Jurys populaires (CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.
Discussion générale
M. Jean-Jacques Hyest, en remplacement de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat de la CMP. - Le 29 juin, la CMP a adopté un texte proche de celui que nous avions retenu.
Saisi en première lecture, le Sénat, tout en souscrivant à l'objectif du texte, en avait modifié plusieurs dispositions : en simplifiant le système de sélection des citoyens assesseurs ; en modifiant le périmètre de compétence du tribunal correctionnel en formation citoyenne ; en réduisant le délai de présentation en comparution immédiate afin de limiter toute prolongation excessive de la détention provisoire. S'agissant du volet relatif à la cour d'assises, il a préservé la prééminence des jurys par rapport aux magistrats, retenu l'obligation de motivation de tous les arrêts en en précisant les modalités, étendu l'exigence d'évaluation dans les cas de libération conditionnelle.
Conscient de l'exigence d'enrayer la délinquance des mineurs, le Sénat a retenu sur ce point plusieurs modifications que l'Assemblée nationale a, pour l'essentiel, acceptées -renforcement de la confidentialité du dossier de personnalité, présidence du tribunal correctionnel des mineurs par le juge des enfants...
Les députés ont renforcé les critères requis pour exercer les fonctions de citoyen assesseur. Ils ont porté de huit à dix jours la durée pendant laquelle ils seront appelés à siéger. Ils ont interdit que cette fonction soit accessible à toute personne ayant été condamnée pour crime ou délit figurant au casier judiciaire. Ils ont assoupli les conditions de rédaction de la motivation en cour d'assises, en prévoyant la possibilité d'un différé de trois jours.
Les discussions ont été très animées sur la cour d'assises simplifiée, que le Gouvernement a fait supprimer en séance publique comme il a heureusement fait supprimer le droit, pour les parties civiles, d'interjeter appel en cas d'acquittement.
M. Robert Badinter. - Cela aurait été censuré.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Sans doute. L'Assemblée nationale a ouvert la possibilité d'une césure de la procédure pour les mineurs délinquants. Les députés ont en outre introduit une disposition de la proposition de loi Baroin-Lang qui prévoit, dans certaines conditions, la publicité des audiences de la cour d'assises des mineurs lorsque l'accusé est devenu majeur le jour de l'ouverture des débats ; inspiré de l'affaire dite du « gang des barbares », cette disposition avait été adoptée par l'Assemblée nationale mais jamais inscrite à notre ordre du jour.
En matière de justice des mineurs, l'Assemblée nationale a précisé les dispositions relatives au dossier de personnalité ou à la convocation par OPJ.
Dès lors que le risque d'un désaccord majeur sur la cour d'assises était levé, il ne restait plus que trois points de divergence. La CMP a accepté que la compétence du tribunal correctionnel citoyen soit étendue, comme le souhaitait le Sénat, aux délits environnementaux ; elle a accepté le différé de trois jours pour rédiger la motivation et retenu la rédaction du Sénat pour le reste ; sur la publicité des audiences en cour d'assises pour mineurs lorsque celle-ci juge un mineur devenu majeur, elle a accepté un amendement de compromis de M. Lecerf. Il n'y a pas lieu que la partie civile devienne maîtresse du procès. Ce n'est pas la vengeance qui doit inspirer la procédure pénale !
M. Lecerf a insisté sur l'intérêt qu'avait une évaluation pluridisciplinaire pour éviter les récidives. L'ouverture d'un deuxième centre d'évaluation, en Seine-et-Marne, devrait répondre à nos préoccupations ; deux autres projets sont en cours. Sans doute M. le garde des sceaux nous en dira-t-il davantage...
Les directeurs des Services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip) pourront accéder au bulletin n°1 du casier judiciaire.
Telles sont les conclusions de la CMP que je vous demande d'adopter. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. - Nous voici donc au terme de la navette sur ce texte qui marque une nouvelle étape de la volonté du Gouvernement de définir une justice pénale plus proche, plus ouverte et plus réactive. La participation des citoyens sera accrue. Le fonctionnement des assises sera amélioré -sera-ce assez pour interrompre la tendance à la correctionnalisation ?
Je remercie vivement la commission des lois du Sénat pour son travail approfondi, dont l'Assemblée nationale a retenu -pour l'essentiel- les conclusions.
Participant à l'acte de juger, les citoyens seront confrontés à la difficulté de rendre la justice. Ils percevront mieux ce qu'est la tâche des magistrats. Je crois aux vertus pédagogiques de ce texte. La CMP a rétabli les délits environnementaux dans le champ des compétences du nouveau tribunal correctionnel citoyen.
Le délai proposé en matière de comparution immédiate n'était guère... immédiat. Vous l'avez ramené à huit jours.
On évalue à 70 % les crimes qui ne sont pas jugés comme tels. Nous devons mettre un terme à ce phénomène de correctionnalisation. La Cour d'assises simplifiée n'a pas été retenue par le Sénat ; l'Assemblée nationale s'est rangée à l'avis de celui-ci s'agissant du nombre de jurés en première instance et en appel.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La cour simplifiée ressemblait tellement à la cour correctionnelle...
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Le texte assouplit les conditions du placement sous surveillance électronique mobile en cas de libération conditionnelle et de suivi socio-judiciaire. Il améliore le suivi des condamnés par les Spip, dont les directeurs auront accès au bulletin n°1 du casier judiciaire.
Les décisions de libération conditionnelle sont mieux encadrées. Un centre d'évaluation, remarquable, existe à Fresnes. Nous en créons un nouveau à Réau, en Seine-et-Marne ; un troisième sera créé dans une l'ancienne prison de Lille.
Le projet de code de justice des mineurs est quasiment achevé à ce jour mais la fin toute proche de la législature en rend l'adoption impossible à court terme ; la situation préoccupante de la délinquance des mineurs justifiait cependant de prendre dès à présent quelques-unes de ses dispositions. Nous avons veillé à ce que la réforme respecte les principes constitutionnels de la justice des mineurs, tels qu'ils ont été formulés par le Conseil constitutionnel.
Je me félicite que la CMP se soit accordée sur la possibilité de césure, ainsi que sur la levée du huis clos pour les mineurs devenus majeurs. Ce n'est pas à la partie civile de le demander. Ce n'est pas à elle de diriger la procédure pénale : c'est l'État qui la mène !
En quatre ans, nous avons rénové la justice ; le texte issu de la CMP va encore plus loin en associant davantage encore les citoyens à la justice. (Applaudissements à droite)
M. Jacques Mézard. - Session extraordinaire, procédure accélérée. Un citoyen raisonnable pourrait penser que le fonctionnement catastrophique de notre justice imposait le vote d'un texte fondateur qui redonne confiance aux professionnels comme aux justiciables. Une fois encore, le bon sens et la raison ne sont pas au rendez-vous. Ne reste qu'un texte d'affichage à visée électorale...
Grâce au Sénat, nous avons échappé à quelques dispositions détestables. Mais qui peut être dupe du discours fallacieux sur le prétendu rapprochement des citoyens avec la justice ? Balivernes que tout cela ! Les citoyens ne demandent pas à rendre la justice mais qu'on la leur rende.
Tout le monde connaît les maux dont souffre notre justice, et d'abord le manque criant de personnel et de moyens.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Une nouvelle présidente à Aurillac, tout de même !
M. Jacques Mézard. - On continue de plus à accumuler les réformes purement sécuritaires sans se donner les moyens de les appliquer et au risque de l'insécurité juridique. Enfin, la question fondamentale du statut du parquet n'est toujours pas tranchée. Attendez-vous que cela vous soit imposé par le Conseil constitutionnel ou la Cour de Strasbourg, comme pour la garde à vue ou la psychiatrie, pour nous faire voter à la va vite un texte mal préparé ?
Les magistrats ont été sévèrement critiqués par de hauts personnages de l'État. Ce n'est pas ainsi que leur autorité sera renforcée. Sont-ils si peu compétents qu'il faille les faire assister par des citoyens assesseurs ? TF 1 et tel quotidien du matin sont-ils les inspirateurs de votre politique pénale ? L'impact médiatique seul compte ; est-ce pour cela que les infractions économiques et financières sont exclues du champ de compétence du « tribunal correctionnel citoyen » ?
Depuis trois ans, le Gouvernement répète que la justice est trop lente. Avec la création des citoyens assesseurs, que personne ne demandait, vous reconnaissez vous-même qu'elle sera rendue plus lente encore. Qu'auriez-vous dit devant une telle réforme venant d'une autre majorité ?
Je remercie M. Lecerf, M. Hyest et vous-même, monsieur le ministre, grâce à qui nous avons évité que l'Assemblée nationale n'aggrave encore les choses. Certains donneurs de leçons parmi les députés, niçois par exemple, ne sont pas bien placés pour le faire...
La politique du Gouvernement donne le tournis. On supprime les avoués, que l'on devait retrouver en masse dans les cours, selon Mme Dati. Verba volant... On crée la justice de proximité et l'on ferme, dans la foulée, des tribunaux d'instance. Puis on supprime les juridictions de proximité, puis on transforme les juges de proximité en supplétifs des tribunaux correctionnels, puis on les remplace par des citoyens assesseurs. Pendant ce temps, on en rajoute dans les textes sécuritaires. Ce n'est plus une politique, c'est un labyrinthe dans lequel s'abritent les démons démagogiques.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire connaître une bonne fois votre objectif : aggraver les peines ? Vous m'avez répondu par la négative. Ce qui contredit le propos présidentiel. J'invoque l'étude d'impact ; vous me répondez, avec l'humour que l'on vous connaît, que je n'aurais pas dû la lire... (sourires) mais il y est écrit qu'il faut « éviter l'érosion des peines »...
Le problème des infractions connexes n'est pas résolu. Le Conseil constitutionnel rappelait déjà, à propos de la loi du 23 juillet 1975, que le principe d'égalité interdisait que, pour les mêmes infractions, des citoyens placés dans des conditions semblables fussent jugés par des juridictions composées différemment. Cela va contre votre expérimentation dans deux cours d'appel.
Comment ne pas dire, enfin, un mot de la disparition de la spécialisation de la justice des mineurs, unanimement critiquée par les professionnels ? Vous mettez à l'écart les juges pour enfants, sans souci de la censure de la Loppsi 2 par le Conseil constitutionnel. Et je ne parle pas de la saisine directe par le procureur.
Ce projet de loi est un texte de défiance à l'égard des magistrats. Cette justice plus lente et plus coûteuse est-elle celle qui doit être rendue au nom du peuple français ? Nous ne le croyons pas. Dans sa très grande majorité, le groupe du RDSE votera contre. (Applaudissements à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - L'immense majorité des professionnels de la justice, dans leur diversité, ont vivement critiqué votre texte. Mais vous persistez et vous nous imposez votre réforme dans un temps record.
M. Lecerf a tenté de limiter la portée régressive de certaines dispositions. L'Assemblée nationale a voulu les aggraver encore. Heureusement, elle n'a pu aller jusqu'au bout. Ses excès correspondent à l'instrumentalisation constante de la souffrance des victimes dans la politique de la peur conduite depuis 2002.
Le texte issu de la CMP intègre certaines des aggravations de l'Assemblée nationale. Rapprocher les citoyens de la justice, dites-vous ? Vous réduisez leur nombre dans les jurys de cour d'assises. Les magistrats seraient trop laxistes ; il faut leur adjoindre des citoyens, censés être plus sévères.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - J'ai dit le contraire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mais ils ne seront pas aptes à juger les délits financiers et les faits de corruption... Comment ces citoyens assesseurs pourront-ils exercer leurs missions, quelques jours par an, à peine formés à la complexité du droit ? Il faut en attendre ralentissement et coût supplémentaire, tandis que les moyens continuent cruellement de manquer. Nous sommes favorables à l'association des citoyens à la justice, mais selon des procédures inspirées de l'échevinage, qui ont fait leurs preuves.
Vos assesseurs alibis dans le ressort de deux cours d'appel ne seront peut-être là que le temps d'une expérimentation -après laquelle on appellera compulsivement à de nouvelles lois sécuritaires ! Et votre respect des jurys populaires a des limites, puisque vous réduisez le nombre de jurés en assises. Vous acceptez que la motivation des arrêts des cours d'assises ne soit écrite que trois jours après, ce qui laisse perplexe.
Sur la justice des mineurs, vous inversez les valeurs de 1945 : le primat de l'éducatif s'efface au profit du répressif. Le dossier unique de personnalité va être transformé en outil de repérage. Vous imaginez une sorte de prédisposition à la délinquance et vous vous en prenez une fois encore au juge pour enfants, tout en donnant au procureur des pouvoirs accrus, malgré la censure du Conseil constitutionnel. Sanctionner, toujours sanctionner, comme fait M. Chatel, au lieu de stopper la suppression de postes... Et un certain député des Alpes-Maritimes, connu pour ses positions ultrasécuritaires, fait diffuser une interview mensongère sur TF1 -la mère de famille éplorée qu'on y voit est en réalité son attachée de presse. Le contrat de responsabilité parentale est-il si inefficace qu'il faille une telle mise en scène pour convaincre ?
Vous -vous n'êtes pas le principal visé, monsieur le garde des sceaux- procédez par affirmations péremptoires et douteuses. Le ministre de l'intérieur prétend que deux tiers des enfants d'immigrés seraient en échec scolaire -ils ne sont en réalité que 16 %. C'est une contrevérité. Va-t-il pour autant prier qu'on l'en excuse ? Non, le mensonge est devenu une méthode du Gouvernement. Le Président de la République a revêtu ses habits de campagne.
Vos textes sécuritaires successifs échouent à empêcher une aggravation de la délinquance violente -vous dites vous-même qu'elle augmente. Et pendant ce temps, vous laissez les jeunes les plus fragiles sur le bord de la route ou vous les enfermez -ce qui ne produira que leur propre enfermement dans la délinquance. Écoutez les professionnels ! Donnez des moyens aux Spip ! Il y manque 1 000 postes ! Ce texte n'est pas acceptable. (Applaudissements à gauche)
M. Robert Badinter. - Je profite de notre atmosphère confidentielle pour formuler quelques observations...
La création de cette extraordinaire juridiction mixte est détestable ; ce qui me console, c'est qu'elle ne verra jamais le jour. Pour cette raison simple que personne n'en veut. Il est absurde de créer dans le champ correctionnel deux ordres de juridiction. « Tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne » : on se croirait revenu au temps de la Convention. A quand un « citoyen président » et un « citoyen procureur » ? Pourquoi un tribunal « en formation citoyenne » ? Les magistrats ne sont pas des citoyens ? Il vous fallait une spécificité qui n'existera jamais. Ce qui existera, en revanche, ce sont les conflits de compétences que vous allez créer. Les citoyens assesseurs seront astreints à une formation initiale -donnée par qui ? Par les magistrats, qui sont déjà écrasés de besogne... Et l'accès problématique au dossier de l'enquête préliminaire... Et l'allongement des procédures -les audiences sont déjà si lourdes, si longues, si pénibles pour tous. Et le questionnement par les assesseurs...
Les procédures prévues augmenteront la durée de ces audiences. On multipliera les questions, on allongera le temps de délibération : tout cela alourdira la procédure. Conséquence : il faudra inévitablement allonger la détention provisoire des prévenus ! Vous compliquez la tâche des magistrats : et pour quelle valeur ajoutée ? Combien de Français seront concernés ? Ils ne demandent pas à rendre la justice ! Vous découragez la magistrature sans améliorer la justice. Les magistrats vous demanderont d'abandonner cette innovation, qui traduit en réalité une défiance secrète -ou affirmée- à leur encontre.
L'atteinte portée à la justice des mineurs ? On est loin de la refonte complète de l'ordonnance de 1945 et du nouveau code pénal de la justice des mineurs que vous annonciez à son de trompe : où donc est passée cette grandiose entreprise ? Vous ne nous en soumettez qu'un volet, qui procède d'une méconnaissance absolue de la nature de la justice des mineurs. Je me penche en ce moment sur le respect par tous les États de l'Union européenne des principes formulés par les conventions internationales. Me voici contraint de vous le rappeler ici, à vous-même : les mineurs ne sont pas des majeurs en réduction mais des êtres en devenir ; ce ne sont pas les infantes que Velasquez peut habiller en reines. Il faut une justice qui prenne en compte cette spécificité. L'éducatif doit toujours primer sur le répressif.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - C'est le cas.
M. Robert Badinter. - Il faut aussi que les juridictions pour mineurs soient spécialisées, avec des magistrats spécialisés. On ne peut réformer sans avoir l'oeil fixé sur ces deux principes. Ce n'est pas votre cas. (M. le ministre le conteste)
Ce texte est fondé sur une obsession dérisoire : les jeunes d'aujourd'hui ne seraient plus ceux de 1945. J'en suis le témoin, j'avais 17 ans à ce moment. Rarement une génération est venue à l'âge d'homme plus dure et dangereuse que celle-là ! Beaucoup de ces adolescents n'ont pas connu leur père, ont grandi sans système de valeur, ont vu se succéder les gouvernements de collaboration, l'argent roi du marché noir, les trafics dans les cours de lycée... Si, en 1945, les hommes et femmes issus de la Résistance du général du Gaulle ont voulu se consacrer de toute urgence à cette mission, c'est qu'ils avaient conscience que, dans cette jeunesse, se jouait l'avenir du pays ! Cette génération n'a pas connu que des succès, notamment avec la décolonisation, mais a reconstruit la France et lui a redonné un esprit nouveau ; on lui doit cette oeuvre immense : la construction européenne !
Les auteurs de l'ordonnance de 1945 ont voulu soigner les bacilles sociaux dont pouvait être victime la jeunesse par un texte spécifique, qui donne la priorité à l'éducatif.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Il faudrait la relire de temps en temps !
M. Robert Badinter. - Aujourd'hui, une autre jeunesse, plus dangereuse ? La dangerosité ne se mesure pas à la taille des biceps ! Vous avez, dans ce texte, une double erreur conceptuelle : la première, c'est de croire que la menace de sanctions toujours plus dures aura un effet dissuasif.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Ce sont les mêmes ! On ne change pas l'échelle des sanctions !
M. Robert Badinter. - La seconde erreur, plus grave, c'est de remplacer les magistrats spécialisés par des citoyens assesseurs. Vous plaquez des éléments de spécialisation sur une juridiction par nature pour adultes !
La césure ? La réponse, c'est la comparution devant le juge ! Cette rigidification ne servira à rien. Vous avez entendu les protestations des magistrats, le tollé au sein des institutions internationales de défense des droits de l'homme.
Je pose la question : pourquoi ? Pourquoi ce texte ? Les jeunes de 16 à 18 ans, toujours plus dangereux ? C'est un thème cher au président de la République. Les jeunes qui ont 18 ans aujourd'hui en avaient 9 quand celui-ci était le puissant ministre de l'intérieur que l'on sait... On a parlé d'une « génération Mitterrand », voici une génération tout entière qui n'aura connu que M. Sarkozy. C'est celle-là qui fait preuve d'une violence accrue. C'est triste à dire... Et encore plus triste de constater que vous persévérez dans l'erreur. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Magras. - « La justice est rendue au nom du peuple français ; désormais, elle sera rendue aussi par le peuple français » a annoncé le président de la République. Le groupe UMP se réjouit de cette justice plus proche du citoyen, plus rapide, qui nourrira l'esprit civique de chacun. C'est une marque de démocratisation face à l'incompréhension croissante des citoyens devant leur justice. Nul doute que ceux-ci seront de bons juges, comme ils le sont déjà en matière criminelle.
Les modalités de désignation des citoyens assesseurs nous conviennent. Il faudra des moyens et des postes supplémentaires : le Gouvernement s'y est engagé, nous lui faisons confiance.
L'introduction de jurés accroîtra la confiance dans la justice.
M. Lecerf est revenu sur la spécialisation autour de délinquants « marqués » sociologiquement, en étendant le champ des délits et infractions concernés. Nous nous réjouissons que la CMP l'ait suivi.
Le débat sur la cour d'assises a été animé. Le dispositif retenu est équilibré.
Le jury de jugement sera rénové, en évitant tout risque constitutionnel. Le rapport oral du président, la motivation de tous les arrêts sont bienvenus.
La justice des mineurs doit être rapide et adaptée : nous ne pouvons que souscrire au volontarisme du Gouvernement en la matière. La délinquance des mineurs s'aggrave : il faut s'y adapter, dans le respect des principes de l'ordonnance de 1945.
La création d'un tribunal correctionnel pour mineurs réduira sans nul doute la récidive.
Je salue M. Lecerf et le président Hyest pour leur travail. Le groupe UMP votera ce texte ambitieux. (Applaudissements à droite)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Merci à M. Magras pour ce soutien.
Je suis surpris par la peur du peuple qui semble animer l'opposition.
M. Jean-Pierre Sueur. - Quelle démagogie !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Un journal du soir disait : pas de citoyens « ordinaires » dans les tribunaux... Pourquoi avoir peur d'eux ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous n'avez pas les moyens de financer la réforme ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - M'avez-vous jamais entendu critiquer les magistrats professionnels ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Heureusement !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Arrêtons cet amalgame.
Pour les mineurs, il faudrait des citoyens assesseurs, mais pas les mêmes ? Je m'étonne que personne n'ait dit un mot de la cour d'assises pour mineurs -présidée par le président de la cour d'assises normale. Pourquoi ne l'avez-vous pas réformée quand vous pouviez le faire ? L'anti-sarkozysme n'est pas une politique ! (Exclamations à gauche)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Mais c'est une réalité ! (Sourires)
La discussion générale est close.
Vote sur le texte élaboré par la CMP
Article 5
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 6
Remplacer la référence :
486-4
par la référence :
486-5
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Amendement de coordination.
L'amendement n°1, accepté par la commission, est adopté.
M. le président. - Le Sénat va se prononcer sur l'ensemble du texte assorti de l'amendement n°1.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public par les groupes UMP et socialiste. Pour l'information du Sénat, je signale que mandat a été donné par les non-inscrits et l'Union centriste à l'UMP.
M. Jean-Pierre Sueur. - Les non-inscrits et le groupe centriste ont donné mandat : il faut en conclure qu'aucun représentant de ces groupes n'est présent... cela mérite réflexion. Manifestement, certains groupes ont fait preuve d'une ferveur toute particulière pour venir soutenir, monsieur le garde des sceaux !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Pour défendre le MRP, toujours !
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous avez été bien succinct, et quelque peu politicien, monsieur le ministre.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Vous, vous ne l'êtes jamais !
M. Jean-Pierre Sueur. - Le sujet, ce n'est pas l'anti-sarkosysme. Vous remettez en cause, sur le fond, la justice des mineurs : c'est très grave. (M. le ministre proteste) Vous mettez en cause le fruit de la pensée de la Résistance, celle du général de Gaulle.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Et de François de Menthon !
M. Jean-Pierre Sueur. - Cela ne peut se passer dans le silence et l'indifférence.
Quelle démagogie que de dire que nous serions opposés à la présence de citoyens dans les juridictions. Mais vous savez qu'il n'y aura pas les moyens de les rémunérer, de les former !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - C'est faux !
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous savez que tout cela n'est qu'opération de communication, pour tenter de faire croire que l'on mettrait fin au prétendu laxisme des magistrats !
J'attends toujours votre réponse, monsieur le ministre, à une lettre de sept pages que je vous ai adressée. Le tribunal correctionnel de mon département ne peut plus payer les frais de justice !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - L'un des deux ! J'ai visité l'autre.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cette opération de communication ne convaincra que ceux qui voudront bien vous croire.
A la demande des groupes UMP et socialiste, les conclusions de la CMP, modifiée par l'amendement n°1, sont mises aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 172 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.