Débat sur les prélèvements obligatoires
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. - Ce débat, souhaité par le Sénat, a été conçu comme un rendez-vous stratégique avant l'examen des PLFSS et PLF.
Notre politique fiscale est fondée sur la constance, la justice et l'efficacité. Nous portons sur cette politique un tout autre regard que Mme la rapporteure générale.
Votre rapport montre que la crise explique intégralement l'augmentation des déficits depuis 2007, ou plutôt « les facteurs ne dépendant pas de la volonté du Gouvernement ». On comprend aussi à sa lecture que la politique du Gouvernement a permis que le déficit n'augmente pas de 3,8 points, mais de 1,8 point.
Grâce à l'action du Gouvernement, l'amélioration structurelle du déficit se monte à 2,1 points du PIB.
Puissent vos collègues vous croire et ne plus dénoncer 75 milliards de cadeaux fiscaux. La mauvaise foi a ses limites.
Une réalité s'impose à nous : la dette, prix de la crise et de trente ans de facilités et de vie à crédit. Le Gouvernement a donc voulu conduire la France sur le chemin du désendettement : 4,5 % de déficit en 2012, 3 % en 2013, l'équilibre en 2016. Le seul moyen d'y parvenir, c'est de faire des économies. Il faut cesser de dire que le problème réside dans des prélèvements obligatoires insuffisants ! Notre pays connaît l'un des taux de prélèvements les plus importants.
M. François Marc. - Et les cadeaux ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Nous continuerons donc dans la voie de la réduction des dépenses, y compris sociales : c'est la seule.
Hélas, Madame Bricq, je vous sens très seule. (Exclamations à gauche)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Pas du tout !
M. Daniel Raoul. - Passons au vote !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Les primaires socialistes se sont gagnées à coup de milliards de promesses ! Vous dites vous-même que le taux de prélèvements n'a que peu de signification politique. Le choix se fera entre une hausse générale des impôts, et des prélèvements ciblés.
La Révision générale des prélèvements obligatoires (RGPO) vise à réformer notre fiscalité autour de trois principes : équité, compétitivité, efficacité.
M. Daniel Raoul. - Vous êtes mal partis !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - L'équité est fondamentale, surtout en période de crise. Il est juste de demander plus aux ménages les plus aisés et aux grosses entreprises. (On ironise à gauche) Ce que nous avons fait. Le plafonnement global des niches, la réduction des avantages ont redonné à l'impôt sur le revenu sa progressivité. Sous Lionel Jospin, un ménage gagnant 1 million d'euros pouvait ne pas payer d'impôt sur le revenu. C'est fini ! (Vives exclamations à gauche)
M. Daniel Raoul. - Quel aplomb !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Il paie aujourd'hui au moins 300 000 euros d'impôts. (On le conteste à gauche) Nous avons pris 25 mesures pour alourdir l'imposition des plus riches. Nous avons concentré l'ISF sur les plus aisés.
En 2011 et 2012, ce sont donc 2 milliards d'euros de plus demandés aux plus aisés. Le bouclier fiscal était une première réponse imparfaite et nous avons réformé l'ISF pour en faire un impôt intelligent. Vous le reconnaissez, cette réforme est financée en régime de croisière.
La justice, c'est aussi la redistribution. Avec le RSA, nous avons augmenté les revenus des Français qui retrouvent le chemin de l'emploi. (Mêmes mouvements) Un couple au Smic, avec deux enfants, touche le RSA, ce qui représente 256 euros de plus par mois, soit 15 % de pouvoir d'achat en plus.
La justice vaut aussi pour les entreprises : suppression du bénéfice mondial consolidé (BMC), réforme de l'impôt sur les sociétés (IS), allégement des prélèvements pesant sur les PME. C'est un fait !
Nous avons aussi renforcé notre compétitivité. En France, le coût du travail était trop élevé, l'investissement insuffisant. Les 35 heures ont été une erreur. (Exclamations à gauche)
M. Daniel Raoul. - Vous êtes au pouvoir depuis dix ans !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - M. Schroeder disait : « Les 35 heures en France, c'est une bonne nouvelle pour l'Allemagne ». Cette réforme a contraint l'État à des milliards d'euros d'allégements de charges pour éviter qu'elle ne pèse sur les plus faibles.
Pour rendre du pouvoir d'achat, nous avons voulu que les salariés gagnent plus en travaillant plus. (On crie à l'échec à gauche) La défiscalisation des heures supplémentaires, issue de la loi Tepa, fait gagner en moyenne 450 euros par an aux salariés. Vous préférez taxer le travail quand nous l'encourageons.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Et les 2,7 millions de chômeurs ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Votre rapport oublie que Mme Aubry demandait, en 2000, la baisse de la TVA sur la restauration, pour « moderniser le secteur »...
Lionel Jospin avait supprimé le taux variable d'impôt sur les sociétés en fonction de l'investissement, inefficace. Il aurait été judicieux de voter avec nous la suppression de la taxe professionnelle, qui pesait sur l'investissement !
M. Claude Bérit-Débat. - Et les conséquences pour les collectivités locales ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Vous vous êtes aussi opposés à la refonte du crédit impôt recherche (CIR).
M. Daniel Raoul. - C'est scandaleux !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Nous avons fixé un calendrier précis pour harmoniser la fiscalité sur les entreprises en France et en Allemagne.
La compétitivité passe aussi par l'innovation. Or les entreprises sont aujourd'hui 60 % de plus à bénéficier du CIR. Pas un mot dans votre rapport sur ce dispositif qui dope notre compétitivité.
Notre troisième principe est l'efficacité, pour le développement durable d'abord : éco-prêt à taux zéro, crédit d'impôt développement durable. Nous allons concentrer les incitations sur les travaux les plus efficaces : la fiscalité verte est nouvelle et progresse en fonction de l'expérience. Je doute que quiconque revienne dessus.
Efficacité sanitaire aussi : taxe sur les sodas, pour lutter contre l'obésité, etc.
M. Claude Bérit-Débat. - Alibi !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - La fiscalité comportementale est appelée à se développer. Je suis impatiente de voir ce qu'il en sera avec vous dans trois ou quatre ans !
M. Alain Richard. - À vous écouter, on comprend que la gauche sera au pouvoir en mai 2012. Merci !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Je dis, au contraire, que nous avons choisi la voie de l'avenir. Ne prenez pas vos désirs pour des réalités.
Notre politique fiscale est un reflet de nos valeurs et de nos convictions économiques. La France ne doit pas s'isoler en Europe en augmentant tous ses impôts : cessez de rêver à un « grand soir fiscal ». Encore une fois, le désendettement passe avant tout par la baisse des dépenses. Je souhaiterais que la Haute assemblée nous rejoigne sur ce point ! (Applaudissements à droite, M. Philippe Marini, président de la commission des finances, applaudit aussi)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Les auteurs de la Lolf voulaient garantir une approche consolidée des finances publiques. Nous pourrions, dans ces conditions, nous passer d'un débat d'orientation mais, à la veille des échéances électorales, il est normal de faire le point sur la politique conduite depuis cinq ans. Contrairement à 2007, le Gouvernement n'a produit aucun rapport. Il est vrai que sa politique manque de cohérence !
C'est pourquoi j'ai intitulé mon rapport Un quinquennat d'incohérences et d'injustices.
Pour ce qui est de la fiscalité du patrimoine, vous l'avez tantôt allégée, tantôt alourdie, sauf pour les plus fortunés qui s'en sortent toujours ! La réforme de la taxe professionnelle a été financée par l'emprunt. Après un allégement de 5 milliards, on annonce aujourd'hui une surtaxe de l'impôt sur les sociétés... Quant au crédit impôt recherche, l'Allemagne n'en connaît pas mais elle est beaucoup plus compétitive !
Je vous renvoie à mon rapport sur la fiscalité écologique. Je relèverai seulement les erreurs du Gouvernement sur les heures supplémentaires et la fiscalité immobilière, sans parler de la calamiteuse taxe carbone.
Pendant trop longtemps, le Gouvernement a ignoré la gravité de la crise de 2008 et refusé de relever les prélèvements mais, en 2013, notre pays battra ses records. Et c'est nous que l'on veut faire passer pour des adeptes des hausses d'impôt ! Le Gouvernement les augmente à reculons, sans aucune cohérence. Cela pèse en particulier sur les investissements des collectivités.
Nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut réduire les dérogations, mais le Gouvernement s'attaque prioritairement aux niches les plus efficaces ! Pourquoi ne pas avoir suivi les préconisations du rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) ?
Le discours du Gouvernement fait perdre toute crédibilité à la parole publique. Toutes les niches ont une incidence économique. Et contrairement à ce qu'il prétend, le Gouvernement ne s'attaque pas qu'aux niches : seulement 40 % des mesures prises les concernent.
La politique menée depuis cinq ans est un précipité de ce qu'il ne faut pas faire. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Ce débat sur les prélèvements obligatoires est le seul qui nous offre une vision consolidée du PLFSS et du PLF. Notre rapporteure générale est dans son rôle. La critique est facile, mais nous serons attentifs à vos propositions et tout aussi exigeant.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Impatient !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Le quinquennat ne constitue pas une seule et même période mais se divise en trois temps : avant la crise, pendant la crise, durant ce que nous espérons être la sortie de crise.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Nous n'y sommes pas !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - J'ai trouvé certains passages de votre rapport stimulants, par exemple sur la fiscalité relative à l'investissement immobilier. Peut-être, en votre for intérieur, êtes-vous une libérale, attachée à ce que la fiscalité ne crée pas trop de distorsions dans la logique du marché...
La taxe professionnelle ? Reconnaissons que cette réforme constitue encore aujourd'hui un sujet de perplexité.
La polémique sur la taxe sur les prélèvements obligatoires est stérile. Nous devrions atteindre 45 % en 2013, contre 44 % en 2007. Mais en 2008-2009, nous étions parvenus à un taux historiquement bas, presque 42 % et ceci, du fait de l'effondrement des recettes fiscales. Cet indicateur est ambigu et son sens dépend du cycle économique.
La nouvelle majorité sénatoriale reproche au Gouvernement d'avoir maintenu un niveau élevé de prélèvements obligatoires...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Contrairement à sa promesse !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - ...tout en plaidant pour leur augmentation significative.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Pas de la même manière !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Pour préserver notre compétitivité, le Gouvernement évite sagement un relèvement général des impôts et préfère prélever un supplément temporaire sur les foyers et entreprises qui ont la plus forte capacité contributive.
Mme la rapporteure générale se réfère à la commission Guillaume, qui a évalué l'efficacité des niches. Je me réjouis de ce coup de chapeau à mon ancien corps mais cette commission administrative ne prend pas en compte l'impact politique des mesures. En outre, cette démarche ne peut aboutir qu'à des mesures ciblées, qui sont autant de pièges : je pense à la TVA sur les parcs à thème. En période de crise, de telles mesures se heurtent encore plus à des intérêts catégoriels, alors qu'il est encore plus urgent d'agir. D'où la nécessité d'une méthode arithmétique et simple, acceptable politiquement, le « rabot large » sur une assiette étendue.
On peut ainsi augmenter les recettes de plusieurs milliards d'euros. Certains secteurs pourraient fort bien, sans modifier sensiblement le comportement des agents économiques, subir une TVA à 7 % au lieu de 5,5 % : travaux dans le bâtiment, hôtellerie, restauration.
L'essentiel est d'inspirer confiance. Il faut donc réduire les dépenses, pas seulement fiscales. Le Gouvernement en a eu le courage.
L'augmentation moyenne annuelle a été ramenée de 2,4 % à 0,6 %. C'est ainsi que l'on ramènera à 3 % le déficit en 2013.
Si l'on souhaite tailler dans le vif et diminuer les charges, sans doute faut-il procéder comme avec les dépenses fiscales : au rabot large, il faut ajouter la toise budgétaire la plus uniforme possible.
J'espère que ce débat nous guidera ! (Applaudissements à droite)
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Ce débat s'inscrit dans un contexte bien différent de l'an dernier. La crise nous contraint d'éviter la langue de bois et d'être responsables. La réalité est sombre. Le Gouvernement a laissé filer les déficits et refusé de prendre les mesures nécessaires. Les prélèvements sociaux ne suffisent plus, depuis longtemps, à couvrir les dépenses : le ratio est passé de 96 % en 2008 à 92 % aujourd'hui... D'après la Cour des comptes, le déficit est structurel pour plus des deux tiers et tient à l'insuffisance des recettes. Même avec une forte croissance et des dépenses maîtrisées, le déficit restera de 10 milliards annuels !
Seules des mesures nouvelles pourront permettre de réduire les déficits. Le Gouvernement semble avoir changé d'optique sur l'augmentation des prélèvements obligatoires ; mais malgré les mesures qu'il a prises, on est encore très loin de l'équilibre. Le Gouvernement aurait-il abandonné tout objectif de retour à l'équilibre des comptes sociaux ? C'est une véritable exception française, comme l'a noté la Cour des comptes en 2009. En Allemagne, il est interdit aux caisses d'être en déséquilibre. Il est impensable de financer à crédit des dépenses courantes et moralement inadmissible d'imposer à nos enfants et petits-enfants de payer nos dépenses de santé en plus des leurs. Les comparaisons internationales doivent être utilisées avec prudence mais la Cour estime que nous sommes les seuls à avoir de tels déficits sociaux.
Notre système de protection fiscale est donc menacé par l'ampleur inédite des déficits. Nous n'avons cessé de reporter nos difficultés sur les générations à venir. Comment financer un haut niveau de protection sociale tout en tenant compte des contraintes de la compétitivité ? La maîtrise des dépenses est essentielle dès lors qu'elle est juste et efficace.
Aucun observateur n'exclut, en matière de protection sociale, une hausse des prélèvements, ne serait-ce que pour faire face au vieillissement de la population. La Cour des comptes, par la voix de Philippe Séguin puis de Didier Migaud, ne cesse de rappeler cette nécessité.
Nous vous proposerons des mesures concrètes la semaine prochaine à l'occasion du PLFSS : révision des mesures coûteuses et sans fondement, au premier rang desquelles les exonérations sociales sur les heures supplémentaires -qui coûtent 3,5 milliards (applaudissements sur les bancs socialistes), amplification de la chasse aux niches sociales et mobilisation de nouvelles ressources -par exemple en ciblant mieux les allégements généraux de charges sociales.
La dette sociale atteindra 141 milliards à la fin de l'année : elle résulte pour l'essentiel des déficits des dix dernières années. Le Gouvernement en est responsable. Quinze milliards de prélèvements sont affectés à la Cades ; est-ce raisonnable de se priver de ces ressources pour corriger des défaillances passées ? Si nous avions augmenté la CRDS au lieu de ponctionner les différentes branches, nous disposerions de 9 milliards supplémentaires.
Dans le contexte actuel, notre commission veut délivrer deux messages : nous ne pouvons plus continuer dans la voie tracée depuis dix ans en transférant la dette aux générations futures ; le retour à l'équilibre est nécessaire. Il faut donc mobiliser toutes les marges de manoeuvre disponibles pour obtenir les recettes nécessaires à une couverture des besoins maîtrisée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Le rapporteur général de notre commission vient de dresser un tableau alarmant de la sécurité sociale, qui connaît les plus grandes difficultés ; notre système de protection sociale est menacé. C'est le résultat de la politique menée depuis des années, du refus du Gouvernement de trouver des recettes supplémentaires, de son inertie devant les préconisations des experts, dont ceux de la Cour des comptes. M. Séguin nous avait alertés ; M. Migaud ne dit pas autre chose. Des solutions existent. Il faut dénoncer le tabou des niches fiscales et sociales, comme le faisait M. Fischer.
Pourquoi est-il si difficile de s'attaquer aux niches ? Le Gouvernement a fait le choix de la maîtrise de la dépense mais sa politique contraint nos concitoyens à subir injustices et sacrifices. Il a fait des choix injustes en s'attaquant aux plus modestes.
L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dit que la contribution commune doit être équitablement répartie entre les citoyens à raison de leurs facultés. Vous avez oublié ce principe essentiel. Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, les différences de niveau de vie n'ont cessé de croître depuis 2004. Les revenus du patrimoine augmentent rapidement : pourquoi ne pas les taxer ? Pourquoi le Gouvernement se prive-t-il d'une telle marge de manoeuvre ?
Le taux d'effort moyen des ménages n'a pas augmenté de façon identique pour toutes les catégories sociales ; les efforts ne sont pas répartis équitablement.
Ce débat nous a permis de faire le constat qu'il est urgent de changer de politique des prélèvements obligatoires. Notre commission fait des propositions audacieuses et constructives pour mettre un terme à l'incroyable accumulation des déficits et répartir équitablement les efforts entre nos concitoyens. (Applaudissements à gauche)
M. Aymeri de Montesquiou. - Votre tâche est ardue car avec une croissance atone, il vous faut trouver 10 milliards de plus ; il serait d'ailleurs prudent de considérer une hypothèse plus basse encore... La tâche devient schizophrène lorsqu'on doit harmoniser, au plan européen, la fiscalité à la baisse tandis que le déficit rend son augmentation inévitable... Comment demander plus à l'impôt et moins au contribuable ? Les classes moyennes sont surtaxées. Pourquoi ne pas créer une cinquième tranche de l'impôt sur le revenu pour les plus riches, taxer les stock-options, les retraites « chapeau » et autres parachutes dorés comme les revenus ? (Mme Nathalie Goulet approuve)
Les niches fiscales représentent une dépense fiscale importante sur laquelle il serait possible de prélever 10 %. Prenez en compte le rapport Guillaume ! L'alternative est de moduler certaines niches, mais gare au blocage, ou de pratiquer un coup de rabot uniforme. Soyons pragmatiques. « Nul ne saurait gouverner sans laconisme » disait Saint-Just : il avait parfois raison.
M. François Patriat. - Toujours !
M. Aymeri de Montesquiou. - Les prélèvements obligatoires sont responsables de notre faible compétitivité ; l'impôt sur la production est de deux points plus élevé en France que la moyenne de l'Union. Nous sommes de moins en moins compétitifs par rapport à l'Allemagne. Il faut cesser de surtaxer nos PME, indispensables à la croissance et à l'emploi. Le taux d'IS sur les PME doit se rapprocher de celui de l'Allemagne. En revanche, les entreprises du CAC 40, en partie délocalisées, devraient payer davantage. Pourquoi ne pas augmenter la TVA, tout en allégeant les charges, afin d'améliorer notre compétitivité ? Taxer la consommation plutôt que la production : ce serait au final neutre pour le pouvoir d'achat.
La dégradation de notre note nous pénaliserait. Les convulsions qui ont frappé l'euro sont dues à l'absence de politique fiscale et économique dans l'Euroland. L'harmonisation permettrait de faire de l'Europe la première puissance mondiale économique et, à terme, politique. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Marie-France Beaufils. - La présidentielle devrait être l'occasion de débattre des prélèvements obligatoires. Certains gardent les yeux rivés sur le taux des prélèvements obligatoires. Quand on dépassait 40 %, on disait que le pays était entré dans un « socialisme rampant » ; nous en sommes à 45 % mais personne ne qualifierait la politique du Gouvernement de socialiste ! La part des prélèvements obligatoires dans le produit intérieur a évité à la France de connaître la même récession que d'autres pays -je pense à l'Espagne. La sécurité sociale, l'assurance chômage, l'effet redistributif de l'impôt et la rigidité de notre code du travail ont atténué le choc de la crise.
Ces différents amortisseurs n'ont toutefois pas empêché le chômage de croître ni l'économie de décélérer. La reprise de 2010 n'aura pas duré.
Le rapport de Mme Bricq nous apporte un éclairage critique sur la politique menée depuis 2007. La contribution des grands groupes et des ménages les plus aisés s'est réduite durant ces cinq ans. C'était sans doute le mandat que les invités du Fouquet's avaient donné à M. Sarkozy...
La taxe professionnelle avait une certaine dynamique. La contribution économique territoriale (CET), qui l'a remplacée, montre ses limites ; elle annule les effets de toute politique d'aménagement économique local : accueillir une entreprise n'a plus aucun intérêt fiscalement. Et l'autonomie fiscale des collectivités a été mise à mal. En revanche, 11 milliards ont été perdus par les collectivités et remplacés par des dotations qui figent leurs ressources. Les allègements fiscaux ont-ils eu un effet sur l'emploi ? J'en doute fort.
Quant au front de l'impôt sur les sociétés, il a été bien tenu ! Niche Copé, réforme du CIR... rien n'a échappé à l'attention du Gouvernement. Il aura fallu attendre 2010 pour le voir revenir sur le BMC... Le produit de l'IS n'a pas augmenté ; comment les entreprises françaises vont-elles accueillir le principe d'une assiette commune avec l'Allemagne ?
En 2010, on a enregistré 32,9 milliards de recettes et vous attendez 40 milliards de recettes cette année ; mais la moyenne était de 50 milliards avant 2007. Il y a donc des contribuables satisfaits de la politique de M. Sarkozy. La majorité a contribué depuis cinq ans à créer un paradis fiscal : notre IS rapporté au PIB est inférieur à celui de l'Irlande !
La même démonstration vaut pour les ménages. Le Gouvernement parle d'augmenter la TVA, impôt qui pèse d'abord sur les plus modestes. Pendant ce temps, les plus fortunés ont bénéficié d'avantages fiscaux -droits de succession, avantages liés aux donations... Et que dire de l'ISF, qui a été réduit de moitié en juillet dernier, sans la moindre justification économique ou sociale ? Pourquoi ne pas annuler cette réforme, puisque des milliards manquent ? Le Gouvernement a décidé d'alléger l'impôt des plus riches et de faire payer tous les autres.
Il convient de faire exactement le contraire de ce qui a été fait depuis 2007. La sécurité sociale doit avoir les moyens de répondre aux besoins, les collectivités locales doivent pouvoir investir et l'État servir l'intérêt général. Ce qui passe par une augmentation des prélèvements et surtout une meilleure répartition de la charge fiscale. (Applaudissements à gauche)
M. Yvon Collin. - Ce débat intervient dans un contexte économique tourmenté, voire inquiétant. Je crains que le PLF ne parvienne pas à inverser les tendances depuis 2007. La politique du Gouvernement, excellemment analysée par Mme Bricq, s'est montrée socialement injuste et économiquement inefficace. Il y a des indicateurs objectifs. Le taux de prélèvements obligatoires devait être réduit à 43,4% du PIB, mais nous en serons à 45 % l'an prochain, malgré vos annonces.
Certes, la crise est passée par là. Les promesses faites en des temps plus cléments ne peuvent pas être tenues. Mais beaucoup de vos choix ont aggravé les choses. La Cour des comptes ne s'y est pas trompée. La loi Tepa est dans tous les esprits même si vous avez tenté d'en amoindrir l'impact -elle privera encore l'État de 9 milliards de recettes en 2012. Tenu par des promesses de campagne, votre Gouvernement n'a pas eu le courage de revenir sur ce dispositif coûteux et socialement injuste.
Les niches fiscales ? Injustes ! Pourquoi ne pas tenir compte du rapport Guillaume ? Oui, des solutions existent mais vous persistez à ne pas les voir. Votre politique fiscale est incohérente. Il aurait fallu une réforme courageuse et ambitieuse, qui conduise au retour à l'équilibre et à la justice.
La situation économique est grave et la sortie de crise n'est pas pour demain. Il ne faut cependant pas repousser le grand chantier fiscal souhaité par nombre d'entre nous : ce serait d'ailleurs un signal positif à l'adresse des agences de notation.
Les radicaux de gauche plaident depuis longtemps pour une réforme de notre système fiscal fondée sur la justice et la compétitivité ; pour une fusion de l'impôt sur le revenu, de la CSG et d'une partie des cotisations sociales dans un impôt unique et progressif, qui touche aussi le capital ; pour la création de plusieurs tranches de l'impôt sur les sociétés et l'intégration du bénéfice mondial consolidé. Et pourquoi ne pas asseoir les charges sociales des entreprises, non plus sur la masse salariale mais sur la valeur ajoutée nette ? L'emploi serait ainsi sauvegardé.
Nos concitoyens sont conscients de l'effort à accomplir mais ils veulent une réforme efficace et, surtout, juste. (Applaudissements à gauche)
M. Dominique de Legge. - Mme le rapporteur, sortant du cadre strict de l'article 52 de la Lolf, a fait une analyse sur l'ensemble de la législature. Je ne conteste pas ses chiffres mais je conteste leur interprétation. Vous affirmez que les prélèvements obligatoires ont augmenté ; je n'ai pas compris si vous le regrettiez ou si vous estimiez qu'il fallait les alourdir davantage... Nous, nous voulons les limiter, parce qu'il y va du pouvoir d'achat de nos concitoyens et de la compétitivité de nos entreprises -éléments qui conditionnent la reprise. Entre 2007 et 2011, la crise est passée et il a fallu trouver le juste équilibre.
Vous voulez augmenter les impôts. Nous estimons qu'il faut agir sur les dépenses publiques. L'Allemagne a eu le courage de réformer son système de retraites, alors que vous voulez revenir à 60 ans. Pour la première fois depuis 1945, les dépenses de l'État hors charge de la dette et pensions vont baisser en 2012. Pour la première fois depuis 1997, l'Ondam a été tenu en 2010, grâce à des réformes de fond que vous avez combattues, comme celle de l'hôpital.
La réforme des retraites, sur laquelle vous voulez revenir, nous fera économiser 5,6 milliards dès 2012, 25 milliards en 2018. Tous les pays d'Europe agissent sur la dépense ; ce n'est pas populaire mais c'est responsable. C'est pourquoi je salue le volontarisme du Gouvernement. La politique serait grandie si, face à une crise aussi grave, nous tenions tous un discours de vérité.
Je regrette que votre rapport ne trace pas de perspectives. Quelle part assignez-vous dans le redressement des finances publiques à l'augmentation des prélèvements ? À la baisse des dépenses ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - 50-50 !
M. Dominique de Legge. - Dans d'autres pays, majorité et opposition marchent main dans la main ; je ne suis pas sûr que vous ayez servi la France en refusant le débat sur la règle d'or.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Très bien !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Appliquez-la !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Si au moins vous respectiez les lois de programmation...
M. Dominique de Legge. - Revenir sur la réforme de la taxe professionnelle n'est pas une bonne chose. Elle a bénéficié à la grande majorité des entreprises de taille intermédiaire. En 2000, M. Jospin estimait que si l'on voulait lutter contre le chômage, il ne fallait pas taxer les emplois ; il a supprimé la part salaires de la taxe professionnelle. Il a eu raison. C'est pourquoi nous avons parachevé sa réforme en supprimant la part investissement. Certes, son coût a été plus élevé que prévu mais le manque à gagner pour les collectivités a été intégralement compensé. (Exclamations à gauche)
Il est paradoxal de demander l'harmonisation des fiscalités européennes et de contester toutes les mesures qui vont dans ce sens ! Revenir sur la défiscalisation des heures supplémentaires ? Parlez-en avec les milliers de travailleurs modestes qui ont bénéficié de ce dispositif ! La fiscalité verte : fallait-il laisser subsister un tel effet d'aubaine dans le secteur photovoltaïque ?
Pour 2012, le Gouvernement respecte ses engagements. Aussi je forme le voeu que face à la crise, nous puissions faire preuve de mesure et d'humilité. S'il y avait une recette miracle, cela se saurait ! Le débat qui s'ouvre aura le mérite de redéfinir les priorités. C'est tout l'honneur du débat politique. (M. Philippe Marini, président de la commission des finances, applaudit)
Mme Michèle André. - Constat sévère pour le candidat Sarkozy qui avait annoncé qu'il diminuerait de quatre points le taux des prélèvements obligatoires. En cinq ans, les prélèvements auront augmenté de plus de 100 milliards.
La politique gouvernementale reste marquée par l'iniquité et l'absence de volonté réformatrice.
En 2012, la croissance sera inférieure à 1,75 %. Le Gouvernement devra prendre de nouvelles mesures. Les bases du projet de loi de finances sont d'ores et déjà disqualifiées.
Sous le gouvernement Jospin, le taux des prélèvements obligatoires avait baissé, contrairement à cette législature. Selon la Cour des comptes, les deux tiers des déficits publics sont imputables aux choix du Gouvernement contre un tiers à la crise. La malheureuse loi Tepa est passée par là qui s'est révélée inefficace dans tous ses aspects, pour un coût de 10 milliards encore en 2012. N'oublions pas le taux réduit de TVA appliqué à la restauration ou la réforme précipitée et coûteuse de la taxe professionnelle. Quant aux mesures fiscales en faveur de l'immobilier, Borloo et autres Scellier, elles ont eu des effets pervers ; nous aurions préféré le développement du logement social.
Ces dernières années, ce sont les plus favorisés qui ont bénéficié des mesures fiscales du Gouvernement, tandis que les plus pauvres ont dû payer davantage. En pleine crise, le Gouvernement a allégé l'ISF de 1,8 milliard. Il n'a actionné que le levier dépenses au risque d'une dégradation, avérée aujourd'hui, des services publics.
Nous devons rétablir l'équité et la justice, des prélèvements clairs et compris par tous. L'impôt sur le revenu doit reposer sur une assiette large, peser sur les revenus du capital comme sur ceux du travail, intégrer la CSG, être plus progressif. Les niches fiscales devront être réduites, ou supprimées. Enfin, l'IS doit être entièrement repensé puisqu'il frappe davantage les petites entreprises que les grands groupes ; il doit aussi être harmonisé au niveau de l'Union européenne.
Je n'oublie pas la réforme de la fiscalité locale. La solidarité territoriale devra s'exprimer par une péréquation verticale et horizontale qui permette l'accès aux services publics à tous les Français sur tout le territoire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. René-Paul Savary. - Je remercie le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mais son intervention m'a semblé partiale. Le déficit est principalement structurel, certes, mais aussi conjoncturel : la dynamique de croissance a été cassée par la crise qui a détruit 330 000 emplois en France, d'où moins de cotisations et plus d'indemnités chômage à payer. Trop longtemps on a laissé le déficit filé ; la France vit au-dessus de ses moyens. Les améliorations consommatrices de personnel ont désormais un coût insupportable.
La droite a hérité d'un système chroniquement déficitaire. La course vers toujours plus d'impôt, c'est le renoncement au juste équilibre, aux règles de simple gestion.
Le Gouvernement a-t-il failli ? Je ne le crois pas. La tarification à l'activité à l'hôpital par exemple est une excellente chose. Le retard accumulé dans la gestion des ressources publiques fait que l'on a du mal à faire admettre la simple gestion pluriannuelle à l'horizon 2025.
Nous aurions pu revenir sur les 35 heures, mais il y avait déjà beaucoup à faire, sur les retraites, par exemple. Sur les conditions d'allocation de la CMU, il y aurait matière à débat, comme plus généralement sur notre modèle social.
Nous tenons nos engagements sur la réduction des déficits : 45 milliards d'efforts en deux ans, c'est sans précédent, mais encore insuffisant.
L'inquiétude, légitime, n'est ni de droite, ni de gauche. (M. Philippe Marini le confirme) À force de vivre à crédit, les États ne sont même plus des clients privilégiés pour les banques. Il faut des solutions nouvelles et j'en évoquerai quelques-unes dans le secteur médical : télémédecine, téléassistance pour les personnes dépendantes, alternatives à l'hospitalisation, prévention accrue, normes adaptées à la taille des collectivités et établissements, etc. Sans remettre en cause notre modèle social, il faut l'adapter, ce que n'a pas assez développé le rapporteur. (Applaudissements à droite)
M. Jean Arthuis. - Les prélèvements obligatoires sont au coeur d'enjeux vitaux, pour nos finances publiques et notre compétitivité. Hélas, la croissance est en berne, le chômage s'accroît, les injustices se creusent.
S'agissant de la compétitivité, n'est-il pas temps de rompre avec les tabous ? L'option de la consommation est une impasse. Il faut donner le primat à la production et à l'emploi.
Pourquoi donc différer le débat sur la TVA « sociale », « antidélocalisations » ou même « réindustrialisation » ?
Est-il vrai que le Gouvernement s'apprête à créer un taux intermédiaire de TVA -je le soutiendrai- mais en affectant le produit à la réduction des déficits plutôt que des cotisations sociales ?
Toute hausse de TVA doit aboutir à une baisse des cotisations à l'euro près : vous vous y êtes dite personnellement favorable, madame la ministre. 2007 avait fait naître un espoir, je crains qu'il ne soit déçu.
Il faut aussi comprimer les dépenses, budgétaires comme fiscales.
Il faudra revenir sur la CRDS. Il y a un an, j'ai déposé un amendement qui l'augmentait de 0,25 %, car la Cades va tout droit à la faillite. Je redéposerai un amendement similaire cette année.
À propos de la justice fiscale, plutôt qu'une contribution exceptionnelle complexe, au rendement modeste, je préfère une ou deux tranches supplémentaires de l'impôt sur le revenu. L'imposition sur les plus-values doit se rapprocher du barème général. (Applaudissements sur les bancs UCR)
M. François Patriat. - Ce débat devrait être placé sous le signe du courage et de la lucidité : deux vertus qui ont manqué au Gouvernement ces dernières années.
Avec une hypothèse de croissance inférieure à 1 %, quelles sont nos marges ? Le Gouvernement lui-même a aggravé la dépense publique. L'évolution du taux des prélèvements obligatoires reflète ses choix. Les dépenses d'investissements et les dépenses structurelles qui financent les services publics stagnent. Les prélèvements obligatoires vont atteindre un niveau historique : vous rêviez que la gauche le fasse, c'est la droite qui le fait. Vous n'avez pas eu la volonté politique de proposer une réforme fiscale juste pour dégager les marges nécessaires. Nous demanderons des efforts aux Français après avoir mené une réforme générale de la fiscalité en la rendant juste par l'égalité de traitement du travail et du capital.
La crise a bon dos ! Votre politique a été parfaitement incohérente, à contre-cycle, conséquence de votre entêtement dogmatique. Les agences de notation ne s'y sont pas trompées, non plus que sur l'insincérité budgétaire chronique.
Vous n'aurez pas été le Gouvernement du pouvoir d'achat et l'augmentation de la TVA le fera encore baisser. Vous n'avez aidé les entreprises ni à investir ni à améliorer leur compétitivité.
Le déficit de notre commerce extérieur doit atteindre 75 milliards d'euros. Pour sauver les apparences, vous avez multiplié les mesures parcellaires, incompréhensibles, injustes. La taxation des hauts revenus ne rapportera que 400 milliards, après la réforme de l'ISF !
Le compte n'y est pas. La crise vous fait abandonner certaines certitudes mais vous n'avez pas compris la nécessité de préserver les recettes publiques. Nous proposerons aux Français une autre fiscalité, plus juste, qui sera le socle du changement. (Applaudissements à gauche et sur le banc de la commission)
M. François Fortassin. - Compte tenu de l'heure, j'oublierai mes notes et me contenterai de quelques réflexions de Français moyen. Le pacte de confiance est rompu et les gesticulations verbales de nos ministres n'y changeront rien. Les Français ont le sentiment que l'équité a disparu. Depuis quinze ans, l'éventail des revenus n'a cessé de s'élargir. Mme la ministre ne semble pas l'avoir compris.
L'opinion ne comprend plus cette gestion technocratique. Avec la réforme de l'ISF, le Gouvernement s'est tiré une balle dans le pied ! Il est tombé dans les gadgets : parcs à thème, boissons sucrées... Mais les subventions aux collectivités sont mesurées chichement, d'où la réduction des investissements et la baisse de la croissance.
Quant aux services publics, c'est dans les zones les plus démunies qu'ils sont les plus nécessaires : songez aux déserts médicaux !
La règle d'or enfin... À quelques encablures de l'élection présidentielle, cela sentait l'arnaque ! Plutôt qu'une hypothétique règle d'or pour assurer un budget équilibré, il faut une volonté politique.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Et oui !
M. François Fortassin. - L'immense majorité du groupe du RDSE ne votera pas le projet de budget du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - N'anticipez pas : vous aurez peut-être une révélation ! (Sourires)
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Ce débat a montré nos différences de philosophie sur les causes du déficit : je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes qui montre que le déficit est dû pour un tiers à la crise, pour les deux tiers à trente ans de laxisme budgétaire. Ne soyez pas simplistes en accusant Nicolas Sarkozy : vous ne serez pas crédibles. La dette n'est pas une spécificité française !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - La dette sociale, si.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Mme Bricq considère que la hausse des dépenses est inévitable et qu'il faut donc augmenter les impôts. Nous préférons la « toise » budgétaire. Vous semblez nostalgiques de l'époque où l'Ondam, voté à 3 %, était réalisé à 5,5 %, contre la volonté du législateur ! En respectant l'Ondam, le Gouvernement évitera un déficit de 11 milliards d'euros, sans baisser une seule prestation sociale. L'AAH et le minimum vieillesse ont augmenté de 25 % et nous avons créé le RSA.
Le courage et la lucidité ? Vous parlez à la ministre qui a fait la réforme de l'université, que vous n'avez pas votée et que vous ne remettrez pas en cause. Le courage et la lucidité ne sont pas du côté d'un parti qui, entre 1997 et 2002, a renoncé à réformer les retraites pour ne pas fâcher son électorat ! J'admets tout mais pas ça !
Quant à l'exemple allemand, ce sont les subventions versées par l'État fédéral qui permettent l'équilibre des caisses.
Sur la règle d'or, votre position est incompréhensible.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Votre règle ne règle rien !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - La voter rassurerait les acteurs économiques et nos partenaires. Ce n'est pas à Nicolas Sarkozy que vous la refusez mais à tous les Français. Vous en porterez la responsabilité.
M. François Marc. - Qui a creusé le déficit ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Madame David, citez le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires en entier : il reconnaît que notre système fiscalo-social est devenu plus progressif entre 1990 et 2009.
Et depuis cette dernière date nous avons rapproché l'imposition des revenus du travail et du patrimoine. (On le conteste vivement à gauche) C'est pour taxer les deux que nous avons choisi une contribution de solidarité plutôt qu'une nouvelle tranche de l'impôt sur le revenu.
Oui, madame la rapporteure générale, le Gouvernement estime qu'il faut modifier la structure des charges fiscales en fonction de la conjoncture économique. C'est aussi l'équité qui nous guide : une politique équitable ne détruit pas la croissance ni l'emploi par un choc fiscal.
La politique de compétitivité est nécessaire, Madame Beaufils. M. Arthuis a ouvert un débat sur le transfert du financement de la protection sociale pour faire baisser le coût du travail. L'Allemagne a conduit cette politique depuis dix ans.
À une hausse générale de la fiscalité, nous préférons des prélèvements ciblés, plus justes et plus efficaces.
Enfin, le désendettement de la France passe avant tout par la maîtrise des dépenses : c'est là notre divergence fondamentale. (Applaudissements à droite)