Démocratie sociale (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la démocratie sociale.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - Ne faites pas dire à ce texte autre chose que ce qu'il dit. Son objectif n'était pas d'assurer une représentation des salariés dans les TPE : Il s'agit seulement d'assurer la représentation syndicale au niveau national ! M. Gournac l'a fort bien dit : on est dans la continuité de la loi de 2008. Il ne faut pas avoir peur de l'élection en matière sociale non plus.

Je ne désespère que de vous convaincre qu'il y a bien un lien avec les élections prud'homales : nous parlons bien de représentativité. Ces élections ont un coût supérieur par votant à celui de la présidentielle. M. Richard nous propose trois pistes : supprimer le vote à l'urne, désigner les juges sur la base de la représentativité mesurée selon les tests d'aujourd'hui, faire élire les juges par un corps restreint intermédiaire. Nous verrons ; nous en parlerons avec les partenaires sociaux et avec les parlementaires.

Non, madame David, il n'y a pas passage en force sur les élections prud'homales ; nous faisons en sorte de faire les choses tranquillement. Ce texte n'a pas d'ambition ? Si, exactement celle que nous voulons lui donner.

M. About a raison de souligner que les craintes sur le caractère intrusif des CPR sont infondées.

Je ne crois pas que le scrutin par sigle soit particulièrement créateur d'abstentions. Pour les CTP de la fonction publique, la participation électorale est importante et c'est un vote par sigle. Un vote sur des noms ? A l'échelle de la région, ceux-ci ne seraient pas connus ! Mme Le Texier s'en prend à M. Bertrand. Celui-ci ne s'est pas ému sur la représentativité des salariés de TPE.

Rendre obligatoire un dialogue social est une provocation pour certains ; le laisser facultatif est une provocation pour d'autres... Une soixantaine de commissions existent sur la base de la loi de 2004, monsieur Plancade.

M. Dassault s'en prend à un texte qui n'est pas celui que nous présentons ! Il ne faut pas tomber dans la « commissionnite aigüe ». Rendre obligatoire quelque chose que personne ne voudrait faire fonctionner n'aurait aucun sens. La loi rend possibles ces commissions. Je le dis à Mme Schillinger et à M. Jeannerot : ce texte est très équilibré. Nous ne voulons pas interférer dans le dialogue à l'intérieur des TPE et nous voulons faire progresser le dialogue social.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. François Zocchetto.  - J'ai entendu des formulations caricaturales. Nous ne sommes pas ici pour exprimer la position du Medef et de la CGPME ou celle de l'UPA. C'est sur la base de mon analyse personnelle que je suis hostile à ce projet de loi, qui ne correspond pas à une demande des salariés ni des entrepreneurs.

Le dialogue social dans une TPE ne passe pas par les canaux des délégués. Sans dialogue quotidien, celle-ci ne durera pas longtemps. Elle n'appartient pas à des actionnaires éloignés qui ignorent tout de la réalité concrète.

Ce texte satisfait des technostructures et crée des contraintes supplémentaires pour des entreprises qui n'en ont pas besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre et à droite)

L'amendement n°11 n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault.

Supprimer cet article.

M. Philippe Dominati.  - Nous avons le sentiment que la lecture faite de la décision du Conseil constitutionnel n'est qu'un prétexte pour réglementer dans les TPE, lesquelles ne peuvent vivre que dans le dialogue quotidien. Quatre millions de salariés sont exclus ? Et ceux qui travaillent à domicile ? Et les saisonniers ? Il est faux de prétendre que le seuil est défini par le Conseil constitutionnel. Dans d'autres pays européens, un seuil de cinq salariés a été défini... Autant de questions que ce texte n'aborde pas.

Les entrepreneurs ne comprennent pas la nécessité de ce texte... mais je comprends que des raisons tactiques vous incitent à ressortir de la naphtaline la loi de 2008.

Je répète que le Conseil constitutionnel n'impose nullement un tel texte. (Exclamations à gauche)

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 2122-5 du code du travail est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Dans les branches dans lesquelles plus de la moitié des salariés sont employés dans des entreprises où, en raison de leur taille, ne sont pas organisées d'élections professionnelles permettant d'y mesurer l'audience des organisations syndicales, sont représentatives les organisations syndicales qui :

« 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;

« 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ;

« 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, d'autre part, des suffrages exprimés aux élections concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. »

M. Philippe Dominati.  - Il est défendu.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Je suis très étonné ! M. Dominati voudrait que les salariés des petites entreprises ne puissent pas s'exprimer ! Il m'est impossible d'admettre une chose pareille.

Personne ne le demande ? C'est faux : le Conseil d'État a imposé ce texte sur les TPE sous peine d'inconstitutionnalité de la loi de 2008. Va-t-on remercier aimablement le Conseil d'État et ne rien faire ? Comment allez-vous dire à nos électeurs que les salariés des petites entreprises n'ont pas à s'exprimer ?

En août 2008, j'avais prévenu que nous devions absolument régler cette affaire. Tous les salariés doivent pouvoir s'exprimer. Aucun de ces deux amendements n'est acceptable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous n'avons pas une approche tactique pour faire plaisir aux syndicats. D'ailleurs, ils ont combattu les modalités retenues par le Gouvernement...

Il ne faut pas diaboliser la présence syndicale dans les entreprises. Le dialogue social ne doit pas aller contre l'intérêt commun des salariés et des entrepreneurs, certes, il peut y avoir des excès, mais il ne faut pas s'obnubiler là-dessus.

Une fois encore, je le répète : ce n'est pas là un engrenage préparant la présence des délégués syndicaux dans les TPE. Les salariés des TPE sont d'abord des salariés, avec des droits. Nous ne disons que cela, mais disons tout cela ! Pourquoi certains n'auraient-ils pas accès à la démocratie sociale ?

Défavorable à ces deux amendements.

M. Philippe Dominati.  - Vous ne me répondez pas sur le droit. Ne caricaturez pas non plus mon propos. J'ai seulement dit que vous oubliez beaucoup d'autres salariés : les salariés à domicile, les saisonniers, les salariés des professions libérales.

Les amendements nos15 rectifié et 16 rectifié sont retirés.

Mme Annie David.  - Quel dommage !

M. Éric Woerth, ministre.  - Le Conseil d'État dit bien que l'on ne peut exclure de la mesure de l'audience les salariés d'entreprises où il n'y a pas de délégués. Il est très clair.

L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2 et 3.

Article 4

L'amendement n°17 rectifié devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Renforcement de la représentativité des salariés et mesure de l'audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés.

Mme Annie David.  - Le libellé de la nouvelle section du code du travail doit traduire le double objectif de la présente loi : renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel dans les très petites entreprises et y mesurer l'audience des organisations syndicales. La nouvelle section 4 bis du code du travail devra contenir ces deux idées, qui sont indissociables.

Le dialogue social a besoin de représentativité des salariés, et pas seulement de mesure de l'audience des organisations syndicales.

Cette section aurait d'ailleurs plutôt dû être placée après la section 1 qu'après la section 4.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - La commission n'a pas examiné cet amendement, qui me paraît inopportun.

M. Éric Woerth, ministre.  - Le Gouvernement juge son titre très bon...

L'amendement n°25 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault.

I. - Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L.2122-10-1. - En vue de mesurer l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés sont pris en compte les résultats des élections visées aux articles L. 1441-29 à L. 1441-40 du code du travail dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »

II. - Alinéas 6 à 17

Supprimer ces alinéas.

III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 1441-29 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les résultats de cette élection dans le collège des salariés déterminent la mesure de l'audience des organisations syndicales de salariés dans les entreprises de moins de onze salariés. »

M. Philippe Dominati.  - Cet amendement substitue au scrutin par sigles les résultats des élections aux élections prud'homales. Je suis circonspect sur les explications justifiant le scrutin par sigles.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 4, première phrase

Après les mots :

En vue de

insérer les mots :

renforcer la représentativité des salariés et de

Mme Annie David.  - Nous souhaitons faire apparaître clairement la représentativité des salariés, ce qui est un droit constitutionnellement reconnu, à l'alinéa 8 du préambule de 1946.

Ce texte ne prépare pas l'élection des délégués du personnel.

M. Philippe Dominati.  - Pour l'instant. Cela viendra...

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 10

Remplacer les mots :

se déclarent

par les mots :

déposent une liste de

M. Claude Jeannerot.  - Il ne me semble pas que les CTP de la fonction publique soient désignés sur les sigles. Il me semble qu'aucune élection n'est organisée sans que les électeurs sachent pour qui ils votent. Ce texte serait le premier à organiser des votes anonymes.

Prévoir des listes nominatives nous semble un bon moyen de favoriser le dialogue social, surtout si l'on fait en sorte que les élus soient eux-mêmes des salariés des TPE.

M. le président.  - Amendement identique n°12 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

M. Jean-Pierre Plancade.  - M. Jeannerot a été très clair.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 10

Remplacer les mots :

se déclarent candidats

par les mots :

déposent une liste de candidats issus de très petites entreprises

Mme Annie David. Les candidats doivent être eux-mêmes issus des TPE.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce temps est considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale.

Mme Annie David.  - La précision est nécessaire car tout silence dans un texte de loi peut donner lieu à interprétation.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Sur l'amendement n°18, j'ai une difficulté : combien y aurait-il d'urnes ? Une pour les salariés des grandes entreprises, une autre pour ceux des petites ?

L'amendement n°26 rectifié n'est pas plus heureux que le n°25 rectifié : c'est de la représentativité syndicale qu'il s'agit. L'amendement n°2 ne correspond pas à la logique du texte proposé ; non plus que le n°12 rectifié, identique, ou le n°28. La précision demandée par l'amendement n°29 n'est pas indispensable car elle se déduit de la logique du texte, mais elle me paraît utile : avis favorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Les élections prud'homales désignent des juges, et les salariés s'en désintéressent. Le Gouvernement irait plutôt dans le sens inverse de ce que propose l'amendement n°18 !

L'amendement n°26 rectifié est conforme à votre logique qui n'est pas la nôtre.

Les élections aux CTP ont lieu sur sigles ; ce sont les élections aux CAP qui ont lieu sur des listes de noms. J'ai déjà expliqué l'intérêt du vote par sigle.

Sagesse sur l'amendement n°29. (M. Guy Fischer s'en félicite)

Mme Raymonde Le Texier.  - L'amendement n°18 rectifié poserait un problème constitutionnel en créant une inégalité entre les salariés. En outre, rien ne prouve que le vote pour une personne désignée comme juge correspondrait à un vote par sigle.

L'amendement n°18 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°26 rectifié, les amendements identiques nos2 et 12 rectifié et l'amendement n°28.

L'amendement n°29 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Alinéa 5

1° Supprimer les mots :

au 31 décembre de l'année précédant le scrutin

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'effectif de l'entreprise est apprécié selon les règles fixées par l'article L. 2312-2 du code du travail relatif à l'élection des délégués du personnel.

II. -  En conséquence, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... L'article L. 2312-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si cet effectif, calculé selon les modalités de l'alinéa précédent, n'est pas atteint, l'établissement est alors soumis aux dispositions des articles L. 2122-10-1 et suivant du code du travail, relatives aux élections des commissions paritaires. »

Mme Annie David.  - Cet amendement est difficile à expliquer et à comprendre... Il s'agit d'éviter une contradiction entre le mode de calcul de l'effectif des entreprises de moins de onze salariés pour le scrutin des commissions paritaires et le mode de calcul de l'effectif des entreprises contenu dans l'article L. 2312-2 du code du travail à propos de la mise en place des délégués du personnel dans les entreprises de onze salariés et plus. La rédaction actuelle de l'alinéa 5 de l'article 4 de ce projet de loi risque d'entrer en conflit avec la rédaction de l'actuel article L. 2312-2 du code de travail.

La cohabitation de ces deux modes de calcul risque de créer des situations où les deux textes s'appliqueront ou, au contraire, des cas où l'un et l'autre texte ne s'appliqueront pas. Une harmonisation des deux modes de calcul s'impose donc : ou bien on retient le nombre au 31 décembre, ou bien celui des trois dernières années. Le problème se pose aussi pour les intermittents du spectacle.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Nous en avons longuement débattu ce matin. Il faut arrêter les listes électorales quelques mois avant le vote. Cela ne change pas la question de l'élection des délégués du personnel. Ce sont deux choses différentes ; il n'y a donc pas contradiction.

M. Éric Woerth, ministre.  - Il serait très compliqué de retenir un nombre moyen. La simplicité doit prévaloir, donc une photographie de la situation à un moment donné. Défavorable.

Mme Annie David.  - Faire la moyenne sur trois ans est trop compliqué ? Mais c'est ce que prévoit aujourd'hui le code du travail pour les délégués du personnel. M. Gournac dit en substance que les deux s'appliquent ; ce qui serait un moindre mal. Mais si ce n'est aucun des deux, comment fera-t-on ? L'entreprise risque d'être à la fois plus de onze et moins de onze.

Le 31 décembre, les intermittents du spectacle ne sont pas sous contrat : comment prendre en compte cette spécificité ? M. Dominati s'en inquiétait, c'est l'occasion de lui donner satisfaction...

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

Article 5

L'amendement n°15 rectifié est retiré.

L'article 5 est adopté.

Article 6

Mme Raymonde Le Texier.  - Cet article vise les CAP. Dans un quotidien du soir, le député Louis Giscard d'Estaing affirmait que la représentation syndicale est un marqueur politique : oui, mais pas au sens où il l'entend ; c'est un marqueur politique de la démocratie sociale et du droit. Il ajoutait que la majorité n'est pas favorable à cette extension aux TPE : la majorité serait donc défavorable à la liberté syndicale, c'est-à-dire à un droit fondamental ? Il faut raison garder : la démocratie sociale n'est pas une élucubration gratuite mais un progrès du droit.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié quater, présenté par MM. Houel et Gilles, Mme Mélot, M. Houpert, Mme Descamps, MM. Billard, P. Blanc, Alduy, Chatillon, Bernard-Reymond, Paul et J.C. Gaudin, Mme Henneron, M. Cambon, Mme Bruguière, MM. Bordier, Bécot, Doublet, Laurent et P. Dominati, Mme B. Dupont et MM. Revet, J. Blanc, Milon, Dallier, Juilhard, Lefèvre, Dassault, Vasselle et Mayet.

Supprimer cet article.

M. Michel Houel.  - Je suis favorable à la démocratie sociale, mais l'article 6 sous-entend que le dialogue social dans les TPE serait insuffisant, voire inexistant. Des propos m'ont marqué dans notre débat. (Exclamations à gauche)

M. Gérard Longuet.  - Et peut-être même blessé !

M. Michel Houel.  - Traiter les patrons comme des moins que rien (vives protestations à gauche), des attardés, des ringards, c'est trop !

Mme Patricia Schillinger.  - Nous n'avons rien dit de tel !

Mme Raymonde Le Texier.  - Inadmissible !

M. Michel Houel.  - Qui ose entreprendre, sinon les patrons de TPE ? Les patrons savent ce que sont les 35 heures, mais pas pour eux ! (Exclamations à gauche) Le patron doit assurer la paie à ses ouvriers pour qu'ils nourrissent leur famille.

Les entreprises ont besoin de souplesse, pas de procédures ! La gauche juge que ce texte manque d'ambition, qu'elle vote la suppression de l'article 6.

D'après le sondage réalisé par Opinionway, 79 % des employeurs sont défavorables à la représentation syndicale des salariés des TPE, les salariés eux-mêmes sont attachés aux formes actuelles du dialogue social. A qui profite le crime ? (Applaudissements sur certains bancs UMP)

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Je rends hommage à ces patrons de TPE, dont le rôle est essentiel pour l'emploi. Cependant, la représentation des salariés, ce n'est pas l'objet de ce texte ! On parle seulement de mesurer la représentativité des syndicats, à l'échelon national, projet engagé par Gérard Larcher quand il était ministre du travail.

Le dialogue est quotidien dans les TPE, dont le patron est parfois un ancien salarié. Cependant, les commissions paritaires peuvent jouer un rôle utile, elles seront facultatives et travailleront sur des sujets généraux, informeront sur le droit du travail : cela évitera à des patrons d'être condamnés aux prud'hommes, comme cela arrive dans 95 % des procédures.

Dans les Yvelines, j'ai rencontré des patrons de TPE blessés d'être ainsi condamnés après un conflit avec un salarié. La création d'une commission paritaire aurait pu leur éviter d'en arriver là. Et nos précisions éviteront tout risque d'intrusion dans les entreprises, c'est une garantie.

Qui plus est, nous ferons le point dans deux ans. Avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Cet amendement important relève d'un faux débat. Le Gouvernement soutient évidemment les TPE, leurs dirigeants ; nous diminuons les tracasseries administratives et les charges. Nous y veillons dans ce texte aussi, en ne faisant ici que mesurer la représentativité des syndicats : cela prendra aux salariés deux minutes tous les quatre ans. Ce qui est négocié au niveau des branches s'applique déjà à eux : désormais, les salariés des TPE seront pris en compte.

La loi de 2004 sur la formation tout au long de la vie prévoit déjà des commissions paritaires facultatives, elles existent déjà dans des territoires où le tissu des TPE est important. Ces commissions n'ont pas le pouvoir de négocier ni de créer des normes, elles aideront le dialogue social et, si les partenaires sociaux n'en veulent pas, elles n'existeront pas. Le Gouvernement ne veut pas compliquer la vie des TPE ni y assurer la représentation syndicale.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Je n'ai entendu sur aucun banc la mise en cause des chefs d'entreprise ! (Applaudissements à gauche) Je déplore que M. Houel obéisse ainsi à des motivations idéologiques ! Oui, nous respectons les patrons des TPE, qui sont un moteur de notre économie. Mais le dialogue social ne s'oppose pas au dynamisme économique. Ce qui est intolérable, c'est de voir le Medef et la CGPME se replier ainsi sur des positions rétrogrades. Le refus du dialogue social est d'un autre siècle ! (Applaudissements à gauche)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Évitons de faire croire que les soviets vont s'installer dans les TPE ! (Sourires)

La lettre commune des partenaires sociaux souligne que les commissions paritaires feront progresser le dialogue social : elles éviteront certains conflits et des procédures coûteuses. Dans mon département, il y a des TPE, et heureusement pour l'emploi qu'elles sont là. Mais le dialogue social y existe peu, faute de temps, et l'accès à la formation n'est pas garanti. Les salariés attendent beaucoup de ce texte, les employeurs aussi, mais des syndicats d'employeurs nous ont tous saisis parce qu'ils veulent compter leur adhérents. Au lieu de maintenir les TPE dans l'incertitude juridique, aidons-les ! (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Longuet.  - Mon groupe n'est pas unanime mais sa majorité soutient ce texte raisonnable qui aide les employeurs et les salariés des TPE à créer des instances territoriales de dialogue.

Notre commission a garanti contre toute intrusion dans l'entreprise. Le rôle des commissions sera de conseil, les TPE n'ont pas de direction du personnel, d'expertise juridique. Pour avoir été dix ans dirigeant d'une petite entreprise, je sais que des commissions paritaires peuvent être une aide pour les entrepreneurs aussi, à qui elles éviteront des défaites devant les prud'hommes, même si je comprends que les syndicats des grands employeurs ne perçoivent pas l'utilité de ces structures. Je me réjouis que la grande majorité du groupe UMP soutienne ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

Mme Raymonde Le Texier.  - M. Houel, qui nous a prêté des propos injurieux contre les petits patrons, n'était pas là dans la discussion générale.

Je peux lui répéter mes propos : les patrons de TPE, qui n'ont pas l'oeil rivé sur le CAC 40 et qui ne font pas de leurs salariés une variable d'ajustement, ont besoin d'une aide pour suivre le droit du travail. Parce que nous respectons ces employeurs, nous voterons contre l'amendement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Dominati.  - M. le rapporteur prétend ne pas vouloir alourdir les contraintes pour les patrons de TPE, mais il a écrit dans son rapport qu'il ne veut pas introduire de « dispositions trop contraignantes » : il s'excuse par avance des contraintes nouvelles !

Quand huit patrons sur dix et six salariés sur dix refusent ce projet, comme l'a établi Opinionway, il faut en tenir compte : prenez le temps de la pédagogie plutôt que de dire qu'ils ne comprennent pas.

Vous prétendez que ce texte n'engage à rien, mais vous annoncez aussi d'autres mesures et un bilan dans deux ans ! Vous ouvrez bien la boîte de Pandore !

Mme Annie David.  - Je n'ai moi non plus pas entendu pas entendu parler des patrons de TPE comme le prétend M. Houel. Nous critiquons l'hégémonie du Médef et de la CGPME, du patronat du CAC 40 contre les TPE !

Vous convenez que les patrons manquent de temps pour suivre l'évolution du droit, qu'ils sont condamnés aux prud'hommes parce qu'ils ne connaissent pas bien la loi : ces commissions paritaires les aideront ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Gérard Longuet.  - Des conseils leur auraient évité des ennuis...

A la demande du Gouvernement, l'amendement n°5 rectifié quater est mis aux voix pas scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 47
Contre 282

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à 19 h 35.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

Mme Annie David.  - Nous souhaitons maintenir la rédaction actuelle, soit « commissions paritaires locales ».

Partout où le mot « local » apparaît, vous le remplacez par « territorial », moins précis -sans doute espérez-vous diminuer ainsi la portée de ces commissions paritaires. Celles-ci doivent au contraire pouvoir être créées au plus près des bassins d'emploi et en nombre suffisant.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Nous préférons « territorial », d'acception plus large.

M. Éric Woerth, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Remplacer le mot :

territoriales

par le mot

locales

Mme Annie David.  - Même chose.

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 6

Après le mot :

paritaires

insérer le mot :

locales

Mme Annie David.  - Amendement de cohérence. Pourquoi vouloir modifier ainsi le code du travail ?

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°31 ainsi qu'à l'amendement n°32 : nous voulons éviter que ces structures prolifèrent et soient tentées de s'immiscer dans la vie des entreprises.

M. Éric Woerth, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°31 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°32.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

peuvent être

par le mot :

sont

Mme Gisèle Printz.  - Nous voulons rendre effective l'ambition du projet de loi de développer réellement le dialogue social dans les très petites entreprises. Il faut, pour cela, rendre obligatoire la constitution des commissions paritaires territoriales prévues par le projet de loi.

Il n'est écrit nulle part dans le texte que des sections syndicales pourraient être crées dans les TPE, pas plus que les membres des commissions paritaires vont y entrer de force pour y semer le désordre et la désolation. M. Woerth l'a dit clairement pour rassurer les députés UMP : « on évite la représentation syndicale physique au sein de l'entreprise ». Du point de vue de la droite, c'est ce qu'on appelle un texte équilibré...

Les commissions paritaires sont un outil efficace pour limiter les conflits, l'expérience le montre ; il faut les développer.

M. le président.  - Amendement identique n°13 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

M. Jean-Pierre Plancade.  - C'est le point essentiel sur lequel nous sommes en désaccord : nous voulons rendre ces commissions obligatoires.

M. le président.  - Amendement identique n°33, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Annie David.  - Nous tenons aussi à rendre obligatoire la création des commissions paritaires, faute de quoi leur création dépendrait de l'accord d'organisations patronales qui se sont d'ores et déjà prononcées publiquement contre leur existence. Rendre cette création obligatoire, c'est respecter l'article 8 du préambule de 1946, aux termes duquel tous les travailleurs participent par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination de leurs conditions de travail et à la gestion de l'entreprise.

Il faut laisser les partenaires sociaux décider, nous dit-on ; c'est oublier que le droit du travail est fondé sur le constat d'une inégalité entre l'employeur et le salarié qui lui est soumis. Il doit défendre le plus faible. Comme le disait Lacordaire, entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Vous voulez absolument que ce soit obligatoire et nous non. Parce que nous faisons confiance aux partenaires sociaux. Je dis à M. Plancade que nous ferons le point dans deux ans ; nous verrons alors ce qu'il conviendra de décider. Défavorable aux trois amendements.

M. Éric Woerth, ministre.  - Le dialogue social ne se décrète pas. Il requiert l'accord des deux parties. Si l'on n'est pas d'accord pour se parler, cela ne marchera pas.

Les amendements identiques nos1, 13 rectifié et 33 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par M. Houel, Mme Mélot et MM. P. Dominati et Dassault.

I. - Alinéa 7

Remplacer les mots :

par accord conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2231-1

par les mots :

par convention ou accord de branche étendu, notamment dans les secteurs de l'industrie, de la construction, du commerce et des services,

II. - Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les branches professionnelles où existent plusieurs organisations représentatives des employeurs du secteur, la convention ou l'accord de branche étendu mentionné à l'alinéa précédent, pour être valide, doit être signé par au moins deux organisations représentatives des employeurs

M. Michel Houel.  - La mise en place de commissions paritaires pour les très petites entreprises requiert que l'on prenne un certain nombre de précautions, à commencer par l'obligation de créer ces commissions dans un cadre professionnel et non pas interbranches ou interprofessionnel territorial ou national. Il y faut aussi l'aval de plusieurs organisations d'employeurs.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par M. Houel, Mme Mélot et MM. P. Dominati et Dassault.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

par accord conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2231-1

par les mots :

par convention ou accord de branche étendu, notamment dans les secteurs de l'industrie, de la construction, du commerce et des services.

M. Michel Houel.  - Il est défendu.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - L'amendement n°9 rectifié bis rendrait beaucoup plus difficile la création de ces commissions paritaires...

M. Jean-Pierre Plancade.  - Ils sont constants !

M. Alain Gournac, rapporteur.  - ...ce que nous ne souhaitons pas. On pourrait signer un accord sur les conditions de travail avec une seule organisation patronale, mais pas pour créer une commission paritaire ! Défavorable à l'amendement n°8 rectifié bis.

M. Éric Woerth, ministre.  - Les arguments du rapporteur sont les bons. On ne va pas imposer l'accord aux non-signataires ! Défavorable aux deux amendements.

Les amendements nos9 rectifié bis et 8 rectifié bis sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par M. Houel, Mme Mélot et MM. P. Dominati et Dassault.

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

M. Michel Houel.  - Coordination.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Ces commissions paritaires peuvent également se décliner au niveau local, départemental ou national, en vertu de l'accord conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2231-1 du code du travail.

Mme Annie David.  - D'autres commissions facultatives doivent aussi pouvoir être créées. Notre position est la seule à renforcer la présence syndicale des salariés dans les TPE.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 8

Après les mots :

au niveau

insérer le mot :

local,

Mme Patricia Schillinger.  - La suppression de la possibilité de créer des commissions paritaires au niveau local répond à la pression des organisations patronales -d'ailleurs des moins concernées d'entre elles... On arrive à d'étranges paradoxes : on pourrait créer une commission dans la Lozère, mais non à Lyon !

M. le président.  - Amendement identique n°14 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°35, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Annie David.  - Nous souhaitons revenir à la rédaction initiale du texte avant son passage en commission. La suppression du mot « local » ne laisse subsister que les niveaux départemental et national.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Nous en avons déjà abondamment parlé. L'amendement n°10 rectifié bis est de coordination avec les amendements nos9 rectifié bis et 8 rectifié bis; je suis cohérent dans mon avis défavorable. Même logique contre l'amendement n°34.

Nous sommes défavorables à la création de commissions locales : il faut qu'elles couvrent un champ géographique suffisant.

M. Éric Woerth, ministre.  - Mêmes réponses que le rapporteur.

Mme Annie David.  - Je répète une fois encore que le code du travail prévoit le niveau local. Vous l'avez supprimé méthodiquement ; nous répondons non moins méthodiquement.

L'amendement n°10 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°34 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos3, 14 rectifié et 35.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

Mme Raymonde Le Texier.  - Cet alinéa a été ajouté par notre rapporteur en butte à une lourde hostilité. Cela l'amène à formuler des évidences. Si l'on peut craindre la venue d'éléments extérieurs dans les TPE, cela ne viendra certainement pas des membres des commissions paritaires... Celles-ci ne seront évidemment pas des instances de contrôle. Cet alinéa traduit une défiance à l'endroit des salariés. Il est dommage qu'une partie du patronat ne mesure pas l'intérêt qu'il y a à favoriser le dialogue social dans les TPE.

M. le président.  - Amendement identique n°36, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Annie David.  - Cet alinéa 9 résulte des pressions du Medef et de la CGPME et revient sur des acquis de la lettre du 20 janvier ; il marque une grande défiance à l'endroit des organisations syndicales.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Il est vrai que les patrons étaient inquiets et que j'ai pensé utile de les rassurer.

M. Éric Woerth, ministre.  - Défavorable aussi. Les choses sont claires : les commissions n'ont aucun pouvoir de contrôle.

Mme Annie David.  - C'était déjà dit !

Les amendements identiques nos4 et 36 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié ter, présenté par MM. Houel, Gilles, J.C. Gaudin et Cambon, Mmes Bruguière et Mélot et M. Dassault.

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elles ne disposent pas du pouvoir de négocier des conventions et accords collectifs.

M. Michel Houel.  - Je le retire par cohérence.

L'amendement n°6 rectifié ter est retiré, ainsi que l'amendement n°7 rectifié ter.

A la demande du Gouvernement, l'article 6 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 332
Nombre de suffrages exprimés 178
Majorité absolue des suffrages exprimés 90
Pour l'adoption 130
Contre 48

Le Sénat a adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°37 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

D'ici décembre 2010, le Gouvernement doit engager des négociations avec les partenaires sociaux en vue d'aboutir à un accord national interprofessionnel sur la représentativité patronale.

Mme Annie David.  - Nous souhaitons que s'engagent enfin et que soient menées à leur terme des négociations avec les partenaires sociaux sur la question de la représentativité patronale. La loi de 2008 ne mesure que la représentativité des organisations syndicales des salariés ! La rénovation de la démocratie sociale doit-elle s'arrêter là ? Le sujet avait été abordé en 2008 ; deux amendements avaient été déposés en ce sens, l'un de M. Gournac qui jugeait qu'il ne fallait pas que les organisations patronales puissent être considérées comme moins représentatives que les organisations syndicales des salariés ; l'autre de M. About, alors président de la commission des affaires sociales, qui pointait un véritable déséquilibre au sein de la démocratie sociale. On en est pourtant resté à une représentativité hémiplégique !

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Notre collègue a bonne mémoire ! L'amendement n°37 a été rectifié depuis son passage en commission... La question posée est justifiée, mais le climat actuel ne se prête guère à une avancée en la matière, laquelle devrait d'abord venir des partenaires sociaux eux-mêmes.

M. Éric Woerth, ministre.  - Ce n'est l'objet ni de la lettre ni du projet de loi, et ce n'est pas opportun.

Mme Annie David.  - L'article 8 n'a pas fait partie des négociations et ne s'inscrit pas dans la continuité de la loi de 2008 -à l'inverse de mon amendement. Et pourtant, il est là. Les amendements Gournac et About n'avaient été repoussés que d'extrême justesse.

Si l'on veut que le climat aujourd'hui délétère de la démocratie sociale s'améliore, si l'on veut que les syndicats des salariés aient confiance dans ce que vous leur proposez, il faudra bien en venir à la mesure de la représentativité d'organisations patronales qui font la pluie et le beau temps.

L'amendement n°37 rectifié n'est pas adopté.

Article 7

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault.

Supprimer cet article.

M. Philippe Dominati.  - Le bilan prévu dans deux ans n'annonce-t-il pas une nouvelle étape dans un sens que les employeurs redoutent ? J'ai besoin d'assurances.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Je ne partage pas ces inquiétudes. Il appartiendra au législateur d'envisager d'éventuelles adaptations. Défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Quand une loi change les choses, il faut tirer la leçon de son application. Le Gouvernement n'a pas d'évolution en tête. Ce sujet est autonome et se suffit à lui-même.

M. Philippe Dominati.  - Vous ne me donnez pas les assurances que j'attendais.

L'amendement n°20 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Dernière phrase

Supprimer cette phrase.

II. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

A l'issue de cette période, toutes les entreprises de moins de onze salariés visées par la présente section, devront avoir instauré une commission paritaire. Dans le cas contraire, le Gouvernement procédera par voie réglementaire à leur mise en place.

Un décret précise les modalités d'application de cette disposition.

Mme Annie David.  - Nous voulons supprimer le caractère facultatif des CPR. Il ne s'agit pas, pour l'État, de se substituer aux partenaires sociaux mais il devra, si ces négociations n'aboutissent pas, rendre leur création obligatoire.

Notre hémicycle est coupé en deux, avec le rapporteur au milieu...

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Je vous félicite pour votre cohérence : vous tenez le cap ! Mais nous ne voulons pas de cette obligation. Avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

Article 8

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Ce report de deux ans des élections prud'homales est un cavalier ; quoique, selon le rapport Richard, « la désignation des conseillers prud'homaux sur la base de la loi de représentativité de 2008 ne serait ni pertinente, ni opportune ».

Déjà, 62 conseils sur 271 ont été supprimés : c'est un quart de moins.

L'encadrement de la procédure, avec une plus grande place de l'écrit, diminuera encore la place de l'oral à la prud'homie. Les plus faibles, ceux qui ne peuvent pas toujours recourir à un avocat, y perdront. Restreindre l'accès à la justice, supprimer des juridictions, entraver l'action des conseillers sont des moyens détournés de réaliser des économies.

Quatre jugements aux prud'hommes sur cinq sont favorables aux salariés : c'est dire combien le droit du travail est mal appliqué. Or sa spécificité tient à l'inégalité statutaire entre les salariés et les employeurs. Nous serons très vigilants pour défendre les droits des salariés. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault.

Supprimer cet article.

M. Philippe Dominati.  - Je ne comprends pas bien les raisons de cette prorogation de deux ans.

M. le président.  - Amendement identique n°39, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Annie David.  - J'ai le même amendement que M. Dominati, j'en suis perplexe et inquiète. (Rires) Mais ce qu'il sous-entend confirme mes craintes : le délai de réflexion servira à faire disparaître les élections prud'homales, le rapport Richard le propose comme l'une des pistes de réforme. Nous sommes donc contre ce report, et pour le maintien des élections prud'homales, même réorganisées à l'avenir si cela apparaît nécessaire.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - S'il y a, aux prud'hommes, 70 % des dossiers issus de mauvaise compréhension dans les TPE, il y a certainement de quoi faire mieux en aval.

Les prud'homales sont prévues en décembre 2013, alors que les scrutins seront nombreux en 2014 ; c'est accroître le risque de démobilisation.

Comme maire, je sais ce que représente l'organisation un scrutin ; il nous est arrivé de ne voir que neuf votants dans une matinée ! C'est pourquoi je suis favorable à la réflexion engagée par le Gouvernement. La date de 2015 est butoir, on peut donc agir avant. Avis défavorable aux deux amendements identiques nos39 et 21 rectifié.

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous sommes favorables au maintien de la justice prud'homale : la question ne se pose pas ! Pour la réforme à venir, nous n'en sommes qu'au rapport de M. Richard.

La réforme du mode de désignation des conseillers prud'homaux a pour premier objectif d'augmenter la participation alors que l'abstention est actuellement très élevée, malgré les efforts de communication du Gouvernement aux dernières élections.

Enfin, si les élections avaient été maintenues, il y aurait eu conflit avec les élections de représentativité issues de la loi de 2008 : la collision entre les deux scrutins n'est pas souhaitable. Il faut se donner le temps de la réflexion, avec la date butoir de 2015.

Mme Annie David.  - Vous dites que le vote est la conséquence de la loi de 2008, mais cette loi s'applique déjà, notamment avec le Haut conseil du dialogue social. Tout n'arrivera pas en 2013 ; où est le risque de collision ?

M. Éric Woerth, ministre.  - La loi de 2008 s'applique certes, mais la représentativité nationale sera mesurée en 2013 : c'est alors qu'il y aura un risque de collision. Ne pas en tenir compte, c'est dire que le nouveau mode de représentativité n'aurait aucun impact.

L'amendement n°21 rectifié est retiré.

L'amendement n°39 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Première phrase

Remplacer l'année :

2015

par l'année :

2014

Mme Annie David.  - C'était un amendement de repli qui limitait le report à une année ; comme il n'a aucune chance d'être adopté, je le retire.

M. le président.  - Merci de votre collaboration. (Sourires)

L'amendement n°40 est retiré.

L'article 8 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Gisèle Gautier.  - Après la profonde réforme de la représentativité syndicale de 2008, il fallait poursuivre pour les TPE l'oeuvre de démocratie sociale. Ce texte réalise un compromis satisfaisant et nous l'avons enrichi en commission, notamment en précisant le rôle des CPR pour apaiser les craintes des entrepreneurs.

Ce projet de loi constitue un indéniable progrès : le groupe UMP lui apportera tout son soutien. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Raymonde Le Texier.  - Ce texte ne soulève pas notre enthousiasme car il ne favorisera pas l'émergence d'un véritable dialogue social. Le rapporteur a cherché à concilier des positions férocement ennemies ; finalement, le texte penche dangereusement du coté où il risque de tomber. MM. Copé et Bertrand l'ont annoncé : les députés de la majorité s'apprêtent, sous la pression du Medef, à parachever le travail de sape.

Pour l'heure, sans méconnaître le terrain, la réalité des TPE, ce texte est un premier pas ; pour montrer que le groupe socialiste s'engage aux côtés des partenaires sociaux, nous nous abstiendrons. Nous ne mêlerons pas nos voix à ceux qui considèrent toujours qu'en faveur des salariés, rien c'est encore trop !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Je remercie le rapporteur...

M. Gérard Longuet.  - Il le mérite !

M. Jean-Pierre Plancade.  - ...qui a travaillé avec passion, le ministre qui a pris le soin de répondre à tout le monde et tous les intervenants. Les radicaux de gauche et le RDSE étaient disposés à voter ce texte, qui représente quand même une porte ouverte, une première pierre. Notre regret majeur, c'est que les commissions paritaires ne soient pas obligatoires. Nous ne voterons pas contre, mais nous nous abstiendrons.

Mme Annie David.  - Nous nous abstiendrons également. Même mesuré par sigle, l'avis des salariés des TPE sera pris en compte pour la représentativité des syndicats et nous faisons confiance aux partenaires sociaux pour se saisir de la possibilité de créer des commissions paritaires.

Le seul article qui nous contrarie est l'article 8. J'espère que vous maintiendrez l'élection des prud'hommes : pour beaucoup de salariés, c'est le seul moment où ils peuvent voter pour des personnes qui les représentent et les défendent...

L'ensemble du projet de loi est adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 9 juin 2010, à 14 heures 30.

La séance est levée à 23 heures.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 9 juin 2009

Séance publique

A 14 HEURES 30 ET LE SOIR

- Projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services (n°427, 2009-2010).

Rapport de M. Gérard Cornu, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°507, 2009-2010).

Texte de la commission (n°508, 2009-2010).

Avis de M. Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances (n°494, 2009-2010).