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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Questions prioritaires de constitutionnalité
Décision du Conseil constitutionnel
Commissions (Démissions et candidatures)
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
Simplification et amélioration du droit (Deuxième lecture)
Simplification du droit (Deuxième lecture - Suite)
Simplification du droit (Deuxième lecture - Suite)
Simplification du droit (Deuxième lecture - Suite)
Grand Paris (Questions cribles)
Hommage à une délégation suisse
Simplification du droit (Deuxième lecture - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Article 27 quater A (Suppression maintenue)
Article 29 quinquies (Supprimé)
Livre numérique (Deuxième lecture)
SÉANCE
du mardi 29 mars 2011
84e séance de la session ordinaire 2010-2011
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Monique Cerisier-ben Guiga, Mme Sylvie Desmarescaux.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue André Duroméa, qui fut sénateur de la Seine-Maritime de 1986 à 1988.
Questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 25 mars 2011, quatre décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 24 mars 2011, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation lui a adressé deux décisions de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. - J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 29 mars 2011, le texte d'une décision du Conseil qui concerne la conformité à la Constitution de la loi organique relative au Défenseur des droits.
Commissions (Démissions et candidatures)
M. le président. - J'ai reçu avis de la démission de M. Hubert Falco, comme membre de la commission des lois constitutionnelles, et de celle de M. André Reichardt, comme membre de la commission de la culture. Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du Règlement.
Remplacement d'un sénateur
M. le président. - En application de l'ordonnance portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution, le mandat sénatorial de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, a cessé le dimanche 27 mars 2011, à minuit. M. le ministre de l'intérieur m'a fait connaître qu'en application de l'article L.O. 319 du même code, M. Claude Léonard remplace, en qualité de sénateur de la Meuse, M. Gérard Longuet. Son mandat a débuté le lundi 28 mars 2011, à 0 heure. Au nom du Sénat, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue.
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir désigner les sénateurs appelés à siéger au sein de trois organismes extraparlementaires.
Conformément à l'article 9 du Règlement, j'invite la commission de la culture à présenter un candidat pour la Commission du fonds pour l'archéologie préventive, en application de l'article 90 du décret du 3 juin 2004 et en remplacement de M. Jacques Legendre, et pour la Commission scientifique nationale des collections, créée en application de l'article L. 115-1 du code du patrimoine.
J'invite également la commission de l'économie à présenter un candidat pour siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière, en application de l'article 2 du décret du 28 août 2001, en remplacement de M. Francis Grignon.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement.
Dépôts de rapports
M. le président. - M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l'article premier de la loi du 27 juillet relative à l'action extérieure de l'État, le contrat d'objectifs et de moyens 2011-2013 entre l'État et l'Agence française de développement.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, a transmis au Sénat, en application de l'article 2 de la loi du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons à base de bisphénol A, le rapport intermédiaire sur les mesures déjà prises et celles envisagées pour diminuer l'exposition humaine aux perturbateurs endocriniens.
Le premier document a été transmis à la commission des finances ainsi qu'à la commission des affaires étrangères, le second à la commission des affaires sociales.
Mayotte
M. le président. - Après-demain, Mayotte deviendra le 101e département de France et le 5e d'outre-mer. Au nom du Sénat, je salue cet événement et partage la joie de nos deux collègues Adrien Giraud et Soibahadine Ibrahim Ramadani, qui voient en cette circonstance l'aboutissement de leur engagement.
Ce moment historique est le fruit d'une double constance, celle des Mahorais et des Mahoraises dans leur volonté de rester au sein de la République française ; celle du Parlement, et notamment du Sénat, dans le respect de la volonté librement exprimée par la population de cette île de l'Océan indien. La constance des Mahorais n'est pas simplement une formule !
La départementalisation, ce sont les principes d'égalité, de fraternité et de laïcité, qui s'appliqueront à Mayotte, adaptés, le cas échéant, aux réalités locales dans les limites autorisées par l'article 73 de la Constitution.
Mayotte, aujourd'hui, est en avance institutionnelle, puisque ce 101e département français aura une assemblée unique, à compétence départementale et régionale.
Désormais, les Mahorais seront pleinement responsables de leur destin dans le droit commun de la République ; cela suppose l'exercice déterminé des responsabilités de chacun, de l'Etat, mais aussi des élus.
Après le jeudi 31 mars 2011, le Sénat sera plus que jamais à l'écoute des élus mahorais pour contribuer à la réussite d'un projet d'avenir l'idéal commun de la République. (Applaudissements)
Élection d'un vice-président
M. le président. - Comme en a décidé la conférence des présidents, nous allons procéder à l'élection d'un vice-président du Sénat, en remplacement de M. Jean-Claude Gaudin.
Conformément à nos règles traditionnelles, que nous avons récemment appliquées pour le remplacement de M. Richert comme questeur, tout remplacement en cours de triennat pour une fonction au sein du Bureau du Sénat se fait selon les mêmes règles que l'élection du début du triennat, sans remettre en cause la répartition des postes telle qu'elle a été actée au lendemain du renouvellement triennal.
Le groupe UMP a présenté la candidature de M. Jean-Pierre Raffarin.
En application de l'article 61 du règlement, cette élection aura lieu au scrutin secret, lequel se déroulera dans la salle des conférences. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 52 du règlement, la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour les deux premiers tours.
Le scrutin sera ouvert pendant une heure.
Le scrutin est ouvert à 14 h 40.
Simplification et amélioration du droit (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modification par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.
Discussion générale
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. - Montaigne, déjà, notait que « nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble, et plus qu'il n'en faudrait à régler tous les mondes d'Épicure ». (Sourires) L'inflation législative, l'empilement des textes que dénoncent le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat mais aussi le Parlement sont donc un mal ancien. Cette évolution tient notamment à la diversification et à la multiplication des sources du droit. Mais ce qui doit véritablement nous interroger, ce sont les conséquences de cette situation. Dans son rapport de 1991, le Conseil d'Etat soulignait que « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite » : des lois trop nombreuses, ce sont des lois moins légitimes. L'enchevêtrement de textes provoque l'insécurité juridique ; plus fondamentalement, la loi peut-elle encore protéger le faible et garantir la compétitivité de nos entreprises lorsqu'elle est aussi complexe et instable ?
Cette proposition de loi est la troisième initiative parlementaire pour rendre notre droit plus cohérent et donc plus légitime.
Dans ce texte, 71 articles restent en discussion, l'Assemblée nationale ayant voté 136 articles dans les mêmes termes que le Sénat.
Des désaccords subsistent entre le Gouvernement et le Parlement.
Ainsi, le Gouvernement souhaite que les dispositions relatives aux fichiers de souveraineté soient rapidement inscrites dans la loi. Les pouvoirs de la Cnil doivent être étendus.
L'article 8 a été supprimé par la commission des lois. Le Gouvernement souhaite qu'il soit rétabli.
Le Gouvernement vous propose également qu'à compter de la promulgation de la loi, toute nouvelle disposition législative prévoyant la remise régulière par le Gouvernement d'un rapport au Parlement soit abrogée au terme d'un délai de cinq ans.
La commission a rétabli la mesure étendant aux signataires d'un Pacs les dispositions de l'article 79 du code civil, qui imposent l'énonciation, dans l'acte de décès, « des prénoms et nom de l'autre époux ». Comme le partenaire survivant n'a pas de vocation successorale légale, il n'est pas utile ni opportun de compléter l'article 79 du code civil.
Les minima de congés annuels ne peuvent être remplacés par un montant forfaitaire. Le Gouvernement propose donc de récrire l'article 25.
Je rends hommage au travail approfondi des sénateurs. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Saugey, rapporteur de la commission des lois. - L'Assemblée nationale a adopté 136 articles dans les termes du Sénat. Reste 77 articles en navette. Si le texte voté par les députés marquait de nombreux rapprochements, des désaccords persistent.
Nous avons accepté de garantir la transcription de diverses directives communautaires. Mais votre commission regrette l'inscription simultanée de diverses dispositions dans plusieurs textes.
Les modifications votées par l'Assemblée nationale sont d'inégales importances. Au titre des points de convergences, on peut noter l'amélioration des dispositions funéraires ou l'article 42 ter qui permet aux maires d'exécuter d'office les travaux d'élagage. Les députés ont confirmé la suppression de l'article 40. Ils ont validé l'article 146 bis.
M. Jean-Pierre Sueur. - Qui est très peu satisfaisant !
M. Bernard Saugey, rapporteur. - L'Assemblée nationale a souscrit aux innovations du Sénat pour les dispositions relatives aux Français établis hors de France. Le Gouvernement a approuvé ces dispositions après les avoir combattues...
J'en viens aux pierres d'achoppement. Certaines dispositions voulues par l'Assemblée nationale paraissent déborder le champ de cette proposition de loi. Nous les avons donc supprimées. Les députés ont rétabli l'article 8. Le dispositif concerne les commissions que le pouvoir réglementaire n'ose supprimer.
Les articles 6 bis A sur la copropriété partagée et 28 ter A sur le droit des Français de l'étranger ont été modifiés par le Sénat. La directive sur les fonds comptables des sociétés a été examinée par le Sénat : nous vous proposons une meilleure rédaction que celle voulue par le Gouvernement.
Je veux enfin attirer l'attention du Gouvernement sur certaines pratiques qui ne sont pas de bonne méthode législative : l'adoption, dans l'urgence de l'actualité, de dispositifs insuffisamment réfléchis et évalués oblige trop souvent le Parlement à les corriger, parfois quelques courtes semaines après leur adoption. (Exclamations ironiques sur les bancs socialistes)
Cette désinvolture n'est pas acceptable. Le Médiateur a souligné qu'« alors que la loi doit être un élément de stabilité et de pondération, paradoxalement, par la superposition de textes, elle devient un véritable facteur d'instabilité ».
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des lois soumet à la délibération du Sénat le texte qu'elle a établi. (Applaudissements à droite)
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission de l'économie. - Cette proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale le 8 avril 2009, soit il y a près de deux ans. La longueur du parcours parlementaire de ce texte nous aura d'ailleurs conduit à l'amputer de nombreuses dispositions qui ont été adoptées dans d'autres textes.
Tout cela n'est ni sérieux ni satisfaisant. En première lecture, j'avais exprimé mes réserves sur ce texte. La simplification du droit est indispensable mais les lois de simplification sont peu satisfaisantes. Le garde des sceaux n'est pas toujours à même de nous éclairer sur des questions techniques comme le tatouage des chats ... (Sourires) Certains textes sont extrêmement complexes.
N'est-il pas surprenant qu'une loi de simplification soit elle-même d'une complexité qui la rende illisible ? Mieux vaudrait voter des textes sectoriels. Nous devons aussi réfléchir au travail parlementaire : nous légiférons mal et trop. Je vous renvoie à certains articles sur le droit agricole.
Cette proposition de loi a été examinée en première lecture dans des conditions peu satisfaisantes : nous avons adopté au milieu de la nuit des dispositions qui vont bien au-delà de la simplification du droit.
J'en viens aux onze articles qui concernent la commission de l'économie. Huit d'entre eux ont été adoptés sans modification. A l'article 87 ter, l'Assemblée nationale a introduit une disposition reprenant certains éléments d'un amendement déposé par M. Braye en première lecture. A l'article 87, les députés ont ajouté une disposition sans rapport avec le texte. Même si cet ajout n'est pas conforme à la jurisprudence de « l'entonnoir » du Conseil constitutionnel, cette disposition permet de répondre à des difficultés rencontrées par les professionnels de l'usufruit locatif social (ULS).
La commission de l'économie a ensuite maintenu la suppression de deux articles.
L'article 16 bis A visait à appliquer la garantie des vices cachés à toutes les ventes d'animaux domestiques, y compris les chevaux : le Gouvernement doit prendre le temps de la pédagogie.
L'article 27 quater avait été introduit par le Sénat ; les députés ont estimé inopportun de modifier la LME, même s'il ne s'agissait que d'un ajustement mineur.
Enfin, il reste un point sensible: l'article premier, qui porte sur la protection des usagers contre les variations anormales de leurs factures d'eau. Les députés ont rétabli le dispositif initial, ce qui nous semble inacceptable : il fait peser, sans qu'une étude d'impact ait été effectuée, une lourde charge sur les services de l'eau et d'assainissement alors même que les cas recensés sont, d'après les éléments que j'ai obtenus, très peu nombreux. Nous avons donc supprimé cet article.
La commission de l'économie a donné un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi, pour les articles relevant de son champ de compétence.
M. Jean-Pierre Sueur. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je remercie M. Saugey pour avoir été attentif à certaines de nos propositions. Grâce à son appui et à la compréhension des députés, a pu être intégrée dans ce texte une profonde réforme de l'autopsie judiciaire. Il s'agit d'une avancée importante. Je remercie aussi notre rapporteur d'avoir pris en compte le problème des copropriétés en forme partagée et celui des entrées de ville.
Malheureusement, je ne puis continuer sur ce ton. (M. Bernard Saugey, rapporteur, rit) Je vais revenir sur l'application du Règlement. Ce matin, en commission des lois, des amendements, pourtant pris en considération par le service de la séance, ont été impitoyablement supprimés par la commission non parce qu'elle n'aurait pas été d'accord mais au prétexte qu'ils auraient été irrecevables. Mais ses arguments sont spécieux, surtout quand on nous explique que notre amendement n'a pas de rapport avec l'objet du texte. Mais quel est donc l'objet de ce texte ? A l'évidence, il s'agit d'un ensemble composite et désarticulé d'objets juridiques de toutes natures, un texte « dont le centre est partout et la circonférence nulle part ».
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est un texte centriste !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Bref, c'est un bon texte. (Sourires)
M. Jean-Pierre Sueur. - Certains gardes des sceaux ont d'autres conceptions de l'excellence des textes...
Ce texte de 140 articles porte sur des sujets extrêmement différents ; il permet d'éviter des débats de fond et de faire passer des dispositions de façon subreptice.
Je ne comprends pas que, dans ces conditions, on puisse déclarer que tel argument n'a pas de rapport avec le texte. La commission des lois a déclaré irrecevables des amendements pour des raisons aléatoires. Vous voulez éviter de parler de tel ou tel sujet cet après-midi : c'est une précaution inutile, comme aurait dit M. de Beaumarchais, car nous vous reparlerons de ces sujets. Il aurait été plus subtil de laisser ces amendements vivre leur vie...
Malheureusement, trois dispositions adoptées par le Sénat et que nous avions combattues, ont été adoptées conformes par l'Assemblée nationale ; nous saisirons le Conseil constitutionnel sur ces trois points, qui sont attentatoires aux principes républicains.
La première disposition concerne la question du classement de sortie des élèves de l'ENA. Nous savons tous que les classements présentent des inconvénients. Supprimer les classements, si on trouve une procédure juste et équitable, est acceptable, mais tel n'est pas le cas. La procédure complexe qui a été retenue donnera nécessairement cours à l'arbitraire. Les élèves présenteront des voeux et des souhaits ; une commission tentera d'harmoniser voeux, souhaits et profils ; et puis il y aura des entretiens informels... M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique a passé plus de trois quarts d'heure à tenter de m'expliquer le système ! Je me méfie, comme vous, de tout ce qui est compliqué.
Je me méfie tout autant des procédures informelles, qui ouvrent la porte à la connivence, au favoritisme et au copinage !
En première lecture, les représentants de tous les groupes politiques, sans exception, ont été opposés à cette réforme : ce fut notamment le cas de M. de Rohan, Mais à 2 h 30 du matin, alors que je présentais un amendement sur le classement, il s'est trouvé deux ou trois voix pour voter contre. Notre assemblée a émis un vote contradictoire avec ce qu'avaient dit tous les orateurs ! Un principe républicain est mis en cause, ce qui justifiera la saisine du Conseil constitutionnel.
En outre, ce texte comporte une réforme de la procédure administrative, notamment le rapporteur public. Il s'agit d'un personnage éminent. Or, il n'interviendrait pas dans tous les dossiers mais que sur certains sujets fixés par décret. L'article 34, alinéa 5, de la Constitution prévoit que la loi détermine les règles constitutives des différentes juridictions. Le rôle et le périmètre du rapporteur public ne sauraient être déterminés que par la loi. Il y a là une atteinte à la Constitution.
Nous saisirons également le Conseil constitutionnel sur l'article 54, qui permet une indemnisation en cas de non-respect de la loi.
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas ce texte, malgré ses quelques avancées. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur plusieurs bancs au centre)
Élection d'un vice-président
M. le président. - Le scrutin pour l'élection d'un vice-président du Sénat sera clos dans un quart d'heure.
Simplification du droit (Deuxième lecture - Suite)
Discussion générale (Suite)
M. Jacques Mézard. - Ce n'est pas du Montaigne, c'est du touffu, mais cela aurait pu être pire sans l'excellent travail des rapporteurs. C'est donc avec les mêmes réserves qu'en première lecture que nous abordons ce débat.
Il existe un fossé béant entre l'intitulé du texte et les dispositions qu'il contient. Améliorer la loi : personne ne peut y être opposé !
Le débat que nous avons eu en janvier en première lecture a montré que le Gouvernement légifère au fil des sondages.
Cette quête effrénée vers la simplification accroît l'insécurité juridique. Améliorer le droit en alourdissant les textes n'est pas de bonne méthode. Nous ne sommes pas opposés à certains articles de ce texte mais qui pourra s'y retrouver dans ce capharnaüm législatif de plus de 100 articles ? M. Maurey a raison de proposer qu'on discute chaque année d'une loi de simplification sectorielle.
Nombre d'articles ont un intérêt plus que limité. Fallait-il mobiliser le Parlement sur ces dispositions ?
Cette proposition de loi encourage chacun, le Gouvernement et nous-mêmes, à déposer des amendements sur tous les sujets.
En première lecture, la commission a refusé des articles sur le droit de préemption. C'est pourquoi nous avions proposé, dans la même logique, de supprimer des articles sur les GIP. M. le rapporteur nous a dit qu'il partageait nos préoccupations à 1000 % -cela fait beaucoup (sourires)- ... tout en se prononçant contre nos amendements ! Nous ne pouvons donc que constater que la cohérence des raisonnements est parfois mise à rude épreuve...
Cette cohérence est d'autant plus sujette à l'élasticité que l'on trouve encore une fois le moyen de nous appliquer l'entonnoir, au motif que des amendements n'auraient pas de lien avec des dispositions restant en discussion.
Notre débat portera sur les mêmes sujets qu'en première lecture. Nous saluons la position modérée de notre commission, notamment sur l'article 107.
Nous saluons également la suppression de l'article 8 qui créait un nouveau monstre technocratique.
Cette proposition de loi montre que nous sommes encore loin de l'objectif de revalorisation des pouvoirs du Parlement. Notre justice est malade, faute de moyens et de vision. Tous les sujets devenant prioritaires, plus aucun ne l'est.
M. Denoix de Saint-Marc, dénonçant une « gesticulation législative », notait que la loi, au lieu d'être solennelle, brève et permanente, était aujourd'hui bavarde, précaire et banalisée. C'est elle qui amènera la majorité du RDSE à voter contre ce texte, les autres s'abstenant. (Applaudissements sur les bancs RDSE)
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Cette loi dite de simplification modifie en fait notre législation en profondeur. Pourquoi faire croire qu'il n'y a là que toilettage ?
On repousse des amendements qui déplaisent au prétexte qu'ils n'auraient rien à voir avec l'objet de ce texte. S'agissant d'un pareil fourre-tout, l'audace est de taille !
Ce gouvernement est sans doute celui qui aura subi le plus de censures du Conseil constitutionnel.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Preuve de la liberté !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Montesquieu disait qu'il ne fallait toucher à la loi « que d'une main tremblante ».
M. Jean-Claude Gaudin. - A condition de n'avoir pas la maladie d'Alzheimer ! (Sourires)
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Nos codes sont sans cesse modifiés -le code de procédure pénale est à peine imprimé qu'il est déjà caduc... Nous nous indignons du peu de cas que vous faites du travail parlementaire dont une telle proposition de loi est la preuve par son existence même.
On supprime les Greta, qui assurent pourtant depuis trente ans une tâche dont tous les professionnels reconnaissaient la qualité, au mépris de toute concertation. Que vous importe !
Devant le groupe sénatorial sur la qualité de la loi, le vice-président du Conseil d'État insistait sur le risque croissant d'adopter concomitamment des dispositions contradictoires dans des textes parallèles et notait l'usage croissant de la procédure accélérée. Pour l'examen du projet de loi des finances 2010, la section des finances du conseil d'État n'a disposé que de 72 heures. Comment aurait-elle pu exercer sa tâche de manière satisfaisante ? Et je ne dis rien du délai qui est laissé aux parlementaires pour déposer des amendements.
Le Parlement ne reçoit pas du Gouvernement les informations nécessaires à son action de contrôle. Sur 39 rapports demandés en 2009, 3 seulement ont été remis.
Pour simplifier encore plus ce texte, nous votons contre. (Applaudissements à gauche)
Élection d'un vice-président
M. le président. - Il est 15 h 40, je déclare clos le scrutin pour l'élection d'un vice-président du Sénat.
Simplification du droit (Deuxième lecture - Suite)
M. Laurent Béteille. - La complexité du droit a des effets néfastes pour le pays et détestables pour nos concitoyens. Ce troisième texte de simplification, après les lois de décembre 2007 et de mai 2009, est donc bienvenu. Certaines de ces mesures sont inspirées des contributions des citoyens eux-mêmes, d'autres du Conseil d'État, d'autres encore de la Cour de cassation.
Je salue la minutie du travail accompli par notre rapporteur, M. Saugey. Ce texte est la première application de la nouvelle rédaction de l'article 39, introduite par la révision constitutionnelle de 2008.
L'objectif est clair, simplifier et améliorer la qualité du droit. En conséquence, certaines dispositions, déjà intégrées dans d'autres textes, n'ont pas à l'être dans celui-ci, comme celles relatives aux fichiers de police ou à la Cnil. Nous en avons aussi exclu d'autres qui n'ont pas leur place ici, comme celle modifiant les peines encourues en cas de prise d'otages.
Certaines des mesures présentées dans ce texte vont simplifier la vie de nos concitoyens -rétablissement du droit à l'ouverture d'un compte pour nos compatriotes établis hors de France, obligation faite aux administrations d'échanger entre elles les justificatifs demandés aux citoyens ou d'informer ceux-ci qu'ils ont produit une demande avec vice de forme. D'autres allègent des procédures dans l'intérêt des particuliers, des professionnels, des collectivités territoriales. Les GIP sont dotés d'un statut cohérent et souple dont bénéficieront les collectivités territoriales.
L'abrogation automatique après cinq ans d'une disposition législative prévoyant la remise périodique d'un rapport au Parlement pose de nombreuses difficultés, qu'a relevées notre rapporteur dont je salue le travail décisif et indispensable. Son effort de recentralisation du texte sur son objet principal est bienvenu -je pense à la suppression des dispositions relatives, d'une part au droit de préemption, d'autre part à la possibilité donnée aux collectivités territoriales de saisir pour consultation les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel.
Nous faisons aujourd'hui oeuvre utile. Simplifier le droit est une oeuvre nécessaire afin de rationaliser le service rendu, d'apporter une plus grande sécurité juridique et d'améliorer le fonctionnement de nos institutions. Le texte de la commission est une avancée concrète et utile. L'attente était forte chez nos concitoyens, élus locaux, entrepreneurs, fonctionnaires.
Le groupe UMP adoptera ce texte avec conviction. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Catherine Morin-Desailly. - La complexité du droit français est régulièrement dénoncée. L'accumulation des textes est telle que le principe selon lequel nul n'est censé ignorer la loi est vidé de son sens.
Comment sortir de la contradiction ? Avec un tel texte : connaître la loi, c'est d'abord la comprendre. Nous soutenons les objectifs qu'il poursuit : simplifier, clarifier, alléger. Le rapporteur a bien fait d'en éloigner les dispositions qui ne simplifient pas le droit : déjà ainsi, le texte est, selon ses propres mots, touffu et hétéroclite.
Une commission utile doit pouvoir être consultée aisément ; si elle est inutile, qu'on la supprime. La position de notre commission des lois sur l'article 8 est tout à fait justifiée.
Il était bon de rappeler aux députés que le Sénat aussi adopte des propositions de loi, dont il souhaite que l'Assemblée nationale se saisisse dans des délais raisonnables. Je pense à celle qu'ont défendue ici M. Escoffier et M. Détraigne.
L'amendement de l'Assemblée nationale sur les missions de l'Hadopi est bienvenu ; il facilitera le développement d'une offre légale de contenus culturels.
Je salue l'implication de M. Maurey, rapporteur pour avis. Nous voterons ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Pierre-Yves Collombat. - Ces textes sur la simplification du droit, c'est comme les soldes : cela revient régulièrement ; les bonnes affaires sont rares et la plupart du temps, on en revient avec des articles de peu d'intérêt, quand ils ne sont pas dangereux...
Bon débarras, l'article sur le droit de préemption, que l'Assemblée nationale a oublié de rétablir... L'article premier est une véritable usine... à eau, que l'accumulation de rustines n'aidera pas à bien fonctionner. Quand on connaît l'état de nombreux réseaux de distribution d'eau privés, on est édifié.
Autre suppression utile, sur laquelle l'Assemblée nationale n'est pas revenue, celle de l'article relatif à la consultation des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel par les collectivités territoriales ; la confusion des rôles est particulièrement désagréable. Une juridiction juge, elle ne donne pas des conseils. Le Gouvernement ne veut pas la suppression de ce texte ; il est vrai qu'il est maître en confusion. Et le devenir de certaines dispositions, aussitôt disparues qu'apparues, ou l'inverse, donne le tournis ; Le médecin volant est, au regard, une farce statique.
Les codes touchés par ce texte sont si variés que ne manque que celui des ratons laveurs ! (Sourires) Cette proposition de loi est la conséquence paradoxale de nos moeurs législatives, de l'accumulation de textes de circonstance tandis que ceux qui déplaisent au Gouvernement s'enlisent.
Le destin de l'article 114 relatif au pacte de corruption est révélateur de notre parlementarisme lyophilisé. Épisode 1 : je propose un amendement. Épisode 2 : celui-ci est retiré sur l'engagement du rapporteur de déposer une proposition de loi dans le même sens. Épisode 3 : celle-ci est adoptée par le Sénat à l'unanimité malgré les réticences de l'éphémère secrétaire d'État d'alors. Mais elle disparaît. Il faut donc, épisode 4, la proposition de loi Escoffier-Détraigne pour la rétablir. Mais, épisode 5, le Gouvernement ne veut plus de ce texte et le rapporteur de l'Assemblée nationale lui donne raison, sans qu'on comprenne bien pourquoi. Voici aujourd'hui l'épisode 6, avec le rétablissement de cette disposition. On verra, à la suite des événements, si le Parlement est complètement lyophilisé... (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
M. Jean-Pierre Sueur. - M. le ministre ne juge pas utile de répondre aux orateurs ?
Élection d'un vice-président
M. le président. - Voici le résultat du scrutin pour l'élection d'un vice-président du Sénat :
Nombre de votants : 203
Blancs et nuls : 35
Suffrages exprimés : 168
Majorité absolue des suffrages exprimés : 85
A obtenu :
M. Jean-Pierre Raffarin : 168
M. Jean-Pierre Raffarin ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je la proclame vice-président du Sénat. (Applaudissements)
Je vous félicite, monsieur le vice-président, pour cette élection. Votre expérience et votre expertise enrichiront les travaux du Bureau et de la conférence des présidents. Félicitations. La vice-présidence du Sénat est honorée par votre élection. (Applaudissements)
présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente
Simplification du droit (Deuxième lecture - Suite)
Discussion des articles
Article premier A
Mme Alima Boumediene-Thiery. - La commission des lois a adopté un amendement sur le Pacs. J'en avais moi-même déposé deux autres, l'un pour étendre aux salariés du privé le congé pour événement familial dont bénéficient déjà les agents du service public, l'autre pour répondre aux difficultés que rencontre les pacsés lorsque leur partenaire décède. Certains ont pu, par exemple, être interdits par la famille de présence aux obsèques. Je souhaitais qu'ils ne puissent subir une telle exclusion.
Ces deux amendements ont été retoqués par la commission sur un fondement pernicieux. Un amendement sur le Pacs avait été adopté en première lecture, on ne peut donc dire que les miens étaient sans rapport avec le texte.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Cet amendement supprime l'extension aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité des dispositions de l'article 79 du code civil, qui imposent l'énonciation, dans l'acte de décès d'un époux, des prénoms et nom de l'autre époux.
Toute mention portée sur un acte d'état civil doit être justifiée par des raisons juridiques précises. En l'absence de vocation successorale légalement déterminée du partenaire lié par un Pacs, cette mention n'a aucun effet juridique et apparaît sans objet.
Ce qui importe, c'est que la mention du Pacs figure sur l'acte de naissance, avec le nom de la personne pacsée, parce que cet acte produira des effets durant toute la vie.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Quand il n'y a pas de lien direct, la règle de l'entonnoir s'applique ; sur le fond, je suis d'accord avec Mme Boumediene-Thiery, mais pas sur la forme.
Je ne suis d'accord avec le ministre. Les partenaires d'un Pacs sont titulaires de droits successoraux spécifiques, comme celui d'habiter pendant un an le domicile commun.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Ce qui compte dans la vie, c'est la naissance, pas le décès.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Il y a les deux !
M. Michel Mercier, garde des sceaux, rapporteur. - L'acte de naissance de la personne concernée lui permettra d'obtenir le droit que vous mentionnez, ce qui sera plus commode que d'exiger l'acte de décès du partenaire.
Vous qui allez à la rencontre des maires, monsieur le rapporteur, pourquoi imposer aux mairies un travail supplémentaire et inutile ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Dois-je vous relire l'article 763 du code civil ? Je maintiens un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le Gouvernement veut envoyer beaucoup de gens au contentieux. (M. le garde des sceaux se récrie) Ce qui serait d'autant plus hasardeux que la chancellerie manque cruellement de personnel.
Il n'est pas rare que la famille du défunt veuille ignorer qu'il était homosexuel et pacsé, le reconnaître sur l'acte de décès est donc très important.
La position du Gouvernement me paraît un très mauvais signe ; il ne veut pas la reconnaissance pleine et entière du Pacs.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je comprends mal l'acharnement du Gouvernement contre cet article, issu d'un amendement que j'avais fait adopter en première lecture, avec un avis favorable du rapporteur et l'unanimité du Sénat. Il a pour effet d'assurer une symétrie et un parallélisme avec les dispositions légales applicables aux mariés. Il faut sécuriser les droits du partenaire survivant, dont la rupture de la convention n'efface pas l'existence.
M. Laurent Béteille. - Pour une fois, je ne serai pas d'accord avec le rapporteur : les arguments du ministre sont pertinents. Le fait est que les communes n'ont pas toujours la possibilité de vérifier l'existence d'un Pacs, si bien que l'article premier A apporte une fausse sécurité qui risque de compliquer la vie des services d'état civil et d'avoir des effets contreproductif pour les pacsés eux-mêmes.
M. Pierre-Yves Collombat. - L'argument de la complexification des petites communes est hilarant ! Il ne s'agit ici que de réaffirmer le parallélisme des formes avec le mariage. S'il y a des déclarations frauduleuses, elles seront sanctionnées par la loi.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je souscris aux arguments de M. le rapporteur. Il ne faut pas avoir une conception uniquement utilitariste. La symbolique est importante.
M. le garde des sceaux m'a quelque peu déçu, qui nous a rappelé que nous allions bientôt arpenter le territoire des petites communes, faisant ainsi allusion aux prochaines sénatoriales. Nous n'avons jamais évoqué à votre propos les cantonales et, d'ailleurs, cela n'aurait eu aucun effet.
Je n'ai pas été convaincu par M. le rapporteur quand il a dit à Mme Boumediene-Thiery que les amendements nos30 et 31 n'étaient pas recevables. L'amendement n°31 a trait aux funérailles : aujourd'hui, le pacsé ne peut les organiser. Comment M. le rapporteur peut-il prétendre que cet amendement n'a pas de rapport avec l'article premier A ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Je ne peux pas changer les choses : la commission des lois a voté ce matin.
Sur l'irrecevabilité, vous ne pouvez vous plaindre d'un texte fourre-tout et accroître sans cesse le nombre de ses dispositions. En deuxième lecture, on doit se limiter aux dispositions encore en discussion. Ce n'est pas parce qu'un article fait référence au Pacs qu'il faut essayer de modifier toute la législation qui le concerne.
A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°57 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l'adoption | 1 |
Contre | 332 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Applaudissements à gauche)
L'article premier A est adopté.
Article premier (Supprimé)
M. Paul Raoult. - J'espère que la CMP ne réintroduira pas à l'article premier une disposition inutile qui complexifierait le droit aux fins de protéger les consommateurs contre les variations excessives de leur facture d'eau. Les rapports entre les distributeurs et les usagers seraient judiciarisés encore un peu plus, étant donné la mauvaise foi de certains de ces derniers ; des compteurs sont bricolés, d'autres, dans les résidences secondaires, mal protégés et il n'y a même plus de concierges dans les bâtiments publics qui pourraient surveiller la consommation.
J'espère que nos collègues tiendront bon en CMP. Pourquoi ne pas prévoir une médiation publique en cas de conflit entre distributeurs d'eau et usagers, comme cela existe dans d'autres secteurs ?
L'article premier demeure supprimé.
La séance est suspendue à 16 h 45.
*
* *
La séance reprend à 17 heures.
Grand Paris (Questions cribles)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le Grand Paris.
Mme Catherine Tasca. - Le protocole du 26 janvier 2011 ouvre la voie à un accord sur les transports en Ile-de-France. D'autres engagements devront être concrétisés dans les mois prochains, notamment sur les tracés et sur les dessertes.
Les demandes des élus locaux n'ont pas toutes été prises en compte. Quid des engagements financiers de l'État et de la maîtrise d'ouvrage ? Une convention suffira-t-elle ? Le partage de la maîtrise d'ouvrage pose des problèmes. Le Stif devra avoir la maîtrise d'ouvrage du prolongement de la ligne 14 et d'un tronçon de la future rocade. Il faudra aussi sécuriser le rôle du Stif comme autorité organisatrice de transport. C'est à lui que revient d'assurer la cohérence du futur réseau. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Maurice Leroy, ministre de la ville. - Je réaffirme devant vous que le rôle du Stif comme autorité organisatrice n'est pas remis en cause. La loi du 3 juin 2010 ne touche pas à ses prérogatives.
L'accord du 26 janvier 2011 réaffirme le souci d'un maintien du Stif dans la réalisation de la rocade du Grand Paris. La maîtrise d'ouvrage du prolongement de la ligne 14 sera bien confiée au Stif. Je suis prêt à examiner toutes les voies conventionnelles et réglementaires possibles pour concrétiser cette association. Si ces moyens ne suffisent pas, nous pourrons envisager une modification du code des transports. L'engagement est clair.
Mme Nicole Bricq. - Nous poursuivrons ce dialogue demain à l'occasion de l'examen de notre proposition de loi : nous progressons puisque vous évoquez une convention mais une loi aurait été préférable. Le conseil de surveillance de la SGP va déterminer le nombre de gares mais l'État y est majoritaire. Nous restons donc sur notre faim. En ce qui concerne la maîtrise d'ouvrage : quand on paye, on y a droit !
M. Bernard Vera. - Le débat public sur le Grand Paris a mobilisé de nombreux citoyens.
Le 26 janvier, un protocole d'accord a été signé sur le projet rebaptisé Grand Paris express. Mais l'orientation libérale demeure et la compétition entre les territoires est organisée.
Le financement est incertain. Sur 33 milliards, 11,9 milliards sont mobilisés pour le plan de mobilisation des transports. Sur les 20 milliards du Grand Paris express, la moitié seulement est garantie : les collectivités et les usagers seront mis à contribution. Les populations modestes vont être encore plus repoussées à la périphérie de l'Ile-de-France.
Le nouveau schéma de transport n'améliore pas la desserte de la grande couronne. Il est regrettable qu'on ne nous propose que le développement du réseau ferré.
Quelles mesures entendez-vous prendre pour favoriser l'offre de transport de proximité ? (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Maurice Leroy, ministre. - Vision libérale ? Le débat n'est pas là. Demandez aux présidents du conseil général du Val-de-Marne et de Seine-Saint-Denis et au président de la région Ile-de-France si nos travaux communs sont vraiment « libéraux ».
Grâce au budget voté par la majorité sénatoriale les moyens financiers sont au rendez-vous. Dès cette année, 500 millions seront mobilisés pour moderniser les lignes C et D du RER. C'est du concret, pas un débat sur Schumpeter et le libéralisme ! Le Grand Paris est une vision du président de la République : nous devons tous nous en réjouir, sur tous les bancs, sans esprit partisan, et c'est un projet qui dépasse le temps médiatique et politique. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Vera. - La loi sur le Grand Paris met en péril la cohérence territoriale de l'Ile-de-France.
M. Maurice Leroy, ministre. - Ce n'est pas ce que pense M. Braouezec !
M. Bernard Vera. - Je suis parlementaire de l'Essonne, pas des départements que vous avez cités.
M. Maurice Leroy, ministre. - C'est dommage ; il faut avoir une vision d'ensemble.
M. Bernard Vera. - Les pôles de compétitivité vont aspirer les financements. Le schéma de transport pose un même problème : il est injuste dans son financement et porte atteinte à la démocratie locale. Les communes qui ne signeraient pas perdraient toute possibilité d'aménagement autour des gares alors qu'elles financeraient les réseaux.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Engagé en 1970, l'éclatement des universités parisiennes n'a pas eu l'impact escompté. Le pôle scientifique de Saclay devrait être à moins de trente minutes de Paris : le Gouvernement va-t-il maintenir sa décision d'un métro automatique ?
Le Gouvernement veut financer les opérations sur Saclay par la vente d'établissements parisiens comme ceux de l'École des mines, de l'Inra, de l'Enset ou de la Maison des sciences de l'homme à Paris.
L'attractivité de nos universités parisiennes est liée à leur localisation au coeur de la capitale. N'allons pas déshabiller Paris au profit de Saclay.
Nous souhaitons que nous puissions maintenir dans ces bâtiments des activités universitaires. Qu'en sera-t-il ?
M. Maurice Leroy, ministre. - Dans le protocole entre l'État et l'Ile-de-France, nous avons une desserte de Massy, Saint-Quentin-en-Yvelines et Versailles par un métro automatique qui va respecter la zone de protection du plateau de Saclay, lequel sera relié à Paris en trente minutes.
Les investissements du plan Campus et du Grand emprunt permettront de lancer les opérations prévues.
Sur le patrimoine immobilier universitaire de Paris, je rappelle que le campus Condorcet en particulier permettra de dynamiser les universités installées au coeur de la capitale.
Je tiens à vous rassurer : il ne s'agit pas de déshabiller des universités parisiennes au profit de Saclay mais de renforcer l'attractivité de la région capitale grâce à un pôle de recherche fort sur le plateau de Saclay.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Vous n'avez pas répondu à ma question.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Le Grand Paris ne peut se concevoir que concomitamment avec le développement de l'axe Paris-Le Havre.
Mais sur l'axe Seine, il ne faut pas oublier Rouen, dont le port est des plus dynamiques.
C'est à cette échelle que doit se concevoir le développement du Grand Paris, qui ne doit pas se réduire à un simple corridor pour le transport des marchandises. Il faut conduire une politique d'aménagement transrégionale, avec les deux Normandie.
Mme Françoise Laborde. - Avec la majorité du groupe RDSE, j'ai voté contre la loi du Grand Paris, qui avait été instrumentalisée à des fins politiques par le président de la République. Trois ministres plus tard, la principale avancée a été de retarder les travaux programmés par la région Ile-de-France. Le seul objectif doit être d'améliorer les conditions de vie des Franciliens. Comment comptez-vous éviter de reproduire les erreurs d'urbanisme des années 70 ?
Comment désenclaver les quartiers sensibles ?
Comment éviter des hausses de tarifs et d'impôts locaux ? Il faut aussi se préoccuper des interconnexions entre les réseaux locaux et nationaux. La Commission nationale du débat public rend son rapport jeudi. Les bonnes intentions ne suffiront pas : nous attendrons des actes. (Applaudissements au centre)
M. Maurice Leroy, ministre. - Je me réjouis qu'une sénatrice de Haute-Garonne prenne part à cette discussion.
M. Jean-Pierre Plancade. - C'est facile !
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous représentons la Nation tout entière !
M. Maurice Leroy, ministre. - Ne prenez pas la mouche ! Je m'en félicite : le Grand Paris n'est pas qu'une affaire de Parisiens et de Franciliens. Oui, il y a eu des erreurs d'urbanisme. Quand on demande aux maires qui a fait ces jolies barres, on ne se trompe jamais en supposant que c'est un grand prix de Rome ! Et je n'évoque pas l'idéologie qui a inspiré ces grands ensembles qui devaient rendre la vie meilleure...
Si nous signons des contrats de développement territoriaux, c'est pour éviter de reproduire ces erreurs. Il s'agit d'un véritable partenariat. Nous nous dotons d'outils d'urbanisme.
Quand au schéma d'urbanisme, je me réjouis que nous nous retrouvions demain pour en débattre. Tirons les leçons de toutes les expériences.
Les financements sont parfaitement équilibrés : 10 milliards pour l'État et 11 milliards pour les collectivités. Il n'en coûtera pas trop aux contribuables. Vous devriez être rassurés par ma réponse.
Mme Françoise Laborde. - Je ne demande qu'à vous faire confiance.
Le facteur temps est important. Le schéma régional devrait être le soleil et autour de chaque gare, les interconnexions devraient être nombreuses.
M. Laurent Béteille. - La zone de protection relative au plateau de Saclay doit s'étendre sur 2 300 hectares. Nous attendons le décret d'application ; or le calendrier est dépassé. Il faut que cette zone de protection entre en vigueur car elle conditionne tout le reste.
Je me félicite de l'accord entre la région et l'État mais il y a un problème avec les RER existant : 1,2 milliard est prévu pour le remplacement des rames de la ligne A, 500 millions pour la ligne C et autant pour la ligne D.
Je crains que les sommes prévues ne suffisent pas pour faire face à la vétusté du matériel et à l'accroissement du trafic. Il sera notamment nécessaire de doubler le tunnel entre la gare du nord et le Châtelet : aucun financement n'est prévu ; il est juste mentionné « pour mémoire », ce qui est un peu court...
M. Maurice Leroy, ministre. - Les 2 300 hectares de terres agricoles à préserver sur le plateau de Saclay ? Le décret d'application devrait pouvoir être publié cet automne, fondé sur le principe de continuité et de compacité.
L'effort de modernisation des RER est d'une importance sans précédent : apporter 500 millions pour le RER C et autant pour le RER D, ce n'est pas rien ! Le projet de réseau devrait d'ailleurs alléger la partie centrale du réseau.
La question du flux Paris-Juvisy est posée, ainsi que le projet de dédoublement du tunnel Châtelet-Gare du nord.
M. Laurent Béteille. - J'espère que nous aurons bien le décret cet automne.
Les habitants de l'Essonne sont confrontés tous les jours à un gros problème de transports et ont entendu trop de promesses.
Mme Dominique Voynet. - De quoi parle-t-on au juste ? Le Grand Paris, ce peut être beaucoup de choses... Le Sdrif de 1994 est obsolète ; celui de 2008 ne plaisait pas au Gouvernement. Après deux ans de discussions, un compromis a été trouvé, mais le Conseil d'État a rendu un avis négatif. Depuis, on attend un nouveau Sdrif. Vous avez promis de libérer les projets des collectivités : je suis sûre que vous trouverez une solution intelligente : il ne peut y avoir qu'un et un seul Sdrif. Sortir du blocage, très bien, mais par quelle porte ?
M. Maurice Leroy, ministre. - Vous ouvrez notre débat de demain. Oui, le Sdrif est bloqué, à cause d'une décision du Conseil d'État. Si la proposition de loi de demain est, comme je l'espère, adoptée, ce sera une bonne chose pour débloquer la situation. Ce texte est bon et va dans le sens de mon accord du 26 janvier avec le président Huchon. Mais ce texte n'aura de vertu que transitoire : il faudra retravailler sur la question.
L'intensité du débat public a été très satisfaisante. Il ne faut pas que ce travail soit perdu, j'en suis bien d'accord.
Mme Dominique Voynet. - Le Conseil d'État n'a pas rendu une décision mais un avis consultatif qui ne s'impose pas au Gouvernement.
Ce dernier a un problème avec la gestion du temps : avec quelques mois de plus, il aurait été possible d'aboutir à un consensus plus solide. A Saclay, par exemple, le débat reste vif : bus, tramway, métro ?
Rien n'est proposé pour desservir Fontenay correctement.
Enfin, des décisions ont été prises trop hâtivement, notamment pour la ligne 11 du métro. Donnons-nous quelques semaines de réflexion.
M. Christian Cambon. - Le Val-de-Marne a été le premier à mettre en évidence la nécessité d'une double boucle pour fluidifier les échanges de banlieue à banlieue. Des études approfondies ont confirmé l'intérêt du projet Orlyval.
Deux projets sont en concurrence : celui qui passe par Neuilly-sur-Marne, fondé sur des statistiques anciennes et celui qui dessert Val de Fontenay, évidemment le meilleur.
M. Jacques Mahéas. - Position partisane !
M. Christian Cambon. - Des études approfondies à partir de chiffres fiables et actuels s'imposent.
M. Maurice Leroy, ministre. - Vous avez raison de souligner le rôle précurseur d'Orlyval. Val de Fontenay bénéficie déjà des RER A et E.
M. Jacques Mahéas. - Très bien !
M. Maurice Leroy, ministre. - La Tangentielle nord pourrait être prolongée en Tangentielle est.
M. Jacques Mahéas. - Très bien !
M. Maurice Leroy, ministre. - Une étude conjointe de la Datar et de la SGP expertise les projets concurrents afin de nous donner des éléments pour le choix final. Je souhaite un projet commun entre la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.
M. Jacques Mahéas. - Très bien ! N'abandonnez pas la Seine-Saint-Denis !
M. Maurice Leroy, ministre. - Il s'agit là d'un engagement clair de ma part.
M. Christian Cambon. - Je vous remercie de cette clarification. Il ne s'agit évidemment pas de mettre de côté la Seine-Saint-Denis mais de prendre en compte les habitants du Val-de-Marne. La ligne A, c'est un million de voyageurs dans les pires conditions, sans compter les 260 000 voitures par jour sur l'A 4.
M. Philippe Dominati. - Le mécanisme employé est conservateur : de fait, il n'a rien de libéral !
Ce monstre administratif a un coût qui pèsera sur les contribuables parisiens et franciliens. Les sociétés d'État ne fonctionnent pas, on en crée une nouvelle.
Pourquoi y a-t-il rupture de charge entre le centre de l'agglomération et Roissy ? Et que se passera-t-il si, comme d'habitude, il y a dépassement financier ?
M. Maurice Leroy, ministre. - Votre inquiétude porte sur la SGP, disons-le clairement. Pour information, cette société est un établissement public biodégradable, une fois réalisés les 160 kilomètres de métro.
Le financement ? C'est le Parlement qui en a la maîtrise ! M. Fourcade, rapporteur du texte, y veille. Nous avons les moyens d'éviter tout dérapage.
« Si toute vérité n'est pas bonne à dire, elle est bonne à entendre » disait Talleyrand. Je parle clair : tout le monde me demande une gare, mais une gare coute 80 millions. Il faut avoir le même discours ici et sur le terrain. On ne peut veiller ici aux dépenses publiques et en demander en tant qu'élu local.
J'espère vous avoir rassuré.
M. Philippe Dominati. - Je ne suis que partiellement rassuré. Mme Morin-Desailly évoque la Seine-Maritime. Y paiera-t-on la taxe que devront payer les Franciliens ?
Hommage à une délégation suisse
Mme la présidente. - J'ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, de sept membres de la délégation du Parlement suisse chargée des relations avec la France, reçus actuellement à Paris par le groupe d'amitié France-Suisse du Sénat. Cette délégation est composée de parlementaires du Conseil national et du Conseil des États. Elle est présidée par Mme Liliane Maury Pasquier, ici présente, conseillère aux États du canton de Genève.
Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie que la délégation suisse porte à notre institution, et surtout au développement de la coopération entre le Parlement de la Confédération et notre Sénat.
Au nom du Sénat de la République, je forme des voeux pour que le séjour en France de la délégation suisse contribue à renforcer les liens de notre amitié et la parfaite collaboration entre nos assemblées. Je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent)
La séance est suspendue à 18 heures.
*
*..........*
La séance reprend à 18 h 15.
Simplification du droit (Deuxième lecture - Suite)
Mme la présidente. - Nous reprenons la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.
Discussion des articles (Suite)
Article 2
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin et Mme Laborde.
Supprimer cet article.
M. Jacques Mézard. - Cet article n'est en rien de simplification de la qualité du droit. Il généralise entre les administrations les échanges de données, d'informations et de pièces justificatives nécessaires au traitement des demandes présentées par les usagers.
Ces dispositions, de nature réglementaire, demeurent bien trop imprécises. Le rapporteur parle de lutter contre les fraudes documentaires. Comment ? Certainement pas avec un article aussi vague, dont nous voyons qu'il a pour effet de faciliter le croisement des données et qu'il représente un gros travail de réorganisation des administrations.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Cet article pose un principe général ; il relève bien du domaine de la loi et n'est pas imprécis mais pragmatique, en laissant au décret le soin de le préciser.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Cet article confère aux usagers un droit nouveau. M. Mézard ne peut pas être contre !
M. Jean-Pierre Sueur. - Il est difficile de considérer que cet article ne relève pas du règlement ! Ce texte, et les jugements qu'il suscite, est à géométrie variable. Les échanges de papiers entre administrations relèvent de la loi mais les classements des élèves de l'ENA sont réglementaires. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, s'exclame)
Un jeune cycliste s'est retrouvé coincé sous un autobus ; le conducteur de l'autobus a déplacé son véhicule : est-il responsable de sa mort ? Je ne sais mais je sais que les conducteurs de véhicules de transport collectif devraient avoir une formation de secouriste. Il faudrait un règlement européen en ce sens. Quand viendra-t-il ? Pourriez-vous, monsieur le garde des sceaux, faire part du problème à votre collègue chargé des transports ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - L'article 2 a un caractère législatif, que le Conseil d'État a rappelé, car il s'agit d'échanges de données entre autorités administratives.
L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté, ainsi que l'article 4.
Article 6 bis A
M. Jean-Pierre Sueur. - Je répète combien il est important de prendre en compte la situation inextricable des personnes qui ont hérité de copropriétés en temps partagé. Cet article, sans doute insuffisant, est une bonne chose.
Certains ont gagné beaucoup d'argent avec ces copropriétés : le problème mérite l'intervention du législateur.
L'article 6 bis A est adopté.
L'article 6 bis demeure supprimé.
Article 8 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°59 rectifié, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Lorsqu'une autorité administrative est tenue de procéder à la consultation d'une commission consultative préalablement à l'édiction d'un acte réglementaire, à l'exclusion des mesures nominatives, elle peut décider d'organiser une consultation ouverte permettant de recueillir, sur un site internet, les observations des personnes concernées. L'autorité administrative fait connaître par tout moyen les modalités de la consultation.
Au terme de la consultation, elle établit une synthèse des observations qu'elle a recueillies, éventuellement accompagnée d'éléments d'information complémentaires. Cette synthèse est rendue publique.
Cette consultation ouverte se substitue à la consultation obligatoire en application d'une disposition législative ou réglementaire. Les commissions consultatives dont l'avis doit être recueilli en application d'une disposition législative ou réglementaire peuvent faire part de leurs observations dans le cadre de la consultation prévue au présent article.
Demeurent obligatoires les consultations d'autorités administratives indépendantes prévues par les textes législatifs et réglementaires, les procédures d'avis conforme, celles qui concernent l'exercice d'une liberté publique, constituent la garantie d'une exigence constitutionnelle ou traduisent un pouvoir de proposition ainsi que celles mettant en oeuvre le principe de participation.
Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article, notamment les modalités d'organisation de la consultation, dont la durée ne peut être inférieure à quinze jours.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - L'amendement rétablit les dispositions votées en deuxième lecture par l'Assemble nationale. Il répond au dernier rapport de l'OCDE sur nos formes traditionnelles de consultation. Nous donnons un nouveau champ à l'expression de nos concitoyens, via internet.
La disposition marque une avancée qui demeure prudente en direction d'une modernisation et d'un élargissement des obligations traditionnelles de consultation.
L'objet n'est pas de court-circuiter les commissions consultatives classiques. Il faut donner aux parties prenantes la possibilité de s'exprimer. Il peut être utile, dans certains cas, d'élargir le champ de la consultation.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - La commission des lois n'est pas une girouette. Nous maintenons notre position de première lecture. Nous estimons que le dispositif de l'Assemblée nationale visait à court-circuiter des commissions que le pouvoir réglementaire n'ose pas supprimer ou réformer -ou qui fonctionnent à la satisfaction générale.
M. Pierre-Yves Collombat. - Nous avons un problème de démocratie, qu'on ne résoudra pas en multipliant les boursouflures démocratiques. Donnons les bonnes informations aux commissions existantes, faisons-les fonctionner au mieux. Et appliquons la loi avant d'inventer des procédures plus ou moins vaseuses.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Ne confondons pas l'outil, internet, et l'objectif poursuivi. Les consultations ouvertes, on sait ce que c'est ; les journaux se font tous les matins l'écho de sondages dits interactifs... Reste qu'internet peut être utilisé lors des enquêtes, à condition que l'on connaisse l'origine des intervenants.
L'amendement n°59 rectifié n'est pas adopté.
L'article 8 demeure supprimé.
L'article 9 est supprimé.
L'article 14 bis A demeure supprimé. L'article 16 bis A est adopté.
L'article 16 bis B demeure supprimé, ainsi que les articles 21 et 22.
Article 25
Mme la présidente. - Amendement n°58, présenté par le Gouvernement.
Alinéas 2 et 3
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° Le dernier alinéa de l'article L. 1272-3 est supprimé ;
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Le Sénat est difficile à convaincre. (Sourires) Cet amendement aligne sur le droit commun les modalités de paiement des congés payés des salariés pour lesquels les employeurs recourent au chèque emploi associatif. Dans le système actuel, ces salariés ne sont payés que onze mois sur douze et perçoivent une rémunération compensatrice. Ce système est complexe et source de contraintes tant pour les employeurs que pour les salariés.
Le Gouvernement a soutenu l'alignement du dispositif actuel avec celui de droit commun, plus souple et plus juste. Le dispositif prévu par la commission serait plus compliqué à mettre en oeuvre et non conforme au droit communautaire.
Nous parlons ici d'associations qui ont rarement de gros moyens administratifs, non d'entreprises du CAC 40...
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Le Gouvernement propose de revenir au texte de l'Assemblée nationale. Mme Françoise Henneron a insisté pour que nous retenions une disposition intermédiaire.
L'amendement du Gouvernement rendrait les choses plus complexes. Avis défavorable.
Mme Françoise Henneron. - J'ai bien écouté les arguments de M. Mercier mais le régime de droit commun serait, en l'espèce, source de complexité. Les petites associations apprécient la simplicité du régime actuel ; il ne faudrait pas les dissuader d'embaucher ou les inciter à recourir au travail au noir. Le dispositif optionnel que je propose n'est pas compliqué. Que se passera-t-il demain ? Va-t-on demander aux particuliers employeurs qui ont recours au Cesu d'appliquer le droit commun pour les congés payés ? Je voterai contre l'amendement du Gouvernement.
L'amendement n°58 n'est pas adopté.
M. Roland Courteau. - C'est une fois encore l'unanimité contre le Gouvernement !
L'article 25 est adopté.
L'article 26 bis est adopté.
Article 27
Mme la présidente. - Amendement n°19, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous sommes opposés par principe aux amendements qui transposent en catimini la directive Services. Il aurait fallu un débat d'ensemble ; nous n'acceptons pas la transposition par morceaux.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Cet article rend la réglementation de la presse destinée à la jeunesse conforme à la directive Services. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Avis défavorable à l'amendement : la loi de 1949 doit être rendue conforme aux exigences communautaires. De plus, cet article clarifie, modernise et simplifie la législation applicable aux publications destinées à la jeunesse.
L'amendement n°19 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin et Mme Laborde.
Alinéas 20 à 23
Supprimer ces alinéas.
M. Jacques Mézard. - Mon propos vaudra aussi pour les deux amendements suivants. Nous souhaitons nous aussi nous élever contre la transposition par morceaux de la directive Services. Le Gouvernement utilise ce texte comme un bus législatif...
M. Jean-Pierre Sueur. - Un omnibus ! Dont le Gouvernement augmente les tarifs à sa convenance. (Sourires)
M. Jacques Mézard. - ...pour y faire entrer ce qu'il veut. Il va nous répondre qu'il a fait le choix de transposer la directive par tranches. Certes, mais comme nous avons déjà un an de retard, nous avions le temps d'attendre le bus suivant, et le bon. Cette directive sert de prétexte commode à des réformes mal engagées. La directive aurait mérité une publicité plus large.
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin et Mme Laborde.
Alinéa 32
Supprimer cet alinéa.
M. Jacques Mézard. - Il est défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin et Mme Laborde.
Alinéas 35 à 38
Supprimer ces alinéas.
M. Jacques Mézard. - Il est défendu.
Les amendements nos2 rectifié, 3 rectifié et 4 rectifié, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°49, présenté par M. Bordier.
Alinéa 49
Remplacer cet alinéa par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - L'article 6 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques est ainsi modifié :
1° À la première phrase du deuxième alinéa, les références : « alinéas 2, 3 et 4 » sont remplacées par les références : « alinéas 1, 3, 4 et 5 » ;
2° À la seconde phrase du deuxième alinéa, après les mots : « mesure d'interdiction de vente aux mineurs » sont insérés les mots : « prévue aux alinéas 1 et 3 de l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ».
M. Pierre Bordier. - Cet amendement de coordination procède à des changements de références dans l'article 6 de la loi du 2 avril 1947 afin de tenir compte des modifications apportées par l'article 27.
L'amendement n°49, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'article 27, modifié, est adopté.
Article 27 quater A (Suppression maintenue)
Mme la présidente. - Amendement n°20, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Le 7° du I de l'article L. 442-6 est ainsi rédigé :
« 7° De soumettre un partenaire à des conditions de règlement qui ne respectent pas les plafonds fixés aux huitième et neuvième alinéas de l'article L. 441-6. Est abusif le fait, pour le débiteur, de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d'émission de la facture ; »
2° Au dernier alinéa du I de l'article L. 441-6, les mots : « aux huitième et onzième alinéas » sont remplacés par les mots : « au onzième alinéa ».
Mme Françoise Cartron. - Cet article, adopté par le Sénat en première lecture, a été supprimé par les députés qui ont jugé qu'il n'était pas opportun de rouvrir le débat sur les délais de paiement, une mission ayant été confiée sur cette question au président de l'Observatoire des délais de paiement. Cet article, qui ne vise qu'à modifier les règles en matière de sanctions, ne bouleverse pas l'économie de la LME. Il peut donc être rétabli avant les conclusions de la mission, prévues en avril, et qui portent sur un champ bien plus important que ce modeste article. M. Saugey regrette d'ailleurs la décision des députés dans son rapport.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Mme Cartron a bien rappelé ce qu'il en est. Nous avions adopté cet article mais l'Assemblée nationale a estimé qu'il ne fallait pas modifier la LME et souhaité attendre les conclusions de la mission en cours. Pour ma part, j'ai hésité à redéposer cet amendement. Je me tourne vers le Gouvernement...
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Le Gouvernement avait soutenu cet amendement en première lecture et il est favorable à son rétablissement. Il n'est pas fondé de maintenir deux régimes de sanctions distincts en cas de non-respect des délais de paiement. L'harmonisation est souhaitable, d'autant que les sanctions pénales sont, à ce jour, inexistantes.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Le ministre a achevé de me convaincre. Avis favorable.
L'amendement n°20 est adopté.
L'article 27 quater A est rétabli.
L'article 27 septies demeure supprimé, ainsi que les articles 27 octies et 27 undecies.
L'article 28 ter A est adopté.
L'article 29 est supprimé.
Article 29 bis
Mme la présidente. - Amendement n°56, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi rédigé :
« Art. 26. -I - Sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'État et qui intéressent la sûreté de l'État ou la défense.
« II - Sans préjudice des dispositions de l'article 6, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'État et qui intéressent la sécurité publique ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté, ne peuvent être autorisés qu'à la condition de répondre à une ou plusieurs des finalités suivantes :
« 1° Permettre aux services chargés d'une mission de police judiciaire d'opérer des rapprochements entre des infractions susceptibles d'être liées entre elles, à partir des caractéristiques de ces infractions, afin de faciliter l'identification de leurs auteurs ;
« 2° Faciliter par l'utilisation d'éléments biométriques ou biologiques se rapportant aux personnes, d'une part la recherche et l'identification des auteurs de crimes et délits, d'autre part la poursuite, l'instruction et le jugement des affaires dont l'autorité judiciaire est saisie ;
« 3° Répertorier les personnes et les objets signalés par les services habilités à alimenter le traitement, dans le cadre de leurs missions de police administrative ou judiciaire, afin de faciliter les recherches des services enquêteurs et de porter à la connaissance des services intéressés la conduite à tenir s'ils se trouvent en présence de la personne ou de l'objet ;
« 4° Faciliter la prévention, la constatation et la poursuite des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs ;
« 5° Faciliter la diffusion et le partage des informations détenues par différents services de police judiciaire et des douanes, sur les enquêtes en cours ou les individus qui en font l'objet, en vue d'une meilleure coordination de leurs investigations ;
« 6° Centraliser les informations destinées à informer le Gouvernement et le représentant de l'État afin de prévenir les atteintes à la sécurité publique ;
« 7° Procéder aux enquêtes administratives liées à la sécurité publique ;
« 8° Faciliter la gestion administrative ou opérationnelle des services de police, de gendarmerie et des douanes, ainsi que des services chargés de l'exécution des décisions des juridictions pénales en leur permettant de consigner les événements intervenus, de suivre l'activité des services et de leurs agents, de suivre les relations avec les usagers du service, d'assurer une meilleure allocation des moyens aux missions et d'évaluer les résultats obtenus ;
« 9° Organiser le contrôle de l'accès à certains lieux nécessitant une surveillance particulière ;
« 10° Recenser et gérer les données relatives aux personnes ou aux biens faisant l'objet d'une même catégorie de décision administrative ou judiciaire ;
« 11° Faciliter l'accomplissement des tâches liées à la rédaction, à la gestion et à la conservation des procédures administratives et judiciaires et assurer l'alimentation automatique de certains fichiers de police et des douanes ;
« 12° Recevoir, établir, conserver et transmettre les actes, données et informations nécessaires à l'exercice des attributions du ministère public et des juridictions pénales, et à l'exécution de leurs décisions.
« III. - Les traitements mentionnés au II sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« Ceux des traitements mentionnées aux I et II du présent article qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 8 sont autorisés par décret en Conseil d'État pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« L'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés est publié avec l'arrêté ou le décret autorisant le traitement.
« IV. - Dans les traitements mentionnés au 6° du II du présent article, la durée de conservation des données concernant les mineurs est inférieure à celle applicable aux majeurs, sauf à ce que leur enregistrement ait été exclusivement dicté par l'intérêt du mineur. Cette durée est modulée afin de tenir compte de la situation particulière des mineurs et, le cas échéant, en fonction de la nature et de la gravité des atteintes à la sécurité publique commises par eux.
« V. - Certains traitements mentionnés au I peuvent être dispensés, par décret en Conseil d'État, de la publication de l'acte réglementaire qui les autorise. Pour ces traitements, est publié, en même temps que le décret autorisant la dispense de publication de l'acte, le sens de l'avis émis par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« Les actes réglementaires qui autorisent ces traitements sont portés à la connaissance de la délégation parlementaire au renseignement et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« VI. - Lorsque la mise au point technique d'un traitement mentionné aux I ou II nécessite une exploitation en situation réelle de fonctionnement, un tel traitement peut-être mis en oeuvre à titre expérimental pour une durée de dix-huit mois, après déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les modalités selon lesquelles la commission est informée de l'évolution technique d'un tel projet de traitement et fait part de ses recommandations au seul responsable de ce projet.
« VII. - Pour l'application du présent article, les traitements qui répondent à une même finalité, portent sur des catégories de données identiques et ont les mêmes destinataires ou catégories de destinataires peuvent être autorisés par un acte réglementaire unique. Dans ce cas, le responsable de chaque traitement adresse à la Commission nationale de l'informatique et des libertés un engagement de conformité de celui-ci à la description figurant dans l'autorisation. »
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Les fichiers de police sont un outil précieux pour les enquêtes mais ils limitent les libertés individuelles. Il faut donc être vigilant.
La loi Informatique et libertés a été une grande avancée. Depuis, de nombreux fichiers ont vu le jour. Il est opportun de confier au législateur le soin de déterminer de façon exhaustive les finalités de la création des fichiers de police. Cet amendement est une avancée décisive des libertés individuelles.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - J'ai l'impression qu'il y a maldonne. Les dispositions proposées ont été reprises quasiment à l'identique dans la proposition de loi Détraigne-Escoffier, qui est en instance à l'Assemblée nationale. Outre les modifications substantielles qu'il apporte à la législation actuelle, cet article donne au passage de nouveaux pouvoirs aux Douanes. Pour les mêmes raisons, la commission sera défavorable aux amendements suivants du Gouvernement.
M. Pierre-Yves Collombat. - J'abrégerai moi aussi la douleur de M. le garde des sceaux ; mon propos vaudra pour cet amendement et les suivants...
Il faut être cohérent ! Les questions relatives aux fichiers numériques et à la protection des données personnelles font l'objet d'un texte complet, qui a largement rassemblé notre assemblée. Nous demandons que le Gouvernement prenne la peine de l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
M. Jacques Mézard. - Nous partageons cette analyse. Utiliser cette proposition de loi pour intégrer des dispositions qui modifient aussi profondément la législation sur les fichiers de police n'est pas raisonnable. C'est un véritable passage en force ! (M. le garde des sceaux le conteste) En guise d'objet, le Gouvernement estime que ces amendements sont « particulièrement importants » et que la proposition de loi Escoffier-Détraigne, modifiant substantiellement les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, est de nature à complexifier le cadre juridique.
Vous utilisez une nouvelle fois cet omnibus législatif pour réduire à néant notre travail. Ce n'est pas respectueux pour le travail du Sénat.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Je ne peux laisser M. Mézard dire que le Gouvernement voudrait saboter le travail du Sénat. Regardez le calendrier parlementaire ! Les propositions de loi sont inscrites souverainement par les assemblées ; il est logique que dans l'ordre du jour prioritaire, le Gouvernement inscrive ses propres textes.
Les amendements nos61, 63, 64 et 65 du Gouvernement sont tout aussi importants. Ce sont des amendements de fond qui vont dans le sens des libertés publiques.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il ne tient qu'à vous, s'il y a urgence, que cette proposition de loi soit discutée à l'Assemblée nationale ! Vous voulez nous faire voter à la va-vite et nous priver, ainsi que les députés, d'un débat de fond.
L'amendement n°56 n'est pas adopté.
L'article 29 bis demeure supprimé.
Article 29 ter (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°64, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifiée :
1° Au IV de l'article 8, la référence : « II » est remplacée par les références : « I ou au III » ;
2° A l'avant-dernier alinéa de l'article 15, les références : « au I ou II » sont remplacées par les références : « aux I, II ou III » ;
3° Au III de l'article 27, la référence : « IV » est remplacée par la référence : « VII » ;
4° Au premier alinéa du I de l'article 31, la référence : « III » est remplacée par la référence : « V » ;
5° Au IV de l'article 44, la référence : « III » est remplacée par la référence : « V » ;
6° Aux 1°, 2° et 3° du II de l'article 45, les références : « au I et au II » sont remplacées par les références : « aux I, II et III » ;
7° Au premier alinéa de l'article 49, les références « au I ou au II » sont remplacées par les références « aux I, II ou III » ;
8° À l'avant-dernier alinéa de l'article 69, les références « au I ou au II » sont remplacées par les références : « aux I, II ou III ».
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Il est défendu.
L'amendement n°64, repoussé par la commission, n'est pas adopté.
L'article 29 ter demeure supprimé.
Article 29 quater (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°61, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le troisième alinéa de l'article 16 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - au VI de l'article 26 ; »
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Il est défendu.
L'amendement n°61, repoussé par la commission, n'est pas adopté.
L'article 29 quater demeure supprimé.
Article 29 quinquies (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°63, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article 29 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les actes autorisant la création des traitements de l'article 26 comportent en outre la durée de conservation des données enregistrées et les modalités de traçabilité des consultations du traitement. »
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Il est défendu.
L'amendement n°63, repoussé par la commission, n'est pas adopté. L'article 29 quinquies demeure supprimé.
Article 29 sexies (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°62, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le I de l'article 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La commission élit en son sein trois de ses membres, dont deux parmi les membres mentionnés au 3°, au 4° ou au 5°. Ils composent une formation spécialisée de la commission chargée d'instruire les demandes d'avis formulées en application des I, III et VII de l'article 26. Cette formation est également chargée du suivi de la mise en oeuvre expérimentale de traitements de données prévue au VI de l'article 26. Elle organise, en accord avec les responsables des traitements, les modalités d'exercice du droit d'accès indirect, défini aux articles 41 et 42. »
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Il est défendu.
L'amendement n°62, repoussé par la commission, n'est pas adopté.L'article 29 sexies demeure supprimé.
Article 29 septies (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°65, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le deuxième alinéa du III de l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sont transmis à la délégation les actes réglementaires autorisant des traitements de données à caractère personnel pris en application du I de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et dispensés de la publication conformément au V du même article dans sa rédaction issue de la loi n° ... du ... de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. »
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Il est défendu.
L'amendement n°65, repoussé par la commission, n'est pas adopté.L'article 29 septies demeure supprimé, ainsi que l'article 29 nonies.
L'article 30 est adopté, ainsi que l'article 30 ter.
Article 32
Mme la présidente. - Amendement n°66, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois.
A. - Alinéas 8 et 9
Rédiger ainsi ces alinéas :
2° Le deuxième alinéa de l'article L. 628-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour l'application du présent chapitre, est réputé remplir les conditions de seuil mentionnées au premier alinéa de l'article L. 626-29 le débiteur dont le total de bilan est supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'État. »
B. - Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
IV. - Le III est applicable aux procédures ouvertes à compter de la publication de la présente loi.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Le critère de total de bilan, qui concerne n'importe quelle société, qu'elle établisse ou non des comptes consolidés, qu'elle contrôle ou non des sociétés de droit étranger, apparaît plus simple, plus pertinent et ne nécessite aucune opération de consolidation : c'est la dette financière figurant au bilan qui assurera l'éligibilité de la société, quelle que soit sa position au sein d'un groupe, à la procédure de sauvegarde financière accélérée.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Le sujet est technique mais important. Il est en effet nécessaire que la procédure puisse s'appliquer aux holdings et sous-holdings ; le critère de total de bilan le permet. Avis très favorable car j'y sais le président Hyest très attaché.
L'amendement n°66 est adopté.
L'article 32, modifié, est adopté.
L'article 32 ter, modifié, est adopté. L'article 32 quater est adopté.
Article 33
Mme la présidente. - Amendement n°18, présenté par Mme Cartron, MM. Sueur, Lagauche, Anziani, Bérit-Débat, Fichet, Percheron et Dauge et Mmes Blondin, Blandin, Bourzai et Lepage.
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° L'article 86 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Mme Françoise Cartron. - Il convient d'abroger l'article 86 de la loi du 13 août 2004 dont le décret d'application n'a toujours pas été publié.
L'Assemblée nationale a rétabli le texte que nous avions supprimé en première lecture, au motif de permettre une mutualisation des moyens dans les écoles rurales -la petite taille des établissements serait un frein à une gestion optimale des ressources humaines dans le premier degré... Le regroupement scolaire serait en outre motivé par l'intérêt pédagogique : ne s'agit-il pas plutôt de l'intérêt de la RGPP ? L'expérimentation, enfin, favoriserait la mixité sociale : en quoi pourrait-elle modifier la composition sociologique des classes ? La seule chose qui vous intéresse, en réalité, c'est de réduire les moyens de l'éducation nationale.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - En première lecture, la commission avait été favorable à la suppression de cette disposition inappliquée. Elle le reste.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Le sujet soulève beaucoup de difficultés dans les zones rurales. Sagesse.
M. Pierre-Yves Collombat. - Rétablir une disposition expérimentale qui n'a pas été mise en oeuvre depuis sept ans n'aurait évidemment aucun sens.
M. Claude Domeizel. - Vous confondez les regroupements pédagogiques avec les classes uniques.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Pas du tout !
L'amendement n°18 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est la deuxième fois que Mme Cartron obtient l'unanimité du Sénat !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Mieux vaut aujourd'hui être parlementaire socialiste que représentant du Gouvernement ! (Sourires)
L'article 33, modifié, est adopté ainsi que l'article 33 bis.
Article 34
Mme la présidente. - Amendement n°60 rectifié, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 14
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. - Après l'article 4 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 4 ter ainsi rédigé :
« Art. 4 ter. - Toute disposition législative à compter de la publication de la présente loi prévoyant la remise régulière par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sans préciser la durée de son application est abrogée à l'expiration d'un délai de cinq ans suivant l'année de son entrée en vigueur. »
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Cet amendement correspond à ce qu'a dit M. Maurey tout à l'heure. Il faut que les rapports qui n'ont pas été publiés soient supprimés de la loi au bout de cinq ans. C'est de bonne administration. J'espère que le Sénat adoptera enfin un amendement du Gouvernement ! (Sourires)
M. Bernard Saugey, rapporteur. - La commission est défavorable. En première lecture ici, le Gouvernement avait renoncé à cette abrogation automatique au bout de cinq ans ; il l'a réintroduite à l'Assemblée nationale. Ce serait une prime aux administrations qui ne respectent pas la volonté du législateur. Il appartient au Gouvernement, s'il le souhaite, de supprimer certains rapports, mais la mesure ne peut être générale.
M. Pierre-Yves Collombat. - Le Gouvernement ne respecte pas la loi ? Qu'à cela ne tienne ! Il n'a rien fait, il a eu raison ! Il est vrai que M. Mercier nous a habitué à des raisonnements plus acrobatiques encore...
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - M. le ministre a dû confondre mon intention avec celle d'un autre orateur : je n'ai jamais été d'accord avec la suppression automatique des rapports !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Si M. Maurey ne l'a pas dit, je le regrette... (Rires) La révision constitutionnelle de 2008 permet au Parlement de suivre le devenir des rapports. Si tel n'est pas le cas, c'est dommage. Le Parlement devrait mieux utiliser ses facultés constitutionnelles en matière de contrôle plutôt que d'empiler les demandes de rapports.
Je comprends parfaitement que ceux qui n'ont pas voté la réforme constitutionnelle l'occultent ; je comprends moins que ceux qui l'ont votée fassent de même.
L'amendement n°60 rectifié n'est pas adopté.
L'article 34 est adopté, ainsi que les articles 37, 42, 42 bis, 43, 47, 51 ter, 53 bis, 54 quater, 54 octies, 58, 70, 79, 80, 81, 82, 83 AA, 83 AB, 87 et 87 ter.
Article 87 quater
Mme la présidente. - Amendement n°48 rectifié ter, présenté par MM. Braye, Milon, Gouteyron, du Luart, P. André, Pierre, Bécot, Revet, Lefèvre, Dallier, Vasselle et Couderc, Mme Bout et M. Houel.
I. - Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 423-6. - I. - En vue de renforcer l'efficacité de leur action dans le cadre d'une bonne organisation, des organismes d'habitations à loyer modéré peuvent créer entre eux et le cas échéant, avec leurs filiales, des sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux, ainsi qu'avec des organismes collecteurs agréés aux fins de participer à la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction mentionnée à l'article L. 313-1 ou les filiales de ces organismes, une structure de coopération ayant pour seul objet la mise en commun de moyens au profit de ses membres.
II. - Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux peuvent, dans les mêmes conditions, créer une structure de coopération entre elles et le cas échéant, les personnes morales visées au premier alinéa du présent article.
M. Antoine Lefèvre. - Cet amendement étend aux sociétés d'économie mixte et aux actionnaires de référence des organismes d'HLM la possibilité de participer à des structures de coopération ouverte par l'article 87 quater adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Les sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux poursuivent un objet d'intérêt général similaire aux organismes d'habitations à loyer modéré et sont soumises, comme ces derniers, aux règles de la commande publique.
La mise en commun de moyens entre ces entités serait de nature à développer, sur un territoire donné, la capacité de production de logements sociaux et, dans ce cadre, l'application de ces règles au niveau de la structure de coopération est justifiée par les mêmes motifs que pour les organismes d'HLM.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Favorable : il est de tradition que l'on aille dans ce sens.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Je ne suis pas rancunier (sourires) : favorable.
L'amendement n°48 rectifié ter est adopté, L'article 87 quater modifié est adopté.Les articles 87 sexies et 87 septies sont adoptés.
L'article 88 ter demeure supprimé.
Les articles 98 bis et 102 A sont adoptés.
L'article 107 demeure supprimé.
Les articles, 113 bis et 114 sont adoptés..
Article 116
Mme la présidente. - Amendement n°67, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois.
Alinéas 6 et 15
Supprimer ces alinéas.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Coordination.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Favorable.
L'amendement n°67 est adopté, ainsi que l'article 116 modifié.
L'article 126 est adopté.
L'article 128 bis demeure supprimé.
Les articles 135, 135 bis, 136, 140, 149, 149 quater sont adoptés.
L'article 149 quinquies demeure supprimé.
L'article 155 ter est adopté.
L'article 156 demeure supprimé.
L'article 158 est adopté.
Intervention sur l'ensemble
M. Jean-Pierre Sueur. - Des dispositions positives ont été acquises grâce à notre rapporteur. J'insiste sur la question des entrées de ville, qui fait l'objet des articles 83 AA et 83 AB.
M. Ambroise Dupont, qui mène ce combat depuis longtemps, est à l'initiative d'un de ces articles qui traite de la voirie ; j'ai insisté pour l'autre qui inclut dans les documents d'urbanisme des exigences architecturales, urbanistiques et environnementales. Je précise, suite au débat de l'Assemblée nationale, que ces articles ne se réduisent pas à ce qui a été voté dans le Grenelle : ils vont plus loin. J'espère que la CMP retiendra ces deux articles, adoptés par notre commission à l'unanimité.
Nous ne pouvons toutefois voter cette proposition de loi à cause du classement de l'ENA, du rapporteur public et de la possibilité de passer un accord entre cocontractants en cas de violation de la loi.
La proposition de loi est adoptée.
Retrait d'une question orale
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que la question orale n°1228 de M. Bernard Vera est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du 5 avril et pourrait être remplacée par sa question n° 1280.
La séance est suspendue à 19 h 40.
*
* *
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
La séance reprend à 21 h 45.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le premier ministre a transmis au Sénat, en application de la loi du 17 décembre 2009, le rapport sur le fossé numérique en France. Ce rapport a été transmis à la commission de l'économie ainsi qu'à la commission de la culture.
Livre numérique (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative au prix du livre numérique.
Discussion générale
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Nous célébrons en 2011 les 30 ans de la loi relative au prix unique du livre, cette loi qui, selon Jérôme Lindon, n'était pas tant une question juridique ou économique qu'une « affaire de civilisation ».
Nous savons le rôle joué par cette loi : grâce à elle, 3 500 libraires indépendants ont survécu. La loi Lang du 10 août 1981 a inspiré près de la moitié des pays européens, n'a pas eu d'effets inflationnistes et s'est révélée compatible avec un large éventail de tarifs. Notre responsabilité collective est de faire perdurer cette loi à l'heure de livre numérique.
Cette proposition de loi signée par Mme Dumas et M. Legendre est essentielle. J'ai effectué un voyage aux États-Unis et j'ai pu observer l'effet dévastateur de la libre concurrence dans le domaine du livre numérique. Des ventes à pertes de best-sellers ont eu lieu, au détriment des équilibres de l'ensemble de la chaîne du livre.
L'effet de régulation entrepris récemment aux États-Unis mérite d'être souligné : des accords sont désormais signés. Ce changement de modèle économique n'a pas ralenti la croissance soutenue du secteur.
S'il est normal que le numérique s'accompagne de transferts de valeurs à l'avantage d'acteurs nouveaux, nous devons veiller à ce que cette transformation n'aboutisse pas à une baisse globale de la valeur produite, comme ce fut le cas pour la musique. II convient aussi de défendre, à l'heure numérique, le rôle essentiel de médiateur culturel joué par les libraires, pour qui le livre ne se réduit pas à un produit d'appel.
Le livre homothétique devrait rassembler l'essentiel du marché du livre numérique dans les quatre à cinq prochaines années.
Il est normal que les éditeurs puissent contrôler la valeur du livre quel que soit le lieu d'implantation du diffuseur.
Il faut que la compétition se joue à armes égales : il serait paradoxal que certaines plates-formes échappent à la régulation. Nous savons que le contrat du mandat restreint l'autonomie du détaillant mais il a fait ses preuves aux États-Unis.
La Commission européenne a rendu deux avis très réservés sur cette proposition de loi. Le Gouvernement entend promouvoir le dialogue avec les institutions européennes. Il fera valoir que la loi sur le prix unique du livre numérique répond à la préoccupation de diversité culturelle. Je défendrai l'idée que le livre demeure un objet culturel singulier et je signalerai mon étonnement devant la disproportion des moyens déployés alors que le livre numérique émerge tout juste.
Le socle de la civilisation européenne, c'est de marier l'écrit à la diversité culturelle. Dans ce « paradis » du consommateur, qui fera émerger les Julien Gracq de demain, s'ils restent eux aussi fidèles à un petit éditeur comme José Corti ?
Au marché « dérégulé » qui, au nom d'une vision très abstraite de l'intérêt du consommateur, fait le jeu de certains acteurs à prétentions hégémoniques, pour lesquels le livre n'est qu'un produit d'appel, l'Europe doit préférer le développement équilibré de l'écosystème des industries créatives et le soutien à la compétitivité des acteurs industriels européens, ce qui passe aussi -je m'y emploie fortement- par une TVA à taux réduit pour le livre numérique.
Les auteurs doivent bénéficier des évolutions en cours. Je regrette que les négociations entre auteurs et éditeurs aient été interrompues à l'orée du salon du livre, alors que d'importantes avancées paraissaient à portée de main. Le code de la propriété intellectuelle doit être adapté au numérique mais les négociations doivent reprendre.
Cette proposition de loi trouve sa place dans le dispositif gouvernemental. Même si nous sommes encore loin de l'utopie babélienne de Jorge Luis Borges, la France est le seul pays d'Europe à avoir mis en place un système de financement ambitieux de numérisation des livres, d'un montant de 10 millions d'euros par an.
J'ai récemment signé un accord-cadre historique. Alors que la justice américaine vient de rejeter l'accord entre Google et les éditeurs de ce pays, la stratégie de la France se trouve pleinement confortée.
A l'heure du « capitalisme cognitif » et des formidables transformations liées au numérique, l'adaptation de l'écosystème du livre doit être accompagnée par les pouvoirs publics, à travers une régulation efficace, proportionnée, garante de la diversité culturelle.
Cette proposition de loi répond à cette exigence. Transposant à l'univers numérique les principes vertueux de la loi Lang, ce texte constitue une contribution essentielle à la construction civilisée du marché du livre numérique que nous appelons de nos voeux. (Applaudissements à droite, au centre, sur les bancs CRC et sur certains bancs socialistes)
Mme Colette Mélot, rapporteur de la commission de la culture. - La navette législative se poursuit donc.
Il s'agit d'accompagner la mutation du secteur du livre. Voici quelques jours, le salon du livre a reçu 180 000 visiteurs en quatre jours. Le succès, qui ne se dément pas depuis trente ans, prouve la vitalité du secteur.
Pour la quatrième année, le salon du livre a présenté un espace sur le livre numérique. La question n'est plus de savoir si le livre sera numérique mais d'en saisir toutes les opportunités et les enjeux.
C'est parce que les parlementaires en sont bien conscients qu'ils souhaitent adopter une régulation adaptée de ce nouveau marché afin de promouvoir la diversité culturelle et linguistique, d'assurer une concurrence loyale permettant la survie des libraires physiques et de respecter le droit d'auteur.
Après l'adoption de ce texte en première lecture par le Sénat, l'Assemblée nationale l'a examiné en février. Elle a modifié divers articles. A l'article 2, elle est revenue à la rédaction initiale de la proposition de loi : seuls les éditeurs établis en France sont concernés. A l'article 3 qui impose aux libraires de respecter le prix du livre imposé aux éditeurs, seuls ceux établis en France sont visés. Les députés ont complété l'article 7 en prévoyant l'instauration d'une unité de suivi, faible contrepartie à la suppression de l'article 5 bis relatif à la rémunération des auteurs. L'Assemblée nationale a enfin introduit un article 9, validation législative en faveur du mécénat culturel afin que ne soit pas annulé le permis de construire d'une fondation privée dans le Jardin d'acclimatation.
Depuis notre premier examen du texte, deux événements sont intervenus : deux avis circonstanciés des autorités européennes sur la proposition de loi initiale, puis du texte voté par le Sénat. Il faut y ajouter l'opération conduite chez certains éditeurs par les autorités européenne et française de la concurrence pour vérifier que leurs pratiques ne sont pas susceptibles de relever d'une entente. Cette démarche illustre la brutalité des rapports de force en présence sur le marché des oeuvres culturelles numériques.
La Commission européenne s'inquiète de la conformité de votre texte à la directive Services. Cependant, elle n'a pas fermé la porte : elle n'a émis que des réserves et a interrogé le Gouvernement. Il faudra donc un fort volontarisme politique du Gouvernement et du Parlement. La nécessité et la proportionnalité de ce texte doivent être défendues.
J'en viens à la clause d'extraterritorialité : votre commission a rétabli les articles 2 et 3, tels que votés en première lecture. Elle a également rétabli l'article relatif à la rémunération des auteurs. Des négociations interprofessionnelles ont été engagées depuis plusieurs semaines entre les professionnels mais des désaccords persistent.
Je vous propose de suivre les conclusions de votre commission. Ce texte est très attendu par les professionnels. Les technologies numériques représentent une opportunité plutôt qu'une menace. Je pense aussi à l'harmonisation de la TVA.
Notre mobilisation en faveur du secteur du livre ne faiblira donc pas dans les mois à venir. Et je suis convaincue, monsieur le ministre, que le Gouvernement aura également à coeur de sensibiliser tant les institutions européennes que les autres États membres sur la nécessité d'appréhender au mieux les intérêts de l'Europe dans ces domaines. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs CRC ; M. David Assouline applaudit aussi)
M. David Assouline. - « La diffusion du livre connaît, depuis quelques années, de grandes mutations avec l'apparition de nouvelles formes de distribution ». C'était les mots de Jack Lang en 1981 ! Sa loi a montré toute son efficacité.
Aujourd'hui, le marché du livre représente 5 milliards. C'est loin d'être anecdotique. Avec la révolution numérique, nous sommes face à un trou législatif. Aux États-Unis, le livre numérique représente 10 % du marché, contre 2 % chez nous.
Nous ne sommes pas d'accord avec l'Assemblée nationale : quand il s'agit du numérique, les frontières s'effacent. Il nous faut donc légiférer : le consensus est nécessaire, il donnera de la force à notre oeuvre législative.
M. Roland Courteau. - C'est vrai !
M. David Assouline. - Quand il n'y a pas de consensus entre le Sénat, unanime, et l'UMP de l'Assemblée nationale, nous affaiblissons nos positions. Nos collègues députés sont revenus sur deux dispositions essentielles. Il me semble nécessaire de les réintroduire au Sénat. Les députés ont refusé que nos dispositions s'appliquent aux plates-formes installées à l'étranger. Autant dire que ni Amazon ni Apple ne seraient concernés. Si nous ne visions que les entreprises françaises, la loi se révélerait dangereuse pour notre filière.
Le prix unique du livre a fait l'objet d'attaque de libéraux de tous bords.
M. Roland Courteau. - On s'en souvient !
M. David Assouline. - Mais la Cour du Luxembourg a jugé le prix unique du livre conforme aux textes européens. En quoi cette proposition de loi serait-elle contraire ? Pourquoi autoriser une distorsion de concurrence ?
Amazon est mal placé pour donner des leçons en ce domaine !
Le président de la Fnac n' s'y est pas trompé : une loi qui ne toucherait que la France marquerait la mort des libraires. Il nous faut maintenant convaincre l'Assemblée nationale.
Il est incompréhensible que les éditeurs nous disent que, s'il y a une économie de coût, les auteurs n'ont pas à bénéficier d'une rémunération digne et équitable ! Là où le marché du livre numérique s'impose, les économies sont importantes : les auteurs doivent pouvoir bénéficier d'une rémunération juste et équitable. Un rapport est une bien faible réponse.
Je suis heureux que M. le rapporteur nous propose de rétablir notre texte initial. Non seulement nous le voterons mais nous nous battrons ensemble pour convaincre les députés. (Applaudissements à gauche)
Mme Françoise Laborde. - Bien que le marché du livre numérique soit balbutiant, nous assistons déjà à une mutation commerciale sans précédant, dont les conséquences sont loin d'être neutres sur le plan culturel et dont les effets vont être exponentiels dans les mois et les années à venir.
Cette proposition de loi répond à l'objectif de préservation culturelle.
L'article 7 fixe une clause de revoyure annuelle : ainsi nous pouvons nous adapter à ce nouveau mode de consommation de la culture. Certaines dispositions adoptées par l'Assemblée nationale permettent plus de souplesse, notamment en ce qui concerne les bibliothèques universitaires.
Je me félicite que la commission rétablisse les dispositions relatives aux éditeurs établis hors de France. Il faut aussi une rémunération juste et équitable des auteurs. Ces deux problèmes sont essentiels.
Espérons que nous parviendrons à convaincre nos collègues députés.
Je tiens à remercier M. Legendre pour nous avoir présenté ce texte : nous devions en effet réagir face à l'évolution du marché du livre numérique.
Au vu de l'exception française en matière culturelle, le Gouvernement s'est rallié à notre position en ce qui concerne la TVA à taux réduit sur les livres numériques.
Nous espérons que les négociations entre le Gouvernement et la Commission européenne aboutiront. Le livre numérique représente une opportunité formidable pour la démocratisation de l'accès à la culture.
Une grande majorité du RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements)
M. Jack Ralite. - Cette proposition de loi est fondamentale pour l'avenir du livre numérique. Comme pour le livre papier, il s'agit d'empêcher que le marché du livre numérique soit la proie des grands groupes mondiaux.
Afin que Google, Amazon ou Apple ne règnent pas en maîtres, il est indispensable d'instaurer un prix unique du livre fixé par l'éditeur pour ce nouveau support. Un livre peut s'incarner différemment mais il reste un bien culturel. Le combat doit être mené sans relâche. Le législateur doit fixer des limites à cette concurrence forcée.
Comment définir un livre numérique ? Ce n'est pas simple. Cette proposition de loi ne vise que le livre homothétique mais on ne peut s'en tenir là.
Quelle rémunération garantir aux auteurs ? Cette question est centrale. Quel périmètre d'application ? S'en tenir au territoire national ou viser les libraires situés ailleurs ? Bien évidemment, il faut viser aussi les éditeurs installés dans les autres pays.
Nous ne pouvons donc suivre l'Assemblée nationale qui réduit la loi à une simple déclaration d'intention.
Je me félicite que nous réintroduisions l'extraterritorialité de cette loi. Les arguments communautaires ne sont pas recevables. La France doit mener un combat juste. Il faut une volonté politique forte.
Le droit européen considère la vente du livre sur internet comme un service. Mais le livre n'est pas un rapport ! L'examen des deux avis rendus par la Commission européenne montre qu'il ne faut pas renoncer. Les décisions rendues au niveau européen sont les mêmes qu'il s'agisse de la seule France ou de tous les pays. La Commission n'affirme pas définitivement la contradiction de la loi avec la réglementation européenne. Elle demande des justifications. « Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience » disait René Char.
Il faut une volonté politique forte pour faire progresser les valeurs au sein de l'Union européenne. L'offre éditoriale doit être protégée. La convention de l'Unesco est un outil dont il faut s'emparer. Je suis satisfait par la position sur l'extraterritorialité prise par M. le ministre au salon du livre.
A ceux qui renoncent avant de se battre, je rappelle que Google a foulé au pied le droit des auteurs. Le gouvernement français doit suivre son ministre de la culture : les professionnels ne doivent pas se diviser et il faut qu'ils entendent le Sénat. Multiplier les « je » sans viser le « nous » mène à une impasse. Sachons nous distinguer et nous relier, sans perdre contact. (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Voilà trente ans, le Parlement adoptait la loi Lang, qui a sauvé le livre papier. A l'heure de l'e-commerce, cette proposition de loi apporte quelque chose d'essentiel, comme on l'a vu lors du récent salon du livre où un prix du livre numérique a été attribué.
Un sondage fait apparaître à la fois une forte croissance des lecteurs des livres numériques, sans que les lecteurs des livres papier diminuent. L'un ne tuera pas davantage l'autre que le cinéma n'a tué le théâtre.
Nous retrouvons un blocage avec l'Assemblée nationale, sur l'extraterritorialité. La Commission de Bruxelles a émis des réserves mais au nom de quoi cautionner les pratiques prédatrices d'acteurs étrangers tout-puissants ? Je me satisfais d'entendre le ministre décidé à se battre, là-dessus comme sur le taux de TVA.
Nous devons nous interroger sur le rôle que doit jouer l'Europe pour la diversité culturelle. Que faut-il défendre ? L'intérêt du consommateur ou celui du lecteur ? L'économie du livre n'est pas celles des lessives !
La législation française est observée partout. Il semble que Google et Apple soient plus ouverts qu'Amazon sur notre position.
Il est bon que le texte de la commission conforte aussi le statut des auteurs. Mais, qu'on le veuille ou non, l'évolution technique des produits imposera une adaptation des acteurs du secteur. S'il faut préserver un écosystème éditorial, il faut aussi prendre en compte l'émergence de nouveaux acteurs.
Demain, les oeuvres enrichies par l'interactivité poseront de nouvelles questions. Dans cette dynamique, l'informatique ne signe pas la fin du livre mais son renouveau.
« La lumière est dans le livre ; ouvrez le livre tout grand ; laissez-le rayonner, laissez-le faire » disait Victor Hugo. (Applaudissements)
M. Jean-Pierre Leleux. - Cette proposition de loi répond à des enjeux majeurs, concernant d'abord notre ambition face à ce secteur émergent. Nous ne pouvons légiférer que sur le livre homothétique, sachant que viendront bientôt les produits interactifs et multimédias.
Le défi est clair : encourager un cercle vertueux de tous les maillons de la chaîne entre l'auteur et le lecteur.
La proposition de loi Dumas-Legendre porte cette ambition. La commission a considéré que ses dispositions devaient porter aussi sur les sociétés établies hors de France.
Notre vote sera décisif. Le développement de l'oligopole de diffusion fait courir trop de menaces, que les textes européens -tels qu'on les interprète- ne prennent pas assez en compte.
Notre combat en la matière ne doit pas être vain ; je compte sur vous, monsieur le ministre, la question des taux de TVA n'a rien de secondaire, mais la baisse que nous avons votée est suspendue à l'accord de Bruxelles.
Le livre numérique doit-il être soumis à la directive Services ? La crise actuelle devrait inciter à revoir celle-ci afin de traduire dans les faits l'exigence de diversité culturelle.
Entre David et Goliath, les États européens doivent trouver une position commune afin que le monde numérique constitue une belle occasion pour tous les acteurs concernés. Chacun d'entre eux devra s'adapter aux demandes et usages des lecteurs.
Une offre légale abondante et diversifiée devrait limiter le piratage. Celui-ci est d'ailleurs peu répandu. En matière culturelle aussi, tout travail mérite salaire.
La numérisation des oeuvres du patrimoine par la Bibliothèque nationale de France facilitera l'accès de tous. Il est bon que la commission la soutienne, face à l'offensive de Google.
Quel est, toutefois, l'avenir de la lecture, mise en concurrence avec tant de loisirs ?
La concurrence concerne moins le prix du livre -papier ou numérique- que le temps que chacun est prêt à lui consacrer. Je forme le voeu que l'arrivée sur le marché des tablettes de lecture rende le goût du livre.
Je vous confirme que l'UMP votera le texte de la commission. (Applaudissements)
M. Serge Lagauche. - Le marché du livre numérique devrait représenter 17 % du marché mondial de l'édition d'ici 2014. Ceux qui ne lisent qu'un livre par an auront basculé vers le livre numérique.
Le Sénat fut unanime cet automne à voter la proposition de loi Dumas-Legendre. Or le texte de l'Assemblée nationale est très en retrait sur celui que nous avions adopté et institue une inégalité de traitement entre les diffuseurs français de livres et les grands acteurs internationaux que sont Google, Amazon et Apple.
La Commission européenne n'a pas fermé la porte à notre proposition, puisque les mesures ne sont pas discriminatoires et répondent à une exigence d'intérêt général. L'exception n'excédera pas l'objectif poursuivi : c'est toujours l'éditeur qui fixera le prix unique.
Quel serait le poids d'une loi qui laisserait le champ libre à l'oligopole Google, Amazon et Apple ? On a vu, en matière musicale, ce qu'a donné l'ouverture totale à la concurrence.
Nous avons à mener une bataille politique difficile, qui doit être collective. Le livre a une double nature, économique et culturelle. C'est le sens de la convention de l'Unesco de 2006. A l'heure où la justice américaine pose des limites aux exigences de Google, il serait paradoxal que nous lui ouvrions grand les portes.
Ce combat de civilisation, nous le mènerons à vos côtés ! (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président. - Ne sont recevables en deuxième lecture que les amendements portant sur des articles non adoptés en termes identiques.
L'article premier est adopté.
Article 2
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 3, seconde phrase
Remplacer le mot :
supérieur
par les mots :
ou à une utilisation par l'intermédiaire des bibliothèques, des musées ou des services de documentation ou d'archives
M. David Assouline. - Cet amendement appelle une précision du ministre. Les centres de recherche ont besoin de flexibilité. C'est pourquoi l'exception professionnelle, universitaire et de recherche prévue dans le cadre de l'exploitation des livres numériques doit être élargie aux usages faits de l'oeuvre dans les écoles, lycées et collèges et les bibliothèques. Le livre numérique est une bonne réponse aux poids excessif des cartables.
Je ne suis pas favorable à la multiplication des exceptions mais je soulève ici un vrai problème. Mon amendement vient peut-être trop tôt ; il vise à encourager les éditeurs, en particulier scolaires, à faire preuve d'ouverture afin que les formidables potentialités du livre numérique bénéficient aux élèves.
Mme Colette Mélot, rapporteur. - Les professionnels concernés craignent en effet de perdre toute marge de manoeuvre dans les négociations avec les éditeurs. La question posée mérite un débat car cet amendement pourrait avoir un effet contreproductif en évinçant les libraires du marché du livre scolaire.
Sagesse, en attendant l'avis du Gouvernement.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - J'ai écouté avec attention vos arguments, une fois de plus marqués par le souci du bien public. Cependant, l'avis est défavorable.
Les offres de ces éditeurs sont complexes et ne sont plus des livres numériques au sens de la loi. Ces services ne peuvent toucher qu'un public restreint.
La proposition de loi permet à de nombreux modèles économiques de se mettre en place, s'agissant de livres destinés à un large public, qui peuvent être aussi commercialisés par les libraires. Pour les collectivités territoriales et leurs bibliothèques, il est bon de ne pas faire d'exception en la matière.
M. David Assouline. - Il faut éviter qu'il y ait des laissés-pour-compte par rapport aux pratiques existantes. Votre argument me convainc d'autant plus que je ne veux pas de cheval de Troie.
L'amendement n°1 est retiré.
Mme Catherine Morin-Desailly. - La mise en place de la loi Lang a pris du temps. Il en faudra beaucoup aussi pour celle-ci. Une multiplication des exceptions serait contreproductive.
L'article 2 est adopté.
L'amendement n°2 est retiré.
L'article 3 est adopté, ainsi que l'article 5.
Article 5 bis
M. Jack Ralite. - Il ne faut pas exclure de cette loi la rémunération des auteurs alors que le numérique crée l'illusion du tout gratuit. Le risque est réel que la rémunération des auteurs soit diminuée.
Numérique ou papier, le livre reste une oeuvre de l'esprit. « Nous n'arrêtons pas de multiplier les savoir-faire, dit Georges Balandier, mais nous ne savons pas que faire ».
Fragilisée, l'union éditeurs-auteurs s'est fissurée. Le 21 mars, je participais ici à un colloque organisé par l'Association pour la protection internationale du droit d'auteur.
Il y fut évoqué l'accroissement des attaques contre ce droit.
M. Brunet, chef du bureau de la commission à la culture, a dit clairement sa volonté d'aller vers un nouveau système de propriété intellectuelle, allant jusqu'à remettre en cause la convention de Berne. Le film Nous, princesse de Clèves, qui sort demain, montre comment des jeunes d'un quartier pauvre de Marseille se sont attendris pour La Princesse de Clèves. Le maréchal Hindenburg refusait de lire de la poésie, de crainte de s'attendrir. Attendrissons-nous et écoutons le poète Bernard Noël : « l'immatériel est l'envers du spirituel comme l'information est l'envers des oeuvres de l'esprit : leur utilité les épuise alors que l'inutilité des oeuvres sans cesse en recharge le sens ». Emettons un vote de sens, d'intérêt public et non de balance des intérêts.
M. David Assouline. - Lors de la loi Hadopi, je mettais en garde contre ce que voulait en réalité faire les majors du disque quand elles brandissaient le droit d'auteur.
Quand je vois les éditeurs s'insurger contre une petite phrase sur « la rémunération juste et équitable des auteurs », je me dis que les masques tombent. Il n'y aurait pourtant pas de livres sans auteurs, pas de création sans créateurs. Des dizaines de milliers d'auteurs sont dans l'impossibilité de vivre de leur travail.
Avec le numérique, nombre de coûts vont être atténués, du papier à l'imprimerie et au stockage, on pourrait donc se préoccuper enfin des auteurs. Et on nous dit « Oh non, surtout pas » ! Nous ne pouvons rester les bras ballants face à cela.
A l'heure actuelle, 55 % de coût du livre représente la distribution, 25 % l'impression, 20 % l'éditeur et 10 % l'auteur. Avec le livre numérique, l'éditeur touchera sept fois plus que l'auteur !
Je n'ai donc pas compris que les députés aient pu céder sur ce point. Les éditeurs japonais, américains, canadiens m'ont dit la même chose : le numérique réduit de 40 % les coûts d'édition.
L'article 5 bis est adopté, ainsi que l'article 7.
Article 9
M. Nicolas Alfonsi. - La rédaction de l'article 9 est un chef-d'oeuvre... de charabia, éloigné du reste de l'objet de cette proposition de loi.
Il ne manque plus que le numéro du permis de construire et les plans du géomètre !
Les auteurs du projet en cours connaissaient la jurisprudence administrative et ont voulu passer en force.
Cet article est manifestement un cavalier : cette proposition de loi ne concerne pas le mécénat culturel.
En outre, les normes constitutionnelles et européennes s'opposent à une telle validation. Un tel article, voulu par le parti socialiste et l'UMP, mériterait de faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Où sont les impérieux motifs d'intérêt général ?
Nous devons, en règle générale, nous abstenir de nous immiscer dans un débat judiciaire, les parlementaires iraient dessaisir un juge administratif au motif que la qualification juridique retenue serait contestable.
Mme Colette Mélot, rapporteur. - Compte tenu de l'importance de ce sujet, il faut repousser cet amendement. Certes, son rapport avec le texte est ténu, encore qu'il s'agisse aussi bien de défendre la culture. Les principes édictés par le Conseil constitutionnel et la CEDH sont respectés. Une loi de validation est soumise à des impératifs : non-immixtion dans l'exercice du pouvoir judiciaire, respect du principe de non-rétroactivité, motif impérieux d'intérêt général et caractère circonscrit de la validation.
En l'espèce, la validation satisfait à toutes ces conditions. De surcroit, ce projet relève d'un intérêt culturel majeur. Le fait qu'il soit financé par des fonds privés n'enlève rien à cet intérêt.
Ce type de validation juridique doit garder un caractère exceptionnel, mais son utilité est incontestable : la commission a été défavorable à l'unanimité à cet amendement.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Tous les arguments développés par Mme le rapporteur apportent les éclaircissements voulus sur l'avis du Gouvernement, qui est défavorable. Il y a, dans la construction de cet établissement, un intérêt culturel majeur. Un autre établissement culturel similaire devait être édifié il y a quelques années à proximité de Paris et il a été perdu. Nous le regrettons tous. Il ne faut pas que, pour des combats qui ne nous concernent pas, cet établissement majeur soit à son tour perdu.
Le lien entre la défense du livre numérique et celle de cet établissement peut paraître ténu mais il touche à l'essentiel : la richesse de l'offre culturelle faite à tous nos concitoyens.
C'est pourquoi je défends farouchement l'avis défavorable à cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs de la commission)
M. David Assouline. - Mme Mélot a répondu à l'argumentation juridique de M. Alfonsi.
Si nous avons, de façon consensuelle et exceptionnelle, accepté un tel article dans le cadre de cette loi, c'est que l'enjeu est de taille. S'il devait y avoir une loi spécifique pour régler la question, il aurait fallu attendre la prochaine législature. Nous ne pouvons nous permettre le luxe de perdre cet établissement culturel.
Pour la collectivité parisienne et la culture à Paris, cet établissement est très important. Mais il concerne toute la France, et même le monde entier.
Entre d'autres moments, j'ai combattu des cavaliers mais la situation est vraiment exceptionnelle. Il faut rejeter cet amendement.
M. Nicolas Alfonsi. - Je suis sensible aux arguments de Mme le rapporteur. Le rôle international de la France et l'affaire Pinault ont été évoqués mais la séparation de pouvoirs est aussi un principe important. Ce soir, on nous demande de régulariser un permis de construire. A l'Assemblée nationale, un amendement a été défendu par un élu UMP et le député socialiste a présenté le sien, identique, en disant « Il est défendu ». Quant à vous, monsieur le ministre, vous avez dit « Sagesse ». Au Sénat du moins, nous avons un vrai débat.
Je m'en vais relire Alain et ses Propos sur les bureaux et sur les puissants.
M. Ivan Renar. - On peut avoir des réserves de forme sur ce cavalier mais il y va de l'intérêt national.
Je me rappelle un autre cavalier célèbre lorsque nous avons créé le Centre national des variétés. Quand le Conseil de Paris demande à l'unanimité le vote de cet amendement, il faut l'entendre. Je voterai contre cet amendement, tout en sachant gré à M. Alfonsi d'avoir ouvert le débat.
M. Yann Gaillard. - Tout le monde est d'accord pour considérer qu'il s'agit d'un cavalier, mais d'un cavalier vertueux. La mort dans l'âme, je m'abstiendrai donc.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. - Nous avons voulu ce texte sur le livre numérique qui marque l'accès contemporain à la culture ; là, cette fondation permettra aux Parisiens et aux visiteurs de Paris d'accéder à l'art dans un bâtiment exceptionnel. Il y a quelques années, un projet culturel qui se heurtait à des difficultés est parti pour Venise. J'en ai été fort marri... Allons-nous répéter la même erreur, au risque de laisser croire que Paris n'est pas un lieu favorable aux fondations ?
S'il ne s'était agi d'un objectif culturel aussi important, je me serais opposé à cet amendement. Mais là, l'objectif culturel est évident : il ne faut pas le voter. Après ce débat très utile, le Sénat serait reconnaissant à M. Alfonsi de retirer son amendement.
M. Nicolas Alfonsi. - Je le maintiens.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
Intervention sur l'ensemble
Mme Catherine Dumas. - Je tiens à remercier notre rapporteur pour son travail sur ce texte que j'ai eu l'honneur de présenter avec M. Legendre. Il s'agit d'un texte d'équilibre. Le secteur du livre connaît de profondes mutations. Si le livre numérique n'en est qu'à ses débuts, sa diffusion va s'élargir. Il fallait aussi améliorer les relations entre les professionnels.
Le respect du droit d'auteur est préservé. La concentration du secteur est limitée. Nous voulons le rétablissement de l'article 5 bis et nous approuvons la clause d'extraterritorialité. Je salue le consensus qui a prévalu tout au long de nos débats et j'espère que nos collègues députés nous rejoindront. L'émergence du numérique nous impose d'anticiper afin de sauvegarder notre exception culturelle. (Applaudissements à droite)
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 30 mars 2011, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit cinq.
René-André Fabre,
Directeur
Direction des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 30 mars 2011
Séance publique
De 14 heures 30 à 16 heures 30
1. Proposition de loi tendant à assurer la juste participation des entreprises au financement de l'action publique locale et à renforcer la péréquation des ressources fiscales (n°305, 2010-2011).
Rapport de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n°365, 2010-2011).
De 16 heures 30 à 18 heures 30
2. Proposition de loi visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Ile-de-France (n°299, 2010-2011).
Rapport de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°364, 2010-2011).
A 18 heures 30
3. Proposition de loi tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure (n°194, 2010-2011).
Rapport de M. Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°343, 2010-2011).
Texte de la commission (n°344, 2010-2011).
Le soir
4. Éventuellement, suite de l'ordre du jour de l'après-midi.
5. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'urbanisme commercial (n°558, 2009-2010).
Rapport de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°180, 2010-2011).
Texte de la commission (n°181, 2010-2011).