Dette sociale (Loi organique - Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale.
Discussion générale
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. - Le projet de loi organique me permet d'exposer la stratégie du Gouvernement dans la gestion de la dette sociale, qui représente 80 milliards d'euros.
Le système de sécurité sociale est au coeur de la cohésion sociale, mais nos enfants ne doivent pas payer demain nos dettes actuelles ; ce serait injuste et irresponsable. D'un autre côté, il nous faut aussi protéger la croissance.
J'ai réuni la commission de la dette sociale, où les forces politiques parlementaires sont représentées. Merci aux sénateurs membres de cette commission pour leur participation et leur sincérité.
Plusieurs pistes ont été exclues à cette occasion. Le Gouvernement apportera une réponse structurelle à un problème structurel. Pour l'essentiel, les quatre articles du projet de loi organique prolongent la durée de vie de la Cades. Mais la Cades aura tout d'abord des recettes supérieures pour 3,2 milliards par an. La réduction des niches fiscales et sociales est un axe majeur de notre stratégie de finances publiques, la Cades en profitera et nous pourrons ainsi refuser toute hausse de la CRDS. Ainsi, la Cades recevra 20 milliards supplémentaires grâce à la division par deux des avantages dont bénéficient les complémentaires santé.
Ensuite, les contributions prélevées sur les assurances-vie multi-support rapporteront 1,3 milliard par an. Je vous propose que les ressources de la Cades bénéficient d'une garantie dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous voulons réduire les déficits publics et sociaux. A cette fin, les niches fiscales et sociales diminueront de 10 millions cette année. La gauche veut augmenter les impôts. Pas nous ! (M. Guy Fischer le conteste) Nous garderons le cap.
Comme ministre des comptes publics, je dois garantir les ressources de la Cades. La commission des affaires sociales a adopté deux amendements, car elle tient à réduire la prorogation de la Cades.
Nous avons proposé un allongement jusqu'en 2025, pour amortir les dettes de 2009 et 2010, largement imputables à la crise économique qui a provoqué un choc des recettes.
Cette situation était exceptionnelle, la loi organique propose une dérogation à l'interdiction de proroger la Caisse.
S'ajoute la dette vieillesse, estimée à 10 milliards d'euros pour 2011. Le fonds de réserve des retraites permettra de rembourser 60 milliards d'euros à l'horizon 2018. Le PLFSS comporte aussi le versement de 2,1 milliards de FRR à la Cades. Le Fonds n'est pas liquidé et continuera à jouer son rôle jusqu'en 2024. Au total, les dettes reprises par la Cades avoisinent 130 milliards d'euros.
L'article premier du projet de loi organique prolonge la Cades pour quatre ans, par dérogation à l'interdiction inscrite dans la loi organique de 1996.
Les autres articles tendent à satisfaire la Cour des comptes, s'agissant de la gouvernance de la Cades, dont l'appartenance à la sphère sociale est affirmée, et de la transparence de l'information donnée au Parlement.
La commission des affaires sociales a présenté deux amendements sur l'Ondam que le Gouvernement approuve.
Malgré les difficultés induites par la crise économique la plus grave depuis 1945, le Gouvernement agit avec responsabilité pour assainir nos finances publiques, sans mettre de dettes à la charge de nos enfants. (Applaudissements à droite)
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - La crise a bien sûr porté la dette à un niveau record. Ainsi, le déficit passera de 23,5 millions à 30 entre 2009 et 2010. Nous avions déjà doublé le découvert accordé à l'Acoss. J'aurais préféré transférer 30 milliards à la Cades, avec une très faible hausse de la CRDS, un montage refusé par le Gouvernement au nom du pouvoir d'achat de nos concitoyens. M. le ministre nous avait convaincus, en promettant de créer une commission de la dette sociale. Après nous avoir écoutés à trois reprises, le ministre a dévoilé sa stratégie le 30 juin. Elle tient en quatre textes : cette loi organique, le PLFSS, la loi de finances et la réforme des retraites.
Tout cela suppose nombre d'heures de débat. Il est difficile d'y voir clair sans connaître l'ensemble des projets de loi... ce qui est impossible avant la fin des arbitrages !
Nous faisons confiance au Gouvernement et aux majorités des deux assemblées.
M. Guy Fischer. - Ils vont encore se coucher...
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Les 130 milliards transférés à la Cades concernent le déficit du régime général, le déficit du FSV en 2010 et 2011, enfin le déficit du régime général d'assurance retraite de 2011 à 2018.
Monsieur le ministre, vous jouez d'abord sur l'allongement de la durée de vie de la Cades, qui existerait jusqu'en 2025. Pour les 34 autres milliards de dettes structurelles, vous comptez sur des recettes fournies par le secteur de l'assurance.
Enfin, pour la retraite, vous mobilisez le FRR. Comment comprendre que 2,4 milliards par an pendant quinze ans financent 31 milliards et qu'il suffira de 1,2 milliard par an pour financer les 31 autres milliards ?
Le projet de loi organique est cependant nécessaire pour lever le verrou posé en 2005 par le législateur, à l'initiative de M. Warsmann. Nous voulons préserver ainsi les générations à venir.
Nous avions refusé une entorse à ce principe, d'où la limitation de la prolongation. Ainsi, l'article premier se limite à quatre ans, avec le transfert de 80 milliards d'ici 2011.
En outre, l'article premier transfère des actifs à la Cades. L'article 2 améliore l'information du Parlement, ce qui permet au Gouvernement de lever une réserve récurrente de la Cour des comptes et ancre définitivement la Cades dans la sphère sociale.
Notre commission a adopté deux amendements pour imposer l'inscription de prévisions quadriennales dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, outre le renforcement de l'annexe 7 relative à l'Ondam, si souvent indigente.
J'en viens au plan de financement. Les recettes supplémentaires n'offrent pas les garanties nécessaires de stabilité, la taxation des réserves de capitalisation des assurances étant un fusil à un coup. Seule la taxation des contrats d'assurance santé responsable offre une certaine pérennité. Ce constat nous a conduits à introduire une clause de garantie chaque année dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour les ressources de la Cades. C'est indispensable à nos yeux.
Enfin, en cas de retour à une meilleure fortune économique, le désendettement devra être accéléré. Nous devons rompre notre dépendance aux déficits, une drogue dure comme toutes les autres que combat notre commission ! (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Nous savions depuis un an qu'il faudrait revoir la gestion de la dette sociale, mais pas qu'il faudrait prolonger la Cades et anticiper l'appel au FRR.
Hélas, du fait de la crise, les décisions proposées sont largement inévitables.
En 2008, la Cades devait reprendre 130 milliards d'euros, autant que ce qu'elle a repris depuis sa création en 1996. L'ampleur des déficits a fait envisager la création d'une caisse supplémentaire. Pour éviter d'allonger la durée de vie de la Cades, il aurait fallu doubler la CRDS, ce qui est insoutenable dans le contexte actuel.
M. Vasselle vient de présenter le schéma : allongement de la durée de vie de la Cades, réduction des niches fiscales et sociales, transfert d'actifs du FRR.
Le principal sujet d'inquiétude concerne les ressources la Cades. Je regrette que la CRDS reste inchangée.
Ces mesures sont-elles pertinentes sur le fond ? La commission des finances s'interroge sur le panier de recettes : le dispositif devrait conserver l'attractivité des complémentaires, mais les assurés subiront une charge nouvelle, alors que les complémentaires santé ont déjà été sollicitées en 2009 pour la Cmuc.
M. Guy Fischer. - C'est vrai.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - S'agissant des contrats multi-support, la recette pourrait ne pas être pérenne, tout en pesant sur le rendement des contrats, alors que les marchés boursiers font le yoyo !
Enfin, il ne faudrait pas porter atteinte aux garanties de solvabilité des assurés, car la réserve de capitalisation est considérée comme des quasi-fonds propres. Comment s'appliquera la Directive ?
Deuxième question : les recettes sont-elles cohérentes avec les besoins de la Cades ? La remontée inéluctable des taux d'intérêt augmentera le coût de portage de la dette : l'ampleur des dettes transférées implique un changement d'échelle pour la caisse. Une incertitude plane aussi sur la réalisation partielle des actifs du FRR ...
Mme Nicole Bricq. - Scandaleux !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Le montant annuel est limité, mais attendu. Ce rendement sera mécaniquement plus difficile en fin de période.
Le panier de recettes s'apparente à un panier percé. La Cades a besoin de recettes pérennes et dynamiques, à l'image de la CSG et de la CRDS. Il n'y a pas d'augmentation de la CRDS à court terme.
M. Guy Fischer. - Jusqu'en 2012.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Le Gouvernement admet qu'il sera nécessaire de revoir le schéma financier en 2013.
Mme Nicole Bricq. - Il doit se passer quelque chose en 2012...
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'exit tax sur les réserves de capitalisation est un fusil à un coup. Certes, la recette procurée par les complémentaires responsables devrait être pérenne, sauf réduction de l'assiette en cas de renoncement des personnes les plus modestes à souscrire.
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - C'est un risque...
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur général. - La commission des finances approuve les amendements des affaires sociales.
La troisième question concerne l'opportunité d'affecter 3,1 milliards par an à la restauration de la dette sociale. Le Gouvernement veut réduire les niches fiscales et sociales. Après les fléchages intervenus, seuls 3,1 milliards d'euros pourraient réduire le déficit de l'État. Toutefois, un autre schéma supposerait de relever la CRDS et la CSG.
M. Guy Fischer. - Vous vendez la mèche !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Les réponses proposées ne règleront pas le problème. Ainsi, le déficit de l'assurance maladie des années 2012 et 2013 n'est pas pris en compte. Le risque de report de charges existe donc alors que la dynamique de la dette appelle des réformes de fond, si l'on songe en outre à l'impact futur de la dépendance.
M. Guy Fischer. - Il n'en parle pas !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Vu l'ampleur du transfert proposé, l'enjeu principal concerne la révision du panier de recettes après 2013, le début de la liquidation des actifs du FRR, l'incidence de la remontée attendue des taux.
La commission des finances est favorable à l'article premier, dans la rédaction de la commission des affaires sociales. A l'occasion du PLFSS et de la loi de finances, nous apprécierons le bricolage acceptable. (Applaudissements sur quelques bancs)
Mme Éliane Assassi. - Ce projet de loi organique n'est pas à la hauteur des enjeux : il s'agit de rétablir des comptes sociaux.
Pour une fois, je salue l'adoption par la commission de l'amendement présenté par le Gouvernement pour modifier le conseil d'administration de la Cades en y introduisant les partenaires sociaux.
J'ai été surprise que la commission des affaires sociales ait auditionné une agence de notations sans consulter les partenaires sociaux. Mais je n'en tiens pas rigueur au rapporteur puisque le Gouvernement n'a plus réuni la Conférence des finances publiques, qui a une approche globale, depuis qu'il a créé la Conférence de la dette sociale, dans laquelle les partenaires sociaux ne sont pas représentés et qui ne s'intéresse qu'à la réduction des dépenses. Si vous aviez écouté ceux-ci, vous auriez constaté l'insuffisance du texte. La Cour des comptes a publié un rapport édifiant : les rapports servant de base au PLFSS pourraient être plus complets. Nous nous interrogeons sur la divergence d'évaluation des niches sociales. La Cour des comptes les évalue à 60 milliards quand le Gouvernement ne parle que de 40.
Globalement, il manque 1 milliard d'euros aux recettes pour équilibrer les dépenses. En 2009, le déficit cumulé est passé de 11 milliards à 25 ! Certes, la crise économique est passée par là mais son incidence illustre l'insuffisance de votre politique sociale, dont on se demande si elle n'est pas sciemment organisée.
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - N'exagérez pas !
Mme Éliane Assassi. - M. Sarkozy avait incité à mettre tous les chiffres sur la table. Vous peinez à passer des mots aux gestes. La part des salaires a régressé depuis 1982, ce à quoi s'ajoutent les exonérations de cotisations sociales, véritables trappes à précarité, qui précarisent l'emploi sous prétexte de le défendre et creusent les déficits sociaux.
De 1996 à 2009, les cotisations sociales ont augmenté de 19 %, contre 143 % pour les profits financiers.
Loin qu'ils soient devenus trop lourds à porter, les droits sociaux sont en fait un atout pour la France, où la productivité du travail est meilleure qu'ailleurs. La solution est dans une meilleure répartition des richesses et dans le développement d'emplois qualifiés rémunérés à leur juste valeur. Nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements à gauche)
M. Bernard Cazeau. - Session extraordinaire, procédure accélérée sur un texte déposé au coeur de l'été -il doit y avoir urgence ! Le fait est. Au plan comptable, la situation de l'Acoss est mauvaise et vulnérable. Au plan financier, celle de nos finances publiques inquiète les investisseurs internationaux : il faut leur donner des gages après des années d'insouciance généralisée. Votre précipitation et la dureté de vos choix sont le résultat de votre indécision politique. Le ministre devra assumer avec pragmatisme l'incurie de ses prédécesseurs et sera obligé d'augmenter un peu les impôts.
Que propose-t-il aujourd'hui ? La dette sociale va s'alourdir, les impôts vont augmenter, le FRR sera...
Mme Nicole Bricq. - Siphonné
M. Bernard Cazeau. - ... dénaturé. Classiquement, on s'endette pour investir ; vous endettez le pays pour des dépenses courantes. La coûteuse campagne contre la grippe A sera encore à la charge de nos concitoyen en 2025.
Il n'est pas bon d'avoir raison trop tôt, monsieur Vasselle. Dans le rapport de la MECSS, il y a quatre ans, nous alertions de concert le Gouvernement -qui raillait notre pessimisme et notre incapacité à comprendre que la croissance à venir allait tout régler... Depuis, le déficit du régime général a doublé. Avec le prolongement de la Cades, l'horizon de l'extinction de la dette sociale s'éloigne encore, et avec lui la crédibilité de notre système de protection sociale. Cette caisse ne devait durer que jusqu'en 2009 ; vous violez aujourd'hui vos propres règles parce que vous êtes au pied du mur.
La moyenne annuelle du déficit était de 10 milliards ; il a doublé depuis 2009. Il semble loin le temps où les comptes sociaux étaient à l'équilibre, c'était en 2000-2001, sous M. Jospin. La loi Fillon de 2003 n'a rien résolu ; la loi Woerth de 2010 sur les retraites ne résoudra rien. Ce que vous nous demandez aujourd'hui n'est qu'une dérobade.
Réduire les niches fiscales, qu'est-ce d'autre qu'augmenter certains impôts ? Quelle cohérence y a-t-il à réduire le rendement de l'assurance-vie, quand on a dit vouloir favoriser les assurances individuelles et l'épargne personnelle ? Taxer les complémentaires santé ? Ce seront les assurés qui paieront l'addition !
Mme Nicole Bricq. - Évidemment !
M. Bernard Cazeau. - Quelle fiabilité enfin, quand on prévoit des recettes dont les deux tiers n'ont pas de rendement garanti au-delà d'une année ? D'autres impôts devront s'y substituer. C'est tout le sens de la clause de garantie introduite avec sagesse par M. Vasselle. Certains signes ne trompent pas, d'ailleurs : le directeur de la Cades a préféré s'exprimer devant nous en points de CRDS, non en milliards... Vous ne proposez rien d'autre qu'une fuite en avant doublée d'une opération politicienne. Vous profitez des économies réalisées depuis 1999 pour parer au plus pressé. Les générations actives sont spoliées quand vous siphonnez le FRR.
Nous admettons vos motivations, pas vos solutions. Certes, il y a la crise, mais surtout une décennie d'échecs et de rendez-vous manqués.
Où sont les bénéfices de vos réformes successives de l'assurance maladie ? De vos réformes des retraites ? Toutes nous ont conduits au désastre.
M. Jean Arthuis. - Et la retraite à 60 ans ?
M. Bernard Cazeau. - Vous avez menti aux Français sur la situation. Nous verrons lors du PLFSS ce qu'il en ira de la protection sociale, mais nous ne nous faisons guère d'illusion ; le calendrier électoral l'emportera encore sur la responsabilité politique et vous continuerez à cacher la poussière sous le tapis ! (Applaudissements à gauche)
M. Aymeri de Montesquiou. - L'heure de vérité est arrivée. Plus que jamais, il importe de préserver la crédibilité du processus de remboursement de la dette sociale sans le reporter trop massivement sur les générations futures.
Comme l'a constaté le rapport Pébereau de 2005, le choix de la facilité depuis 25 ans nous a menés à l'accroissement indéfini des dépenses. La dette sociale est une composante dynamique de la dette publique. En 1999, elle en représentait 5,6 %, 45,3 milliards sur 804 ; dix ans après, la proportion atteint 10,5 % -155,8 sur 1 489.
Les solutions proposées par le Gouvernement sont déclinées en quatre textes. L'urgence nous conduit à la précipitation : on fait les auditions le matin, on approuve le rapport l'après-midi !
M. Guy Fischer. - Exact !
M. Aymeri de Montesquiou. - Je souhaite que la clause de bonne fortune proposée par M. Vasselle entre en vigueur. La question de la pérennité des recettes prévues se pose : certaines sont ponctuelles, d'autres ont un rendement incertain. Quant à la mobilisation du FRR...
Une augmentation de la CRDS serait une solution pérenne. Comme M. Vasselle, qui la propose depuis des années, je pense que l'on ne pourra y échapper. L'Acoss n'a pas pour fonction d'amortir la dette accumulée.
Il faut dire la vérité aux Français. La crise a fait prendre conscience de la gravité de la situation de nos finances publiques.
M. Pébereau a raison, seule une large information de l'opinion peut mettre fin aux mauvaises habitudes collectives.
Cela précisé, on ne peut que soutenir un texte qui vise à réduire la dette sociale. (Applaudissements à droite)
M. François Baroin, ministre. - Devant partir pour d'importants arbitrages, et vous priant de m'en excuser, je réponds dès maintenant.
Il n'y a pas de tour de passe-passe, monsieur le rapporteur général Vasselle : 2,1 milliards chaque année jusqu'en 2024 font une trentaine de milliards ; les prélèvements sur le patrimoine affectés à la Cades, 20 milliards ; et les 54 milliards correspondent à 7 ans de versements. Le Gouvernement est parfaitement transparent. Le financement n'est pas à court terme, nous tirons un trait sur une période douloureuse pour nos comptes publics, afin de repartir d'un bon pas.
Nous poursuivrons la politique de réduction des niches. On nous dit que le Gouvernement n'est pas sincère ; mais il y a une grande différence entre augmenter les impôts et réduire des avantages fiscaux ! Exonérations et exemptions ne sont pas fixées pour l'éternité ! Il est vrai que nous avons parfois mal mesuré le développement de certaines niches, au point de verser de l'eau sur le sable. Nous sommes dans une logique d'équilibre budgétaire à terme. Quand on a 75 milliards d'un côté, 45 de l'autre, il faut réfléchir à la dépense fiscale. Notre choix est clairement de ne pas augmenter les prélèvements. Il y aurait probablement un consensus parlementaire pour augmenter la CRDS ; le Gouvernement ne prend pas ce chemin.
M. Jégou a évoqué les complémentaires et la TSCA ; les organismes complémentaires sont en bonne santé financière, je suis sûr qu'ils pourront absorber le prélèvement que propose le Gouvernement. Il y a une grande différence entre un usager de ces complémentaires et un contribuable.
Sur les retraites, sur la Cades comme en matière budgétaire, l'opposition choisit toujours la facilité : augmenter les impôts.
M. Bernard Cazeau. - Certains de vos amis aussi !
M. François Baroin, ministre. - Nous empruntons un chemin plus exigeant, celui de travailler d'abord sur les dépenses.
M. Guy Fischer. - Vous avancez masqués !
M. François Baroin, ministre. - Il y a parfois en ces matières -M. Cazeau me pardonnera le mot- un peu de démagogie...
M. Bernard Cazeau. - Que ne le dites-vous à MM. Vasselle et Jégou !
M. François Baroin, ministre. - J'attends de voir vos contre-propositions, en particulier sur les retraites.
M. Bernard Cazeau. - Elles sont sur la place publique !
M. François Baroin, ministre. - Qui parle pour vous ? M. Strauss-Kahn, Mme Royal, M. Hollande, Mme Aubry ?
M. Bernard Cazeau. - Et à l'UMP, M. Copé ou M. Bertrand ?
M. Guy Fischer. - Il fait de la provocation.
M. François Baroin, ministre. - Prenez vos responsabilités ; nous, nous prenons les autres ! (Applaudissements à droite)
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Le groupe UMP salue le travail de nos rapporteurs.
Son endettement met en péril notre système de sécurité sociale. C'est pourquoi notre majorité estime urgent de prendre au plus vite des mesures crédibles, durables et structurelles, et donc d'accepter ce projet de loi.
Le Gouvernement veut agir en prolongeant la durée de vie de la Cades, en affectant 3,2 milliards de recettes nouvelles, en mobilisant les actifs et les recettes du FRR. L'objectif est de faire porter l'effort sur les générations actuelles.
La loi organique sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale interdit un report de la Cades ; celle d'aujourd'hui prévoit une dérogation motivée, qui devrait procurer 32 milliards.
Quand M. Jospin a créé le FRR en 2000, c'était pour « affirmer et garantir la solidarité entre les générations » ; c'est dans cet esprit que nous en mobilisons aujourd'hui les actifs et recettes. Le déficit actuel de la branche vieillesse est celui qui était attendu pour 2030 ! Avec le prélèvement que ce texte autorise, le déficit devrait être comblé jusqu'en 2018.
Nous soutenons l'article 2 ainsi que l'initiative du rapporteur tendant à mieux éclairer la représentation nationale sur la situation patrimoniale des organismes chargés du financement de la sécurité sociale.
Le groupe UMP dans sa majorité votera ce texte. (Applaudissements à droite)
M. Jean Arthuis. - Le groupe centriste remercie le Gouvernement de proposer des mesures qui nous font sortir d'un trop long attentisme. Les propos du ministre et des rapporteurs nous ont éclairés sur la situation aussi grave que pathétique de nos comptes sociaux. La montée des déficits semble inexorable. La Cades a été créée en 1996 pour faire face au déficit exceptionnel dû à la crise de 1993 ; on lui a déjà transféré 130 milliards, qu'elle a remboursés au tiers ; on lui en affecte aujourd'hui 130 autres, en espérant que le régime de retraites réformé ne générera, entre 2012 et 2018, que 62 milliards de déficit... Nous voyons se profiler le spectre d'une dette perpétuelle.
Il nous apparaît que ce projet de loi n'est pas à la hauteur des enjeux. La consommation anticipée du FRR interdira de réagir au choc démographique de 2020. Et qui vous dit qu'en 2013 la branche santé et la branche famille seront équilibrées et ne devront pas recourir à l'endettement ? On peut en outre attendre un supplément de charges d'un milliard après les concessions faites pour les retraites.
S'agissant de la taxation des sociétés d'assurance, il n'y aura rien en 2013, sauf à accroître les prélèvements. Le sursaut des ressources venues des contrats d'assurance-vie multi-supports est lié à l'état de la Bourse : rien ne prouve que l'assiette ne se réduira pas. Et l'on ne peut écarter un risque de taux, qui serait très préjudiciable. Il faut espérer que l'institution de la taxe ne portera pas atteinte aux conventions d'assurances conclues par les mutuelles...
J'ai bien entendu la politique du Gouvernement ; nous partageons sa volonté de réduire les niches fiscales qui coûtent cher, fabriquent de la complexité, sollicitent de l'optimisation aux limites de l'abus de droit et même du scandale, des niches qui n'atteignent pas toujours leur cible et créent des inégalités devant l'impôt.
L'avantage financier me semble souvent capté par le fournisseur.
Mais il ne faudrait pas qu'il y ait un découplage entre l'annonce et l'action...
Il y a un an, nos deux commissions défendaient ensemble l'idée qu'il fallait augmenter de 0,15 % la CRDS. Pourquoi le Gouvernement s'y est-il opposé ? Sans doute parce que cela perturbait le bouclier fiscal...
M. Guy Fischer. - Il faut le supprimer !
M. Jean Arthuis. - Oui, parce que c'est une mauvaise réponse à un mauvais impôt, l'ISF. Nous voulons supprimer le bouclier, supprimer l'ISF et créer une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu à 45 %. (Mme Catherine Procaccia applaudit)
Mme Nicole Bricq. - Chiche !
M. Jean Arthuis. - Je gage que nous discuterons deux fois de l'assurance vie, en PLFSS et en PLF ! Ce sera incohérent. Il faudrait que le Gouvernement nous présente un article d'équilibre unique pour tous les prélèvements obligatoires. Notre principal problème, c'est la compétitivité. Financer la famille et la santé par des cotisations sur les salaires, c'est favoriser la délocalisation de l'activité et de l'emploi.
L'Union centriste votera ce projet de loi organique. L'heure de vérité viendra en loi de finances. Nous assumerons alors nos responsabilités. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Nicole Bricq. - Nous attendons de voir !
M. Jacky Le Menn. - L'exposé des motifs de ce projet parle d'une « solution durable », objectif que nous pouvons partager. Toutefois, les moyens proposés ne sauraient recueillir notre accord. Le report de la charge de la dette sociale sur les générations futures est irresponsable ; nous ne pouvons cautionner la mutation d'un déficit conjoncturel en déficit structurel ; il est inconcevable de faire jouer à l'Acoss un rôle qui n'est pas le sien. Le président de la CDC a attiré l'attention de M. Woerth sur les tensions insupportables générées par les montages financiers auxquels elle est contrainte.
Nous ne pouvons admettre la prolongation de la Cades. Comment ne pas craindre une nouvelle dérogation, non moins « exceptionnelle » que celle d'aujourd'hui ? Sous couvert technique, cette approche a une fonction politique claire, idéologique même : préserver le dogme du Président de la République de la non-augmentation des impôts.
L'approche du Gouvernement et la nôtre diffèrent radicalement sur les retraites. En transférant les actifs du FRR vers la Cades, le Gouvernement sacrifie une gestion raisonnée sur l'autel de l'urgence, dénature la mission du fonds, qui n'est pas une cagnotte dans laquelle on pourrait puiser à la première difficulté. Le FRR gère un prélèvement sur les générations 2000-2010 pour amortir celui qui pèsera sur les générations 2020-2040. Siphonner ses réserves est une atteinte à la solidarité intergénérationnelle, une injustice. C'est en outre une mauvaise gestion des ressources publiques : le rendement du FRR est supérieur au taux de financement de la dette, et la moitié de son portefeuille est investi en actions -il participe ainsi au financement de l'économie. La Mecss avait proposé en 2005, à l'unanimité, sa sanctuarisation.
Le champ des solutions possibles est ouvert. Il faut effectivement des ressources supplémentaires pour que notre génération finance sa dette sociale. Trois solutions peuvent être privilégiées, sans prolonger la Cades au-delà de 2025 ni puiser dans le FRR.
L'État doit reprendre une partie de la dette sociale. La Cour des comptes a noté que le déficit avait doublé en 2009 par rapport à la moyenne des années 2003-2008, pour l'essentiel à cause de la baisse des recettes.
Le Gouvernement doit naturellement reprendre la dette sociale imputable à la crise. Il peut utiliser la fiscalité, par exemple en supprimant le bouclier fiscal ou en revenant sur le cadeau fait aux cafetiers et restaurateurs, puisque les contreparties attendues ne sont pas venues. Ce faisant, le Gouvernement n'avait pas besoin de solliciter encore une fois les mutuelles. L'autre solution concerne les niches fiscales et sociales. M. Baroin vient de franchir un petit pas dans ce sens, mais avec des recettes peu dynamiques. Il faudra donc raboter sérieusement les niches d'ici 2013, mais plus qu'un rabot, il faudra une varlope !
Deuxième piste : augmenter d'une manière responsable la CRDS qui est la ressource essentielle de la CADES. Nous proposons de fixer un niveau de CRDS apte à reprendre les déficits des régimes vieillesse dans une proportion de 59 milliards d'euros. Son taux actuel de 0,5 % pourrait être doublé, pour procurer 5,9 milliards d'euros annuels à la Cades, jusqu'en 2020. Je regrette à nouveau le refus opposé par le Gouvernement à la proposition de la commission des affaires sociales.
Troisième piste : majorer, dans un esprit de solidarité, d'équité et de modernité le taux de la CSG patrimoniale jusqu'en 2021 : cela permettrait une reprise de dette de près de 38 milliards. Il n'est pas illogique de solliciter plus les revenus du patrimoine pour combler la part du déficit généré par les retraites !
Nos suggestions permettraient de reprendre les 130 milliards proposés par le Gouvernement, mais sans proroger la Cades et sans obérer le FRR.
Par solidarité avec notre jeunesse et avec les générations à venir, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. - M. Baroin a déjà répondu en détail aux premiers orateurs. Je remercie Mme Hermange et M. Arthuis pour le soutien de leurs groupes. Monsieur Le Menn, vous ne m'avez pas surpris : je savais que votre groupe s'opposerait à ce texte ! (Sourires)
Le projet de loi organique est équilibré ; il respecte les priorités du Gouvernement, notamment le non-report de la dette sociale sur les générations futures, cela sans augmenter les prélèvements pour ne pas compromettre la reprise de la croissance. Je comprends que certains veuillent augmenter les prélèvements...
M. Guy Fischer. - Vous le faites indirectement !
M. Henri de Raincourt, ministre. - ... mais la compétitivité impose de rester dans le peloton de tête, pour éviter délocalisations et diminution du pouvoir d'achat.
M. Guy Fischer. - En dix ans, vous augmentez de 35 % les cotisations à charge des fonctionnaires.
M. Henri de Raincourt, ministre. - Notre troisième orientation est l'adoption de réformes structurelles majeures, comme celles touchant les retraites.
Madame Hermange, le Gouvernement partage vos idées ; monsieur Arthuis, le milliard de dépenses supplémentaires annoncé lors de la discussion du projet de loi sur les retraites sont des dépenses transitoires qui tendent à lisser l'effet de la réforme.
M. Guy Fischer. - Je ne vous crois pas.
M. Henri de Raincourt, ministre. - Comme toujours... Pour l'essentiel, il s'agit du dispositif « pénibilité », financé par les employeurs.
M. Jean Arthuis. - Faire payer les employeurs, c'est pousser aux délocalisations !
M. Henri de Raincourt, ministre. - Des emplois sont créés, puisque la masse salariale augmente, alors qu'une réduction était anticipée.
M. Le Menn estime que le projet n'est pas à la hauteur des enjeux : je lui laisse la responsabilité de cette appréciation.
Comme souvent, il faut utiliser le levier fiscal. A l'Assemblée nationale, l'opposition propose de maintenir la retraite à 60 ans, avec des cotisations à 41,5 ans. Comment résoudre cette contradiction ? (Protestations à gauche) Avec des retraites réduites ? (Mêmes mouvements) Le Président de la République le refuse.
Augmenter la TVA sur la restauration ? On le propose à toutes les sauces ! Nous ne le ferons pas. (Exclamations à gauche)
M. Jacky Le Menn. - Pour des raisons électorales !
M. Henri de Raincourt, ministre. - Solliciter les revenus du patrimoine ? Ils sont mis à contribution par la réforme des retraites.
Le simple bon sens devrait conduire le Sénat à voter le projet de loi organique. (Applaudissements à droite et sur les bancs de l'UC)
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°1, présentée par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la gestion de la dette sociale (n° 691, 2009-2010).
Mme Christiane Demontès. - Trois textes porteront bientôt sur la dette sociale : le PLFSS, le PLF et la réforme des retraites, actuellement débattue à l'Assemblée nationale. M. le rapporteur a donc raison de dire qu'il est difficile d'avoir une vue d'ensemble sur les projets du Gouvernement. Le PLFSS ne sera d'ailleurs présenté en conseil des ministres que le 13 octobre. J'ajoute que des annonces faites par le Président de la République, par exemple pour prendre en compte la pénibilité, ont modifié l'équilibre du texte sur les retraites. Ce sont donc trois textes sur quatre qui auront un effet que nous ne pouvons mesurer. Autant dire que nous ne sommes pas en mesure d'évaluer la portée d'un tel texte.
Le Parlement ne peut donc juger le texte qui lui est soumis, ni contrôler l'action du Gouvernement.
Nous partageons l'objectif affiché par le Gouvernement. Mais prolonger la Cades jusqu'en 2025 est inacceptable. L'échéance de 2021 doit être scrupuleusement respectée.
D'après le Gouvernement, cette disposition est le simple résultat de la crise économique. Celle-ci est indéniable mais sa conséquence n'est pas une fatalité. Pour 2009, le Gouvernement avait prévu que la masse salariale augmenterait ; elle a chuté de 1,25 % !
En outre, les exonérations sociales plombent les comptes sociaux, au grand dam de la Cour des comptes. La protection sociale est en péril !
Dans son rapport, la Cour des comptes montre que le moteur premier du déficit n'est pas la crise, mais votre politique des recettes et des dépenses. Invoquer la seule crise relève de l'imposture.
Le PLFSS pour 2010 autorisait l'Acoss à emprunter 65 milliards d'euros pour couvrir les déficits cumulés. Nous avions combattu cette politique de l'autruche, contraire à la loi organique comme aux PLFSS qui place l'Acoss, comme l'a relevé la Cour des comptes, dans une situation intenable.
En pratique, le Gouvernement voulait ne pas augmenter la CRDS, pour rester fidèle à une orthodoxie financière injuste et inopérante. Lorsque le rapporteur dit qu'« il est question de préserver la crédibilité du processus de remboursement de la dette sociale tout en s'interdisant d'en reporter trop massivement le poids sur les générations à venir », il ne nous convainc pas du tout.
Malgré les dénégations du Gouvernement, il s'agit de défendre un dogme, voire un fétiche.
Dans son rapport, M. Carrez démontre que si le régime des prélèvements obligatoires était resté inchangé depuis 1999, la dette publique serait inférieure à 20 points à son niveau actuel. Hélas, vous persistez dans votre politique du déficit chronique.
Revenons à la Cades. Il faut apurer 130 milliards de dettes. M. Baroin a décrit les recettes nouvelles affectées à cette caisse : elles ne sont ni définies, ni pérennes. Non seulement vous ne respectez pas les termes de la loi organique de 2005, mais vous prenez aussi le risque de dégrader la notation de la Cades. Nous ne pouvons nous le permettre.
Une fois de plus, les mutuelles seront pénalisées. Le faible dynamisme des autres ressources imposera d'autres mesures, outre le prélèvement programmé sur le FRR.
Ce texte ne respecte pas les règles constitutionnelles : c'est un motif essentiel d'irrecevabilité. (Applaudissements à gauche)
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Les motifs exprimés reprennent ceux présentés lors de la discussion générale ; lors de la refonte de notre règlement, il faudrait envisager de réduire le temps accordé au sénateur qui défend une motion préalable.
M. Guy Fischer. - C'est la méthode du bâillon !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Nos amendements tendent à ne pas vivre demain ce que vous dénoncez aujourd'hui.
Vous avez cependant raison de dire que quatre années de report sont quatre années de trop. D'où notre amendement en cas de retour à meilleure fortune.
Telles sont deux raisons parmi d'autres de repousser la motion d'irrecevabilité.
M. Henri de Raincourt, ministre. - M. le rapporteur général a raison : la présentation de la motion d'irrecevabilité n'apporte rien de nouveau. Refuser de proroger la Cades coûterait 8 milliards supplémentaires d'euros chaque année... donc des impôts supplémentaires. Nous le refusons.
M. Guy Fischer. - Vous préférez faire payer les pauvres.
En application de l'article 59 du Règlement, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l'adoption | 153 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. - Motion n°3, présentée par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale (Procédure accélérée) (n° 691, 2009-2010).
M. Guy Fischer. - Serions-nous irresponsables ? Ce serait méconnaître notre travail acharné tendant à sauvegarder notre protection sociale et à résorber la dette.
Nous combattons cette loi car les mesures proposées sont loin d'assurer l'équilibre financier.
De fait, ce texte prolonge votre politique d'aggravation des déficits : à l'horizon 2011, le déficit prévisible devrait atteindre 80 milliards d'euros. Ainsi, la dette sociale connaît une hausse exceptionnelle.
Le PLFSS pour 2010 a autorisé l'Acoss à rechercher jusqu'à 65 milliards d'euros auprès des marchés à court terme, puisque la Caisse des dépôts ne pouvait prêter que 31 milliards. Nous avions combattu cette décision -contraire à la loi organique de 1996 et aux fondements de notre protection sociale. Politique de l'autruche ou politique de la poussière sous le tapis, l'essentiel est que cette cavalerie budgétaire ne profite qu'aux prêteurs : pour l'exercice 2008, sur les 6 milliards de ressources procurés à la Cades par la CRDS, la moitié, c'est-à-dire 3 milliards d'euros sont allés non au remboursement de la dette sociale, mais à celui des intérêts. Ce serait cocasse si ce n'était scandaleux : pour moitié, l'effort des salariés rémunère les spéculateurs à l'origine d'une dette sans précédent. Une poignée de spéculateurs crée la crise, l'immense majorité de nos concitoyens la paye.
A vous croire, sur 130 milliards d'euros, 34 seraient imputables à la crise. Pour cette somme, vous proposez un refinancement, c'est-à-dire un transfert de dette accompagné d'un étalement sur quatre ans... Heureusement, les taux d'intérêt sont bas.
Pour ce qui est de la dette résultant de la prise en charge de la Cnav et du FSV, vous proposez ce que vous appelez pudiquement « la mobilisation des actifs et des recettes du Fonds de réserve des retraites ». En fait, un pillage organisé ! Pourquoi réformer aujourd'hui les retraites au lieu de faire appel au FFR ?
Venons-en à la dette structurelle, soit 34 milliards d'euros. Nous aurions voulu qu'une politique courageuse supprime enfin 120 milliards d'exonérations fiscales et sociales, à commercer par la niche des niches qu'est le bouclier fiscal. Mais vous proposez de taxer les réserves de capitalisation, les contrats d'assurance vie et les mutuelles.
Les trois dispositions devraient rapporter 3,2 milliards d'euros par an alors qu'il manque au FSV 4,2 milliards d'euros !
De l'aveu même du rapporteur, ces recettes nouvelles sont appelées à se tarir alors que la Cades a besoin de ressources dynamiques.
L'an dernier, lorsque nous avons examiné le PLFSS, le ministre alors en charge avait refusé d'accroître la CRDS et voulu transférer la dette à la Cades. Aujourd'hui, vous pillez le FFR, sans assurer le financement à long terme de notre protection sociale.
Comme toujours, les jeunes, les salariés et les fonctionnaires devront mettre la main à la poche.
Que le Gouvernement renonce au pillage des comptes sociaux, qu'il cesse de solliciter les plus pauvres de nos concitoyens au profit des plus riches ! Solidaire, la protection sociale a besoin d'un financement solidaire ! (Applaudissements à gauche)
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - La commission est bien sûr défavorable car le financement de la sécurité sociale relève du PLFSS et de la loi de finances. Il est difficile de suivre une argumentation hors sujet...
M. Henri de Raincourt, ministre. - Malgré ma considération pour M. Fischer, je partage l'avis défavorable de la commission.
En application de l'article 59 du Règlement, la motion n°3 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 140 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion des articles
Article premier
M. Guy Fischer. - Je profite de ce que M. Vasselle n'a pas encore mis en oeuvre son projet de nous faire taire ! (Sourires)
M. Henri de Raincourt, ministre. - Ce ne serait pas facile !
M. Guy Fischer. - Vous cherchez moins à réduire la dette sociale qu'à la combler artificiellement. Je comprends pourquoi l'an passé vous n'étiez pas allé jusqu'à transférer toute la dette sociale à la Cades : vous jouiez la montre en attendant le projet de loi sur les retraites.
Le pillage du FRR servira donc à rembourser pêle-mêle des dettes de nature différente. Vous brouillez les pistes.
Ayez le courage de reconnaître que cette mesure n'est qu'un palliatif, dans l'attente de l'inévitable accroissement des ressources. Lisez Les Echos si vous doutez de cette interprétation ! A visage masqué, vous ratissez large ; euro par euro, insidieusement, vous vous en prenez au pouvoir d'achat des salariés.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Bernard Cazeau. - Ce n'est pas glorieux mais nous n'avons pas le choix avait dit M. Baroin aux députés. Mais le déficit actuel ne s'explique que partiellement par la crise économique. Notre sécurité sociale avait déjà un déficit structurel de 10 milliards, qui va maintenant s'approcher des 15 milliards. Depuis 2002, vous avez perdu 100 milliards de recettes, dont les deux tiers à la suite de baisses d'impôt au bénéfice des plus favorisés.
Pour des raisons purement électoralistes, vous prolongez la Cades au lieu d'accroître les recettes. Votre échéance est la présidentielle de 2012 et vous revoyez à demi-mot l'augmentation des recettes à 2013.
M. Vasselle défend des principes en commission et les oublie dans l'hémicycle. On ne transforme pas le plomb en or et ce gouvernement est plombé !
Il faudrait une fiscalité plus juste pour réduire nos déficits !
M. le président. - Amendement identique n°4, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
M. Guy Fischer. - Les ressources que l'on va prendre au FRR manqueront en 2020. M. Arthuis ne le conteste pas. Les 33 milliards manqueront en 2018 et vous crierez encore au déficit, qui vous servira de prétexte à une nouvelle réforme des retraites, voire à l'instauration de régimes notionnels.
M. Jean Arthuis. - Excellente solution !
M. Guy Fischer. - La droite fait maintenant slogan d'un « choc démographique » en 2020. Qu'en sera-t-il ? M. Fillon avait évoqué un besoin de financement de 43 milliards en 2020, promettant en 2003 un financement à 100 % de sa réforme. Il n'en était rien. Comme celle actuellement débattue, elle faisait reposer tout l'effort sur les salariés.
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Je n'ai accepté de suivre le Gouvernement qu'à cause de la situation de crise venue des États-Unis. Il faut bien prendre des mesures ! Mais je n'aurais pas accepté de le suivre si le Gouvernement ne s'était pas engagé à ce que la Cades bénéficie à l'avenir de recettes suffisantes, équivalant à une majoration de 0,26 % de la CRDS. Nous veillerons à la réalité de ces ressources.
Le Gouvernement a pris des mesures qui permettront d'atteindre l'équilibre en 2018. Lors du PLFSS, j'exigerai du Gouvernement qu'il nous dise ce qu'il en ira après 2018. Nous tenons à cette transparence.
Avis défavorable aux amendements de suppression.
M. Henri de Raincourt, ministre. - Je vois mal comment le Gouvernement pourrait être favorable à la suppression de son projet de loi !
M. Guy Fischer. - Quel argument !
Les amendements identiques nos2 et 4 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
M. Guy Fischer. - Cette disposition résulte de l'adoption par la commission d'un amendement tendant à instaurer une clause de garantie. Après avoir plaidé chaque année, sans succès, pour une hausse de la Cades, notre rapporteur veut inscrire l'automaticité dans une loi organique à laquelle le juge constitutionnel reconnaît une valeur quasi constitutionnelle.
Cela revient donc à inscrire dans un texte quasi constitutionnel le principe d'interdiction des déficits publics. La CRDS rapporte beaucoup avec un taux faible, mais elle porte principalement sur les ménages. La promesse sarkozyste de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires serait ainsi respectée à moitié, -au détriment des plus modestes- puisque la CRDS est incluse dans le bouclier fiscal.
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - La CRDS ne touche pas uniquement les salariés !
La relever nous paraissait la moins mauvaise des solutions. L'essentiel est de ne pas allonger indéfiniment la durée de la Cades, tout en lui assurant une garantie de financement suffisante.
Le débat reviendra en loi de financement de la sécurité sociale.
M. Henri de Raincourt, ministre. - Le Gouvernement a accepté la proposition de la commission des affaires sociales. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comprendra bien une clause de garantie assurant à la Cades un financement équivalent à 0,26 point de la CRDS, par affectation du produit de niches fiscales.
Retrait de l'amendement ?
M. Guy Fischer. - Vous vous méprenez sur ma conviction ! (Sourires)
M. Jean Arthuis. - Je crains que la conviction de M. Fischer ne soit fondée sur une illusion : à l'heure de la globalisation de l'économie, il n'y a pas un seul impôt d'une entreprise encore sur le territoire national, qui ne se retrouve dans le prix payé par le consommateur. Quel qu'en soit le support, l'impôt est toujours payé par les citoyens. Le Gouvernement aussi est sujet à cette illusion, lorsqu'il parle de taxe carbone « payée par les entreprises ».
M. Guy Fischer. - Le président Arthuis ne me convainc pas. Nous dirons à l'occasion du débat sur les retraites que 86 % des charges seront supportées par les cotisants : en dix ans, les cotisations des fonctionnaires progresseront de 34,9 % !
M. Jean Arthuis. - Comment les syndicats ont-ils pu accepter des cotisations aussi élevées pour les non-fonctionnaires ?
M. Guy Fischer. - J'explique mon vote : votre politique de classe fait peser l'essentiel de la charge sur les plus modestes, puisque les plus riches sont protégés par le bouclier fiscal.
En rendant automatique dans une loi organique l'augmentation de la CRDS, vous allez contre l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme, ce qui est inconstitutionnel.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
Article 2
M. Jacky Le Menn. - Le choix de modifier la loi organique ne devrait intervenir qu'après détermination claire de l'attitude du Gouvernement. Vous annoncez déjà le transfert des actifs du FRR ; cela ne suffira pas, et vous prévoyez de raboter des « niches sociales » mais ce sont les plus modestes des assurés sociaux qui en pâtiront.
L'article 2 est adopté, ainsi que les articles 2 bis, 3 et 4.
Vote sur l'ensemble
M. Bernard Cazeau. - Nous avons dit tout le mal que nous pensions de la méthode. Nous voterons contre cette loi.
M. Jean Arthuis. - C'est une loi organique : elle ouvre des possibilités ; elle ne préjuge pas ce que seront les recettes. Le vrai débat aura lieu lors du PLFSS et, accessoirement, de la loi de finances.
L'Union centriste votera ce texte, ce qui ne préjuge pas son attitude à ce moment là.
Le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l'adoption | 186 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Prochaine séance demain, mardi 14 septembre 2010, à 9 h 30.
La séance est levée à 18 h 45.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mardi 14 septembre 2010
Séance publique
A 9 HEURES 30
1. Questions orales.
A 14 HEURES 30
2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public (n°675, 2009-2010).
Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°699, 2009-2010).
Texte de la commission (n°700, 2009-2010).
Rapport d'information de Mme Christiane Hummel, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (n°698, 2009-2010).