Agence internationale pour les énergies renouvelables (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification des statuts de l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena).
La Conférence des présidents avait décidé un examen simplifié de ce projet de loi. Le groupe RDSE ayant demandé le retour à la procédure normale, nous entendrons le ministre, le rapporteur et les orateurs qui se sont inscrits dans la discussion générale.
Discussion générale
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. - Ce texte a été adopté par l'Assemblée nationale le 3 février. La création de cette agence résulte d'une conviction commune et d'une prise de conscience.
Il s'agit de mettre en oeuvre une stratégie sur le développement des énergies renouvelables. Cette agence sera symboliquement installée à Abu Dhabi, septième puissance pétrolière mondiale. A ce jour, 55 États et l'Union européenne ont ratifié les statuts de cette agence, dont la mise en place est à la fois fidèle à nos ambitions et conforme à nos intérêts.
Le travail de l'Irena doit bénéficier aux pays en voie de développement et aux pays les moins avancés, africains en particulier. Le régime linguistique doit s'aligner sur celui des Nations unies, où la langue française a toute sa place.
On peut espérer, grâce aux énergies renouvelables, entre 500 000 et 1 000 000 d'emplois nouveaux et de fortes économies d'énergies fossiles.
Des décisions importantes seront prises à l'Agence le 5 avril prochain. Une rapide ratification permettra à la France de peser alors de tout son poids. Les Africains francophones comptent sur nous pour défendre la langue que nous avons en commun.
M. Jacques Blanc, en remplacement de Mme Gisèle Gautier, rapporteur de la commission des affaires étrangères. - Mme Gautier n'a pu se libérer aujourd'hui ; je vais lire son rapport.
Les 4 et 5 avril se tiendra donc la première assemblée générale de l'Irena. Pour y participer, la France doit en ratifier les statuts.
Tous les États sont désormais conscients que l'énergie fossile est en voie d'extinction. L'Irena complétera l'action de l'Agence internationale de l'énergie, créée en 1973 pour sécuriser le ravitaillement pétrolier de ses membres.
L'agence sera localisée à Masdar, près d'Abu Dhabi, dans une cité qui fonctionnera exclusivement avec des énergies renouvelables, solaires principalement, et comptera 50 000 habitants à son achèvement en 2015.
La majorité des pays qui ont ratifié les statuts de l'agence sont dépourvus de ressources pétrolières. L'assemblée générale du 5 avril devra prendre plusieurs décisions importantes. Pour la France et les pays francophones, le régime linguistique de l'Irena a une importance particulière. Un arrangement oral faisait de l'anglais l'unique langue de travail. M. Abdou Diouf, président de l'organisation internationale de la francophonie, a envoyé une mission à Abu Dhabi afin de plaider pour notre langue. Nous avons déjà apporté à l'Agence une importante contribution volontaire.
Quoi qu'il en soit, l'urgence impose de ratifier dès à présent ses statuts.
M. François Fortassin. - Nous avons souhaité une discussion publique de ce projet car il s'agit de mode et d'air du temps plutôt que de réels problèmes énergétiques.
On nous dit que l'éolien est merveilleux puisque les Allemands le font. Or, quand il fait ou très chaud ou très froid, il n'y a pas de vent. Quand le vent dépasse les 80 km/h, il faut arrêter les éoliennes. Sur le plan énergétique, les éoliennes sont une calembredaine. Je souhaite que le Gouvernement français le dise, peut-être avec d'autres mots. (Sourires)
Le photovoltaïque ? Intellectuellement, c'est très bien... Mais on ne peut passer sous silence l'imprévoyance d'ERDF qui a payé le KWh photovoltaïque trois fois sa valeur avant d'arrêter au milieu du gué et de mettre en difficulté ceux qui s'étaient lancés dans l'opération. Il va de soi que le photovoltaïque produit davantage d'électricité le 14 juillet ou le 15 août qu'à Noël, moment où l'on en a pourtant le plus besoin ! (Sourires)
L'éthanol ? Le Brésil ne manque pas d'espace pour le cultiver. Mais la France ? Les cultures pour l'éthanol vont se substituer aux cultures pour l'alimentation. Que les viticulteurs arrachent des vignes pour faire de l'éthanol, soit, on peut boire de l'eau. Mais le maraîchage...
Les Allemands n'ont pas d'énergie nucléaire sur leur territoire ; ils importent la nôtre ! Ils peuvent se lancer dans un parc éolien important, en bordure de mer, à des endroits sans doute où les problèmes esthétiques ne se posent pas. Allez faire des éoliennes à Saint-Jean-de-Luz !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Ou au Mont-Saint-Michel !
M. François Fortassin. - Mon groupe tenait à rappeler ces réflexions de bon sens d'un citoyen consommateur d'énergie. (Applaudissements au centre)
Mme Marie-Agnès Labarre. - Ce sont moins les statuts de cette agence qui peuvent poser problème que les circonstances de sa création. La création de l'Irena est positive ; pour le reste, nous continuons de penser que la politique du Gouvernement en la matière est tout à fait insuffisante.
La procédure accélérée a été décidée à cause de l'assemblée générale du 5 avril. Le Gouvernement a souvent eu une attitude ambiguë : il proclame l'importance de la francophonie mais nos représentants se sont peu battus pour obtenir que le français soit la langue de travail de l'Agence.
Nous avons été très effacés pour soutenir l'Allemagne lors des discussions portant sur la localisation du siège. C'est pourtant un grand scientifique allemand, Hermann Scheer, qui a, dans les années 90, proposé aux pays en voie de développement un modèle énergétique de développement différent de celui des pays industrialisés. L'Allemagne avait ainsi quelque légitimité à revendiquer l'implantation de l'Irena chez elle.
Au lieu de cela, au nom de la real politik, et d'un pragmatisme contraire à nos valeurs, des tractations peu honorables ont pris le pas sur nos principes : pour obtenir une base militaire dans les Émirats et d'hypothétiques négociations sur le nucléaire civil, nous avons soutenu l'installation du siège de l'Irena dans un pays pétrolier grand émetteur de C02 sans en tirer de bénéfice particulier...
La première directrice de l'agence, de nationalité française, a été évincée par les Émirats à cause de ses propos sur l'égalité des sexes.
Ces faits, révélateurs des contradictions et des faux-semblants de l'action de la France à l'étranger, nous conduiront à voter contre la ratification de ce projet de loi.
Mme Anne-Marie Payet. - La prise de conscience que les énergies fossiles ne sont pas illimitées rend nécessaire la promotion internationale des énergies renouvelables.
La France et l'Europe ont fait, en la matière, des efforts considérables. Mais beaucoup de pays moins favorisés dépendent encore pourtant des énergies fossiles. Cette agence a suscité l'enthousiasme mais ni le Brésil, ni la Russie, ni la Chine n'ont signé et les États-Unis n'ont pas ratifié ses statuts.
Il faut faire un effort d'introspection car nos résultats sont maigres. La France a détricoté, ces derniers mois, certaines mesures : moratoire du rachat du photovoltaïque, suppression des aides fiscales et des aides destinées à l'outre-mer.
J'avais pourtant proposé un meilleur encadrement, pour éviter les abus... Le président de la République avait pourtant souligné les ressources et le caractère exemplaire de La Réunion dans ce domaine ! Mais la France joue les Dr Jekyll et Mr Hyde, militant au niveau international tout en étranglant les innovations sur son territoire ! Ces reculs contredisent son ambition.
Malgré ces déceptions, le groupe de l'Union centriste soutient fortement le projet d'Irena. (Applaudissements)
Vote sur l'article unique
M. René Beaumont. - Face à la raréfaction d'énergies fossiles et aux pollutions, il faut agir. L'AIE a élargi ses missions.
La France doit à présent ratifier les statuts de l'Irena. Des problèmes restent à régler mais le groupe UMP votera ce projet de loi.
L'article unique est adopté.