Protection temporaire (Proposition de résolution européenne)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne portant sur la protection temporaire, présentée, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, par M. Louis Mermaz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Discussion générale
M. Louis Mermaz, auteur de la proposition de résolution. - L'expulsion d'Afghans par charters franco-britanniques les 21 octobre et 15 décembre dernier nous a conduits à déposer cette proposition de résolution : nous souhaitons que soit déclenchée dans l'Union européenne la protection temporaire, destinée à des personnes qu'on ne peut ni ne doit reconduire dans leur pays d'origine. Ce retour mettrait leur vie en danger du fait de la guerre. Notre groupe a pris cette initiative à l'Assemblée nationale et au Sénat et des élus de gauche ont signé une pétition en ce sens au Parlement européen, à l'initiative des Verts. La situation des Afghans et d'autres réfugiés devrait être résolue dans le cadre européen mais, sans plus attendre, le gouvernement français pourrait se donner les moyens d'y répondre sur son sol. Nous sommes nombreux à déplorer son refus de rechercher une solution digne de nos valeurs.
Nous demandons que, suivant la procédure prévue par une directive européenne de 2001, le Gouvernement sollicite auprès de la Commission et du Conseil l'octroi aux Afghans - en provenance d'Afghanistan et du Pakistan- d'une protection immédiate et collective. Le traitement individuel des dossiers ne répond pas à l'urgence : le recours à la protection temporaire permettrait de pallier les carences de certains États en matière d'asile et de faire prévaloir la solidarité dans toute l'Union. La directive de 2001, qui faisait suite à la procédure ad hoc instituée pour répondre à l'afflux des Kosovars en 1999, n'a jamais été appliquée. Aujourd'hui, elle permettrait aux Afghans et aux autres réfugiés sur le territoire européen de bénéficier d'une protection qui pourrait durer trois ans. Ils pourraient ainsi recevoir un titre de séjour, exercer une activité professionnelle, disposer d'une aide sociale, accéder à l'éducation, obtenir le regroupement familial... Bref, être traités comme des êtres humains.
Les Afghans présents en France souhaitent pour la plupart se rendre en Grande-Bretagne et tentent l'aventure depuis les côtes françaises, en particulier depuis le Pas-de-Calais. Ils ont longtemps été hébergés dans le centre de Sangatte, ouvert en septembre 1999. Je m'y suis rendu en octobre 2000 et en mai 2001 : on s'y efforçait de fournir aux réfugiés le minimum indispensable -repas, hygiène, sécurité, information. Sa fermeture en décembre 2002 et son démontage sous le prétexte fallacieux de ne pas créer d'appel d'air ont plongé des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants dans des conditions de vie effroyables. On a parlé de « jungle » mais qui, sinon le Gouvernement, en porte la responsabilité ?
Depuis la dispersion de la « jungle » en septembre 2009, celle-ci s'est en partie reconstituée : les réfugiés errent dans une zone encore plus vaste. En réaction, le Gouvernement demande aux forces de police de détruire des abris de fortune, d'incendier des couvertures. Certains réfugiés avaient trouvé refuge dans une salle réquisitionnée pendant la nuit depuis l'entrée en vigueur du plan « grand froid » : ils couchaient à même le sol sur des cartons. Ce local a été fermé le 19 janvier suite à la levée du plan. Une association a distribué le soir même 150 tentes aux migrants, mais le lendemain la police a reçu l'ordre d'encercler le campement et de démonter les tentes. Depuis, les pouvoirs publics font détruire systématiquement abris et campements. Que va-t-il se passer maintenant qu'une nouvelle vague de froid s'abat sur la région ? La responsabilité du Gouvernement est engagée.
Rappelons aussi les menaces qu'il fait peser sur les hommes et les femmes qui se portent au secours de ces malheureux, en les accusant d'aide à l'immigration clandestine. Que fait-il de l'obligation de porter secours à toute personne en danger ?
La commission des affaires européennes, mieux inspirée que celle de l'Assemblée Nationale, a transmis notre proposition à la commission des lois, qui propose de la rejeter. M. le rapporteur fonde son argumentation sur l'article 88-4 de la Constitution...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Ne vous en déplaise !
M. Louis Mermaz, auteur de la proposition de résolution. - ...selon lequel des résolutions peuvent être adoptées sur des projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne, mais pas sur des directives déjà en vigueur. L'argument serait imparable si notre assemblée n'avait adopté le 7 décembre 2009 une proposition de résolution de Mme Fabienne Keller portant sur une directive carbone du 23 avril 2009.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Errare humanum est.
M. Louis Mermaz, auteur de la proposition de résolution. - Je n'ose imaginer qu'il y ait deux poids et deux mesures selon les souhaits et les humeurs du Gouvernement, si soucieux d'accroître les pouvoirs du Parlement...
Mme Éliane Assassi. - Très bien !
M. Louis Mermaz, auteur de la proposition de résolution. - A la page 10 de son rapport, M. Fauchon s'interroge également sur l'opportunité pour le Parlement d'intervenir dans une procédure sollicitant la Commission européenne. Je le renvoie encore une fois à la proposition de résolution de Mme Keller.
J'en viens à l'examen de la directive de 2001, restée lettre morte. Les critères pour qu'elle soit mise en oeuvre sont les suivants : un afflux massif ou important de personnes déplacées et un dysfonctionnement consécutif de l'exercice du droit d'asile. Nul ne peut contester que les réfugiés afghans sont légion : on en compte environ 2,7 millions dans le monde. Pour l'Europe, les chiffres dont on dispose sont aléatoires et très certainement inférieurs à la réalité. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) considère que les demandes d'asile émanant d'Afghans ont augmenté de 57 % dans l'Union européenne au premier semestre 2009, pour atteindre un total supérieur à 9 000. N'a-t-il pas suffi que 123 Kurdes soient abandonnés sur une plage de Bonifacio pour que le ministre s'émeuve de cette « arrivée massive et inopinée de clandestins » et prévoie une législation spéciale ?
M. Richard Yung. - Très bien !
M. Louis Mermaz, auteur de la proposition de résolution. - Dans le cas des Afghans, il est évidemment impossible de recourir au règlement Dublin II adopté le 18 février 2003. La Commission européenne a d'ailleurs proposé de réformer ce règlement en décembre 2008, sans que le Conseil se soit encore prononcé.
Le second critère est également rempli : le droit d'asile n'est plus garanti. En renvoyant les réfugiés en Grèce, où les conditions d'accueil sont affreuses, ou encore en Hongrie ou en Autriche, la France se dispense d'instruire elle-même les demandes. Or, en Grèce, moins de 1 % des personnes enregistrées par le système Eurodac obtiennent l'asile, contre 36 % en France sur un total de quelques centaines.
Notre groupe parlementaire a auditionné MM. Jacques Ribs et Pierre Henry, président et secrétaire général de France Terre d'Asile, Mme Wihtol de Wenden, chercheur au CNRS, M. Francisco Galindo Velez, représentant du HCR en France, et M. Sadik de la Cimade. Tous nous ont confirmé les dysfonctionnements du droit d'asile, notamment en ce qui concerne les Afghans.
Je m'attarderai sur l'audition du représentant du HCR, puisque la commission des lois s'est bornée à recevoir une note de la délégation. Les Afghans sont aujourd'hui pris dans une nasse. Ils ne réussissent pas à obtenir l'asile au titre de la convention de Genève de 1951. Soit la France applique aux Afghans le règlement Dublin II de 2003 : ils sont alors transférés en Grèce avec les conséquences que l'on a vues, et nous aimerions que le Gouvernement français nous fasse connaître le nombre de personnes transférées. Soit les Afghans sont réduits à la clandestinité et condamnés à vivre dans l'errance et le dénuement. Les chasser de leurs abris de fortune, les disperser jusqu'à Paris ou les conduire à Angers ou à Nîmes en les privant du soutien des ONG ne résout rien. C'est pourquoi nous défendons cette proposition de résolution afin que le Gouvernement saisisse la Commission européenne qui a seule l'initiative de la mise en oeuvre de la directive de 2001. Nous estimons en effet que le problème des réfugiés afghans du Calaisis concerne toute l'Europe.
Rien n'empêche le Gouvernement d'instituer, au nom du principe de souveraineté inscrit dans la Constitution, une protection complémentaire pour les personnes qui en transit tant que le Conseil européen n'a pas révisé sa position, ce à quoi il ferait bien de s'employer.
Dans un avenir immédiat, nous souhaitons aussi que la France et les autres États de l'Union européenne agissent de concert afin que le programme pluriannuel en matière de liberté, de sécurité et de justice adopté à Stockholm le 11 décembre 2009 aboutisse à de nouvelles directives. La Commission y est favorable. Reste à convaincre les États, à commencer par le nôtre.
J'évoquerai pour finir l'amendement que nous avons déposé, et que la commission des lois a jugé irrecevable. Nous demandons que la protection temporaire soit remplacée par un régime d'asile européen commun. Ce serait l'occasion de substituer à la notion vague et difficilement contrôlable d'afflux massif ou important de réfugiés celle d'afflux durable, de revoir les procédures actuelles lourdes et inopérantes, et d'élargir le champ des personnes susceptibles de bénéficier d'une protection réelle. Je pense aux réfugiés fuyant des zones dévastées par une catastrophe naturelle, comme aujourd'hui les Haïtiens, et à ceux que l'on appelle les « victimes climatiques », exposés au pillage de leurs richesses naturelles et aux effets du sous-équipement.
La France, aux meilleures heures de son histoire, a affirmé sa vocation humaniste. Elle a revendiqué avec fierté d'être une terre d'asile. Ne rompons pas avec cette tradition. Le rapporteur conclut par un étalage de bons sentiments, mais pourquoi ne saisit-il pas l'occasion de faire un pas dans la bonne direction ? Nous demandons au Gouvernement de renoncer à la politique du chiffre et du refoulement, et d'organiser un accueil conforme à l'idéal républicain. Il s'honorerait de prendre des initiatives au niveau de l'Union, et de pallier les insuffisances de la législation européenne par une démarche souveraine. A la façon dont un pays traite ses immigrés, on devine la façon dont il traite ses citoyens. Il est grand temps d'en finir avec la politique liberticide qui prévaut aujourd'hui. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois. - M. Mermaz nous a fait part, en des termes pas toujours aimables à mon égard, des motifs humanitaires qui l'ont conduit à déposer cette proposition de résolution, et dont il n'a pas le monopole... Il souhaite que l'Union européenne étende le bénéfice de la protection temporaire prévue par une directive aux réfugiés afghans, ce qui leur donnerait certains droits pour une durée maximale de trois ans.
Nous souhaitons tous, soyez-en convaincus, que la guerre cesse le plus tôt possible en Afghanistan et que les réfugiés puissent rentrer chez eux. Notre pays contribue d'ailleurs à rétablir la paix dans ce pays. Mais en attendant il faut résoudre les problèmes rencontrés dans les pays où l'errance a jeté ces malheureux et leur assurer un accueil convenable, je dirai même fraternel. (Mme Catherine Tasca hausse les bras)
Toutefois, même les actions inspirées par un souci humanitaire doivent se plier aux règles du droit. Je n'évoquerai pas l'amendement rejeté par la commission des lois, qui n'a pas été redéposé en séance : je n'envisagerai que le texte de la proposition de loi. On peut lui opposer deux objections. La première, c'est que cette proposition ne se fonde aucunement sur l'article 88-4 de la Constitution. Pardonnez-moi de faire un peu de droit : nous sommes ici pour cela, et c'est mon rôle. L'article 88-4 dispose que des propositions de résolutions européennes peuvent être présentées sur des projets d'actes européens ou sur tout document émanant d'une institution européenne, par exemple un livre blanc ou un livre vert : autrement dit elles doivent porter sur des textes. Celle-ci porte sur une action de l'Union qui paraît souhaitable à ses auteurs. M. Mermaz évoqué le précédent de la proposition de résolution de Mme Keller, mais le cas était différent ; nous n'en avons d'ailleurs jamais parlé en commission.
Votre proposition de résolution demande que la France sollicite la mise en oeuvre de la protection temporaire, telle que prévue par une directive du 20 juillet 2001. Selon cette procédure, un État membre peut solliciter la Commission européenne en vue de proposer au Conseil d'attribuer la protection temporaire à un groupe de personnes, en l'occurrence aux réfugiés afghans. Cette démarche est donc totalement étrangère à celle visée par l'article 88-4.
Il est d'autant moins justifié de détourner cet article de sa finalité que la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 -même si vous ne l'avez pas votée- assouplit largement la possibilité de voter des résolutions. Sur la proposition de M. Bel, à laquelle je m'étais associé à titre personnel, nous avons ouvert cette procédure autant que possible.
Il y a donc, pour la commission des lois, un problème de recevabilité. Elle a néanmoins tenu à examiner la question sur le fond : les ressortissants afghans peuvent-ils prétendre au bénéfice de la protection temporaire ?
La directive du 20 juillet 2001 relative à la protection temporaire pose trois critères clairs. Premièrement, les États membres doivent être confrontés à un afflux massif de populations : ce n'est manifestement pas le cas. Eurostat fait état de 7 665 demandes d'asile pour l'ensemble de l'Union ; malgré une remontée depuis 2008, nous restons loin des 45 000 demandes en 2001 !
Deuxièmement, les systèmes d'asile des États membres doivent se trouver dans l'incapacité de traiter dans des conditions normales les demandes d'asile. En réalité, la situation en France, comme dans les autres États, ne montre pas une saturation des systèmes par des demandes émanant d'Afghans.
Troisièmement, le retour dans le pays d'origine doit être impossible. La Cour européenne des droits de l'homme considère que ce retour est possible. Est-il opportun ? C'est une question politique sur laquelle le rapporteur de la commission des lois n'a pas à se prononcer ici.
Le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés, que j'ai consulté, a indiqué que les critères de la protection temporaire n'étaient pas réunis. A ceux qui diraient que ces trois critères ne sont pas cumulatifs, je répondrai qu'en tout état de cause aucun n'est rempli. Pour ces raisons, la commission ne peut que vous inviter à rejeter cette proposition.
La directive de 2001 instituant la protection temporaire est née des suites de la crise de l'ex-Yougoslavie, à un moment où les États membres de l'Union venaient d'accueillir, de façon concertée, des dizaines de milliers de réfugiés kosovars. Vouloir la détourner de sa raison d'être ne servirait en rien la cause que l'on veut défendre, s'agissant d'une protection précaire et provisoire. En outre, une interprétation aussi personnelle d'un texte européen serait mal perçue par nos partenaires et ne manquerait pas d'inquiéter les plus réticents à avancer dans la voie d'une politique commune, à commencer par les Anglais.
Les Afghans ont intérêt à un examen personnalisé de leur situation, au travers d'une demande d'asile, qui peut leur assurer une protection pérenne. J'ajoute que la protection temporaire n'a jamais joué pour les réfugiés irakiens ou somaliens, plus nombreux que les Afghans à demander l'asile en Europe.
Le véritable problème, c'est que les dispositifs européens d'accueil des demandeurs d'asile ne sont pas adaptés, puisqu'ils ne permettent pas de répondre à toutes les situations. Relayant les efforts de la présidence française de l'Union, la Commission européenne a présenté le « paquet asile » qui refond les textes et crée un bureau européen d'appui en matière d'asile, établi à Malte, base d'informations, de réflexion, de propositions et d'initiatives.
Reste que les négociations sont difficiles, tant les positions des États sont éloignées et tant les processus de concertation témoignent d'un faible souci de résultat. Je souhaite donc que la France prenne l'initiative d'une coopération « spécialisée », avec les partenaires qui le souhaitent, pour avancer sur ce sujet en dehors des procédures communautaires.
M. Hubert Haenel. - Très bien.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Affirmons par des actes la volonté des Européens les plus responsables de faire en sorte que le droit sacré de l'hospitalité, héritage des plus nobles traditions des sociétés anciennes, reste une exigence prioritaire pour nos sociétés modernes. (Applaudissements à droite)
M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. - « Le vieux peuple que nous sommes a assez vécu pour savoir qu'il est un champion dont les hommes libres ne se passent pas. II n'ignore pas davantage que sa propre indépendance implique l'appui de ceux qui s'opposent à la tyrannie. Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde ». Ces mots sont ceux du Général de Gaulle à Londres, le 1er mars 1941. Ce pacte vingt fois séculaire, nous continuons à l'honorer chaque jour. La France a inscrit dans sa Constitution, dès 1946, qu'elle accorderait le statut de réfugié à « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ». Elle fut le principal promoteur de la convention de Genève du 28 juillet 1951, qui prévoit que le statut de réfugié est délivré à « toute personne qui craint avec raison d'être persécutée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». Elle fut l'artisan du Pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté à l'unanimité des Vingt-sept, sous présidence française, le 16 octobre 2008.
Fidèle à sa tradition d'asile, la France est toujours en pointe sur le sujet. C'est elle qui pousse à la création d'un régime d'asile européen commun ; c'est moi qui m'efforce de convaincre nos partenaires d'agir plus vite. C'est à l'instigation de la France qu'il y aura prochainement un bureau européen d'appui à Malte. La France est la seule à ce jour à mener un programme de réinstallation, sur une base volontaire, des réfugiés somaliens et érythréens en provenance de Malte : la France en a accueilli 100.
La France n'a pas de leçons à recevoir. Fidèle à sa tradition, elle est même le pays qui accueille le plus de demandeurs d'asile après les États-Unis. Le nombre de demandes a augmenté de 10 % l'an dernier ; 10 900 ont été acceptées en 2009 contre 9 700 en 2008, soit une augmentation de 12,5 %, et 32 % sur deux ans. Le nombre de places en Cada est passé de 5 000 en 2000 à 17 000 en 2006 ; il y en a 21 000 et 1 000 autres seront créées sur le budget 2010. Au total, l'asile représentait 289 millions en 2009 et 310 millions en 2010 sur un budget de 600 millions ; il mobilise plus de la moitié de mon budget et ses crédits ont augmenté de 10 %.
La proposition de résolution européenne déposée le 14 décembre dernier par le groupe socialiste renvoie, comme l'a noté le rapporteur de la commission des lois, à une directive déjà adoptée. Elle n'est donc pas conforme à l'article 88-4 de la Constitution et, en dépit de son apparente générosité, elle est inopportune et contreproductive. D'ailleurs, malgré la sincérité de votre description, vous n'avez semblé ni convaincant ni convaincu par votre proposition. Aucune des conditions requises par la directive de 2001 n'est en effet remplie. Il faut à la fois un afflux massif, une saturation des procédures et une impossibilité du retour dans le pays d'origine. Ces trois conditions doivent être constatées à la majorité qualifiée par le conseil sur proposition de la Commission européenne. Aucun pays membre ne l'a souhaité, et d'abord parce que le nombre de réfugiés afghans est contenu : inférieur à 45 000 en 2001, il est revenu à moins de 15 000 en 2009. Le nombre de réfugiés afghans est inférieur à celui des Irakiens et égal à celui des Somaliens. L'Afghanistan ne compte pas parmi les cinq premières nationalités pour les demandes d'asile en France : ce sont la Serbie, le Sri Lanka, l'Arménie, la République démocratique du Congo et la Russie. Les 702 demandeurs d'asile afghans représentent 2 % de la demande globale. Et cela pour une raison simple : la France est pour eux un pays de transit vers l'Angleterre, la Suède, la Norvège, le Danemark. Leur présence dans des conditions précaires autour des gares du Nord et de l'Est ou à Calais n'est pas due à une insuffisance des dispositifs d'accueil mais à ce qu'ils ne nous demandent pas l'asile !
Le hangar de Sangatte ? Vous êtes l'un des seuls, monsieur le ministre, à décrire comme un lieu gentil et tranquille une zone de rackets où des malheureux qui ont déjà payé leur passeur 25 000 euros doivent encore payer un millier d'euros chaque tentative de voyage en Angleterre. L'État ne peut pas être schizophrène, lutter contre les filières mafieuses et laisser des passeurs exercer librement leur trafic dans des zones de rackets. Contrairement à ce que vous avez suggéré, le 22 septembre au soir, nous avons offert une possibilité d'hébergement : 125 mineurs ont dormi dans des centres d'hébergement et 200 places avaient été prévues pour les adultes, mais elles n'ont pas été utilisées. Votre description de la situation post-jungle est objectivement fausse.
Comme les collectivités locales, l'État a joué son rôle face au grand froid. Il aide matériellement et financièrement les associations.
Quant aux mineurs, la France se singularise en ne raccompagnant aucun mineur isolé. Nous allons au-delà de la demande du Haut commissariat aux réfugiés : la France respecte sa tradition et puisque le citoyen, le contribuable, paie suffisamment cher cette obligation, ne nous auto-flagellons pas ! Je regrette ces descriptions caricaturales... (« Très bien ! » à droite) Les demandeurs d'asile qui auraient vocation à une protection temporaire en application de la directive de 2001 bénéficient du droit d'asile.
Aucune saturation ne ralentit l'examen des dossiers. En 2009, 352 demandes ont été présentées à l'Ofpra, organisme indépendant dont je respecte scrupuleusement toutes les décisions ; le statut de réfugié a été accordé à 127, le taux de reconnaissance progressant de 32 à 36 %.
Le retour dans le pays d'origine n'est pas impossible, qu'il soit volontaire ou forcé. La France a mis en oeuvre des mesures d'éloignement vers l'Afghanistan chaque année depuis vingt ans, y compris entre 1997 et 2001 -j'étais alors dans la majorité- et alors que les Talibans étaient au pouvoir. Ce n'est donc pas une nouveauté liée à ce Gouvernement. La France a agi comme tous les pays européens, comme l'Angleterre travailliste...
M. Marcel-Pierre Cléach. - Et pan !
M. Eric Besson, ministre. - Le Royaume-Uni a reconduit 1 000 Afghans en 2009, la Norvège 100, l'Allemagne 40, la Suède et les Pays-Bas une dizaine... Tous les pays cibles des filières mafieuses en provenance d'Afghanistan ont reconduit des Afghans. Le Gouvernement a veillé à ce que toutes les solutions alternatives aux mesures d'éloignement soient proposées. Chacun s'est vu proposer le dépôt d'une demande d'asile et nous avons ouvert un bureau à Calais parce que les associations avaient regretté l'éloignement de Lille.
M. Christian Cointat. - Très bien !
M. Eric Besson, ministre. - Certains avaient déjà déposé une demande dans un autre pays européen, où ils ont donc été réadmis ; d'autres se sont vu refuser l'asile par l'Ofpra, d'autres enfin n'avaient pas souhaité le demander. Une aide au retour volontaire a été systématiquement proposée et plus de 200 Afghans en situation irrégulière l'ont demandée ; il y a eu douze reconduites forcées mais 200 volontaires. Tous ont bénéficié d'une assistance juridique et administrative par des associations financées par l'État car c'est bien l'État qui les rémunère et les indemnise. Tous, aussi, ont été présentés devant un juge de l'ordre judicaire qui a validé l'ensemble de la procédure. Tous les recours ont été rejetés, l'éloignement n'exposant pas ces personnes à des traitements inhumains. La Cour européenne des droits de l'homme, elle-même, a rejeté les recours. Chacune de ces personnes a été identifiée comme Afghane par l'ambassadeur afghan, conformément à l'accord passé en 2002 entre les gouvernements français, afghan et le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies.
Les lois de la République ont été respectées. J'invite le Sénat à réfléchir sur le fait que la France ne peut pas être le pays le plus généreux au monde après les États-Unis et l'un des seuls à refuser toute mesure de reconduite forcée de ressortissants afghans en situation irrégulière.
On ne peut pas à la fois être attaché à la demande d'asile, et ne pas admettre que ceux qui n'ont pas pu faire la preuve qu'ils relevaient bien de l'asile ont vocation à rejoindre leur pays d'origine. Dans aucun pays au monde, le seul fait d'être originaire d'un pays en guerre ne vaut titre de séjour. La France ne peut accueillir l'ensemble des ressortissants de cette vingtaine de pays. Les 31 millions d'Afghans, en particulier, ne disposent pas d'un titre de séjour en France au seul motif de leur nationalité. S'ils s'estiment persécutés, ils doivent déposer une demande d'asile.
Cette proposition de résolution est donc à la fois inopportune et contreproductive, parce qu'elle porte atteinte à cette grande tradition républicaine de l'asile qui est fondamentalement incompatible avec une protection générale et sans condition. Accorder une telle protection reviendrait à encourager l'activité des réseaux mafieux de l'immigration clandestine, qui sont aussi ceux du trafic et de la traite des êtres humains. Au moment même où les État membres de l'Union travaillent, à l'initiative de la France, au renforcement des frontières extérieures et à l'harmonisation des politiques de l'asile, ce projet de résolution résonne donc, je suis navré de le dire, comme un contresens. (Applaudissements à droite. M. Nicolas About applaudit aussi)
M. Laurent Béteille. - Cette proposition de résolution européenne pose des problèmes de fond et de forme, comme l'a dit notre rapporteur. En premier lieu, ce texte est totalement irrecevable sur le plan juridique car il ne correspond pas au cadre posé par l'article 88-4 de notre Constitution. En effet, cet article permet l'adoption d'une résolution européenne « sur une proposition d'acte » ou « sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne ». Or, cette proposition de résolution a un objet très différent, celui de demander la mise en oeuvre d'une procédure qui résulte d'une directive adoptée par le Conseil en 2001 et transposée dans notre droit en 2005. Pourquoi les auteurs de cette proposition ne se sont-ils pas fondés sur le nouveau droit général de résolution accordé par la réforme constitutionnelle ? La réforme de la Constitution offre de nouveaux droits aux groupes, notamment à ceux de l'opposition. Plutôt que de soumettre à notre examen une proposition qui ne respecte pas la lettre de la Constitution, il aurait été préférable de suivre cette nouvelle procédure.
En second lieu, notre rapporteur a démontré les nombreuses lacunes juridiques de cette proposition de résolution. La directive définit la procédure temporaire comme « une procédure de caractère exceptionnel assurant, en cas d'afflux massif ou d'afflux massif imminent de personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d'origine, une protection immédiate et temporaire à ces personnes, notamment si le système d'asile risque également de ne pouvoir traiter cet afflux sans provoquer d'effets contraires à son bon fonctionnement, dans l'intérêt des personnes concernées et celui des autres personnes demandant une protection ». Les personnes déplacées sont définies comme « les ressortissants de pays tiers ou apatrides qui ont dû quitter leur pays ou région d'origine ou ont été évacués, notamment à la suite d'un appel lancé par des organisations internationales, dont le retour dans des conditions sûres et durables est impossible en raison de la situation régnant dans ce pays ». Trois conditions sont ainsi posées pour mettre en oeuvre cette procédure. Or, cette proposition ne répond à aucun des critères cumulatifs de la protection temporaire.
Le premier critère implique l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées. M. le rapporteur a consulté le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés afin de connaître les chiffres récents en matière de demandes d'asile des réfugiés afghans. Les données statistiques sont très claires : nous ne faisons pas face à un afflux massif. Le nombre de demandes d'asile était assez important au début des années 2000, notamment lors du pic en 2001 avec plus de 45 000 demandes, mais aujourd'hui il n'y a qu'un millier de demandes par mois. La directive a prévu le système de protection temporaire pour répondre au phénomène des Balkans, notamment au Kosovo. Si le groupe UMP est extrêmement sensible aux difficultés rencontrées par les réfugiés afghans, leur situation d'aujourd'hui n'est ni comparable avec celle du début des années 2000 ni avec celle des réfugiés des Balkans dans les années 1990. Je salue la démarche de M. Fauchon qui a consulté le Haut commissariat des Nations unies, dont l'implication dans la sauvegarde des droits et le bien-être des réfugiés ne saurait être contestée. Ainsi, nous pouvons analyser une situation particulièrement sensible à partir de données objectives. L'émotion, en la matière, ne saurait garantir les meilleures actions, bien au contraire.
J'en viens au deuxième critère : le déclenchement du mécanisme de protection temporaire implique que le pays d'accueil ne puisse faire face aux demandes d'asile. Or, la France est tout à fait capable de les gérer. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : il y a eu 702 demandes auprès de la France en 2009. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a déjà rendu 352 décisions dont 127 ont été positives, ce qui prouve que le système d'asile fonctionne parfaitement.
Enfin, la troisième condition prévoit que les personnes déplacées ne peuvent retourner dans leur pays d'origine dans des conditions sûres. Or, comme l'a rappelé le rapport de M. Haenel, le retour en Afghanistan ne se heurte pas à une impossibilité absolue.
Enfin, la protection temporaire n'offre par définition aucune perspective de long terme. Elle permet d'octroyer aux personnes bénéficiaires un permis de séjour de six mois. Il est dans l'intérêt des Afghans qui en font la demande de bénéficier d'une protection individuelle grâce aux autres procédures existantes, telles que la protection subsidiaire, qui offre une sécurité juridique bien plus importante. Au regard de ces remarques, le groupe UMP ne votera pas cette proposition de résolution. (Applaudissements à droite. M. Nicolas About applaudit aussi)
Mme Éliane Assassi. - A la fin de l'année dernière, la brutale évacuation par les forces de police d'un lieu de regroupement de jeunes clandestins afghans près de Calais, et l'expulsion de quelques-uns d'entre eux vers leur pays d'origine, a attiré l'attention de l'opinion publique sur la situation dramatique de ces hommes. La totalité d'entre eux avait d'abord été placée dans des centres de rétention administrative, puis remis en liberté sur décision judiciaire. Ces évènements avaient suscité une grande émotion et indigné nos concitoyens. Ils démontraient que le dispositif mis en place par le Gouvernement pour lutter contre l'immigration irrégulière était inadapté et inefficace : il manquait de cohérence et ne pouvait donc résoudre de façon juste et humaine le problème posé par cet afflux de réfugiés. C'est pourquoi des associations ont récemment tenté d'ouvrir un nouveau centre d'hébergement à Calais.
C'est dans ce contexte qu'intervient cette proposition de résolution européenne. Avec cette résolution, nos collègues demandent au Gouvernement, conformément à la directive européenne du 20 juillet 2001, de transmettre à la Commission une demande de déclenchement du mécanisme de « protection temporaire ». Ils souhaitent également que la France incite ses partenaires européens qui sont, comme nous, engagés dans des opérations militaires en Afghanistan, à négocier entre eux afin que ces populations soient accueillies temporairement et dans des conditions décentes.
Face à la gravité, à l'urgence et à la dégradation de cette situation, il est indispensable d'activer ce mécanisme prévu par des textes européens afin de régler au plus vite un problème auquel notre Gouvernement est incapable de répondre. La fermeture de la « jungle » de Calais n'a abouti qu'à masquer ce problème et à le déplacer à Paris autour des gares du Nord et de l'Est.
Nous nous opposons avec vigueur à ces « retours forcés » qui, bien que leur nombre soit très limité, se font au mépris de toute considération humanitaire et ne tiennent aucun compte de la situation qui se dégrade en Afghanistan : on n'expulse pas des gens vers un pays en guerre !
Pourquoi ne pas s'en remettre à la procédure de protection temporaire, ou bien à une harmonisation par le haut des systèmes d'asile communautaire ? Mais nos rapporteurs de la commission des lois et des affaires européennes se réfugient derrière une argumentation spécieuse pour justifier leur opposition. Ils considèrent que les trois conditions de déclenchement du mécanisme de la protection temporaire ne sont pas réunies. Comment peut-on pourtant prétendre qu'il n'y ait pas un afflux de ressortissants afghans alors qu'au premier semestre 2009 plus de 9 000 personnes sont entrées dans l'Union européenne, ce qui les place au troisième rang derrière les Irakiens et les Somaliens ? Certes, cet afflux ne désorganise pas, au sens de la directive, le système d'asile des États membres. Mais cela ne devrait pas nous empêcher de créer un système d'asile subsidiaire comme nous y autorise une directive de 2004.
Si vous craignez que cela ne crée un « appel d'air » pour l'immigration clandestine et que nous ne puissions régler seuls cette question...
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Je n'ai jamais dit ça !
Mme Éliane Assassi. - Pas vous, monsieur le rapporteur, mais M. le ministre !
Nous devrions donc discuter de cette question au niveau européen comme le propose cette résolution.
Enfin, comment considérer que la situation afghane est suffisamment sûre pour permettre à ceux qui l'ont quitté de rentrer dans leur pays ? Ces arguties juridiques ne nous étonnent guère, puisque vous soutenez la politique très restrictive en matière de droit d'asile menée par le ministre de l'immigration et de l'identité nationale.
Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, notre politique d'asile ne fonctionne plus correctement. Bien que la France soit encore le premier pays européen et le second pays dans le monde pour le nombre de demandeurs, le pourcentage de réponses favorables accordées par l'Ofpra ne cesse de diminuer.
Le rapport de la Cimade publié avant-hier craint « un rabaissement du droit d'asile ». Il dénonce l'accélération des procédures qui a pour effet d'augmenter le nombre de rejets.
Cette politique ne fonctionne pas non plus au plan européen et sera même durcie avec la directive Retour qui allongera considérablement la durée d'enfermement dans les centres de rétention. La création d'un bureau européen de l'asile à Malte ira dans le sens d'un alignement par le bas des procédures d'asile européennes. Lorsque cette directive sera transposée dans notre droit national, nous la combattrons fermement. L'enfermement des personnes en situation irrégulière est exceptionnel, il ne doit pas devenir un banal outil de politique migratoire.
Toutes les conditions sont réunies pour adopter cette résolution qui pose clairement les données de l'enjeu et propose des alternatives crédibles à votre politique. (Applaudissements à gauche)
M. Richard Yung. - Nous avons visé l'article 88-4 car nous avons suivi la démarche de Mme Keller et du Sénat lui-même à propos du marché du CO2. (M. le rapporteur le conteste) On est bien dans le même cas de figure. Nous avons été de bonne foi ; la commission aurait pu l'être aussi et nous avertir à temps.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Elle l'a fait. Me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Richard Yung. - Non.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Ce n'est pas très gentil de votre part.
M. Richard Yung. - Vous ne l'avez pas été non plus !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Vous nous avez habitués à plus de courtoisie.
M. Richard Yung. - Les deux commissions ont considéré que les critères posés par la directive du 20 juillet 2001 n'étaient pas remplis : les États membres ne seraient pas confrontés à un afflux massif de réfugiés afghans, le fonctionnement normal des systèmes nationaux d'asile ne serait pas empêché et ces Afghans ne seraient pas dans l'impossibilité de retourner dans leur pays.
La notion d'afflux massif n'a pas été définie. L'article 2 de la directive de 2001 fait seulement référence à un « nombre important de personnes déplacées » mais qu'est-ce qu'un « nombre important » ? 500 ? 5000 ? 50 000 ? Il y a eu 200 000 réfugiés afghans en Europe en une décennie ; si ce n'est pas un « afflux massif », qu'est-ce que c'est ?
Vous avez récemment annoncé, monsieur le ministre, un projet de loi visant à faire face à des « afflux massifs » d'étrangers en situation irrégulière. Du point de vue du Gouvernement, il suffit de 124 migrants kurdes échoués sur une plage corse pour prendre une initiative politique. Deux poids, deux mesures. Selon que vous serez Afghan ou Kurde...
Les deux rapporteurs estiment qu'aucun État membre « ne se trouve dans une situation telle que son système d'asile serait submergé et dans l'incapacité de traiter les demandes afghanes et celles provenant d'autres nationalités ». Cette affirmation révèle une profonde ignorance des dysfonctionnements des systèmes nationaux d'asile, dont la situation dans le Calaisis est le principal révélateur.
Nous n'avons eu que 702 demandeurs afghans en 2009 ? Pourquoi ne sont-ils pas plus nombreux à demander l'asile en France ? Parce qu'ils ne sont pas en capacité de le faire ou parce qu'ils craignent d'être expulsés, en vertu du règlement Dublin Il du 18 février 2003, vers des pays qui accordent plus difficilement le statut de réfugié. Il existe en effet, au sein de l'Union européenne, de très fortes inégalités de traitement des demandeurs d'asile. Le taux de reconnaissance du statut de réfugié varie de moins de 1 % en Grèce à 75 % en Europe du nord. On comprend que les Afghans choisissent !
En outre, les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) sont engorgés et le dispositif de premier accueil a été démantelé. Cette situation préoccupante ne devrait malheureusement pas s'améliorer en 2010. Quelques centaines d'Afghans errent ainsi dans des conditions indignes de l'humanité -même pour des gens dans l'illégalité. Heureusement que des pouvoirs locaux et des associations agissent -vous les pourchassez donc !
Dans certains pays, la situation est encore pire. Lorsqu'il était encore commissaire européen, M. Barrot, un de vos amis...
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Et je m'en flatte : il fut un de mes proches collaborateurs.
M. Richard Yung. - ...est revenu effaré de sa visite dans les centres d'hébergement grecs.
Nos deux rapporteurs estiment que « le critère de l'impossibilité du retour dans le pays d'origine n'est pas davantage rempli ». En d'autres termes, l'Afghanistan serait un pays sûr, une terre promise.
M. Éric Besson, ministre. - Qui a dit cela ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Le sujet est trop sérieux pour que vous plaisantiez avec !
M. Richard Yung. - La situation est si difficile que le gouvernement afghan lui-même demande qu'on ne lui renvoie plus de réfugiés !
Ce que je n'arrive pas à comprendre c'est votre résistance obstinée à toute recherche d'une solution. Nous en avons avancé ; vous pourriez les discuter mais vous donnez l'impression de vouloir ne surtout pas résoudre ce problème, (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Je ne puis accepter que M. Yung m'accuse de n'avoir pas dit en commission que la référence à l'article 88-4 n'était pas pertinente. Je vous renvoie aux pages 18 et 19 du rapport. Mme Boumediene-Thiery se souvient sans doute qu'elle a « reconnu la réalité du problème de recevabilité ». M. Yung est intervenu dans le débat et, comme j'avais évoqué les « babouches de la Constitution », il a dit « baiser ces babouches ». Il ne peut avoir oublié un moment aussi pittoresque ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. le président. - Faites porter des babouches à M. Yung ! (Sourires)
M. Yvon Collin. - L'analyse du rapporteur, péremptoire et essentiellement juridique, me laisse sceptique. En effet, quand bien même ce texte a été déposé à la suite de l'éloignement de ressortissants afghans à l'automne 2009, comment le qualifier de circonstanciel alors que l'on compte plus de 2,8 millions de réfugiés afghans dans le monde ? Quand, dans le nord de la France et à Paris même, plusieurs centaines d'entre eux vivent dans la rue et dorment sous les ponts ? Le démantèlement spectaculaire, le 22 septembre dernier, de la « jungle » de Calais a suscité l'émotion d'une partie de l'opinion publique.
Malgré les annonces gouvernementales, le problème reste entier, le Royaume-Uni et la France continuant à se renvoyer la balle ! Quant aux retours forcés, vous connaissez notre opposition à une procédure dont les conditions de sécurité ne sont pas satisfaisantes.
Les États membres de l'Union européenne ne seraient pas confrontés à un afflux massif de réfugiés afghans empêchant le bon fonctionnement des systèmes d'asile ? Je ne vais pas ergoter sur les chiffres mais tout de même : 9 135 demandes d'asile de réfugiés afghans dans l'Union européenne au premier semestre 2009, dont plus de 700 en France, ce n'est pas négligeable ! D'autant que le règlement de Dublin masque la réalité.
L'État pakistanais a lui-même jugé son voisin suffisamment instable pour prolonger son hospitalité au 1,7 millions de réfugiés afghans... En réalité, cette proposition de résolution invite à une réflexion politique et humanitaire. Il faut à l'évidence un traitement particulier pour les Afghans, victimes d'une crise qui a conduit à l'intervention de la France au sein d'une coalition internationale.
Mme Catherine Tasca. - C'est sûr.
M. Yvon Collin. - Ne les laissons pas dans la détresse. Le HCR est très inquiet du nombre croissant d'enfants sans abri à Calais. Des enfants de 9 ans voyagent avec un grand frère, une grande soeur, un proche plus âgé. Il y a quelques années, l'écrivain Atiq Rahimi, prix Goncourt 2008, fut un réfugié afghan débarquant démuni de tout à Paris. A l'époque, il fut très bien accueilli. Aujourd'hui, dans une lettre ouverte de protestation, que n'aurait pas reniée l'Abbé Pierre, il s'indigne que la France « poursuive les réfugiés afghans comme des criminels ». « Il y a certainement eu une époque, écrit-il, où on appelait un immigré un homme. Même s'il était sans papiers. (...) Ne jetons pas dans les eaux du canal le manteau que Saint-Martin a partagé avec un pauvre. » (Applaudissements et « bravo » sur les bancs socialistes)
La proposition socialiste répond à cet appel et prévoit une protection au moins temporaire aux réfugiés afghans, dans les pays européens engagés dans le conflit militaire. Ce texte mérite d'être amélioré au plan juridique mais la grande majorité du groupe RDSE le votera car elle en partage la philosophie. Il faut une politique européenne plus efficace et plus ambitieuse en matière d'asile.
« Mieux partager la charge du fardeau des réfugiés » et « présenter un visage plus humain », tels étaient les deux objectifs du Pacte européen sur l'immigration et l'asile. Pourtant, l'asile est de plus en plus sacrifié au nom de la nécessité proclamée d'une « maîtrise » sélective de l'immigration. Les changements de procédures, l'examen souvent expéditif des demandes, le raccourcissement des délais de recevabilité, l'absence de traducteurs et d'avocats mettent en péril l'exercice du droit d'asile.
La Commission a présenté deux paquets de mesures, en 2008 et 2009, pour harmoniser les normes d'accueil. Où en sont les discussions ? Elles peinent à aboutir, semble-t-il.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Eh oui...
M. Yvon Collin. - L'agence des Nations unies pour les réfugiés demande une approche européenne commune au sein de l'Union européenne, qui inclurait l'accès à des tuteurs qualifiés, à des procédures justes pour déterminer l'âge des enfants, à des structures d'accueil appropriées. Monsieur le ministre, quelles actions entend mener la France pour faire avancer l'idée d'un régime d'asile européen commun ? Mais, d'abord, monsieur le ministre, avez-vous cette volonté ? Si oui, quelles mesures autres que répressives et policières entendez-vous mettre en oeuvre en faveur de ces réfugiés afghans, victimes d'enjeux qui les dépassent ? Forts de notre humanisme et de notre tradition de tolérance, et dans la droite ligne des principes du radicalisme politique, la grande majorité des membres de mon groupe et la totalité des sénateurs radicaux de gauche approuveront cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et les bancs socialistes)
Mme Bariza Khiari. - Lors d'une séance de questions cribles, je vous avais interpellé, monsieur le ministre, sur la reconduite de plusieurs Afghans dans leur pays, expulsion incohérente au regard de l'engagement militaire de la France en Afghanistan. Nous vous alertions sur l'indignité des charters, vous avez invoqué la lutte contre « les filières criminelles et mafieuses de l'immigration clandestine » et la conformité aux normes juridiques. Chaque fois que nous interpellons le Gouvernement, on nous répond : « sécurité ». Or vous avez fermé Sangatte : le flux d'Afghans a-t-il cessé ? Vous avez démantelé la jungle : le flux d'Afghans a-t-il cessé ? Non. Les demandes d'asile, en revanche, diminuent : les clandestins seront-ils plus nombreux ? Oui !
Le même individu, selon qu'il est réfugié ou clandestin, n'a pas le même comportement. Dans un cas, il travaille, cotise et s'intègre ; dans l'autre, il se cache, souffre et s'en remet à de mauvaises mains. Où est la sécurité : du côté de la clandestinité ou du côté de l'intégration ? Faut-il vraiment que des milliers d'hommes et de mineurs soient les otages de campagnes électorales ? Plus il y a de réfugiés, moins il y a de clandestins. C'est une question de statut, non de qualité, d'itinéraire, non de moralité. Certes, tous ne sont pas éligibles au droit d'asile. Mais le droit d'asile est devenu une fabrique de clandestins. Le même migrant n'obtiendra pas le statut de réfugié en Grèce, alors que la France le lui accorderait.
Si les demandes d'asile ont diminué, ce n'est pas parce que le flux de migrants s'est tari, ni parce que les filières sont démantelées, mais parce que les personnes fuyant les conflits dans leur pays n'ont aucun intérêt à déposer une demande d'asile en France car elle aboutirait automatiquement à une reconduite vers le pays d'entrée dans l'Union européenne, où le droit est moins favorable.
M. Fauchon nous dit que la directive protection temporaire ne peut s'appliquer aux Afghans. Mais nous voulons que l'on prenne en considération la notion d'afflux durable et que l'on trouve des solutions afin que les personnes qui fuient un conflit puissent exercer leurs droits ; et celles qui n'obtiendront pas le statut de réfugiés doivent néanmoins être préservées d'un retour forcé et recevoir un statut administratif temporaire. La clandestinité n'est pas une fatalité.
Que la France applique la clause la souveraineté prévue par la convention de Dublin II et que les examens des demandes d'asile aient lieu en France et non dans le pays d'entrée, en l'occurrence la Grèce. Cela relève d'une décision politique : l'envisagez-vous ?
Pour les Afghans en transit en France, qui attendent de pouvoir passer en Angleterre, envisagez-vous des mesures nationales ad hoc, afin qu'ils n'aient plus à craindre un retour forcé et obtiennent certains droits temporaires ?
L'Europe a tendance à considérer la migration comme une installation définitive ; mais nombreux sont ceux qui souhaitent retournez chez eux dès l'apparition de jours meilleurs. Une plus grande solidarité européenne s'impose, il convient de revoir le règlement de Dublin II. Lorsqu'il y a saturation dans les procédures d'asile, il faudrait pouvoir suspendre les délais légaux d'examen des dossiers. Le règlement permet en théorie à un demandeur d'asile séjournant dans un autre pays européen d'adresser sa demande à la France ; mais cette possibilité est théorique. Pourquoi ne pas envisager que le demandeur d'asile choisisse le pays où il souhaite faire sa demande et qu'il y soit conduit le temps de la procédure ?
Ne nous en remettons pas sur ce sujet à une improbable décision européenne. Mettons en avant la clause de solidarité. Et, monsieur le ministre, nous avançons des pistes de réflexion et des propositions concrètes : nous espérons que vous saurez nous entendre. (Applaudissements)
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Vous avez raison, monsieur Fauchon : en commission, j'étais d'accord avec vous sur l'article 88-4.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Vous ne m'en voulez pas ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nullement, mais je ne reviendrai pas sur la procédure : je préfère me concentrer sur le fond. Il faut imaginer un instrument ad hoc pour répondre à l'afflux de migrants afghans. C'est une question humanitaire. Ils ont besoin d'un soutien moral et matériel.
L'Union européenne a entamé une harmonisation des procédures du droit d'asile. Ce n'est pas sous l'impulsion de la France, contrairement à ce qui s'est passé pour le pacte relatif à l'immigration et à l'asile. La décision européenne a été prise à Tampere en 1999, je le sais car j'y étais. Or les paquets asile se succèdent mais n'aboutissent pas et le paquet II n'a toujours rien réglé. Prendre en compte la situation des Afghans et promouvoir une réforme ambitieuse du droit d'asile européen sont les deux faces de la même question. Je la connais pour avoir siégé au Parlement européen et être co-rapporteur de la commission des affaires européennes avec M. del Picchia.
Un texte ambitieux a été présenté par la Commission européenne mais il donnera lieu sans doute à un compromis sur les conditions d'accueil. En outre, il entrera en vigueur en 2012. Et en attendant ? La proposition de résolution doit donc être examinée en urgence, d'autant que certaines situations n'existaient pas en 2001 ou en 1999.
L'échelon européen est le plus pertinent : on ne peut avoir une politique d'asile différente dans chaque État, elle doit être à 100 % européenne. (M. le rapporteur approuve) S'agissant des États de transit, il faut trouver un outil juridique simple qui n'aboutisse pas à la solution radicale du retour forcé. La politique d'asile doit être adaptée à des situations nouvelles, tel ce flux important.
Dans ces circonstances, seule une refonte complète du droit d'asile permettra de faire face. Faut-il renoncer à appliquer la directive de protection temporaire aux Afghans ? J'avais évoqué cette possibilité au lendemain de la scandaleuse reconduite d'Afghans à la frontière. La directive de 2001 est un exemple de solidarité européenne, pourquoi ne pas l'appliquer directement ? Ou bien faire prendre une deuxième directive, ce dont nous nous honorerions d'être à l'initiative ?
La protection temporaire est applicable aux Afghans car les critères de la directive de 2001 ne sont pas cumulatifs : je le sais pour avoir participé au débat du Parlement européen. L'Afghanistan est en guerre, les réfugiés affluent, même si c'est moins qu'en 2000. Nous devons nous adapter à cette situation, c'est une question de courage politique.
Monsieur le ministre, vous refusez de protéger les Afghans, alors que le site de l'ambassade de France en Afghanistan déconseille aux Français de se rendre dans ce pays. Le décret de 2005 peut parfaitement être modifié, rien n'interdit de créer un régime particulier pour les réfugiés afghans. Rien ne s'oppose à mettre fin à ce scandale consistant à renvoyer des réfugiés dans un pays en guerre : rien, sinon votre manque de courage politique ! (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Cointat.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de résolution européenne portant sur la protection temporaire (n° 159, 2009-2010).
M. Christian Cointat. - Cette motion ne vise en rien le contenu de cette résolution mais seulement le droit, ce qui est du reste le propre des motions d'irrecevabilité, ce qu'on oublie hélas trop souvent !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - C'est vrai !
M. Christian Cointat. - Je rappelle à MM. Mermaz et Yung que la proposition de résolution déposée par Mme Keller s'inscrivait bien dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, car la Commission européenne devait adopter un règlement et la Haute assemblée était dans son rôle en indiquant au Gouvernement ce qu'elle entendait y voir figurer. La commission des lois doit veiller à la bonne application du droit. M. Fauchon a rappelé les termes de l'article 88-4 : « Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets d'actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne. Selon des modalités fixées par le Règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne ». M. Fauchon parle en connaisseur, puisqu'il était notre rapporteur pour la révision constitutionnelle de 1999, où cet article 88-4 a été adopté.
La proposition de résolution de nos collègues socialistes ne vise ni un projet d'acte européen ni un document émanant d'une institution européenne, par exemple un livre vert ou un livre blanc. Elle invite à la réforme des instruments européens en matière d'asile et de protection internationale et elle demande que la France sollicite de la Commission européenne qu'elle propose au Conseil d'attribuer aux ressortissants afghans le bénéfice de la protection temporaire. C'est, chacun en conviendra, très éloigné du texte comme de l'esprit de l'article 88-4.
Cette motion d'irrecevabilité ne veut pas escamoter le débat sur les conditions d'accueil des réfugiés afghans : nous venons de l'avoir. Mais ne jouons pas avec le droit car, comme l'a dit Lacordaire, face à l'injustice, le droit libère et la liberté opprime ! Nous devons respecter les procédures prévues par notre Constitution : l'article 88-4, qui permet d'adopter des résolutions dans des cas précis, et l'article 34-1, instauré par la révision constitutionnelle de juillet 2008 et qui prévoit un droit général de résolution. Les deux régimes sont distincts et nous devons d'autant plus respecter les conditions fixées par l'article 88-4 que l'article 34-1 nous offre un droit général de résolution, qui n'est pas soumis au passage en commission. Nous ne sommes pas seuls, nos partenaires européens nous regardent : prenons garde à toute dérive d'interprétation, qui ne ferait que renforcer les réticences de ceux qui ne veulent pas d'une Europe forte et qui cherchent partout à en limiter les avancées ! (Applaudissements à droite)
M. Richard Yung. - Nous sommes tout à fait dans notre rôle lorsque nous recommandons au Gouvernement d'intervenir auprès de la Commission pour modifier la législation européenne ! Vous dites que nous devons prendre garde à ne pas toucher la directive de 2001, mais nous constatons que ce texte n'est pas opérationnel, qu'il ne sert à rien, que c'est du mauvais droit !
La Haute assemblée a déjà eu recours à l'article 88-4 pour les quotas de CO2, où une directive était également visée, vous ne m'avez pas démontré que ce n'est pas la même chose ici !
M. Christian Cointat. - Si ! Je vous ai répondu : un projet de règlement était en cours !
M. Richard Yung. - Nous posons un problème sensible, auquel nous proposons deux solutions : la clause de non-renvoi et, si nous avons un peu d'ambition, un débat européen sur le partage de ce qu'il faut bien appeler la charge des réfugiés afghans. Je suis parfaitement en phase avec la coopération renforcée, souhaitée par notre rapporteur, et c'est bien à quoi nous appelons par cette proposition : nous visons les Vingt-sept mais rien ne nous interdit de viser moins d'États si la démarche échouait. Pourquoi, dès lors, repousser notre proposition avec superbe ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. - Avis favorable à la motion. Cette résolution donnerait un mauvais signal quant au fonctionnement des institutions européennes et barrerait la route à de nouveaux progrès.
M. Éric Besson, ministre. - Même avis.
Mme Catherine Tasca. - M. le ministre a fait l'éloge de la politique d'asile de la France pour ne pas nous répondre sur le coeur de notre proposition : les Afghans. La situation de ces réfugiés revient malheureusement très souvent dans l'actualité : il y a quelques jours encore, une évacuation musclée a eu lieu à Calais. La conception classique de l'asile ne permet pas de répondre à ce type de situation et il nous faut convaincre l'Europe d'adopter une vision plus ambitieuse. Selon certains, la directive de 2001 ne permettrait pas l'octroi aux Afghans d'une protection temporaire, mais il y a des moments où le droit doit être adapté aux situations de crise.
Les deux conditions motivant ce refus ne peuvent être opposées de bonne foi. Tout d'abord, l'afflux massif de refugiés n'est pas contestable : les Afghans sont très nombreux à fuir leur pays. Dans le monde, un réfugié sur quatre est originaire d'Afghanistan. 96 % d'entre eux se rendent au Pakistan et en Iran. Bien que la route vers l'Europe soit longue et semée d'embûches, ils sont 9 000 à y être parvenus au premier semestre 2009, dont 700 en France, au troisième rang après les Irakiens et les Somaliens. Il y a urgence à agir.
La seconde condition est liée à la dangerosité et à l'insécurité dans le pays d'origine. Qui peut nier la situation de guerre sur le territoire afghan et le lourd tribut payé par les populations civiles ? L'Afghanistan est si peu sûr que le programme de rapatriement des réfugiés installés au Pakistan a été interrompu cet été. L'Europe doit prendre sa part à une solution rapide et temporaire pour l'accueil des réfugiés, d'autant que plusieurs États ont décidé d'envoyer de nouveaux renforts en Afghanistan .
Si le dispositif de protection temporaire est si contraignant qu'il ne peut jamais être mis en oeuvre, il faut en changer. Avec cette proposition de résolution, nous souhaitons faire bouger le cadre juridique européen. Nous voudrions pouvoir compter sur notre assemblée pour l'adopter et sur la France pour agir auprès des instances européennes. Allez-vous, mesdames et messieurs les sénateurs de la majorité, décevoir cette attente en vous réfugiant dans un juridisme stérile fondé sur un texte communautaire mort-né ? (Applaudissements à gauche)
A la demande du groupe socialiste, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l'adoption | 183 |
Contre | 152 |
La motion est adoptée.
Prochaine séance demain, jeudi 11 février 2010, à 9 heures.
La séance est levée à 18 h 40.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du jeudi 11 février 2010
Séance publique
À 9 HEURES
1. Proposition de loi visant à supprimer la fiscalisation des indemnités journalières versées aux victimes d'accident du travail, à instaurer la réparation intégrale des préjudices subis par les accidentés du travail et à intégrer le montant des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles versé par les entreprises dans leur chiffre d'affaires soumis à l'impôt sur les sociétés, présentée par Mme Annie David et les membres du groupe CRC-SPG (n° 194, 2009-2010).
Rapport de Mme Annie David, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 256, 2009-2010).
À 15 HEURES
2. Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public (n° 236, 2009-2010).
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 259, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 260, 2009-2010).
3. Proposition de loi relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers, présentée par M. Christian Cambon et plusieurs de ses collègues du groupe UMP (n° 228 rectifié, 2008-2009).
Rapport de M. Michel Houel, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n° 242, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 243, 2009-2010).