Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi portant réforme des retraites
Discussion des articles (Suite)
Article 14 (Suite)
M. le président. - Amendement n°787, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
Mme Odette Terrade. - L'allongement de la durée de vie ne justifie pas ce recul social sans précédent. Votre réforme est contestée. Elle prend l'eau ; il est temps d'examiner ce qu'il en est de la réalité -qui ne se réduit pas à des colonnes de chiffres.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Défavorable.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je tiens à soutenir vigoureusement cet amendement. Nous ne pouvons laisser passer les propos de M. Gautier. Si je comprends bien, les 9 200 postes supprimés dans la police et la gendarmerie étaient inutiles.
M. Gérard Longuet. - Il y a des gains de productivité, le monde bouge...
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous connaissez la qualité des ministres de l'intérieur qui se sont succédé depuis neuf ans ! Nous avons eu MM. Sarkozy, de Villepin, Baroin, Mme Alliot-Marie et M. Hortefeux. Comment ces éminents personnages ont-ils pu supporter que 9 200 personnes ne fassent rien ? Il a fallu attendre autant de temps pour les sortir des placards dans lesquels ils s'étaient réfugiés ! Voilà quelque chose qui me stupéfie. (Applaudissements à gauche)
L'amendement n°787 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°788, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
M. François Autain. - Vous l'avez compris, nous sommes opposés à cet article. Parlons de la catégorie d'active dans la fonction publique hospitalière. Cet article est en totale opposition avec l'engagement du Gouvernement de « tenir compte de ceux qui ont eu une vie professionnelle plus difficile ». Dans la loi sur la rénovation du dialogue social, le Gouvernement, par un cavalier, avait porté l'âge de départ en retraite des infirmiers de 55 à 60 ans en échange du versement en catégorie A. Nous avions proposé de reconnaître la qualité et l'engagement de ces personnels en termes de qualification et de rémunération. Leurs conditions de travail continuent de se dégrader. (Applaudissements sur les bancs CRC)
L'amendement n°788, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°789, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
M. Guy Fischer. - Cet alinéa concerne en particulier les ingénieurs de la navigation aérienne. Les contrôleurs aériens ont pour mission d'assurer le contrôle, la sécurité et la gestion du trafic aérien. Cette mission est source d'un grand stress, vu l'augmentation du trafic. La moindre erreur peut être dramatique. Un contrôleur doit réagir extrêmement vite. Son métier est éprouvant. Comme le pilote, il est responsable de la vie de tous les passagers. Il communique en anglais.
M. Éric Woerth, ministre. - Tous ceux qui parlent anglais doivent être classés dans les métiers pénibles ! (Sourires)
M. Guy Fischer. - Je n'ai pas dit ça, mais je serais d'accord si vous le proposiez. (On rit encore) Il faut maintenir l'âge de départ des contrôleurs aériens.
L'amendement n°789, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°790, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
Mme Éliane Assassi. - Ce dispositif est inadapté et contradictoire : seuls 40 % des 55 à 64 ans ont un emploi. Reculer l'âge de départ contribuera au chômage des jeunes, un chômage déjà très élevé. Le chômage et les retraites ont un coût financier, qui incombe à l'État, et un coût social.
Comment peut-on reculer les bornes d'âge sans se soucier de l'emploi des seniors, monsieur le ministre ? Selon l'Unedic, le coût de cette réforme serai colossal : entre 440 et 530 millions. C'est l'emploi qui constitue une des ressources principales de la sécurité sociale. Le cercle vicieux se referme : avec cette réforme, les déficits vont exploser.
L'amendement n°790, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°791, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Claude Danglot. - Vous n'avez de cesse de parler d'équité et pourtant vous alignez les régimes vers le bas. Non, les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés ! Le « tous ensemble » dans les manifestations, où se retrouvent salariés du public et salariés du privé, prouve l'échec de votre politique. En faisant passer la période de référence de 10 à 25 ans en 1993, vous avez déséquilibré les régimes et pris prétexte de ce déséquilibre en 2003 pour aligner les durées de cotisation. Et aujourd'hui les bornes d'âge sont reculées pour tout le monde. Quelle est cette conception de l'équité ? Nous refusons cette politique antisociale et inégalitaire.
L'amendement n°791, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°792, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Les fonctionnaires en catégorie active exercent des métiers pénibles ou risqués. Augmenter l'âge de leur départ à la retraite, c'est nier cette réalité. Les femmes seront une nouvelle fois particulièrement touchées, qui perçoivent des salaires plus faibles avec des carrières est souvent interrompues. Vous allez les pénaliser plusieurs fois, puisqu'elles devront cotiser plus longtemps pour une pension moindre
D'après vous, les fonctionnaires payent moins de cotisations que les salariés du privé : c'est le contraire ! (M. Georges Tron le nie) Faites le total de ce qu'ils paient réellement : 7,85 % pour eux, 6,55 % pour le privé -pour arriver à 10,55, il faut ajouter la complémentaire dont ne bénéficient pas les agents publics ! Cet article constitue une régression que nous combattons.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Défavorable.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. - Défavorable.
Mme Raymonde Le Texier. - L'espérance de vie serait une donnée statistique irréfutable selon Mme Hermange. Mais plusieurs fois ce matin le ministre nous a renvoyés dans nos cordes lorsque nous demandions de maintenir l'âge de départ à la retraite pour les infirmières, au motif que leur espérance de vie est la même que pour femmes en général. Mais quand nous disons que l'espérance de vie des ouvriers est de sept ans inférieure à celle des cadres, la statistique ne vous intéresse plus !
L'amendement n°792 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°793, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
M. Bernard Vera. - Cet alinéa remet en cause les droits des catégories actives : nouvelle régression sociale ! Avec la RGPP, la fonction publique perd de nombreux cotisants, ce qui pèse sur le financement. A Pôle Emploi, il y a moins d'agents alors que le chômage augmente...
Les jeunes qui veulent entrer dans la fonction publique vont trouver porte close. Cette réforme ne règlera rien à l'horizon 2018. La population l'a bien compris. Vous avez perdu la bataille de l'opinion. Tout le monde refuse de travailler deux ans de plus. (Applaudissements sur les bancs CRC)
L'amendement n°793, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme Claire-Lise Campion. - Nous ne voterons pas cet article qui ne tient pas compte des évolutions de la société et ne garantit pas la pérennité de notre système de retraites. Alors que le Gouvernement annonce qu'il va mettre en place un dispositif prenant en compte la pénibilité dans le privé, il supprime celui existant dans le public. La vie au travail est difficile, source de souffrance.
M. Guy Fischer. - Le Gouvernement remet en cause des droits acquis importants. Le relèvement de deux ans des limites d'âges des catégories actives concerne 22 types d'emplois. Nous ne pouvons pas voter cet article. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Gérard Longuet. - M. Sueur tourne en dérision l'optimisation des moyens de la police et de la gendarmerie. Comment imaginer qu'un corps de 250 000 agents ne puisse dégager un gain de productivité de 1 % par an ? (Exclamations amusées à gauche) Il ne s'agit que d'optimisation des moyens. Tout responsable d'une collectivité locale de quelque importance connaît cela. Quant aux contrôleurs aériens, M. Fischer a oublié de préciser qu'une de leurs organisations syndicales a souhaité le report de l'âge de la retraite au regard de l'amélioration des conditions de travail. Enfin, les conducteurs de locomotives des exploitants privés du réseau français sont, pour la plupart, des retraités de la SNCF... (Applaudissements à droite)
A la demande du groupe CRC, l'article 14 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 183 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Article 15
Mme Raymonde Le Texier. - Transférer des charges et faire croire qu'on maîtrise les finances publiques, voilà la méthode du Gouvernement. Le Gouvernement organise la transformation de jeunes retraités en vieux chômeurs. C'est que les indemnités chômage sont moins élevées et moins coûteuses pour les entreprises. L'Unedic va en revanche voir son déficit se creuser. Alors que rien n'est fait pour favoriser le maintien dans l'emploi des seniors, vous livrez aux affres des fins de droits ceux qui s'apprêtaient à partir à la retraite.
Vous dites avoir prévu l'obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés de conclure un accord ou de mettre en place un plan d'action pour l'emploi des seniors ; mais cette disposition n'est assortie d'aucune sanction, d'aucune mesure concrète. C'est le cache-misère de la désertion du Gouvernement sur le sujet.
D'autres se sont battus et ont obtenu des résultats. La Suède et la Finlande ont su garder leurs seniors dans l'emploi et dans le même temps attirer les jeunes générations. Votre Gouvernement est incapable de traiter cette question. Avec cet article, vous allez maintenir les plus faibles dans la précarité et transférer les charges vers l'assurance chômage. C'est pour nous inacceptable. (Applaudissements à gauche)
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Vous allez créer des chômeurs plus âgés avec cet article. Rien n'est prévu pour réduire le chômage des seniors. Vous n'explorez aucune piste nouvelle pour enrayer le chômage qui ne cesse de progresser -sinon une énième exonération de charges patronales, dont on sait d'avance l'inefficacité. Dire que les chômeurs pourront percevoir des indemnités jusqu'à 67 ans ne résout rien. Comment allez-vous financer le transfert de charges ?
Le troisième âge va entrer en force à Pôle Emploi, où il côtoiera les jeunes à la recherche d'un emploi. Belle perspective ! Tous à Pôle Emploi de 16 à 67 ans ! Pôle Emploi dont le personnel souffre, d'ailleurs.
Mme Marie-Agnès Labarre. - Avec cet article, on va créer des chômeurs plus âgés. En revanche, rien pour favoriser l'emploi des seniors.
Prévoir que les chômeurs pourront percevoir des indemnités jusqu'à 67 ans ne résout rien. Et comment financer ces nouvelles indemnités ? Les agences de Pôle Emploi vont devoir s'équiper pour recevoir des personnes âgées : plus de sièges, des kinés, des rampes pour faire passer les déambulateurs... Les agents de Pôle Emploi vont devoir s'adresser à un public très vaste : de 16 à 67 ans ! Nous sommes contre cet article. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Catherine Tasca. - Cet article est une conséquence directe des articles 5 et 6. Il va provoquer un déficit accru de l'Unedic. La reprise est atone et risque fort de ne pas créer beaucoup d'emplois. Avec le plan de rigueur du Gouvernement, nos chances de renouer avec la reprise sont compromises. Or, l'enjeu majeur, c'est la création d'emplois. Seuls 39% des 55-64 ans ont un emploi, 17 % des 60-64 ans. La progression du chômage a surtout touché les plus de 50 ans. Certes, vous créez le tutorat, mais nous sommes loin de la mobilisation dont la France a besoin. Les effets de votre plan seniors ont été plus que minces.
Enfin, vous organisez un transfert de charges entre les régimes de retraites et l'Unedic. La montée en charge du RSA a-t-elle été bien évaluée ? A-t-elle pris en compte le recul des bornes d'âge ? Nous ne pouvons voter cet article. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Sueur. - Une question, monsieur le ministre. Certains travailleurs salariés sont couverts par des accords de cessation d'activité. Ces accords sont en cours d'application. Or, certains salariés risquent de se trouver en fin de convention sans avoir les conditions d'âge pour bénéficier du taux plein. Mes informations sont-elles exactes ? Si elles le sont, que compte faire le Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. - Il n'y a pas moins idéologique que notre réforme ! Nous reculons les bornes d'âge, c'est le bon sens, et nous tenons compte en même temps des situations particulières.
Quand vous dites que ce que nous faisons, c'est contre l'emploi des jeunes, cela veut dire que les « vieux » prennent l'emploi des jeunes. C'est une conception épouvantable de la société ! Les « vieux » ont leur place dans l'entreprise.
M. Jean-Pierre Sueur. - Même au Sénat !
M. Éric Woerth, ministre. - Je n'osais le dire ! (Sourires) Le mieux, c'est que notre société fasse travailler tout le monde, tout en aménageant les fins de carrière. Si l'emploi d'un « vieux » salarié empêchait celui d'un jeune, tous les jeunes travailleraient puisque le taux d'emploi des seniors est un des plus faibles d'Europe ! De grâce, n'opposez pas les générations. La seule façon d'améliorer le marché du travail c'est la croissance. La retraite n'est pas la réponse au marché du travail.
Il est vrai que l'Unedic va avoir des charges supplémentaires, mais aussi des recettes en plus. Le coût serait, selon l'Unedic, de 400 millions -estimation que nous jugeons pessimiste.
La Dares a fait une étude plus fine de l'impact de la réforme sur les seniors. Près de dix points de plus d'emplois pour les 55-59 ans et pour les 60-64 ans à l'horizon 2018. Il en a été de même en Allemagne.
Monsieur Sueur, la plupart des conventions visent l'âge légal. Celui-ci se déplaçant, la convention s'adaptera aussi. Si certaines conventions visent un âge déterminé, nous y répondrons.
M. Jean-Pierre Sueur. - Précisions importantes. Merci.
M. le président. - Amendement n°149, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
Mme Bariza Khiari. - Cet article est une aberration supplémentaire. Vous allez prolonger le désarroi et l'humiliation de nombre de nos concitoyens. Être au chômage, ce n'est pas un choix. C'est déstabilisant. Quand on a travaillé toute sa vie et qu'on se retrouve sans emploi à 55 ans, on se sent inutile et rejeté ; vous allez amplifier ce sentiment. Votre projet est un projet de classe : les plus démunis, les plus vulnérables, seront les premiers touchés. Vous parlez d'avenir : que proposez-vous aux seniors ? Ils sont trois fois victimes : de la crise, de votre politique économique et de votre politique sociale.
M. le président. - Amendement identique n°256, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Mme Marie-Christine Blandin. - Les chômeurs le resteront deux ans de plus. L'emploi est tellement sacralisé que ceux qui en sont exclus connaissent des difficultés financières et sont en situation de souffrance. En reculant l'âge de la retraite, vous condamnez les chômeurs à deux années supplémentaires de mal vivre. La France compte plus de 5 millions de personnes touchées par le chômage ; on aurait pu espérer une politique plus ambitieuse. Votre devoir est de stopper l'hémorragie. De moins en moins de nos concitoyens pourront être pensionnés au taux plein ; vous allez transférer les charges vers les collectivités locales, qui devront indemniser les chômeurs.
On est très loin d'une politique sociale ambitieuse, avec partage du travail dans le cadre d'une décroissance sélective. Cela vous est tellement insupportable que vous continuez à pédaler sur le vélo de la croissance sans voir que votre chaîne a déraillé ! (Applaudissements à gauche)
L'amendement n°346 rectifié n'est pas défendu.
M. Dominique Leclerc, rapporteur - Cet article est indispensable.
M. Éric Woerth, ministre. - Défavorable.
Les amendements identiques n°s149 et 256 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 15 est adopté
Article 16
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - En apparence, l'article semble équitable et de bon sens. En fait, vous ne tenez aucun compte de la spécificité de l'état militaire, dont la limite d'âge a déjà été retardée pour les officiers et sous-officiers. La jeunesse est pourtant une garantie de qualité opérationnelle. Quel attrait l'armée aura-t-elle auprès des jeunes s'ils ne peuvent plus espérer une bonne reconversion au bout de quinze ans ?
Les militaires ont un métier exigeant. Ils ont déjà largement contribué à la RGPP : ne leur imposez pas ces mesures injustes et inefficaces.
M. Jean-Pierre Caffet. - La commission de la défense aurait dû se saisir de cet article. J'espère que le Gouvernement réservera à l'amendement que le président de Rohan a déposé sur l'article 20 pour que soit prorogé la bonification du un cinquième un meilleur accueil qu'aux nôtres.
Nous soutenons que votre réforme met à mal la double fonction des pensions des militaires. Vous allez troubler le fonctionnement de nos armées en supprimant l'attractivité de la carrière.
Nous voulions une étude d'impact sur les exigences de cette réforme sur nos armées. Pourriez-vous aussi préciser ce qu'il en sera de l'effet tenailles dans lequel va se trouver prise l'institution militaire ? (Applaudissements à gauche)