Modernisation du congé maternité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l'égalité salariale et sur les conditions d'exercice de la parentalité.

Discussion générale

Mme Claire-Lise Campion, auteur et rapporteur de la proposition de loi.  - Cette proposition de loi est le fruit d'un constat et d'un contexte. Malgré la politique familiale menée depuis les années 90, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle reste difficile. Les mères continuent d'assumer la majeure partie des tâches domestiques.

Le contexte est européen : Le 3 octobre 2008, la Commission européenne a transmis au Conseil et au Parlement européens une proposition de directive relative à la santé au travail des femmes enceintes ou ayant accouché. Ce texte, qui est une refonte de la directive fondatrice de 1992, contient deux mesures phares : l'allongement de la durée minimale européenne du congé de maternité, qui passerait de quatorze à dix-huit semaines, et la garantie d'une indemnisation à 100 % du salaire mensuel moyen, dans la limite d'un plafond déterminé par chaque État membre.

Notre assemblée a adapté une proposition de résolution. Le 20 octobre, le Parlement européen a proposé de porter le congé maternité à vingt semaines, intégralement payé.

La France est ouverte à l'idée de porter le congé maternité de quatorze à dix-huit semaines, mais pas au-delà ; elle considère que la rémunération à 100 % du salaire n'est acceptable que si les États membres peuvent définir un plafond d'indemnisation.

Notre proposition de loi a pour but de moderniser le congé maternité, de renforcer la protection juridique des femmes enceintes et d'adapter le congé paternité. Le congé de maternité permet aux femmes de nouer des liens privilégiés avec leur enfant. De plus, la femme doit retrouver son équilibre physique et psychologique. Le congé maternité est de seize semaines pour les deux premiers enfants et de vingt-six semaines à partir du troisième enfant.

Ces seize semaines ne permettent pas d'assurer une transition satisfaisante entre l'accueil de l'enfant et la reprise de l'activité professionnelle. La durée moyenne des congés réellement pris s'élève à 150 jours, soit un mois et une semaine de plus que le congé légal. Les 35 jours supplémentaires correspondent aux congés pathologiques -prescrits dans 70 % des cas- et aux vacances.

La période de rétablissement de la mère dépasse donc la durée du congé maternité.

En outre, les conditions de travail se détériorent depuis quelques années. La France n'est pas très généreuse en matière de congé maternité. Un congé de plus longue durée permettrait aux femmes de se remettre de l'accouchement et d'organiser la nouvelle structure familiale avant le retour à l'emploi. L'article premier propose de porter la durée du congé à vingt semaines, soit quatre semaines de plus. La salariée a droit à des indemnités journalières pendant son congé qui ne correspondent pas à un maintien du salaire. La maternité est ainsi une sanction financière, ce qui n'est pas acceptable. Un congé maternité ne sera protecteur que si le salaire est intégralement maintenu.

J'en arrive au renforcement juridique de la protection des femmes enceintes ou ayant accouché. Certaines conventions collectives prévoient d'aménager les horaires et le rythme de travail, mais ce n'est pas la règle. Nous prévoyons donc d'améliorer la protection des femmes à l'article 3.

J'en arrive à l'extension de ces droits aux femmes exerçant une activité indépendante. Celles-ci ne peuvent s'arrêter longtemps car leur activité en pâtirait. Les affiliées du régime social des indépendantes ne perçoivent l'indemnité journalière que pendant 74 jours ! L'article 5 pose le principe d'une égalité des droits entre les femmes.

Dernier point : la création d'un congé d'accueil de l'enfant. Le congé paternité, créé en 2002, est une grande avancée. Deux pères sur trois prennent ce congé de onze jours consécutifs. Mais le modèle familial traditionnel ne constitue plus le seul mode d'organisation familial. Pour adapter la législation à l'évolution sociétale, l'article 6 étend le bénéfice d'un congé de quatorze jours consécutifs au conjoint, concubin ou partenaire de la mère, qui ne serait pas le père biologique de l'enfant. Les conditions d'attribution des congés sont loin d'être la règle : l'assurance maladie exige 200 jours de travail consécutifs pour verser ces indemnités.

Une politique familiale volontariste et ambitieuse est indispensable : les familles doivent pouvoir faire garder leurs enfants dans des conditions acceptables.

La commission n'a pas adopté notre proposition de loi mais les échanges ont été fructueux. Il serait utile d'adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.  - Je remercie Mme Campion pour son initiative. En charge de la famille et des droits des femmes, je me réjouis que ces questions soient abordées.

Je souscris à votre constat initial. Les droits des femmes doivent encore progresser pour une société plus juste, plus humaine. (M. Ronan Kerdraon approuve) Pourtant, je conteste certaines de vos propositions. Il faut évaluer les intérêts en jeu, avec en mire l'intérêt général.

La négociation collective est donc indispensable avant toute loi. Un congé maternité plus long et mieux indemnisé ? L'état des finances publiques ne le permet malheureusement pas : pour deux semaines supplémentaires, il en coûterait 170 millions à la sécurité sociale. Si le plafond était supprimé, il en coûterait plus d'un milliard : c'est inenvisageable. Une telle mesure pourrait constituer, dans certains cas, un frein à l'embauche ou à la progression de carrière des femmes.

Il ne faut pas que les femmes soient ramenées chez elles !

Une expertise approfondie est donc nécessaire. En Suède, pays qui bénéficie d'une législation très protectrice, après un an de congé maternité, les mères intègrent en réalité, dans la plupart des cas, le service public.

Il faut d'abord approfondir la négociation collective, autour de la préservation de la santé des femmes et de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. L'allongement du congé maternité risquerait d'aboutir à des résultats négatifs pour les femmes sur le plan professionnel.

Mme Annie David.  - Il faut se battre contre ça !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Vous voulez protéger juridiquement les femmes : mais cela relève de la négociation collective. Certaines conventions prévoient d'adapter le rythme et les horaires des femmes mais ce n'est pas le cas dans tous les secteurs. Les esprits doivent donc évoluer. Explorons les options et négocions avec les partenaires sociaux. Enfin, il faut évaluer les conséquences de ces mesures sur le marché du travail.

J'en viens aux femmes exerçant en métier libéral ou indépendant : là encore, la négociation est un préalable. Le congé maternité, c'est la garantie de retrouver son emploi et cette garantie ne peut être apportée aux femmes exerçant en libéral.

De nombreux aspects de cette proposition de loi doivent donc être encore étudiés. La politique familiale de notre pays ne peut se résumer au seul congé maternité. Nous consacrons 5,1 % de PIB à cette politique, soit le double de nos voisins. L'avenir de notre pays se joue sur le renouvellement des générations.

Les femmes qui souhaitent rejoindre le travail rapidement après leur accouchement doivent aussi pouvoir le faire. Les cas particuliers doivent être examinés, notamment en cas de naissance d'enfant handicapé. Enfin, le coût de ces mesures sur les finances publiques ne doit pas être passé sous silence. Une approche globale sur cette question est nécessaire : la place des femmes sur le marché du travail et l'accueil de la petite enfance doivent être pris en compte.

Cette proposition de loi ouvre un important dossier dont je partage la philosophie. Si je ne peux accepter ce texte aujourd'hui, j'estime que nous devons travailler en ce sens et je remercie Mme Campion pour son travail. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Vies familiale et professionnelle doivent être conciliables. Nous devons apporter des solutions appropriées aux femmes, mais cette proposition de loi n'y parvient pas.

Prolonger le congé maternité de quatre semaines ? Cela risquerait de pénaliser les femmes dans leur emploi et de constituer un frein à l'embauche. Les femmes ont plus de mal à accéder aux emplois importants, elles sont frappées par le chômage. Faut-il en rajouter ?

Les femmes préfèrent un congé plus court mais mieux rémunéré. Récemment, le Gouvernement a étendu le congé maternité aux femmes exerçant dans le secteur libéral.

La France bénéficie d'un dynamisme démographique important. La politique familiale est très bien dotée et des places de crèches seront créées d'ici 2012. L'action publique doit se concentrer sur ce domaine.

Enfin, cette proposition de loi coûterait cher. Les résultats seront là si les entreprises sont associées à cette politique. Dans le cas contraire, les femmes en seraient les principales victimes. (Applaudissements à droite ; exclamations sur les bancs CRC)

Mme Roselle Cros.  - Cette proposition de loi aborde un sujet qui nous concerne tous et nul ne saurait remettre en cause la nécessité d'aménager le congé maternité au monde du travail.

Le 15 juin 2009, notre résolution portait sur ce thème. Les institutions européennes veulent mieux protéger les femmes enceintes, elles ont proposé une directive en la matière.

Aucun texte définitif n'a été à ce jour adopté. Le texte européen mérite pourtant toute notre attention.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Très bien !

Mme Roselle Cros.  - Le congé maternité est un outil en faveur de la politique familiale, tout comme les modes de garde de la petite enfance.

L'allongement du congé de quatre semaines ? La France n'est pas généreuse en ce domaine mais cet allongement poserait des problèmes financiers.

Comment réinsérer les femmes dans leur emploi après une si longue coupure ? C'est particulièrement vrai pour les femmes qui exercent des responsabilités ou qui travaillent en indépendantes.

Nous sommes favorables au rallongement du congé de deux semaines, position conforme à celle que la France a exprimée au Conseil.

En outre, il serait prématuré de se prononcer sur toutes les autres mesures alors que le Conseil ne s'est pas encore mis d'accord.

Le congé maternité ne peut être financé intégralement : il en coûterait un milliard d'euros à nos finances publiques !

L'indemnisation à 100 % est envisageable mais dans la limite d'un plafond défini par chaque État.

À créer des droits sans tenir compte des contraintes professionnelles, on finit par créer des inégalités. (M. Yvon Collin approuve) Tel serait le cas, par exemple, dans le monde agricole que je connais bien.

Enfin, la proposition de loi étend les droits aux conjoints ou maris, mais le dispositif est trop flou.

Le groupe de l'UC salue cette proposition de loi, mais estime qu'elle ne peut pas être adoptée en l'état aujourd'hui. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Françoise Laborde.  - Cette proposition de loi pourrait marquer une grande avancée pour les femmes. La législation européenne veut instaurer un droit plus protecteur pour les femmes enceintes et ayant eu un enfant. Un congé plus long et mieux indemnisé, une implication renforcée des pères : je félicite Mme Campion pour son texte.

Cette évolution suscite pourtant des inquiétudes : comment garantir la protection des femmes, comment financer les mesures proposées ?

L'Union européenne est confrontée au défi de la démographie. Cette proposition de loi va dans le bon sens. Les premiers mois qui suivent la naissance sont très importants pour la femme et l'enfant. Une enquête de la Cnam montre que les femmes souhaitent un allongement du congé maternité. D'ailleurs, les congés pathologiques sont largement utilisés.

Je souscris à un congé d'accueil de quatorze jours pour que le père, souvent frustré d'être mis à l'écart (M. Ronan Kerdraon le confirme) puisse prendre tout son rôle.

Les discriminations à l'égard des femmes salariées ? Elles sont réelles.

La Halde fait état de nombreuses discriminations à l'égard des femmes. Lors d'un entretien d'embauche, on demande à 23 % des femmes si elles veulent avoir des enfants.

Les femmes se sont battues pour mettre un terme aux inégalités et aux discriminations tout au long du XXe siècle. Les choses s'améliorent, même si des inégalités demeurent : les femmes gagnent 20 % de moins que les hommes, sont les plus touchées par le chômage ; cette situation s'aggrave lorsqu'elles deviennent mères.

Une réflexion globale doit donc être menée sur la question des femmes dans notre société et sur le marché du travail.

Les changements de mentalités sont lents ; les femmes doivent mener de front une double journée. Notre pays maque de places de garde pour les jeunes enfants. (M. Ronan Kerdraon le confirme)

J'appuie l'article 2 qui prévoit que l'entretien professionnel à l'issue du congé maternité porte sur l'aménagement du travail et des horaires.

Oui, le chemin sera long et difficile ; oui, il nous faudra arbitrer pour trouver les financements nécessaires ; oui, il s'agit bien d'un choix de société ! En favorisant ainsi la maternité, nous espérons relever le défi démographique et celui de la natalité. Pour ces raisons, la majorité du groupe RDSE votera ce texte avec conviction. (Applaudissements à gauche)

Mme Annie David.  - Le votre du Parlement européen exprime les positions de la Commission européenne et de notre Gouvernement qui souhaite en rester à dix-huit semaines de congé maternité.

En moyenne, les congés varient entre quatorze et vingt-huit semaines. Certaines femmes s'appuient sur la loi de 2007 qui permet de reporter trois semaines de congé prénatal.

La balle est dans le camp des gouvernements européens et la France doit être au rendez-vous. Le débat que nous avons eu ce matin en commission m'a mise en colère : les femmes ne peuvent vouloir le beurre et l'argent du beurre, ai-je entendu dire ! (Exclamations indignées sur les bancs CRC)

Il est honteux que les hommes...

M. Ronan Kerdraon.  - Pas tous !

Mme Annie David.  - C'est vrai : il est honteux que certains hommes puissent penser de la sorte parce qu'ils ne savent pas ce que c'est de porter un enfant et de travailler !

Prétexter des contraintes budgétaires n'est pas recevable : la santé de femmes et des enfants n'est pas négociable. « Mieux vaut être restaurateur que femme enceinte » a dit notre collègue Roland Muzeau, aujourd'hui député : il a raison. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit)

Les congés ont de grands effets bénéfiques pour les mères et les enfants. Le frein à l'embauche ? C'est avant tout un constat qu'il faut combattre.

L'accueil de la petite enfante doit être amélioré. En trente-cinq ans, malgré l'arrivée massive des femmes sur le marché de l'emploi, la part des emplois à temps partiel a triplé, faute de moyens de garde adéquats. Il manque entre 200 000 et 400 000 places de garde. Il faut à la fois en créer davantage et allonger le congé de maternité.

Le maintien intégral du salaire est une mesure d'équité. N'oublions pas les femmes contraintes de s'arrêter avant l'accouchement pour raisons de santé : l'assimilation à la maladie est facteur d'inégalité. N'oublions pas non plus les femmes intermittentes du spectacle, qui se voient souvent refuser toute indemnisation ; elles ont d'ailleurs saisi la Halde de cette discrimination.

L'extension du congé paternité est positive : attention toutefois à ne pas porter atteinte à l'autorité parentale. L'extension des droits des non-salariées est bienvenue.

Ce texte va dans le bon sens, mais il faut aller plus loin. Si le taux de natalité français est si élevé, c'est parce que les femmes peuvent continuer à travailler ! (M. Ronan Kerdraon approuve) Il faut revoir la place de la femme dans le monde du travail si l'on veut mettre fin aux inégalités -notamment au niveau des pensions de retraite. (Applaudissements à gauche)

Mme Gisèle Printz.  - Cette proposition de loi s'inscrit dans le droit fil des initiatives européennes en faveur des droits des femmes : augmentation du congé maternité, interdiction du licenciement des femmes enceintes, possibilité de demander des horaires aménagés, maintien intégral du salaire...

Le Parlement européen est allé plus loin, en portant le congé maternité à vingt semaines indemnisé à 100 %. La France, avec seize semaines, se situe dans la moyenne basse. L'augmentation du congé répond à une attente des femmes : c'est aussi une exigence de santé publique, en période prénatale comme postnatale.

L'argument du coût pour les dépenses publiques et les charges des entreprises est inacceptable ; la maternité ne peut être considérée comme un fardeau : c'est un investissement pour l'avenir. L'employabilité des femmes ? La majorité des Françaises a recours aux congés pathologiques ou sans solde pour prolonger l'arrêt ; le coût supplémentaire existe déjà. Cessons d'être hypocrites !

L'entretien sur l'aménagement des horaires, le maintien intégral du salaire vont dans le bon sens. Ce n'est que justice envers les femmes.

La présence du père à la naissance est essentielle. Le congé paternité, créé en 2002 par Mme Royal, a été un pas décisif. Malheureusement, seulement deux tiers des pères le prennent, preuve de la persistance des stéréotypes... Le nouveau congé d'accueil de l'enfant de quatorze jours consécutifs est un premier pas. Aujourd'hui, le père n'est pas que le symbole de l'autorité au sein de la famille ; le « nouveau père » s'investit auprès de la mère dès la naissance. C'est bénéfique pour l'égalité hommes-femmes et l'épanouissement de l'enfant. Pour aller plus loin nous pourrions nous inspirer de l'exemple suédois. Je n'oublie pas la nécessité de développer les modes de garde.

Nous voterons cette proposition de loi, progrès pour la santé des femmes et premier pas vers une politique familiale plus ambitieuse. Les enfants sont une richesse pour le pays. Si l'on veut encourager la natalité, améliorons les conditions de vie des femmes. (Applaudissements à gauche)

M. Ronan Kerdraon.  - (On se félicite de voir un homme monter à la tribune) Je suis heureux de m'exprimer ici, en tant qu'homme...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Personne n'est parfait ! (Sourires)

M. Ronan Kerdraon.  - Cette proposition de loi est moderne et utile, qui répond aux préoccupations de nombreux jeunes couples. Elle montre cependant que le chemin est long pour aboutir à une égalité réelle entre hommes et femmes.

L'harmonisation par le haut de la législation européenne est suffisamment rare pour être soulignée. Je me réjouis notamment de la proposition du Parlement européen de porter le congé maternité à vingt semaines et de la directive « congé parental ».

On nous a opposé le coût de notre proposition. L'allongement à dix-huit semaines du congé maternité coûterait entre 250 et 350 millions. La baisse de la TVA dans la restauration, elle, représente une moins-value de 3 milliards, pour le résultat que l'on sait...

Certes, nous avons une politique familiale volontariste, un taux de fécondité élevé. Mais les modes de vie évoluent ; la conciliation entre maternité et vie professionnelle est au coeur des préoccupations. Entre 25 et 49 ans, une Française sur cinq ne travaille pas et l'âge de la maternité ne cesse de reculer... La majorité des Françaises s'arrêtent plus longtemps que les seize semaines légales. Mettons donc notre législation en adéquation avec les aspirations des parents et les besoins des enfants. L'allongement du congé maternité permettrait notamment de bien mettre en place l'allaitement, ce qui prend au moins six semaines.

L'article 4 garantit le maintien intégral du salaire. En France, le congé maternité ne va pas de soi ; Mme David a cité le cas des intermittentes du spectacle. Ces injustices doivent être prises en compte ; c'est l'objet de l'article 5. La législation doit évoluer pour prendre en compte la diversité des familles : c'est l'objet du congé d'accueil de l'enfant, à l'article 6.

Enfin, on ne peut pas éluder la question de l'offre d'accueil. Nous plaidons pour la création d'un service public de la petite enfance -promesse du candidat Sarkozy en 2007 ... (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) On est loin des 400 000 places promises...

Ce texte est bienvenu. Pourquoi remettre à demain ce que l'on peut faire aujourd'hui ? Votons-le, car la femme est l'avenir de l'homme, comme l'a si bien chanté Jean Ferrat ! (Applaudissements à gauche)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Sur un poème d'Aragon... Merci aux intervenants pour la qualité de ce débat. Les exemples européens nous montrent la difficulté du dossier.

En Slovaquie, 26 semaines de congé, certes, mais une rémunération de 55 % d'un salaire plafonnée à un niveau très bas. Comparaison n'est pas raison. Il faudrait aussi parler du rang de naissance : en France, le congé est de 26 semaines pour le troisième enfant. Le congé pathologique de deux semaines est pris par 70 % des Françaises : pour elles, le congé est déjà de dix-huit semaines.

Dans certains pays come la Bulgarie, le congé maternité long est utilisé comme outil d'éloignement délibéré des femmes du marché du travail : je vous renvoie aux débats du Parlement européen. Le congé de paternité n'est pas non plus la règle. Aucun de ces éléments n'a été évoqué lors de notre débat.

Oui à une large concertation qu'ont appelée de leurs voeux Mmes Bruguière et Cros. Le sujet mérite approfondissement.

La politique familiale ne se résume pas au congé maternité. Nous battons tous les records des pays développés : la politique sociale la plus ambitieuse, une politique familiale deux fois plus généreuse que la moyenne des pays développés. Depuis 2007, nous avons créé 200 000 solutions de garde nouvelles ; c'est un effort considérable en cette période de finances publiques contraintes.

Bref, le dossier mérite d'être approfondi. Je remercie Mme Campion pour son initiative, mais ne peux approuver le texte en l'état. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

M. le président. - La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous allons examiner les articles de la proposition de loi initiale.

Discussion des articles

Article premier

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Cros et les membres du groupe UC.

Alinéa 2,

Remplacer le mot :

vingt

par le mot :

dix-huit

Mme Roselle Cros.  - L'objet de cet amendement est de fixer le congé maternité à dix-huit semaines pour aider les familles et les mères et permettre à la France de se conformer aux prescriptions européennes.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur.  - La commission a souhaité que le débat ait lieu en séance, et a donc émis un avis de sagesse. À titre personnel, j'estime que ce premier pas va dans le bon sens.

Cette proposition est cohérente avec la position de la commission des affaires sociales, exprimée dès 2009, et avec la position de la France qui, dans le cadre des négociations européennes, s'est dite ouverte à un tel prolongement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - J'ai dit, lors du conseil des politiques sociales, que la France accepterait l'allongement à dix-huit semaines quand l'Europe en ferait la demande. D'ici là, il faut résoudre des problèmes techniques, notamment le cas de l'inclusion ou non du congé pathologique. Retrait, sinon rejet, car de nombreuses questions ne sont pas résolues.

Mme Roselle Cros.  - L'article premier ne fait pas une loi. Je maintiens l'amendement, pour vérifier qu'il n'y a pas d'opposition de principe à l'allongement de la durée.

M. Ronan Kerdraon.  - Cet amendement est une avancée par rapport au droit existant, mais un recul par rapport aux préconisations de l'OIT et du Parlement européen. La question essentielle est celle du maintien ou non de la rémunération du congé. Si les États sont divisés sur ce point, la plupart des délégations nationales sont prêtes à accepter un congé de dix-huit semaines. Compte tenu de la fréquence des congés pathologiques, cet allongement, que la commission des affaires sociale a proposé dès 2009, ne fera qu'acter la situation existante.

C'est un compromis acceptable, en attendant plus. Le groupe socialiste votera cet amendement.

Mme Annie David.  - C'est un recul par rapport aux vingt semaines que nous souhaitons, mais un pas en faveur des femmes. Si le congé pathologique n'est pas remis en cause, on arrive bien à vingt semaines. Mais celui-ci, s'il est vrai que toutes les grossesses ne sont pas pathologiques, ne peut être considéré comme un congé de confort...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Je n'ai pas dit ça !

Mme Annie David.  - Je vous l'accorde. Les médecins aussi ont des comptes à rendre... Nous voterons cet amendement d'attente.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°6, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia et Dini.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Le deuxième alinéa du même article est ainsi rédigé :

« Sous réserve d'un avis motivé du professionnel de santé qui suit la grossesse, la salariée choisit elle-même la répartition des périodes de suspension de son contrat de travail avant et après la date présumée de son accouchement. Elle reporte obligatoirement sur la personne mentionnée à l'article L.1225-35 le bénéfice des deux dernières semaines de son congé postnatal. »

Mme Catherine Procaccia.  - La grossesse n'est pas une maladie. Certaines sont difficiles, d'autres se déroulent sans aucun problème. Les conditions d'exercice de certains emplois sont aussi moins fatigantes que d'autres.

C'est pourquoi la femme doit décider elle-même de la façon dont elle entend répartir son congé maternité avant et après l'accouchement. Seul le professionnel de santé pourra imposer à la salariée de s'arrêter.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est le bébé qui devrait décider !

Mme Catherine Procaccia.  - Par ailleurs, cet amendement organise le report automatique sur le père des deux semaines supplémentaires de congé maternité afin de rétablir une sorte d'équilibre entre hommes et femmes vis-à-vis des employeurs. Il faut mettre fin aux discriminations dont sont victimes les femmes. J'ai rectifié mon amendement pour tenir compte du vote qui vient d'intervenir.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur.  - Notre commission souscrit à l'objectif de réduction des inégalités professionnelles entre hommes et femmes mais estime que cet amendement serait source de confusion entre congé maternité et congé paternité. Elle a émis un avis défavorable. Le débat relève plutôt du congé parental...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Le Gouvernement est contre l'adoption de l'article premier, donc contre tout amendement à cet article.

Sur le fond, la protection de la maternité est très ancienne. L'interdiction d'emploi de huit semaines avant et après l'accouchement en fait partie. Il y a déjà de la souplesse dans notre législation, mais encadrée pour éviter que les salariées ne soient mises sous pression par l'employeur. (Mme Annie David approuve) Les cas où l'on peut se passer de congé prénatal sont rarissimes.

Quant au report des deux semaines sur le père, cela pose un problème de principe. Cette liberté serait un mauvais cadeau fait aux femmes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pourquoi ne pas demander au bébé de fixer le congé prénatal ? Nous sommes hostiles à cette mesure de libéralisation totale. C'est le syndrome people... Souvent, les femmes préfèrent prolonger le congé postnatal. C'et une mesure pro-patron, pro-cadres, qui va à l'encontre de la protection de la maternité. Les femmes n'ont pas toujours le choix. Et n'oublions pas les femmes qui font de longs trajets pour aller travailler, ce qui favorise les accouchements prématurés. Il est illusoire de parler de liberté des femmes en la matière. « Ma môme, ce n'est pas une starlette, elle travaille en usine à Créteil » chantait Ferrat. Les femmes qui travaillent toute la journée debout, à Carrefour ou ailleurs, n'ont pas à être contraintes à travailler jusqu'au jour de leur accouchement.

Mme Françoise Laborde.  - Il y a tant de non-choix... Épargnons les femmes ! La grossesse n'est pas une maladie mais nous ne sommes pas toutes égales, physiquement ou socialement... Nous voterons contre cet amendement.

M. Ronan Kerdraon.  - Cet amendement pose nombre de questions techniques et ne relève pas vraiment de la proposition de loi. Le groupe socialiste ne votera pas l'amendement.

Mme Catherine Procaccia.  - Madame Borvo, vos propos sont caricaturaux. Je vous parle de liberté de la femme, vous me répondez : amendement patronal !

Mme Annie David.  - C'est le cas !

Mme Catherine Procaccia.  - Je ne pense pas que mes collègues de la commission des affaires sociales l'aient perçu ainsi.

Mme Annie David.  - Oh que si !

Mme Catherine Procaccia.  - Vous peut-être... Les huit semaines d'interdiction demeurent. Voyant cependant que ma conviction n'est pas partagée, je retire mon amendement. (Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre, s'en félicite)

L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - L'article premier ainsi modifié porte le congé maternité à dix-huit semaines. Le gouvernement français a dit qu'il se rallierait à un tel allongement mais il y a au préalable de nombreux points techniques à approfondir, notamment sur le déplafonnement des indemnités. La disposition prévue par le Parlement européen reviendrait, en France, à transférer des dépenses des entreprises vers la sécurité sociale ! Il y a un gros travail d'harmonisation à conduire au plan européen ; les discussions sont en cours.

De plus, des points techniques doivent être approfondis, à commencer par la prise en compte ou non dans les dix-huit semaines des deux semaines de congé pathologique, pris par 70 % des femmes. Cette question n'a pas été abordée.

Pour ces motifs, je vous demande de voter contre l'article premier.

Mme Annie David.  - Nous voterons cet article. Le congé, dans les faits, est bien de dix-huit semaines. Il s'agit d'accorder de nouveaux droits aux femmes. La commission des affaires sociales a déjà adopté cette durée. L'amendement centriste doit vous permettre d'approuver cet article. Si pour certaines les choses se passent bien, pour d'autres la dégradation des conditions de travail, dans le public comme dans le privé, est une réalité.

M. Ronan Kerdraon.  - Contre mauvaise fortune, nous allons faire bon coeur en votant cet article. Avec le compromis qui a été fait, c'est la politique des petits pas. Ce qui importe, c'est que les droits des femmes progressent, avec comme perspective un congé de vingt semaines.

L'article premier n'est pas adopté.

(On s'en désole à gauche)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Vous aviez oublié de modifier le code de la sécurité sociale, ce qui rendrait le dispositif inopérant. La charge du financement aurait intégralement porté sur les entreprises.

L'article 2 n'est pas adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 122-9 du code du travail, les mots : « sur sa demande » sont supprimés.

Mme Gisèle Printz.  - Une femme enceinte peut être affectée à un poste de jour, si elle en fait la demande à la direction des ressources humaines.

Il convient donc que cette affectation soit automatique. Les postes de nuit étant mieux rémunérés que ceux de jour, les femmes enceintes pourraient ne pas faire connaître leur grossesse ? Cela pose le problème du niveau des salaires et de la précarité qui poussent certaines femmes à ne pas faire valoir leurs droits.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur.  - La commission a émis un avis défavorable, malgré ma proposition d'un avis favorable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°4 n'est pas adopté, non plus que l'article 3.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 122-4 du code du travail, les mots : « les quatre semaines » sont remplacés par les mots : « l'année ».

M. Ronan Kerdraon.  - L'extension à un an de l'interdiction de licenciement a été votée par le Parlement européen. Nous reprenons cette proposition afin de prendre en compte la situation des femmes qui élèvent seules leur enfant. La sécurité matérielle est indispensable pour garantir l'épanouissement de l'enfant.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur.  - La commission a émis un avis défavorable, malgré ma proposition d'avis favorable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article 4 n'est pas adopté, non plus que l'article 5.

Article 6

Mme Catherine Procaccia.  - Cette proposition de loi prétend rétablir une certaine égalité entre les hommes et les femmes mais elle va à l'encontre de ces intentions à cet article.

J'avais déposé un amendement et la commission des finances l'a jugé irrecevable. Elle ne m'a pas informée en temps voulu de sa décision.

L'article 6 traite du congé d'accueil pour les pères et conjoints. Regardons ce qui n'a pas bien fonctionné depuis quarante ans. Plus on attribue des avantages à la mère de famille, plus elle est défavorisée au plan professionnel ! Il faut donc faire autrement, en rendant obligatoires les deux semaines et les onze jours de congé paternité. Au moment d'embaucher, les entreprises sauront que les hommes peuvent s'arrêter six ou sept semaines. En accordant des avantages identiques, on mettra fin aux discriminations.

M. le président.  - Le procès-verbal fera foi de votre observation à propos de votre amendement déclaré irrecevable. De nombreux parlementaires sont agacés par l'usage qui est fait de cet article 40. Je ne doute pas que le président Arthuis vous répondra.

M. Ronan Kerdraon.  - Je découvre avec ravissement que Mme Procaccia est elle aussi confrontée à cet article 40. Lors du projet de loi sur les retraites, nous en avons été largement victimes, et Mme Procaccia n'a rien dit...

Mme Catherine Procaccia.  - Il y avait 800 amendements ; là, un seul !

Mme Annie David.  - Il y a toujours 20 % d'inégalité salariale entre hommes et femmes, et en matière de retraite. Alors, accorder des droits supplémentaires aux hommes... les bras m'en tombent ! On veut le beurre et l'argent du beurre ! Commençons par traiter les femmes comme les hommes, du point de vue des salaires comme des postes.

Hier, lors de l'audition de la commission Pôle emploi, nous avions devant nous une belle brochette d'hommes ! Améliorons les droits des travailleuses.

L'article 6 n'est pas adopté, non plus que l'article 7.

Article 8

M. Ronan Kerdraon.  - Je regrette que l'initiative de Mme Campion n'ait pas trouvé suffisamment d'écho dans cet hémicycle.

Chiche, retrouvons nous dans trois mois, une fois que vous aurez mené vos études, madame la ministre, pour accorder aux femmes l'égalité avec les hommes ! Accorder des droits supplémentaires aux hommes, pourquoi pas ? Mais avec Claire-Lise Campion, soyons pragmatiques, modernes et visionnaires. (Applaudissements à gauche)

Mme Annie David.  - Cette proposition de loi est certes imparfaite mais rien ne vous empêche de l'améliorer. Nous aurions pu ensemble améliorer le droit du congé maternité des femmes. Vous regretterez sans doute de ne pas avoir saisi la perche à temps. Vous auriez aidé les femmes françaises et européennes !

Mme Roselle Cros.  - L'article 8 porte sur le financement de cette proposition de loi -c'est la raison pour laquelle nous ne l'aurions pas votée. Il y a eu une majorité de cette assemblée pour dire que le congé maternité devait être allongé. Le signal a été donné, en faveur d'une grande politique de la famille et de la santé.

L'article 8 n'est pas adopté.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

La séance, suspendue à 16 h 50, reprend à 16 h 55.