Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Protection temporaire (Proposition de résolution européenne)
SÉANCE
du mercredi 10 février 2010
69e séance de la session ordinaire 2009-2010
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Jean-Noël Guérini.
La séance est ouverte à 14 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur l'application de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
Acte est donné du dépôt de ce rapport. Il a été transmis à la commission des finances et est disponible au bureau de la distribution.
Violences au sein des couples
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, présentée par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste.
Discussion générale
M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi. - (Applaudissements à gauche) Le 4 avril 2006 a été promulguée notre proposition de loi visant à lutter contre les violences au sein du couple. Elle a constitué, selon la plupart des associations, une avancée sans précédent : pour la première fois, le Parlement osait affronter un sujet trop longtemps tabou. Cette loi comportait des mesures de prévention et de répression, de lutte contre les mariages forcés, d'accompagnement des auteurs de violences, et de lutte contre le tourisme sexuel ou les violences contre les mineurs.
Depuis, le voile du silence s'est déchiré : les victimes osent enfin parler, dénoncer et porter plainte. La partie n'est pas gagnée pour autant. Mais si la loi ne peut pas tout, elle peut accélérer l'évolution des mentalités. Nous avons donc déposé en juin 2007 une deuxième proposition de loi qui précisait le dispositif précédent. Deux années plus tard, ce texte n'était toujours pas inscrit à l'ordre du jour de nos travaux. Nous l'avons donc allégé sur certains points et l'avons complété sur d'autres. Je remercie le groupe socialiste et son président d'avoir bien voulu en proposer l'examen aujourd'hui.
Le contexte semble assez favorable : la lutte contre les violences conjugales a été déclarée cette année grande cause nationale ; l'Espagne, dans le cadre de la présidence de l'Union européenne, en a fait une de ses priorités pour l'Europe ; le Premier ministre a annoncé vouloir créer un délit de violences psychologiques au sein du couple. C'est l'objet de l'article premier du présent texte. Certes, le repérage de ce type de violence est parfois difficile, mais le psychiatre Roland Coutanceau estime que le délabrement mental de la victime est évident et qu'à partir d'une certaine intensité la violence psychologique peut être mesurée.
Cette violence touche essentiellement des femmes, mais aussi, indirectement, des enfants. Elle est insidieuse, le manipulateur cherchant à obtenir une emprise totale sur sa victime, et devient paroxystique lorsque le conjoint ou concubin parle de séparation. Selon le Dr Feldman, l'usage répété de comportements néfastes a autant, sinon plus d'impact que la violence physique sur la santé de la victime. Injures, brimades, chantage, séquestration, isolement, humiliations concourent à sa démolition morale, et altèrent sa santé mentale et physique. Pour Roland Coutanceau, le sentiment de mépris est plus difficile à supporter que les coups qui l'accompagnent. La maltraitance psychologique serait tout aussi capable de faire disparaître l'élan vital, l'envie de vivre.
Ce sont ces cas extrêmes, ces pressions gravissimes qui s'exercent sur une longue durée, que nous souhaitons cibler. Que peut faire la victime ? Rester et risquer d'être détruite ou partir, se libérer ? Par son emprise psychologique, par la menace chronique, l'agresseur peut empêcher toute velléité d'autonomie et de départ. Dans ce cas, seule la justice peut faire renoncer l'homme à ces violences.
Comme le soulignaient Yaël Mellul et Eliette Abecassis, « lorsque la violence psychologique s'exerce à l'intérieur du couple, la justice reste à la porte ». Les mêmes auteurs montrent que la violence fait perdre à la victime ses capacités de jugement et la conduit à tolérer l'intolérable. « La violence augmente progressivement et la résistance de la victime diminue, jusqu'à devenir simplement une lutte pour la survie. »
C'est pourquoi nous voulons instaurer un délit de violence psychologique au sein du couple et proposons que les auteurs puissent être condamnés à un suivi socio-judiciaire. Nous ne définissons pas la notion de « violence psychologique », car toute énumération serait trop restrictive. Mais le droit en vigueur permet déjà d'en cerner les contours. Les preuves consisteraient en témoignages ou en certificats établis par des psychologues, des médecins ou des psychiatres.
Venons-en à l'article 2. La loi du 4 avril 2006 a renforcé les mesures d'éloignement du domicile commun des auteurs de violences, qu'il s'agisse des conjoints, des concubins ou des partenaires pacsés actuels ou passés. En droit civil, la loi du 26 mai 2004 relative au divorce a permis au juge aux affaires familiales, lorsqu'un des époux ou un enfant est mis en danger par la violence de l'autre époux, de statuer sur la résidence séparée des conjoints et les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Ces mesures sont caduques à l'expiration d'un délai de quatre mois si aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée.
Nous proposons d'étendre la compétence du juge aux cas des concubins et des partenaires pacsés. Le juge pourra décider lequel des deux partenaires continuera à occuper le logement commun -domicile familial et non domicile conjugal- afin de donner un peu de répit à la victime, si elle n'est pas propriétaire ou locataire en titre, et de lui laisser le temps de trouver un autre logement ou un centre d'hébergement. Une erreur s'est glissée dans la deuxième phrase de l'article, qu'il faut lire ainsi : « Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée à celui qui n'est pas l'auteur des violences. »
Les articles suivants concernent la prévention. Nous souhaitons que soit dispensée dans les écoles, les collèges et les lycées, à raison d'une séance mensuelle, une information sur le respect mutuel entre les garçons et les filles et l'égalité des sexes. Comme le disait Romain Rolland, tout commence sur les bancs de l'école.
Nous proposons aussi d'instaurer une journée nationale de sensibilisation aux violences au sein du couple, dont la date pourrait être fixée au 25 novembre, journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.
Certains professionnels -médecins, policiers, gendarmes, travailleurs sociaux, avocats, magistrats...- doivent recevoir une formation initiale et continue afin de mieux détecter les violences et d'aider plus efficacement les victimes. Les besoins sont évidents. La qualité de l'accueil dans une gendarmerie ou un commissariat est essentielle pour une personne en état de choc. Quant aux médecins, ils jouent un rôle primordial pour repérer les violences intrafamiliales, conseiller les victimes et éviter les drames.
Une aide juridictionnelle doit être accordée aux victimes sans condition de ressources, comme c'est déjà le cas pour les victimes de tortures ou d'actes de barbarie, de violences habituelles sur mineur ou de viol. Les personnes qui ont subi des violences au sein de leur famille sont bien souvent traumatisées et il faut leur faciliter la tâche au moment où elles s'apprêtent à réagir. Leur dépendance financière vis-à-vis de leur partenaire peut également les empêcher d'engager des poursuites.
Enfin, il faudra un jour remédier au manque de places d'hébergement pour les victimes et de centres de soins pour les auteurs de violences. Un vrai problème se pose aussi pour les Français de l'étranger : comme le soulignait Claudine Lepage, nos consulats manquent de moyens.
Le Sénat peut être fier d'avoir joué dès 2006 un rôle de précurseur en la matière. Faut-il encore légiférer ?
« Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse et le repolissez », conseillait Boileau. Les dispositions de la loi du 4 avril 2006 et de la présente proposition de loi sont complémentaires. J'ai reçu hier une lettre d'une femme de 28 ans, dénommée Jessica. Elle écrivait : « Il a suffi d'un an pour que les agissements de cet homme détruisent tout en moi. (...) Je ne pensais pas que ce que j'ai vécu aurait autant de répercussions sur ma vie personnelle et professionnelle. Aujourd'hui, j'ai peur. Aujourd'hui, je suis suivie par un psychiatre ; je suis en dépression et j'ai perdu mon travail. Aujourd'hui, j'ai tellement de souffrance en moi... Avec vos collègues sénateurs, aidez les femmes qui vivent de telles situations. Prenez les bonnes décisions. » On ne saurait mieux dire. (Applaudissements nourris à gauche et au centre)
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois. - Le sujet des violences au sein des couples a longtemps été tabou. Cette réalité reste difficile à évaluer, mais elle est désormais reconnue par les pouvoirs publics comme un fléau majeur. Une politique volontariste a été entreprise depuis plusieurs années afin de mieux prévenir et détecter ces violences, d'accompagner les victimes et de prendre en charge les auteurs afin d'éviter la récidive. Ce fut un des axes du plan global contre les violences faites aux femmes lancé en 2005 et renouvelé en 2008. La lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée « grande cause nationale » pour l'année 2010.
D'importants progrès ont été faits : le public et les professionnels sont désormais mieux sensibilisés. Des référents locaux ont été désignés, l'accueil dans les commissariats et les locaux de gendarmerie a été amélioré et près des trois quarts des parquets mènent désormais une action ciblée sur le traitement judiciaire des violences faites aux femmes. Mais les efforts doivent être poursuivis en ce qui concerne l'hébergement des victimes et l'implication des professionnels de santé dans le repérage des violences et la prise en charge des victimes et des auteurs.
Le droit pénal et civil a été adapté afin de mieux protéger les premières et de punir plus sévèrement les seconds. Depuis 1994, le nouveau code pénal prévoit que les peines encourues par les auteurs de violences sont aggravées lorsqu'elles sont infligées par le conjoint ou le concubin de la victime. La loi du 4 avril 2006, dont l'initiative revient à M. Courteau et à Mme Borvo Cohen-Seat, a renforcé la prévention et la répression des violences au sein du couple ou sur des mineurs, reconnaissant explicitement le viol et l'agression sexuelle au sein du couple, de même que le vol s'il porte sur des documents indispensables à la vie quotidienne. Cette loi a étendu la circonstance aggravante que j'ai mentionnée il y a un instant aux partenaires pacsés et aux anciens conjoints, concubins ou partenaires pacsés. Enfin la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a prévu que les personnes reconnues coupables de violences conjugales pourraient être condamnées à un suivi socio-judiciaire.
Mais des problèmes subsistent, comme le révèlent les chiffres fournis par les services de police et de gendarmerie, qui restent d'ailleurs bien en deçà de la réalité puisque, selon l'Observatoire national de la délinquance, moins de 9 % des violences conjugales donnent lieu à une plainte. En outre, les statistiques relatives aux homicides au sein du couple n'incluent pas les suicides consécutifs aux violences physiques ou psychologiques.
La présente proposition de loi vise, selon les termes de M. Courteau, à nous faire franchir « une nouvelle étape ». Elle précise d'abord que les violences conjugales peuvent être de nature physique ou psychologique.
Le texte propose de punir plus sévèrement les violences habituelles, de condamner les auteurs à un suivi socio-judiciaire et de permettre l'éviction du domicile du partenaire violent lié à la victime par un Pacs. Il permet l'accès à l'aide juridictionnelle sans condition de ressources. Il instaure une information mensuelle obligatoire sur le respect mutuel et l'égalité entre les sexes dans les établissements scolaires, une journée nationale de sensibilisation aux violences au sein des couples, et une formation initiale et continue à destination des professions concernées. Les conséquences financières pour l'État sont gagées par une taxe additionnelle sur les tabacs.
Le 2 décembre 2008, les députés ont créé une mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. Son rapport, publié en juillet 2009, a formulé 65 propositions dont une partie a été traduite dans une proposition de loi, cosignée par Mme Bousquet, M. Geoffroy et plusieurs de leurs collègues, qui recoupe les thèmes abordés par M. Courteau : création d'un délit de violences psychologiques ; éviction du conjoint violent lié à la victime par un Pacs ; formation des professions appelées à connaître de violences conjugales. Le texte des députés prévoit également une ordonnance de protection des victimes, une protection accrue des victimes étrangères, ou encore la reconnaissance de la notion de mariage forcé. Il doit être examiné en séance publique le 25 février.
Votre commission souhaite pouvoir étudier ces deux propositions de loi concomitamment, pour parvenir à un texte unique. En conséquence, elle propose d'adopter, à ce stade, une motion tendant au renvoi en commission de cette proposition de loi, en attendant la transmission par l'Assemblée de celle des députés Bousquet et Geoffroy. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. - Il faut adapter notre arsenal juridique à une délinquance trop longtemps niée. Les violences commises au sein du couple ne sont pas une fatalité ; elles doivent être mieux connues pour être mieux combattues. Cette proposition de loi combine information, répression et protection des victimes. Je salue le travail de votre rapporteur, alors qu'un autre texte, la proposition de loi Bousquet-Geoffroy, est en cours d'examen par l'Assemblée Nationale. Longuement débattu en commission hier, il a été approuvé par tous les groupes, amendé tant par la majorité que par l'opposition et enrichi par les propositions du Gouvernement. Il sera examiné en séance le 25 février, et transmis rapidement au Sénat. Le Gouvernement soutient le renvoi en commission du présent texte, afin d'éviter les incohérences et d'établir un texte unique sur un même sujet.
Il nous faut mieux connaître et identifier ce fléau. Les chiffres officiels sont difficiles à analyser. La Délégation aux victimes du ministère de l'intérieur a recensé pour 2008 184 décès, dont 156 femmes, tombées sous les coups d'un conjoint ou d'un concubin, mais on ne sait combien ont mis fin à leur calvaire par le suicide, alors que les enquêtes de victimisation se multiplient depuis 2000.
De même, en 2008, les parquets ont enregistré 59 427 affaires nouvelles en matière de violences conjugales, contre 42 574 en 2005. Sur la même période, le nombre de condamnations est passé de 10 684 à16 773. Mais la loi du silence règne chez les victimes, par peur des représailles, par honte ou par ignorance de leurs droits. Selon l'Observatoire national de la délinquance, les plaintes ne représenteraient que 9 % des violences conjugales réellement subies dès lors que la victime vit avec l'auteur au moment des faits !
Le chemin qui reste à parcourir est encore long : meilleure connaissance du phénomène, meilleur accompagnement de la victime, répression accrue des auteurs de ces violences qui touchent tous les milieux sociaux.
Le nouveau code pénal a, en 1994, montré l'attachement des pouvoirs publics à combattre plus fermement ces violences. La loi du 26 mai 2004 relative au divorce, la loi du 12 novembre 2005 relative au traitement de la récidive, la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple, initiative de M. Courteau, celle du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, celle du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive ont créé une dynamique salutaire. Le sujet n'est plus tabou. Il fait aujourd'hui l'objet de débats, de campagnes de sensibilisation. Le dispositif législatif a atteint un double objectif : la protection de la victime, souvent par l'éviction de l'auteur des violences du domicile, et une répression pénale accrue tant dans la sanction que dans le traitement thérapeutique imposé à l'auteur de violences.
La Chancellerie sensibilise les parquets à cette question, érigée pour 2010 en « grande cause nationale », avec la diffusion d'un guide de l'action publique ou l'expérimentation en Seine-Saint-Denis d'un téléphone portable d'alerte. Beaucoup d'initiatives ont été prises et les magistrats et les enquêteurs peuvent s'appuyer sur un corps législatif solide. Mais beaucoup reste à faire. Il nous faudra améliorer le délai de réponse de la justice, notamment en matière d'éviction de l'auteur du domicile familial ou d'attribution de l'aide juridictionnelle, et renforcer les mesures d'accompagnement pour les enfants.
La présente proposition de loi, comme celle des députés, réaffirme un objectif partagé : garantir la protection de chacun, y compris au sein de la sphère familial. C'est notre responsabilité au service des Français. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Odette Terrade. - Trop longtemps dans l'ombre, la violence au sein des couples est mise en lumière avec cette proposition de loi. Inacceptables, ces violences ont des conséquences dramatiques pour les femmes et leurs enfants, témoins privilégiés et victimes collatérales.
Selon l'Observatoire national de la délinquance, en 2007-2008, 418 000 personnes de 18 à 75 ans, dont 310 000 femmes, ont été victimes de violences physiques ou sexuelles dont le conjoint est l'auteur principal. Les violences physiques et sexuelles commises par un autre membre de la famille augmentent significativement et concernent 250 000 femmes. Des chiffres inadmissibles ! La proposition de loi met en lumière un sujet trop occulté. Intervenir sur la répression fait partie intégrante de la prévention ; en marquant le refus des violences par la société, elle envoie un signal fort à l'ensemble de nos concitoyens.
Isolées, vivant dans la peur et sous l'autorité de leur conjoint, les femmes victimes de violences ne sont que 10 % à porter plainte. Cela illustre la difficulté d'engager des poursuites contre le conjoint. Il convient donc d'améliorer les mesures de protection et d'écoute.
Prise en compte des violences et reconnaissance du viol entre époux, de réelles avancées ont été accomplies, mais il faut avancer d'un pas plus déterminé dans la lutte contre ce fléau. L'Espagne a déjà franchi le cap avec une loi cadre et l'ordonnance de protection, qui offre un arsenal de mesures de protection des femmes et des enfants. Mon groupe a déposé, le 20 novembre 2007, une telle proposition, issue des travaux des associations regroupées au sein du collectif national Droits des femmes. Celui-ci avait été à l'origine des 16 000 pétitions déposées à l'Assemblée nationale et qui ont conduit au texte que nous examinerons le 25 février prochain. En effet, même si de nombreux textes existent déjà, il faut compléter et perfectionner notre dispositif pour une politique audacieuse de lutte contre les violences au sein des couples.
La prévention ne doit pas rester dans l'ombre car sans une prévention pertinente et efficace, c'est la place des femmes dans la société qui est menacée. Véritables phénomènes de société, les comportements violents des hommes sur les femmes s'inscrivent en effet dans des rapports de domination masculine trop souvent tolérée. La sensibilisation doit donc aller bien au-delà de l'extension de la compétence du juge aux affaires familiales aux situations de concubinage et de Pacs et de la formation des acteurs en relation avec les victimes, proposées par M. Courteau. Les femmes subissent des violences parce qu'elles sont femmes ! Nous devons faire disparaître complètement les comportements machistes. La sensibilisation et la formation proposées dans notre texte comme dans celui-ci constituent des enjeux essentiels.
M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi. - Très bien !
Mme Odette Terrade. - La prévention par l'éducation doit modifier les comportements sociaux dès le plus jeune âge. (Approbations sur les bancs socialistes) La lutte contre les violences commence par une révolution éducative et passe par le changement des modèles familiaux.
Devant l'ampleur des violences, les souffrances des victimes et le coût pour la société, rien ne doit rester dans l'ombre. Or les mariages forcés concernent de plus en plus de jeunes filles. La proposition de loi du 27 novembre dernier crée une ordonnance de protection pour les victimes de mariage forcé. Souvent confrontées au chantage familial, elles sont en danger de viol !
M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi. - C'est vrai !
Mme Odette Terrade. - Or la lutte contre les mariages forcés est passée au ministère de l'intégration, au détriment de la protection de l'enfance et de la lutte contre les violences.
Le champ d'action est vaste et complexe. Il ne suffit pas de proclamer 2010 année de lutte contre les violences faites aux femmes ; il faut aussi dégager des moyens pour les éradiquer. (« Très bien ! » à gauche)
Le dernier volet de la proposition traite de l'aide aux victimes, notamment juridictionnelle. La complexité de leur situation implique qu'on les aide dans tous les domaines. La procédure pénale ne doit pas être vécue comme un processus intrusif, violent et abscons. Les victimes ne doivent pas sortir anéanties de leur expérience de la justice.
Ce fléau aux conséquences incalculables nous concerne tous. Les violences concernent l'ensemble de la société. Une loi est nécessaire, qui prenne en compte tous les aspects de la question. La proposition de M. Courteau ne règle peut-être pas tout mais elle constitue un point d'appui pour les victimes et un signe fort à ceux qui perpétuent ces violences intrafamiliales. Nous la voterons : il y a urgence ! (Applaudissements à gauche)
Mme Muguette Dini. - Très longtemps, trop longtemps ignorées, les violences conjugales ont été reconnues au terme d'un long combat mené d'abord par les femmes elles-mêmes. Réprimées pénalement depuis 1994, elles le sont plus largement et sévèrement depuis la loi du 4 avril 2006 portée par M. Courteau et Mme Borvo-Cohen Seat. Le texte d'aujourd'hui revient sur ces sujets graves et je rejoins M. Courteau sur la nécessité d'améliorer le dispositif existant.
En 2005-2006 et au premier trimestre 2007, les cours d'appel de Montpellier et de Nîmes ont jugé 97 affaires de violences conjugales. La grande majorité des prévenus a entre 30 et 50 ans. Mariés ou concubins, ils appartiennent à toutes les catégories socio-professionnelles : militaires, ouvriers oenologues, chefs d'entreprise, agriculteurs, masseurs-kinésithérapeutes, sous-brigadiers de police, plombiers, maçons, gynécologues ; 28 % sont sans emploi et, à Nîmes, 11 % retraités.
Moins de la moitié des victimes se constituent partie civile. Dans 12,5 % des cas, la victime a refusé de porter plainte ou souhaité la retirer en cours de procédure. La cour de Montpellier a rappelé que la plainte de la victime ne conditionnait pas les poursuites -la loi devrait être plus précise sur ce point.
Dans 27 % des cas à Montpellier et 11 % à Nîmes, le conjoint a admis avoir agi sous l'influence de l'alcool. Dans de nombreux cas, les violences ont eu lieu au moment de la séparation ou du divorce.
La loi de 2006 ne retient pas le caractère habituel des violences comme une circonstance aggravante ; il faut changer cela. Pour les coups et blessures, la peine encourue dépend de la durée de l'incapacité totale de travail qui a pu en résulter. Dans la majorité des cas, les violences physiques conjugales entraînent une incapacité totale, établie médicalement. Les services de police ou de gendarmerie demandent un certificat médical lors du dépôt de plainte mais une incapacité de travail de quelques jours n'est pas une preuve suffisante : le droit devra évoluer.
La qualification des agressions sexuelles représente une avancée de la législation, qu'avait initiée la jurisprudence. La question de la preuve ne se pose pas en termes très différents dans le cadre conjugal. Dans les arrêts étudiés, trois époux ont été poursuivis pour coups et blessures et pour agression sexuelle, dont un seul après 2006. Cependant, il n'y a de circonstance aggravante pour cette seconde infraction que si elle a entraîné une blessure ou une lésion car il n'y a pas aggravation de la peine en cas de cumul de circonstances aggravantes. Dans ce cas, la cour a jugé que la violence sexuelle constituait un acte de violence. Nous devons revenir sur cette lacune. En revanche, l'usage ou la menace d'une arme par nature ou par destination constitue bien une circonstance aggravante.
Des enfants sont également en danger. Ils doivent être signalés aux autorités administratives ou judiciaires conformément à l'article 434-3 du code pénal. Des prévenus s'en prennent également à leurs enfants : deux ont été condamnés à Montpellier pour violence à mineur de 15 ans par ascendant, et trois à Nîmes.
Sur 89 condamnations, les juges ont prononcé 80 peines d'emprisonnement, 35 % des prévenus étant condamnés à une peine d'emprisonnement avec sursis simple.
La peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve est également souvent prononcée. L'obligation de soins concerne 83 % des prévenus condamnés à la mise à l'épreuve. En revanche, l'obligation d'indemniser la victime est plus rarement prononcée, de même que l'interdiction d'entrer en contact avec elle.
Ces arrêts prouvent que la répression pénale de ces violences est bien réelle. Toutefois, il faudrait qu'en amont de la sanction pénale, les victimes puissent vivre en sécurité, ce qui implique un éloignement du mari ou du concubin violent. Depuis la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, le code civil permet au juge aux affaires familiales, avant toute procédure de divorce, d'attribuer la jouissance du logement familial au conjoint victime de violences, permettant ainsi une véritable expulsion de l'époux violent. Toutefois, cette disposition n'est pas applicable en cas de concubinage. Il faudrait donc permettre à la victime, parallèlement au dépôt de sa plainte, d'obtenir une mesure d'éloignement de son agresseur, exécutée par les services de police, au besoin sous le contrôle du procureur de la République.
Notre dispositif législatif doit donc encore évoluer pour mieux protéger les victimes de violences conjugales. Des améliorations sont proposées par ce texte. D'autres le seront par la proposition de loi examinée par l'Assemblée nationale le 25 février. Les sénateurs de l'Union centriste approuvent donc le renvoi en commission de ce texte, afin de joindre son examen à celui du texte des députés. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Virginie Klès. - Le domicile est un lieu plus dangereux pour les femmes que l'espace public, les hommes qu'elles connaissent sont plus dangereux que les inconnus. Il s'agit malheureusement de la triste réalité : elle est insoutenable, intolérable. Telle est la routine quotidienne révélée par de nombreuses enquêtes, notamment celle de 2000, d'une femme sur dix qui vit l'insécurité, le danger et la souffrance. Il ne faut pas s'arrêter aux violences physiques qui sont les plus marquantes et les plus visibles. Elles conduisent à la mort une femme tous les deux jours et demi. Mais il existe bien d'autres formes de violences, plus insidieuses, mais tout aussi destructrices et inacceptables : le harcèlement, la domination, la culpabilisation, la possession, l'humiliation. Ces violences-là peuvent mener à la dépression et au suicide.
M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi. - Eh oui !
Mme Virginie Klès. - Une femme sur dix : cela veut dire que chacun d'entre nous en connaît, sans forcément les avoir reconnues. Ce sont des confidences difficiles à recevoir, parce que ces femmes se cachent, que la culpabilité est inversée et aussi, sans doute, parce que nous nous sentons démunis : que dire, que faire face à ces drames cachés ? N'avons-nous pas un devoir d'ingérence ? Mais pour quoi faire et comment ? Les femmes concernées sont de tous âges, de toutes catégories sociales. Souvent, c'est le mari ou le compagnon qui est l'auteur des faits, mais ça peut être un fils, un gendre, un père, un beau-père, un cousin ou un neveu. Et puis, la victime n'est pas toujours une femme : la compagne ou le compagnon peut se retourner contre un homme ; le fils peut se retourner contre son père. Que dire à ces hommes, quelle honte cachent-ils, Comment faire pour les sortir de leur silence ?
Le devoir d'ingérence se pose avec encore plus d'acuité pour les enfants, car ils grandissent dans deux univers différents, où les valeurs sont inversées. Les enfants assistent, impuissants, à l'affrontement, à la violence, à l'acceptation de choses inacceptables au sein du couple. Or, ce modèle bat en brèche ce qu'ils apprennent à l'école et les valeurs de la République. Comment ces enfants peuvent-ils se construire correctement ?
Pour ces hommes et pour ces femmes, les élus et le monde associatif doivent se mobiliser pour combattre ce fléau totalement inacceptable. Nous avons besoin d'une nouvelle enquête pour comparer, dix ans après, la situation. Les parlementaires doivent disposer d'un rapport tous les deux ans pour évaluer les progrès et les dysfonctionnements, pour mettre en commun les expériences afin que les victimes et les auteurs soient pris en charge à court, moyen et long terme. Il faut reconstruire les personnalités et éviter la réitération des faits, redonner des repères aux enfants pour qu'ils puissent se construire correctement.
En France, pays de la Déclaration des droits de l'Homme, nous ne devons pas en rester au déclamatoire : nous devons passer au concret.
Le renvoi en commission vers lequel nous nous dirigeons ne doit pas être un renvoi définitif, qui sonnerait comme un glas, un adieu ou un abandon. Ce renvoi doit être l'occasion d'un vrai rassemblement entre l'Assemblée nationale et le Sénat, entre la gauche et la droite, entre les hommes et les femmes pour lutter contre ce fléau. Ce combat, qui fait l'unanimité dans cet hémicycle et qui a été déclaré grande cause nationale 2010 par notre Premier ministre, devra se traduire dans les faits : ne passons pas à côté. Il en va de notre responsabilité. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Françoise Laborde. - Ce n'est pas la première fois que nous abordons le sujet dramatique des violences au sein des couples et plus particulièrement celles faites aux femmes. De nombreux textes pour la prévention et la lutte contre ce fléau social ont déjà été votés. Pourtant, de gros progrès restent à faire en matière de prévention. Les études ne laissent pas place à l'optimisme. II y a dix ans, l'enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France estimait que 10 % d'entre elles étaient victimes de violences -physiques, sexuelles, psychologiques- au sein de leur couple, soit 1,3 million de femmes, tous âges et toutes situations matrimoniales confondus. En 2008, 157 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint soit un décès tous les deux ou trois jours... Ces chiffres sont insoutenables et ils ne retracent que la partie visible de l'iceberg des violences subies par les femmes. Disposer de données précises est un exercice complexe. Ces violences ont lieu à huis clos, au coeur du foyer familial. Le plus souvent, elles ne font malheureusement pas l'objet de plaintes. Elles sont protéiformes, et touchent les femmes dans leur intégrité physique et dans leur liberté.
Pourtant, moins de 9 % des femmes victimes de violences conjugales porteraient plainte. Ces actes restent donc un sujet tabou et d'une ampleur considérable et indigne. L'Observatoire national de la délinquance a mené deux enquêtes sur les victimes, en 2007 et 2008, qui donnent davantage de précision : 4,9 % des femmes et 4,7 % des hommes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi au moins un acte de violence physique durant les deux dernières années. Mais parmi les 870 000 femmes victimes de violences physiques, 60 % les subissent dans le cadre de leur ménage alors que 66 % des hommes victimes de violences physique les ont subies hors ménage.
Il y a donc bien une spécificité de la violence au sein des couples. Pour autant, les femmes subissent d'autres formes de violences : celles dans l'espace public, au travail ou coutumières, comme le mariage forcé et les mutilations sexuelles. Notre devoir est de protéger ces femmes et leurs enfants. Ces derniers sont à la fois les premiers témoins et les victimes de ces violences. Nous devons améliorer l'arsenal juridique afin de rendre plus réactifs et efficaces non seulement les dispositifs d'accueil, de soin, d'hébergement et de réinsertion sociale, pour les victimes, mais aussi les dispositifs de prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique des auteurs de violences. L'un ne va pas sans l'autre.
Il en va du respect de notre pacte républicain, qui repose sur le principe de l'égalité des droits entre tous les citoyens, quel que soit leur sexe. La société toute entière en ressortira grandie. Cette proposition de loi va dans ce sens. Notre collègue Roland Courteau est à l'origine de la loi de 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs. Je tiens à saluer son engagement efficace et persévérant, au service de la défense du droit des femmes.
Le travail de ces dernières années a révélé l'ampleur de ce fléau social. Un rapport du Gouvernement relatif à la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples doit désormais être remis au Parlement tous les deux ans. II a été rendu, en mars 2009, avec un an de retard. Mes collègues du groupe RDSE seront attentifs à ce que ce retard ne se répète pas, à l'avenir. Ce rapport révèle ainsi que depuis 2007, la mise en place d'un numéro d'appel unique a porté ses fruits, tout comme celle de référents de proximité. Le satisfecit vaut aussi pour le travail de fourmi réalisé par les associations d'aide aux victimes ou les réseaux tels que les centres d'information des droits des femmes ou la Fédération solidarités femmes. Citons aussi les efforts entrepris au sein des hôpitaux, des tribunaux, des commissariats et des gendarmeries, efforts qui contribuent à identifier des violences qui ne l'étaient pas auparavant. Ce rapport insiste sur la nécessaire implication des préfets dans les commissions sur les violences faites aux femmes et la clarification du rôle des différents acteurs locaux que ce soit les collectivités locales, les travailleurs sociaux, les services publics ou encore les associations. Quant aux conditions du premier accueil, ce rapport pointe l'insuffisance ou l'inadéquation des structures d'accueil sur certains territoires
Pour sauver les victimes de ces violences, le législateur doit donc lutter, en profondeur, contre cette plaie, que ce soit par la prévention ou le durcissement de l'arsenal répressif. Ce nouveau texte nous propose notamment d'aggraver les peines encourues lorsque les violences conjugales, physiques ou psychologiques, sont commises de façon habituelle.
Il faut absolument améliorer la sensibilisation et l'information afin de toucher un plus grand nombre de nos concitoyens. Nous avons déjà pu voir de poignantes campagnes de sensibilisation ; cela doit continuer. Notre collègue souhaite imposer une information sur le respect mutuel et l'égalité des sexes dans les écoles, les collèges et les lycées. Je soutiens cette initiative avec d'autant plus d'ardeur que ce monde m'est tout à fait familier. Le respect d'autrui et, en particulier, celui de l'autre sexe, doit s'enseigner dès le plus jeune âge. La campagne de sensibilisation du plus grand nombre doit de toute urgence être complétée par une formation spécifique des acteurs de terrain : travailleurs sociaux, personnel médical et judiciaire chargé d'accueillir et d'accompagner les victimes.
La violence psychologique habituelle dans le couple n'est pas encore pénalisée par la loi. Insultes, humiliations, menaces, intimidations, mépris... Autant de blessures invisibles mais indélébiles. La preuve est difficile à produire. Mais puisqu'il n'y a pas de violence physique sans violence psychologique, préalable puis concomitante, comment laisser celle-ci impunie ? Une condamnation en amont serait susceptible de sauver des vies.
Après la reconnaissance, en 2002, du délit de harcèlement moral dans la sphère professionnelle, il est temps que la violence psychologique soit elle aussi reconnue comme un délit, dans la sphère privée, là où elle peut prendre une ampleur encore plus dramatique. Cette avancée, attendue de longue date, requiert une prise de conscience collective de la nécessité de lutter contre le fléau social des violences conjugales.
M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi. - Très bien !
Mme Françoise Laborde. - L'Assemblée nationale vient d'inscrire à son ordre du jour une proposition de loi similaire à celle dont nous discutons aujourd'hui, issue des travaux de la mission présidée par Danielle Bousquet. Il est dommage que le nom de M. Courteau n'apparaisse pas, alors que sa persévérance dans ce combat lui donnait une légitimité particulière. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Mais il serait bon que les deux textes puissent être discutés conjointement. A cette condition et à cette condition seulement, le groupe RDSE votera la motion de renvoi. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
Mme Gisèle Gautier. - La problématique dont nous discutons reste hélas un phénomène planétaire et récurrent. En dépit d'une évolution législative récente qui va dans le sens d'une protection plus étendue des victimes et une plus grande répression à l'égard des auteurs, il reste beaucoup à faire pour la prévention et pour la protection des enfants.
La sécurité est la première préoccupation des Français, elle fait partie des droits de l'Homme et conditionne tous les autres. Nous avons connu quatre grandes étapes législatives : celles de 1994, de 2004 et de 2006 dues à M. Courteau, puis celle de 2007. Toutes ont permis des avancées significatives, quoique insuffisantes au regard des statistiques qui nous sont transmises.
C'est la raison pour laquelle, après le plan global lancé en 2005, un second plan triennal a vu le jour pour 2008-2010 présenté par Mme Létard, alors secrétaire d'État à la solidarité. Il prévoyait de mobiliser les conseils départementaux, d'agréer 100 nouvelles familles d'accueil ainsi que d'intensifier la formation des professionnels de santé et des forces de police, en matière d'accueil et d'écoute. Nous avions eu l'occasion, lorsque je présidais la Délégation aux droits des femmes, de nous rendre dans un commissariat de Tours ; nous y avions constaté l'amélioration et l'efficacité des moyens humains et logistiques mis en place pour accueillir les victimes.
Les violences conjugales ont été déclarées « grande cause nationale » le 25 novembre par le Premier ministre. Ce label est décerné, chaque année à des organismes à but non lucratif, et ils sont nombreux, auxquels nous devons rendre hommage. Ce label va permettre de sensibiliser tous les publics, par le biais de différents médias. Il ne faut pas relâcher nos efforts : l'Observatoire de la délinquance dénombre 11 000 femmes victimes de violences physiques en 2008, sachant que 80 % des victimes de ces violences développent des syndromes post-traumatiques, les violences physiques étant d'ailleurs le plus souvent précédées de violences psychiques.
M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi. - C'est vrai.
Mme Gisèle Gautier. - Ces actes ont des conséquences gravissimes sur le logement, l'absentéisme au travail, la vie personnelle et familiale. Les conséquences directes ou indirectes de ces violences ont un coût socio-économique qui dépasse les 2 milliards. Il y a quelques années, on parlait d'un milliard ; il semble qu'on en soit à deux. Je reste convaincue qu'une prévention active diminuerait ce coût avec ces souffrances.
Ce douloureux problème touche aussi les enfants, témoins malgré eux. Devenus adultes, ils reproduisent les mêmes schémas, par anxiété. Des programmes de sensibilisation au respect de l'autre pourraient aider à casser ce cycle.
M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi. - Très bien !
Mme Gisèle Gautier. - Si nous soutenons la démarche de M. Courteau, je suis d'accord avec le rapporteur : une proposition de loi, portant sur un thème similaire, a été déposée à l'Assemblée nationale et doit faire l'objet d'un examen en séance publique le 25 février.
Mme Gisèle Printz. - Et ici ?
Mme Gisèle Gautier. - Cette proposition de loi présentée par des députés UMP et socialistes fait suite aux travaux d'une mission d'information. Je me réjouis donc que, sur ce sujet, nous dépassions les clivages partisans. Mieux vaut que ces deux propositions de loi puissent être examinées ensemble. Leurs dispositions ont le même objet, avec un dispositif juridique différent. La proposition de loi des députés va plus loin sur certains points, avec la mise en place d'une ordonnance de protection des victimes, une protection renforcée des étrangers et une lutte accrue contre les mariages forcés. C'est ce que j'appelle de mes voeux à la fois au nom du groupe UMP mais aussi en ma qualité de référent français dans la lutte contre les violences à l'égard des femmes au sein du Conseil de l'Europe. Nous veillerons, bien entendu, à ce que cette proposition de loi soit examinée le plus rapidement possible ; l'urgence s'impose.
Malgré son titre, je n'ai pas vu dans votre proposition de loi de mesures permettant de prendre en compte les conséquences désastreuses que ce type de violences engendre sur l'équilibre affectif, psychologique et physique des enfants.
M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi. - C'était dans mon texte de 2007.
Mme Gisèle Gautier. - Les membres du groupe UMP seront particulièrement attentifs à ce que des dispositions comme l'éducation à la non-violence à l'école soient intégrées au nouveau dispositif législatif.
Vous aurez compris que le groupe UMP votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs UMP ; M. Pierre Fauchon applaudit aussi)
M. Laurent Béteille. - Comme plusieurs d'entre nous aujourd'hui, je suis membre de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, où ce sujet a été maintes fois traité, en liaison avec le Comité des ministres. Ce sujet grave entre tout à fait dans les missions de l'assemblée de Strasbourg.
Le phénomène n'est pas nouveau, il existe depuis la nuit des temps mais il a longtemps été tabou, du fait de la honte et de la crainte.
M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi. - En effet.
M. Laurent Béteille. - La prise en compte est récente et l'on mesure encore mal l'étendue du problème. Dans le milieu familial, les témoignages ne sont pas possibles et l'on manque de preuves. Les procédures aboutissent rarement, la justice est empêchée, les preuves matérielles étant rares. Cela n'est pas satisfaisant mais peut-on demander à la justice de condamner sans preuve ?
Il est bon de débattre souvent de ce sujet afin de réfléchir à la meilleure voie d'action, dans un domaine si délicat et choquant. Il est abominable que des violences soient commises dans un milieu dont on attend au contraire protection. Quant aux enfants, traumatisés, ils en subissent les conséquences leur vie durant. De façon diabolique, ils sont incités à reproduire les mêmes actes. A l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le chiffre de 80 millions de femmes concernées dans les 47 États membres a été évoqué. Résolutions, recommandations aux États, conventions adoptées : la sensibilisation a été réelle et 40 parlements nationaux ont modifié leur législation. Je songe à la Suède. (M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi, approuve) Le texte est utile et bienvenu. La logique est de réunir les deux propositions de loi mais la réflexion est nécessaire. Il est difficile, en cette matière, d'être efficace et d'éviter les erreurs. Un débat en commission des lois sera tout à fait profitable. (Applaudissements)
Mme Nicole Bonnefoy. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Depuis de nombreuses années, les pouvoirs publics nationaux, européens et internationaux ont pris conscience de la nécessité de légiférer. En France, il y a eu la loi Courteau, d'avril 2006, puis la mission d'évaluation emmenée par Mme Bousquet. Malgré ces progrès, de réelles difficultés demeurent. Interrogées par l'Insee dans le cadre d'une étude Cadre de vie et sécurité, plus de 800 000 personnes ont déclaré avoir subi des violences physiques ou sexuelles dans le cadre de leur vie familiale -dans plus de 50 % des cas, par le conjoint actuel. Or les chiffres officiels sont bien souvent parcellaires. Les violences au sein du couple et de la famille sont difficiles à appréhender. Les femmes victimes d'agressions n'osent pas porter plainte, soit par peur, soit par un conditionnement psychologique qui les conduit à accepter l'intolérable. L'Observatoire national de la délinquance a calculé que le nombre de plaintes représente moins de 9 % des violences conjugales subies. A cela s'ajoutent les lacunes de la détection et un accompagnement psychologique et juridique insuffisant. C'est pourquoi l'article 5 de la proposition prévoit que les victimes de violences conjugales bénéficieront de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources.
Nous sommes confrontés à un fait social majeur et il faut poursuivre l'effort de prévention et de répression. L'article premier tend à insérer dans le code pénal la notion de violence psychologique, oubliée jusqu'alors mais qui représente les trois quarts des violences recensées en France... Cette forme de violence précède souvent les violences physiques et a des conséquences lourdes, parfois irrémédiables, sur la santé physique et psychique de la victime. Elle affecte aussi l'entourage et toute la vie familiale, sociale, relationnelle et professionnelle. Harcèlement moral, mépris, isolement, insultes, humiliations en public ou en privé... La persécution morale peut se révéler aussi meurtrière que la violence physique. Des professionnels du droit sont dubitatifs sur un tel délit, difficile à prouver ; mais des psychiatres ont précisé qu'à partir d'un certain degré, cette violence est mesurable.
La proposition de loi marque des progrès certains. Les professionnels de santé en contact avec les enfants de victimes témoignent des répercussions que ceux-ci subissent, l'impact sur leur développement et sur leur fonctionnement cognitif et émotionnel : difficultés d'intégration, repli sur soi, troubles des apprentissages, comportements agressifs ou violents, dépression, propension à se poser en victime. A l'âge adulte, ils auront plus de difficultés que d'autres à s'intégrer socialement et ils reproduiront parfois ces comportements violents à l'égard de leurs proches. Les articles 2 et 3 visent donc à mieux protéger les enfants en élargissant au concubin les dispositions sur l'éloignement de l'auteur des violences et en créant à l'école une séance mensuelle d'information sur le respect mutuel entre les sexes -sans oublier une journée nationale de sensibilisation. L'école a un rôle clé à jouer dans la prévention des violences afin d'éviter que certains comportements ne s'ancrent dès le plus jeune âge. Nous pouvons espérer ainsi lever le tabou et encourager les enfants, victimes ou témoins de tels actes, à comprendre la nécessité d'en parler. La défenseure des enfants a mené une grande consultation nationale auprès des collégiens et des lycéens : ceux-ci souhaitent des campagnes d'information et de prévention dans les établissements.
L'article 4 met en place des programmes de formation, initiale ou continue, auprès des médecins, des policiers, des gendarmes, des magistrats, des travailleurs sociaux afin qu'ils sachent établir un lien entre certains signes de souffrance physique ou psychologique et les violences conjugales. J'espère que cette proposition de loi de bon sens fera consensus. De nombreuses associations se battent depuis longtemps pour la création d'un délit de violences psychologiques au sein du couple et pour l'instauration de campagnes de sensibilisation à destination des enfants, des adultes et des professionnels de santé. Je rappelle que M. Fillon lui-même a annoncé vouloir intégrer le délit de violence psychologique dans la législation française et a décidé de faire des violences conjugales une grande cause pour 2010. J'espère que vous voterez ce texte lorsque nous serons amenés à l'examiner. (Applaudissements à gauche)
M. Yannick Bodin. - Il y a cinq ans était adoptée la proposition de loi de notre persévérant collègue M. Courteau. (Murmures flatteurs) Pour la première fois, le Parlement se prononçait à l'unanimité sur ce sujet. Le texte a marqué de grandes avancées et a suscité une prise de conscience par l'opinion publique. La parole a été libérée, le nombre de plaintes a explosé.
L'augmentation du nombre de plaintes est également liée à la meilleure formation des forces de l'ordre et des professionnels en contact avec des femmes.
Cette première pierre étant posée, nous devons aller plus loin en renforçant les sanctions, en améliorant la prévention et l'aide aux victimes : c'est l'objet de cette proposition de loi.
Je centrerai mon propos sur la prévention, qui est le mot clé et qui doit concerner tous les âges. La violence faite aux femmes trouve son terreau dans des représentations sociales qui opèrent dès le plus jeune âge. Un sondage Ipsos montre que 29 % des garçons de primaire estiment que les tâches ménagères ne doivent pas être partagées équitablement entre les parents, alors que 92 % des filles jugent qu'elles doivent l'être. Les faits divers regorgent de violences faites aux jeunes filles par leurs congénères masculins, de jeunes machistes irrespectueux envers les filles qu'ils n'hésitent pas à frapper. C'est donc dès le plus jeune âge qu'il faut inculquer le respect de l'autre sexe, qu'il faut se préoccuper de former des citoyens qui ne traiteront pas les femmes comme des objets sur lesquels il serait loisible de passer ses nerfs !
Toute l'équipe pédagogique est concernée par ce devoir civique. Voyez cette anecdote d'un garçonnet de 4 ans qui tirait les cheveux d'une fillette et qui a eu cette réponse quand on lui a demandé une explication : « Parce que c'est une fille ! ». La tâche est immense ! Elle implique une bonne formation des maîtres et nous avons de quoi nous inquiéter, Monsieur le ministre, lorsque nous voyons la réforme de la formation prévoir que la professionnalisation des maîtres sera évaluée désormais sur les seuls savoirs académiques !
Je pense utile que les enseignants soient accompagnés par les associations qui luttent depuis longtemps pour le respect des femmes : les rectorats seraient bien inspirés d'encourager les contacts entre les équipes pédagogiques et ces associations. Cette mission pourrait également être confiée aux jeunes qui feront le service civique, tel que nous venons de le créer.
La formation de tous les acteurs sociaux, médicaux et judiciaires, telle que prévue à l'article 4, est essentielle. Des progrès ont été accomplis, l'accueil dans les commissariats et les gendarmeries prend mieux en compte la spécificité des violences conjugales.
M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi. - C'est vrai !
M. Yannick Bodin. - Mais la bataille est loin d'être gagnée ! On constate encore de grandes inégalités dans la qualité d'accueil, dans l'accès à la formation. Les associations de mon département me rapportent les inégalités de réponses judiciaires aux violences faites aux femmes : il faut mieux former les magistrats et encourager leurs relations avec les associations qui accueillent les victimes.
M. le président. - Veuillez conclure !
M. Yannick Bodin. - Je rends hommage à ces associations, qui n'ont pas attendu la loi de 2006 pour agir ! Nous devons les aider, j'espère que cette proposition de loi ira dans ce sens.
La lutte contre les violences faites aux femmes est une grande cause nationale cette année, c'est une bonne initiative. Mais les grandes déclarations ne suffisent pas, la prévention, dès l'école maternelle, ne saurait se passer de moyens supplémentaires pour l'éducation nationale. C'est à cette condition que nous continuerons la lutte, que nous avancerons dans ce combat de l'égalité entre les hommes et les femmes et que nous ferons reculer les violences faites aux femmes : ce sera un pas en avant pour notre civilisation ! (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Renvoi en commission
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Pillet, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (n° 118, 2009-2010).
M. François Pillet, rapporteur. - Notre débat a été très intéressant et largement consensuel. L'Assemblée nationale a inscrit un texte sur le même sujet à son ordre du jour, le 25 février, sur la base des conclusions d'une commission spéciale : ce serait dommage de se priver des réflexions de nos collègues députés et de lancer notre propre texte, qui risquerait de faire double emploi avec celui que l'Assemblée nationale nous communiquera. Mieux vaut donc renvoyer cette proposition de loi en commission, où nous pourrons intégrer les excellents articles de M. Courteau au texte de l'Assemblée nationale : il en va de la célérité même de la loi et de la qualité du travail législatif.
M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi. - Nous aurions préféré aller au bout de notre démarche, pour que, comme en 2005, le Sénat montre la voie, d'autant que notre proposition de loi date de juin 2007, mais elle n'a pas pu trouver sa place dans notre ordre du jour. Les députés ont pris une initiative, c'est tant mieux, car notre objectif commun est bien de lutter contre ce fléau de la violence faite aux femmes. Même s'il n'y a aucune raison de donner la priorité à l'initiative de l'Assemblée nationale, nous allons renoncer à la nôtre, la mort dans l'âme, pour attendre le texte qui nous sera transmis : au moins, nous serons certains de ne pas froisser la susceptibilité de nos collègues députés ! (Applaudissements et sourires à gauche)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Ce qu'il faut éviter, c'est que les deux textes en discussion ne se rencontrent jamais, car on ne pourrait pas s'assurer de les discuter ensemble. Le seul moyen, c'est le renvoi en commission : nous les discuterons alors tous les deux et nous pourrons intégrer vos propositions au texte de l'Assemblée nationale.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - Je salue le travail de M. Courteau et je me félicite de l'engagement commun des deux chambres sur cette question importante. Le Gouvernement souhaite également aller au bout de la démarche, dans les meilleurs délais ! (Applaudissements à droite)
La motion est adoptée.
Protection temporaire (Proposition de résolution européenne)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne portant sur la protection temporaire, présentée, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, par M. Louis Mermaz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Discussion générale
M. Louis Mermaz, auteur de la proposition de résolution. - L'expulsion d'Afghans par charters franco-britanniques les 21 octobre et 15 décembre dernier nous a conduits à déposer cette proposition de résolution : nous souhaitons que soit déclenchée dans l'Union européenne la protection temporaire, destinée à des personnes qu'on ne peut ni ne doit reconduire dans leur pays d'origine. Ce retour mettrait leur vie en danger du fait de la guerre. Notre groupe a pris cette initiative à l'Assemblée nationale et au Sénat et des élus de gauche ont signé une pétition en ce sens au Parlement européen, à l'initiative des Verts. La situation des Afghans et d'autres réfugiés devrait être résolue dans le cadre européen mais, sans plus attendre, le gouvernement français pourrait se donner les moyens d'y répondre sur son sol. Nous sommes nombreux à déplorer son refus de rechercher une solution digne de nos valeurs.
Nous demandons que, suivant la procédure prévue par une directive européenne de 2001, le Gouvernement sollicite auprès de la Commission et du Conseil l'octroi aux Afghans - en provenance d'Afghanistan et du Pakistan- d'une protection immédiate et collective. Le traitement individuel des dossiers ne répond pas à l'urgence : le recours à la protection temporaire permettrait de pallier les carences de certains États en matière d'asile et de faire prévaloir la solidarité dans toute l'Union. La directive de 2001, qui faisait suite à la procédure ad hoc instituée pour répondre à l'afflux des Kosovars en 1999, n'a jamais été appliquée. Aujourd'hui, elle permettrait aux Afghans et aux autres réfugiés sur le territoire européen de bénéficier d'une protection qui pourrait durer trois ans. Ils pourraient ainsi recevoir un titre de séjour, exercer une activité professionnelle, disposer d'une aide sociale, accéder à l'éducation, obtenir le regroupement familial... Bref, être traités comme des êtres humains.
Les Afghans présents en France souhaitent pour la plupart se rendre en Grande-Bretagne et tentent l'aventure depuis les côtes françaises, en particulier depuis le Pas-de-Calais. Ils ont longtemps été hébergés dans le centre de Sangatte, ouvert en septembre 1999. Je m'y suis rendu en octobre 2000 et en mai 2001 : on s'y efforçait de fournir aux réfugiés le minimum indispensable -repas, hygiène, sécurité, information. Sa fermeture en décembre 2002 et son démontage sous le prétexte fallacieux de ne pas créer d'appel d'air ont plongé des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants dans des conditions de vie effroyables. On a parlé de « jungle » mais qui, sinon le Gouvernement, en porte la responsabilité ?
Depuis la dispersion de la « jungle » en septembre 2009, celle-ci s'est en partie reconstituée : les réfugiés errent dans une zone encore plus vaste. En réaction, le Gouvernement demande aux forces de police de détruire des abris de fortune, d'incendier des couvertures. Certains réfugiés avaient trouvé refuge dans une salle réquisitionnée pendant la nuit depuis l'entrée en vigueur du plan « grand froid » : ils couchaient à même le sol sur des cartons. Ce local a été fermé le 19 janvier suite à la levée du plan. Une association a distribué le soir même 150 tentes aux migrants, mais le lendemain la police a reçu l'ordre d'encercler le campement et de démonter les tentes. Depuis, les pouvoirs publics font détruire systématiquement abris et campements. Que va-t-il se passer maintenant qu'une nouvelle vague de froid s'abat sur la région ? La responsabilité du Gouvernement est engagée.
Rappelons aussi les menaces qu'il fait peser sur les hommes et les femmes qui se portent au secours de ces malheureux, en les accusant d'aide à l'immigration clandestine. Que fait-il de l'obligation de porter secours à toute personne en danger ?
La commission des affaires européennes, mieux inspirée que celle de l'Assemblée Nationale, a transmis notre proposition à la commission des lois, qui propose de la rejeter. M. le rapporteur fonde son argumentation sur l'article 88-4 de la Constitution...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Ne vous en déplaise !
M. Louis Mermaz, auteur de la proposition de résolution. - ...selon lequel des résolutions peuvent être adoptées sur des projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne, mais pas sur des directives déjà en vigueur. L'argument serait imparable si notre assemblée n'avait adopté le 7 décembre 2009 une proposition de résolution de Mme Fabienne Keller portant sur une directive carbone du 23 avril 2009.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Errare humanum est.
M. Louis Mermaz, auteur de la proposition de résolution. - Je n'ose imaginer qu'il y ait deux poids et deux mesures selon les souhaits et les humeurs du Gouvernement, si soucieux d'accroître les pouvoirs du Parlement...
Mme Éliane Assassi. - Très bien !
M. Louis Mermaz, auteur de la proposition de résolution. - A la page 10 de son rapport, M. Fauchon s'interroge également sur l'opportunité pour le Parlement d'intervenir dans une procédure sollicitant la Commission européenne. Je le renvoie encore une fois à la proposition de résolution de Mme Keller.
J'en viens à l'examen de la directive de 2001, restée lettre morte. Les critères pour qu'elle soit mise en oeuvre sont les suivants : un afflux massif ou important de personnes déplacées et un dysfonctionnement consécutif de l'exercice du droit d'asile. Nul ne peut contester que les réfugiés afghans sont légion : on en compte environ 2,7 millions dans le monde. Pour l'Europe, les chiffres dont on dispose sont aléatoires et très certainement inférieurs à la réalité. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) considère que les demandes d'asile émanant d'Afghans ont augmenté de 57 % dans l'Union européenne au premier semestre 2009, pour atteindre un total supérieur à 9 000. N'a-t-il pas suffi que 123 Kurdes soient abandonnés sur une plage de Bonifacio pour que le ministre s'émeuve de cette « arrivée massive et inopinée de clandestins » et prévoie une législation spéciale ?
M. Richard Yung. - Très bien !
M. Louis Mermaz, auteur de la proposition de résolution. - Dans le cas des Afghans, il est évidemment impossible de recourir au règlement Dublin II adopté le 18 février 2003. La Commission européenne a d'ailleurs proposé de réformer ce règlement en décembre 2008, sans que le Conseil se soit encore prononcé.
Le second critère est également rempli : le droit d'asile n'est plus garanti. En renvoyant les réfugiés en Grèce, où les conditions d'accueil sont affreuses, ou encore en Hongrie ou en Autriche, la France se dispense d'instruire elle-même les demandes. Or, en Grèce, moins de 1 % des personnes enregistrées par le système Eurodac obtiennent l'asile, contre 36 % en France sur un total de quelques centaines.
Notre groupe parlementaire a auditionné MM. Jacques Ribs et Pierre Henry, président et secrétaire général de France Terre d'Asile, Mme Wihtol de Wenden, chercheur au CNRS, M. Francisco Galindo Velez, représentant du HCR en France, et M. Sadik de la Cimade. Tous nous ont confirmé les dysfonctionnements du droit d'asile, notamment en ce qui concerne les Afghans.
Je m'attarderai sur l'audition du représentant du HCR, puisque la commission des lois s'est bornée à recevoir une note de la délégation. Les Afghans sont aujourd'hui pris dans une nasse. Ils ne réussissent pas à obtenir l'asile au titre de la convention de Genève de 1951. Soit la France applique aux Afghans le règlement Dublin II de 2003 : ils sont alors transférés en Grèce avec les conséquences que l'on a vues, et nous aimerions que le Gouvernement français nous fasse connaître le nombre de personnes transférées. Soit les Afghans sont réduits à la clandestinité et condamnés à vivre dans l'errance et le dénuement. Les chasser de leurs abris de fortune, les disperser jusqu'à Paris ou les conduire à Angers ou à Nîmes en les privant du soutien des ONG ne résout rien. C'est pourquoi nous défendons cette proposition de résolution afin que le Gouvernement saisisse la Commission européenne qui a seule l'initiative de la mise en oeuvre de la directive de 2001. Nous estimons en effet que le problème des réfugiés afghans du Calaisis concerne toute l'Europe.
Rien n'empêche le Gouvernement d'instituer, au nom du principe de souveraineté inscrit dans la Constitution, une protection complémentaire pour les personnes qui en transit tant que le Conseil européen n'a pas révisé sa position, ce à quoi il ferait bien de s'employer.
Dans un avenir immédiat, nous souhaitons aussi que la France et les autres États de l'Union européenne agissent de concert afin que le programme pluriannuel en matière de liberté, de sécurité et de justice adopté à Stockholm le 11 décembre 2009 aboutisse à de nouvelles directives. La Commission y est favorable. Reste à convaincre les États, à commencer par le nôtre.
J'évoquerai pour finir l'amendement que nous avons déposé, et que la commission des lois a jugé irrecevable. Nous demandons que la protection temporaire soit remplacée par un régime d'asile européen commun. Ce serait l'occasion de substituer à la notion vague et difficilement contrôlable d'afflux massif ou important de réfugiés celle d'afflux durable, de revoir les procédures actuelles lourdes et inopérantes, et d'élargir le champ des personnes susceptibles de bénéficier d'une protection réelle. Je pense aux réfugiés fuyant des zones dévastées par une catastrophe naturelle, comme aujourd'hui les Haïtiens, et à ceux que l'on appelle les « victimes climatiques », exposés au pillage de leurs richesses naturelles et aux effets du sous-équipement.
La France, aux meilleures heures de son histoire, a affirmé sa vocation humaniste. Elle a revendiqué avec fierté d'être une terre d'asile. Ne rompons pas avec cette tradition. Le rapporteur conclut par un étalage de bons sentiments, mais pourquoi ne saisit-il pas l'occasion de faire un pas dans la bonne direction ? Nous demandons au Gouvernement de renoncer à la politique du chiffre et du refoulement, et d'organiser un accueil conforme à l'idéal républicain. Il s'honorerait de prendre des initiatives au niveau de l'Union, et de pallier les insuffisances de la législation européenne par une démarche souveraine. A la façon dont un pays traite ses immigrés, on devine la façon dont il traite ses citoyens. Il est grand temps d'en finir avec la politique liberticide qui prévaut aujourd'hui. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois. - M. Mermaz nous a fait part, en des termes pas toujours aimables à mon égard, des motifs humanitaires qui l'ont conduit à déposer cette proposition de résolution, et dont il n'a pas le monopole... Il souhaite que l'Union européenne étende le bénéfice de la protection temporaire prévue par une directive aux réfugiés afghans, ce qui leur donnerait certains droits pour une durée maximale de trois ans.
Nous souhaitons tous, soyez-en convaincus, que la guerre cesse le plus tôt possible en Afghanistan et que les réfugiés puissent rentrer chez eux. Notre pays contribue d'ailleurs à rétablir la paix dans ce pays. Mais en attendant il faut résoudre les problèmes rencontrés dans les pays où l'errance a jeté ces malheureux et leur assurer un accueil convenable, je dirai même fraternel. (Mme Catherine Tasca hausse les bras)
Toutefois, même les actions inspirées par un souci humanitaire doivent se plier aux règles du droit. Je n'évoquerai pas l'amendement rejeté par la commission des lois, qui n'a pas été redéposé en séance : je n'envisagerai que le texte de la proposition de loi. On peut lui opposer deux objections. La première, c'est que cette proposition ne se fonde aucunement sur l'article 88-4 de la Constitution. Pardonnez-moi de faire un peu de droit : nous sommes ici pour cela, et c'est mon rôle. L'article 88-4 dispose que des propositions de résolutions européennes peuvent être présentées sur des projets d'actes européens ou sur tout document émanant d'une institution européenne, par exemple un livre blanc ou un livre vert : autrement dit elles doivent porter sur des textes. Celle-ci porte sur une action de l'Union qui paraît souhaitable à ses auteurs. M. Mermaz évoqué le précédent de la proposition de résolution de Mme Keller, mais le cas était différent ; nous n'en avons d'ailleurs jamais parlé en commission.
Votre proposition de résolution demande que la France sollicite la mise en oeuvre de la protection temporaire, telle que prévue par une directive du 20 juillet 2001. Selon cette procédure, un État membre peut solliciter la Commission européenne en vue de proposer au Conseil d'attribuer la protection temporaire à un groupe de personnes, en l'occurrence aux réfugiés afghans. Cette démarche est donc totalement étrangère à celle visée par l'article 88-4.
Il est d'autant moins justifié de détourner cet article de sa finalité que la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 -même si vous ne l'avez pas votée- assouplit largement la possibilité de voter des résolutions. Sur la proposition de M. Bel, à laquelle je m'étais associé à titre personnel, nous avons ouvert cette procédure autant que possible.
Il y a donc, pour la commission des lois, un problème de recevabilité. Elle a néanmoins tenu à examiner la question sur le fond : les ressortissants afghans peuvent-ils prétendre au bénéfice de la protection temporaire ?
La directive du 20 juillet 2001 relative à la protection temporaire pose trois critères clairs. Premièrement, les États membres doivent être confrontés à un afflux massif de populations : ce n'est manifestement pas le cas. Eurostat fait état de 7 665 demandes d'asile pour l'ensemble de l'Union ; malgré une remontée depuis 2008, nous restons loin des 45 000 demandes en 2001 !
Deuxièmement, les systèmes d'asile des États membres doivent se trouver dans l'incapacité de traiter dans des conditions normales les demandes d'asile. En réalité, la situation en France, comme dans les autres États, ne montre pas une saturation des systèmes par des demandes émanant d'Afghans.
Troisièmement, le retour dans le pays d'origine doit être impossible. La Cour européenne des droits de l'homme considère que ce retour est possible. Est-il opportun ? C'est une question politique sur laquelle le rapporteur de la commission des lois n'a pas à se prononcer ici.
Le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés, que j'ai consulté, a indiqué que les critères de la protection temporaire n'étaient pas réunis. A ceux qui diraient que ces trois critères ne sont pas cumulatifs, je répondrai qu'en tout état de cause aucun n'est rempli. Pour ces raisons, la commission ne peut que vous inviter à rejeter cette proposition.
La directive de 2001 instituant la protection temporaire est née des suites de la crise de l'ex-Yougoslavie, à un moment où les États membres de l'Union venaient d'accueillir, de façon concertée, des dizaines de milliers de réfugiés kosovars. Vouloir la détourner de sa raison d'être ne servirait en rien la cause que l'on veut défendre, s'agissant d'une protection précaire et provisoire. En outre, une interprétation aussi personnelle d'un texte européen serait mal perçue par nos partenaires et ne manquerait pas d'inquiéter les plus réticents à avancer dans la voie d'une politique commune, à commencer par les Anglais.
Les Afghans ont intérêt à un examen personnalisé de leur situation, au travers d'une demande d'asile, qui peut leur assurer une protection pérenne. J'ajoute que la protection temporaire n'a jamais joué pour les réfugiés irakiens ou somaliens, plus nombreux que les Afghans à demander l'asile en Europe.
Le véritable problème, c'est que les dispositifs européens d'accueil des demandeurs d'asile ne sont pas adaptés, puisqu'ils ne permettent pas de répondre à toutes les situations. Relayant les efforts de la présidence française de l'Union, la Commission européenne a présenté le « paquet asile » qui refond les textes et crée un bureau européen d'appui en matière d'asile, établi à Malte, base d'informations, de réflexion, de propositions et d'initiatives.
Reste que les négociations sont difficiles, tant les positions des États sont éloignées et tant les processus de concertation témoignent d'un faible souci de résultat. Je souhaite donc que la France prenne l'initiative d'une coopération « spécialisée », avec les partenaires qui le souhaitent, pour avancer sur ce sujet en dehors des procédures communautaires.
M. Hubert Haenel. - Très bien.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Affirmons par des actes la volonté des Européens les plus responsables de faire en sorte que le droit sacré de l'hospitalité, héritage des plus nobles traditions des sociétés anciennes, reste une exigence prioritaire pour nos sociétés modernes. (Applaudissements à droite)
M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. - « Le vieux peuple que nous sommes a assez vécu pour savoir qu'il est un champion dont les hommes libres ne se passent pas. II n'ignore pas davantage que sa propre indépendance implique l'appui de ceux qui s'opposent à la tyrannie. Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde ». Ces mots sont ceux du Général de Gaulle à Londres, le 1er mars 1941. Ce pacte vingt fois séculaire, nous continuons à l'honorer chaque jour. La France a inscrit dans sa Constitution, dès 1946, qu'elle accorderait le statut de réfugié à « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ». Elle fut le principal promoteur de la convention de Genève du 28 juillet 1951, qui prévoit que le statut de réfugié est délivré à « toute personne qui craint avec raison d'être persécutée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». Elle fut l'artisan du Pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté à l'unanimité des Vingt-sept, sous présidence française, le 16 octobre 2008.
Fidèle à sa tradition d'asile, la France est toujours en pointe sur le sujet. C'est elle qui pousse à la création d'un régime d'asile européen commun ; c'est moi qui m'efforce de convaincre nos partenaires d'agir plus vite. C'est à l'instigation de la France qu'il y aura prochainement un bureau européen d'appui à Malte. La France est la seule à ce jour à mener un programme de réinstallation, sur une base volontaire, des réfugiés somaliens et érythréens en provenance de Malte : la France en a accueilli 100.
La France n'a pas de leçons à recevoir. Fidèle à sa tradition, elle est même le pays qui accueille le plus de demandeurs d'asile après les États-Unis. Le nombre de demandes a augmenté de 10 % l'an dernier ; 10 900 ont été acceptées en 2009 contre 9 700 en 2008, soit une augmentation de 12,5 %, et 32 % sur deux ans. Le nombre de places en Cada est passé de 5 000 en 2000 à 17 000 en 2006 ; il y en a 21 000 et 1 000 autres seront créées sur le budget 2010. Au total, l'asile représentait 289 millions en 2009 et 310 millions en 2010 sur un budget de 600 millions ; il mobilise plus de la moitié de mon budget et ses crédits ont augmenté de 10 %.
La proposition de résolution européenne déposée le 14 décembre dernier par le groupe socialiste renvoie, comme l'a noté le rapporteur de la commission des lois, à une directive déjà adoptée. Elle n'est donc pas conforme à l'article 88-4 de la Constitution et, en dépit de son apparente générosité, elle est inopportune et contreproductive. D'ailleurs, malgré la sincérité de votre description, vous n'avez semblé ni convaincant ni convaincu par votre proposition. Aucune des conditions requises par la directive de 2001 n'est en effet remplie. Il faut à la fois un afflux massif, une saturation des procédures et une impossibilité du retour dans le pays d'origine. Ces trois conditions doivent être constatées à la majorité qualifiée par le conseil sur proposition de la Commission européenne. Aucun pays membre ne l'a souhaité, et d'abord parce que le nombre de réfugiés afghans est contenu : inférieur à 45 000 en 2001, il est revenu à moins de 15 000 en 2009. Le nombre de réfugiés afghans est inférieur à celui des Irakiens et égal à celui des Somaliens. L'Afghanistan ne compte pas parmi les cinq premières nationalités pour les demandes d'asile en France : ce sont la Serbie, le Sri Lanka, l'Arménie, la République démocratique du Congo et la Russie. Les 702 demandeurs d'asile afghans représentent 2 % de la demande globale. Et cela pour une raison simple : la France est pour eux un pays de transit vers l'Angleterre, la Suède, la Norvège, le Danemark. Leur présence dans des conditions précaires autour des gares du Nord et de l'Est ou à Calais n'est pas due à une insuffisance des dispositifs d'accueil mais à ce qu'ils ne nous demandent pas l'asile !
Le hangar de Sangatte ? Vous êtes l'un des seuls, monsieur le ministre, à décrire comme un lieu gentil et tranquille une zone de rackets où des malheureux qui ont déjà payé leur passeur 25 000 euros doivent encore payer un millier d'euros chaque tentative de voyage en Angleterre. L'État ne peut pas être schizophrène, lutter contre les filières mafieuses et laisser des passeurs exercer librement leur trafic dans des zones de rackets. Contrairement à ce que vous avez suggéré, le 22 septembre au soir, nous avons offert une possibilité d'hébergement : 125 mineurs ont dormi dans des centres d'hébergement et 200 places avaient été prévues pour les adultes, mais elles n'ont pas été utilisées. Votre description de la situation post-jungle est objectivement fausse.
Comme les collectivités locales, l'État a joué son rôle face au grand froid. Il aide matériellement et financièrement les associations.
Quant aux mineurs, la France se singularise en ne raccompagnant aucun mineur isolé. Nous allons au-delà de la demande du Haut commissariat aux réfugiés : la France respecte sa tradition et puisque le citoyen, le contribuable, paie suffisamment cher cette obligation, ne nous auto-flagellons pas ! Je regrette ces descriptions caricaturales... (« Très bien ! » à droite) Les demandeurs d'asile qui auraient vocation à une protection temporaire en application de la directive de 2001 bénéficient du droit d'asile.
Aucune saturation ne ralentit l'examen des dossiers. En 2009, 352 demandes ont été présentées à l'Ofpra, organisme indépendant dont je respecte scrupuleusement toutes les décisions ; le statut de réfugié a été accordé à 127, le taux de reconnaissance progressant de 32 à 36 %.
Le retour dans le pays d'origine n'est pas impossible, qu'il soit volontaire ou forcé. La France a mis en oeuvre des mesures d'éloignement vers l'Afghanistan chaque année depuis vingt ans, y compris entre 1997 et 2001 -j'étais alors dans la majorité- et alors que les Talibans étaient au pouvoir. Ce n'est donc pas une nouveauté liée à ce Gouvernement. La France a agi comme tous les pays européens, comme l'Angleterre travailliste...
M. Marcel-Pierre Cléach. - Et pan !
M. Eric Besson, ministre. - Le Royaume-Uni a reconduit 1 000 Afghans en 2009, la Norvège 100, l'Allemagne 40, la Suède et les Pays-Bas une dizaine... Tous les pays cibles des filières mafieuses en provenance d'Afghanistan ont reconduit des Afghans. Le Gouvernement a veillé à ce que toutes les solutions alternatives aux mesures d'éloignement soient proposées. Chacun s'est vu proposer le dépôt d'une demande d'asile et nous avons ouvert un bureau à Calais parce que les associations avaient regretté l'éloignement de Lille.
M. Christian Cointat. - Très bien !
M. Eric Besson, ministre. - Certains avaient déjà déposé une demande dans un autre pays européen, où ils ont donc été réadmis ; d'autres se sont vu refuser l'asile par l'Ofpra, d'autres enfin n'avaient pas souhaité le demander. Une aide au retour volontaire a été systématiquement proposée et plus de 200 Afghans en situation irrégulière l'ont demandée ; il y a eu douze reconduites forcées mais 200 volontaires. Tous ont bénéficié d'une assistance juridique et administrative par des associations financées par l'État car c'est bien l'État qui les rémunère et les indemnise. Tous, aussi, ont été présentés devant un juge de l'ordre judicaire qui a validé l'ensemble de la procédure. Tous les recours ont été rejetés, l'éloignement n'exposant pas ces personnes à des traitements inhumains. La Cour européenne des droits de l'homme, elle-même, a rejeté les recours. Chacune de ces personnes a été identifiée comme Afghane par l'ambassadeur afghan, conformément à l'accord passé en 2002 entre les gouvernements français, afghan et le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies.
Les lois de la République ont été respectées. J'invite le Sénat à réfléchir sur le fait que la France ne peut pas être le pays le plus généreux au monde après les États-Unis et l'un des seuls à refuser toute mesure de reconduite forcée de ressortissants afghans en situation irrégulière.
On ne peut pas à la fois être attaché à la demande d'asile, et ne pas admettre que ceux qui n'ont pas pu faire la preuve qu'ils relevaient bien de l'asile ont vocation à rejoindre leur pays d'origine. Dans aucun pays au monde, le seul fait d'être originaire d'un pays en guerre ne vaut titre de séjour. La France ne peut accueillir l'ensemble des ressortissants de cette vingtaine de pays. Les 31 millions d'Afghans, en particulier, ne disposent pas d'un titre de séjour en France au seul motif de leur nationalité. S'ils s'estiment persécutés, ils doivent déposer une demande d'asile.
Cette proposition de résolution est donc à la fois inopportune et contreproductive, parce qu'elle porte atteinte à cette grande tradition républicaine de l'asile qui est fondamentalement incompatible avec une protection générale et sans condition. Accorder une telle protection reviendrait à encourager l'activité des réseaux mafieux de l'immigration clandestine, qui sont aussi ceux du trafic et de la traite des êtres humains. Au moment même où les État membres de l'Union travaillent, à l'initiative de la France, au renforcement des frontières extérieures et à l'harmonisation des politiques de l'asile, ce projet de résolution résonne donc, je suis navré de le dire, comme un contresens. (Applaudissements à droite. M. Nicolas About applaudit aussi)
M. Laurent Béteille. - Cette proposition de résolution européenne pose des problèmes de fond et de forme, comme l'a dit notre rapporteur. En premier lieu, ce texte est totalement irrecevable sur le plan juridique car il ne correspond pas au cadre posé par l'article 88-4 de notre Constitution. En effet, cet article permet l'adoption d'une résolution européenne « sur une proposition d'acte » ou « sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne ». Or, cette proposition de résolution a un objet très différent, celui de demander la mise en oeuvre d'une procédure qui résulte d'une directive adoptée par le Conseil en 2001 et transposée dans notre droit en 2005. Pourquoi les auteurs de cette proposition ne se sont-ils pas fondés sur le nouveau droit général de résolution accordé par la réforme constitutionnelle ? La réforme de la Constitution offre de nouveaux droits aux groupes, notamment à ceux de l'opposition. Plutôt que de soumettre à notre examen une proposition qui ne respecte pas la lettre de la Constitution, il aurait été préférable de suivre cette nouvelle procédure.
En second lieu, notre rapporteur a démontré les nombreuses lacunes juridiques de cette proposition de résolution. La directive définit la procédure temporaire comme « une procédure de caractère exceptionnel assurant, en cas d'afflux massif ou d'afflux massif imminent de personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d'origine, une protection immédiate et temporaire à ces personnes, notamment si le système d'asile risque également de ne pouvoir traiter cet afflux sans provoquer d'effets contraires à son bon fonctionnement, dans l'intérêt des personnes concernées et celui des autres personnes demandant une protection ». Les personnes déplacées sont définies comme « les ressortissants de pays tiers ou apatrides qui ont dû quitter leur pays ou région d'origine ou ont été évacués, notamment à la suite d'un appel lancé par des organisations internationales, dont le retour dans des conditions sûres et durables est impossible en raison de la situation régnant dans ce pays ». Trois conditions sont ainsi posées pour mettre en oeuvre cette procédure. Or, cette proposition ne répond à aucun des critères cumulatifs de la protection temporaire.
Le premier critère implique l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées. M. le rapporteur a consulté le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés afin de connaître les chiffres récents en matière de demandes d'asile des réfugiés afghans. Les données statistiques sont très claires : nous ne faisons pas face à un afflux massif. Le nombre de demandes d'asile était assez important au début des années 2000, notamment lors du pic en 2001 avec plus de 45 000 demandes, mais aujourd'hui il n'y a qu'un millier de demandes par mois. La directive a prévu le système de protection temporaire pour répondre au phénomène des Balkans, notamment au Kosovo. Si le groupe UMP est extrêmement sensible aux difficultés rencontrées par les réfugiés afghans, leur situation d'aujourd'hui n'est ni comparable avec celle du début des années 2000 ni avec celle des réfugiés des Balkans dans les années 1990. Je salue la démarche de M. Fauchon qui a consulté le Haut commissariat des Nations unies, dont l'implication dans la sauvegarde des droits et le bien-être des réfugiés ne saurait être contestée. Ainsi, nous pouvons analyser une situation particulièrement sensible à partir de données objectives. L'émotion, en la matière, ne saurait garantir les meilleures actions, bien au contraire.
J'en viens au deuxième critère : le déclenchement du mécanisme de protection temporaire implique que le pays d'accueil ne puisse faire face aux demandes d'asile. Or, la France est tout à fait capable de les gérer. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : il y a eu 702 demandes auprès de la France en 2009. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a déjà rendu 352 décisions dont 127 ont été positives, ce qui prouve que le système d'asile fonctionne parfaitement.
Enfin, la troisième condition prévoit que les personnes déplacées ne peuvent retourner dans leur pays d'origine dans des conditions sûres. Or, comme l'a rappelé le rapport de M. Haenel, le retour en Afghanistan ne se heurte pas à une impossibilité absolue.
Enfin, la protection temporaire n'offre par définition aucune perspective de long terme. Elle permet d'octroyer aux personnes bénéficiaires un permis de séjour de six mois. Il est dans l'intérêt des Afghans qui en font la demande de bénéficier d'une protection individuelle grâce aux autres procédures existantes, telles que la protection subsidiaire, qui offre une sécurité juridique bien plus importante. Au regard de ces remarques, le groupe UMP ne votera pas cette proposition de résolution. (Applaudissements à droite. M. Nicolas About applaudit aussi)
Mme Éliane Assassi. - A la fin de l'année dernière, la brutale évacuation par les forces de police d'un lieu de regroupement de jeunes clandestins afghans près de Calais, et l'expulsion de quelques-uns d'entre eux vers leur pays d'origine, a attiré l'attention de l'opinion publique sur la situation dramatique de ces hommes. La totalité d'entre eux avait d'abord été placée dans des centres de rétention administrative, puis remis en liberté sur décision judiciaire. Ces évènements avaient suscité une grande émotion et indigné nos concitoyens. Ils démontraient que le dispositif mis en place par le Gouvernement pour lutter contre l'immigration irrégulière était inadapté et inefficace : il manquait de cohérence et ne pouvait donc résoudre de façon juste et humaine le problème posé par cet afflux de réfugiés. C'est pourquoi des associations ont récemment tenté d'ouvrir un nouveau centre d'hébergement à Calais.
C'est dans ce contexte qu'intervient cette proposition de résolution européenne. Avec cette résolution, nos collègues demandent au Gouvernement, conformément à la directive européenne du 20 juillet 2001, de transmettre à la Commission une demande de déclenchement du mécanisme de « protection temporaire ». Ils souhaitent également que la France incite ses partenaires européens qui sont, comme nous, engagés dans des opérations militaires en Afghanistan, à négocier entre eux afin que ces populations soient accueillies temporairement et dans des conditions décentes.
Face à la gravité, à l'urgence et à la dégradation de cette situation, il est indispensable d'activer ce mécanisme prévu par des textes européens afin de régler au plus vite un problème auquel notre Gouvernement est incapable de répondre. La fermeture de la « jungle » de Calais n'a abouti qu'à masquer ce problème et à le déplacer à Paris autour des gares du Nord et de l'Est.
Nous nous opposons avec vigueur à ces « retours forcés » qui, bien que leur nombre soit très limité, se font au mépris de toute considération humanitaire et ne tiennent aucun compte de la situation qui se dégrade en Afghanistan : on n'expulse pas des gens vers un pays en guerre !
Pourquoi ne pas s'en remettre à la procédure de protection temporaire, ou bien à une harmonisation par le haut des systèmes d'asile communautaire ? Mais nos rapporteurs de la commission des lois et des affaires européennes se réfugient derrière une argumentation spécieuse pour justifier leur opposition. Ils considèrent que les trois conditions de déclenchement du mécanisme de la protection temporaire ne sont pas réunies. Comment peut-on pourtant prétendre qu'il n'y ait pas un afflux de ressortissants afghans alors qu'au premier semestre 2009 plus de 9 000 personnes sont entrées dans l'Union européenne, ce qui les place au troisième rang derrière les Irakiens et les Somaliens ? Certes, cet afflux ne désorganise pas, au sens de la directive, le système d'asile des États membres. Mais cela ne devrait pas nous empêcher de créer un système d'asile subsidiaire comme nous y autorise une directive de 2004.
Si vous craignez que cela ne crée un « appel d'air » pour l'immigration clandestine et que nous ne puissions régler seuls cette question...
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Je n'ai jamais dit ça !
Mme Éliane Assassi. - Pas vous, monsieur le rapporteur, mais M. le ministre !
Nous devrions donc discuter de cette question au niveau européen comme le propose cette résolution.
Enfin, comment considérer que la situation afghane est suffisamment sûre pour permettre à ceux qui l'ont quitté de rentrer dans leur pays ? Ces arguties juridiques ne nous étonnent guère, puisque vous soutenez la politique très restrictive en matière de droit d'asile menée par le ministre de l'immigration et de l'identité nationale.
Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, notre politique d'asile ne fonctionne plus correctement. Bien que la France soit encore le premier pays européen et le second pays dans le monde pour le nombre de demandeurs, le pourcentage de réponses favorables accordées par l'Ofpra ne cesse de diminuer.
Le rapport de la Cimade publié avant-hier craint « un rabaissement du droit d'asile ». Il dénonce l'accélération des procédures qui a pour effet d'augmenter le nombre de rejets.
Cette politique ne fonctionne pas non plus au plan européen et sera même durcie avec la directive Retour qui allongera considérablement la durée d'enfermement dans les centres de rétention. La création d'un bureau européen de l'asile à Malte ira dans le sens d'un alignement par le bas des procédures d'asile européennes. Lorsque cette directive sera transposée dans notre droit national, nous la combattrons fermement. L'enfermement des personnes en situation irrégulière est exceptionnel, il ne doit pas devenir un banal outil de politique migratoire.
Toutes les conditions sont réunies pour adopter cette résolution qui pose clairement les données de l'enjeu et propose des alternatives crédibles à votre politique. (Applaudissements à gauche)
M. Richard Yung. - Nous avons visé l'article 88-4 car nous avons suivi la démarche de Mme Keller et du Sénat lui-même à propos du marché du CO2. (M. le rapporteur le conteste) On est bien dans le même cas de figure. Nous avons été de bonne foi ; la commission aurait pu l'être aussi et nous avertir à temps.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Elle l'a fait. Me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Richard Yung. - Non.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Ce n'est pas très gentil de votre part.
M. Richard Yung. - Vous ne l'avez pas été non plus !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Vous nous avez habitués à plus de courtoisie.
M. Richard Yung. - Les deux commissions ont considéré que les critères posés par la directive du 20 juillet 2001 n'étaient pas remplis : les États membres ne seraient pas confrontés à un afflux massif de réfugiés afghans, le fonctionnement normal des systèmes nationaux d'asile ne serait pas empêché et ces Afghans ne seraient pas dans l'impossibilité de retourner dans leur pays.
La notion d'afflux massif n'a pas été définie. L'article 2 de la directive de 2001 fait seulement référence à un « nombre important de personnes déplacées » mais qu'est-ce qu'un « nombre important » ? 500 ? 5000 ? 50 000 ? Il y a eu 200 000 réfugiés afghans en Europe en une décennie ; si ce n'est pas un « afflux massif », qu'est-ce que c'est ?
Vous avez récemment annoncé, monsieur le ministre, un projet de loi visant à faire face à des « afflux massifs » d'étrangers en situation irrégulière. Du point de vue du Gouvernement, il suffit de 124 migrants kurdes échoués sur une plage corse pour prendre une initiative politique. Deux poids, deux mesures. Selon que vous serez Afghan ou Kurde...
Les deux rapporteurs estiment qu'aucun État membre « ne se trouve dans une situation telle que son système d'asile serait submergé et dans l'incapacité de traiter les demandes afghanes et celles provenant d'autres nationalités ». Cette affirmation révèle une profonde ignorance des dysfonctionnements des systèmes nationaux d'asile, dont la situation dans le Calaisis est le principal révélateur.
Nous n'avons eu que 702 demandeurs afghans en 2009 ? Pourquoi ne sont-ils pas plus nombreux à demander l'asile en France ? Parce qu'ils ne sont pas en capacité de le faire ou parce qu'ils craignent d'être expulsés, en vertu du règlement Dublin Il du 18 février 2003, vers des pays qui accordent plus difficilement le statut de réfugié. Il existe en effet, au sein de l'Union européenne, de très fortes inégalités de traitement des demandeurs d'asile. Le taux de reconnaissance du statut de réfugié varie de moins de 1 % en Grèce à 75 % en Europe du nord. On comprend que les Afghans choisissent !
En outre, les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) sont engorgés et le dispositif de premier accueil a été démantelé. Cette situation préoccupante ne devrait malheureusement pas s'améliorer en 2010. Quelques centaines d'Afghans errent ainsi dans des conditions indignes de l'humanité -même pour des gens dans l'illégalité. Heureusement que des pouvoirs locaux et des associations agissent -vous les pourchassez donc !
Dans certains pays, la situation est encore pire. Lorsqu'il était encore commissaire européen, M. Barrot, un de vos amis...
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Et je m'en flatte : il fut un de mes proches collaborateurs.
M. Richard Yung. - ...est revenu effaré de sa visite dans les centres d'hébergement grecs.
Nos deux rapporteurs estiment que « le critère de l'impossibilité du retour dans le pays d'origine n'est pas davantage rempli ». En d'autres termes, l'Afghanistan serait un pays sûr, une terre promise.
M. Éric Besson, ministre. - Qui a dit cela ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Le sujet est trop sérieux pour que vous plaisantiez avec !
M. Richard Yung. - La situation est si difficile que le gouvernement afghan lui-même demande qu'on ne lui renvoie plus de réfugiés !
Ce que je n'arrive pas à comprendre c'est votre résistance obstinée à toute recherche d'une solution. Nous en avons avancé ; vous pourriez les discuter mais vous donnez l'impression de vouloir ne surtout pas résoudre ce problème, (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Je ne puis accepter que M. Yung m'accuse de n'avoir pas dit en commission que la référence à l'article 88-4 n'était pas pertinente. Je vous renvoie aux pages 18 et 19 du rapport. Mme Boumediene-Thiery se souvient sans doute qu'elle a « reconnu la réalité du problème de recevabilité ». M. Yung est intervenu dans le débat et, comme j'avais évoqué les « babouches de la Constitution », il a dit « baiser ces babouches ». Il ne peut avoir oublié un moment aussi pittoresque ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. le président. - Faites porter des babouches à M. Yung ! (Sourires)
M. Yvon Collin. - L'analyse du rapporteur, péremptoire et essentiellement juridique, me laisse sceptique. En effet, quand bien même ce texte a été déposé à la suite de l'éloignement de ressortissants afghans à l'automne 2009, comment le qualifier de circonstanciel alors que l'on compte plus de 2,8 millions de réfugiés afghans dans le monde ? Quand, dans le nord de la France et à Paris même, plusieurs centaines d'entre eux vivent dans la rue et dorment sous les ponts ? Le démantèlement spectaculaire, le 22 septembre dernier, de la « jungle » de Calais a suscité l'émotion d'une partie de l'opinion publique.
Malgré les annonces gouvernementales, le problème reste entier, le Royaume-Uni et la France continuant à se renvoyer la balle ! Quant aux retours forcés, vous connaissez notre opposition à une procédure dont les conditions de sécurité ne sont pas satisfaisantes.
Les États membres de l'Union européenne ne seraient pas confrontés à un afflux massif de réfugiés afghans empêchant le bon fonctionnement des systèmes d'asile ? Je ne vais pas ergoter sur les chiffres mais tout de même : 9 135 demandes d'asile de réfugiés afghans dans l'Union européenne au premier semestre 2009, dont plus de 700 en France, ce n'est pas négligeable ! D'autant que le règlement de Dublin masque la réalité.
L'État pakistanais a lui-même jugé son voisin suffisamment instable pour prolonger son hospitalité au 1,7 millions de réfugiés afghans... En réalité, cette proposition de résolution invite à une réflexion politique et humanitaire. Il faut à l'évidence un traitement particulier pour les Afghans, victimes d'une crise qui a conduit à l'intervention de la France au sein d'une coalition internationale.
Mme Catherine Tasca. - C'est sûr.
M. Yvon Collin. - Ne les laissons pas dans la détresse. Le HCR est très inquiet du nombre croissant d'enfants sans abri à Calais. Des enfants de 9 ans voyagent avec un grand frère, une grande soeur, un proche plus âgé. Il y a quelques années, l'écrivain Atiq Rahimi, prix Goncourt 2008, fut un réfugié afghan débarquant démuni de tout à Paris. A l'époque, il fut très bien accueilli. Aujourd'hui, dans une lettre ouverte de protestation, que n'aurait pas reniée l'Abbé Pierre, il s'indigne que la France « poursuive les réfugiés afghans comme des criminels ». « Il y a certainement eu une époque, écrit-il, où on appelait un immigré un homme. Même s'il était sans papiers. (...) Ne jetons pas dans les eaux du canal le manteau que Saint-Martin a partagé avec un pauvre. » (Applaudissements et « bravo » sur les bancs socialistes)
La proposition socialiste répond à cet appel et prévoit une protection au moins temporaire aux réfugiés afghans, dans les pays européens engagés dans le conflit militaire. Ce texte mérite d'être amélioré au plan juridique mais la grande majorité du groupe RDSE le votera car elle en partage la philosophie. Il faut une politique européenne plus efficace et plus ambitieuse en matière d'asile.
« Mieux partager la charge du fardeau des réfugiés » et « présenter un visage plus humain », tels étaient les deux objectifs du Pacte européen sur l'immigration et l'asile. Pourtant, l'asile est de plus en plus sacrifié au nom de la nécessité proclamée d'une « maîtrise » sélective de l'immigration. Les changements de procédures, l'examen souvent expéditif des demandes, le raccourcissement des délais de recevabilité, l'absence de traducteurs et d'avocats mettent en péril l'exercice du droit d'asile.
La Commission a présenté deux paquets de mesures, en 2008 et 2009, pour harmoniser les normes d'accueil. Où en sont les discussions ? Elles peinent à aboutir, semble-t-il.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Eh oui...
M. Yvon Collin. - L'agence des Nations unies pour les réfugiés demande une approche européenne commune au sein de l'Union européenne, qui inclurait l'accès à des tuteurs qualifiés, à des procédures justes pour déterminer l'âge des enfants, à des structures d'accueil appropriées. Monsieur le ministre, quelles actions entend mener la France pour faire avancer l'idée d'un régime d'asile européen commun ? Mais, d'abord, monsieur le ministre, avez-vous cette volonté ? Si oui, quelles mesures autres que répressives et policières entendez-vous mettre en oeuvre en faveur de ces réfugiés afghans, victimes d'enjeux qui les dépassent ? Forts de notre humanisme et de notre tradition de tolérance, et dans la droite ligne des principes du radicalisme politique, la grande majorité des membres de mon groupe et la totalité des sénateurs radicaux de gauche approuveront cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et les bancs socialistes)
Mme Bariza Khiari. - Lors d'une séance de questions cribles, je vous avais interpellé, monsieur le ministre, sur la reconduite de plusieurs Afghans dans leur pays, expulsion incohérente au regard de l'engagement militaire de la France en Afghanistan. Nous vous alertions sur l'indignité des charters, vous avez invoqué la lutte contre « les filières criminelles et mafieuses de l'immigration clandestine » et la conformité aux normes juridiques. Chaque fois que nous interpellons le Gouvernement, on nous répond : « sécurité ». Or vous avez fermé Sangatte : le flux d'Afghans a-t-il cessé ? Vous avez démantelé la jungle : le flux d'Afghans a-t-il cessé ? Non. Les demandes d'asile, en revanche, diminuent : les clandestins seront-ils plus nombreux ? Oui !
Le même individu, selon qu'il est réfugié ou clandestin, n'a pas le même comportement. Dans un cas, il travaille, cotise et s'intègre ; dans l'autre, il se cache, souffre et s'en remet à de mauvaises mains. Où est la sécurité : du côté de la clandestinité ou du côté de l'intégration ? Faut-il vraiment que des milliers d'hommes et de mineurs soient les otages de campagnes électorales ? Plus il y a de réfugiés, moins il y a de clandestins. C'est une question de statut, non de qualité, d'itinéraire, non de moralité. Certes, tous ne sont pas éligibles au droit d'asile. Mais le droit d'asile est devenu une fabrique de clandestins. Le même migrant n'obtiendra pas le statut de réfugié en Grèce, alors que la France le lui accorderait.
Si les demandes d'asile ont diminué, ce n'est pas parce que le flux de migrants s'est tari, ni parce que les filières sont démantelées, mais parce que les personnes fuyant les conflits dans leur pays n'ont aucun intérêt à déposer une demande d'asile en France car elle aboutirait automatiquement à une reconduite vers le pays d'entrée dans l'Union européenne, où le droit est moins favorable.
M. Fauchon nous dit que la directive protection temporaire ne peut s'appliquer aux Afghans. Mais nous voulons que l'on prenne en considération la notion d'afflux durable et que l'on trouve des solutions afin que les personnes qui fuient un conflit puissent exercer leurs droits ; et celles qui n'obtiendront pas le statut de réfugiés doivent néanmoins être préservées d'un retour forcé et recevoir un statut administratif temporaire. La clandestinité n'est pas une fatalité.
Que la France applique la clause la souveraineté prévue par la convention de Dublin II et que les examens des demandes d'asile aient lieu en France et non dans le pays d'entrée, en l'occurrence la Grèce. Cela relève d'une décision politique : l'envisagez-vous ?
Pour les Afghans en transit en France, qui attendent de pouvoir passer en Angleterre, envisagez-vous des mesures nationales ad hoc, afin qu'ils n'aient plus à craindre un retour forcé et obtiennent certains droits temporaires ?
L'Europe a tendance à considérer la migration comme une installation définitive ; mais nombreux sont ceux qui souhaitent retournez chez eux dès l'apparition de jours meilleurs. Une plus grande solidarité européenne s'impose, il convient de revoir le règlement de Dublin II. Lorsqu'il y a saturation dans les procédures d'asile, il faudrait pouvoir suspendre les délais légaux d'examen des dossiers. Le règlement permet en théorie à un demandeur d'asile séjournant dans un autre pays européen d'adresser sa demande à la France ; mais cette possibilité est théorique. Pourquoi ne pas envisager que le demandeur d'asile choisisse le pays où il souhaite faire sa demande et qu'il y soit conduit le temps de la procédure ?
Ne nous en remettons pas sur ce sujet à une improbable décision européenne. Mettons en avant la clause de solidarité. Et, monsieur le ministre, nous avançons des pistes de réflexion et des propositions concrètes : nous espérons que vous saurez nous entendre. (Applaudissements)
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Vous avez raison, monsieur Fauchon : en commission, j'étais d'accord avec vous sur l'article 88-4.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Vous ne m'en voulez pas ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nullement, mais je ne reviendrai pas sur la procédure : je préfère me concentrer sur le fond. Il faut imaginer un instrument ad hoc pour répondre à l'afflux de migrants afghans. C'est une question humanitaire. Ils ont besoin d'un soutien moral et matériel.
L'Union européenne a entamé une harmonisation des procédures du droit d'asile. Ce n'est pas sous l'impulsion de la France, contrairement à ce qui s'est passé pour le pacte relatif à l'immigration et à l'asile. La décision européenne a été prise à Tampere en 1999, je le sais car j'y étais. Or les paquets asile se succèdent mais n'aboutissent pas et le paquet II n'a toujours rien réglé. Prendre en compte la situation des Afghans et promouvoir une réforme ambitieuse du droit d'asile européen sont les deux faces de la même question. Je la connais pour avoir siégé au Parlement européen et être co-rapporteur de la commission des affaires européennes avec M. del Picchia.
Un texte ambitieux a été présenté par la Commission européenne mais il donnera lieu sans doute à un compromis sur les conditions d'accueil. En outre, il entrera en vigueur en 2012. Et en attendant ? La proposition de résolution doit donc être examinée en urgence, d'autant que certaines situations n'existaient pas en 2001 ou en 1999.
L'échelon européen est le plus pertinent : on ne peut avoir une politique d'asile différente dans chaque État, elle doit être à 100 % européenne. (M. le rapporteur approuve) S'agissant des États de transit, il faut trouver un outil juridique simple qui n'aboutisse pas à la solution radicale du retour forcé. La politique d'asile doit être adaptée à des situations nouvelles, tel ce flux important.
Dans ces circonstances, seule une refonte complète du droit d'asile permettra de faire face. Faut-il renoncer à appliquer la directive de protection temporaire aux Afghans ? J'avais évoqué cette possibilité au lendemain de la scandaleuse reconduite d'Afghans à la frontière. La directive de 2001 est un exemple de solidarité européenne, pourquoi ne pas l'appliquer directement ? Ou bien faire prendre une deuxième directive, ce dont nous nous honorerions d'être à l'initiative ?
La protection temporaire est applicable aux Afghans car les critères de la directive de 2001 ne sont pas cumulatifs : je le sais pour avoir participé au débat du Parlement européen. L'Afghanistan est en guerre, les réfugiés affluent, même si c'est moins qu'en 2000. Nous devons nous adapter à cette situation, c'est une question de courage politique.
Monsieur le ministre, vous refusez de protéger les Afghans, alors que le site de l'ambassade de France en Afghanistan déconseille aux Français de se rendre dans ce pays. Le décret de 2005 peut parfaitement être modifié, rien n'interdit de créer un régime particulier pour les réfugiés afghans. Rien ne s'oppose à mettre fin à ce scandale consistant à renvoyer des réfugiés dans un pays en guerre : rien, sinon votre manque de courage politique ! (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Cointat.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de résolution européenne portant sur la protection temporaire (n° 159, 2009-2010).
M. Christian Cointat. - Cette motion ne vise en rien le contenu de cette résolution mais seulement le droit, ce qui est du reste le propre des motions d'irrecevabilité, ce qu'on oublie hélas trop souvent !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - C'est vrai !
M. Christian Cointat. - Je rappelle à MM. Mermaz et Yung que la proposition de résolution déposée par Mme Keller s'inscrivait bien dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, car la Commission européenne devait adopter un règlement et la Haute assemblée était dans son rôle en indiquant au Gouvernement ce qu'elle entendait y voir figurer. La commission des lois doit veiller à la bonne application du droit. M. Fauchon a rappelé les termes de l'article 88-4 : « Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets d'actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne. Selon des modalités fixées par le Règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne ». M. Fauchon parle en connaisseur, puisqu'il était notre rapporteur pour la révision constitutionnelle de 1999, où cet article 88-4 a été adopté.
La proposition de résolution de nos collègues socialistes ne vise ni un projet d'acte européen ni un document émanant d'une institution européenne, par exemple un livre vert ou un livre blanc. Elle invite à la réforme des instruments européens en matière d'asile et de protection internationale et elle demande que la France sollicite de la Commission européenne qu'elle propose au Conseil d'attribuer aux ressortissants afghans le bénéfice de la protection temporaire. C'est, chacun en conviendra, très éloigné du texte comme de l'esprit de l'article 88-4.
Cette motion d'irrecevabilité ne veut pas escamoter le débat sur les conditions d'accueil des réfugiés afghans : nous venons de l'avoir. Mais ne jouons pas avec le droit car, comme l'a dit Lacordaire, face à l'injustice, le droit libère et la liberté opprime ! Nous devons respecter les procédures prévues par notre Constitution : l'article 88-4, qui permet d'adopter des résolutions dans des cas précis, et l'article 34-1, instauré par la révision constitutionnelle de juillet 2008 et qui prévoit un droit général de résolution. Les deux régimes sont distincts et nous devons d'autant plus respecter les conditions fixées par l'article 88-4 que l'article 34-1 nous offre un droit général de résolution, qui n'est pas soumis au passage en commission. Nous ne sommes pas seuls, nos partenaires européens nous regardent : prenons garde à toute dérive d'interprétation, qui ne ferait que renforcer les réticences de ceux qui ne veulent pas d'une Europe forte et qui cherchent partout à en limiter les avancées ! (Applaudissements à droite)
M. Richard Yung. - Nous sommes tout à fait dans notre rôle lorsque nous recommandons au Gouvernement d'intervenir auprès de la Commission pour modifier la législation européenne ! Vous dites que nous devons prendre garde à ne pas toucher la directive de 2001, mais nous constatons que ce texte n'est pas opérationnel, qu'il ne sert à rien, que c'est du mauvais droit !
La Haute assemblée a déjà eu recours à l'article 88-4 pour les quotas de CO2, où une directive était également visée, vous ne m'avez pas démontré que ce n'est pas la même chose ici !
M. Christian Cointat. - Si ! Je vous ai répondu : un projet de règlement était en cours !
M. Richard Yung. - Nous posons un problème sensible, auquel nous proposons deux solutions : la clause de non-renvoi et, si nous avons un peu d'ambition, un débat européen sur le partage de ce qu'il faut bien appeler la charge des réfugiés afghans. Je suis parfaitement en phase avec la coopération renforcée, souhaitée par notre rapporteur, et c'est bien à quoi nous appelons par cette proposition : nous visons les Vingt-sept mais rien ne nous interdit de viser moins d'États si la démarche échouait. Pourquoi, dès lors, repousser notre proposition avec superbe ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Avis favorable à la motion. Cette résolution donnerait un mauvais signal quant au fonctionnement des institutions européennes et barrerait la route à de nouveaux progrès.
M. Éric Besson, ministre. - Même avis.
Mme Catherine Tasca. - M. le ministre a fait l'éloge de la politique d'asile de la France pour ne pas nous répondre sur le coeur de notre proposition : les Afghans. La situation de ces réfugiés revient malheureusement très souvent dans l'actualité : il y a quelques jours encore, une évacuation musclée a eu lieu à Calais. La conception classique de l'asile ne permet pas de répondre à ce type de situation et il nous faut convaincre l'Europe d'adopter une vision plus ambitieuse. Selon certains, la directive de 2001 ne permettrait pas l'octroi aux Afghans d'une protection temporaire, mais il y a des moments où le droit doit être adapté aux situations de crise.
Les deux conditions motivant ce refus ne peuvent être opposées de bonne foi. Tout d'abord, l'afflux massif de refugiés n'est pas contestable : les Afghans sont très nombreux à fuir leur pays. Dans le monde, un réfugié sur quatre est originaire d'Afghanistan. 96 % d'entre eux se rendent au Pakistan et en Iran. Bien que la route vers l'Europe soit longue et semée d'embûches, ils sont 9 000 à y être parvenus au premier semestre 2009, dont 700 en France, au troisième rang après les Irakiens et les Somaliens. Il y a urgence à agir.
La seconde condition est liée à la dangerosité et à l'insécurité dans le pays d'origine. Qui peut nier la situation de guerre sur le territoire afghan et le lourd tribut payé par les populations civiles ? L'Afghanistan est si peu sûr que le programme de rapatriement des réfugiés installés au Pakistan a été interrompu cet été. L'Europe doit prendre sa part à une solution rapide et temporaire pour l'accueil des réfugiés, d'autant que plusieurs États ont décidé d'envoyer de nouveaux renforts en Afghanistan .
Si le dispositif de protection temporaire est si contraignant qu'il ne peut jamais être mis en oeuvre, il faut en changer. Avec cette proposition de résolution, nous souhaitons faire bouger le cadre juridique européen. Nous voudrions pouvoir compter sur notre assemblée pour l'adopter et sur la France pour agir auprès des instances européennes. Allez-vous, mesdames et messieurs les sénateurs de la majorité, décevoir cette attente en vous réfugiant dans un juridisme stérile fondé sur un texte communautaire mort-né ? (Applaudissements à gauche)
A la demande du groupe socialiste, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l'adoption | 183 |
Contre | 152 |
La motion est adoptée.
Prochaine séance demain, jeudi 11 février 2010, à 9 heures.
La séance est levée à 18 h 40.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du jeudi 11 février 2010
Séance publique
À 9 HEURES
1. Proposition de loi visant à supprimer la fiscalisation des indemnités journalières versées aux victimes d'accident du travail, à instaurer la réparation intégrale des préjudices subis par les accidentés du travail et à intégrer le montant des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles versé par les entreprises dans leur chiffre d'affaires soumis à l'impôt sur les sociétés, présentée par Mme Annie David et les membres du groupe CRC-SPG (n° 194, 2009-2010).
Rapport de Mme Annie David, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 256, 2009-2010).
À 15 HEURES
2. Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public (n° 236, 2009-2010).
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 259, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 260, 2009-2010).
3. Proposition de loi relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers, présentée par M. Christian Cambon et plusieurs de ses collègues du groupe UMP (n° 228 rectifié, 2008-2009).
Rapport de M. Michel Houel, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n° 242, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 243, 2009-2010).