques appartenant à l'État ou aux collectivités territoriales sont inaliénables et imprescriptibles au sens de l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques. »
Mme Françoise Cartron. - Il convient de réaffirmer le caractère inaliénable des monuments historiques.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Compte tenu de la politique immobilière de France Domaine, il faut réaffirmer ce principe. Favorable.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Défavorable. Appliquer un principe général serait maladroit : il ne faut pas empêcher toute cession, mais assurer la protection. L'examen doit se faire au cas par cas. Je regrette ce dogmatisme.
Mme Nathalie Goulet. - Je suivrai encore une fois le ministre. Si on n'a pas d'argent pour protéger le patrimoine, que faire ? Personne n'envisage de déplacer pierre par pierre un château de la Loire à Doha ! Il faut préserver le patrimoine, non le mettre sous cloche. De grâce, n'ajoutons pas la misère à la misère !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - La loi de 1913 protège les monuments historiques quel qu'en soit le propriétaire. Permettre à un bien de changer de mains, c'est le protéger, car il pourra ainsi être entretenu ! Cet amendement va contre la protection du patrimoine.
Vos principes sont moralement acceptables, mais contre-productifs.
M. Jacques Legendre. - Le ministre a raison !
M. David Assouline. - Le changement de mains protégerait les biens ? Ce n'est pas toujours le cas. Je pense à des châteaux achetés par des Japonais, qu'ils ont laissés tomber en ruines une fois le mobilier soustrait... Cela dit, nous pouvons retirer l'amendement.
L'amendement n°52 est retiré.
M. François Rebsamen. - M. le ministre a une conception trop exclusive de la culture... Les logements sociaux ont un caractère culturel !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Vous jouez sur les mots...
L'article 2 demeure supprimé.
L'article 2 bis est adopté, ainsi que l'article 3.
Article 4
M. Pierre Bordier. - En vertu de cet article, seuls pourront être transférés des monuments jugés transférables par le Haut conseil ; les biens meubles pourront être transférés simultanément ; toute découpe sera prohibée. Si le groupe UMP se réjouit que la nouvelle majorité ait renoncé à en demander la suppression, il souhaite que l'article soit adopté dans sa rédaction initiale.
L'amendement n°17 est retiré.
M. le président. - Amendement n°57, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans un délai d'un an suivant la publication de ce décret
M. David Assouline. - Il est défendu.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Favorable.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Défavorable : des délais trop rigides compromettraient la conservation des monuments pendant la période intermédiaire.
L'amendement n°57 est adopté.
M. le président. - Amendement n°58, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Lorsque les objets mobiliers que renferme l'immeuble ont été classés conformément aux articles L. 622-1-1 et L. 622-4-1 du code du patrimoine, le transfert de l'immeuble s'accompagne du transfert de ces biens meubles.
M. David Assouline. - Le mobilier est indissociable du monument.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Favorable.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Défavorable.
L'amendement n°58 est adopté.
M. le président. - Amendement n°59, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
Compléter cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :
Toute vente d'un monument historique appartenant à l'État situé sur le territoire national ou d'un bien immobilier du domaine public de l'État français situé hors du territoire français à une personne privée ou à une personne publique est soumise à l'avis du Haut conseil du patrimoine monumental. Il se prononce sur l'opportunité du déclassement et sur le bien fondé de la vente en appréciant les conditions de vente et d'utilisation prévue de l'immeuble cédé ainsi que les éventuels travaux prévus.
Après avis du Haut conseil du patrimoine monumental, le ministre chargé des monuments historiques transmet le dossier au ministre chargé du domaine de l'État qui l'instruit.
Après accord du ministre chargé du domaine de l'État, le ministre chargé des monuments historiques désigne la personne bénéficiaire.
L'acte de cession sur lequel figurent le prix de la cession ainsi que les éventuels indemnités, droits, taxes, salaires ou honoraires perçus et la destination envisagée de l'immeuble ainsi que les travaux prévus, est publié au Journal officiel.
La décision de vente est susceptible de recours devant la juridiction administrative. Le recours peut être formé par toute personne publique ou privée ayant intérêt à agir, dans un délai de deux mois suivant la publication au Journal officiel de l'acte de cession.
Mme Françoise Cartron. - Il convient d'encadrer les conditions de vente, quelle que soit la personne bénéficiaire, d'un monument appartenant à l'État français situé en France ou d'un bien immeuble du domaine public de l'État situé sur le sol d'un état étranger afin d'éviter que le patrimoine national ne soit bradé.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - L'amendement a un aspect un peu notarial, mais on n'est jamais trop prudent... Favorable.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Ceux qui ont désossé des châteaux ont été arrêtés et poursuivis, monsieur Assouline.
Le contrôle proposé par l'amendement est redondant par rapport à la surveillance normale des services de l'État. Les obligations liées au caractère du monument s'imposent aux propriétaires successifs sur tout le territoire.
Mme Nathalie Goulet. - Je vis un moment de grand bonheur parlementaire. La loi de finances rectificative de l'an dernier portant plan de relance a fait acheter la Salle Pleyel par l'État dans des conditions aberrantes ; le rapporteur général d'alors, M. Marini, n'a jamais été aussi peu regardant sur les finances de l'État... Il me paraît intéressant d'encadrer strictement la procédure. C'est une victoire posthume.
L'amendement n°59 est adopté.
L'amendement n°60 est retiré.
L'article 4, modifié, est adopté.
Article 5
Mme Colette Mélot. - Le transfert d'un monument à une collectivité peut répondre à deux logiques, selon que la collectivité s'appuie sur un projet culturel ou non. Dans le premier cas, le transfert sera gratuit ; dans le second, il sera onéreux. Cela incitera les collectivités à développer des projets ; et, ayant acquis gratuitement ces biens, elles auront les moyens d'entretenir ceux-ci. C'est au niveau local que des projets pertinents peuvent être définis, pour faire de ces monuments des lieux de bouillonnement culturel. La proposition de suppression de l'article 5 était déraisonnable.
M. le président. - Amendement n°62, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
Rédiger ainsi cet article :
Le transfert des monuments historiques classés ou inscrits aux collectivités territoriales et à leurs groupements est effectué à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire. La demande de transfert est accompagnée de la présentation d'un projet culturel. La collectivité territoriale ou le groupement bénéficiaire a pour mission d'assurer la conservation du monument, d'en assurer l'accès au public, d'en présenter les collections, d'en développer la fréquentation et d'en favoriser la connaissance.
La vente d'un monument historique classé ou inscrit par une collectivité territoriale ou par un groupement de collectivités, préalablement transféré par l'État à cette collectivité ou à ce groupement, est interdite.
En cas de manquement d'une collectivité ou d'un groupement bénéficiaire à l'une des obligations liées au transfert, l'État peut demander la restitution du monument historique transféré.
Mme Françoise Cartron. - Cet amendement tend à reconduire l'unique modalité de transfert des monuments aux collectivités mis en place en 2004 : à titre gratuit.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Alinéa 1, première phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Les demandes de transfert de propriété de monuments historiques aux collectivités territoriales ou à leurs groupements sont accompagnées d'un projet culturel. Ces monuments historiques sont cédés à titre gratuit et ne peuvent être vendus.
Mme Cécile Cukierman. - Le transfert ne peut être justifié que par des raisons culturelles.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
Mme Cécile Cukierman. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement identique n°64, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
Mme Françoise Cartron. - Il est défendu.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Avis favorable à tous les amendements ; l'adoption du premier fera tomber les autres.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - M. Rebsamen a une vision extensive de la culture... Je pense à Francis Blanche qui, dans un de ses canulars, disait vouloir organiser des soirées culturelles pour son foyer de jeunes délinquants avec les jeunes filles d'un couvent voisin...
Deux précautions valent mieux qu'une : je suis défavorable à ces amendements.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Le Gouvernement a classé une partie de la prison Saint-Michel à Toulouse, et laissé l'autre à la convoitise des promoteurs. La discussion que nous avons depuis deux heures prouve que le Gouvernement ne souhaite pas s'engager sur la protection du patrimoine. Va-t-il interdire oui ou non la vente à la découpe ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Le Haut conseil du patrimoine se penchera sur cette question. Depuis que je suis ministre, il n'y a eu aucune vente à la découpe. En tant que citoyen et défenseur de la loi, j'estime qu'il faut que le HCP soit créé pour empêcher toute dérive.
L'amendement n°62 est adopté, et l'article est ainsi rédigé.
Les amendements nos19, 21 et 64 deviennent sans objet.
L'article 6 est adopté.
Article 7
Mme Françoise Férat. - Cet article pose le principe de la convention qui lie l'État aux collectivités. Cette convention doit préciser certains points. Un questionnaire avait été envoyé à toutes les collectivités ayant bénéficié d'un transfert par la loi de 2004. Nous avions alors mieux appréhendé les modalités de ces transferts, notamment pour les personnels.
Le garde-fou prévu sur les durées indéterminées doit être rétabli pour éviter des ventes à la découpe. Le texte de l'Assemblée nationale est extrêmement dangereux. Il faut en revenir au texte initial.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous ne comprenons pas la sélection et la réduction du personnel prévues à cet article.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteur. - Favorable.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Défavorable : je ne vois pas comment si on cède les casernes on céderait les soldats, les tribunaux avec les juges, et le Sénat avec les sénateurs et les sénatrices. (Rires)
L'amendement n°24 est adopté.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié ter, présenté par Mme Férat, M. Legendre, Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mme N. Goulet, M. Maurey, Mme Goy-Chavent, MM. Namy, Merceron, Tandonnet, Vanlerenberghe et Delahaye et Mme Létard.
Alinéa 4
I. - Première phrase
Remplacer les mots :
telles que définies à l'article 2
par les mots :
telles que définies à l'article L. 611-4 du code du patrimoine
II. - Troisième phrase
Supprimer cette phrase.
Mme Françoise Férat. - Il est défendu. Cet amendement est vraiment indispensable. Il faut le voter.
M. le président. - Amendement n°31 rectifié, présenté par MM. Mézard et Plancade, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Tropeano et Vendasi.
Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
à l'article 2
par les mots :
à l'article L. 611-4 du code du patrimoine
Mme Françoise Laborde. - Je le retire au profit de l'amendement n°3 rectifié ter.
L'amendement n°31 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°32 rectifié, présenté par MM. Mézard et Plancade, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Tropeano et Vendasi.
Alinéa 4, troisième phrase
Supprimer cette phrase.
Mme Françoise Laborde. - Même chose.
L'amendement n°32 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement identique n°69, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
M. David Assouline. - Le Sénat doit faire bloc pour que la loi, en particulier en CMP, soit celle de notre assemblée. Je retire donc cet amendement.
L'amendement n°69 est retiré.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteur. - C'est un bel exercice. L'amendement n°3 rectifié ter a reçu dans la hâte de la commission un avis défavorable. J'en appelle à la sagesse du Sénat.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Je suis heureux de ce revirement. Moi aussi, j'évolue dans le bon sens, c'est mon chemin de Damas : je m'associe à ce chant séraphique. (Sourires)
Avis favorable.
L'amendement n°3 rectifié ter est adopté.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - La revente des monuments transférés par l'État aux collectivités ne doit pas être autorisée.
L'amendement n°70 est retiré.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié ter, présenté par Mme Férat, M. Legendre, Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mme N. Goulet, M. Maurey, Mme Goy-Chavent, MM. Namy, Merceron, Tandonnet, Vanlerenberghe et Delahaye et Mme Létard.
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
La convention indique qu'avant toute revente d'un monument acquis gratuitement, la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire saisit le ministre chargé des monuments historiques et le ministre chargé du domaine de l'État qui peuvent, par décision conjointe, en demander la restitution à l'État à titre gratuit.
Mme Françoise Férat. - Amendement de coordination avec le précédent amendement qui supprime la durée déterminée du projet culturel et qui revient donc au texte voté en première lecture par le Sénat.
L'amendement n°33 rectifié ter est retiré.
L'amendement n°71 est retiré.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Favorable à l'amendement n°25.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Avis défavorable car vous connaissez la position du Gouvernement sur l'inaliénabilité.
L'amendement n°25 est adopté.
L'amendement n°4 rectifié ter devient sans objet.
L'article 7, modifié, est adopté.
L'article 8 est adopté, ainsi que l'article 9.
Article 10
M. le président. - Amendement n°78, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
Alinéa 2, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le déclassement du domaine public en vue de la vente des monuments historiques ne peut intervenir qu'après avis conforme du Haut conseil du patrimoine monumental.
Mme Françoise Cartron. - Il convient de soumettre tout déclassement pour vente d'un monument historique appartenant au domaine public, à l'avis conforme préalable du Haut conseil du patrimoine monumental, qu'il soit la propriété de l'État, d'une collectivité territoriale ou d'une personne publique et qu'il ait été acquis à titre gratuit ou à titre onéreux par le propriétaire.
Les amendements n°s27 et 28 sont retirés.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement n°25.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°78 est adopté.
M. le président. - Amendement n°29, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 3211-14-1. - La revente à titre onéreux d'un monument transféré à titre gratuit et ayant été déclassé du domaine public en application de la loi n° du relative au patrimoine monumental de l'État ne peut être réalisée dans les vingt années suivant l'acte de transfert. »
Mme Cécile Cukierman. - Il convient d'empêcher la vente et la revente de tout monument classé ou inscrit.
M. le président. - Amendement n°30, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Alinéa 4
Après les mots :
transféré à titre gratuit
insérer les mots :
et ayant été déclassé du domaine public,
Mme Cécile Cukierman. - Il est défendu.
L'amendement n°80 est retiré.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Favorable à l'amendement n°29.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Avis défavorable. Cette disposition est contraire à la libre administration des collectivités.
L'amendement n°29 est adopté
L'amendement n°30 devient sans objet.
L'article 10, modifié, est adopté.
L'article 12 est adopté.
Article 13
M. le président. - Amendement n°5 rectifié ter, présenté par Mme Férat, M. Legendre, Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mme N. Goulet, M. Maurey, Mme Goy-Chavent, MM. Namy, Merceron, Tandonnet, Vanlerenberghe et Delahaye et Mme Létard.
Après le mot :
fixe
insérer les mots :
en tant que de besoin
Mme Françoise Férat. - La version du Sénat prévoyait un décret d'application « en tant que de besoin », ce qui impliquait que certaines dispositions pouvaient être d'application directe (notamment pour l'article premier A sur le patrimoine mondial). Or l'Assemblée est revenue à une version impliquant que tout doit être précisé par décret, ce qui paraît inutile et risqué pour l'efficacité de la loi.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Avis défavorable. Nous préférons la règle à la facilité. Il faut que ce texte soit bien encadré, notamment en ce qui concerne le rôle des collectivités.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Favorable.
M. David Assouline. - On pourrait concilier la facilité et la règle : nous allons nous abstenir.
Mme Cécile Cukierman. - Pour les mêmes raisons, nous nous abstenons.
L'amendement n°5 rectifié ter est adopté.
L'article 13, modifié, est adopté.
Vote sur l'ensemble
Mme Françoise Férat. - M. Domeizel voulait faire table rase du passé, mais j'ai quelques regrets. Nous aurions du discuter plus longuement. Il y a quelques avancées mais bien de dispositions importantes manquent. M. Assouline nous donne rendez-vous en CMP. Ce soir nous nous abstiendrons.
Mme Françoise Cartron. - Mme Férat a quelques regrets. Nous en avions en première lecture, car certains de nos amendements avaient été balayés d'un revers de main. Lorsque ce texte est revenu de l'Assemblée nationale, nous avons eu une première réaction de rejet, mais comme nous voulions être constructifs et préserver le patrimoine monumental, nous avons présenté des amendements. Nous voterons bien évidemment ce texte.
Mme Cécile Cukierman. - Malgré certaine chanson, que certains d'entre nous chantent, du passé nous ne ferons pas table rase. Nous voulons protéger notre patrimoine. Le temps portant conseil nous a permis d'évoluer et à la nouvelle majorité de se retrouver.
Le groupe CRC votera le texte ainsi amendé qui apporte des garanties.
Mme Françoise Laborde. - Nous aussi, nous avons évolué. Nous voterons donc cette proposition de loi. (M. Roland Courteau s'en félicite) En CMP, il y aura sans doute encore quelques modifications à apporter à la marge.
M. Jacques Legendre. - Nous voulons préserver le patrimoine avec le concours de l'État, des collectivités et des personnes privées. Le texte issu de l'Assemblée nationale n'était pas entièrement satisfaisant. Il ne l'est pas non plus ce soir, mais le rôle du HCP a été reconnu. Nous en prenons acte. En attendant, je m'abstiendrai.
M. David Assouline. - Le texte a suffisamment évolué pour recevoir notre adhésion. En première lecture, on ne nous avait pas écoutés et nous aurions pu nous opposer frontalement ce soir en tant que nouvelle majorité sénatoriale. Nous avons voulu montrer ce qu'était une majorité sénatoriale de gauche, responsable. Le verre est plutôt à moitié plein qu'à moitié vide.
Ce texte, c'est aussi un appel afin que cette loi, qui ne répond pas à toutes nos attentes, ne soit pas vidée de son sens à l'Assemblée nationale. Nous espérons que nos collègues centristes et UMP feront bloc avec nous en CMP.
Si nous voulons renforcer les règles, monsieur le ministre, c'est pour éviter les ventes à la découpe, dont vous prétendez qu'elles n'ont pas lieu. Cependant, le cas du logis Saint-Pierre au Mont-Saint-Michel est édifiant. À la demande de France Domaine, le déclassement a été prononcé en dépit des protestations.
Je pourrais citer d'autres exemples. J'espère qu'il attirera votre attention, monsieur le ministre.
Nous voterons donc ce texte en espérant que la navette se poursuive dans de bonnes conditions.
À la demande de l'UCR, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 176 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 89 |
Pour l'adoption | 176 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements à gauche)
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Ce premier exercice a commencé dans la douleur. Pour construire la paix, il faut que certaines conditions soient réunies. Il faut un contexte favorable : il ne l'était pas, la confiance ayant été rompue avec les collectivités. Il faut du temps : nous en avons manqué. Il faut le respect de chacun : ce qui a mal commencé s'est bien terminé. Le résultat nous semble satisfaisant, même si M. le ministre estime que le mieux pourrait être l'ennemi du bien. (Applaudissements à gauche)
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Il y a eu beaucoup d'abstentions. Le projet global progresse mais je reste attaché au travail accompli par M. Legendre et Mme Férat. J'ai le sentiment que Mme Férat avait porté ce projet avec beaucoup de coeur, ce qui explique son chagrin. (Exclamations à gauche)
J'ai rendu aussi hommage au travail de la majorité. Il faudra néanmoins continuer à discuter de certains points, où je l'ai trouvée trop dogmatique.
Sur les ventes à la découpe, le Haut conseil évitera tout dérapage.
Le problème soulevé par M. Assouline sur le Mont-Saint-Michel ne m'avait pas échappé. Il ne faut pas se braquer sur les affectations d'immeubles dès lors que le HCP pourra se saisir de ces questions et que le ministère de la culture aura le dernier mot. (Applaudissements au centre et à droite)
La séance est suspendue à 18 h 45.
*
* *
La séance reprend à 19 h 25.
Scolarité obligatoire à 3 ans
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission de la culture sur la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à 3 ans.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. - En application de l'article 40 de la Constitution, (vives exclamations à gauche) le Gouvernement considère que cette proposition de loi n'est pas recevable et ne peut être soumise à discussion.
M. Roland Courteau. - Scandaleux ! (Vives exclamations à gauche)
M. le président. - Cette demande est fondée sur l'article 45 du Règlement. Il faut consulter la commission des finances, qui ne peut être réunie à l'instant.
M. François Rebsamen. - Rappel au Règlement, en vertu de l'article 36.
Monsieur le ministre, vous avez entendu la stupéfaction de tous ceux qui souhaitaient débattre de cette proposition de loi qui concerne les enfants de notre pays. Juridiquement, vous vous précipitez et appréciez mal les pouvoirs constitutionnels du Sénat.
L'ordre du jour a été fixé en présence du ministre Ollier à l'occasion de deux Conférences des présidents. Il est pour le moins surprenant que le Gouvernement veuille même empêcher que ce texte soit mis en discussion. Qu'avez-vous à craindre ? Vous bafouez les règles de notre Assemblée. C'est la première fois que le Gouvernement veut faire disparaître un texte. L'article 40 aurait pu être invoqué à la fin de la discussion générale. Mais le Gouvernement a préféré pratiquer un coup de force contre la Haute assemblée, pendant une semaine d'initiative parlementaire. Hier encore, M. Ollier n'a dit mot sur ce point de l'ordre du jour !
Votre précipitation et votre mauvaise manière trahissent votre inquiétude. En vertu de l'article 47 quater, l'irrecevabilité est appréciée par la commission des finances, et par elle seule. (Applaudissements à gauche). Aussi longtemps que celle-ci ne s'est pas réunie, nous pouvons débattre.
Que le ministre de l'éducation nationale annonce qu'il ne veut même pas débattre, cela montre le mépris du Gouvernement pour la Haute assemblée et le Parlement tout entier ! Ce n'est pas à votre l'honneur. (Vifs applaudissements à gauche)
M. le président. - Je vous précise que la commission des finances est convoquée à 19 h 45, soit dans moins de dix minutes.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. - J'ai été stupéfaite par la déclaration du ministre, et par son sourire. Les conséquences pourraient en être très graves. On veut saper le travail de la commission, dont les 47 membres ont patiemment soupesé les conséquences de la scolarisation à 3 ans pour tous les jeunes Français et tous les enfants résidant sur notre sol. Cette proposition de loi est issue du groupe socialiste, mais elle devait être examinée pendant un temps dévolu à la commission : c'est donc l'institution qui vous parle. M. Ollier n'y avait vu aucune objection en Conférence des présidents. L'article 40 pourrait être une arme de destruction massive pour la démocratie. (Applaudissements à gauche)
Je n'imagine pas que vous empêchiez tous les groupes de s'exprimer : la discussion générale, hormis la ventilation de l'hémicycle, ne coûte rien ! (Applaudissements à gauche)
M. Dominique de Legge. - L'article premier, introduit par la commission, dispose que les enfants de 2 ans sont accueillis dans des conditions spécifiques adaptées à leur âge : cela implique sans nul doute des dépenses nouvelles. On lit à l'article 2 que les conséquences financières de cette proposition de loi pour les collectivités sont compensées par une augmentation de la DGF. Comment prétendre que cette proposition de loi n'aura pas d'incidence budgétaire ? Le rapporteur parle d'un impact financier marginal, mais c'est toujours un impact !
Autant dire que l'article 40 s'applique sans contestation. (Applaudissements à droite)
Mme Françoise Cartron, auteur de la proposition de loi. - Balayer d'un revers de main cette proposition de loi est scandaleux. (M. Roland Courteau renchérit) Vous manquez de respect aux élus et à la nouvelle majorité, qui n'est là que par la volonté des citoyens. Dans quel pays sommes-vous ? Le devoir du ministre de l'éducation est de s'intéresser à tous les enfants. Votre sourire ironique témoigne de votre mépris. (Exclamations à droite) Que craignez-vous ? Que cette proposition de loi soit votée et rencontre demain un large écho auprès de nos concitoyens, qui plébiscitent l'école maternelle ?
Je pense aux enfants des familles défavorisées qui n'ont pas les moyens d'acquérir les dispositions nécessaires pour réussir.
Votre sourire est une insulte. (Applaudissements à gauche ; protestations à droite) Le Gouvernement a su trouver de l'argent pour des projets moins déterminants pour l'avenir ! Je ne me résoudrai jamais à ce que l'on abandonne les enfants défavorisés à leur sort. Il y va de l'honneur de la République. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Nous allons suspendre pour que la commission des finances puisse se réunir. (Vives protestations à gauche)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Ça continue !
M. David Assouline. - Le rappel au Règlement est de droit ! (On renchérit, à gauche)
M. le président. - Non. (Vives exclamations à gauche) Je vais suspendre la séance pendant dix minutes. (M. le ministre se lève et sort de l'hémicycle) M. Rebsamen ne m'avait-il pas donné son accord ?
M. François Rebsamen. - Pour éviter un grave incident, je crois nécessaire que chacun puisse s'exprimer, même si M. le ministre est parti... Retrouvons un peu de sérénité.
M. le président. - Nous allons attendre le président de la commission des finances. Par esprit de conciliation, je vais demander au ministre de revenir.
M. Jean-Pierre Sueur. - En vertu de l'article 36, « la parole est accordée sur le champ à tout sénateur qui la demande pour un rappel au Règlement ». La formule « sur le champ » est décisive. Relisez soigneusement l'article 36, monsieur le président
M. le président. - Je risquerais de voir aussi que chacun doit préciser sur quel article du Règlement il se fonde... (M. le ministre rentre dans l'hémicycle)
M. David Assouline. - Je me fonde sur les articles 32 et suivants. Ce qu'a fait M. le ministre est grave. Il a le sourire fiérot de qui a joué un mauvais coup à la gauche. Mais ce n'est pas à la gauche que ce mauvais coup est porté, c'est au Parlement, de la part d'un gouvernement qui a prétendu renforcer ses droits ! L'argumentation du ministre est applicable à toutes les initiatives parlementaires.
M. Jean-Jacques Hyest. - La Constitution existe !
M. David Assouline. - Nous avons discuté ce matin d'une proposition de loi de l'UMP, que nous avons finalement votée. Nous n'avons pas choisi l'obstruction. Or, cette proposition de loi coûte de l'argent ! Idem pour le Haut conseil du patrimoine. Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas invoqué l'article 40 contre ces proposition de loi ?
Nous savions que vous aviez difficilement avalé la victoire de la gauche au Sénat mais nous pensions que la digestion s'était faite. Un Sénat de gauche n'aurait pas le droit à la parole ? (Applaudissements à gauche) D'ailleurs, sur les propositions de loi, on avait coutume de ne pas invoquer l'article 40.
Mais le Gouvernement ne peut assumer, qu'alors que 99 % des enfants sont scolarisés à 3 ans, ce ne soit pas inscrit dans la loi.
M. Jean-Marc Todeschini. - C'est la casse de l'école publique !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Tout au privé, pour ceux qui ont les moyens !
Mme Françoise Cartron, auteur de la proposition de loi. - Et les jardins d'éveil, ils ne coûtent rien ?
M. David Assouline. - Si la gauche arrive au pouvoir, jamais elle n'agira ainsi ! Ne vous dites pas « ce n'est pas grave ! » dites-vous qu'il y a des principes à défendre, et d'abord cette Assemblée même, par les sénateurs de droite comme par ceux de gauche. Il y aura un avant et un après ce soir. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Mirassou. - La démarche du ministre est entachée de duplicité et de cynisme. Il fait le sale boulot. Le Gouvernement avait bien le temps d'invoquer l'article 40 avant la dernière minute. Il a voulu une mise en scène.
Que pèse l'article 40 face à cette cause nationale qu'est la scolarité à 3 ans, défendue par les parents et par les élus locaux, qui nous ont donné la majorité ? (Applaudissements à gauche) Cette insulte aux élus, comptez sur nous pour lui donner la plus large publicité. En brouillant la frontière entre l'exécutif et le législatif, vous jouez un sale tour à la démocratie.
Nos collègues de l'opposition devront s'habituer au changement de majorité ! Les textes ne pourront être les mêmes. Il faudra vous y habituer : cela risque de durer un moment. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Le Scouarnec. - Tout nouveau sénateur, je me réjouissais de ce débat sur une question essentielle. Je vis un moment douloureux. Je croyais que le Sénat était un lieu où l'on débattait en toute sérénité. Le groupe CRC avait engagé une réflexion et déposé une proposition de loi dès mars 2011.
Le rôle fondamental de l'école maternelle n'est plus à démontrer. Hélas, elle est devenue la variable d'ajustement de votre ministère. A chaque rentrée, les moyens diminuent alors que le nombre d'élèves augmente. Nous voulions protéger l'école maternelle en traduisant dans la loi ce qui est déjà une réalité : 99 % des enfants de 3 à 6 ans sont scolarisés. Nous voulions faire reconnaître à sa juste valeur les apports fondamentaux de l'école maternelle au sein de notre système éducatif et son rôle décisif dans la lutte contre les inégalités et l'échec scolaire.
Selon un rapport de la Cour des comptes de mai 2010, la France dépense moins pour l'école maternelle que ses voisins. En 2000, un enfant sur trois était scolarisé dès 2 ans, un sur cinq aujourd'hui ! Quelle tristesse ! C'est le résultat de vos choix politiques.
En Bretagne, le taux de scolarisation des enfants de 2 ans était très important, grâce à la mobilisation des collectivités. Mais le rectorat a décrété qu'il fallait diviser l'accueil des 2-3 ans par trois ! Il faut que la scolarisation soit possible dès 2 ans.
Redonnons ses lettres de noblesse à l'école maternelle. Ainsi, liberté, égalité, fraternité reprendraient toute leur place dans notre société. (Applaudissements à gauche)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur de la commission de la culture. - En ma qualité de rapporteur de cette proposition de loi, je veux vous dire mon indignation et ma colère, monsieur le ministre. Votre coup de force est inadmissible. Le bicamérisme est en danger.
Deux Conférences des présidents ont eu lieu en présence de M. Ollier ; l'article 40 n'a jamais été évoqué. Vous ne voulez pas que la nouvelle majorité débatte. On nous a répété qu'il fallait une majorité responsable. Il s'agit ce soir d'un déni de démocratie. Un travail important a été fourni, de nombreuses auditions ont eu lieu, tous les groupes ont débattu avec passion. Vous refusez de débattre, les citoyens jugeront. Votre attitude en dit long sur vos objectifs, alors que le rôle de l'école maternelle est fondamental pour faire reculer l'échec scolaire ; or elle fait déjà les frais de la RGPP. Vous avez porté un coup terrible à la démocratie. Cette attitude ne vous honore pas. (Applaudissements à gauche)
M. Claude Domeizel. - Je veux vous parler les yeux dans les yeux, monsieur le ministre : votre attitude est indigne d'un ministre de l'éducation nationale. Certes l'article 40 s'applique -vous auriez pu au moins en confier l'invocation à un autre membre du Gouvernement... La réalité est que vous ne voulez pas débattre.
M. de Legge estime que l'article 40 s'applique, mais c'est à la commission des finances de le dire. Et les propositions de loi sont toujours allées au moins jusqu'à la fin de la discussion générale ; on n'évoquait l'article 40 que lors de l'examen des articles.
L'article 24 du Règlement traite la gestion de l'irrecevabilité des propositions de loi, je vous y renvoie : le quatrième alinéa dit que le Bureau du Sénat est juge de la recevabilité d'une proposition de loi.
Selon les propositions de loi, l'attitude du Gouvernement diffère. Avez-vous invoqué l'article 40 sur celles de M. Ciotti relatives à l'absentéisme scolaire ou au service citoyen pour les mineurs délinquants ?
L'école de la République repose sur un triptyque : obligation, laïcité, gratuité. Pourquoi ne pas prévoir l'obligation scolaire à 3 ans ?
Les principales victimes sont les territoires ruraux.
M. Claude Dilain. - Et les banlieues !
M. Claude Domeizel. - Ah, monsieur le ministre, reconnaissez que vous êtes dans une situation intenable et qu'il vaut mieux débattre jusqu'à la fin de la discussion générale ; vous invoquerez alors l'article 40 si vous le souhaitez. (Applaudissements à gauche)
M. Luc Chatel, ministre. - Cette proposition de loi, amendée en commission, abaisse à 2 ans l'âge de la scolarité. (Vives exclamations et marques de dénégation à gauche)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. - Caricature !
M. David Assouline. - Une possibilité, pas une obligation !
M. Luc Chatel, ministre. - Son adoption entraînerait la scolarisation de 700 000 à 750 000 élèves de plus, (on le conteste bruyamment à gauche) avec un coût pour l'État de 1,3 milliard. (Mêmes mouvements)
Vous êtes les représentants des collectivités.
M. Claude Domeizel. - Justement !
M. Luc Chatel, ministre. - Cette proposition de loi entraînerait une augmentation considérable de leur budget. (Nouvelles exclamations et protestations à gauche)
M. le président. - Vous avez souhaité entendre le ministre : écoutez-le !
M. Luc Chatel, ministre. - Voilà pourquoi j'ai invoqué l'article 40. Depuis quand, monsieur Rebsamen, le respect de la Constitution serait-il un coup de force ?
M. Jean-Jacques Hyest. - Quand même !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Vous en faites une application sélective !
M. Luc Chatel, ministre. - Remettez-vous en cause notre loi fondamentale ? J'ai toujours été et je suis toujours dans une logique de débat avec le Parlement. (Marques d'ironie à gauche) J'ai été choqué d'entendre Mme Blandin parler de destruction massive pour la démocratie. Avoir la majorité ne constitue pas un blanc-seing pour violer la Constitution ! (Exclamations indignées à gauche ; applaudissements sur les bancs UMP) Le Gouvernement a respecté la Constitution ; jusqu'à l'ouverture de la séance publique, le Gouvernement peut invoquer l'article 40.
Je n'ai aucun mépris pour le travail parlementaire, mais 1,3 milliard, ce n'est pas possible. (On conteste vivement le chiffre à gauche) Si j'ai parfois souri, c'était à l'écoute de vos arguments.
« Je n'ignore rien des urgences -emploi, santé, école- mais je n'empilerai pas les réponses à coup de milliards dont nous n'avons pas le premier euro. Je ne serai pas un candidat prestidigitateur ». (Applaudissements sur les bancs socialistes, où l'on anticipe, amusé, le propos du ministre) Qui s'exprimait ainsi ? M. Hollande. (Applaudissements à droite)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - La commission des finances s'est réunie et a considéré à l'unanimité que les paragraphes I et II de l'article premier sont irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution.
M. le président. - Les autres articles subsistent donc. Je vous propose de suspendre la séance et de reprendre à 22 h 20.
M. Vincent Eblé. - Et le rappel au Règlement de M. Sueur ?
M. le président. - Il aura tout loisir de s'exprimer à la reprise.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission. - Je ne répondrai pas aux attaques personnelles... Je demande la réunion de la commission de la culture à 21 h 30.
La séance est suspendue à 20 h 20.
*
* *
présidence de M. Charles Guené,vice-président
La séance reprend à 22 h 20.
Rappels au Règlement
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - J'ai été contrarié de voir que notre Règlement n'était pas appliqué : la parole est donnée « sur le champ » aux sénateurs pour rappel au Règlement. Belle expression de la langue française !
Beaumarchais a publié une pièce sous-titrée La précaution inutile...
Votre lettre, monsieur le ministre, nous est parvenue quinze minutes avant le débat. Et comment avez-vous pensé qu'en utilisant l'article 40 vous pouviez nous empêcher de parler de l'école maternelle ? Avant le diner, nous en avons parlé 1 h 17, dans les pires conditions car nous étions fâchés. Vous avez pris des postures. Mais quant à aller au théâtre, mieux vaudrait Beaumarchais. Le 26 octobre, en Conférence des présidents, Mme la présidente de la commission de la culture a proposé d'inscrire ce texte à l'ordre du jour de nos travaux, et le ministre Ollier l'a accepté.
Hier, nouvelle Conférence des présidents, demandée par les groupes UMP et UC et M. Ollier a mentionné le débat sur l'école maternelle précédant celui sur l'intercommunalité. Il semblait considérer que du temps devait y être consacré.
Cette manoeuvre dérisoire de dernière minute a provoqué une heure de querelles. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, consacrez-vous plutôt aux oeuvres de l'esprit, débattez sur le fond ! Nous souhaitons que le débat s'engage et se déroule désormais dans la sérénité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. - Une incompréhension a parcouru les bancs du Sénat : vous avez, monsieur le ministre, invoqué l'article 40 et l'avez justifié par le coût dû à l'arrivée de 750 000 petits dès 2 ans, soit 1,3 milliard d'euros. La commission des finances s'est réunie et elle a supprimé les articles concernant les enfants de 3 ans... mais non ceux de 2 ans. Cette cible est-elle la bonne ?
M. Luc Chatel, ministre. - Le ministre n'a pas à commenter une décision de la commission des finances, qui a voté à l'unanimité cet allègement de la proposition de loi.
M. David Assouline. - Vous êtes tout de même là pour éclairer le législateur, par un raisonnement rationnel. La commission des finances s'est prononcée parce que vous lui aviez demandé de délibérer. Or, vous estimiez que la scolarisation des enfants de 2 ans coûterait 1,3 milliard d'euros. La commission des finances a laissé dans le texte les dispositions relatives à la scolarité à 2 ans. Celles concernant les enfants de 3 ans ont été retirées du texte. Ne courons pas le risque de laisser croire qu'on fait ici n'importe quoi. La commission des finances, qui a dû donner une réponse en quelques minutes, ne pourrait-elle se réunir à nouveau et prendre le temps de la réflexion ?
M. Jean-Jacques Hyest. - Il faut tout de même respecter le Règlement et la Constitution. Le ministre doit invoquer l'article 40 en séance publique. M. Ollier ne pouvait le faire !
Le Conseil constitutionnel a estimé que les amendements soumis au couperet de l'article 40 ne devaient même pas être discutés. Vous ne vous inscrivez pas dans ce cadre !
Rappelez-vous les difficultés lorsque nous avons discuté la règle d'or, pour préserver la discussion hors loi de finances des dispositions financières. Mais respectez nos institutions et le Règlement, et ici, l'article 40 est bien utilisé.
Cessez, oui, ces étonnements feints -car vous aviez des textes déjà préparés pour vous exprimer ! (On le confirme à droite)
Pourquoi ce texte seulement maintenant ? Nos collègues de la majorité sénatoriale auraient pu voter la scolarisation à 3 ans lorsqu'ils étaient au pouvoir. Avançons car la commission des finances a tranché.
M. le président. - Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à 3 ans.
Discussion générale
Mme Françoise Cartron, auteur de la proposition de loi. - Nous avons souhaité proposer une mesure qui est soutenue par tous les groupes de gauche à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Merci à la présidente de la commission et à Mme Gonthier-Maurin pour leur soutien.
Le texte redonne toute son importance au plus jeune âge de la vie. Dans cette période de crise de la société, face aux restrictions budgétaires, reconnaissons la maternelle comme une école à part entière, gratuite et ouverte à tous. Faisons de la jeunesse une priorité. Elle est au coeur de notre projet pour la France. Telle est notre ambition. L'obligation scolaire de 6 à 13 ans a été instaurée par la loi Jules Ferry du 28 mars 1882. L'âge de sortie a été étendu à 16 ans mais rien d'obligatoire avant 6 ans ! Il faut renforcer l'égalité des chances et le modèle républicain.
C'est une loi qui protège, qui soutient les enseignants, les élus locaux, qui s'adresse à nos enfants. Ils sont déjà 99 % à être scolarisés à 3 ans. Pourquoi en faire une obligation légale ? Parce que la maternelle est un lieu d'apprentissages spécifiques. L'enfant y apprend le langage, la sociabilisation, le respect de l'autre, notamment.
L'école maternelle est un lieu d'accompagnement et de réparation, de construction. Progrès, justice sociale : la durée de fréquentation de l'école maternelle et la réussite scolaire ensuite sont corrélées.
L'école maternelle est l'école de la rencontre avec le langage et avec l'autre, de la confrontation avec le réel.
La politique éducative menée par votre Gouvernement entraîne la chute du pourcentage des enfants scolarisés avant 3 ans : 14 % sont aujourd'hui scolarisés contre 23 % il y a près de dix ans. Mais en Seine-Saint-Denis, le pourcentage est bien inférieur. Les enfants sont abandonnés à leur sort, au vide éducatif et à la précarité sanitaire, -songeons au retour des épidémies.
Les réductions drastiques de postes n'ont pas épargné les maternelles. Ces coupes budgétaires affectent les écoles où les effectifs par classe augmentent, avec le risque d'écarter des enfants...
M. Roland Courteau. - C'est bien un risque !
Mme Françoise Cartron, auteur de la proposition de loi. - ... tandis que les écoles privées et les jardins d'éveil se multiplient.
Attention à ne pas ajouter à la crise financière une crise éducative : le nombre d'enseignants par élève en France est l'un des plus faibles parmi les pays développés.
L'impact de ce texte sur les finances locales et nationales ne sera pas élevé, vous vous êtes sans doute trompé dans vos chiffres, monsieur le ministre ; ou bien, si 750 000 enfants de 3 ans ne sont pas encore accueillis à l'école, la situation est bien pire que ce que j'imaginais ! (On ironise à gauche)
Si cette proposition de loi est adoptée, le Gouvernement devra déployer les moyens nécessaires.
Mme Catherine Troendle. - Où trouverez-vous les crédits ?
Mme Françoise Cartron, auteur de la proposition de loi. - Mais 1 %, on peut les trouver ! Comme l'a écrit Pierre Mendès-France, gouverner, c'est choisir.
Mme Catherine Troendle. - C'est ce que fait le Gouvernement !
Mme Françoise Cartron, auteur de la proposition de loi. - Notre priorité va à la jeunesse de notre pays. Des moyens humains et matériels seront nécessaires. Le déficit de formation spécifique pour la maternelle est dénoncé par les professionnels.
Revenons sur la réforme ratée de la mastérisation ; révisons la formation des maîtres.
Cette école n'est pas le lieu de l'évaluation permanente, ni l'antichambre de la compétition, mais un lieu d'épanouissement, avec sa pédagogie propre et dans le respect des rythme des enfants. Le libre choix des parents n'est pas remis en cause. (« Ah bon ? » à droite)
Nous n'avons pas créé un droit opposable pour les enfants de 2 ans mais l'accueil de la petite enfance, ne l'oublions pas, concourt à l'égalité des chances comme à l'égalité des sexes.
Les territoires innovent, ils sont notre meilleur rempart contre la crise. Or, après la fermeture des bureaux de poste, des services hospitaliers, l'école est le nouveau souffre-douleur de la RGPP.
Dans cet exercice de divisions multiples, les territoires ruraux et de banlieue paient le prix fort.
Les maires, refusant la mort de leur école, embauchent des enseignants et se substituent à la puissance publique. Vous ne pouvez continuer à ignorer leurs cris d'alerte !
La majorité actuelle n'est pas la seule responsable des errements actuels mais elle en porte une grande part de responsabilité.
Ce soir, prononçons-nous pour un triple A éducatif...
M. Roland Courteau. - Bien dit !
Mme Françoise Cartron, auteur de la proposition de loi. - ...en pensant à tous les enfants de la République, eux qui, demain, défendront nos valeurs et parleront en notre nom à tous. Pendant vingt ans j'ai enseigné en ZEP : quelle fierté de voir des enfants en difficulté devenus des adultes accomplis et des citoyens responsables. Jamais nous ne renoncerons à aider les plus fragiles
Mme Catherine Troendle. - Nous non plus !
Mme Françoise Cartron, auteur de la proposition de loi. - Gambetta disait : « L'avenir n'est interdit à personne ». Hélas, la majorité a trop usé d'une rhétorique de l'excellence, comme si l'éducation était une compétition féroce.
Pierre Mendès-France exhortait la République à comprendre sa jeunesse et la servir dans chacune de ses décisions car elle serait renouvelée par elle. Aujourd'hui, éclairons l'avenir de nos enfants et rêvons le possible ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Sueur. - Il eût été dommage de ne pas entendre ce discours !
M. Alain Gournac. - Pour qui vous prenez-vous ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur de la commission de la culture. - Les événements graves intervenus dans cet hémicycle m'obligent à modifier mon propos...
L'obligation scolaire depuis plus d'un siècle est restée fixée à 6 ans, malgré l'action menée en faveur de l'école maternelle par Pauline Kergomard. La proposition de loi changeait cela, comme celle du groupe CRC et celle du RDSE : ce qui témoigne de notre attachement au rôle clé de la maternelle, en particulier dans la lutte contre l'échec scolaire.
L'école maternelle sécurise donc les parcours scolaires, toutes les études le montrent, même si le Gouvernement préfère repousser le débat...
Notre système scolaire est menacé. Le Gouvernement réduit les crédits... donc le taux de scolarisation.
Mme Catherine Troendle. - Ah bon !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. - La préscolarisation des 2 ans est tombée à 13,6 % au plan national. Les 3 à 5 ans restent scolarisés, mais dans des classes trop chargées.
La réforme de la formation des enseignants est inadaptée, elle complique l'entrée dans le métier. Auprès des plus petits, les conséquences des lacunes seront plus dommageables. La condition enseignante se détériore, l'actualité en témoigne tragiquement.
La scolarisation obligatoire des plus petits aurait été la première pierre de la refondation de l'école maternelle. Le code de l'éducation prévoit seulement un accueil des enfants, mais l'obligation aurait fait de la maternelle une école à part entière. Le passage d'une faculté à une obligation aurait été symboliquement utile. Le Gouvernement méprise le travail des membres de la commission de la culture. Le texte respecte les réglementations européennes, ne remet pas en cause la liberté des familles.
La commission voulait attirer l'attention sur un possible effet pervers : il faut empêcher que la consolidation de la scolarité à 3 ans ne renforce les refus à l'égard des 2 ans ; il faut mettre fin à une dérive de l'école maternelle vers l'école élémentaire dans ses missions et son organisation.
La commission de la culture avait adopté des amendements, validés par la commission des finances -heureusement, car ainsi nous poursuivons la discussion ce soir ! Empêcher la suspension des allocations familiales, former les enseignants aux spécificités de la maternelle, tels ont été certains de nos ajouts. Le texte a été vidé de sa substance après l'intervention du Gouvernement et la commission craint que l'école maternelle ne soit victime de graves restrictions budgétaires. Nous en reparlerons lors du budget. (Applaudissements à gauche)
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. - Jamais je n'ai voulu empêcher le débat... seulement faire respecter la Constitution. Mais je suis prêt à parler de tous les sujets avec tous les parlementaires ! (On ironise à gauche)
La proposition de loi démontre qu'une idée généreuse ne fait pas toujours une bonne loi. La maternelle doit recevoir toute notre attention car elle éduque l'enfant, car elle est une véritable école, l'école du langage. Nous ne vous avons pas attendu pour mettre des moyens ! Démantèlement ? Le taux d'encadrement est de 25 enfants par classe depuis dix ans.
Le nombre d'enseignants augmente en maternelle, en dépit des contraintes budgétaires. C'est la preuve de notre intérêt.
École, et non pas espace d'accueil : ce fut le sens de la réforme de 2008, avec de vrais programmes d'acquisition de la langue, d'apprentissage de l'écrit, de découverte du monde, de respect des règles, car respecter les règles, c'est respecter les autres. Nous avons travaillé à plus de progressivité entre grande section et CP car c'est à ce moment que tout se passe. Nous avons créé une aide de deux heures par semaine pour les enfants qui rencontrent des difficultés.
J'ai aussi créé 100 postes d'inspecteurs, un par département, spécifiquement tournés vers la maternelle.
Pour lutter contre les premières inégalités, il faut assurer la maîtrise du langage par tous les enfants car le fossé entre les uns et les autres est ensuite presque impossible à combler. Nous voulons l'égalité des chances. Il est injuste de prétendre que nous démantelons les maternelles !
Autre point : il faut disposer d'outils pour appréhender nos enseignements. Un bilan des élèves sera obligatoire pour repérer les jeunes en difficulté.
M. Pierre-Yves Collombat. - N'importe quoi ! Vous passez votre temps à évaluer sans que les actes suivent.
M. Luc Chatel, ministre. - Il faut s'attaquer aux problèmes dès la maternelle, au moment où tout se joue. L'école maternelle doit être une véritable école : c'est une spécificité française. Dans de nombreux pays il n'y a pas d'école avant 4 ou 5 ans.
Je suis favorable à une certification des enseignants en maternelle. Le savoir-faire est essentiel.
Venons-en à l'âge d'entrée en maternelle. Vous estimez qu'une entrée précoce est favorable aux enfants. Vous préconisez une entrée à 2 ans. (On le conteste à gauche)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. - Mais non !
M. Luc Chatel, ministre. - Aucune enquête ne prouve l'efficacité de l'entrée à 2 ans alors que plusieurs montrent le contraire : une scolarisation précoce peut même être contreproductive. Les enseignants ne sont pas très favorables à la scolarisation à 2 ans.
Mme Françoise Cartron. - C'est de 3 ans qu'il est question dans la proposition de loi !
M. Luc Chatel, ministre. - Jusqu'à 3 ans, c'est la socialisation qui doit prévaloir.
A partir de 3 ans, on peut parler de scolarisation.
M. David Assouline. - Nous sommes d'accord !
M. Luc Chatel, ministre. - Vous avez parlé de démantèlement de l'école maternelle. Près de 100 % des enfants de 3 ans la fréquentent ! (On voit là un aveu, à gauche)
M. David Assouline. - Pourquoi alors invoquez-vous l'article 40 ?
M. Luc Chatel, ministre. - Vous ne pouvez soutenir que mon opposition tiendrait à une question de moyens. (Exclamations à gauche) Si je suis persuadé qu'il faudra que cette école fasse partie de la scolarisation obligatoire, (« Ah ! » à gauche) je suis convaincu qu'il est trop tôt pour le décider : il faut une concertation avec les parents. Les collectivités locales doivent également être associées à cette évolution car la scolarisation dès 2 ans coûterait cher. Pourquoi transférer de nouvelles charges aux communes ? (Applaudissements à droite) Qui dit scolarisation obligatoire dit obligation d'assiduité. Nous devons mener ce travail avec les familles, et vérifier comment elles éduquent leurs enfants qu'elles ne souhaitaient pas scolariser.
Tant que la réflexion n'aura pas été menée avec les familles et les collectivités, la liberté doit l'emporter. Pour rendre notre école plus efficace, il faut des solutions personnalisées pour chaque enfant. La maternelle doit être le premier lieu de lutte contre les inégalités. Si nous voulons aller plus loin, il faudra dialoguer avec toutes les parties prenantes. On ne peut le faire au détour d'une proposition de loi.
C'est pourquoi j'appelle au rejet de ce texte. (Applaudissements à droite)
Mme Catherine Troendle. - Rappel au Règlement en vertu de l'article 29 ! Nous souhaitons des précisions sur ce que je n'ose appeler « l'organisation » de nos travaux. Un deuxième texte doit arriver en débat ce soir et c'est un texte majeur. (« Nous sommes d'accord ! » sur les bancs socialistes)
M. le président. - Je suis l'ordre du jour qui a été fixé. Nous examinons ce texte, puis le suivant.
Mme Catherine Troendle. - Il reste une heure de discussion générale et des amendements.
Mme Catherine Procaccia. - Jusqu'à quelle heure ira-t-on ?
M. le président. - Nous pouvons aussi siéger demain...
M. David Assouline. - La journée a commencé par une proposition de loi sur la protection d'identité ; elle s'est continuée avec une autre sur la protection du patrimoine. Nous n'avons fait aucune obstruction. Si, comme il était possible, nous avions commencé ce texte à 19 heures, nous serions presque à son achèvement. Le retard est le fait du ministre. (Sourires)
M. le président. - Nous reprenons la discussion générale.
M. Robert Tropeano. - Le Gouvernement a voulu éviter tout débat et toute discussion. Les membres du RDSE regrettent la méthode employée. Cette proposition de loi a fait l'objet de deux examens en Conférence des présidents, sans que le Gouvernement s'avise d'invoquer l'article 40. Le faire dans les conditions d'aujourd'hui n'est pas très sérieux et n'honore pas le Gouvernement. C'était remettre en cause nos habitudes de travail. La discussion devait se poursuivre même si la proposition de loi est largement tronquée par le recours à l'article 40.
L'école de la République est un vecteur de liberté et de savoir. Elle offre à tous les enfants les mêmes outils éducatifs et réduit les inégalités de mois en mois. Elle est un espace de socialisation, où les jeunes générations apprennent le vivre ensemble, sans considération de religion ou d'origine. Albert Jacquart a montré l'intérêt de la scolarisation précoce. Depuis Jules Ferry, le début de l'instruction obligatoire est resté fixé à 6 ans mais la scolarisation dès 3 ans est possible. Depuis les années 1990, la quasi-totalité des enfants de 3 à 6 ans sont scolarisés. Il est temps de reconnaître ce fait dans la loi. J'avais déposé pour le RDSE une proposition de loi en ce sens. Je me réjouis que le texte de nos collègues ait été inscrit à l'ordre du jour. La loi doit reconnaître le rôle essentiel que joue l'école maternelle dans les apprentissages et dans la lutte contre l'échec scolaire. Il faut aussi aborder la formation des maîtres et améliorer les conditions d'accueil. Or les crédits ont été réduits ces dernières années.
L'article premier A précise que la prise en charge des jeunes enfants doit être adaptée à leur âge. L'article premier bis prévoit une formation spécifique. L'État a un rôle en matière de formation continue des enseignants, rôle abandonné depuis la désastreuse réforme de la mastérisation.
J'avais proposé la scolarisation des enfants de 2 ans si les parents en font la demande, mais depuis dix ans, le nombre d'enfants de 2 ans scolarisés n'a cessé de baisser, notamment dans les communes rurales.
L'accès à la maternelle dès 2 ans doit être une option proposée aux parents. Je regrette que mon amendement ait été rejeté sur le fondement de l'article 40. Les arguments financiers sont inopérants ; il faut donner la priorité à l'école maternelle, qui doit accueillir tous les enfants. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Martin. - Je suis élu local depuis 40 ans, enseignant de profession ; l'école est au centre de mes préoccupations.
Quand le jeune enfant est-il prêt pour une scolarisation précoce ? L'école maternelle forme le passage de la famille à l'école, elle conserve la douceur et l'affectueuse indulgence de la famille, tout en apprenant aux enfants travail et régularité.
L'absence de contraintes et la souplesse de l'accueil répondent aux besoins des parents. Avec l'obligation, le régime dérogatoire aurait toute sa place. Certes, l'État doit intervenir pour assurer l'éducation des enfants mais il appartient à la famille de décider ce qui est le mieux pour ses enfants. On ne peut imposer par la contrainte la scolarisation à 3 ans. Comment obliger les communes à accueillir tous les enfants à cet âge ? Les concertations doivent se poursuivre.
Soyons fiers de notre école maternelle qui prépare l'entrée au CP. Les jeunes enfants ne sont pas tous identiques. Tous ont le droit d'apprendre, sans souffrir de leurs différences. Peut-être pourrions-nous revenir sur les programmes, sur la formation des professeurs. Une réflexion pourrait être engagée. Il faut prévoir un partenariat entre le ministère, les collectivités locales, les professeurs et les familles.
La scolarisation actuelle doit perdurer, aussi voterons-nous contre cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Pignard. - Le psychodrame que nous vivons depuis le début de cette soirée s'explique par une confusion. Mme Cartron prévoit une obligation à 3 ans : c'était clair. À la commission, on a parlé de l'accueil des enfants à 2 ans. À la fin, on ne savait plus si l'accueil dès 2 ans était une obligation ou non. Depuis un mois, la nouvelle majorité sénatoriale oppose force questions préalables à des projets de loi qu'elle présente comme d'affichage. Je suis tenté de vous renvoyer la politesse ce soir : s'il est un texte d'affichage, c'est bien celui-ci ! Rendre obligatoire ce qui est d'ores et déjà entré dans les faits relève de la stratégie électorale à quelques mois de la présidentielle. (Applaudissements à droite et au centre)
Quand Jules Ferry voulut rendre obligatoire l'école primaire, celle-ci existait déjà partout depuis les lois Guizot, un demi-siècle auparavant, mais les parents n'y envoyaient pas leurs enfants. L'obligation a donc été une grande novation. Rien de tel quand on veut rendre obligatoire une école maternelle où vont 99,9 % des enfants. Dans un cas, bouleversement profond de la société ; dans l'autre, affichage électoral.
Monsieur le ministre, avez-vous vraiment l'intention de démanteler l'école maternelle, comme le dit la majorité ? (Sourires) Si tel est le cas et que nous faisons fausse route en vous soutenant, prévenez-nous vite ! (Nouveaux sourires) Les jardins d'éveil représentent-ils vraiment une menace considérable ? Ce sont des institutions parcellaires, qui ont leur place dans une société de liberté. A alerter contre de terribles menaces, on se pose en grand sauveur ! Vous faites beaucoup de fumée, sans qu'il y ait de feu ! (Applaudissements à droite)
Quel devenir pour l'école maternelle ? Bien sûr, il faut prendre en compte la formation des enseignants et l'accueil des enfants de 2 ans. Cela ne peut se faire au détour d'une proposition de loi. Une réflexion doit avoir lieu.
En commission, M. Assouline a dit que ce n'était « pas parce que c'était une évidence qu'il ne fallait pas l'inscrire dans la loi ». A une époque, il était interdit d'interdire... Vous rendez obligatoire ce qui est déjà généralisé. A ce compte, il faudra écrire que le ciel est bleu quand il n'y a pas de nuages et que l'herbe est verte.
M. Roland Courteau. - Cela vole bas !
M. Jean-Jacques Pignard. - Souffrez que je fasse un peu de Sueur de temps à autre ! (Rires)
Depuis votre victoire au Sénat, vous vivez un moment d'ivresse législative. Vous déposez des textes significatifs, d'autres moins, mais qui vous fournissent une belle tribune et des incidents de séance. Le Gouvernement n'a pas fait donner la garde : il s'est contenté de rappeler la Constitution. Les moments d'ivresse conduisent parfois à des réveils douloureux...
Nous sommes pour l'école maternelle mais contre un texte inutile. (Applaudissements prolongés au centre et à droite)
M. Christian Cambon. - Il sera difficile de faire aussi bien !
Mme Dominique Gillot. - Une société n'a de valeur qu'en fonction des moyens qu'elle donne à ses enfants pour se construire. Cette proposition de loi est à forte portée symbolique et a été déposée en avril, avant la victoire de septembre dernier. Lisez-la, vous éviterez les contresens. Nous l'avons préparée avec sérieux. Le cynisme narquois du ministre a montré son peu d'estime pour nos travaux.
La quasi-totalité des enfants de 3 ans sont scolarisés, mais les conditions d'accueil des petits sont fragilisées car la RGPP pèse sur l'école maternelle. Pour faire des économies, les recteurs font des choix stratégiques qui les amènent à augmenter le nombre d'élèves par classe et à réduire la scolarisation des plus jeunes. (« Très bien ! » à gauche)
Les parents sont dissuadés de mettre leurs enfants à l'école. Les modes alternatifs ne sont pas gratuits et ne peuvent remplacer la maternelle. Tout enfant doit acquérir des bases, des codes, des comportements : seule l'école publique laïque, gratuite et obligatoire est à même de le faire. Or, elle est menacée par votre politique budgétaire. Il y a donc urgence à sanctuariser l'école maternelle en la rendant obligatoire dès 3 ans. Puisque 99,9 % des enfants sont d'ores et déjà scolarisés à 3 ans, cette proposition de loi ne sera pas coûteuse pour l'État ni pour les collectivités, sauf en outre-mer où les enfants de 6 ans ne sont pas tous scolarisés. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Le protocole d'évaluation est l'alpha et l'oméga de votre politique. Au lieu d'y soumettre les enfants, pensez à les épanouir, monsieur le ministre. Ils ne sont pas des produits à normer ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) L'école ne peut pas tout, elle n'est pas responsable de tout, mais elle peut placer des repères. L'école maternelle accueille, scolarise et socialise. Elle fournit un cadre dans lequel l'enfant maîtrise ses impulsions, partage et apprend. C'est en conversant avec le jeune enfant que l'on construit ses capacités langagières, pas en le laissant devant la télévision. Pour que l'enfant se développe, il doit acquérir des savoirs mais aussi nouer des relations avec les autres.
L'école maternelle donne le goût de l'école. Jules Ferry préconisait de rendre l'école aimable et le travail accueillant. Il faut éviter le décrochage scolaire et la maternelle peut y concourir. Disons-la obligatoire dès 3 ans.
La maternelle est un espace de transition entre les familles et l'école. Elle est ainsi le creuset de la République. Découvrir l'altérité, d'autres langues, d'autres histoires, c'est grandir et s'ouvrir à l'autre. L'école de la République est gratuite et donc accessible à tous. Toutes les familles, tous les enfants, peuvent s'y rencontrer. La scolarité précoce réduit les inégalités. Les jardins d'éveil accroissent les inégalités (on le conteste à droite) et je ne parle pas des écoles maternelles hors contrat ! La maternelle pour tous est un enjeu de mixité. Les familles sont de plus en plus destabilisées, la crise les frappe durement, l'enfant est exposé à une précarité affective ou matérielle : l'école est le seul espace de stabilité. Elle concilie scolarisation et socialisation. Scolariser, c'est s'ouvrir à la culture et à l'estime de soi. Malheureusement, votre attitude, monsieur le ministre, va à l'encontre de tous ces principes. (Exclamations indignées à droite)
La scolarisation obligatoire à 3 ans est donc une nécessité. Il faut en finir avec le pouvoir de l'argent. (Nouvelles exclamations) Il faut construire dès le plus jeune âge la « société des égaux » chère à Pierre Rosanvallon. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Le Scouarnec. - Le groupe CRC est conscient des enjeux spécifiques de la scolarité des enfants de 2 à 5 ans. Il a lui aussi déposé une proposition de loi afin de rendre l'école obligatoire dès 3 ans.
L'école maternelle est une variable d'ajustement du Gouvernement. À chaque rentrée, le curseur est déplacé vers moins de postes par rapport au nombre d'élèves. Les effectifs dans les classes augmentent ; certaines disparaissent. Parents et élus se mobilisent.
À l'heure actuelle, 99 % des enfants de 3 ans sont scolarisés. Reconnaissons-le ! L'école maternelle permet de lutter contre les inégalités et le redoublement ; les élèves qui ont suivi un enseignement pré-élémentaire et élémentaire long réussissent mieux que les autres.
Pourtant la France dépense moins par élève que la moyenne des pays de l'OCDE pour l'école maternelle. La scolarisation des enfants de 2 ans nous semble essentielle. Or, elle a fortement diminué en dix ans. Les inspecteurs d'académie ne prennent plus en compte les enfants de 2 ans dans le calcul des effectifs. En Bretagne, les enfants de 2 à 3 ans sont plutôt bien scolarisés. L'académie de Rennes a de bons résultats, grâce à l'implication des collectivités qui ont construit des écoles et mis à disposition des personnels spécialisés. Mais le rectorat a décidé en 2011 de ramener à 20 % -60 % en 2007 !- d'une classe d'âge la proportion des moins de 3 ans solarisés.
Tous les enfants qui sont prêts doivent être accueillis sur demande des familles, et pas dans des classes de 30 élèves...
Le groupe CRC aurait souhaité que le texte aille plus loin mais il le votera. Il souhaite rendre ses lettres de noblesse à la maternelle. Nous sommes ainsi fidèles aux trois principes républicains, liberté, égalité, fraternité. L'avenir du pays est en jeu ! (Applaudissements à gauche)
Mme Colette Mélot. - L'école maternelle française est souvent citée comme un point fort de notre système éducatif. Environ 99 % des enfants de 3 ans sont scolarisés.
M. David Assouline. - Il n'y a donc pas de problème !
Mme Colette Mélot. - Mais il ne faut pas supprimer la souplesse actuelle, car tous les enfants ne sont pas prêts.
En petite section, mi-temps ou sieste à la maison sont possibles.
M. David Assouline. - C'est très bien !
Mme Colette Mélot. - Il faut veiller à ce que l'école ne soit pas considérée comme un simple mode de garde, moins onéreux que les autres. La généralisation de la scolarisation à 3 ans favorise la réussite scolaire, mais à 2 ans, il en va différemment. Et votre rédaction ouvre un droit d'accueil à proximité -les collectivités devront y pourvoir.
L'école s'adresse-t-elle aux enfants de 2 ans ? Françoise Dolto rappelait qu'entre 2 et 3 ans, l'écart était aussi grand qu'entre 12 et 15 ans... Or la très petite section fonctionne sur le modèle de l'école, très contraignante pour les petits. Il a été aussi indiqué à notre groupe de travail sur la petite enfance que le milieu scolaire ne favorisait pas, à cet âge, l'acquisition du langage.
De plus, la scolarisation à 2 ans semble ne guère influer sur les résultats scolaires ultérieurs ; ses effets sont limités et peu durables. En Finlande, l'obligation est à 7 ans -ce pays est en tête des pays de l'OCDE pour les tests Pisa.
Actuellement, les maternelles n'acceptent pas les enfants encore en couche. Il ne faudrait pas que l'enjeu suscite des blocages psychologiques. Laissons l'enfant prendre son temps avant de devenir un élève. Ce sujet mérite plus, quoi qu'il en soit, qu'une décision hâtive au détour d'une proposition de loi. (Applaudissements à droite)
M. Claude Domeizel. - Ayons à l'esprit les objectifs de la IIIe République : préparer les futurs citoyens ; l'école devait être facteur d'émancipation, de liberté et de responsabilité -d'adaptation aussi aux exigences de l'industrialisation. La loi de mars 1882 a imposé l'obligation scolaire, pour les filles comme pour les garçons, de 6 à 13 ans ; pour relever cet immense défi, l'école de la République a vu le jour, qui devait être laïque et gratuite. Elle pouvait, décida le législateur, cohabiter avec l'enseignement privé ou l'enseignement à domicile. Mais jusque dans les années 20, on a continué à travailler parfois très jeune, à descendre dans la mine à 11 ou 12 ans.
Gratuité, laïcité : ces deux notions ont parfois conduit à des situations violentes. Je pense au mouvement de la Grand-Combes dans le Gard en 1946-1948 et au calme précaire qui y a régné pendant de longs mois sous l'oeil des gendarmes mobiles... Si l'école maternelle s'est implantée presque partout, le milieu rural est affecté par les pratiques actuelles : la maternelle y est plus qu'ailleurs une variable d'ajustement. Les familles attendent des pouvoir publics d'être mieux traitées ; elles risquent de se décourager.
Pourquoi 3 ans ? Parce que l'usage est bien ancré. Je rejoins le ministre sur la scolarisation des 2 à 3 ans, qui doit relever d'une dérogation selon moi.
L'école maternelle fonctionne dans des locaux publics, avec des professeurs publics. Elle est gratuite et laïque, mais non obligatoire : il faut y remédier. Soyons dignes de Jules Ferry. Au fronton de nos écoles nous pourrons alors inscrire : école de la République, obligatoire, laïque et gratuite ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Françoise Cartron, auteur de la proposition de loi. - Mon sentiment est mitigé. Le ministre a magnifiquement défendu l'école maternelle et reconnu que 99 % des enfants de 3 ans sont scolarisés ; je ne comprends donc pas le recours à l'article 40.
Un contresens nous a occupés toute la soirée. J'ai déposé, j'y insiste, une proposition de loi tendant à une obligation scolaire non à 2 mais à 3 ans ; nous laissons le choix aux familles de pouvoir scolariser leur enfant avant 3 ans.
M. Alain Gournac. - Obligatoire mais pas obligatoire...
Mme Françoise Cartron, auteur de la proposition de loi. - Le texte conforte ce qui existe.
Loi d'affichage, dites-vous. Oui, affichage de nos principes et de nos valeurs. La proposition de loi telle qu'elle subsiste après application de l'article 40 ne ressemble plus à mon texte ; elle a été dénaturée -de bonne foi ou sciemment, je ne sais pas. Mieux vaut la retirer.
La proposition de loi est retirée.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. - La commission prend acte de ce choix, conforme à l'article 26 du Règlement. Ce gâchis est regrettable. Nous avons eu parfois l'impression que le ministre n'avait pas lu le texte... A l'article premier, alinéa 4, il aurait trouvé la souplesse qu'il réclame.
L'article 40 s'impose à tous. C'est là que le bât blesse : l'usage est inédit sur une proposition de loi. Volonté inquiétante d'exploiter tous les moyens pour tuer des textes dont on ne veut pas. Nous serons très attentifs au coût de toutes les propositions de la droite.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. - Après l'application de l'article 40, le texte a été vidé de sa substance. Je regrette ce rendez-vous manqué, très attendu par nos concitoyens (Exclamations à droite). Telle inspectrice générale de l'éducation nationale nous expliquait que les parents pensaient obligatoire la scolarisation à 3 ans...
Ministre et majorité présidentielle ont caricaturé le texte. Nous n'avons méconnu ni la souplesse nécessaire, ni le rythme des petits. Des amendements ont été apportés par la commission sur les conditions d'accueil, le refus de la suspension des allocations familiales ou la formation des maîtres.
Il s'agissait pour nous de poser un verrou ; le caractère non obligatoire de la scolarisation à 3 ans fait que l'école maternelle fait les frais des restrictions budgétaires.
La majorité gouvernementale poursuit son travail de sape de l'éducation nationale. (Exclamations à droite) Il y a bien lieu de légiférer sur l'école maternelle. Nous y reviendrons. (Applaudissements à gauche)
Intercommunalité (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des EPCI, menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité.
Rappels au Règlement
M. Hervé Maurey. - Si je considère que ce texte est plutôt bienvenu, je m'élève contre les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à l'examiner. Est-il correct de commencer la discussion des articles d'un texte annoncé comme si important à 1 heure du matin, un vendredi ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - A qui la faute ?
M. Hervé Maurey. - Nous avons été avertis seulement hier à 19 heures. Tout cela n'est pas correct. Que n'auriez-vous dit si nous avions procédé ainsi ? Si c'est cela la nouvelle gouvernance annoncée par le président du Sénat, les mois qui viennent seront difficiles... (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Catherine Troendle. - Je m'associe à ces propos. Le passage en force à la Conférence des présidents est regrettable. Je salue la présence de M. Richert, qui a pu se libérer malgré les contraintes de son emploi du temps.
Il n'est pas correct, pas crédible, de légiférer entre 1 heure et 3 heures du matin sur un texte si important. Voyez l'étude comparative effectuée par M. Gélard : aucun de nos voisins ne légifère au milieu de la nuit.
Discussion des articles
Articles additionnels avant l'article premier
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Favier et les membres du groupe CRC.
Avant l'article premier,
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est abrogée.
M. Christian Favier. - Nous ne faisons pas de surenchère mais souhaitons l'abrogation de la loi de décembre 2010. Les modifications apportées par le présent texte sont une première étape vers cet objectif. Notre amendement est à la disposition de la majorité si elle souhaite l'adopter aujourd'hui ; mais je conçois qu'un autre rythme soit possible à partir des états généraux des collectivités territoriales annoncé par le président Bel. Prochainement, nous présenterons une proposition de loi pour abroger le conseiller territorial.
Rien dans la réforme de 2010 n'est positif. L'intégration contrainte des collectivités dans des groupements est insupportable. Nous refusons la disparition programmée des communes, de la clause de compétence générale des départements et des régions, des financements croisés ; nous n'acceptons pas la mise en concurrence des territoires, le démantèlement des services publics. Une autre logique est possible, qui passe par une réforme du financement des collectivités locales, un retour à une véritable autonomie. Avec cet amendement, nous vous proposons de tourner la page d'une mauvaise réforme.
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois. - La discussion en commission a été l'occasion d'exprimer les points de vue : la nouvelle majorité, unanime, veut remplacer la loi de 2010. C'est bien en ce sens que nous travaillerons à partir des états généraux des collectivités locales. Nous en avons pris l'engagement.
Mais voter cet amendement nous priverait de la possibilité d'aménagements de pratiques nécessaires.
Mme Troendle a souligné le caractère fondamental de ce texte. Ne nous privons pas de la faculté de légiférer utilement. Retrait, sur notre engagement de poursuivre dans la voie que j'ai tracée.
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. - M. Favier veut démanteler la loi de 2010. Pour lui, cette proposition de loi n'est qu'une première étape en ce sens.
Nous étions dans une autre démarche : apporter quelques aménagements nécessaires. Hélas, de la proposition de loi initiale à un article au texte actuel à douze articles, il ne s'agit plus de la même chose ! Je ne peux partager cette logique.
J'aurais souhaité que l'on dise clairement que là où le schéma départemental s'élabore correctement, il est maintenu ; et qu'on apporte des réponses là où la situation est plus difficile.
J'en viens au calendrier. La loi a prévu : l'adoption du schéma au 31 décembre 2011 ; une mise en oeuvre selon les trois étapes classiques -arrêté de projet de périmètre, délibération des conseils municipaux et des conseils des EPCI, arrêté préfectoral définitif. Les derniers arrêtés doivent paraître au plus tard le 1er juin 2013, étant entendu que les premiers mois de 2013 seront un dernier recours, l'objectif est bien d'avoir terminé fin 2012, comme le souhaite l'AMF.
La proposition de loi prévoit que le schéma sera définitivement adopté le 31 mars 2013. Selon mon interprétation, il faudra alors accomplir les procédures de mise en oeuvre, ce qui nous amène à l'été voire à l'automne 2013, soit très près des élections municipales, ce que l'AMF -et beaucoup ici- voulaient absolument éviter
Selon MM. Richard et Sueur, sitôt le schéma adopté, le préfet prendra immédiatement les mesures d'application. Il n'aura pas à prendre d'arrêté de périmètre ni à consulter les assemblées délibérantes. Il prendra directement les arrêtés définitifs. Autrement dit, la procédure d'élaboration du schéma absorbe la procédure de mise en oeuvre...
Ce qui a des conséquences. On se retrouve d'abord en pleine incertitude juridique. L'article 5 n'est pas suffisant, il faudrait déroger aux dispositions nombreuses et constantes du CGCT, qui prévoient qu'il faut prendre un arrêté de projet puis consulter les assemblées délibérantes avant de prononcer une dissolution, une fusion, une transformation ou une modification. Une dérogation aussi lourde nécessiterait des dispositions explicites.
De plus, avec cette interprétation, toute souplesse de mise en oeuvre est perdue. Les préfets prendraient leurs arrêtés en une seule salve, sans pouvoir, pas plus que la CDCI, s'écarter du schéma ; on ne pourrait plus tenir compte des locales, souvent évolutives.
L'application en 2013, qui est l'exception dans la loi de 2010, devient la règle. Et que se passe-t-il en cas de désaccord ? Si la CDCI n'adopte pas le schéma, c'est le préfet qui l'arrête. Mais quel schéma ? Le projet de la CDCI ? Un schéma conforme à la volonté des communes ? Ou celui qui a sa préférence ? Le texte est muet sur ce point. Que se passe-t-il si la CDCI adopte un schéma laissant subsister des discontinuités, des enclaves, des périmètres incohérents ? On ne sait pas. L'issue la plus probable est le blocage.
Je ne peux être favorable à l'amendement.
M. Alain Richard, rapporteur. - Nous souhaitons tous des échanges ordonnés et rationnels. Le très long propos du ministre porte sur l'article 5, nous en sommes à des articles additionnels avant l'article premier et à des amendements de principe. Travaillons dans l'ordre !
M. Christian Favier. - Mon interpellation portait sur l'appréciation de la réforme de 2010. Nous voulons la poursuite de la décentralisation, non une recentralisation contraire à l'intérêt des collectivités locales. J'attends de notre majorité sénatoriale un nouveau projet en ce domaine. Les états généraux nous autoriseront une discussion sur le fond.
L'amendement n°7 est retiré.
L'amendement n°10 n'est pas soutenu.
Article premier
M. Pierre-Yves Collombat. - L'article premier reprend une disposition simple et pratique -nous en avons parlé amplement. L'essentiel est contenu dans les articles 5, 6 et 7. Le progrès est considérable par rapport au texte de 2010. Soit dit en passant, ce n'est pas parce que l'on a discuté des centaines d'heures que le produit est bon. (M. Alain Gournac s'exclame)
Révolution copernicienne, nous replaçons les collectivités au centre du processus d'intercommunalité, alors que le préfet avait pris leur place. La loi Joxe du 6 février 1992 parlait de la libre volonté des communes ; l'expression figure toujours dans le CGCT.
La loi doit donner la plus grande latitude aux collectivités. L'État veille à l'application de la loi, leur apporte son expertise, mais ne décide à leur place que si elles sont incapables de s'entendre.
J'ai déposé quelques amendements, dont la cohérence apparaîtra.
M. Hervé Maurey. - L'article premier dans sa nouvelle rédaction est bienvenu : nous avions dit au Premier ministre lors d'un déjeuner en avril qu'il fallait modifier le délai d'élaboration des schémas -y compris pour ne pas interférer avec la campagne électorale sénatoriale, mais aussi parce faute de documents financiers, on faisait des regroupements à l'aveugle. Le seuil de 5 000 habitants nous paraissait aussi devoir être revu. Il est appliqué plus ou moins rigoureusement selon les départements.
Troisième point signalé au premier ministre, le rôle du préfet : comment peut-il ne pas tenir compte des avis des collectivités avant de présenter le projet à la CDCI ? Il y a aussi la gouvernance des EPCI, les communes- îles etc.
Le premier ministre a dit souhaiter donner du temps à l'élaboration des schémas. Mais dans la loi, s'il n'y a pas de schéma, le préfet impose ses vues, sans intervention de la CDCI. Il faut donc modifier l'article.
En outre, le Gouvernement semble avoir renoncé à présenter le projet de loi n°61. La proposition de loi n'en est que plus nécessaire. Nous ne faisons pas de l'opposition systématique ni de surenchère démagogique mais nous voulons améliorer la loi, en regrettant de travailler dans de telles conditions.
M. Christian Cambon. - Une loi votée en 2010 ne saurait être remise en cause aujourd'hui. Nous avons délibéré des centaines d'heures, et nous avons accru les possibilités des collectivités locales à se faire entendre.
Mme Nathalie Goulet. - Vous avez surtout aidé à faire battre vos sénateurs !
M. Christian Cambon. - Le pragmatisme et le consensus étaient au rendez-vous. Nous avions clarifié les principes de répartition des compétences entre les collectivités.
Ce travail n'a pas vraiment été apprécié par les élus locaux, il est vrai. Le dispositif prévu a été modifié par la commission des lois.
Au départ, le texte reportait la date d'achèvement du schéma départemental. Il remédiait aux lacunes de la loi de 2010, mais le texte élaboré par la commission ajoute l'incertitude à l'incertitude. Dans ces conditions, nous voterons l'amendement de suppression.
M. Philippe Bas. - Nous sommes tous soucieux de faciliter la vie de nos collectivités. Il faut éviter tout passage en force et prendre le temps nécessaire pour les regroupements.
Mais nous avons eu ce soir une révélation : la cohérence entre les auteurs de la proposition de loi et les intentions de l'auteur de l'amendement qui vient d'être retiré, à savoir l'abrogation de la loi de 2010.
Il ne s'agit pas d'adopter une autre méthode pour poursuivre le processus mais de faire table rase de ce qui a été engagé il y a onze mois. L'article 5 dispose que le schéma territorial est établi par la CDCI et par le préfet. Or, ce premier schéma a été présenté dans tous les départements. Il serait caduc si ce texte était adopté. (On le conteste sur les bancs socialistes)
On nous explique que le desserrement des délais ne reporterait pas le point d'aboutissement de la réforme mais c'est faux ! Il ne faut pas être dupe. Je voterai donc l'amendement de M. Hyest.
M. Alain Richard, rapporteur. - Il faut une discussion législative ordonnée. Nous débattrons sur l'article 5 en temps et en heure. Si nous travaillons méthodiquement, article par article, nous pourrons avancer.
M. le président. - Amendement n°36, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Jean-Jacques Hyest. - Je remercie le professeur Richard de nous dire comment il faut délibérer ! Dommage qu'il n'ait pas entendu les interventions tous azimuts de ses amis durant le débat de 2010. Mais chacun est libre de s'exprimer. Comme vous ne comprenez pas l'opinion du ministre sur le schéma territorial, il faudra vous expliquer. Je préfère une rédaction plus simple de l'article premier, que je propose dans mon autre amendement.
L'amendement n°36 est retiré.
M. le président. - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Rédiger ainsi cet article :
Le II de l'article 83 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« II. - Jusqu'au prochain renouvellement général des conseils municipaux, la composition du bureau des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre issus d'une procédure de fusion, de transformation ou de transformation-extension par application des articles L. 5211-41-3 et L. 5211-41 du code général des collectivités territoriales ou des dispositions de l'article 60 de la présente loi, demeure régie par les dispositions du code général des collectivités territoriales dans leur rédaction antérieure à celle de l'article 9 de la présente loi.
« Au plus tard six mois avant le 31 décembre de l'année précédant celle du renouvellement général des conseils municipaux, il est procédé aux opérations prévues au VII de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales. »
M. Jean-Jacques Hyest. - Les élus locaux sont préoccupés. L'objectif de M. Sueur est aussi celui de M. Pélissard.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il y a convergence entre nous !
M. Jean-Jacques Hyest. - Mon amendement me semble préférable à votre rédaction : il est plus simple et plus explicite.
M. le président. - Amendement n°60, présenté par M. Richard, au nom de la commission.
I. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
issue de l'article 9
par les mots :
résultant de la présente loi
II. - Alinéa 5, seconde phrase
Remplacer la référence :
onzième alinéa du IV
par la référence :
sixième alinéa du IV bis
M. Alain Richard, rapporteur. - Amendement de coordination. L'article premier reprend plus complètement les dispositions relatives au prolongement des mandats en cours alors que l'amendement de M. Hyest ne traite que du mandat des membres du bureau.
Si cet article ne vous convient pas, sous-amendez-le.
Avis défavorable sur l'amendement n°17 rectifié.
M. Philippe Richert, ministre. - Cette question de la composition des exécutifs avant 2014 mérite des précisions. La date des regroupements avait été différée, afin de ne pas interférer avec les élections. Il nous avait cependant échappé qu'il fallait prolonger le mandat des membres de l'exécutif pour éviter que certains soient éjectés.
Je préfère l'amendement de M. Hyest qui me semble plus clair et plus simple.
L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°60 est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
Articles additionnels
Les amendements nos9 rectifié et 44 ne sont pas soutenus.
M. le président. - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par MM. Collombat, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier et MM. Requier, Tropeano et Vendasi.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« L'établissement public de coopération intercommunale fixe librement le nombre de membres de son bureau, qui est composé du président, des vice-présidents et éventuellement d'un ou plusieurs autres membres.
« Le nombre de vice-présidents est limité, conformément au tableau ci-dessous :
«
Population EPCI |
Nombre de vice-présidents |
Jusqu' à 5000 h |
8 |
De 5 000 à 19 999 h |
9 |
De 20 000 à 39 999 h |
11 |
De 40 000 à 59 999 h |
13 |
De 60 000 à 99 999 h |
15 |
De 100 000 à 149 999 h |
17 |
De 150 000 à 199 999 h |
19 |
De 200 000 à 249 999 h |
21 |
De 250 000 à 299 999 h |
23 |
De 300 000 à 500 000 h |
25 |
Plus de 500 000 |
27 |
Plus de 1 million |
30 |
2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.
M. Pierre-Yves Collombat. - La loi de 2010 est très stricte pour les bureaux des intercommunalités. Pour fonctionner, le consensus est nécessaire. Il faut redonner aux collectivités la liberté de fixer le nombre de vice-présidents.
L'amendement n°22 n'est pas défendu.
Le sous-amendement n°58 n'est pas défendu.
L'amendement n°23 n'est pas défendu.
M. Alain Richard, rapporteur. - Des correctifs sont nécessaires. Le plafonnement doit être cumulatif et non alternatif.
L'amendement n°6 rectifié bis nous semble raisonnable : avis favorable.
M. Philippe Richert, ministre. - Le fait de limiter le nombre de postes de vice-présidents était délibéré dans la loi de 2010. Il faut éviter les dérives financières. C'est pourquoi nous avons décidé après de vrais débats une fourchette entre quatre et quinze vice-présidents. Là, on double le minimum et le maximum ! Nous aurions pu invoquer l'article 40.
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. - La commission des finances s'est prononcée !
M. Philippe Richert, ministre. - Nous restons sur le principe des nombres définis en 2010. Il ne faut pas donner l'impression de laxisme à nos concitoyens.
M. Christian Cambon. - Des postes, des voitures, des indemnités !
M. Pierre-Yves Collombat. - Toute liberté qu'on accorde peut donner lieu à des excès de liberté. Mais je préfère cela à des contraintes. Je m'insurge contre cette campagne contre les élus, incapables, qui coûtent de l'argent.
M. Philippe Richert, ministre. - C'est inadmissible, scandaleux !
M. Pierre-Yves Collombat. - Cette démagogie n'est pas recevable.
M. Alain Gournac. - Une voiture de fonction !
M. Pierre-Yves Collombat. - Commencez par vous attaquer aux bonus. Pour que la démocratie locale fonctionne bien, il faut lui donner des moyens.
M. Philippe Richert, ministre. - Je ne peux laisser passer de tels propos !
Je connais les élus comme vous, aussi je ne veux pas de ces leçons. Mais multiplier les postes pour obtenir des votes, ce n'est pas en l'honneur de la démocratie. Il faut mettre des bornes pour éviter les dérapages, regardez vers le sud du pays. (On renchérit à droite)
La limitation du nombre de vice-présidents est bienvenue. Restons dans l'enveloppe actuelle. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Hyest. - L'article 40 pouvait s'appliquer.
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. - La commission des finances a statué.
M. Jean-Jacques Hyest. - Dans les collectivités, il faut limiter le nombre de postes. Nous étions restés sur la fourchette 4-15, mais c'était après de longues discussions. Nos concitoyens sont très attentifs à ces questions : les armées mexicaines ne servent pas la démocratie locale. Il faut éviter les prébendes. La prévention est préférable à la correction des excès. Je ne voterai pas cet amendement.
M. Roland Courteau. - Nous sommes quelques-uns à avoir été élus dans le sud et nous n'avons pas apprécié les propos du ministre. Expliquez-vous ou excusez-vous.
M. Philippe Richert, ministre. - Vous n'êtes pas visé, monsieur Courteau !
M. Hervé Maurey. - L'article 2 évoque le problème de façon indirecte. Le nombre de vice-présidents, c'est 20 % du nombre de délégués. À l'article 2, on passe à 25 %. Dans certains départements, il ya des abus : près de chez moi une agglomération compte 40 vice-présidents.
M. Alain Richard, rapporteur. - Le texte de 2010 applique 20 % mais avec un plafond de quinze. Je vous propose donc d'accepter le tableau de M. Collombat.
M. Hervé Maurey. - Si on devrait assouplir le nombre de vice-présidents, il faudrait le faire en fonction des compétences des intercommunalités plutôt que du nombre d'habitants.
L'amendement n°6 rectifié bis est adopté et devient article additionnel.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par M. Lenoir et les membres du groupe UMP.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du troisième alinéa du III de l'article L. 5211-41--3 du code général des collectivités territoriales sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Toutefois, lorsque cette restitution porte sur des compétences ni obligatoires, ni optionnelles, ce délai peut être porté à deux ans. Ces compétences ni obligatoires, ni optionnelles peuvent faire l'objet de restitution partielle. »
M. Jean-Jacques Hyest. - Cet amendement a vise à faciliter la restitution partielle des compétences facultatives en cas de fusion d'EPCI dont l'un au moins est à fiscalité propre.
Il allonge le délai pendant lequel l'EPCI à fiscalité propre issu de la fusion peut exercer de manière différenciée les compétences facultatives sur son périmètre. Durant cette période, les communes pourront définir ce qui reste au niveau de l'EPCI à fiscalité et ce qui est restitué aux communes.
L'amendement vise aussi à établir que dans les matières facultatives, la restitution de compétence peut s'opérer de manière partielle. Cette disposition s'inspire du transfert partiel de compétence prévu par l'article L. 5211-17 Il s'agit de faciliter la fusion d'EPCI à fiscalité dont le degré d'intégration serait différencié. Une définition adaptée de la compétence facultative restant au sein de l'EPCI à fiscalité permettrait d'éviter la création d'un syndicat ad hoc.
M. Alain Richard, rapporteur. - La commission est favorable à cet amendement tout à fait intéressant. La restitution de compétence peut prendre du temps et un délai plus long est justifié.
M. Philippe Richert, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°24 est adopté et devient un article additionnel.
L'amendement n°57 n'est pas défendu.
Article 2
L'amendement n°37 est retiré.
L'amendement n°21 rectifié n'est pas soutenu.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par MM. Collombat, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier et MM. Requier, Tropeano et Vendasi.
Rédiger ainsi cet article :
La dernière phrase du deuxième alinéa du I de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est supprimée.
M. Pierre-Yves Collombat. - Il s'agit d'aller un peu plus loin que le texte de la commission en supprimant le plafond du nombre de délégués communautaires dans les communautés de commune et d'agglomération. Laissons la liberté aux communes de fixer le nombre des représentants. Avec des communautés de communes de 20 000 habitants, la plupart des communes sont condamnées à n'avoir qu'un seul représentant. Pourquoi pas deux ? Il faut miser sur l'intelligence des communes.
M. Alain Richard, rapporteur. - La commission a retenu un plafonnement des conseillers communautaires. Lorsque les communes se prononcent sur le barème de représentation, elles le font une par une et personne n'est chargé de l'équilibre de la future instance de délibération. On risquerait alors un conseil pléthorique. Il est judicieux de prévoir un surcroît de représentation de 25 % pour faciliter les accords entre communes. Mais un plafond est nécessaire. Avis défavorable.
M. Philippe Richert, ministre. - Après avoir doublé les plafonds pour les vice-présidents, il faudrait augmenter le nombre de délégués. Je ne puis y être favorable.
M. Pierre-Yves Collombat. - Actuellement, il n'y a pas de plafonnement. Le nombre de représentants n'est pas fixé individuellement, par chaque commune. C'est au moment de l'élaboration des statuts que le nombre est fixé pour chacune. En outre, le tableau est très défavorable aux petites collectivités. Laissons les gens s'entendre entre eux. Pour ce qui est des assemblées pléthoriques, regardez du côté de Paca qui devrait comporter 226 membres...
M. Jean-Jacques Hyest. - Cette question a été largement discutée. Nous avions trouvé un équilibre. Je pourrais invoquer mon exemple de communauté qui fonctionne bien mais à la réflexion je suis favorable à la souplesse qu'apporte l'article. Les schémas marchent très bien dans certains départements, comme le mien. Quand ça ne marche pas, c'est souvent à cause des municipalités communistes. (« Oh ! » sur les bancs CRC) Quoi qu'il en soit l'article 2 me paraît raisonnable.
M. Hervé Maurey. - Le dispositif a été adopté à la quasi-unanimité de cet hémicycle en 2010. On est ainsi passé du dispositif gouvernemental très strict à celui en vigueur. Pourquoi aller au-delà, monsieur Collombat ? Quand il n'y a qu'un délégué, il faut des suppléants pour que cela fonctionne. Nous avions déposé un amendement mais c'est l'amendement de M. Charasse, plus restrictif, qui avait été retenu.
L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Mme Catherine Procaccia. - Il est 2 h 15. Nous sommes à l'article 2.
Qu'allons-nous faire ? La séance doit reprendre dans la matinée. On ne peut terminer cette nuit dans des conditions raisonnables.
M. le président. - Nous espérons, je n'ose dire « raisonnablement », pouvoir le faire.
Mme Catherine Troendle. - C'est inadmissible! Une suspension de séance, monsieur le président.
M. le président. - Est-ce raisonnable ?
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. - Le débat se poursuit dans un climat excellent. Il y a eu des débats qui ont duré très longtemps. La Conférence des présidents a prévu la nuit.
Mme Catherine Troendle. - Et demain ! J'insiste pour réclamer une suspension.
M. le président. - Elle n'est pas de droit.
Article 3
Mme Catherine Troendle. - D'autres parlements européens ne travaillent pas ainsi. Avez-vous pensé aux sénatrices qui devront conduire leurs enfants à l'école demain matin ? Elle est belle, votre conception de la parité !
Dans les communes n'ayant qu'un délégué, il faut des suppléants. C'est le cas aujourd'hui grâce au texte de 2010. Le suppléant peut participer avec voix délibérative aux réunions. L'adoption de l'article provoquerait des difficultés pratiques, en particulier pour la gestion des grandes agglomérations. Nos concitoyens méconnaissent le travail des élus locaux : il faut renforcer la lisibilité pour resserrer les liens.
M. le président. - Amendement n°38, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Jean-Jacques Hyest. - Je suis surpris par cet article, après le débat de 2010 : à l'époque, tout le monde était d'accord sur la délégation, afin d'assurer la continuité de l'exécutif. Pourquoi revenir sur ce qui faisait consensus entre nous ?
M. Alain Richard, rapporteur. - Quelle est la légitimité au sein d'une instance intercommunale ? Nous discutons sur l'ordre de suppléance : la procuration à un collègue vient en priorité ; il le faut, peut-être à titre transitoire. Mais les fusions seront des épisodes difficiles. Nous privilégions les suppléants -et qu'ils reçoivent la documentation !
M. Jean-Jacques Hyest. - C'est déjà le cas ;
M. Alain Richard, rapporteur. - Mais ce n'est pas dans la loi. La commission a essayé de faire du bon travail pour régler ce petit problème.
M. Philippe Richert, ministre. - Favorable. Le texte actuel permet également de donner son pouvoir à un suppléant. Je vous renvoie à l'article L. 51-6.
L'amendement n°38 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°59, présenté par M. Richard, au nom de la commission.
Alinéa 1
Après les mots :
même code
insérer les mots :
, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales
M. Alain Richard, rapporteur. - Amendement de précision.
M. Philippe Richert, ministre - Sagesse.
L'amendement n°59 est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
Article additionnel
M. Alain Richard, rapporteur. - Nous le reprenons.
M. le président. - Il s'agit alors de l'amendement n°71, présenté par M. Richard, au nom de la commission.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du premier alinéa de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« La demande de retrait de l'établissement public de coopération intercommunale ne peut être effectuée qu'une fois par année civile. »
M. Alain Richard, rapporteur. - Certaines communes qui veulent se retirer d'un établissement public de coopération intercommunale déposent demande après demande, en espérant un oubli et donc un silence valant acceptation.
M. Philippe Richert, ministre. - Sagesse.
M. Jean-Marc Todeschini. - Je suis très défavorable à cet amendement purement local. M. Leroy, président du conseil général de la Moselle, a imposé une communauté composée de 128 communes avec 150 personnes dans la gouvernance. Arrive la restructuration militaire : éclatement de l'intercommunalité, les communes ne peuvent plus vivre ensemble. C'est une affaire interne à la droite mosellane, qui n'a rien à voir avec cette proposition de loi. En votant cet amendement de circonstance, vous nuiriez au travail accompli par la sous-préfète en CDCI.
Mme Nathalie Goulet. - J'ai un cas comparable dans l'Orne. La commune qui demande son retrait doit se rattacher à une autre intercommunalité. L'amendement est délicat...
M. Alain Richard, rapporteur. - La question est plus large, c'est l'inexistence d'un lieu d'arbitrage des conflits d'intercommunalité. J'y réfléchis et les CDCI me semblent la bonne instance. Le corps préfectoral n'est pas toujours aux avant-postes parce qu?il y a des coups à prendre. La bonne solution est-elle vraiment de partir lorsqu'il y a un problème au sein d'une communauté, en réitérant des demandes tous les deux mois ? Si le sujet est controversé, différons : finalement, je renonce à reprendre l'amendement.
M. Alain Gournac. - Vous changez d'avis ? Quelle salade !
M. Alain Richard, rapporteur. - Nous essayons de nous écouter.
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. - Nous réfléchissons. Le débat ne se résume pas à des invectives !
L'amendement n°71 est retiré.
Article 4
M. Pierre Bordier. - Souvenez-vous de ce que nous avons décidé en 2010 : de nombreux périmètres d'intercommunalités sont fantaisistes, peu pertinents. Le maillage des collectivités est confus et peu rationnel du point de vue de la dépense publique. Pourquoi le seuil de 5 000 habitants retenu à l'article 4 ? La CDCI pourrait se substituer au rôle de préfet, or les communes ont abouti dans le passé à une carte peu pertinente.
M. le président. - Amendement n°39, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Jean-Jacques Hyest. - Les 5 000 habitants correspondent à des bassins de vie. Moins que 5 000, est-ce envisageable ? Si l'on doit refaire la carte, c'est que les intercommunalités se sont nouées sur de mauvaises raisons ! Si la CDCI doit être une instance décisionnaire, croyez-vous que pratiquement elle sera capable de décider ?
M. Alain Richard, rapporteur. - Restons-en à l'objet de l'article... Sur cette affaire de taille de communautés, les esprits ont évolué. Si nous avions les rapports des préfets, nous pourrions faire une synthèse. Nous ne sommes pas tous désabusés, comme M. Hyest, à propos de la collégialité !
Le seuil de 5 000 est maintenu, les dérogations sont prononcées par la CDCI. Certaines zones, qui ne sont pas de montagne, sont peu peuplées. Il faut que des dérogations soient possibles.
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. - Je ne crois pas que le préfet détienne toujours la vérité. La loi dit ce qui relève de lui et ce qui relève de la CDCI composée d'élus. Les assemblées d'élus n'auraient-elles pas la capacité de prendre des décisions ?
M. Jean-Jacques Hyest. - Ne demandez pas aux élus de prendre des décisions qui déplaisent à leurs copains !
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. - Alors vous contestez les principes démocratiques !
Le représentant de l'État joue un rôle important, l'assemblée collégiale a une mission également. Les élus refuseront les intercommunalités qui n'ont aucun sens. Mais la collégialité, je le répète, n'est pas contraire à des décisions d'intérêt général.
M. Philippe Richert, ministre. - Le rapporteur a raison de dire que les esprits évoluent. La réforme des collectivités a fait changer l'attitude des élus. Continuons donc sur l'élan pris. Partout où cela marche, allons jusqu'au bout !
Dans la réalité, le préfet élabore un projet de schéma, mis en débat à la CDCI, qui en discute et vote éventuellement sur ce que le préfet propose.
M. Alain Richard, rapporteur. - Pas sur les 5 000 ! Ils ne peuvent le changer !
M. Philippe Richert, ministre. - Bien sûr que si ! On a demandé aux préfets de tenir compte des avis de la CDCI. Ils arrêtent le schéma ensuite. Avis favorable, par conséquent, à l'amendement n°39.
Mme Nathalie Goulet. - Je ne voterai pas l'amendement Hyest mais les CDCI se sont constituées dans des conditions très difficiles. Le ministre ne peut avoir oublié le nombre de relances qu'il a fallu pour avoir les décrets sur les CDCI ! Dans la plupart des départements, elles ont été élues sur une liste unique.
Cependant, redonner le pouvoir aux commissions a aussi un intérêt psychologique. Les décisions d'élus sont mieux supportables que des décisions administratives...
M. Philippe Richert, ministre. - Le décret d'application a été publié en un mois ! C'est un délai très court, je vous assure.
M. Philippe Bas. - L'article concerne surtout le transfert des compétences. S'agit-il de faciliter les délégations ? Que fera la commission départementale du pouvoir qui lui sera donné ? Le changement sera-t-il utile pour le développement de l'intercommunalité ? Je suis perplexe. Le seuil de 5 000 habitants peut être abaissé. La formulation, dans la réglementation actuelle, existe déjà dans le code ; je voterai l'amendement.
A la demande du groupe UMP, l'amendement n°39 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l'adoption | 139 |
Contre | 180 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°5 rectifié, présenté par MM. Collombat, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier et MM. Requier, Tropeano et Vendasi.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Le 1° est abrogé ;
M. Pierre-Yves Collombat. - La coopération intercommunale est l'affaire des communes avant d'être celle des préfets. Le schéma est élaboré par la CDCI et appliqué : il ne peut y avoir de communautés farfelues. Cet amendement vise à supprimer le seuil démographique de 5 000 habitants prévu pour la constitution d'EPCI. La commission des lois du Sénat, en première lecture de la loi relative à la réforme des collectivités territoriales, avait adopté cette disposition. Si les groupements sont trop petits, ils ne pourront rien faire, nous dit-on. Mais s'il n'y a pas d'espace de solidarité, que peut-on faire ?
M. Jean-Jacques Hyest. - C'est quoi un espace de solidarité ? Combien de kilomètres ?
M. le président. - Amendement n°12 rectifié, présenté par MM. Maurey, Capo-Canellas et Deneux et Mmes Goy-Chavent et Morin-Desailly.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Après les mots : « peut être abaissé », la fin du 1° est ainsi rédigée : « à 4 500 habitants par la commission départementale de la coopération intercommunale, par une délibération motivée, lorsqu'elle adopte la proposition finale, pour tenir compte des caractéristiques particulières de certains espaces ;
M. Hervé Maurey. - Le Sénat, en première lecture, a abaissé à 3 000 habitants le seuil nécessaire pour constituer des intercommunalités. L'Assemblée nationale a relevé le seuil à 5 000 habitants. Je propose que les critères de dérogation ne soient pas seulement géographiques : solidarité financière, cohérence spatiale ou bassin de vie doivent être également pris en compte. Limitons donc la variation possible du seuil.
M. Alain Richard, rapporteur. - Le projet soumis à la CDCI ne peut qu'être celui soumis à la consultation des communes. Seul le préfet, actuellement, peut modifier le seuil. Vous voudriez que la CDCI puisse le faire -mais, monsieur Collombat, maintenons un seuil !
Il y a des réalités de terrain. En Champagne-Ardenne, en Meuse, la sous-densité est parfois impressionnante. Retenons l'obligation de motiver. Mais si l'on déroge, on peut descendre à 4 400 !
M. Philippe Richert, ministre. - La loi de 2010 a bien fixé la règle : 5 000 habitants, sauf montagne, et c'est un objectif, non un impératif. Le préfet élabore un schéma, sur lequel on travaille, on discute. Il s'agit d'une coproduction pour recueillir un large consensus. Les élus décident, ils votent. Le préfet prend alors les décisions de modification. Merci au rapporteur d'avoir si bien décrit le système de 2010.
M. Alain Richard, rapporteur. - Mais si le préfet a imposé le seuil de 5 000, il n'a plus la possibilité de changer et la CDCI ne peut modifier le seuil.
M. Philippe Richert, ministre. - Si à la CDCI on se rend compte de la nécessité de descendre en deçà de 5 000, elle le suggère et le préfet y procède.
Mme Nathalie Goulet. - J'ai lutté en 2010 pour supprimer le seuil des 5 000 habitants. A l'usage, fixer un seuil n'est sans doute pas inutile. Mais on voit certaines petites communautés de 4 500 habitants se livrer à un véritable mercato pour grossir. Le texte de la commission améliore les choses.
M. Pierre-Yves Collombat. - La disposition est discriminatoire vis-à-vis des petites communes. On nous chipote la liberté de nous associer, mais on autorise sans difficulté la création de la métropole Nice-Côte d'Azur, qui va jusqu'au Mercantour ; son territoire, par rapport à la communauté urbaine a plus que triplé -pour une population qui n'a augmenté que de 1,8 %...
M. Hervé Maurey. - Le rapporteur nous a expliqué pourquoi il ne fallait pas mettre de limite à la possibilité pour la CDCI de déroger au seuil de 5 000 habitants ; mais il ne nous a pas dit pourquoi il ne voulait pas intégrer d'autres critères que géographiques pour y déroger...
L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°12 rectifié.
L'article 4 est adopté.
Article 5
M. Pierre-Yves Collombat. - Enfin, nous arrivons dans le dur ! Cet article ne se limite pas à poser quelques rustines sur la loi de 2010. Il s'agit de l'achèvement de la carte de l'intercommunalité. L'objectif initial n'est pas remis en cause et le calendrier tenu, mais selon des modalités bien différentes.
Il s'agit bien d'une révolution copernicienne, les communes reviennent au coeur du dispositif, à la place qu'elles n'auraient jamais dû quitter. La CDCI adopte le schéma, elle ne se contente pas de le censurer. L'objectif chiffré de suppression des syndicats n'est plus un dogme. Les périmètres sont mieux définis, une réflexion sur les compétences est engagée. Surtout, la consultation et l'expression des collectivités sont présentes à toutes les étapes d'élaboration du schéma.
M. le ministre se veut rassurant, mais la loi de 2010 demeure, il faut l'aménager. On ne peut laisser le préfet achever seul la carte. Cet article remet les choses dans le bon sens.
M. Pierre Jarlier. - Nous sommes au coeur du dispositif. Les prérogatives de la CDCI sortent renforcées de ce texte, ce qui est une bonne chose. Les préfets ne sont en effet pas toujours en phase avec les attentes des élus locaux. Une clause de sauvegarde est néanmoins prévue.
On peut s'interroger sur les conséquences des fusions forcées par le préfet, à quelques mois des élections municipales...
La solution retenue par la commission pour les compétences va en revanche à l'encontre des objectifs poursuivis ; elle complique les choses et ne règle pas la question de la subsidiarité. De plus, l'harmonisation des compétences peut dans certains cas freiner l'évolution des périmètres et empêcher la création de nouveaux syndicats. Heureusement, l'amendement de M. Hyest devrait améliorer la situation.
Enfin, les impacts financiers seront importants. Il faudra en parler lors de la discussion budgétaire. Les élus attendent des simulations de la part de l'État, qui ne se réduisent pas à un calcul sur la DGF.
M. le président. - Au rythme actuel, nous ne pourrons pas achever le texte. Nous nous arrêterons après l'article 5.
M. Roland Courteau. - Cet article est très attendu par les élus, qui souhaitent l'achèvement de la carte communale. La procédure actuelle, dirigée par les préfets, a été très mal ressentie par les élus. Ce ne sont pas les premiers qui sont à l'origine de l'intercommunalité, mais bien les seconds. Le rôle moteur donné à la CDCI sera apprécié : plus de concertation, cela veut dire plus d'efficacité. La CDCI élaborera le schéma et pourra négocier ; les communes pourront mieux maîtriser leur destin. La démocratie locale sera gagnante. Au choix imposé, nous préférons la concertation.
Les dispositions de cet article sont les bienvenues.
M. Philippe Bas. - Je ne suis pas convaincu par ce qu'ont dit les précédents orateurs. On voudrait nous faire croire que ceux qui ne voteront pas cet article méprisent la capacité d'initiative des élus. Mais en réalité, les choses ne se présentent pas ainsi. Avec cet article 5, les décisions vont continuer de tomber d'en haut. Jusqu'à présent, le préfet ne discutait que périmètre ; avec le texte, il y a un préalable : les compétences. On marche sur la tête !
S'il faut avoir déterminé les compétences avant de savoir avec qui on va en discuter, c'est le serpent qui se mord la queue ! Et en aval il n'y aura plus rien à discuter ! On ne passe pas d'un préfet dirigiste à une commission souple, d'un préfet souple à une commission dirigiste. Pour les élus des communes rurales, que ce soit le préfet ou une CDCI qui décide, c'est pareil ! Tout viendra d'en haut.
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. - C'est faux !
M. Philippe Bas. - Ce n'est pas raisonnable.
M. Hervé Maurey. - Nous en arrivons au point dur de cette proposition de loi. J'ai dit que les conditions actuelles d'élaboration des schémas n'étaient pas satisfaisantes. Je regrette en particulier l'absence de concertation avant la présentation du projet du préfet, à laquelle s'ajoute la difficulté de la date butoir ou encore la majorité des deux tiers.
Pour autant, le dispositif proposé n'améliore pas les choses. Comment une commission de 40 membres, qui tous ont une vision parcellaire du territoire, pourait-elle établir un schéma ? Le préfet reste président de la CDCI. Et avec le préalable des compétences, on alourdit les contraintes venues d'en haut.
On ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé depuis le vote de la loi de 2010. Il eût été plus sage de rallier la position du président de l'AMF, qui est peu ou prou celle du ministre : là où il n'y a pas de problème, publions le schéma, et là où il y en a, prenons un peu de temps pour parvenir à un schéma qui donne satisfaction au plus grand nombre. C'est d'ailleurs la position de l'ADCF, qui souhaite que la procédure législative ne gène pas le travail en cours des CDCI.
M. Alain Richard, rapporteur. - La principale différence entre nous, ce sont les deux phases d'élaboration du schéma.
Il y a un clivage entre l'adoption du schéma et la constitution des communautés. Quand un schéma est adopté, il ne doit plus être modifié. Le préfet préside la CDCI, ce qui leur permet de travailler ensemble ; un accord est donc possible. En revanche, si l'on s'écarte du schéma sans donner la possibilité à la CDCI d'intervenir, comment être d'accord ? Il est parfaitement possible de partir d'un résultat consensuel -l'article 7 donne le pouvoir à la CDCI, soit de refaire la concertation si nécessaire, soit, constatant le consensus, de passer tout de suite à la création de la communauté.
Qu'il n'y ait pas de malentendu sur les compétences. Il n'est pas prévu que le schéma et les communes s'engagent sur des compétences ; mais il est judicieux, comme l'a proposé M. Collombat, de prévoir un échange sur le sujet pendant la phase préparatoire. Cela servira à rapprocher les points de vue et à faire des choix pertinents sur la suppression des syndicats.
Il est vrai que c'est un changement, monsieur Hyest, mais l'expérience des derniers mois a montré qu'un changement était souhaité.
M. Jean-Jacques Hyest. - Cela dépend où !
M. Alain Richard, rapporteur. - Le changement est nécessaire là où les choses ne se passent pas bien.
M. Philippe Richert, ministre. - Nous sommes sur l'un des sujets qui marquent notre désaccord. Depuis le début, je dis que là où on peut faire le schéma, pourquoi ne pas aller jusqu'au bout ? Dans 70 % des cas, c'est possible.
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. - C'est prévu !
M. Philippe Richert, ministre. - Mais vous remettez tout à plat. De plus, la procédure que vous prévoyez apporte des complexités supplémentaires. La CDCI discutera des compétences de chaque intercommunalité ?
M. Jean-Jacques Hyest. - Incroyable !
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. - C'est une hypothèse.
M. Philippe Richert, ministre. - Le système en vigueur donne davantage de flexibilité ; avec le texte de la commission, tout remonte à la CDCI. Si des modifications se révélaient nécessaires, c'était possible avec la loi de 2010. Vous voulez bouleverser les choses, c'est dommage. Les positions sont figées, je le regrette. Il nous faudra trouver un autre véhicule législatif...
Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 4 novembre 2011, à 14 h 30.
La séance est levée à 3 h 55.
Jean-Luc Dealberto,
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du vendredi 4 novembre 2011
Séance publique
A 14 HEURES 30
Suite de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité (n°793, 2010-2011).
Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois (n°67, 2011-2012).
Texte de la commission (n°68, 2011-2012).