Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité. J'invite les intervenants à respecter leur temps de parole : 2 minutes 30 par orateur.
Calendrier des réformes
M. Gérard Longuet . - (Applaudissements sur les bancs UMP, exclamations ironiques à gauche) Même si les élections régionales, comme leur nom l'indique, sont des élections locales (rires narquois à gauche), même si tous les gouvernements depuis 1986 ont perdu ces élections, même si les régionales perdues de 2004 ont préparé l'éclatante victoire de 2007, même si la crise économique et financière, doublée de la plus spectaculaire crise agricole, peut expliquer que la moitié de nos compatriotes ne se soient pas déplacés pour voter et que ceux qui l'ont fait aient exprimé un vote d'inquiétude, d'une façon contradictoire (on se moque de la rhétorique de l'orateur à gauche), force est de constater que notre majorité a été défaite alors que vous aviez, monsieur le Premier ministre, sous l'autorité du Président de la République et avec un engagement personnel reconnu, multiplié les actions et les efforts pour soutenir notre pays dans cet environnement de crise.
Le groupe UMP a toute confiance en l'énergie et la détermination pour la réforme du Président Nicolas Sarkozy ; votre comportement, votre écoute, votre sens du dialogue à la tête du Gouvernement témoignent de votre respect du Parlement (on réclame la question à gauche), de votre volonté de faire aboutir les réformes. (Applaudissements nourris à droite)
Ma question est double. (« Ah ! » à gauche) Quelles sont celles des réformes antérieures à la crise dont vous estimez qu'elles méritent d'être réexaminées ? (M. David Assouline souligne que l'orateur a dépassé son temps de parole) Au lendemain de la crise, quelles sont les priorités dont vous jugez la mise en oeuvre nécessaire pour donner toutes les chances à notre pays ? (Applaudissements à droite et sur certains bancs au centre)
M. François Fillon, Premier ministre . - Je veux commencer par une mise au point solennelle devant le Sénat : tout ce que vous avez pu lire depuis dimanche soir sur mes relations avec le Président de la République est faux et relève de la manipulation. (Applaudissements à droite) Ces rumeurs n'ont qu'un seul objectif : déstabiliser l'exécutif. (Exclamations à gauche) Je ne laisserai pas faire ! (« Très bien ! » et applaudissements à droite) Il n'y a pas de divergence, encore moins de rivalité, entre le Président de la République et moi-même, il ne peut y en avoir : c'est la cohérence du Gouvernement de la France qui est en cause, donc l'intérêt national. (« Bravo ! » et applaudissements à droite) Depuis trois ans, j'ai été loyal au Président de la République, je le suis et je le resterai. (Exclamations goguenardes à gauche)
La cohérence de l'exécutif est d'autant plus nécessaire que gouverner la France n'est pas facile. (Exclamations à gauche) Notre défaite de dimanche doit nous conduire, avec humilité, à analyser la situation et à prendre les décisions nécessaires.
Comme l'a dit le Président de la République hier, nous ne transigerons pas sur la nécessité de moderniser le pays. (Applaudissements à droite) Nous sommes 65 millions de Français dans un monde de 6 milliards d'habitants ; notre devoir est de protéger notre modèle de vie et la prospérité de nos concitoyens. (Exclamations à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le modèle de vie de qui ?
M. Claude Domeizel. - Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir !
M. François Fillon, Premier ministre. - Nous ne pouvons le faire sans réformer notre pays.
Notre première priorité est évidemment l'emploi et la croissance. Nous poursuivrons notre effort pour ajuster le dispositif de lutte contre le chômage : la tendance devrait s'inverser dans la deuxième moitié de l'année avec la reprise. (On se gausse à gauche)
La loi de modernisation agricole, dès que vous l'aurez votée, répondra à une crise des plus graves qu'ait connue l'agriculture française et européenne. (Applaudissements à droite)
M. Gérard Longuet. - Très bien.
M. François Fillon, Premier ministre. - Nous mettrons en oeuvre le plus rapidement possible les investissements d'avenir ; je serai intransigeant sur l'affectation des 35 milliards.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous voilà rassurés !
M. François Fillon, Premier ministre. - Nous améliorerons nos dispositifs pour renforcer notre compétitivité. Nous prendrons les mesures nécessaires en matière de développement durable en cherchant la meilleure coordination avec les autres pays européens pour éviter d'accroître le différentiel de croissance, notamment avec l'Allemagne. (Applaudissements à droite)
La deuxième priorité sera la réduction des déficits, dans un contexte financier européen préoccupant. Les dépenses de l'État seront strictement maintenues ; nous poursuivrons la révision générale des politiques publiques. (Exclamations à gauche où l'on souligne que le temps de parole est écoulé et où l'on invite le président à interrompre l'orateur)
M. Jean-Louis Carrère. - Les 2 minutes 30 sont passées !
M. François Fillon, Premier ministre. - Le Premier ministre, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, de gauche ou de droite, s'exprime aussi longtemps qu'il le souhaite ! C'est la Constitution ! (Vifs applaudissements à droite et au centre ; protestations vigoureuses à gauche)
La troisième priorité (on s'exclame derechef à gauche), c'est de renforcer les deux piliers de notre pacte républicain : en matière de sécurité, il nous faut inventer de nouvelles réponses car la violence s'adapte ; en matière de laïcité, nous allons trancher la question symbolique du voile intégral. (Applaudissements à droite ; brouhaha à gauche où l'on s'impatiente)
M. David Assouline. - Ce n'est pas normal, c'est du jamais vu ! (Plusieurs sénateurs socialistes font mine quitter l'hémicycle en signe de protestation)
M. François Fillon, Premier ministre. - Cet engagement, nous le tiendrons. L'honneur d'un homme politique, c'est le courage et le respect de la vérité. (Les membres du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement)
M. Didier Boulaud. - Supprimons les autres questions de l'UMP pour rattraper le temps perdu !
Crise agricole
M. Aymeri de Montesquiou . - Monsieur le ministre, avez-vous pris en compte les disparités agricoles ? La crise frappe avant tout les plus faibles : une exploitation moyenne souffre d'une chute de production ; une petite exploitation en meurt ! On a créé des zones franches dans les zones déshéritées ; le Gouvernement a sauvé les banques, pris des mesures contre les gains choquants des traders : il se doit d'agir pour la survie des zones agricoles les plus fragiles et contre la misère qui frappe certaines exploitations.
Les agriculteurs ont l'impression que tout s'acharne contre eux : la nature, les marchés qui s'effondrent, une réglementation européenne parfois absurde. Les agriculteurs sont les premiers à se préoccuper de la nature car ils y vivent ; le coût des intrants est tel qu'ils ne peuvent les gaspiller ! Or l'Europe a laissé la solidarité envers le monde agricole se déliter. Il faut inverser la tendance.
L'effondrement des revenus agricoles aura des conséquences dramatiques sur le monde rural ; le Gouvernement l'a compris en créant un ministère de la ruralité et en lançant les assises des territoires ruraux. Il ne peut y avoir de ruralité sans une agriculture forte.
M. le président. - Votre question ?
M. Aymeri de Montesquiou. - Monsieur le ministre, il y a urgence. Quelles mesures immédiates comptez-vous prendre ? Qu'apportera la loi de modernisation de l'agriculture ? Sur le long terme, le dégrèvement foncier ne permettrait-il pas de préserver les bas revenus et de sauver la ruralité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche . - Nous avons une conscience aiguë de la gravité de la crise.
M. Simon Sutour. - Mais vous ne faites rien !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous prenons des mesures concrètes. Une réponse immédiate en apportant de la trésorerie dans les campagnes françaises à travers le plan d'urgence annoncé par le Président de la République : 80 000 dossiers de demandes de prêts instruits...
M. Jean-Louis Carrère. - Rien pour la sylviculture !
M. Bruno Le Maire, ministre. - ...80 000 dossiers de demandes sur le fonds d'allégement des charges ; 50 millions d'euros d'allégements de taxe sur le foncier non bâti.
La deuxième réponse figure dans le projet de loi de modernisation de l'agriculture, qui sera un rendez-vous important pour tous les agriculteurs français. Ce texte sera examiné en première lecture à partir du 17 mai au Sénat.
M. Christian Poncelet. - Bravo !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Le principal objectif sera de stabiliser les revenus agricoles, grâce à la conclusion de contrats écrits mais aussi en renforçant l'Observatoire des prix et des marges, enfin grâce à un meilleur dispositif assuranciel.
La troisième bataille sera européenne. Le Président de la République a insisté hier sur cette dimension car la politique agricole commune est indispensable à l'avenir de l'agriculture, qui doit redevenir une priorité absolue des responsables européens. Pour la première fois, le Conseil européen se penchera demain sur cette question, à la demande de la France. Nous continuerons à défendre une politique agricole commune forte pour les années à venir. (Applaudissements à droite)
Suites de la tempête Xynthia (1)
M. Jean-Claude Merceron . - La question s'adresse au ministre du budget, dont je salue l'arrivée au Gouvernement.
Touchée de plein fouet par la tempête Xynthia, la Vendée doit aujourd'hui relever le défi de la reconstruction.
Je tiens à saluer le courage des citoyens et des collectivités qui se sont mobilisés pour secourir les sinistrés dans une nuit d'angoisse et de mort. Je remercie tous les Français pour leur solidarité. Je salue aussi notre Assemblée qui, à l'initiative du président Larcher, a apporté une aide exceptionnelle aux communes touchées de Charente-Maritime et de Vendée.
Les difficultés rencontrées par les responsables locaux sont à la hauteur de ce drame.
L'enjeu financier de ma question peut sembler dérisoire au regard de ce qu'il faudra pour reconstruire un littoral, un territoire et une économie agricole, ostréicole et touristique mais il s'agit d'un fardeau supplémentaire pour nos collectivités. La Vendée devra traiter au moins 6 000 tonnes supplémentaires de déchets en raison de la tempête, soit une hausse de 20 %. Or, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) frappant ces déchets ultimes à concurrence de 20 euros par tonne, le syndicat départemental de traitement des déchets subira un surcoût fiscal d'au moins 120 000 euros.
A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle : je demande que la solidarité nationale évite à tous les départements touchés par la tempête Xynthia le surcoût de TGAP induit par cette catastrophe naturelle, soit via une exonération en 2010, soit par imputation sur les paiements jusqu'en 2015.
M. le président. - Je donne la parole au nouveau ministre du budget auquel je présente tous mes voeux de réussite.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État . - (Applaudissements à droite) Merci pour votre accueil et vos paroles aimables.
Comme maire de Troyes en 1999, je n'oublie pas l'engagement des agents territoriaux et des agents de l'État au service de la population. Je n'oublie pas plus que, une fois l'émotion passée, l'accompagnement atténue la souffrance.
M. Jean-Louis Carrère. - Nous attendons toujours !
M. François Baroin, ministre. - Dans cet esprit, le ministère du budget a pris des engagements sous l'impulsion du Premier ministre.
Tout d'abord, un dispositif dérogatoire s'appliquera en cas de défaut de paiement de toute personne physique, d'entreprises, de commerçants et artisans, de membres de professions libérales. Des directives ont été données à la direction générale des finances publiques. En cas de difficultés d'application, n'hésitez pas à m'alerter. Les Urssaf des départements sinistrés ont été invitées à faire preuve de la plus grande souplesse face à toute demande de délai de paiement émanant d'une entreprise touchée par la tempête.
J'examinerai une éventuelle dérogation de la TGAP, en faveur des seules communes membres du syndicat départemental. Le cas échéant, nous pourrons examiner un allongement des délais de paiement. Tout sera mis en oeuvre pour éviter de pénaliser la Vendée sur le plan humain comme sur celui de ses finances publiques. (Applaudissements à droite)
Bouclier fiscal (1)
M. Jean-Pierre Bel . - En donnant à la gauche la victoire dans 23 régions sur 26, les élections régionales ont infligé une sévère défaite aux candidats de la majorité mais chacun doit conserver le sens de la mesure : ni triomphalisme pour les uns, ni politique de l'autruche pour les autres. Chacun doit s'efforcer de comprendre les Français, qui se sentent victimes d'une injustice sociale, territoriale, générationnelle et fiscale. « Ce n'est pas juste » disent en choeur ceux qui ne réussissent pas à boucler leurs fins de mois et n'ont aucun espoir d'amélioration, les habitants des territoires désertés par les entreprises et les services publics, les jeunes qui devront assumer les déficits d'aujourd'hui, enfin ceux qui doivent financer les cadeaux que vous faites aux plus riches.
Monsieur le Premier ministre, avez-vous entendu l'appel à l'égalité républicaine ?
Exonérant les plus nantis, le bouclier fiscal est devenu pour les Français le symbole de l'injustice. Vous y voyez un soutien à l'investissement, nos concitoyens le considèrent comme un soutien aux privilégiés. Au moment où les Français sont confrontés à la crise, allez-vous revoir le bouclier fiscal ? (Applaudissements à gauche)
M. François Fillon, Premier ministre . - Allons-nous tenir compte des élections régionales ? Oui. La coalition de gauche a remporté un grand succès.
M. Josselin de Rohan. - Sauf en Alsace !
M. François Fillon, Premier ministre. - Elle va présider 22 ou 23 conseils régionaux sur 26. C'est une très grande responsabilité. Dans un esprit républicain, je salue ceux qui vont l'exercer, à un moment où la sortie de crise exige de coordonner la politique nationale et les politiques locales. Dans un esprit républicain, je prendrai dans les prochains jours des initiatives pour mieux assurer la coopération entre l'État et les régions, qui ne sont pas des contre-pouvoirs. (Marques d'approbation à droite)
Mme Nicole Bricq. - Et le Grand Paris ?
M. François Fillon, Premier ministre. - Il reste que le vote de dimanche n'a rien changé aux défis à relever, qu'il s'agisse de la compétitivité de notre économie -inférieure par exemple à celle de notre grand voisin allemand-, des déficits publics ou de la nécessaire protection de notre modèle social face à l'allongement de la vie. Nous allons donc amplifier nos efforts au service des Français.
M. Jean-Louis Carrère. - Et le bouclier fiscal ?
M. François Fillon, Premier ministre. - En dehors de votre rengaine sur le bouclier fiscal, que proposez-vous ? Tout arrêter, ce qui compromettrait notre mode de vie, ou appliquer un projet socialiste qui n'existe pas ! J'ai entendu les Français et leurs critiques mais ils n'ont réclamé ni la fin de l'autonomie des universités, ni la fin du revenu de solidarité active, ni la fin de l'exonération des droits sur les petites et moyennes successions.
M. Jean-Louis Carrère. - Et le bouclier fiscal ?
M. François Fillon, Premier ministre. - Vous voulez savoir si le Gouvernement fera demi-tour ? C'est non ! (Vifs applaudissements à droite)
Bouclier fiscal (2)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat . - Selon le Premier ministre et le Président de la République, « rien ne serait pire que de changer de cap ». Vous allez donc alléger encore les charges sur le travail, refuser tout nouvel impôt sur les riches, accélérer les réformes contestées et stigmatiser les familles modestes et les étrangers. Curieuse interprétation de la sanction électorale !
Les électeurs ont sanctionné une politique servant les plus favorisés au détriment de l'immense majorité, via la réduction de l'ISF, l'institution du bouclier fiscal et les exonérations patronales sur les heures supplémentaires. L'infime minorité qui en profite -les financiers et les pouvoirs qui les soutiennent- a plongé la France et le monde dans une crise gravissime mais elle en sort récompensée puisque l'État a renfloué les banques sans contrepartie. Tout reprend comme avant, des retraites dorées aux bonus des traders, tandis que la population subit une baisse du pouvoir d'achat, la précarité de l'emploi et la déstructuration des services publics. S'y ajoute l'augmentation de 9,7 % du prix du gaz, bien que l'entreprise privée GDF-Suez ait engrangé d'énormes bénéfices pendant ce long hiver. (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche)
Monsieur le Premier ministre, le message des Français est clair : ils en ont assez de payer une politique injuste en faveur des plus riches ; ils veulent la justice et une réponse solidaire à la crise ; ils veulent un changement de politique !
Nul ne peut comprendre que vous provoquiez le monde du travail, comme le fait Mme Lagarde en disant que le bouclier fiscal profite à juste titre aux plus riches parce qu'ils font tourner l'économie ! (Protestations à droite)
M. Dominique Braye. - Vous ne représentez plus rien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous devez au moins abroger le bouclier fiscal, cette mesure inique qui rapporte 150 millions aux 150 plus gros bénéficiaires. C'est ce que nous vous demandons. (Applaudissements à gauche)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Nous sommes au moins d'accord pour attacher une grande importance à la valeur travail. J'ajouterai toutefois qu'il y a aussi besoin du capital pour faire tourner l'économie.
Nous n'avons pas à rougir de la politique que nous menons. La Commission européenne considère que la France sortira de la crise plus vite que les autres pays de la zone euro.
M. Jean-Louis Carrère. - Et l'Allemagne ?
Mme Christine Lagarde, ministre. - Les chiffres de la France sont les mêmes que ceux de l'Allemagne, devant tous les autres.
Nous n'avons pas non plus à rougir de notre politique fiscale. Au moment où la croissance revient, il serait absurde de changer de cap. Ne comptez pas sur nous pour augmenter les prélèvements obligatoires ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
La politique de l'emploi ? La situation n'est certes pas parfaite mais elle s'améliore. S'il y a eu 3 300 demandeurs d'emploi supplémentaires en février, c'est une augmentation moindre qu'en janvier. Au premier trimestre 2009, le nombre de demandeurs d'emploi supplémentaires était de 134 000 ; il était quatre fois moindre au dernier trimestre.
Sur tous les plans -compétitivité, innovation, emploi, déficit public-, je vous appelle à l'effort collectif que justifie la situation de crise. (Applaudissements sur les bancs UMP)
PAC
M. Jean Bizet . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Le Président de la République a mis l'agriculture et même la PAC au coeur de ses priorités. Ce n'est que justice compte tenu des tragédies quotidiennes que vit le monde agricole. La PAC donne un cadre et des moyens. L'un et l'autre sont indispensables et sont à l'honneur de la construction européenne. Mais la gravité de la crise actuelle exige que l'on explore des voies nouvelles, en oubliant le temps et le mythe de la PAC administrée. C'est tout le sens de la régulation et de la contractualisation, évoquée depuis quelques mois.
Comment réguler un secteur lorsque l'acheteur et le vendeur sont dans des positions à ce point inégales ? Les agriculteurs ne sont en mesure de négocier ni leur prix de production, face aux banques et aux fournisseurs d'engrais et de matériel, ni leur prix de vente face à des industriels organisés ou des centrales d'achat hyper concentrées. Même sans la PAC, le marché conviendrait aux agriculteurs si leurs partenaires n'abusaient pas de leur position dominante. Si l'on parle de favoriser le pouvoir de négociation des producteurs pour corriger l'asymétrie des filières, la Commission et les autorités de concurrence protestent !
Il y a toujours eu, avec la PAC, des problèmes de cohérence : la PAC administrée générait des surplus ; la PAC réformée crée des rentes agricoles sous forme d'aide aux revenus ; la PAC régulée ne peut fonctionner car on lui oppose le droit de la concurrence !
La massification de l'offre et le mandat de négociation collective doivent être autorisés. L'égalité de traitement doit être garantie. Le politique doit prendre ses responsabilités et assouplir le droit de la concurrence. La société ne peut demander au monde agricole d'évoluer sans lui donner les moyens, y compris juridiques, de le faire. Le monde agricole ne peut vivre dans ces contraintes et dans ces contradictions permanentes. Le problème se pose évidemment avec acuité dans le secteur laitier et pour le niveau du prix du lait. Les producteurs demandent rééquilibre et dignité. Que comptez-vous faire pour y répondre ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche . - Vous êtes un spécialiste reconnu des problèmes laitiers, vous connaissez donc la réponse appropriée : arriver à un prix qui couvre le coût de revient. Il y a aujourd'hui un blocage. Je réunis l'interprofession mardi pour évoquer les moyens permettant aux producteurs de lait de percevoir un revenu digne. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Il faut pour cela donner une visibilité avec un contrat écrit entre producteurs et industriels. On ne peut demander aux agriculteurs de dépenser des centaines de milliers d'euros pour se moderniser sans qu'ils sachent ce que seront leurs revenus des mois suivants ! Il faut donc des contrats écrits fixant un volume, une durée et un prix.
La fixation des prix par l'interprofession est actuellement interdite par le droit communautaire de la concurrence. Nous demandons qu'il soit modifié. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Nous demandons également le maintien du prix d'intervention à l'échelle européenne. Nous avons réussi en 2009 à ce que 22 États membres incitent la Commission européenne à dépenser 300 millions pour faire remonter les cours. Grâce à quoi, le prix du lait était remonté de 10 % en janvier 2010 par rapport à janvier 2009. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Relations entre les régions et l'État
M. Yves Krattinger . - Pendant toute la campagne électorale, les ministres ont dressé contre les collectivités un violent réquisitoire. Or les Français ont très majoritairement approuvé les politiques conduites par les régions, leur rôle dans l'aménagement du territoire, les politiques de transport, leur capacité à former les hommes, à encourager l'innovation et la recherche, à soutenir l'économie. Leurs initiatives en faveur du développement durable sont appréciées. Les Français connaissent le rôle prépondérant des collectivités dans l'investissement public et la mise en oeuvre concrète des solidarités sociales et territoriales.
Votre projet de réforme est fondé sur des attendus erronés, incompréhensible dans ses préconisations, tortueux dans son cheminement législatif. Il complexifie au lieu de simplifier et amplifie les inégalités. Il revient en arrière sur le chemin de la décentralisation. II manifeste une dangereuse défiance à l'endroit des élus locaux. Le projet du Grand Paris en est un exemple criant.
Monsieur le Premier ministre, ne restez pas sourd à ce message des électeurs ! Entendons-le ensemble ! Ils souhaitent une réforme qui approfondisse la décentralisation au lieu de la réduire, qui reconstruise une relation de confiance entre l'État et les collectivités, qui rassemble toutes les énergies dans le respect mutuel et la responsabilité indispensables à l'exercice apaisé de la démocratie locale.
Cette réforme, nous en avons jeté les bases au Sénat, dans un large consensus, au sein de la mission sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales. Notre groupe a fait et fera encore des propositions. Nous sommes prêts au dialogue. Etes-vous décidé à retirer votre projet si mal engagé et son étendard provocateur, le conseiller territorial, pour associer les forces politiques à l'élaboration d'une réforme ambitieuse au service de notre pays et de tous nos territoires ? (Applaudissements à gauche)
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales . - Les Français se sont exprimés ; nous devons être attentifs à leurs messages. Le premier est l'abstention massive, inédite depuis 1986. Chacun peut en avoir sa lecture ; on peut insister sur le fait que c'est la première fois que les élections régionales ne sont pas couplées avec d'autres. Ce serait en tout cas une erreur de croire que les Français nous demandent de ne plus rien faire. Le taux d'abstention résulte en grande partie de la complexité de notre organisation locale. (Rires à gauche) Il faut donc réformer nos collectivités territoriales. Le Sénat s'est engagé dans ce débat, qui se poursuit. Ne comptez pas sur nous pour enterrer cette réforme majeure. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Catherine Troendle . - Selon un récent sondage, 81 % des parents pensent que leurs enfants sont en sécurité dans leur établissement scolaire ou d'enseignement supérieur. Ce chiffre est de 91 % à l'école maternelle mais descend à 72 % au lycée. Ce sondage pourrait paraître rassurant mais l'actualité a mis en évidence un profond malaise au sein de nos établissements scolaires : la violence s'y est invitée à tous les échelons.
A l'école primaire, des enfants de moins de 11 ans agressent verbalement ou physiquement leurs professeurs ! Les enfants ne deviennent pas violents du jour au lendemain, ils sont agressifs dès la maternelle.
M. David Assouline. - N'importe quoi...
Mme Catherine Troendle. - Il faut donc multiplier les messages à l'attention des enseignants afin qu'ils signalent les comportements hors norme aux psychologues scolaires : car il faut apporter le plus tôt possible des solutions aux souffrances ressenties par les enfants privés d'éducation parentale. Le nombre de psychologues est-il du reste suffisant ?
Cependant, la première responsabilité en matière d'éducation morale revient aux parents et l'État ne peut se substituer à eux. L'enseignant doit pouvoir exercer sa mission sereinement. Par conséquent, lorsque la démission des parents est avérée, il faut pouvoir suspendre le versement des allocations familiales. (Vives exclamations à gauche)
M. Jacques Mahéas. - Honteux !
Mme Catherine Troendle. - Un enfant a été roué de coups en Seine-Saint-Denis...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Occupez-vous de votre département !
Mme Catherine Troendle. - Or les jeunes agresseurs, exclus pour quelques jours de leur établissement, y sont revenus. Et c'est à leur victime que le recteur a proposé un changement d'école. C'est une nouvelle agression ! Où est la justice ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le fouet, la prison !
M. le président. - La question !
Mme Catherine Troendle. - M. Chatel a annoncé la tenue d'états généraux sur la sécurité en milieu scolaire. Comptez-vous y associer très largement les élèves, dont le rôle sera essentiel pour améliorer la situation ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales . - M. Chatel et moi-même menons un combat commun contre la violence scolaire. Hier encore, une jeune fille de 15 ans, qui était expulsée temporairement, a blessé l'un de ses professeurs dans l'enceinte de l'établissement. Le premier ministre a rappelé que la lutte contre la violence en milieu scolaire était une priorité pour le Gouvernement ; presque tous les actes sont commis dans 10 % des établissements... L'école est le lieu de la transmission du savoir, non une arène pour des combats de rue ! Nous menons une politique de partenariat, avec 5 247 correspondants sécurité dans les écoles ainsi que des référents policiers ou gendarmes. Des diagnostics de sécurité seront conduits dans les établissements à risque. Nous aurons recours à la vidéosurveillance mais il faut aller encore plus loin et mieux articuler notre action avec la lutte contre les bandes.
Nous aggraverons les sanctions infligées aux auteurs d'atteintes contre les élèves et les enseignants. Je vous présenterai des dispositions législatives afin de mieux accompagner les parents qui ont du mal à assumer leur rôle. Le contrat de sécurité conclu avec eux sera renforcé et s'ils ne remplissent pas leurs engagements, le versement de leurs allocations familiales pourra être suspendu. Les sanctions doivent être effectives et s'il faut modifier la loi nous le ferons, car nous ne lâcherons pas ce combat pour les enfants. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Réforme des retraites
M. Claude Domeizel . - Après la désapprobation massive des électeurs, le Gouvernement a été légèrement remanié : timide réaction... L'ancien ministre du budget -celui du bouclier fiscal, de la baisse de la TVA sur la restauration, de la RGPP et du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans la fonction publique- prend en charge le dossier des retraites.
M. Jean-Pierre Bel. - Bercy s'occupe de la réforme !
M. Claude Domeizel. - Le Gouvernement annonce qu'il ne veut pas « passer en force » mais il indique déjà qu'un projet de loi sera présenté en septembre... pour être voté définitivement avant la fin de l'année. (« Six mois, c'est beaucoup ! » à droite)
Le ministre du budget devient un ministre aux compétences élargies...
Mme Christiane Hummel. - Il est très compétent ! (M. Jean-Pierre Raffarin renchérit)
M. Claude Domeizel. - Le dossier sera abordé sous l'angle comptable avant tout.
M. Dominique Braye. - Dites-nous quelles solutions vous préconisez !
M. Claude Domeizel. - Allez-vous entendre nos citoyens, qui manifestaient cette semaine pour vous demander une politique volontariste sur l'emploi et une réforme des retraites fondée sur la justice et l'égalité ? Ils ont en mémoire la loi Fillon de 2003...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Toujours les mêmes.
M. Claude Domeizel. - ...qui a amplifié les inégalités entre hommes et femmes.
M. Dominique Braye. - Nous attendons vos propositions !
M. Claude Domeizel. - Je demande au Gouvernement de ne pas utiliser seulement la calculette, car il s'agit de choix de société ! (Applaudissements à gauche)
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Vous me faites un procès d'intention.
M. Dominique Braye. - C'est une habitude chez eux !
M. Éric Woerth, ministre. - Comme ministre du budget, j'avais une vision financière, M. Baroin l'aura aussi, car c'est bien le moins que l'on attend d'un ministre du budget. (Rires et applaudissements à droite)
M. Jean-Louis Carrère. - Vous avez beaucoup d'humour.
M. Éric Woerth, ministre. - Il y a un problème financier concernant les retraites, sinon il n'y aurait pas besoin de réforme. Mais on peut choisir soit de se limiter à cet aspect, soit de traiter le problème des retraites dans son ensemble. Les solutions ne sont pas uniquement financières. Nous voulons prendre en compte la pénibilité...
M. David Assouline. - Mais vous ne l'avez pas fait.
M. Éric Woerth, ministre. - ...la durée des cotisations comme celle de la vie. Mais si les retraites ne sont pas financées, qui paiera la facture ?
M. Jean-Pierre Bel. - Les régions !
M. Didier Boulaud. - Le bouclier !
M. Éric Woerth, ministre. - Aujourd'hui, nous n'avons plus un régime par répartition mais par emprunt. Et l'espérance de vie augmente d'un trimestre chaque année. Ne posons pas les questions de façon caricaturale ou bien nous ne pourrons pas nous parler. Or gauche et droite ont besoin de s'écouter et de s'entendre, car le problème n'est pas idéologique...
M. Jean-Louis Carrère. - Tout est idéologique.
M. Éric Woerth, ministre. - Je vous appelle au dialogue et au rassemblement. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Suites de la tempête Xynthia(2)
M. Philippe Darniche . - La tempête Xynthia a fait 29 morts, plus de 1 000 maisons sinistrées, des centaines d'exploitations agricoles et ostréicoles dévastées, des infrastructures routières, portuaires, ferroviaires emportées ou fragilisées. Toute la population vendéenne s'est mobilisée, les sauveteurs ont accompli des actes héroïques. Le Président de la République est venu chez nous par deux fois, le Premier ministre était présent à la cérémonie d'hommage aux victimes. Je remercie le chef de l'État pour sa réaction rapide : 3 millions d'euros débloqués pour les ménages sinistrés, 5 millions pour les agriculteurs, 20 millions pour les ostréiculteurs. M. Sarkozy a annoncé au conseil général de la Vendée la fin des digues spéculatives qui permettent l'urbanisation de zones à risque mortel, répondant ainsi au souhait de Philippe de Villiers. Les digues économiques qui protègent les ostréiculteurs, les conchyliculteurs et les agriculteurs seront en revanche réparées et un plan « digues » présenté avant l'été. Enfin, nous avons créé une mission commune d'information qui se penchera sur les questions d'urbanisme et d'environnement, mais aussi sur les systèmes d'alerte et les régimes d'indemnisation.
J'ai encore deux requêtes à formuler. L'aide Fisac de tempête n'est distribuée qu'à hauteur d'un million d'euros. Et certaines petites entreprises de l'artisanat sont exclues du dispositif. En outre, l'Ifremer a détecté en Charente et en Vendée un taux anormal de toxine amnésiante produite par des algues ; cela a entraîné le rappel des coquillages commercialisés depuis le 17 mars. Quelle mesure sera prise pour compenser ce nouveau coup dur pour les ostréiculteurs ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche . - Je me suis rendu deux fois en Vendée et en Charente-Maritime. J'ai été ému de constater la gravité des dégâts mais aussi la solidarité du monde agricole et ostréicole. Les aides Fisac sont calibrées de telle sorte qu'une centaine d'entreprises en dispose immédiatement avec un plafond d'un million d'euros : ainsi les petites entreprises, quel que soit leur statut, en bénéficient et pourront redémarrer leur activité rapidement. Ce sont 5 millions d'euros qui ont été débloqués pour les agriculteurs et 20 millions pour les conchyliculteurs. Les aides sont examinées à Bruxelles et j'en reparlerai avec le commissaire concerné lundi prochain.
Elles seront débloquées dès que l'Union européenne aura donné son feu vert. Il n'est pas question pour moi d'accorder des concours d'État que les producteurs auraient à rembourser dans quelques années. (Applaudissements à droite)
S'agissant enfin de l'interdiction de commercialisation en Charente-Maritime, nous ne pouvons transiger avec la sécurité sanitaire des aliments : il y va de l'intérêt des consommateurs mais aussi des ostréiculteurs. En revanche, nous prendrons en charge les intérêts des emprunts conséquents. (Applaudissements à droite et au centre)