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Table des matières
Indemnisation d'une assistante maternelle
Disparité des forces de police en Seine-et-Marne
Difficultés institutionnelles à Saint-Pierre-et-Miquelon
Ingénieurs territoriaux, mention urbanisme
Valeurs locatives à Orléans-La Source
Fermeture de blocs opératoires
Situation des Chantiers de l'Atlantique
Adaptation de la fiscalité agricole à la crise
Financement de la prise en charge des mineurs étrangers isolés
Avenir de la maison d'arrêt de Privas
Démolition des navires de plaisance hors d'usage
Application de la loi SRU à Trilport
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
Renouvellements des conseils généraux et régionaux (Procédure accélérée)
Organismes extraparlementaires (Nominations)
Renouvellement des conseils généraux et régionaux (Procédure accélérée - Suite)
Articles additionnels avant l'article premier
SÉANCE
du mardi 15 décembre 2009
49e séance de la session ordinaire 2009-2010
présidence de M. Roger Romani,vice-président
Secrétaires : Mme Sylvie Desmarescaux, M. Alain Dufaut.
La séance est ouverte à 9 h 40.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Rappels au Règlement
M. Jean Louis Masson. - Je voudrais revenir sur le scrutin public d'hier soir et la polémique qu'il a suscitée. J'ai été choqué d'entendre certains de nos collègues remettre en cause les résultats du scrutin et même réclamer que l'on fasse comme si le dépouillement n'avait pas eu lieu. Notre démocratie mérite mieux !
J'ai lu dans la presse de ce matin qu'un président de groupe accusait la présidente de séance : il ne faut pas exagérer ! Mme Tasca n'y est pour rien si un sénateur centriste a fait voter son groupe contre son intention ! Ce n'est pas l'esprit de parti qui me fait parler : je n'appartiens ni à la majorité ni à l'opposition. Que les groupes de la majorité règlent leurs comptes entre eux !
L'erreur de ce sénateur centriste a mis en évidence une aberration de notre système de vote, qui m'avait beaucoup surpris lorsque je suis arrivé au Sénat : un seul sénateur peut voter pour l'ensemble de son groupe en mettant dans l'urne 100 ou 150 bulletins. La moindre des choses serait que, comme à l'Assemblée nationale, chacun ne puisse recevoir qu'une seule procuration.
Acte est donné de ce rappel au Règlement.
M. Guy Fischer. - Il faudra tirer le bilan de ce qui s'est passé hier soir. Comme je l'ai déjà souvent dit, la multiplication des séances provoque inévitablement des incidents : hier, par moment, les sénateurs de la majorité étaient presque tous absents. Dans ces conditions, il suffit d'un contexte politique tendu pour que des difficultés surviennent. Mme Tasca a présidé dignement cette séance. On ne peut vouloir sans risques nous faire siéger 365 jours dans l'année, 24 heures sur 24 !
Je force le trait...
Il faut beaucoup d'abnégation pour discuter les textes dans ces conditions. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la prochaine Conférence des Présidents.
Acte est donné de ce rappel au Règlement.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à vingt questions orales.
Indemnisation d'une assistante maternelle
M. Jean-Léonce Dupont. - Ma question porte sur l'éventuelle réparation par le département du préjudice subi par une assistante maternelle dont l'agrément a été suspendu par le président du conseil général en raison d'une enquête pénale portant sur une suspicion d'actes répréhensibles considérée postérieurement comme infondée.
La jurisprudence admet, en pareil cas, la responsabilité sans faute du département, autorisant ainsi l'assistante maternelle à réclamer des dommages et intérêts fondés sur la rupture d'égalité devant les charges publiques. En adoptant le principe de précaution pour protéger des enfants, le département s'expose donc systématiquement à des recours, ce qui représente un coût substantiel vu la durée des procédures pénales.
Je suggère que l'on crée un « retrait temporaire » d'agrément lié à l'instruction pénale, qui s'éteindrait avec la clôture de celle-ci.
A défaut, pourrait-on plafonner les sommes réclamées aux départements, au moins dans des cas précisément définis au préalable ?
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. - Veuillez excuser Mme Morano, que je tenterai de remplacer.
Je rappelle tout d'abord que l'agrément des assistantes maternelles relève de la responsabilité départementale. Lorsqu'une enquête pénale est ouverte parce que l'on a suspecté des actes répréhensibles commis par une assistante maternelle ou par des personnes vivant à son foyer, la suspension ou le retrait de l'agrément s'analyse comme une application du principe de précaution visant à protéger les enfants concernés. Lorsque la justice pénale considère postérieurement que la suspicion est infondée, l'assistante maternelle réintégrée dans ses fonctions peut réclamer des dommages-intérêts en invoquant la rupture d'égalité devant les charges publiques : tout justiciable à qui une décision administrative fait grief peut en effet demander réparation du préjudice subi. En cas de refus du département, le bien-fondé de la demande est apprécié de façon circonstanciée par le juge.
L'introduction d'un « retrait temporaire » supposerait un acte législatif qui ne nous paraît pas souhaitable car les dispositions actuelles sont équilibrées, avec une suspension pour quatre mois qui protège les intérêts de toutes les parties prenantes.
D'autre part, un éventuel plafonnement des sommes se heurte à l'appréciation souveraine du juge. On ne peut donc guère l'envisager, même dans des cas précis, préalablement définis.
J'ajoute que nous avons récemment achevé un référentiel de l'agrément, destiné aux services de protection maternelle et infantile (PMI), où est rappelée la nécessité d'une bonne collaboration avec les services de police ou de gendarmerie et avec le parquet, puisque l'intérêt de tous conduit à accélérer les enquêtes ou instructions liées à des suspicions de mauvais traitements. Il est enfin rappelé dans ce référentiel que les services de PMI doivent informer dans les quinze jours l'assistante maternelle concernée de la décision prise après sa convocation en commission consultative paritaire départementale.
M. Jean-Léonce Dupont. - Mon expérience montre que les instructions pénales se prolongent pendant plus de quatre mois. Nous devons donc retirer l'agrément. Si la procédure est classée sans suite, le département est exposé à un recours en indemnisation.
Une affaire impliquant mon département dure depuis plus de huit ans. Je n'ose imaginer la somme à verser si un non-lieu est rendu !
J'ai évoqué un problème bien réel.
TNT dans la Drôme
M. Jean Besson. - La loi du 5 mars 2007 relative à la télévision du futur impose aux chaînes historiques gratuites de couvrir 95 % de la population en télévision numérique terrestre (TNT). Les modalités applicables aux autres chaînes ont été fixées le 10 juillet 2007 par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Malgré ces dispositions rassurantes, les conditions de déploiement de la TNT inquiètent les élus et les habitants ruraux à l'approche du 30 novembre 2011, date butoir du basculement au tout numérique.
Le syndicat départemental de télévision estime que malgré le débridage des émetteurs du Mont-Ventoux, il faudra équiper 76 réémetteurs pour couvrir le département de la Drôme. A défaut, plus de 20 000 habitants répartis dans 143 communes deviendraient des laissés-pour-compte de la télévision - sauf, pour chaque foyer, à débourser plus de 300 euros pour recevoir la TNT par satellite. Si les collectivités territoriales devaient acquérir les 14 000 paraboles nécessaires, cela leur coûterait plus de 12 millions d'euros en dix ans.
Le vote au Sénat de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique suggère que ce scénario catastrophe n'est pas inévitable, puisque le titre premier de ce texte comporte des aides non négligeables en faveur des particuliers et des collectivités territoriales. Mais la future loi crée malheureusement de nouvelles incertitudes. En effet, le CSA devra fixer un taux de couverture minimale de la population de chaque département, ce qui supprime toute référence à un pourcentage précis et contraignant.
Ce recul fait douter des intentions réelles du Gouvernement. Libérant un certain nombre de fréquences hertziennes, le passage au numérique aurait dû garantir l'accès de tous. Actuellement, cet objectif ne semble pas d'actualité.
Quelles assurances pouvez-vous apporter d'une généralisation équitable de la TNT, en particulier dans la Drôme ?
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. - Lancée il y a quatre ans, la TNT rencontre un très vif succès puisque deux foyers sur trois la reçoivent par hertzien terrestre, ADSL, câble ou satellite. L'extension de la couverture dans tous les départements, notamment dans la Drôme, est un objectif majeur du Gouvernement et du CSA.
Au critère national de 95 % de la population, inscrit dans la loi, s'ajoute un critère départemental établi par le CSA, soit 91 % de la population dans la majeure partie des départements. L'ensemble est complété par un critère économique afin de ne pas trop investir dans des petits émetteurs. Bien sûr, le dispositif d'accompagnement doit être équitable et juste.
Pour mener à bien ce projet d'envergure, 333 millions seront mobilisés par l'État. Il s'agit tout d'abord d'informer nos concitoyens via la campagne nationale d'information lancée en septembre, un site internet et un centre d'appel. Nous devons ensuite accompagner le public avec une assistance technique et une éventuelle assistance financière.
Cependant, les débats parlementaires ont montré qu'il fallait prioritairement assurer l'équité territoriale dans tous les départements, y compris la Drôme. C'est pourquoi Mme Morano a demandé au Premier ministre de renforcer le programme national d'accompagnement vers le tout numérique, ce qui fut fait le 21 octobre. Désormais, le CSA peut augmenter la puissance de certains émetteurs de TNT hertzienne. Tous les foyers sont éligibles au fonds d'aide spécifique aux zones d'ombre de la TNT hertzienne, sans aucune condition de ressources, pour que chacun puisse y recevoir les émissions par satellite. Enfin, l'État aidera les collectivités qui souhaitent investir en propre dans des émetteurs secondaires. Tous ces engagements figurent dans la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique, qui vient d'être définitivement adoptée au Sénat.
Les habitants de la Drôme pourront donc recevoir la TNT dans des conditions justes et équitables.
M. Jean Besson. - Merci pour ces précisions mais nous serons vigilants sur l'application de ces mesures.
Disparité des forces de police en Seine-et-Marne
M. Guy Fischer, en remplacement de M. Michel Billout. - La disparité des effectifs de police nationale dans la Seine-et-Marne peut être illustrée par quelques exemples frappants.
Ainsi, Provins compte un policier pour 294 habitants, contre un pour 640 à Pontault-Combault ; les 69 policiers de Coulommiers ont à faire en moyenne à 57 faits criminels pour 1 000 habitants alors que leurs 64 collègues de Mitry-Mory doivent en traiter 110.
De nombreux élus locaux se sont émus de cette situation et ont réclamé l'augmentation des moyens humains. Certaines disparités sont justifiées au regard de circonstances et d'infrastructures exceptionnelles telles que le parc Disneyland. Mais un écart de 1 à 5 est d'autant moins admissible qu'il est porteur d'un ressenti et d'une atmosphère d'insécurité.
Fin septembre, quelques habitants se sont constitués en milice à Roissy-en-Brie, ville qui dépend du commissariat de Pontault-Combault, le moins bien loti de Seine-et-Marne. Un des instigateurs de cette milice déclarait : « On ne fait pas ça pour jouer aux cow-boys mais on en a ras-le-bol : la police reconnaît qu'elle n'a pas les moyens d'intervenir rapidement, on se sent laissé pour compte ». Cette initiative doit être fermement condamnée, elle n'en fait pas moins apparaître le malaise ambiant dans des communes laissées en déshérence par les pouvoirs publics et frappées par la hausse de la délinquance.
Cette évolution insidieuse est due pour beaucoup à une politique de suppression massive des postes de fonctionnaires d'État. La loi de finances 2010 prévoit ainsi 34 000 suppressions de postes dont 16 000 dans l'éducation nationale et 3 450 au ministère de l'intérieur, ce qui représente 2 000 policiers en moins. Pensez-vous vraiment remplacer tous ces fonctionnaires par des caméras ?
La question de la sécurité ne peut se limiter aux seules missions de surveillance et de répression. La prévention reste essentielle. Les élus locaux agissent en ce sens mais l'État ne peut abandonner sa mission régalienne de sécurité.
Qu'est-ce qui justifie les disparités d'effectifs des forces de police en Seine-et-Marne ? Quelle est votre position sur ce transfert de la mission régalienne de sécurité vers les collectivités locales ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. - La répartition des policiers dans les circonscriptions de sécurité publique est déterminée sur la base de critères précis et objectifs révisés annuellement. Au 1er novembre, le département de Seine-et-Marne comptait 3 077 fonctionnaires, soit 164 de plus qu'en janvier 2004. S'y ajoutent 205 adjoints de sécurité. Le nombre de gradés et gardiens de la paix est supérieur à l'effectif de référence, comme il l'est dans la circonscription de sécurité publique de Pontault-Combault. Les circonscriptions peuvent en outre être renforcées par des unités départementales ou des forces mobiles.
Une augmentation strictement quantitative des forces de police est loin de constituer le seul moyen de renforcer la lutte contre la délinquance. Celle-ci exige avant tout des moyens modernes, adaptés aux nouvelles formes de criminalité et efficients, une mobilisation de tous les partenaires concernés. Elle doit s'accompagner d'une politique dynamique de prévention de la délinquance. Tel est le sens des réformes décidées par le ministre de l'intérieur.
Le 2 septembre, il a fixé aux directeurs départementaux de la sécurité publique et aux commandants de groupement de gendarmerie des objectifs précis de lutte contre la délinquance. Il a créé, le 1er octobre, des cellules anti-cambriolages, composées de policiers et de gendarmes, pour renforcer la cohérence et l'efficacité des forces de sécurité intérieure. Celle dont est dotée la direction départementale de la sécurité publique de Seine-et-Marne a élucidé trois vols par effraction commis par le même individu dans la circonscription de sécurité publique de Meaux. Pour mieux lutter contre la délinquance des bandes violentes, les forces de police de Seine-et-Marne disposent, depuis le 1er octobre, de deux groupes spécialisés d'investigation, à Melun et à Meaux.
A l'action de l'État doit s'ajouter une mobilisation de tous les acteurs de la sécurité, au premier rang desquels les collectivités territoriales, par le biais en particulier de la vidéo-protection. Le plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes adopté le 2 octobre sera le gage d'une mobilisation renouvelée de l'État et des collectivités territoriales pour prévenir plus efficacement la délinquance.
M. Guy Fischer. - Le chef de cabinet de M. Hortefeux, saisi par le maire de Roissy-en-Brie des difficultés que j'ai évoquées, lui a répondu le 15 septembre qu'il « prescrivait immédiatement auprès des services compétents un examen diligent de la situation » afin de « garantir partout et pour tous, le droit à la sécurité ». Trois mois après, rien de plus !
C'est pourtant une question fondamentale pour les fonctionnaires de police aussi, comme le montre le mouvement syndical du 3 décembre. En 2004, les syndicats de policiers ont signé un accord programmant 108 000 gradés et gardiens de la paix en 2012. Or les effectifs seront réduits à 100 000.
Je rappelle aussi que la police nationale est la profession la plus affectée par les suicides avec, ces dix dernières années, une triste moyenne de 50 par an. Votre seule réponse : tripler le nombre de caméras !
Urbanisme et intercommunalité
M. Jean Boyer. - Je souhaite, avec une certaine insistance, attirer votre attention sur la réforme des collectivités locales et, plus particulièrement, sur le projet de transférer des responsabilités d'urbanisme à l'échelle intercommunale. Pour l'association des maires de France, pour les élus que nous sommes et que nous représentons, ce projet ne cadre pas avec les priorités d'action en matière d'aménagement du territoire. Les réformes de 2001 et 2003 ont apporté une certaine stabilité avec les schémas de cohérence et d'orientation territoriale et les plans locaux d'urbanisme (PLU), qui transcrivent à une échelle plus petite, la plupart du temps communale, les grandes actions en matière d'aménagement et de développement durable.
Revenir sur cet équilibre créerait une instabilité qui ne pourrait que fragiliser les documents d'urbanisme. L'échelle de travail pertinente demeure la commune. C'est à ce niveau que se tissent les liens sociaux. Qui mieux qu'une municipalité connaît les spécificités locales ?
Les élus sont inquiets. Rassurez-les !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. - Par nature, les schémas de cohérence territoriale (Scot) relèvent du niveau intercommunal. Le Scot est un outil de planification stratégique, élaboré au niveau d'une agglomération qui constitue un espace de solidarité et de projet commun. A ce jour, seules les communautés urbaines sont compétentes de plein droit en matière de PLU. Aucun texte n'impose un transfert de compétences au niveau intercommunal pour les communautés d'agglomération ou de communes.
Le projet de loi portant engagement national pour l'environnement, qui renforce la nature transversale du PLU, ne modifie pas l'organisation de la compétence en la matière et ne remet pas en cause la possibilité pour les communes d'élaborer un PLU. Deux mesures sont susceptibles de renforcer son caractère transversal : le contenu du PLU intercommunal est renforcé afin qu'il puisse tenir lieu de programme local d'habitat et de plan de déplacements urbains ; le PLU élaboré par un EPCI couvrira désormais l'intégralité de son territoire. Il ne sera donc plus possible de mettre en place plusieurs PLU au sein d'une même intercommunalité.
Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales déposé le 21 octobre au Sénat ne modifie pas les modalités d'exercice de cette compétence. On ne saurait donc évoquer une remise en cause de la compétence des communes en matière de plan local d'urbanisme.
M. Jean Boyer. - Ces réponses étaient nécessaires. Dans l'incertitude, les choses n'avancent pas.
Scrutin municipal
M. Jean Louis Masson. - Il convient de moderniser le mode de scrutin municipal qui restera applicable dans les communes de moins de 500 habitants ainsi que d'encadrer les pouvoirs exorbitants accordés aux préfets pour modifier le découpage des intercommunalités.
Lors de son assemblée générale du 23 octobre 2005, l'Association des maires ruraux de France avait demandé à l'unanimité une modernisation du scrutin municipal dans les petites communes. Elle a de nouveau souhaité que la réforme faisant suite au rapport Balladur ne se limite pas au cas des communes de 500 à 3 500 habitants. Le scrutin qui resterait en vigueur dans les communes de moins de 500 habitants permet des dérives regrettables : des tiers peuvent distribuer des bulletins de vote au nom de personnes qui ne sont pas candidates, un candidat peut figurer sur des listes concurrentes.
Tout en maintenant la logique du scrutin de liste avec panachage, trois correctifs pourraient être envisagés : l'obligation de présenter des listes complètes de candidats ; l'interdiction pour un candidat de figurer sur plusieurs listes ; la nullité des bulletins de vote comportant le nom de personnes n'étant pas candidates ou comportant plus de noms que de sièges à pourvoir.
Le Gouvernement serait-il favorable à une évolution en ce sens ? Il a prévu une période de transition d'ici à 2013 au cours de laquelle le préfet a carte blanche pour décider du découpage des intercommunalités. Seriez-vous favorable à un encadrement de ce pouvoir exorbitant par les communes, qui doivent conserver une influence réelle sur leur destin ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. - Dans les communes de moins de 500 habitants il paraît nécessaire de maintenir une grande souplesse dans les conditions d'élection des conseillers municipaux.
Les mesures que vous proposez pourraient avoir pour effet de restreindre le vivier des candidats dans des communes où les fonctions de maire et de conseiller municipal impliquent une lourde charge. En outre, avant toute mise en oeuvre, elles exigeraient une large consultation des élus et de leurs associations.
Toutefois, le Gouvernement n'est pas hostile, dans son principe, à une modernisation du droit applicable aux élections municipales et prendra connaissance avec grand intérêt des travaux qui seront menés par le groupe de travail sénatorial sur le droit électoral récemment constitué au sein de votre commission des lois.
S'agissant du volet intercommunal de la réforme, les objectifs sont, d'ici au 1er janvier 2014, d'achever la couverture de la carte par des EPCI à fiscalité propre et d'en rationaliser le périmètre.
Ces deux objectifs sont partagés par l'ensemble des associations d'élus, certaines demandant même que le calendrier soit accéléré. A cette fin, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales donne la possibilité au préfet, après avis des organes délibérants de la commune, de l'EPCI ainsi que de la commission interdépartementale de coopération intercommunale (CDCI), de procéder à des créations ou des fusions d'EPCI à fiscalité propre, à des modifications de leur périmètre, à des fusions ou dissolutions de syndicats intercommunaux ou mixtes ainsi qu'à des modifications de leur périmètre.
Toutefois, cette extension des pouvoirs du préfet en matière d'intercommunalité, qui n'a pas vocation à être utilisée si les regroupements s'organisent à l'initiative des communes et de leurs EPCI dans le cadre du schéma départemental, est temporaire, pour les années 2012 et 2013, et strictement encadrée, puisque les projets présentés par le préfet doivent essentiellement s'appuyer sur les propositions formulées dans le schéma de coopération intercommunal et ne peuvent s'en écarter que s'ils restent conformes aux objectifs assignés au schéma. Dans cette dernière hypothèse, la CDCI disposera à la majorité qualifiée d'un pouvoir d'amendement du projet présenté par le préfet. Si une majorité qualifiée des conseils municipaux ne se dégage pas pour approuver le projet et que le préfet décide de poursuivre sa mise en oeuvre, la CDCI aura à nouveau la possibilité d'amender le projet à la majorité des deux tiers de ses membres, et c'est la version du projet issu de son examen qui sera finalement autorisée par le préfet.
Les communes conserveront donc leur autonomie et les mécanismes exceptionnels mis en place, respectueux du principe de libre administration, n'ont vocation à intervenir qu'en dernier recours.
M. Jean Louis Masson. - Je vous remercie de ces précisions sur les intercommunalités. J'estime en revanche que s'agissant du mode de scrutin dans les petites communes, le ministère fait preuve d'un certain conservatisme. Il n'est pas opportun de compter pour nuls les bulletins mentionnant le nom d'une personne ne s'étant pas portée candidate pour ne pas rétrécir le vivier des candidats ? Un non-candidat ne fait pas partie de ce vivier !
Il serait bon que le Gouvernement ne s'intéresse pas aux seules grandes réformes électorales, qui permettent tous les tripatouillages, comme celle sur le mode de scrutin des conseillers territoriaux et se penche plus sérieusement sur les scrutins existants, pour les améliorer.
Rappel au Règlement
M. Michel Charasse. - Demain à midi expire le délai de dépôt des amendements au collectif budgétaire. Je me suis rendu ce matin au bureau de la distribution, pour y apprendre que nous ne disposerons pas du texte adopté par l'Assemblée nationale avant le milieu de la matinée de demain. Est-ce à dire que l'on prétend ne nous accorder qu'une heure pour déposer des amendements à ce texte ?
De deux choses l'une, ou l'on se débrouille pour nous distribuer ce texte aujourd'hui, ou l'on repousse le délai limite, faute de quoi, il faudra bien considérer que l'on nous prive de l'exercice de notre droit d'amendement.
Je sais que l'ordre du jour est très encombré mais j'estime qu'il serait bon que, lorsque la Conférence des Présidents fixe un délai limite de dépôt, elle descende de son piédestal et cesse de tourner dans l'espace pour atterrir et voir comment les choses se passent à la base.
M. le président. - Les services se sont mis en quête d'une version papier du texte.
M. Michel Charasse. - Il paraît que l'on peut le consulter sur internet : je ne sais pas ce que c'est et j'entends pouvoir consulter le document imprimé. Des crédits ne sont-ils pas prévus sur le budget du Sénat à cette fin ?
Questions orales (Suite)
Difficultés institutionnelles à Saint-Pierre-et-Miquelon
M. Denis Detcheverry. - Conformément au souhait du Président de la République lors du premier Conseil interministériel de l'outre-mer et en cohérence avec le projet de réforme des collectivités territoriales, j'ai demandé qu'une mission sénatoriale soit diligentée sur les problèmes institutionnels de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui connaît de réels problèmes de gouvernance et de fonctionnement, entravant tout développement économique adapté et durable.
Pourtant, depuis l'arrêt brutal de la pêche en 1992, de nombreux projets de développement ont été élaborés : tous ont rencontré des barrières administratives infranchissables et n'ont jamais vu le jour malgré une aide financière importante de l'État. La situation se dégrade, aucun projet structurant d'avenir n'a été mis en place et la population est en déclin.
Il est vrai qu'en vertu de l'article 74 de la Constitution, la responsabilité du développement économique nous appartient : on me le rappelle assez souvent à Paris. Mais ce n'est pas avec les 6 000 habitants que nous sommes que l'on trouvera la ressource humaine nécessaire pour constituer des dossiers complexes, surtout quand il s'agit de servir de trait d'union entre le continent nord américain et l'Europe.
L'administration d'État, pléthorique, a pour mission de gérer au jour le jour une situation économiquement exsangue alors que le Conseil territorial n'a pas les moyens de se doter d'une administration de développement à hauteur de nos besoins.
Même si notre statut actuel, qui date de 1985, dispose que « les agents et les services de l'État sont mis à la disposition de la collectivité et du président du Conseil territorial de façon permanente et en tant que de besoin », il suffit, dans les faits, que le président du Conseil territorial et le préfet ne s'entendent pas pour que tout s'effondre. Ce système bicéphale est loin d'être satisfaisant : on attend souvent que le préfet s'en aille pour recommencer à zéro...
Le Président de la République dans son discours lors du Conseil interministériel de l'outre-mer, comme les états généraux à Saint-Pierre-et-Miquelon ont faire ressortir de nombreuses questions sur le paradoxe de notre statut : transfert d'un certain nombre de compétences vers la collectivité et demande concomitante de plus en plus forte de plus d'État, un État régulateur mais aussi un partenaire, non seulement financier mais technique, arbitrant en fonction d'indicateurs précis -songez que nous ne connaissons pas, à l'heure actuelle, la réalité du chômage ni celle des prix par rapport à la métropole.
A l'issue de cette mission sénatoriale, qui devrait être menée dans les mois à venir, pouvez-vous m'assurer, madame la ministre, que vous nous donnerez les moyens humains et techniques nécessaires pour bâtir ensemble le véritable projet de territoire dont Saint-Pierre-et-Miquelon a besoin ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. - L'État, monsieur le sénateur, a toujours soutenu Saint-Pierre-et-Miquelon, et son aide n'a pas faibli. Dans le domaine de la pêche, il a accompagné toutes les initiatives. C'est ainsi qu'il a soutenu le rachat d'Interpêche par une société canadienne, en accordant, en 2009, une subvention de 2 millions à l'opération, de même qu'il finançait à hauteur de plus d'un million l'achat de deux navires et accordait 300 000 euros à une société d'exploitation de la coquille Saint-Jacques. Vous voyez que l'État répond toujours présent.
Au-delà des chiffres, je partage pourtant votre sentiment : l'économie de l'archipel a besoin d'être dynamisée et souffre toujours de l'effondrement de son secteur historique.
Le Président de la République, lors du Comité interministériel, a ouvert des pistes, qui passent par la structuration de la filière pêche, le développement de l'aquaculture, l'amélioration, en matière de transports, des circuits d'importation et de distribution, le développement, enfin, des coopérations avec le Canada, par l'accueil de sociétés canadiennes visant l'accès au marché européen : nos relations diplomatiques et économiques avec nos partenaires canadiens ont été renforcées à cette fin.
De nombreuses questions, enfin, persistent quant au statut. La mission sénatoriale sera l'occasion d'approfondir la réflexion et les pistes qu'elle dégagera seront soigneusement étudiées.
Elles complèteront utilement les mesures du conseil interministériel pour l'archipel et le Gouvernement étudiera leur articulation avec l'évolution statutaire.
S'agissant de l'accord de partenariat économique renforcé, une première réunion s'est tenue à Ottawa, avec le gouvernement fédéral et les provinces, dans une atmosphère très constructive. Une autre aura lieu à Bruxelles. L'Union y défendra les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon.
M. Denis Detcheverry. - Je vous remercie de cette réponse qui m'a rassuré. Le but n'était pas de rédiger un nouveau rapport qui finira dans un tiroir -j'attends toujours la mise en oeuvre de celui que j'avais rédigé en 2007.
Sdis et handicap
M. Daniel Reiner. - Puisque ma question a été redirigée vers le ministre de l'intérieur, j'attire votre attention, madame, sur l'application aux services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) de la loi du 11 février 2005 et du décret du 3 mai 2006 : comme dans toutes les autres collectivités employant au moins vingt personnes, l'obligation d'emploi en faveur de handicapés n'y est considérée réalisée que lorsque les bénéficiaires y représentent 6 % de l'effectif total. Or les Sdis emploient majoritairement des sapeurs-pompiers professionnels affectés en service opérationnel et soumis à de strictes conditions d'aptitude physique et médicale. Comment atteindre l'objectif des 6 %, même en prenant en compte les personnels administratifs et techniques ? Le code du travail prévoit des minorations dans le secteur privé pour des catégories d'emplois exigeant des conditions d'aptitude physique et médicale. La situation des Sdis apparaît donc aberrante. Pourquoi cette différence de traitement entre les secteurs public et privé et ne peut-on aménager les règles de calcul pour ne plus tenir compte des sapeurs-pompiers en service opérationnel ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. - Le ministre de l'intérieur m'a chargée de vous apporter la réponse suivante. La loi du 11 février 2005 place l'emploi au coeur des enjeux de la solidarité nationale. Les employeurs publics se doivent d'être exemplaires. Des difficultés sont toutefois apparues du fait que les sapeurs-pompiers sont sélectionnés sur des critères d'aptitude. En outre, ne sont comptabilisés que les sapeurs-pompiers reclassés sur un poste non opérationnel alors que la majorité des reclassements s'opèrent sur des postes comportant une dimension opérationnelle, tel celui d'opérateur de centre d'alerte. Le ministre de la fonction publique vient donc d'accepter un assouplissement par une circulaire du 26 octobre dernier portée à la connaissance des Sdis : ceux-ci pourront comptabiliser au titre de leur obligation d'emploi de personnes handicapées les sapeurs-pompiers reclassés sur des fonctions non opérationnelles.
M. Daniel Reiner. - J'enregistre avec satisfaction cette réponse. Ma question datait du début d'octobre, la circulaire est intervenue à la fin du mois. Je ferai part à ceux qui m'avaient interrogé de cette solution en espérant qu'elle les satisfera ; elle me paraît de bon sens.
Ingénieurs territoriaux, mention urbanisme
Mme Bernadette Bourzai. - Je vous remercie de répondre à ma question qui s'adressait à M. le ministre du budget : le Gouvernement a voulu montrer qu'il sait entendre les collectivités. Ma question porte sur l'incompréhension que suscite la restriction apportée depuis cet été aux urbanistes diplômés de l'université qui souhaitent s'inscrire au concours d'ingénieur territorial, mention urbanisme. Ils doivent en effet passer devant une commission d'équivalence des diplômes qui rejetterait les deux tiers des dossiers. Ces candidats réussissaient de manière remarquable et apportaient au statut les compétences requises pour servir les collectivités recherchant des professionnels de l'analyse et de la prospective territoriale et de la politique de la ville. La transversalité de leur formation convient à leurs responsabilités et leurs futurs employeurs y sont attachés. Un minimum de pragmatisme devrait permettre de prendre en compte le métier d'urbaniste alors que les problèmes relevant de la politique de la ville sont loin d'être réglés. Le Gouvernement entend-il revoir ou préciser le décret afin que les collectivités territoriales continuent de disposer d'ingénieurs territoriaux, mention urbanisme, ayant reçu une formation qu'elles apprécient ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. - Je vous prie d'excuser M. Woerth qui ne peut être présent ce matin. Depuis 2002, le diplôme permettant d'accéder au concours d'ingénieur territorial doit sanctionner une formation à caractère scientifique ou technique. Cette disposition a été prise pour corriger une distorsion entre le profil des candidats et les besoins des collectivités. Traduisant les conclusions d'un groupe de travail, elle répond à une demande des collectivités. La commission nationale des équivalences veille depuis 2007 au respect des qualifications exigées par les statuts de la fonction publique en s'appuyant sur la jurisprudence du Conseil d'État. Ont ainsi été écartés des candidats possédant un master de sciences humaines et sociales, mention géographie environnementale, ou un Dess de relations publiques de l'environnement, au motif que ces diplômes ne possèdent pas un caractère scientifique ou technique. Parce que l'urbanisme a une dimension transversale, le diplôme peut sanctionner une formation technique ou une formation plus générale mais dans ce cas, les candidats doivent être réorientés vers le concours d'attachés, spécialité urbanisme et développement des territoires. Il faut, pour répondre à la demande des élus, maintenir cette distinction.
Mme Bernadette Bourzai. - Je remercie la ministre de sa réponse que je prendrai le temps d'examiner. Je suis un peu surprise de cette conception du diplôme scientifique et/ou technique car les sciences humaines sont des sciences. Écarter le titulaire d'un master de géographie environnementale parce qu'il est généraliste et non scientifique apparaît un peu byzantin.
Valeurs locatives à Orléans-La Source
M. Jean-Pierre Sueur. - Ma question s'adressait à M. le ministre du budget mais je pense que Mme la ministre représente ce matin tout le Gouvernement et nous en sommes ravis. Je voudrais attirer son attention sur la situation des habitants du quartier de La Source, à Orléans, dans le Loiret. En effet, s'il y a des écarts injustifiés entre les montants des valeurs locatives sur l'ensemble du territoire national, ils prennent de telles proportions dans ce quartier construit entre 1960 et 1980 qu'ils suscitent le mécontentement des habitants que je connais bien pour les côtoyer. Les valeurs locatives y sont de moitié supérieures à la moyenne de la ville d'Orléans alors que l'article 1496-II du code général des impôts dispose qu'elles sont déterminées de manière à assurer leur homogénéité dans la commune ou de commune à commune.
A situation égale au sein de la commune, les impôts locaux diffèrent très fortement, du fait des valeurs locatives mais aussi du coefficient d'entretien. Ces disparités ont conduit l'administration fiscale, à la demande de deux bailleurs sociaux, à réduire celui-ci ; il est incompréhensible qu'il n'ait pas été procédé à la même diminution pour tous les logements du quartier de La Source. La valeur locative des logements y est appréciée à la date du 1er janvier 1970 et n'a jamais été révisée, ce qui contrevient à l'article 1516 du code général des impôts qui dispose que « les valeurs locatives des propriétés (...) sont mises à jour suivant une procédure comportant la consultation annuelle des changements affectant ces propriétés ; l'actualisation tous les trois ans des évaluations résultant de la précédente révision générale ; l'exécution de révisions générales tous les six ans ». Le Président de la République a d'ailleurs récemment déclaré à Saint-Dizier qu'avant la fin de l'année -nous y sommes-, des marges de manoeuvre pour actualiser les valeurs locatives seraient proposées aux élus. Avez-vous des informations sur ces « marges de manoeuvre » ? Quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre à l'égard des contribuables du quartier d'Orléans-La Source ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. - Je vous prie d'excuser M. Woerth, qui m'a chargé de vous répondre. Les valeurs locatives des logements du quartier d'Orléans-La Source ainsi que le coefficient d'entretien sont déterminés par l'administration en concertation avec les instances locales, et notamment la commission communale des impôts directs d'Orléans. Ce partenariat a permis de revoir les paramètres de plus de 3 000 logements HLM et, depuis 2008, de 800 pavillons individuels. Les valeurs locatives ont ainsi été modifiées pour 20 % des habitations, à la hausse comme à la baisse.
Comme l'ont déclaré le Président de la République à Saint-Dizier le 20 octobre et le Premier ministre devant le Congrès des maires le 17 novembre, la révision des bases de la fiscalité locale est une nécessité. Le Gouvernement lancera dans les jours qui viennent une concertation sur les modalités de cette révision avec les associations d'élus et le Parlement, les locaux commerciaux devant être concernés en priorité.
M. Jean-Pierre Sueur. - Votre réponse n'apporte malheureusement aucun élément nouveau. Ce n'est pas ce que j'avais compris de l'engagement du Président de la République. Il y a des injustices à réparer, au plan national comme dans le quartier d'Orléans-La Source. Je n'ignore pas que le coefficient d'entretien y a été abaissé pour un certain nombre de logements sociaux, ni que des habitants ont reçu un questionnaire des services des impôts -mais un tel questionnaire peut être envoyé à tout moment à tout habitant du territoire, il n'y a pas eu de traitement particulier. Ce n'est pas ce que nous demandons ; nous voulons une mesure générale qui tienne compte des spécificités du quartier. Le coefficient d'entretien est aujourd'hui fixé à 1,2 et s'applique indifféremment aux constructions neuves et anciennes ; il serait opportun de le ramener à 1. Il est tout autant justifié de le baisser pour les logements sociaux que pour les autres habitations du quartier. Je suis souvent intervenu sur cette question ; je continuerai tant que l'injustice ne sera pas réparée.
Fermeture de blocs opératoires
M. Jacques Mézard. - Le Gouvernement a récemment confirmé la fermeture de 182 blocs opératoires pratiquant moins de 1 500 actes chirurgicaux par an. Cette décision concernerait 25 % des établissements chirurgicaux publics et 9 % des établissements privés. Il s'agit de fermer des services où la sécurité et la qualité des soins ne seraient pas assurées - existe-t-il des statistiques sur ces sujets ? Seul le nombre d'actes est retenu mais ni le type d'actes ni le nombre de chirurgiens en activité dans les établissements ne sont pris en compte. C'est dire que l'approche est plus technique qu'humaine et menace les petits établissements hospitaliers de proximité.
Je note que le Conseil national de la chirurgie avait fixé le seuil à 2 000 actes par an et que le Gouvernement l'a abaissé à 1 500 ; je note aussi qu'on ne semble guère se préoccuper de la qualité des soins dispensés dans les grands hôpitaux publics et privés, qui prendront en charge les malades en cas de fermetures des petits blocs... Nous craignons que ces fermetures ne contraignent les familles à de longs trajets dans les territoires les plus enclavés ; l'accès aux soins d'urgence serait alors en cause.
Je souhaite que le Gouvernement prenne en compte les difficultés particulières de certains territoires et précise ses intentions pour garantir une offre publique de soins de proximité.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Votre question me permet de faire litière d'informations erronées. Les activités de médecine et de chirurgie sont réglementées par des décrets de mars 1956 qui ne s'appliquent d'ailleurs qu'aux établissements privés. Les choses ont évolué depuis... La refonte de ces textes a été entamée par M. Xavier Bertrand ; la concertation se poursuit avec tous les acteurs publics et privés, les fédérations hospitalières, les sociétés savantes, le Conseil national de la chirurgie, le Conseil de l'Ordre, la Haute autorité de santé. Plus que de fermeture d'établissements, il s'agit de sécurité et de qualité des soins. Parmi les critères retenus figure le nombre d'actes pratiqués ; chacun sait que ce qu'on fait bien est ce qu'on fait souvent. J'ai moi-même insisté pour que le seuil, fixé à 2 000 par le Conseil national de la chirurgie, soit ramené à 1 500.
C'est le minimum pour assurer des conditions de sécurité et de qualité optimales. Ce seuil, qui figure dans le projet d'arrêté annexé aux deux décrets, garantit également que les opérateurs ont une pratique suffisante pour conserver le niveau de compétences requis.
Les établissements de proximité connaissent des taux de fuite de 80 à 90 % car les patients votent avec leurs pieds et choisissent des plateaux techniques plus éloignés mais plus importants. Nous ne pouvons nous satisfaire d'une offre de soins qui ne réponde pas à toutes les exigences de qualité et de sécurité.
J'ai souhaité renforcer le rôle propre aux établissements de proximité afin qu'ils répondent au mieux aux besoins de la population. Si cette réponse peut passer par une reconversion partielle d'activités, je n'ai jamais fermé d'établissement. Les centres hospitaliers voient leur rôle de proximité renforcé, en développant des services de soins de suite et de réadaptation ou de gériatrie et en s'intégrant dans des filières de soins. Je suis attachée à la prise en charge graduée et coordonnée des patients en tout point du territoire.
Je renforce également les services d'urgences, qui ont évidemment vocation à rester dans l'hôpital de proximité. Je me suis engagée à ce que 90 % de la population puisse être prise en charge par une structure adéquate dans un délai très rapide, contre 80 % aujourd'hui.
Si un établissement n'est pas dans les clous, on ne ferme pas mais on pose des questions : comment améliorer les choses, faire de la coopération, transformer des activités ? Le recours à l'hôpital de proximité ne doit pas être une relégation.
M. Jacques Mézard. - Merci de ces explications. Nous avons beaucoup parlé de déserts médicaux : évitons qu'il y ait aussi des déserts chirurgicaux ! Il faut penser aux départements qui n'ont pas de métropole régionale.
Situation des Chantiers de l'Atlantique
M. André Trillard. - La dernière commande de paquebot enregistrée par les chantiers nazairiens date du 29 mars 2007. Depuis presque trois ans, seule une commande de l'État pour un navire militaire est venue garnir le carnet de commandes. En surcapacité de production, les chantiers sont contraints de mettre en place un plan de départs volontaires, qui concerne 351 salariés.
Certes, les postes liés à l'activité commerciale ou les bureaux d'études sont épargnés, afin de pouvoir redémarrer l'activité rapidement en cas de déblocage des offres. Le plan serait alors ajustable à la baisse d'ici la fin janvier. Certes, les Chantiers STX s'attachent à diversifier leur activité, en particulier vers l'offshore, mais cela exige patience et ténacité. Certes, la direction travaille à boucler la commande de deux paquebots pour MCS et l'État finalise le montage financier.
Même si un frémissement est aujourd'hui perceptible, les armateurs demeurent toutefois hésitants en raison de problèmes de financement, et il n'est pas réaliste d'espérer conserver un rythme annuel de 2,5 unités. La baisse d'activité aura des effets démultipliés sur la sous-traitance et affectera l'ensemble de l'économie régionale.
Le ministre de la défense a indiqué que « même actionnaire à 34 %, l'État ne peut pas tout ». Certes, mais son action comme son accompagnement financier peuvent être déterminants pour débloquer la prise de commandes et aider des projets à se concrétiser. Le Gouvernement peut-il nous communiquer des informations concrètes sur ce dossier ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Veuillez accepter les excuses de M. Estrosi, retenu loin de Paris. Élue ligérienne, je suis très attachée à cette entreprise et je me suis souvent battue à vos côtés sur ce dossier.
La société STX France, détenue à hauteur de 33,34 % par le Fonds stratégique d'investissement depuis que l'État lui a transféré sa participation en juillet 2009, fait face à une sous-activité importante depuis l'annulation d'une commande par l'armateur NCL et du fait de la crise qui a frappé les compagnies de croisière.
L'État n'a pas ménagé ses efforts pour accompagner l'entreprise dans une période de transition. Sa prise de participation a eu pour effet d'injecter 110 millions dans l'entreprise : l'État ne peut pas tout mais il peut beaucoup ! La commande, en avril 2009, d'un bâtiment de projection et de commandement, dans le cadre du plan de relance, a également atténué l'impact de la crise.
La direction générale de STX France fait tout pour obtenir de nouvelles commandes et négocie notamment avec l'armateur MSC. L'État est vigilant sur l'avenir de cette société, fleuron de l'industrie française et des Pays de la Loire. Les services de M. Estrosi seront à vos côtés pour appuyer vos efforts.
M. André Trillard. - Je remercie la ministre, que je sais attentive au dossier. C'est l'un des derniers constructeurs français capable de réaliser de grands paquebots dont l'avenir est menacé. Il nous faudra travailler tous ensemble à l'indispensable montage financier.
Adaptation de la fiscalité agricole à la crise
M. Alain Houpert. - L'agriculture est en crise : il faut lui donner des outils fiscaux mieux adaptés et plus souples, qui lui permettent de corriger les évolutions sinusoïdales du revenu agricole.
Les entreprises agricoles ont peu de trésorerie et la fiscalité actuelle n'est pas en prise directe avec leurs résultats. Pour compléter le dispositif dotation fiscale à l'investissement (DFI), il faut ouvrir la dotation pour aléas (DPA), aujourd'hui réservée aux seuls aléas climatiques et sanitaires, aux aléas économiques et familiaux. Cette épargne professionnelle doit être utilisée avec souplesse en cas de chute de la marge brute de l'exploitation de plus de 10 %. Il convient d'y ajouter une assurance contre les risques économiques. Enfin, l'investissement, souvent lourd et peu rentable même s'il est indispensable, devrait donner lieu à un allégement fiscal.
Compte tenu de la crise, le Gouvernement envisage-t-il de réformer la fiscalité agricole, d'une part pour alléger la charge fiscale en contrepartie des efforts d'investissement et des aléas économiques et familiaux et d'autre part pour que l'impôt sur le revenu agricole soit calculé sur une moyenne triennale ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - M. Le Maire est retenu à Bruxelles par le Conseil agriculture, mais c'est une élue de l'une des premières régions agricoles de France qui vous répond.
L'agriculture traverse une crise exceptionnelle. Tous les secteurs sont touchés. C'est une crise de revenus mais aussi une crise d'identité. Le Gouvernement est pleinement mobilisé. Le plan présenté le 27 octobre dernier par le Président de la République est sans précédent. Doté de 1,6 milliard, il comprend des mesures bancaires et des mesures d'allégements de charges. Il répond aux besoins des exploitants en difficulté, quelles que soient les filières et les régions. Ce sont les résultats qui comptent. Le député Forissier a été nommé médiateur afin de s'assurer que les agriculteurs soient entendus.
La déduction pour aléa est déjà inscrite dans le code général des impôts en cas d'aléa climatique, naturel ou sanitaire afin d'inciter les agriculteurs à constituer une épargne de précaution.
Comme vous le souhaitiez, l'Assemblée nationale vient de l'étendre aux aléas économiques par un amendement du député Le Fur au projet de loi de finances pour 2010.
En outre, l'ambition du Gouvernement est de généraliser l'assurance récolte. Après l'augmentation des moyens qui y sont consacrés en 2009 afin de porter le taux de subvention à 40 et 45 % pour les jeunes dans les secteurs les plus exposés comme les fruits et légumes et la viticulture, l'inscription de la couverture des risques climatiques et sanitaires dans le cadre du premier pilier de la PAC libérera 100 millions de crédits communautaires dès 2010 pour financer un taux de subvention de l'assurance récole de 65 % dans les secteurs des grandes cultures, des fruits et légumes et de la viticulture. Cette évolution permet d'envisager après 2013 le développement d'autres dispositifs assurantiels, de type assurance revenus ou chiffre d'affaires. A cet égard, M. Le Maire souhaite que les assureurs expérimentent un produit d'assurances couvrant les productions fourragères. Fort des résultats de cette expérimentation, le Gouvernement pourra examiner, en toute connaissance de cause, la question de la réassurance lors du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
Enfin, les agriculteurs bénéficient déjà d'un dispositif d'étalement sur trois ans de leur impôt sur le revenu afin de tenir compte de l'irrégularité des bénéfices agricoles : il s'agit de la moyenne triennale prévue à l'article 75-0 B du code général des impôts.
M. Alain Houpert. - Merci de cette réponse. L'entreprise agricole n'est pas une entreprise comme les autres. Sa croissance n'est pas linéaire, mais sinusoïdale. Qui plus est, les agriculteurs connaissent une situation un peu paradoxale : une bonne récolte n'est pas forcément le signe d'une augmentation des revenus car elle est excellente pour tous, ce qui entraîne la baisse des cours. D'où l'importance de requalifier l'assurance récole en une assurance revenus.
Financement de la prise en charge des mineurs étrangers isolés
M. Jean Besson, en remplacement de M. Jean-Pierre Bel. - Permettez-moi d'excuser l'absence de M. Bel qui préside actuellement une réunion de notre groupe. Actuellement, un mineur étranger isolé en situation irrégulière qui manifeste sa présence sur notre territoire est confié par ordonnance du procureur de la République au président du conseil général du lieu où il se déclare. Ainsi la prise en charge financière, sociale et familiale du mineur étranger isolé, conformément aux dispositions du code de la famille et de l'aide sociale à l'enfance, représente une lourde charge pour les départements -12 % du budget de l'aide sociale à l'enfance de l'Ariège- alors que cette question, relevant de la solidarité nationale, devrait être financée par l'État. De surcroît, les structures d'accueil liées à l'aide sociale à l'enfance sont saturées. Récemment, une des deux ordonnances de placement prises dans l'Ariège n'a pu être honorée faute de places. Se pose donc la question du placement en urgence de tous les enfants, qu'ils soient étrangers ou non.
Monsieur le ministre, il ne s'agit nullement de remettre en question le principe d'accueil des mineurs étrangers ou d'opposer un jeune à un autre mais de savoir comment l'État assume ses responsabilités à l'heure où les départements connaissent une situation financière difficile à la suite de la réforme de la taxe professionnelle. L'État ne devrait-il pas exercer seul la compétence d'accueil des mineurs étrangers isolés ?
M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. - Monsieur Jean Besson, j'espère ne pas vous porter préjudice au sein de votre groupe en indiquant que j'éprouve un plaisir particulier à vous donner ma réponse. Ce sujet complexe et délicat, qui concerne 3 à 4 000 jeunes sur notre territoire, ne doit pas donner lieu à des querelles partisanes et requiert une coopération étroite entre tous les acteurs concernés.
Après avoir rendu visite aux associations d'accueil en février dernier, j'ai créé un groupe de travail pluraliste sur la question des mineurs étrangers isolés en mai auquel participaient un représentant de l'Association des maires de France et un autre de l'Association des départements de France. En m'appuyant sur le rapport qu'il m'a rendu le 16 novembre, j'ai fait connaître mes premières propositions. Tout d'abord, le principe d'une séparation absolue des majeurs et des mineurs dans les zones d'attente créées par le gouvernement Bérégovoy en 1992. Ensuite, les mineurs étrangers isolés doivent d'abord être considérés comme des mineurs. Il n'est pas envisageable, en vertu des lois de notre République, d'opérer une distinction selon leur origine. La protection qui leur est accordée aux termes de la loi du 5 mars 2007 relève de l'aide sociale à l'enfance. L'État est déjà solidaire puisqu'il finance les structures d'accueil et d'hébergement pour 7 millions. A ce sujet, j'ai décidé l'ouverture d'un centre de 50 places à Vitry-sur-Orne afin de soustraire ces mineurs aux filières mafieuses de la « jungle » de Calais. Pour une répartition géographique plus équitable de ces mineurs, une des pistes serait de mieux utiliser le pouvoir de placement des juges et des parquets. Je suis prêt à rechercher avec le président de l'Association des départements de France des solutions pour améliorer l'efficacité de ce dispositif. La question étant également européenne, j'ai suggéré à l'Espagne, qui assumera la présidence de l'Union à partir du 1er janvier prochain, d'étudier la création d'un fonds européen pour les mineurs étrangers isolés, ce qu'elle a accepté. Enfin, je veux rappeler que la France est exemplaire en ce domaine : elle est le seul pays d'Europe à offrir une protection absolue aux mineurs en n'autorisant ni mesure d'éloignement contrainte ni remise du mineur à un autre État membre de l'Union.
M. Jean Besson, en remplacement de M. Jean-Pierre Bel. - Merci de votre réponse qui va dans le bon sens. La question de la prise en charge financière des mineurs étrangers isolés se pose davantage dans l'Ariège de M. Bel, département transfrontalier, que dans le Drôme qui nous est cher à tous deux !
Avenir de la maison d'arrêt de Privas
M. Yves Chastan. - En l'absence de réponse précise du directeur de l'administration pénitentiaire que j'ai interpellé le 29 juillet dernier, je m'inquiète de l'avenir de la maison d'arrêt de Privas, le seul établissement ardéchois. Selon la presse, cette maison d'arrêt, qui date de 1820 et accueille aujourd'hui dans ses 29 cellules près d'une centaine de détenus purgeant de courtes peines ou se trouvant en détention provisoire, pourrait disparaître dans le cadre de la restructuration du service public pénitentiaire. Un tel projet est étonnant quand cet établissement est exemplaire pour nombre d'acteurs du monde judiciaire. Non seulement, il enregistre des résultats très encourageants en matière de prévention contre les dépendances à l'alcool et aux drogues et de suivi psychologique des détenus mais il coopère également étroitement avec les principaux établissements publics de santé locaux et le théâtre de la ville. De plus, de nombreux travaux de réhabilitation et de modernisation des bâtiments ont été engagés, associant les détenus volontaires. Pourquoi fragiliser les services publics de proximité présents sur les territoires ruraux ? Vous connaissez la formule célèbre de Victor Hugo : « Celui qui ouvre une école ferme une prison ». Or, en Ardèche, on ferme aujourd'hui écoles et prison. Comment expliquer aux femmes et enfants de détenus ardéchois qu'ils devront désormais parcourir des dizaines, voire des centaines de kilomètres pour rendre visite à leur mari ou à leur père ? En outre, la fermeture de cette prison entraînerait pour l'Ardèche le départ de 35 fonctionnaires ainsi que de leurs familles et la disparition de près d'une centaine d'emplois induits. Qu'en est-il de l'avenir de cet établissement ?
M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. - Mme Alliot-Marie, empêchée, m'a prié de vous répondre. La maison d'arrêt de Privas, mise en service en 1820, dispose de 64 places mais accueillait 80 détenus à la date du 1er novembre. Un programme immobilier pénitentiaire est à l'étude ; son objectif est de mettre à niveau nos prisons en les rénovant ou en les reconstruisant. Initialement, la suppression de 12 300 places dans des établissements vétustes ou inadaptés à une politique pénitentiaire moderne devait être compensée par la création d'autant de places nouvelles ; mais le Président de la République a annoncé l'ouverture de 5 000 places supplémentaires.
L'avenir de la maison d'arrêt de Privas sera bientôt évoqué dans ce cadre. Aucun arbitrage n'a encore été rendu sur l'emplacement des nouvelles prisons ou sur d'éventuelles fermetures ; vous serez bien entendu tenu informé de l'avancée de nos travaux.
M. Yves Chastan. - La question est donc en suspens. Je souhaite que les cadres et les agents de la maison d'arrêt soient associés à la réflexion et que cet établissement ancien mais fort bien entretenu -le plan de relance y a récemment contribué- soit finalement maintenu. Il y a va de l'honneur de notre système pénitentiaire. Des événements récents ont montré l'utilité de tels établissements de petite taille, adaptés à des détenus condamnés à de courtes peines, qui y trouvent des conditions favorables pour payer leur dette envers la société et préparer leur réinsertion. Il faut aussi songer aux agents, qui méritent d'être soutenus.
Pollution des mers
M. Robert Tropeano. - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'écologie. La Conférence de Copenhague qui se tient actuellement a pour objet de sauvegarder l'équilibre climatique de notre planète et d'anticiper les bouleversements écologiques des 30 prochaines années. C'est l'occasion pour la communauté scientifique, les élus et les associations de protection de l'environnement d'attirer l'attention du public sur la pollution de plus en plus inquiétante de nos mers et océans. La France possède la plus grande surface maritime au monde. La saison estivale vient à peine de s'achever que les élus locaux et les associations tirent une fois de plus la sonnette d'alarme sur l'état de délabrement de nos côtes et fonds marins. L'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) estime à plus de 540 millions de tonnes la quantité de déchets plastiques qui encombrent les fonds marins européens, la Méditerranée étant de loin la mer la plus polluée. Les déchets plastiques représentent entre 60 et 95 % des macro-déchets, avec une biodégradabilité polluante située entre 100 et 500 ans ; viennent ensuite les déchets en verre et en métal.
Cette pollution menace l'éco-système sous-marin en empêchant le renouvellement des biotopes et en provoquant la mort par étranglement ou étouffement des grands organismes marins -tortues, cétacés, thons...- et de milliers d'oiseaux en surface. Le développement de la navigation de plaisance aggrave la situation : 25 000 nouveaux bateaux sont immatriculés chaque année en France, sur un total de 900 000.
Le Gouvernement a lancé au printemps dernier le Grenelle de la mer qui doit aboutir à l'élaboration de normes réglementaires pour une gestion de la mer plus efficace et respectueuse de l'environnement. Les campagnes de communication locales et nationales ne suffisant plus, il faut traiter le problème à la source en empêchant que des centaines de milliers de tonnes de déchets soient rejetés à la mer. La solution la plus efficace, la plus simple et la moins coûteuse serait de mettre en place des collecteurs flottants de déchets domestiques dans les zones de mouillage et les réserves naturelles marines, comme l'ont déjà fait certaines collectivités et personnes morales en charge de la collecte des déchets. La mer n'est pas une poubelle !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. - La gestion des macro-déchets du littoral est une question complexe. Derrière ce terme générique se cachent des déchets de nature, de taille et d'origine variées, dont 80 % proviennent de la terre. La réduction de leur impact environnemental nécessite des mesures complémentaires de prévention, de collecte et de traitement.
Entamée dans le cadre du comité opérationnel sur les déchets du Grenelle de l'environnement, la réflexion sur les macro-déchets s'est poursuivie de décembre 2008 à mai 2009 dans le cadre d'un groupe de travail spécifique, dont le plan de réduction et de gestion des macro-déchets flottants fut repris par l'engagement n°67 du Grenelle de la mer. Il est prévu à la fois de sensibiliser le grand public, d'encourager la recherche et l'innovation, d'améliorer la connaissance qualitative et quantitative des différents types de macro-déchets et de prendre en compte les zones d'accumulation dans les outils de planification.
Encore faut-il savoir comment financer ces mesures et qui doit en porter la responsabilité. Puisqu'il est impossible de remonter jusqu'aux producteurs de déchets, qui parcourent de vastes distances, il faut innover. Le groupe de travail sur les macro-déchets flottants a élaboré la notion de « solidarité amont-aval » afin de responsabiliser les acteurs en amont dans le traitement des déchets accumulés en aval ; l'engagement n°95 b du Grenelle de la mer prévoit la création d'un fonds de solidarité basé sur le principe du « pollueur-payeur ». Un groupe de travail chargé de la mise en oeuvre de cet engagement sera bientôt constitué ; il devra remettre ses conclusions avant le printemps 2010.
Enfin, le Gouvernement encourage les gestionnaires des ports et des zones de mouillage à mettre en place si nécessaire des collecteurs flottants de déchets. Mais ce sujet ne relève pas de la loi ; de même, la loi ne précise pas qu'il faut mettre des poubelles dans les rues !
M. Robert Tropeano. - L'implantation de collecteurs flottants est la solution la plus simple. Les pêcheurs se plaignent de voir les deux tiers de leurs prises polluées par le plastique. La prolifération des méduses est aussi l'effet de la pollution, puisque leurs principales prédatrices, les tortues, meurent étouffées par des déchets. Quant aux dauphins, ils souffrent d'occlusions intestinales... La France, qui est dotée du territoire maritime le plus vaste du monde, doit donner l'exemple de la dépollution des mers.
Protection de captages d'eau
M. Philippe Leroy. - L'article 27 de la loi Grenelle I dispose que des plans d'action seront mis en oeuvre d'ici à 2012 pour assurer la protection des 500 captages les plus menacés par les pollutions diffuses. Les ministères en charge du développement durable, de la santé et de l'agriculture ont jugé utile de publier dès le 1er juillet 2009, plus d'un mois avant la promulgation de la loi, une liste de 507 sites, dont huit en Moselle - il semble qu'il y en ait davantage encore. Cela suscite beaucoup d'interrogations sur le choix des sites et le respect de la procédure de concertation.
L'identification des captages Grenelle est nécessaire pour atteindre les objectifs contenus dans la loi Grenelle I, qui s'inscrit dans la lignée de la directive-cadre européenne sur l'eau, transcrite en droit français par la loi du 21 avril 2004. Je ne conteste pas la loi mais l'application qui en est faite. Quelle est la portée juridique de cette liste publiée avant même le vote du Parlement ? Les choix des services administratifs sont-ils pertinents ? L'absence de concertation ne conduira-t-elle pas certaines communes à délaisser des sites retenus pour éviter de supporter des charges nouvelles dont les modalités de compensation restent floues ? Qu'est-ce que le Gouvernement entend faire, y compris dans l'hypothèse d'un arrêt de ces captages ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. - Fin 2007, les conclusions des tables rondes du Grenelle de l'environnement mirent en évidence la nécessité de protéger les ressources en eau. Un objectif ambitieux fut alors fixé : renforcer d'ici 2012 la protection des aires d'alimentation d'au moins 500 captages d'eau destinée à la consommation dont la qualité était menacée. Le Gouvernement demanda aussitôt à ses services de bâtir un programme de travail sans attendre la promulgation de la loi Grenelle II, afin de respecter l'échéance fixée.
Cinq cent sept captages, répartis sur tout le territoire, ont ainsi été identifiés suite à une concertation locale. Le choix s'est fondé sur trois critères : le niveau de pollution par les nitrates ou les pesticides, le caractère stratégique de la ressource au vu de la population desservie, la volonté de reconquérir certains captages abandonnés. Nous pourrons nous appuyer sur l'article 21 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, qui prévoit la protection de « zones soumises aux contraintes environnementales ».
Dans la Moselle comme dans les autres départements, il faut donc définir et réaliser des programmes d'action dont la réussite reposera sur la participation de tous les acteurs territoriaux concernés. L'ampleur de cette phase de concertation justifie l'attribution de crédits d'État déconcentrés ou de moyens financiers engagés par les agences de l'eau.
L'arrêt de certains captages ne peut suffire à justifier leur retrait de la liste, puisque la reconquête de la qualité reste un objectif. Cependant, si l'opération était inévitable, le préfet du département devrait proposer un nouveau captage.
En tout état de cause, ces mesures sont exclusivement destinées à garantir une qualité des eaux conforme à la réglementation déjà en vigueur.
M. Philippe Leroy. - Je ne veux pas polémiquer mais quatre des captages de mon département se trouvent dans le canton où je suis élu conseiller général. Les maires ont appris la situation en juin et juillet. Le président du conseil général que je suis n'a jamais été saisi par le préfet au cours des deux dernières années, bien que le conseil général finance la politique de l'eau à parité avec l'agence de l'eau. Je mets donc en doute les choix opérés en Moselle.
Si la même situation s'est reproduite dans toute la France, le sénateur que je suis pense que vous n'avez pas été bien informé.
Sans vouloir faire la guerre, je souhaite que nous protégions les captages là où la concertation aura permis le succès de cette politique. Dans ce genre d'affaires, rien ne sert de forcer le destin !
Démolition des navires de plaisance hors d'usage
M. Jean-Luc Fichet. - Après quarante ans de coques en plastique, il est nécessaire de déconstruire les bateaux de plaisance hors d'usage, qui font courir des risques considérables à l'environnement. Avec l'aide du ministère de l'environnement et de l'Ademe, la fédération des industries nautiques a lancé un vaste projet national de déconstruction. La région Bretagne soutient cette initiative via la charte des espaces côtiers bretons.
Dans le cadre du Grenelle de la mer, les professionnels du secteur ont attiré l'attention de l'État sur l'urgence d'élaborer une réglementation sur ce sujet, puisque le droit inaliénable à la propriété empêche aujourd'hui de récupérer un bateau. Il faudrait pourtant que les propriétaires prennent conscience de leurs responsabilités pour l'avenir de la planète. Il est donc indispensable de les sensibiliser, de même que les chantiers navals et les gestionnaires de port. J'ajoute que la création d'une filière de déconstruction permettrait de créer des centaines d'emplois sur nos côtes.
Dans mon département, l'association Les Genets d'or, qui tend à développer l'emploi des personnes handicapées, a repéré 450 à 550 bateaux entre Saint-Malo et Lorient. Les experts estiment qu'il faudra traiter 20 000 tonnes à l'horizon 2025, puisque 20 000 bateaux arrivent chaque année en fin de vie.
Quels moyens législatifs envisagez-vous pour mettre en place des circuits de récupération et déconstruction respectant l'environnement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. - On décomptait au 31 août 2008 quelque 907 000 navires de plaisance immatriculés en métropole pour une navigation en eaux maritimes. Mais de nombreux propriétaires ne signalant pas la destruction ou l'inaptitude de leur embarcation, la flotte active est estimée à 153 000 unités de plus de six mètres et à 379 000 de moins de six mètres.
Chaque année, quelque 23 000 nouvelles immatriculations ont lieu, dont les deux tiers font moins de six mètres et les trois quarts possèdent un moteur.
Selon une étude réalisée en 2003 par l'agence française de l'ingénierie touristique, 3 000 embarcations de plus de six mètres et 10 000 de moins de six mètres arrivent chaque année en fin de vie. Parmi ces dernières, les embarcations pneumatiques représentent quelque 2 000 unités, les scooters et motos de mer environ 2 200.
Consciente de cette situation, la Fédération des industries nautiques a créé l'Association pour la plaisance éco-responsable, afin de mettre en place une filière française de déconstruction et recyclage des bateaux de plaisance hors d'usage. En effet, la très grande majorité des coques de navires ayant été réalisée en matériaux composites, les filières classiques ne peuvent recycler la totalité des produits concernés malgré l'existence dans chaque port d'un plan de collecte et de traitement des déchets.
Pour anticiper la déconstruction des navires de plaisance, un colloque sur le développement durable de la filière nautique s'est déroulé à Lorient le 11 juin, à l'initiative de l'État. Son objectif était d'obtenir que la conception des navires prenne en compte le recyclage ultime en fin de vie.
Lors du Grenelle de la mer, les parties prenantes se sont engagées à favoriser la formation d'une filière française de démantèlement, recyclage et dépollution des navires. Le Premier ministre a donc nommé M. Cardo parlementaire en mission chargé de proposer des mesures concrètes et opérationnelles en ce sens. D'autres engagements tendent à éviter les « bateaux ventouses » en contraignant leurs propriétaires à les faire déconstruire s'ils sont hors d'usage. Enfin, les travaux sur le navire du futur devront faciliter le traitement ultérieur des matériaux.
M. Jean-Luc Fichet. - Je vous remercie pour ces éléments, mais je vous avais interrogé sur la législation applicable aux bateaux arrivés en fin de vie, dont l'abandon provoque une pollution visuelle et chimique. Nous souhaitons que les propriétaires soient contraints de les faire détruire. Imaginer une solution industrielle pour l'avenir est très bien, mais rien n'a encore été fait.
L'association que j'ai citée pourrait créer une filière utile pour éliminer les bateaux et procurant un emploi à ceux qui en ont le plus besoin.
Application de la loi SRU à Trilport
Mme Nicole Bricq. - Je suis très satisfaite que M. le secrétaire d'État réponde à ma question, qui porte sur l'urbanisme.
En effet, certaines municipalités soumises à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite loi SRU, rencontrent des difficultés pour atteindre le seuil de 20 %.
Ainsi, la commune de Trilport, en Seine-et-Marne, a engagé une démarche volontariste pour atteindre l'objectif légal dans les meilleurs délais. Mise à l'amende entre 2004 et 2006, la municipalité a été ensuite exonérée des pénalités en raison des efforts visibles qu'elle a fournis.
Mais le zonage établi par les administrations du logement et du budget freine cette démarche positive. En effet, le commune figure en zone II, alors que quatorze des dix-huit communes de l'agglomération du pays de Meaux sont classés en zone I. Par suite, tout bailleur social opérant à Trilport subit un surcoût de 20 % lorsqu'il investit et perd ensuite 20 % des loyers. Malgré ce handicap, la ville a signé avec l'État un contrat de mixité sociale.
Saisi à plusieurs reprises par le maire, le préfet de Seine-et-Marne a demandé à la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction que la commune soit classée en zone I, conformément à l'avis favorable formulé par la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture. Pourtant, le reclassement se fait encore attendre.
Quel est le calendrier de cet ajustement, à Trilport ou ailleurs ?
J'estime d'autre part qu'il faut aussi favoriser la construction de logements sociaux par des collectivités à qui le taux de 20 % ne s'applique pas.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. - La commune de Trilport compte 5 % de logements sociaux, après en avoir construit six en 2008. Vous expliquez ce faible chiffre par le classement en zone II, avec un loyer plafond plus faible qu'en zone I.
Cela impose donc une mobilisation de fonds propres plus importante pour les organismes de logement social.
Le cadre réglementaire des aides à la pierre présente des éléments de souplesse pour intégrer les réalités locales. Sur des zones restreintes et dans un cadre déconcentré, le préfet dispose d'un pouvoir d'appréciation pour moduler l'assiette de subvention et le niveau de loyer.
Les changements de zonage doivent être examinés avec beaucoup de précaution car ils ont pour effet d'augmenter les loyers des logements sociaux. Ce zonage a été modifié en novembre 2005 et a concerné 326 communes d'Ile-de-France. Ces changements ont été décidés sur la base du prix du foncier et des projets « prêts à sortir de terre ». Trilport n'a pas fait l'objet d'un reclassement en 2005 alors que cette commune fait partie de l'unité urbaine de Meaux et aurait pu légitimement être reclassée en zone I. Compte tenu de ces éléments, il a été demandé au préfet de se rapprocher de cette commune pour examiner avec elle les adaptations locales propres à faciliter la réalisation de logements locatifs sociaux. Nous veillerons, dans le cadre d'une prochaine révision de l'arrêté de zonage, à intégrer Trilport dans la zone I.
Mme Nicole Bricq. - Fort bien, et le maire de Trilport vous a entendu. Mais j'attire votre attention sur les lenteurs de la procédure : un premier courrier est envoyé début 2007 ; le préfet y répond en janvier 2008 et nous sommes en décembre 2009 ! Vous m'annoncez une prochaine révision ; je voudrais être sûre qu'elle aura bien lieu en 2010 !
Cette lenteur n'est pas indolore, quand on connaît les prix en Ile-de-France. Si l'on veut encourager la construction de logements sociaux partout où c'est possible, il faut aller plus vite. Trilport s'est engagée à construire un éco-quartier avec des logements sociaux ; la commune est déterminée à franchir le seuil des 20 %.
Barrages
M. Alain Fauconnier. - La transformation d'EDF en société anonyme va avoir, entre autres conséquences, la mise en concurrence des entreprises intéressées pour renouvellement des concessions hydrauliques. EDF, premier producteur hydro-électrique européen, gérait seul les barrages. Qui le fera si l'entreprise nationale n'était pas retenue, ou pas candidate dans certains cas malgré son savoir-faire reconnu dans le monde entier ? Et surtout, comment ? Les élus de mon département sont inquiets pour l'avenir du secteur hydro-électrique, la première source renouvelable d'électricité et la plus propre.
Le décret du 28 septembre 2008 est particulièrement flou, malgré le développement des huit étapes principales détaillant le processus de la mise en concurrence. Plusieurs arrêtés ministériels et une circulaire doivent le compléter. Considérant cependant que le renouvellement des concessions se fera toujours « dans le cadre de la délégation de service public », je me demande comment ce principe pourra être respecté si EDF n'était est pas retenue.
Comment le Gouvernement compte-t-il prendre l'avis des collectivités locales pour mieux cerner leurs besoins et leurs aspirations, tout en veillant à leur développement économique et social ? Comment le Gouvernement va-t-il s'assurer de la compétence des sociétés choisies pour garantir l'efficacité énergétique de l'exploitation des chutes d'eau, aussi bien en matière de projets nouveaux que de rénovation des barrages et de sécurité des berges ? Contrôle systématique de l'état et de la sûreté des ouvrages ; aménagements en période de crue ; sécurité du public, expertise, ajustement de la production aux variations de la demande d'électricité, amélioration des performances -autant de compétences reconnues à EDF. Qu'en sera-t-il de ses concurrents ?
Et pour le respect des autres contraintes environnementales, la gestion équilibrée de l'eau et des milieux aquatiques, la mise à disposition de millions de mètres cube pour soutenir le débit de nos rivières ? La Garonne a besoin des barrages de la Truyère !
Enfin, comment le Gouvernement compte-t-il préserver les emplois si le concessionnaire est dans la seule logique du profit ?
Les barrages n'appartiennent pas à EDF mais à la Nation, ils constituent une partie du patrimoine économique national. L'évidente fragilité du décret, conjuguée avec les zones d'ombres qui entourent les procédures techniques de renouvellement des concessions hydrauliques, me conduit à m'interroger sur ses véritables motifs. Cette mise en concurrence ne cache-t-elle pas une privatisation qui n'ose pas dire son nom, avec tout ce que cela implique en matière de sécurité ?
Votre réponse est attendue par les élus des zones de montagne, parmi lesquels ceux de l'Aveyron, où les seize aménagements hydro-électriques produisent l'équivalent de la consommation d'un million d'habitants, évitant ainsi la consommation de 200 000 tonnes de pétrole, et donc un rejet massif de CO2 dans l'atmosphère.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. - La transformation d'EDF en société anonyme et la suppression du droit de préférence ont mis fin à la reconduction systématique du concessionnaire. Le principe est désormais la mise en concurrence des concessions hydro-électriques lors de leur renouvellement. Le Gouvernement a donc réformé la procédure d'attribution de ces délégations de service public avec un objectif énergétique, environnemental et patrimonial.
Avec le droit communautaire et la loi Sapin, c'est le décret du 26 septembre 2008 qui régit désormais la mise en concurrence des concessions hydro-électriques.
La consultation des collectivités locales s'effectuera d'abord avant l'appel à concurrence, dans le cadre de l'élaboration par le préfet d'un document relatif aux enjeux liés à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau concernée par le projet. Ce document a vocation à informer l'État et les candidats potentiels des positions des différents acteurs concernés. Cette consultation sera renouvelée et actualisée lors de la procédure d'enquête publique à laquelle sera soumis le dossier du pétitionnaire retenu.
La compétence technique des sociétés sera un préalable à leur admission à concourir, qu'elles devront démontrer. L'État sera particulièrement vigilant lors de la vérification de cette capacité et sur son maintien durant la concession. Toute défaillance fonderait l'État à déchoir le concessionnaire. La sécurité des ouvrages et des tiers ne peut être en aucun cas un élément de concurrence dans l'attribution des concessions hydro-électriques ; elle est fondée sur un corpus réglementaire propre. L'État veillera avec la même rigueur qu'auparavant à son respect.
La mise en concurrence n'affaiblira pas l'exigence du respect des contraintes environnementales. Bien au contraire puisque toutes les normes applicables en ce domaine devront être respectées dans les dossiers de candidatures comme par le futur concessionnaire. A défaut, celui-ci sera passible des sanctions prévues par le code de l'environnement ainsi que par le droit commun des délégations de service public. Cette procédure permettra une prise en compte accrue des enjeux environnementaux spécifiques à la rivière concernée puisque, à côté du critère énergétique et du critère financier, ils constituent le troisième des critères sur lesquels les candidatures des pétitionnaires seront jugées.
L'État fera connaître, dès la publication de l'appel public à concurrence, les exigences environnementales spécifiques au cours d'eau qu'il entend voir inclure dans le cahier des charges de la concession.
M. Alain Fauconnier. - L'Aveyron va essuyer les plâtres. Je ne suis pas tellement rassuré... Nous avons avec EDF une proximité que nous perdrions avec un opérateur italien ou norvégien qui ne se préoccuperait guère des réalités locales et ne s'intéresserait qu'aux enjeux financiers.
Un demi-siècle après la rupture du barrage de Malpasset, nous ne voulons pas voir se reproduire une pareille catastrophe.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Nous non plus !
M. Alain Fauconnier. - Nous sommes très inquiets quand on nous dit que le barrage de la Barthe pourrait être géré depuis la Norvège.
Situation des ports maritimes
M. Thierry Foucaud. - J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur la situation des ports maritimes un an après la signature d'un accord-cadre national relatif à la réforme portuaire et la publication des décrets qui instituent les grands ports maritimes.
Cette réforme se voulait un plan de relance pour l'activité des ports. Selon M. Bussereau, personne ne resterait « sur le bord du chemin », il faudrait « faire du cousu main », il s'agirait de « trouver une boîte à outils qui permette à chaque grand port maritime d'appliquer la loi et l'accord cadre national ».
Or, douze mois plus tard, la réalité est bien différente. A quoi a servi cette réforme, censée mettre en place une nouvelle gouvernance des ports ? Les personnels et leurs organisations syndicales constatent que dans la plupart des cas, il n'en est rien, voire que ce principe n'a pas été respecté par le Gouvernement lui-même.
Les mesures de transfert des outillages et le détachement des personnels d'exploitation des ports chez les opérateurs privés étaient assortis de promesses de développement de l'activité et de la création de 30 000 emplois directs ou indirects. Là encore, les faits contredisent les intentions puisque les opérateurs et les grands armements, qui pourtant avaient été à l'origine de cette demande de réforme, sont aujourd'hui dans de grandes difficultés...
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. - N'oubliez pas que la crise est passée par là...
M. Thierry Foucaud. - Reste qu'ils sont incapables de faire face aux responsabilités que leur imposent la loi du 4 juillet 2008 et l'accord conclu le 30 octobre de la même année. Aucune perspective de développement des trafics ne figure dans les projets stratégiques des grands ports et, en fait de création d'emplois, ce sont des plans sociaux qui se préparent.
Le syndicat CGT des personnels du grand port maritime de Rouen, qui, s'appuyant sur le préambule de l'accord-cadre, a proposé la création d'une structure commune d'exploitation et de maintien, sous forme d'une maison de la main-d'oeuvre, pour contribuer au développement de ce port, s'est vu opposer jusqu'à présent une fin de non-recevoir. Pourtant, un tel dispositif permettrait de maintenir le potentiel d'exploitation sur tous les terminaux, de créer un système nouveau transparent avec un commandement unique et des règles identiques pour tous, de faire travailler chaque intervenant, à tous les niveaux, pour l'intérêt général du port de Rouen.
Êtes-vous en mesure, monsieur le ministre, de dissiper les inquiétudes des personnels portuaires, qui attendent garantie de l'emploi et embauche de nouveaux salariés sous statut, comme cela avait été acté ? Entendez-vous faire en sorte qu'une suite favorable soit donnée aux propositions du syndicat CGT du grand port de Rouen ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. - Je vous rappelle, monsieur le sénateur, que depuis 2008, la crise mondiale la plus importante depuis 1930 s'est abattue sur le monde et a modifié les conditions économiques, y compris dans les ports.
Il n'en demeure pas moins que la réforme portuaire voulue par le Président de la République se déroule, ainsi que vous l'avez d'ailleurs rappelé, selon le calendrier prévu. Les instances de gouvernance des sept grands ports maritimes ont été mises en place et ont adopté, au printemps 2009, les projets définissant leur stratégie et leurs perspectives de développement. Les négociations de gré à gré pour la cession des outillages ont été conduites avec les opérateurs et ont abouti pour la quasi-totalité des terminaux à un accord. Les dossiers relatifs à ces cessions ont été transmis à la commission nationale d'évaluation chargée de garantir les intérêts patrimoniaux de l'État et des ports, qui aura rendu l'ensemble de ses avis avant la fin de l'année 2009.
Les cessions d'outillage et la poursuite du contrat de travail des agents chez les opérateurs interviendront donc au premier semestre 2010. Conformément à la loi, la réforme sera mise en place sur l'ensemble des terminaux des sept grands ports maritimes au plus tard au printemps 2011.
En dépit de la conjoncture économique, l'engagement des opérateurs n'a pas faibli. Ils sont, comme le Gouvernement, conscients que le report, au prétexte de la crise, des réformes indispensables, condamnerait les ports français, qui doivent être pleinement compétitifs lorsque l'activité économique redémarrera et que les armateurs redéfiniront leurs services desservant l'Europe.
L'État a engagé, pour accompagner la modernisation, un effort financier substantiel. Les crédits d'entretien des accès maritimes ont été augmentés pour couvrir d'ici à cinq ans l'intégralité des dépenses ; les crédits d'investissement prévus aux contrats de projets État-régions ont été doublés et une enveloppe exceptionnelle de 50 millions a été mobilisée dans le cadre du plan de relance. Ces efforts ont permis d'inscrire dans les projets stratégiques des ports de nouvelles opérations d'investissement, notamment la plate-forme multimodale du port du Havre, les projets de nouveaux bassins du port de Dunkerque, l'accélération du programme Fos XL à Marseille ou le nouveau terminal à conteneurs du port de Nantes-Saint-Nazaire.
Ces projets seront créateurs d'emplois. Mille conteneurs arrivant chaque année dans un port correspondent ainsi à cinq emplois tout au long de la chaîne logistique.
Pour le port de Rouen, la mise en commun de leurs salariés par les opérateurs ne pourrait se faire qu'à leur initiative, si cela correspondait à leur logique de développement. L'esprit de cette réforme est de mettre en place une gestion intégrée des terminaux dans laquelle les opérateurs sont pleinement responsables.
Pour autant, le dialogue doit se poursuivre. Je sais que de nouvelles réunions se sont tenues entre le port, les salariés et les entreprises et suis persuadé que l'esprit de responsabilité prévaudra pour trouver les solutions adaptées.
M. Thierry Foucaud. - L'embarras avec lequel vous présentez l'état des lieux...
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Aucun embarras.
M. Thierry Foucaud. - ... ne convainc guère. Vous évoquez la crise : elle a bon dos. On a déjà vu ce qu'a produit la réforme sur les conditions de l'emploi. Je rapporterai vos propos aux salariés, qui apprécieront.
Vous annonciez la création de 30 000 emplois. On attend toujours. La situation est extrêmement tendue. Vous n'avez pas apporté de réponse. Vous ne m'avez pas répondu sur la question des plans sociaux.
Mon groupe s'était, à l'époque, opposé à une loi imposée sans concertation préalable. En quoi les missions de service public sont-elles préservées ? Et que faites-vous du coût humain, de la question de l'emploi, de l'éviction des investissements ? Cinquante millions ont été débloqués sur le plan de relance, dites-vous ? Mais c'est une goutte d'eau dans l'océan.
J'ai bien entendu vos souhaits de dialogue. Les salariés ne demandent pas autre chose. Que comptez-vous faire de leurs propositions sur le port de Rouen ? Nous continuerons, bien évidemment, à suivre de près ce dossier.
M. le président. - J'indique que la Conférence des Présidents se réunissant à 14 h 00, la séance ne reprendra qu'à 15 heures.
La séance est suspendue à midi vingt-cinq.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 h 30.
Conférence des Présidents
M. le président. - Je souhaite vous rendre compte de la Conférence des Présidents exceptionnelle qui vient de se tenir à la suite de la saisine des présidents des groupes de l'Union centriste et de l'UMP, en application de l'article 29, alinéa 2, de notre Règlement, afin d'examiner les conditions dans lesquelles se sont déroulés la séance d'hier après-midi, consacrée à l'examen du projet de loi sur le redécoupage électoral, et le scrutin d'hier soir.
Le Conférence des Présidents a entendu les présidents et le rapport du président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, saisi par moi-même sur les conditions de déroulement et l'appréciation de la sincérité du vote qui s'était exprimé. Elle a constaté que le Gouvernement ne demandait aucune délibération nouvelle. Elle en a néanmoins tiré de manière consensuelle le sentiment que les votes doivent être mieux éclairés, notamment les votes sur les articles uniques et par division, pour que nos collègues, à un moment où les débats sont complexes, puissent se repérer et qu'une attention particulière soit portée à leur expression lors des scrutins publics.
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
M. le président. - Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre lui a demandé de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Comité d'évaluation de l'impact du revenu de solidarité active, créé en application de l'article 2 du décret du 11 septembre 2009 et du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil d'orientation du service des achats de l'État, créé en application de l'article 5 du décret du 17 mars 2009.
La commission des affaires sociales et la commission des finances ont respectivement fait connaître qu'elles proposent les candidatures de Mme Annie Jarraud-Vergnolle et M. Bernard Angels pour siéger au sein de ces organismes extraparlementaires.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Rappels au Règlement
M. Nicolas About. - Tout en gardant la sérénité que nous imposent ces lieux, je veux appeler ceux qui s'intéressent à l'histoire de la séance d'hier à visionner l'ensemble des débats transmis par Public Sénat. Chacun verra que ce qui s'est passé correspond exactement à ce que le groupe centriste a dénoncé pendant la séance, pendant l'interruption de séance lorsque je me suis rendu auprès de la présidence de séance au Cabinet de départ, et ensuite à la reprise. L'erreur commise a été faite avant que le scrutin ne soit ouvert. Perturbé, le sénateur a demandé à pouvoir corriger. Ceux vers lesquels il s'est tourné lui ont répondu qu'il n'en était pas question, qu'il n'y avait aucun moyen de corriger cette erreur. Il est dommage que celui en particulier vers lequel il s'est tourné ait été un des grands réformateurs de notre Règlement : il sait très bien que lorsqu'une erreur s'est produite avant même l'ouverture du scrutin, il suffit d'enlever les bulletins et d'attendre l'ouverture du scrutin pour mettre les bons.
Ensuite, tout a été fait pour essayer de profiter de cette confusion : les vidéos démontrent qu'alors que les urnes sont encore en bas, la présidente de séance se réjouit à l'avance et dit : « On va se marrer, ça va passer ! ». (Exclamations indignées sur les bancs socialistes où l'on dément véhémentement ces propos)
M. Serge Lagauche. - Mensonges !
M. Nicolas About. - Il n'y a que la vérité qui blesse ! La vérité est toujours très pénible à entendre, monsieur Lagauche ! (L'indignation persiste) Puisque vous le prenez sur ce ton, j'espère que désormais la présidence se montrera plus digne ! (Applaudissements au centre et à droite tandis qu'on se récrie à gauche)
M. Yannick Bodin. - Lamentable !
Mme Jacqueline Gourault. - N'étant pas en séance hier soir, je ne porterai aucun jugement sur ce qui s'est passé. Je souhaite néanmoins reprendre une idée à laquelle je crois profondément : si le vote par paquets déposés par une seule personne n'existait pas, une telle situation ne se produirait pas. (Applaudissements et nombreuses marques d'approbation à gauche)
M. Jean Louis Masson. - Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. - J'étais dans les bouchons sur l'A10 ce matin, et j'ai entendu dire, sur une grande radio nationale, que les sénateurs du groupe centriste s'étaient tous trompés de bouton au moment du vote. Pour qui passons-nous ? S'il n'y avait qu'un vote assorti d'un pouvoir, comme dans toutes les assemblées qui se respectent, de telles bévues ne se produiraient pas. (Nouveaux applaudissements sur les bancs socialistes)
M. le président. - Les conditions de votation ont été examinées par notre groupe de travail. A partir de fin janvier, comme nous l'avions annoncé, nous ferons le bilan de la réforme de notre Règlement. Nous pourrons donc revenir sur ces questions.
M. Jean Louis Masson. - J'approuve les propos de notre collègue. Ce matin, j'ai déjà fait un rappel au Règlement : si un sénateur ne pouvait pas voter pour 100 collègues en même temps, on n'en serait pas là ! Il faut une procuration par élu, comme à l'Assemblée nationale.
J'étais là hier soir...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - C'est exceptionnel !
M. Jean Louis Masson. - Je suis profondément choqué par la mise en cause de la présidente. Je n'ai aucune action au parti socialiste, mais la présidente a été parfaitement honnête (Applaudissements sur les bancs socialistes). Elle a même un peu trop hésité, sans doute par peur des procès d'intention qu'on risquait de lui faire (M. Nicolas About s'exclame) Je ne comprends pas notre collègue About qui estime que la présidente s'est rendu compte de l'erreur avant que le scrutin ait commencé, c'est-à-dire avant que les bulletins aient été mis dans l'urne. Mais si tel avait été le cas, il n'y aurait pas eu de problème ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs)
M. le président. - Je ne souhaite pas de mise en cause personnelle de la présidence, quelle qu'elle soit. (Exclamations sur les bancs socialistes) Je n'ai pas non plus vocation à venir en renfort de la présidence de séance. Chacun doit exercer la fonction pour laquelle il a été élu.
M. Pierre-Yves Collombat. - J'étais en séance hier soir. Quand on commet une erreur, il faut la reconnaître et passer à autre chose.
M. Didier Boulaud. - Aller à confesse !
M. Pierre-Yves Collombat. - Le monde ne va pas s'arrêter de tourner parce qu'un texte qu'on voulait voter conforme est renvoyé à l'Assemblée nationale ! Mais une fois l'erreur commise, on peut aussi attaquer les autres pour les en rendre responsables. En matière de dignité, je ne sais pas si, en la circonstance, vous êtes bien placé, cher collègue About, pour donner des leçons. Vous êtes arrivé furieux, voire « furibard » si vous me permettez ce terme, et, au lieu d'apaiser les choses, vous les avez plutôt envenimées. La présidente a essayé de trouver une solution : finalement, le texte a été renvoyé. Va-t-on encore en discuter longtemps en s'envoyant à la tête des noms d'oiseaux ? Surveillez mieux les votes dans votre groupe et tout ira bien ! (Applaudissements socialistes)
M. Jean-Pierre Bel. - Je suis dans l'obligation d'intervenir, même si M. Collombat a déjà dit un certain nombre de choses que j'approuve.
Plusieurs d'entre nous, dont la présidente Tasca, ont été mis en cause à partir de la nouvelle interpellation de Nicolas About. Quel est ce psychodrame que l'on nous joue depuis hier soir ? Nous sommes confrontés à l'impossibilité de l'alternance au Sénat. (Exclamations à droite) Voilà des décennies que ce Sénat n'a pas changé de majorité. (Nouvelles exclamations à droite)
M. Nicolas About. - Cela vous rend malade !
M. Alain Gournac. - Et alors ?
M. Jean-Pierre Bel. - Voilà des décennies que cette majorité a l'habitude de voir ses projets de loi systématiquement approuvés. Et hier soir, par une erreur humaine, un vote n'a pas été conforme aux désirs de la majorité et du Gouvernement.
M. Nicolas About. - C'est la présidente de séance qui en a décidé ainsi !
M. Jean-Pierre Bel. - J'ai même entendu parler d'une nouvelle catégorie juridique : le vote paradoxal !
Dans ce contexte, vous auriez voulu que les membres de l'opposition proclament que ce vote n'avait jamais existé car, comme il n'allait pas dans le sens de la pensée unique sénatoriale, il fallait revenir dessus.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - C'est la sincérité du scrutin qui est en cause !
M. Jean-Pierre Bel. - Ce n'est pas l'idée que nous nous faisons du Sénat, monsieur le président ! Ce n'est pas ainsi que nous souhaitons voir évoluer le bicamérisme. Je ne supporte pas que l'on accuse une de vos vice-présidentes qui a fait face courageusement au problème qu'elle a rencontré. (Exclamations à droite) Elle a procédé à de multiples reprises à des suspensions de séance pour permettre au Gouvernement et à sa majorité...
M. Nicolas About. - Surtout permettre à ses amis socialistes de s'organiser !
M. Jean-Pierre Bel. - ... de trouver des solutions. Nous savons ce qu'il en est advenu. Nous devons tous rendre hommage à Catherine Tasca (Rires à droite) qui a su faire respecter les règles de notre Sénat. (Applaudissements à gauche)
M. Nicolas About. - « On va se marrer ! »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Errare humanum est : vous connaissez la suite ! M. About n'était pas là au moment du vote. Moi non plus, d'ailleurs. Il devrait s'abstenir de faire des commentaires.
M. Nicolas About. - Je sais exactement ce qui s'est passé !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - La majorité se trompe rarement lorsqu'elle vote sur les amendements du groupe CRC-SPG... (Sourires)
Hier soir, pourquoi avez-vous demandé un scrutin public ? Parce que vous êtes majoritaires mais que vous n'arrivez pas à vous assurer une majorité physique dans l'hémicycle ! (Applaudissements à gauche) Nous ne contestons pas le fait que vous soyez majoritaires et que nous soyons très minoritaires. Nous déposons des amendements, c'est notre droit. Débrouillez-vous pour être majoritaires dans l'hémicycle, vous en avez les moyens, et surtout, n'envenimez pas les choses ! Vous avez fait une erreur : vous savez très bien qu'elle n'ira pas très loin.
M. Nicolas About. - Heureusement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Soyez sereins, dignes et évitez que ceux qui n'étaient pas présents fassent des commentaires sur ce qui s'est passé hier soir ! (Vifs applaudissements à gauche)
M. Nicolas About. - J'étais présent au moment du dépouillement !
M. le président. - Je tire de l'ensemble de ces rappels au Règlement qu'il s'agissait bien d'une erreur : la sincérité du scrutin ne pouvait s'accommoder des résultats annoncés. En outre, il n'a pas été fait de demande de nouvelle délibération par le Gouvernement lors de notre Conférence des Présidents, ce qui me semble clore cette affaire.
Nous en retenons toutefois la leçon que, lors des scrutins publics, avant que soit rappelé l'article 56 du Règlement, la présidence doit faire apparaître aussi clairement que possible l'enjeu du vote pour éclairer pleinement nos collègues. Dans un considérant de 2005, le Conseil constitutionnel a estimé que, dans un cas comme hier, c'est la sincérité du scrutin qui comptait. Nous aurons à débattre de ces questions lors de la révision de notre Règlement, l'année prochaine.
Renouvellements des conseils généraux et régionaux (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.
Je salue la présence de quatre ministres au banc du Gouvernement : MM. Hortefeux, Mercier, de Raincourt et Marleix. (Applaudissements à droite) M. Hortefeux nous quittera car il va se rendre à Lyon auprès de la famille de ce jeune qui a été assassiné dans des conditions dramatiques. Nous nous inclinons devant la douleur de sa famille et de ses proches. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous leur transmettiez toutes les pensées du Sénat.
Discussion générale
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - Je souhaitais également excuser M. le ministre de l'intérieur qui doit se rendre à Lyon sur les lieux où a été tué le jeune Amar.
Ce texte est l'un de trois qui complètent, dans le domaine électoral, le projet de loi de reforme des collectivités territoriales. Nous les soumettons en premier lieu au Sénat, car ils concernent l'organisation des collectivités territoriales. Ils ont d'ailleurs fait l'objet d'une discussion commune au sein de votre commission des lois.
Le présent projet de loi prépare la création du conseiller territorial ; en outre, il organise une fusion des deux renouvellements partiels des conseils généraux et regroupe l'élection de ces derniers avec celle des conseils régionaux.
Le rapport du comité pour la reforme des collectivités locales, présidé par M. Balladur, invitait le Gouvernement à prévoir la désignation, « par une même élection, à partir de 2014, des conseillers régionaux et départementaux ». Ses conclusions ont été enrichies par plusieurs initiatives parlementaires, dont la mission temporaire du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales, présidée par M. Belot, ainsi que les rapports Perben et Courtois.
Ces textes ont été élaborés après consultation des associations nationales d'élus et des formations politiques. La Haute assemblée a commencé à y travailler. Les débats généraux en commission des lois élargie, les 28 octobre et 2 décembre derniers, ont donné lieu à des échanges de grande qualité.
Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales reprend l'idée d'un élu unique siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional : le conseiller territorial. Il s'agit de redonner du souffle à la décentralisation, de rapprocher les élus locaux des citoyens, en leur apportant plus de notoriété et d'efficacité. Le conseiller territorial sera attaché à un territoire bien identifié et aura une vision globale de son département comme de sa région. Votre commission des lois a déjà examiné et validé le principe de la création du conseiller territorial. Permettez-moi de m'en réjouir.
Ce texte se compose de deux articles, qui raccourcissent de six à quatre ans le mandat des conseillers régionaux qui seront élus les 14 et 21 mars prochains et de six à trois ans celui des conseillers généraux qui seront élus en mars 2011. Il prévoit une réduction des durées des mandats identique pour la Corse, ce qui rétablira la concomitance entre le renouvellement intégral des deux conseils généraux et l'élection des membres de l'assemblée de la collectivité territoriale de Corse. Celle-ci a rendu un avis favorable le 19 octobre dernier et le ministre de l'intérieur s'est assuré de l'accord des grands élus.
Une telle réduction de la durée de mandats futurs a déjà été opérée en 1990 lorsque le mandat d'une série de conseillers généraux a été prorogé d'un an et le mandat de l'autre série réduit de deux ans. Elle doit être adoptée d'urgence, avant la convocation des électeurs pour les élections régionales.
L'organisation de la concomitance en 2014 des renouvellements des assemblées départementales et régionales, indépendamment de la réforme du mode de scrutin, présente plusieurs avantages.
Premier avantage : elle n'affecte aucunement l'exercice et la durée des mandats locaux en cours. Les conseillers généraux élus en mars 2008 accompliront leur mandat de six ans comme prévu. Le mandat des conseillers généraux élus en mars 2004, déjà porté de six à sept ans par la loi du 15 décembre 2005, ne sera pas prolongé une nouvelle fois : un allongement à dix ans aurait méconnu le principe constitutionnel de périodicité raisonnable des consultations électorales. (Exclamations à gauche)
Deuxième avantage : la concomitance permettra de mettre un terme au renouvellement triennal par moitié des conseillers généraux. Cette mesure avait été proposée en 1990 par M. Joxe, au nom du gouvernement Rocard, dans des termes et des modalités strictement identiques. (Exclamations à gauche) Il ne faut pas avoir la mémoire courte !
M. Pierre-Yves Collombat. - Ni la mémoire sectorielle !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - En application de la loi du 11 décembre 1990, les élections cantonales et régionales de 1992 ont eu lieu le même jour pour l'ensemble des conseillers généraux. Il s'agissait à l'époque de lutter contre l'abstentionnisme entraîné par la multiplication des échéances électorales, notamment en 1988. En passant de trois scrutins à un seul, notre projet de loi contribue à cet objectif, qui est au coeur de notre vie démocratique. (M. Didier Boulaud s'exclame) La fusion des renouvellements par moitié est en outre réclamée par l'Assemblée des départements de France et figurait dans les conclusions du rapport Belot. Quel que soit votre vote sur la création et les modalités d'élection du conseiller territorial, la concomitance des renouvellements et la synchronisation de la durée des mandats seront acquises.
Troisième avantage : l'organisation simultanée en 2014 des élections locales permettra aux électeurs de s'exprimer de manière cohérente sur l'ensemble des enjeux locaux, et notamment sur la gestion et les réalisations de l'assemblée départementale tout entière. On peut en attendre un renforcement de la participation électorale et donc de la démocratie locale.
Quatrième avantage : le maintien d'un décalage entre le calendrier des élections locales et celui des élections nationales, recommandé par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État au nom du principe constitutionnel de sincérité du scrutin, dissociera clairement les débats locaux des grands choix qui engagent l'avenir de notre pays.
Cinquième avantage : le calendrier électoral sera harmonisé avec les échéances propres au Sénat. Les années de renouvellement des conseils généraux et régionaux correspondront, à partir de 2014, à celles du renouvellement de la première série des sénateurs. La seconde série sera élue par les mêmes élus, qui seront alors à la moitié de leur mandat.
M. François Patriat. - Cynisme et mépris !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - C'est lors de la discussion sur le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale que nous débattrons en détail du conseiller territorial. Pour l'instant, le Gouvernement demande au Sénat de permettre l'élection simultanée en 2014 de tous les conseillers généraux et des conseillers régionaux. La procédure accélérée se justifie par la proximité des élections régionales des 14 et 21 mars. Les électeurs doivent être informés, au moment de leur vote, de la durée du mandat des personnes qu'ils s'apprêtent à élire. La loi organisant la concomitance doit donc être promulguée avant les élections régionales.
Ce projet de loi a reçu un avis favorable du Conseil d'État. Votre commission des lois l'a adopté sans modification. Je vous propose d'en faire de même. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois. - Malgré son apparente modestie, ce projet important fait partie intégrante de la réforme des collectivités territoriales.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est bien le problème !
M. Guy Fischer. - Il dit la vérité.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Il vise à réduire de deux ans le mandat des conseillers régionaux et des membres de l'Assemblée de Corse qui seront élus en 2010 et de trois ans celui des conseillers généraux élus en 2011 : il constitue un préalable à la création des conseillers territoriaux, création prévue par le projet de loi n°60 qui doit venir en discussion en janvier.
Ce texte est le seul des quatre projets déposés devant le Sénat à être soumis à la procédure accélérée, ce qui est justifié par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Bien que l'article 34 de la Constitution donne au législateur toute compétence pour déterminer le régime électoral des assemblées locales et que le Conseil constitutionnel se refuse à contrôler l'opportunité de ses choix, ce pouvoir est limité. Le principe de sincérité du scrutin impose de modifier la durée d'un mandat avant le scrutin afin que les électeurs la connaissent au moment de voter. Il est donc impératif que ce soit décidé avant février prochain. Deuxièmement, le pouvoir du législateur se heurte au principe de libre administration des collectivités locales : la réduction des mandats en cours s'apparenterait à une dissolution des assemblées délibérantes des collectivités locales -un procédé dont on peut douter de la constitutionnalité. Il y a objectivement urgence puisque la loi doit être publiée dans moins de trois mois.
Ce n'est pas la première fois que le Parlement modifie la durée de mandats électifs pour des considérations d'intérêt général ; il l'a fait à neuf reprises sous la Ve République. La loi du 11 décembre 1990 a ainsi modifié la durée du mandat des conseils généraux et régionaux pour assurer leur renouvellement concomitant en 1992.
Même si ce projet est le préalable à la création des conseillers territoriaux, il n'implique pas nécessairement cette création ; il en est la condition nécessaire mais non suffisante. Les termes « conseillers territoriaux » n'y figurent jamais.
M. François Patriat. - C'est sa faiblesse !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Les modalités concrètes de leur élection figurent dans le projet n°61, un troisième projet que nous examinerons courant 2010. Là encore, le législateur aura toute latitude pour le modifier et prévoir, s'il le souhaite, un mode de scrutin différent de celui...
M. François Patriat. - Inique !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - ... qui est proposé. Le Parlement ne saurait être lié par de simples projets de loi et adopter celui-ci n'implique pas un vote conforme sur les trois autres. Ce que la loi a fait, une loi peut le défaire ; voter ce texte ne préjuge pas de nos débats futurs. Il ne s'agit donc pas d'un blanc-seing et, si les Assemblées renonçaient à créer les conseillers territoriaux, on ne saurait invoquer leurs travaux préparatoires pour les y contraindre. Le Parlement conservera sa pleine souveraineté et nous ne serons pas obligés à avaliser la création des conseillers territoriaux. (On le nie sur les bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous avez peur du Conseil...
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - En revanche, si ce texte n'était pas approuvé, nous ne pourrions pas instituer les conseillers territoriaux en mars 2014. Nous nous priverions de la possibilité d'adopter l'article premier du projet de réforme des collectivités territoriales, nous nous lierions les mains. Ces remarques faites....
M. Jean-Pierre Sueur. - ... pour le Conseil constitutionnel, qui n'est pas là pour vous entendre ...
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - ... je rappelle que l'objet principal de ce texte est de permettre l'expiration simultanée en mars 2014 du mandat de l'ensemble des conseillers généraux et régionaux. Par cohérence, le mandat des membres de l'Assemblée de Corse est également réduit de deux ans. Conformément au code général des collectivités territoriales, cette assemblée a été consultée, qui a rendu un avis favorable le 12 octobre dernier.
Comme l'indique son titre, le texte se borne à organiser la concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux. Comme en 1992, ils seront élus simultanément et l'expérience a montré que la concomitance constitue en elle-même un avantage considérable.
M. Jean-Pierre Sueur. - En elle-même...
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Elle permet de dynamiser la démocratie locale. Les élections locales, en trois séries d'opérations séparées qui s'enchaînent à un rythme inégal, ne sont pas lisibles et nuisent à l'identification des enjeux locaux. La concomitance, en revanche, renforce la visibilité et la légitimité des élus locaux en favorisant la participation électorale. Les élections de 1992 ont connu un record de mobilisation, le taux d'abstention étant revenu sous la barre des 30 %, soit une baisse de vingt points par rapport à 1988.
Mettre fin au renouvellement triennal des conseils généraux renforcera la continuité de l'action publique dans le département et donnera aux présidents de conseils généraux la stabilité dont ils ont besoin.
M. François Rebsamen. - Vous avez changé les textes !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Cette réforme est soutenue par l'Assemblée des départements de France et la mission Belot l'avait préconisée.
Même en l'absence de conseillers territoriaux...
M. Jean-Pierre Sueur. - Pourquoi cette restriction ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - ... la concomitance renforcera la complémentarité et la solidarité entre élus locaux, tous élus pour une durée de six ans, mais selon une périodicité aujourd'hui désynchronisée, qui rend difficile d'articuler efficacement les politiques publiques. La suppression du décalage temporel facilitera au contraire une meilleure coordination de l'action.
On déconnecte également les enjeux locaux et nationaux car le nouveau calendrier évitera jusqu'en 2032 tout télescopage entre des échéances locales et nationales.
M. Pierre-Yves Collombat. - Comme si le Président de la République ne se mêlait des élections locales !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - On l'a vu en 2005 lors de l'examen du projet prorogeant les mandats des conseillers municipaux et généraux renouvelables en 2007 afin d'éviter un télescopage avec les élections présidentielles et législatives. M. Hyest, rapporteur, avait souligné que la confusion des scrutins était susceptible de favoriser l'abstention et de brouiller les enjeux.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Et je le maintiens.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Cette réforme est cohérente avec la mission constitutionnelle du Sénat, dont les membres seront élus par des conseillers municipaux, généraux et régionaux fraîchement élus, ce qui conforte la Haute assemblée dans sa vocation de représentation des collectivités territoriales.
Ce texte peut légitimement être adopté par ceux qui s'opposent à la création des conseillers territoriaux comme par ceux qui la soutiennent car il contribue à la modernisation de la vie publique locale. La commission vous recommande de l'adopter sans modification. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Sueur. - On sent l'enthousiasme !
présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président
M. Jean-Léonce Dupont. - Ce texte est important, et d'abord parce qu'il est symbolique : c'est le premier texte portant réforme des collectivités territoriales.
M. François Patriat. - Ça commence mal !
M. Jean-Léonce Dupont. - Nous n'en avions débattu qu'à l'occasion du débat d'orientation générale et de la deuxième séance de questions cribles. De plus, il est un maillon essentiel de la réforme. Il va au-delà de la simple modification du calendrier électoral : sans lui, pas de conseillers territoriaux. (« Ah ! » à gauche) Veillons pourtant à ne pas lui donner un objet qu'il n'a pas.
M. François Patriat. - C'est un Ovni !
M. Jean-Léonce Dupont. - Il ne prévoit aucune disposition sur le fond de la réforme.
M. Jean-Pierre Sueur. - Encore des restrictions !
M. Jean-Léonce Dupont. - Il ne traite ni de l'élection des conseillers territoriaux ni des métropoles. Il ne nous engage en rien sur le fond et rien n'empêcherait en 2014 d'élire des conseillers généraux et régionaux. (On en doute sur les bancs socialistes)
Si je suis favorable à la concomitance qui nous est proposée, j'ai une réserve importante sur les moyens retenus. L'élection en 2011 pour trois ans seulement de conseillers généraux mérite d'être examinée attentivement.
De fait, les jeunes élus issus du renouvellement de 2011 auront légitimement à l'esprit de continuer leur parcours politique, ce qui accentuera les difficultés liées à la réduction des conseillers généraux résultant de la création des conseillers territoriaux. (Exclamations sur les bancs socialistes)
M. Guy Fischer. - C'est vrai !
M. Jean-Léonce Dupont. - Pour y remédier, j'ai déposé un amendement visant à prolonger jusqu'en 2014 le mandat des conseillers généraux actuellement en exercice.
M. Éric Doligé. - C'est une bonne idée !
M. Jean-Léonce Dupont. - Ce changement de paradigme électoral justifie cette mesure exceptionnelle, qui n'est pas plus illégitime qu'un mandat réduit de trois ans. Monsieur le ministre, je ne suis guère convaincu par l'avis « très probable » du Conseil constitutionnel. Rappelons que lors du passage de neuf à six ans du mandat sénatorial, une partie de nos collègues a effectué un mandat de six ans, plus trois ans.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Quatre ans ! (On le confirme au banc du Gouvernement)
M. Jean-Léonce Dupont. - Enfin, permettez-moi quelques considérations générales sur la réforme des collectivités, bien que ce ne soit pas strictement l'objet de ce texte. Presque tous les sénateurs de mon groupe désapprouvent le mode de scrutin uninominal à un tour retenu pour l'élection des conseillers territoriaux, (« Très bien ! » sur les bancs socialistes) la « dose de proportionnelle » qui nous est proposée s'apparentant davantage à une dosette. Les critiques seront tout aussi vives à l'encontre du principe de la réutilisation des voix au niveau départemental. (Même mouvement)
M. François Patriat. - C'est de la magouille !
M. Jean-Claude Peyronnet. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) A quoi donc a servi la mission sénatoriale temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales ?
M. François Patriat. - A rien ! (M. Didier Boulaud le confirme)
M. Jean-Claude Peyronnet. - Ce meccano à partir duquel le Sénat devait établir sa doctrine en toute indépendance par rapport à la mission Balladur n'a servi qu'à entretenir pendant des mois l'illusion qu'un consensus, faisant fi de la logique majoritaire, pourrait être dégagé sur l'essentiel : la création du conseiller territorial voulue par le Président de la République. C'est tout le sujet de ce projet de loi qui s'apparente à un objet législatif non identifié en ce qu'il aborde une question sans la nommer ! (M. Jean-Jacques Mirassou applaudit)
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est l'Arlésienne !
M. Jean-Claude Peyronnet. - J'y vois une belle illustration de la procédure baroque, dont la constitutionnalité reste à démontrer, qui consiste à nous faire voter les ressources avant les compétences...
M. Guy Fischer. - On marche vraiment sur la tête !
M. Jean-Claude Peyronnet. - ... à décider des conseillers territoriaux sans les avoir formellement créés et saucissonner la réforme des collectivités territoriales en quatre lois, toutes assorties de la même étude d'impact. Que l'on prévoie trois heures de discussion générale pour un texte de deux articles quand une heure suffit habituellement nous incite à parler de l'ensemble et nous n'allons pas nous en priver !
Monsieur le rapporteur, vous pouvez bien jouer les naïfs mais le conseiller territorial est l'Arlésienne de ce texte : on ne la voit pas, mais elle retient toute l'attention. Premier acte : au nom de la maîtrise de la dépense publique, la réduction de l'autonomie fiscale des collectivités de 30 % pour les communes, de 12 % pour les départements et de moins de 10 % pour les régions. Il reviendra désormais au Parlement, c'est-à-dire à l'État central, de décider des investissements des collectivités. Ce n'est pas une réforme, c'est la Restauration... (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Didier Boulaud. - Vive le petit Napoléon !
M. Jean-Claude Peyronnet. - ... le rétablissement de l'ordre prévalant avant 1982, moins les marges financières dont l'État disposait alors et la liberté qu'avaient les assemblées de voter les taux. Les effets désastreux de cette recentralisation sur le confort de vie de nos concitoyens se feront très vite sentir. Deuxième acte, la création du conseiller territorial. Les deux couples fonctionnels depuis 1982, le couple département et communes et le couple État et régions seront remplacés par le couple communes et communautés de communes ainsi que le couple départements et région ; le premier membre du couple absorbant le second au détriment de la proximité. Le but inavoué de cette évolution constitutionnelle est la disparition des communes et des départements ou, pour reprendre le terme délicat de M. Balladur, leur évaporation. (Sourires entendus au banc du Gouvernement) Certes, les garde-fous prévus dans ce texte, tel le référendum, rendent a priori la fusion des communes difficiles, mais ne va-t-on pas observer le mouvement qui a conduit les communes à déléguer leurs compétences aux EPCI après la création d'une forte incitation financière dans la loi de 1999 ?
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. - C'était la loi Chevènement !
M. Jean-Claude Peyronnet. - Les communes financièrement exsangues ne vont-elles pas, contraintes et forcées, voter leur propre disparition ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Mais non ! Les départements continueront d'aider les communes !
M. Jean-Claude Peyronnet. - Ce scénario machiavélique est tout à fait plausible. (Marques de scepticisme aux bancs de la commission et du Gouvernement)
Cependant, le niveau de collectivité le plus menacé est le département en si grande difficulté budgétaire que certains passeraient bientôt sous tutelle financière. Pourquoi cette situation délicate ? Non en raison de politiques dépensières inconsidérées, de créations non contrôlées de postes de fonctionnaires ou du recours trop facile à l'emprunt, (marques d'ironie au banc de la commission), mais à cause des responsabilités que l'État leur a confiées sans leur donner les moyens correspondants. Dans mon département, la dette de l'État s'établit à 35 millions, soit 39 points de fiscalité avant la réforme de la taxe professionnelle et 49 points après. Conséquence immédiate, les départements, qui ne sont pas encore au fond du trou, réduisent la voilure en limitant leurs investissements, en rognant les dépenses en direction des tiers et, d'une façon générale, en supprimant des dépenses non obligatoires. Dans mon département, la simple suppression d'une assistante sociale affectée au commissariat central a permis de récupérer 700 000 euros, soit un point de fiscalité. Cette situation touchera d'abord les communes moyennes et, surtout, petites, où routes et bâtiments communaux se dégraderont...
M. Didier Boulaud. - Vous voulez parler des minarets ?
M. Jean-Claude Peyronnet. - Je pense aussi des aides aux associations culturelles et sportives, à toutes ces « féodalités », selon le mot choquant de Mme Lagarde qui assuraient le maintien d'une vie dans notre territoire, mais au-delà du périphérique bien sûr. Le conseiller territorial accélèrera ce processus de délitement du département. Comment pourra-t-il être à l'écoute des collèges, des établissements sanitaires et sociaux, des associations en représentant les deux assemblées parfois dans toute la région ? L'espace est l'ennemi de la proximité. Ensuite, je souscris aux propos de M. Dupont : comment imaginer que ce conseiller pourra avoir une activité professionnelle, pourtant essentielle à son ancrage dans la réalité sociale ? Il faudra donc prévoir une indemnité raisonnable et une retraite et la réforme ne sera pas source d'économies, bien au contraire ! Enfin, nous nous interrogeons sur la constitutionnalité du scrutin uninominal à un tour. (M. Didier Boulaud parle de magouillage)
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Juste !
M. Jean-Claude Peyronnet. - Cette innovation rompt avec tout ce qui fait l'originalité de l'administration locale et surtout, quoiqu'il ait été dit, son efficacité. Nous nous opposerons donc à tous les textes liés à la réforme des collectivités territoriales, à commencer par celui-ci ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Michel Baylet. - La semaine dernière, hélas, le Sénat a adopté le projet de loi de finances qui supprime la taxe professionnelle et la remplace par un impôt qui est loin de rassurer les élus. J'ai déjà dit les raisons de l'opposition des radicaux de gauche à cette réforme ; il en est une qui vaut aussi pour le débat d'aujourd'hui : c'est l'incohérence effarante du calendrier proposé par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nombreux sont ceux, y compris dans les rangs de la majorité, qui demandaient que l'on définît les compétences des collectivités avant leurs ressources financières.
Mme Maryvonne Blondin. - C'était une évidence !
M. Jean-Michel Baylet. - Ils n'ont pas été entendus ; le Gouvernement s'est entêté à présenter un texte si inintelligible que la commission des finances a dû le récrire entièrement.
Par le présent projet de loi, il met de nouveau la charrue avant les boeufs. Ce texte, même s'il n'évoque pas la question, est le premier d'une série qui vise à instituer des conseilleurs territoriaux. A la lecture de l'exposé des motifs, on pourrait croire, avec quelque naïveté, qu'il s'agit seulement de renforcer la démocratie locale. Mais nous ne sommes pas dupes.
M. le ministre a établi un parallèle entre ce texte et la réforme voulue par M. Joxe et moi-même, lorsque j'étais secrétaire d'État à l'intérieur. Mais nous avions souhaité allonger, et non raccourcir, le mandat des conseillers généraux afin de rendre leur élection concomitante de celle des conseilleurs régionaux. (On le confirme à gauche) En outre, nous prévoyions de faire élire les conseillers généraux au scrutin proportionnel.
M. François Rebsamen. - M. le ministre le sait bien !
M. Jean-Michel Baylet. - Notre objectif était de renforcer les départements et non de réduire leurs compétences et celles des régions en fumée, comme vous faites... La loi de 1990 n'a d'ailleurs jamais été appliquée puisque la droite, de retour au pouvoir en 1993, s'est empressée de l'abroger. Gageons que nous abrogerons à notre tour cette loi, quand nous serons revenus aux affaires en 2012 ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Le présent projet de loi est le préalable à la création des fameux super-élus offshore... (Rires à gauche) C'est un chèque en blanc pour la suite. Comme au sujet de la taxe professionnelle, vous nous demandez de légiférer à l'aveuglette. La représentativité d'une assemblée dépend de ses compétences, de son ressort géographique, de son articulation avec les autres institutions. Or rien de tout cela ne sera décidé avant 2010, voire 2011, puisque le projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévoit qu'une loi précisera dans un délai de douze mois la répartition des compétences et les règles de cofinancement. Comment instituer un élu vraiment représentatif sans rien savoir des pouvoirs des assemblées où il siégera ? Si l'on supprime la clause de compétence générale, comme le souhaite le Gouvernement, est-il pertinent de créer une catégorie d'élus appelés à siéger dans deux institutions aux compétences très différentes ? Prévoira-t-on là encore des clauses de revoyure ?
Ce projet de loi, élaboré dans la précipitation, fait peu de cas du principe de sincérité des scrutins. Il faudra expliquer aux électeurs que l'on a raccourci le mandat de leurs élus pour permettre la concomitance des élections en 2014, au cas où les conseillers territoriaux auraient été institués entretemps -ce qui n'est pas sûr puisque, comme l'écrit M. le rapporteur, « le Parlement pourrait, à l'issue de ses débats sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales et même dans l'hypothèse où il aurait adopté le projet de loi n°63, renoncer à créer des conseillers territoriaux » ! L'article 34 de la Constitution consacre la compétence du Parlement pour déterminer le régime électoral des assemblées parlementaires et locales ; le Conseil constitutionnel exige néanmoins que le législateur justifie toute réduction de la durée des mandats par un motif d'intérêt général. Le motif principal -non avoué- est ici la création d'une nouvelle catégorie d'élus ; si l'on y renonçait finalement, le Parlement aurait voté une loi inconstitutionnelle !
Ces contradictions témoignent -le mot est fort mais c'est le seul qui convienne- de l'hypocrisie qui sous-tend ces réformes. Derrière les motifs affichés se dissimule une manipulation électoraliste visant à reprendre à la gauche les départements et les régions qu'elle a gagnés. (On le confirme sur les bancs socialistes) Les projets de loi relatifs aux collectivités se succèdent depuis quelque temps ; leur objectif est de détruire les collectivités, insuffisamment dociles. En supprimant la taxe professionnelle, on a tenté de les asphyxier financièrement ; en instituant les conseillers territoriaux, on s'efforce de les réorienter politiquement. On cherche par tous les moyens à déstabiliser les collectivités, derniers remparts contre les effets sociaux et économiques désastreux de la politique nationale. Les radicaux de gauche voteront contre ce texte. (Applaudissements à gauche et sur les bancs RDSE)
M. Jean Louis Masson. - Ce projet de loi et ceux qui le suivront me semblent tout à fait opportuns : cela fait longtemps que je milite pour le regroupement à la même date des élections locales. Le comité Balladur a formulé de remarquables propositions de réorganisation des collectivités, et l'on peut être satisfait de la plupart des orientations du Gouvernement, mis à part le pouvoir exorbitant confié aux préfets. La spécialisation des compétences des départements et des régions et l'institution de conseillers territoriaux éviteront les guerres larvées entre ces deux types de collectivités.
Mais une pomme pourrie suffit à abîmer tout un cageot. Je suis scandalisé du mode d'élection des conseillers territoriaux retenu par le Gouvernement, et je ne comprends pas que celui-ci n'en ressente pas quelque honte... Il prétend que ce mode de scrutin existe dans d'autres pays, comme en Allemagne, mais c'est faux ! En Allemagne, les assemblées locales sont élues à la proportionnelle intégrale ; chez nous, il n'est question que d'en élire une fraction à la proportionnelle, en déduisant les voix qui se seront portées sur les candidats élus... Bref, c'est une gigantesque magouille. Hier soir, nous débattions du charcutage territorial des circonscriptions législatives ; aujourd'hui, il est question d'une autre forme de charcutage institutionnel...
Ces arrière-pensées politiciennes pervertissent des textes que, pour le reste, j'étais prêt à approuver car la France a besoin d'une réforme des collectivités. Mentionnons une autre aberration du mode de scrutin : une partie des membres des conseils généraux -ceux des conseillers territoriaux qui seront élus à la proportionnelle- seront désignés en fonction du score de leur liste au niveau régional !
Mme Jacqueline Gourault. - Mais non !
M. Jean Louis Masson. - C'est évidemment contraire à la Constitution ! Le Gouvernement prétend que cette dose de proportionnelle garantira la représentation des petits partis et la parité entre les hommes et les femmes. C'est un leurre ! Dans beaucoup de départements, le nombre de conseillers élus à la proportionnelle n'excédera pas trois ou quatre ; dans ces conditions, les grands partis rafleront la mise, et seules les têtes de listes seront élues, c'est-à-dire le plus souvent des hommes ! D'après mes projections, la Moselle -qui est pourtant un grand département où dix élus seront désignés à la proportionnelle- ne comptera pas plus de 11 % de femmes parmi les membres du conseil général ; dans les autres départements lorrains, moins peuplés, cette proportion tombera à 8 %.
Mme Odette Terrade. - Très bien !
M. Jean Louis Masson. - Il n'est pas étonnant que les présidentes des délégations aux droits des femmes du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Conseil économique et social -soit une socialiste, une députée de l'UMP et la propre soeur de M. Raffarin- se soient toutes trois opposées à ce mode de scrutin. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Vous ne pouvez pas dire qu'elles seraient toutes les trois partisanes ! (Mouvements divers à droite) Cela vous dérange ?
M. Dominique Braye. - Il y a longtemps que vous ne nous dérangez plus. Vous nous faites rire !
M. Jean Louis Masson. - Ce n'est pas en manipulant les chiffres qu'on s'en sortira ! Je voterai contre ce texte. (Applaudissements sur de nombreux bancs socialistes)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - De par la volonté du Président de la République, vous voulez coûte que coûte faire adopter par le Parlement la réforme des collectivités locales, pourtant largement contestée jusque dans vos rangs. Avec la suppression de la taxe professionnelle, vous venez de mettre en cause l'autonomie des collectivités locales, contre l'avis de nombreux élus locaux de votre camp. Aujourd'hui, vous voulez imposer dans l'urgence une réduction importante des mandats des conseillers régionaux qui seront élus en 2010 et des conseillers généraux qui le seront en 2011 pour être en situation, en 2014, d'appliquer la réforme dont le Parlement n'a pas encore débattu.
Le rapporteur, qui appartient à la dénommée task force du Président de la République, parle d'exigence de sincérité du scrutin et de démocratie, que l'ensemble de la réforme fait au contraire régresser. Il évoque l'opportunité de supprimer le renouvellement triennal et de découpler les scrutins nationaux et locaux -en contradiction, cette fois, avec le Président de la République. Voilà beaucoup de contradictions mais cela se discute. Faisons-le dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales et ne le faisons pas avaliser en douce avant l'heure.
Dire, à bout d'argument, que ce que le législateur fait, il peut le défaire, c'est vrai pour tout. Nous l'avions dit pour La Poste, mais vous nous avez affirmé contre l'évidence que les 100 % publics une fois votés seraient nécessairement immuables. La majorité vient précisément d'adopter en commission des lois la création des conseillers territoriaux ! Preuve, s'il en était besoin, qu'elle n'entend pas revenir sur son projet.
La véritable raison d'être du projet de loi est bien ailleurs. Vous le dites vous-même, il est « le support d'enjeux institutionnels forts ». Ne tournons pas autour du pot : en posant les fondements de la création des conseillers territoriaux, ce texte nous est soumis pour que nous anticipions sur ce que seront nos choix à l'issue d'une discussion qui n'aura lieu que dans les prochains mois. Cette atteinte aux droits des parlementaires est d'autant plus imprudente que la perspective de conseillers territoriaux est contestée, y compris dans votre majorité.
Ce texte court n'est donc pas anodin. Il participe du bouleversement de nos institutions inscrit dans une réforme territoriale qui renie les principes de la décentralisation au profit de votre projet libéral : vous voulez satisfaire les appétits des grands groupes privés, qui trouvent insupportable de voir 73 % de l'investissement public et de nombreux services publics locaux leur échapper. Allons-nous accepter une nouvelle remise en cause de nos droits ? Le Président de République disait à Épinal, le 12 juillet 2007 : « les institutions, ce sont les règles qui sont connues par avance qui permettent à chacun de savoir raisonnablement ce qu'il peut attendre de tous les autres ». Vous contredisez cette déclaration puisque vous renvoyez à plus tard la définition des compétences qui seront attribuées aux deux assemblées -sans attendre pour leur retirer la compétence générale. Vous renvoyez aussi à plus tard le nombre des cantons par département et leur périmètre, lesquels seront fixés par ordonnance, procédure peu démocratique s'il en est, après la promulgation du redécoupage des circonscriptions législatives dans lesquelles s'inscriront les nouveaux cantons.
Pour vous, monsieur Marleix, la démographie ne serait pas déterminante. En conséquence, avec une réduction de moitié des élus, l'ensemble du territoire sera moins bien représenté ; et avec un minimum de quinze conseillers territoriaux par département, les zones urbaines le seront encore moins bien que les zones rurales.
Vous avez parlé d'économies avec le passage aux conseillers territoriaux. Mais vous évoquez des remplaçants au rôle renforcé. Combien coûteront-ils ? Vous inventez un élu bicéphale, multicarte, pouvant cumuler des mandats, bref un professionnel de la politique, contrairement à ce qu'exige une juste représentation du peuple. Ce qu'en réalité vous visez, c'est la disparition des départements et une refonte qui ne dit pas son nom du système électif français.
La disparition des départements n'est certes pas explicite, puisque de nombreux élus la rejettent. Mais elle sera la conséquence logique des divers regroupements et de la combinaison des transferts que vous effectuez. Vous avez déjà transformé les services de l'État, puisque le pilotage des politiques publiques est confié à l'échelon régional, les départements devenant des sous-divisions, des administrations transversales pilotées par ce que le Premier ministre appelle des managers.
M. Guy Fischer. - Comme dans les hôpitaux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous inventez un scrutin uninominal à un tour totalement inconnu en France sous la République. Le comité Balladur parlait, lui, d'un scrutin de liste proportionnel à deux tours assorti d'une prime majoritaire dans le cadre de circonscriptions infradépartementales tenant compte de la population de chaque département. C'est d'ailleurs l'une des rares propositions non retenues par le Gouvernement. Dommage !
Dans le document présentant les « propositions de l'UMP pour la reforme des collectivités locales », vous proposiez, monsieur le rapporteur, un scrutin uninominal à deux tours en milieu rural et proportionnel en milieu urbain. Pourquoi avoir changé d'avis ? Sans doute vous êtes-vous livré à de savants calculs démontrant que le scrutin uninominal à un tour était favorable à l'UMP... De toute évidence, il donne la suprématie au parti majoritaire, mettant en cause le pluralisme. Les 20 % de proportionnelle n'y changeront rien. Ils laisseront peu de place aux autres formations politiques, même celles ayant obtenu plus de 5 % des suffrages. En supprimant la proportionnelle dans les régions, qui comptent aujourd'hui 47,7 % de femmes, vous mettez en cause l'obligation de parité inscrite dans la Constitution. (Vifs applaudissements à gauche)
Vous vous dites ouvert à toute proposition permettant de sécuriser la parité. Mais la seule sécurisation qui vaille, c'est la proportionnelle.
Derrière votre réforme, se cache aussi une volonté de refondre notre système électif, afin de réduire les consultations à un moment national et un moment local, en plus des européennes. C'est ce que confirme le rapporteur en évoquant une nécessaire déconnexion entre enjeux locaux et nationaux. Vous voulez éviter que les électeurs soient tentés d'élire des assemblées à majorités différentes et, à terme, conforter votre majorité dans toutes les assemblées. Votre prochaine étape sera-t-elle le scrutin à un tour pour les élections législatives, voire toutes les élections ?
Voix sur les bancs socialistes. - Bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous voterons contre ce véritable coup de force contre l'institution parlementaire, contre les départements et régions, contre les citoyens. Vous l'avez compris. Vous escomptez la faveur du peuple en mettant les élus au ban, en les accusant de coûter cher. Les citoyens sont loin d'en être convaincus. (Applaudissements à gauche)
M. François-Noël Buffet. - Chaque fois que l'on veut moderniser, avancer, on nous oppose de bonnes raisons de ne pas le faire ! (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite) La force des habitudes s'accommode mal de l'ivresse de l'action ! (Mêmes mouvements) Les conservatismes sont là où on ne les attend pas ! (Rires à gauche) Vous êtes de grands conservateurs.
Mme Catherine Troendle. - Des immobilistes !
M. François-Noël Buffet. - En 2008, le Président de la République a engagé une réforme des collectivités territoriales. Il a confié une mission de réflexion à M. Balladur, mission à laquelle a collaboré M. Mauroy. Ici même, la mission Belot a réuni des représentants de tous les groupes.
M. Yannick Bodin. - Qu'en reste-t-il ?
M. Martial Bourquin. - Rien.
M. François-Noël Buffet. - Et l'on nous dit que cette réforme serait faite dans la précipitation !
Qu'en attend-on ? Une organisation territoriale lisible et efficace, avec une légitimité mieux reconnue. Qui prétendrait connaître son conseiller régional et son conseiller général ? (On le prétend sur les bancs socialistes)
Le Président de la République a rappelé devant les maires...
M. Yannick Bodin. - Quelques maires !
M. François-Noël Buffet. - ... qu'on ne pouvait supprimer un niveau d'administration et qu'il fallait remplacer la concurrence par la complémentarité.
Cette réforme assurera ancrage sur le terrain, légitimité, visibilité, responsabilité. Une clarification des compétences est nécessaire. Un texte interviendra en janvier. Pour le préparer, nous devons aborder la question de la concomitance des élections. (« Voilà ! » sur les bancs de la gauche) A quoi bon se cacher derrière notre petit doigt ? Nous sommes dans l'acte I de la réforme. Chaque année, nous avons une élection ; l'an prochain, les conseils régionaux, dans deux ans, les conseils généraux : c'est dès à présent qu'il convient de délibérer (M. Gérard Longuet approuve) pour mettre en place en 2014 le dispositif efficace qu'attendent nos concitoyens.
Vous soulevez des polémiques qui ne visent qu'à attiser les peurs, (protestations à gauche) à inquiéter les élus locaux sur la taxe professionnelle... (Nouvelles protestations sur les mêmes bancs)
M. Gérard Longuet. - Très bien !
M. François-Noël Buffet. - ... à répandre des bruits scandaleux sur la question des compétences. (Applaudissements sur les bancs UMP ; nouvelles protestations à gauche)
Nous ne mangeons pas de ce pain-là et c'est avec grand enthousiasme, monsieur le ministre, que le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Jacqueline Gourault. - Je suis de ceux qui pensent, avec bien d'autres sur ces bancs, que ce n'est pas aujourd'hui que nous commençons à discuter de la réforme des collectivités. Le débat a commencé avec la suppression de la taxe professionnelle. Même si je dois reconnaître que le Sénat a amélioré les choses, le problème de l'autonomie fiscale des collectivités locales demeure posé. Le bloc communal s'en sort certes moins mal mais le département et a fortiori la région perdent toute autonomie fiscale : voilà le premier étage de la réforme territoriale.
J'ai bien entendu le rapporteur, qui a pris soin de montrer que nous ne nous engagions que sur la concomitance des élections. Mais c'est précisément ce qui me gêne : que vienne d'abord ce texte, puis celui qui créera les conseillers territoriaux, puis un autre sur le mode d'élection, sans compter que les découpages se feront par décret...
Autrement dit, nous ne maîtrisons pas l'ensemble de la question, et c'est comme si nous mettions le doigt dans l'engrenage.
Il eût été préférable, sinon de tout regrouper en un seul texte, qu'un accord du moins se fasse sur l'ensemble d'une réforme dont le président Larcher a dit qu'elle ne se ferait pas sans le Sénat. Le Gouvernement eût été bien inspiré de ne porter de texte devant les assemblées qu'une fois acté l'ensemble de la réforme : c'eût été plus expédient.
La création du conseiller territorial pose problème : deux collectivités territoriales demeureront, puisque le Président de la République a bien précisé que nous resterons dans le cadre actuel, mais n'aurons qu'un seul élu. Se pose dès lors la question, constitutionnelle, de la tutelle d'une collectivité sur une autre. D'autant que le système électoral tel qu'il nous est annoncé, avec son mode de scrutin au niveau du département, porte atteinte à l'existence même des régions qui, après avoir perdu leur autonomie fiscale, perdront tout système électoral à l'échelle de leur territoire. Ce système, nous dit-on, sera mixte, mêlant scrutin uninominal à deux tours et proportionnelle, mais il n'y aura aucune proportionnalité dans les petits départements et comme aucun correctif n'est prévu, le pluralisme ne sera pas respecté : c'est là un deuxième problème. Troisième inconvénient, enfin, le principe de parité ne sera pas respecté.
M. Gérard Longuet. - Il existe des solutions simples.
Mme Jacqueline Gourault. - J'ai une longue habitude du dialogue avec vous, monsieur le ministre des collectivités, mais je vous en prie, cessez de dire que la parité est assurée grâce au scrutin de liste aux municipales. C'est un fait, mais est-ce une raison pour sabrer la parité aux régionales ? (Applaudissements sur les bancs socialistes) J'ajoute, à l'intention de M. Buffet, que je ne tiens pas la défense de la parité pour un conservatisme... (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs ; M. Guy Fischer applaudit aussi) J'appartiens à une famille politique qui a toujours défendu le scrutin mixte : scrutin territorial représentant les territoires et scrutin proportionnel représentant les différentes sensibilités politiques, y compris minoritaires. Mais il doit se faire de façon équilibrée : il ne s'agit pas d'introduire la proportionnelle pour attraper quelques voix de plus !
Il faut, monsieur le ministre, que nous discutions encore et que vous ne restiez pas braqué sur le système annoncé. Sinon, je vois venir des difficultés et cette fois, comme je l'ai entendu dire, « on ne trompera pas mon vote ». (Applaudissements au centre et sur de nombreux bancs socialistes)
M. Yves Krattinger. - Voilà donc un texte de deux articles qui raccourcit deux mandats : celui de conseiller régional à trois ans, celui de conseiller général à quatre ans, pour élire tout le monde en 2014. Je me demande ce qui nous vaut la si notable absence, dans cette discussion générale, des orateurs de l'UMP. Où êtes-vous donc passés, messieurs ?
M. Josselin de Rohan. - On travaille.
M. Yves Krattinger. - Mais peut-être est-ce que vous craignez de tenir des propos qui contredisent ceux du Gouvernement ou à l'inverse, s'ils étaient trop conformes, qui vous fâchent avec les élus territoriaux ou vos grands électeurs ?
Monsieur le ministre, j'ai lu avec attention l'exposé des motifs de votre texte, et c'est pourquoi les propos que vous avez tenus ici ne me trompent pas. Que vise son premier paragraphe ? La création de conseillers territoriaux. Mais c'est faire là référence à une réforme qui n'est pas votée : voilà qui pose un vrai problème constitutionnel (« Très bien ! » à gauche) Que vise son deuxième paragraphe ? L'entrée en application, en 2014, d'une réforme qui n'a pas été votée. Même objection constitutionnelle.
Ce n'est qu'ensuite que vous faites référence à la réintroduction de la concomitance de l'élection des conseillers généraux et régionaux, prévue par la loi du 11 décembre 1990 votée, sous un gouvernement de gauche, sur proposition de la gauche, et que certains d'entre vous avaient combattue, et supprimée par la loi du 18 janvier 1994, sur proposition d'un gouvernement que vous souteniez. Le texte de 1990 visait à faire en sorte que les conseillers généraux soient élus en une seule fois tous les six ans. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le confirme) C'est une de nos revendications anciennes, reprise à l'unanimité par l'Assemblée des départements de France. Nous ne dirons pas que nous ne la souhaitons pas. Mais ce n'est pas ce motif que vous invoquez, par écrit, à l'appui de votre texte, même si vous vous y êtes raccroché, « à l'oral », devant nous.
Le raccourcissement du mandat des élus régionaux serait motivé par une hypothétique hausse de la participation électorale. Or chaque scrutin se déroulant dans un contexte particulier, lié notamment au calendrier et à la fréquence des consultations, vous ne pouvez en être assurés. Votre démonstration n'est donc pas convaincante. En outre, les réformes envisagées font l'objet d'une forte contestation dans tous les niveaux de collectivités territoriales, et même aujourd'hui dans l'opinion.
Vous évoquez un allégement du calendrier, mais pas moins de cinq types d'assemblées seront renouvelés en 2014 ! C'est un record absolu. Le Gouvernement aurait dû présenter une étude d'impact sur ce thème. Au lieu de cela, pour un projet de loi de six lignes et deux articles vous nous proposez une étude hors sujet sur l'élection des délégués communautaires, des nouveaux conseillers municipaux et des conseillers territoriaux, et sur la simulation d'un scrutin proportionnel pour 20 % des sièges. D'autant que nous ne savons pas encore si le texte concernant les conseillers territoriaux sera adopté ni comment ces derniers seront élus.
Les élections municipales ont traditionnellement lieu en mars. En 2014, sera appliqué un nouveau mode de scrutin qui fait l'objet d'un certain consensus, avec un scrutin de liste à la proportionnelle à deux tours pour les communes de 500 à 3 500 habitants et, pour toutes les communes de plus de 500 habitants, un fléchage des délégués. De nouveaux conseillers et de nouveaux exécutifs communautaires seront mis en place : la représentation communale sera chamboulée. Et de nouvelles compétences seront peut-être attribuées à l'intercommunalité si le texte correspondant voit enfin le jour... Ces changements ne seront pas anodins pour nos concitoyens car ils concernent les services publics de proximité.
En 2014 auront également lieu des élections européennes, qui se déroulent généralement en juin et devront être précédées d'une campagne nationale. Puis auront lieu les élections sénatoriales, qui interviennent avant la session budgétaire.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - C'est logique.
M. Yves Krattinger. - Le renouvellement de la moitié des sièges de sénateurs pourra avoir des conséquences déterminantes sur notre assemblée et sur sa majorité.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Non, car nous gagnerons les municipales.
M. Yves Krattinger. - Les institutions locales seront bouleversées quand un élu nouveau apparaîtra, le conseiller territorial, dans le cadre de grands cantons redécoupés. Vous ferez sans doute preuve de votre adresse magique, monsieur le ministre, pour ce redécoupage que nos concitoyens découvriront peut-être avec surprise, comme ils seront éblouis par la règle électorale que vous proposez... Le candidat arrivé en tête au premier tour serait élu quel que soit le pourcentage de voix obtenu : voilà qui contredit nos principes électoraux ! En outre, cette règle ferait reculer la parité dans les conseils régionaux. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes)
La création d'une catégorie d'élus figurant sur des listes ayant recueilli zéro voix est originale !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Vous n'avez pas compris.
M. Yves Krattinger. - Rien ne leur interdit ensuite de devenir président du conseil général ou régional.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Vous caricaturez.
M. Yves Krattinger. - En 2014, le cumul deviendra la règle imposée. En outre, innovation constitutionnelle inattendue, les assemblées régionales passeront sous la tutelle des assemblées départementales, à moins que cela ne soit l'inverse !
Parce que les élections régionales sont proches, vous mettez la charrue avant les boeufs. Le calendrier électoral que vous préparez pour 2014 risque de paralyser toutes les collectivités territoriales de notre pays. Vous vous comportez comme des apprentis sorciers. (Protestations sur les bancs UMP) Nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements nourris à gauche)
M. Jacques Mézard. - La fin précède le commencement... (« Ah ! » sur les bancs socialistes) A moins qu'il ne s'agisse du commencement de la fin d'une réforme imposée à marche forcée en application du principe « qui veut la fin veut les moyens » ?
De nombreux membres du RDSE souhaitent une évolution de l'administration territoriale, une clarification et une simplification des compétences. Certains éléments du discours présidentiel pouvaient convenir à des sensibilités diverses, mais quel gouffre entre les paroles et les actes, quelle déception sur la méthode et les objectifs ! Vous raccourcissez les mandats, mais il n'est pas sûr que vous élargissiez le débat.
Selon vous, ce texte n'aurait pas tellement de lien avec la création des conseillers territoriaux... (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe) Ils sont pourtant mentionnés dès la troisième ligne de l'exposé des motifs. (M. Jean-Pierre Sueur approuve) Nous n'avons pas dû lire le Discours de la méthode de la même manière... (Sourires)
Un fossé sépare la stratégie politique et la loi fondatrice, qui doit emporter une large adhésion. Il aurait été plus logique de clarifier et de simplifier les compétences, de rationaliser l'organisation territoriale, d'adapter la fiscalité locale et enfin d'ajuster le calendrier électoral, le tout pouvant être appréhendé globalement. Vous opérez en sens inverse. Vous décidez de supprimer en priorité la taxe professionnelle et de créer le conseiller territorial avec un scrutin uninominal à tour unique, qui est à nos yeux inique.
Ainsi, vous désespérez ceux qui ne sont pas de votre sensibilité mais peuvent voter des textes conformes à l'intérêt général. Selon l'étude d'impact jointe à ce texte, il s'agit d'appliquer les conclusions du rapport du comité Balladur, qui a conclu selon vous « à la nécessité de renforcer le rôle des régions et des départements, d'une part en rapprochant ces deux collectivités et, d'autre part, en modernisant le mode d'élection ». Les préconisations du comité sur le système électoral n'ont pourtant pas été suivies, au motif, notamment, que l'identité souhaitée entre les deux catégories d'élus ne peut être satisfaite. Vous rappelez ensuite que cette réforme « a fait l'objet d'échanges nombreux avec les associations d'élus locaux, les partis politiques et les parlementaires », mais sans mentionner le contenu de leurs déclarations.
Sauf erreur de ma part, l'étude d'impact ne mentionne pas le rapport de la mission sénatoriale sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Le titre en était : « Faire confiance à l'intelligence territoriale ». Qu'avez-vous fait de cette confiance ? Comme d'autres nouveaux parlementaires, j'ai participé avec confiance à cette mission, où la liberté d'expression et la volonté de trouver un consensus furent exemplaires.
Tout ce travail a été balayé en grande partie par l'arrivée impromptue et tardive du non-invité de la dernière heure, le conseiller territorial, et davantage encore par le scrutin relatif à son élection. Donc, exeunt la mission Belot et le conseil régional des exécutifs. Surtout, beaucoup d'énergies et de bonnes volontés ont été piétinées.
Vous nous demandez de raccourcir les mandats des conseillers régionaux et généraux à respectivement quatre et trois ans. Reconnaissez que c'est tenter de faire avaler le plat de résistance avant l'entrée, ce qui laissera un goût amer !
De plus, vous risquez de figer l'action politique des départements et des régions pour les quatre ans qui viennent : des élus pour quatre ans au conseil régional, la moitié des élus pour trois ans au conseil général avec, pour horizon, l'élimination mathématique de la moitié d'entre eux avant l'élimination d'une bonne moitié de la moitié restante par les mécanismes habituels. Est-ce ainsi que l'on pourra mener une politique progressiste, dynamique, au moment où la France en a tant besoin ? II ne s'agit plus des constituants s'interdisant l'accès à l'Assemblée législative, leur mission accomplie, selon le voeu de Robespierre qui déclarait : « Une loi prohibitive de réélection est le plus sûr moyen de conserver la liberté ». Il s'agit d'élus qui risquent d'expédier pendant quatre ans les affaires courantes.
A ce stade, permettez-moi de vous adresser un message personnel, monsieur le secrétaire d'État : vous affirmez que les élections régionales et cantonales doivent se tenir concomitamment. Il est dommage que vous ne pratiquiez pas cette concomitance dans les élections cantonales partielles que vous faites accélérer dans votre département ! (Marques d'ironie et applaudissements sur les bancs socialistes) Vérité à Paris n'est point forcément celle de la province. Est-ce au nom de la logique et de la simplification ?
M. le rapporteur a déclaré que ce texte sur la concomitance est sans influence sur les textes suivants.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Tout à fait !
M. Jacques Mézard. - Dans la forme, c'est vrai. Le Parlement a toujours autorité pour défaire ce qu'il a voté, mais ne nous leurrons pas : ne dites pas que ce projet de loi se suffit en lui-même ! C'est là une argumentation spécieuse alors que tout le rapport et l'étude d'impact portent sur le conseiller territorial ! Nous ne pouvons par conséquent approuver ce projet de loi dont nous contestons les modalités inacceptables de discussion : la grande majorité du groupe RDSE s'y opposera et défendra deux amendements de suppression pour chacun des deux articles. (Applaudissements à gauche)
Mme Éliane Assassi. - Comme l'a très justement dit ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, votre réforme est un véritable coup de force contre l'institution parlementaire, contre les départements et les régions et contre les citoyens.
Vous avez décidé d'en finir avec ce particularisme français qu'est la proximité de centaines de milliers d'élus au service des citoyens. Ce texte vise à réduire les mandats des conseillers régionaux et généraux. Personne n'est dupe : ce texte anticipe la réforme des collectivités territoriales qui prévoit la création des conseillers territoriaux. J'incite donc ceux qui osent encore prétendre qu'il n'y a aucun lien, à faire preuve d'un peu plus d'honnêteté. Bien évidemment, ce lien existe ! Sinon, pourquoi cette procédure accélérée sauf à entériner par avance la création des conseillers territoriaux ?
Mais pour imposer votre loi, vous usez aussi d'un certain nombre d'artifices. A vous entendre, les élus coûteraient trop cher ! Je ne reviens pas sur les cadeaux fiscaux offerts à ceux qui détiennent déjà beaucoup de richesses. La très grand majorité des 500 000 élus sont des bénévoles et nous devons rendre hommage à leur dévouement et au rôle fondamental qu'ils jouent dans l'exercice de la démocratie. (Applaudissements sur divers bancs à gauche)
Le président Larcher ne partage d'ailleurs pas votre point de vue : selon lui, les indemnités des élus ne représentent que 28 millions chaque année alors que la dépense publique locale s'élève à 220 milliards. Ainsi, ils représentent 0,04 % du budget des collectivités territoriales. Cet argument ne vaut donc pas.
Vous affirmez que le regroupement des cantonales et des régionales va permettre une plus forte participation aux élections. Ainsi donc, l'abstention serait due à l'empilement des structures institutionnelles ! Comme beaucoup, je croyais que l'abstention était plutôt l'expression d'une colère fondée le plus souvent sur le non-respect de promesses électorales ou sur une défiance à l'égard de ceux qui méprisent le résultat des urnes, à l'instar du sort réservé à la victoire du « non » au traité constitutionnel européen, alors que cela est une façon de dire que les politiques mises en oeuvre ne répondent pas aux attentes, aux besoins, voire aux espoirs populaires.
A vous entendre, cette concomitance rapprocherait les élus des citoyens. J'avoue ne pas bien comprendre, d'autant que Nicolas Sarkozy veut en finir avec la proximité entre élus et citoyens. La proximité lui est insupportable car elle permet de construire des poches de résistance et de propositions alternatives à vos choix politiques qui sont contraires à l'intérêt des gens et des territoires, au développement des services publics. Vous avez attendu que nos concitoyens soient plus préoccupés par la crise qui les frappe de plein fouet que par une réforme que vous rendez d'ailleurs la plus discrète possible. De plus, vous usez d'arguments populistes et vous manipulez l'opinion publique en renvoyant aux seuls élus la responsabilité de la situation catastrophique dans laquelle vous avez plongé notre pays.
La réduction des mandats des conseillers généraux et régionaux va paralyser les collectivités territoriales jusqu'à leur probable disparition. Ces élus ne prendront pas le risque de lancer de grands projets. Avec cette réduction de mandat, nous allons vers une période d'immobilisme. Les élus vont se contenter de gérer les affaires courantes alors que nous avons besoin de collectivités réactives pour répondre aux attentes de nos concitoyens.
Votre projet, qui laisse planer le doute sur les compétences des collectivités, complique encore plus leur travail. Vous risquez de voir s'éloigner les citoyens des urnes. En effet, quelle crédibilité auront ces élus lorsque les citoyens se rendront compte qu'ils ne pourront pas faire ce qu'ils promettent ?
En 2014, les conseillers territoriaux cumuleront les fonctions de conseillers généraux et régionaux. Êtes-vous conscients de la charge de travail que représentent ces fonctions ? Une seule personne ne peut exercer deux fonctions aussi prenantes, sauf à vouloir les éloigner des citoyens.
Comme vous êtes friands de RGPP, n'oubliez que la construction ou la reconstruction de bâtiments pour accueillir les nouvelles assemblées va générer des dépenses qui, bien sûr, ne figurent pas dans l'étude d'impact. Les coûts vont donc augmenter : comprenne qui pourra !
Enfin, nous ne savons toujours pas combien de conseillers territoriaux seront attribués à chaque département.
Nous nous engageons donc vers une professionnalisation de l'activité des élus qui, pour exercer correctement leur mandat, devront y consacrer un temps plein. Ce mandat leur laissera peu de temps pour être proches de leurs concitoyens, ce qui portera un coup fatal à la démocratie représentative. Ce recul est sidérant !
Ce projet de loi est donc en parfaite contradiction avec notre conception de la démocratie qui est basée sur une plus grande participation des citoyens à la vie politique, voire sur un partage du pouvoir. Il faut conserver les conseillers généraux et les conseillers régionaux tout en leur permettant de travailler en étroite collaboration, ce qui améliorerait l'exercice de leur mandat tout en réduisant les coûts.
Quant au mode de scrutin que vous avez imaginé pour l'élection des conseillers territoriaux, il démontre votre peu d'attachement à la diversité, à la place et au rôle des minorités. Le mode de scrutin uninominal à un tour va réduire au silence les petites formations politiques. La dosette de proportionnelle que vous y instillez ne servira qu'à cautionner le système. Ainsi, des candidats pourront être élus sans jamais avoir été majoritaires. Nous n'avons décidément pas la même définition du mot démocratie !
Votre système conduit inévitablement à la disparition de la diversité culturelle et sociale et il met en place une vie politique bipartisane. Il remet en cause le principe pourtant constitutionnellement garanti de l'égal accès aux fonctions politiques entre les hommes et les femmes. Nous savons pertinemment que les premières victimes de ce mode de scrutin seront les femmes. (Mme Gisèle Printz applaudit) Le projet voulu par le Président de la République ne vise nullement à renforcer la démocratie locale. Nous y sommes donc fortement opposés car il s'attaque aux valeurs de notre République. (Applaudissements à gauche)
Mme Muguette Dini. - Mes collègues de l'Union centriste ont donné la position de notre groupe sur ce texte. Aussi vais-je directement évoquer ce qui m'indigne, même si ce n'est pas encore à l'ordre du jour : je veux parler du mode de scrutin des élections territoriales, qui a été conçu au mépris du respect de la parité. (Applaudissements à gauche ; Mmes Jacqueline Gourault et Anne-Marie Payet applaudissent aussi) Vous ne pourrez pas dire, messieurs les ministres, quand nous examinerons ce projet de loi, que vous n'avez pas été informés de la révolte des femmes élues et probablement des autres.
L'article premier de la Constitution rappelle que « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
Tout d'abord, laissez-moi vous féliciter pour tout ce qui concerne les élections municipales. Enfin, dans les conseils municipaux et dans les exécutifs locaux, les femmes vont avoir suffisamment de poids pour faire valoir leurs compétences, différentes et complémentaires, dans la gestion des communes et des villes. Il en va tout autrement des conseillers territoriaux, qui vont gérer les départements et les régions : les dispositions que vous envisagez sont scandaleuses. (Applaudissements à gauche)
Quelques chiffres : on compte 986 femmes sur 1 880 conseillers régionaux et 571 femmes sur 4 152 conseillers généraux. Vous allez réduire le nombre des élus territoriaux pour arriver à quelque 3 000 conseillers. On peut imaginer la bagarre qui va s'en suivre ! Beaucoup de conseillers généraux sortants, connus dans leur canton, vont vouloir garder la main. Or, ce sont des hommes à 87 %. Restent 20 % des candidats élus à la proportionnelle : devinez qui sera tête de liste ? Des hommes ! La projection qui donne 81 % d'hommes et 19 % de femmes élus est donc totalement surréaliste. Je fais le pari que pas plus de 15 % de femmes seront élues.
Mme Odette Terrade. - Et encore !
Mme Muguette Dini. - M. Marleix a déclaré que personne n'est propriétaire des voix de ses électeurs et qu'il appartient aux partis de choisir des femmes. Comment l'accepter alors que dans le Rhône, l'UMP a présenté aux législatives de 2007 un homme dans chacune des quatorze circonscriptions. (Huées à gauche)
M. Guy Fischer. - Voila la réalité !
Mme Muguette Dini. - On évoque des sanctions financières contre les partis qui ne présenteraient pas assez de femmes. Arrêtez de nous prendre pour des marchandises ! Vous ne vous êtes pas donné la peine de respecter la parité, soit parce que pour vous ce n'était pas un problème, soit parce qu'il n'avait pas d'importance. Il y a pourtant une solution, que j'avais formulée dans ma proposition de loi du 6 janvier 2008, le bulletin paritaire, associant un homme et une femme. Les électeurs, en rayant un nom, désigneraient le suppléant. La parité ne serait pas assurée mais les électeurs auraient le choix et l'on verrait s'ils sont aussi misogynes que les partis ! C'est parfaitement réalisable mais cela semble poser problème aux partis politiques : nombre de candidats ont peur de se voir préférer une femme et ne veulent pas prendre ce risque. Est-ce anticonstitutionnel ? On peut changer la Constitution, on le fait tous les ans. Si ma solution n'est pas la bonne, il y en a une autre, que vous devez trouver, pour mettre fin à ce scandale. (Applaudissements au centre et sur certains bancs à droite ; vifs applaudissements à gauche)
M. Pierre-Yves Collombat. - Comme vous l'avez constaté, le vote conforme, autrement dit le refus d'exercer son pouvoir d'amendement, devient la routine de notre assemblée, au point, comme on l'a vu hier, que même le destin ne saurait y faire obstacle sans scandale. Aujourd'hui, le Sénat est non seulement prié de persévérer dans son conformisme, mais aussi poussé à s'enfoncer un peu plus dans la servitude volontaire et à voter un projet qu'il ne connaît pas et dont on doute de la constitutionnalité. Le Sénat s'est tellement modernisé qu'il devient virtuel : il exerce un pouvoir virtuel d'amender des textes réels et un pouvoir réel de voter des textes virtuels. Demain, plus besoin de voter : il suffira de constater en début de session qu'existe une majorité pour soutenir le Gouvernement.
Je passe sur les problèmes d'inconstitutionnalité, qui seront développés à l'occasion de l'exception d'irrecevabilité, pour m'arrêter sur un vice rédhibitoire de ce texte, l'absence d'indication du nombre de conseillers territoriaux et de cantons par département. Il ne s'agit pas d'une question mineure traitée traditionnellement par voie d'ordonnance ou de règlement. Pour un département de 150 000 habitants, conserver ses 30 conseillers généraux et ses 30 cantons, les voir réduits à vingt et seize, voire à huit et six, n'est pas un détail et cela devrait peser lourd dans le vote de ses représentants au Sénat.
Nous ignorons ce que sera la règle du calcul et devons nous contenter de bonnes paroles sur la représentativité essentiellement démographique, sur la prise en compte des territoires, sur la réduction de moitié du nombre des élus, sur la gouvernabilité des assemblées régionales. Mais, je vous en fais la démonstration quand vous le voulez, cela aboutira dans les régions composées de départements démographiquement hétérogènes soit à des assemblées départementales squelettiques pour les départements les moins peuplés, soit à des assemblées pléthoriques pour les départements les plus peuplés.
Avec ce texte s'ouvre et s'achève la discussion du projet de réforme des collectivités locales. Les péripéties intermédiaires se dérouleront ensuite selon la dramaturgie bien réglée que l'on a pu observer sur la loi de finances. Premier acte, le Sénat accepte l'essentiel, hier la suppression de la taxe professionnelle, aujourd'hui le principe de l'administration de la région et du département par les mêmes élus. Actes II, III, IV... on discute, on chipote les détails, quelques gros -le scrutin- et beaucoup de petits et dans ce psychodrame médiatique chaque composante de la majorité montre tour à tour sa combativité et sa bonne volonté. Je vous renvoie à ce qui vient de se passer sur la taxe professionnelle : point n'est besoin d'être devin pour deviner ce qui se passera sur les intercommunalités ou les métropoles. L'essentiel étant acquis aujourd'hui, le Gouvernement pourra se montrer compréhensif sans compromettre le bénéfice escompté, ici la reconquête des départements et des régions. Dernier acte, le vote solennel. Le président du Sénat se félicite de la qualité du débat et de la place essentielle qu'y a prise la Haute assemblée dont le rôle est ainsi souligné. La majorité et le Gouvernement se congratulent pour leur bonne volonté ; les dissidents temporaires rentrent dans le rang. Que le résultat soit cohérent ou pas, gage de dynamisme ou de paralysie, le projet est voté.
Voter ce projet de « concordance », c'est voter le coeur de la réforme, c'est accepter de réduire à un spectacle dont on connaît la fin le travail parlementaire qui a été mené au sein de la mission Belot et dont on n'a retenu que des détails balladuro-compatibles. Dans ces conditions, nous ne pouvons nous associer à cette mystification. (Applaudissements à gauche)
M. François Patriat. - Je vais m'exprimer au nom des régions, ces victimes de la suppression de la taxe professionnelle et des futures lois qu'on nous demande de satisfaire avant qu'elles aient été débattues. Le volontarisme affiché par le Président de la République voudrait remplacer l'action mais, puisque j'ai entendu certaines captations, je voudrais rappeler que Jaurès demandait : « Qu'est-ce que l'action sans la pensée ? C'est la brutalité de l'inertie ». Après le grand mouvement historique de la décentralisation, c'est à l'inertie que tendent, après la suppression de la taxe professionnelle, les quatre projets que nous allons discuter dans une logique inversée. (M. Jean-Pierre Sueur approuve vivement)
C'est la France des préfets contre la France des libertés représentée par des élus locaux dont vous faites les boucs-émissaires de vos difficultés financières. « Je veux que les Français datent leur bonheur de l'installation des préfets », disait Napoléon qui ne croyait pas en la République. On se souvient de ce que vous disiez en 1982.
M. Jean-Pierre Sueur. - Ils l'ont oublié !
M. François Patriat. - L'acte II de la décentralisation, conduit par M. Raffarin qui est resté au milieu du gué, a privilégié la déconcentration, permettant au préfet de prendre le pouvoir -c'était un titre du Figaro en 2004, sans que le principe de subsidiarité soit respecté, ni que communes, départements et régions aient plus de pouvoir.
Voilà bien l'essence de votre manoeuvre politicienne : éradiquer les contrepouvoirs, surtout ceux de la gauche, qui a gagné trop de régions en 2004 et pourrait en gagner trop en 2010. De ce point de vue, le calendrier n'est pas absurde : il ne s'agit pas de débattre sur le fond mais de faire adopter de manière accélérée la concomitance afin d'imposer ce nouvel élu territorial.
En retirant l'autonomie financière aux collectivités, vous ôtez le socle de la démocratie locale puisque le vote des taux symbolise les libertés locales ; en créant le conseiller territorial, vous déconsidérez l'ancrage, la proximité, le travail et la responsabilité. On désignera 20 % des conseillers territoriaux sur des listes départementales : ça n'ira pas bien loin. Vous jetez l'opprobre sur les élus locaux.
J'étais hier au conseil régional de Bourgogne, monsieur le rapporteur. Un conseiller régional coûte exactement 1,22 euro par an et par habitant ; un conseiller économique et social 0,68 euros. Imaginez les économies que vous allez faire... Je ne fais pas la comparaison avec les voyages en avion ou en hélicoptère !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Populisme !
M. François Patriat. - Je constate simplement que l'échelon régional a fait ses preuves en une demi-génération et que nous allons revenir à l'établissement public régional et au syndicat de cantons sans finalité stratégique. Après avoir fait les poches des régions, vous les clouez au pilori : voici l'acte I de la recentralisation pour des motifs démagogiques.
Vous portez aussi un mauvais coup à la parité, Mme André y reviendra. Moi qui avais été le premier à créer une communauté de communes le 12 juillet 1982...
M. Jean-Pierre Sueur. - Je m'en souviens...
M. François Patriat. - Vous l'aviez inaugurée. J'ai aussi été parmi les précurseurs en demandant une clarification et une simplification mais vous n'apportez ni l'un ni l'autre. La recentralisation constitue une erreur historique. Je suis là pour défendre les habitants des régions, les acteurs économiques avec lesquels nous avons noué des relations efficaces. Santé ou haut débit sont des compétences optionnelles mais obligatoires en pratique du fait de l'absence de l'État. Nous installons des mammographes dans les régions reculées où le cancer du sein est deux fois plus élevé, faute de dépistage.
La véritable réforme aurait été de rendre nos collectivités encore plus efficaces. Or loin de renforcer la décentralisation, le Gouvernement a décrété une recentralisation punitive. Après la suppression de la taxe professionnelle, dont les ménages paieront le prix, vous continuez votre oeuvre de démolition.
C'est un terrible retour en arrière qui se prépare : les responsables locaux ne seront plus que les simples exécutants du pouvoir central. La décentralisation avait renforcé la responsabilité des élus ; votre recentralisation renforcera l'irresponsabilité de l'État. Il aurait fallu assurer le financement des collectivités et la péréquation entre territoires, renforcer leur capacité d'action.
Comme l'a dit le Cardinal de Retz, « il y a très loin de la velléité à la volonté, de la volonté à la résolution, de la résolution au choix des moyens, du choix des moyens à l'application ». Ce texte est l'application d'un choix de moyens au service d'une velléité politicienne que vous voulez faire passer pour l'expression d'une bonne volonté. (Applaudissements et « Bravo ! » à gauche)
M. Pierre Mauroy. - Ce projet de loi, loin d'être purement technique, est le premier d'une réforme des collectivités territoriales qui porte en elle un formidable retour en arrière. Fort audacieux, il parie sur l'adoption d'autres textes qui ne seront débattus qu'en janvier. Il fait suite à la suppression de la taxe professionnelle, elle aussi décidée avant que l'on débatte de leur réforme, véritable hold-up sur les collectivités.
Pourquoi une telle précipitation ? Depuis son élection, le Président de la République a souvent dénoncé ces collectivités qu'il accuse d'être dispendieuses, alors qu'elles représentent 73 % de l'investissement public et seulement 10 % de la dette ! Ces textes rompent avec le consensus qui prévalait jusqu'ici sur la nécessité d'approfondir la décentralisation. Les gouvernements qui ont suivi le mien se sont tous inscrits dans cette démarche, jusqu'à celui de Jean-Pierre Raffarin qui a tenu à inscrire dans la Constitution que « la France est une République décentralisée ».
Les projets actuels opèrent un retour vers le passé. Les travaux du comité Balladur, auquel j'avais accepté de participer, ont préparé la contre-réforme qui conduira inévitablement à une recentralisation et à un affaiblissement des assemblées locales face à l'État. Les princes ont toujours souhaité réduire le pouvoir des assemblées...
Ce mauvais coup contre l'assemblée départementale, fille de la Révolution et de la IIIe République, et contre l'assemblée régionale, qui porte depuis 1982 la vision d'avenir d'un territoire, sera mal vécu par les Français, attachés à la démarche décentralisatrice. Qui peut croire que le futur corps hybride des conseillers territoriaux pourra faire vivre ces deux assemblées aux compétences et à l'esprit si différents ?
Quant au scrutin uninominal à un tour, il est non seulement contraire à la tradition française mais va provoquer un redécoupage des cantons ; vous semblez y prendre beaucoup de plaisir, monsieur le ministre... (Rires)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Vous en avez l'expérience, monsieur le Premier ministre !
M. Pierre Mauroy. - Ce redécoupage va entraîner de nouvelles inégalités, et porte un coup d'arrêt à la mise en oeuvre de la parité, si chèrement acquise.
Bref, les débats promettent d'être vifs. Je ne nie pas certains points positifs, comme l'achèvement de la carte de l'intercommunalité, l'élection des conseillers communautaires au suffrage universel ou encore la création de grandes métropoles. Sur ce dernier point, les propositions avancées mériteront d'être discutées en 2010.
Pour l'heure, cette attaque contre les assemblées locales me semble avant tout inspirée par la volonté de prendre une revanche sur la victoire de la gauche aux dernières élections régionales et cantonales. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Raison de plus pour ne pas voter ce texte, qui engage une réforme à laquelle nous nous opposerons avec vigueur. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs socialistes)
Mme Michèle André. - D'autres ont rappelé notre hostilité au conseiller territorial. En ma qualité de présidente de la Délégation aux droits des femmes, j'avais souligné dès octobre, avec mes homologues de l'Assemblée nationale et du Conseil économique, social et environnemental, un risque de régression en matière de parité. Deux auditions de la commission des lois, de multiples échanges et deux réunions de travail plus tard, vous avez reconnu un réel problème de respect de la Constitution. Les pistes que vous avez ouvertes ne nous conviennent pas, mais vous pouvez comptez sur notre bonne volonté pour analyser vos propositions.
Nos préparons en ce moment nos listes pour les régionales de mars 2010 : y figurent autant de femmes que d'hommes, de tous profils, qui reflètent la population de nos régions. Le visage actuel des conseils régionaux, composés pour 47,6 % de femmes, est le résultat d'une volonté et d'un mode de scrutin. Nul ne veut revenir en arrière au moment où vont se constituer les premiers exécutifs régionaux issus de la loi du 31 janvier 2007.
Il est long, le chemin des femmes françaises vers l'égalité citoyenne depuis qu'elles sont devenues électrices, 100 ans après les hommes ! Le travail n'est pas fini : 18 % de femmes à l'Assemblée nationale, 23 % au Sénat, 12,3 % dans les conseils généraux. La France se classe au dernier rang des pays démocratiques en proportion de femmes élues : l'Égypte, la Mauritanie, le Rwanda font mieux !
François Mitterrand m'avait confiée, en 1990, « vous, à deux générations, vous verrez la vraie égalité des hommes et des femmes dans la société française... à condition de ne jamais changer de cap ». Deux générations, c'est 2030. Mais vous vous apprêtez à changer de cap. Mieux vaudrait, monsieur le ministre, changer le mode de scrutin des conseillers territoriaux, si vous ne voulez pas que l'histoire soit trop cruelle avec vous ! (Applaudissements à gauche)
Mme Dominique Voynet. - Monsieur le président, si vous en êtes d'accord, encore une oratrice ! (Sourires) Nous examinons ce texte au lendemain d'une mémorable « erreur humaine », « une bourde » a écrit Le Monde, à cause de laquelle le Sénat a rejeté un autre des textes organisant la réforme électorale voulue par le Gouvernement. Certains me reprocheront peut-être de céder à la facilité, mais je veux encourager nos collègues à persister dans l'erreur, cette erreur qui avait tout de l'acte manqué. Comme on nous a demandé hier d'adopter la réforme de la taxe professionnelle avant de débattre de l'architecture des collectivités, il faudrait aujourd'hui voter par anticipation le résultat de la réforme des collectivités territoriales. Beaucoup s'en émeuvent, y compris au sein de la majorité.
Ce texte est la première étape d'une plus vaste entreprise de démolition des collectivités locales. Comment penser que l'on réduit le très complexe mille-feuille administratif -objectif que nous partageons- en créant un nouvel élu, le conseiller territorial ? En fait, il s'agit seulement pour la majorité, minoritaire dans les urnes, de reprendre plus aisément le contrôle des collectivités. Le Président de la République a compris que la machine à souder l'électorat de la droite qu'est l'UMP était efficace au seul premier tour, car elle laisse peu de réserve de voix pour la suite. Il supprime donc le second tour pour s'assurer le contrôle des régions, des départements et, demain peut-être, des villes avec moins de 35 % des voix ! Telle est la vérité nue de la réforme électorale : gagner en trafiquant les règles du jeu à son avantage, détourner la fonction d'arbitre du Président de la République pour favoriser la position de certains joueurs !
M. Alain Gournac. - « Trafiquer », le terme n'est pas acceptable !
Mme Dominique Voynet. - Dans une assemblée qui a honoré, par le passé, son rôle de gardien de l'équilibre des institutions, je veux croire qu'une manoeuvre aussi grossière que scandaleuse ne pourra pas être approuvée. De nombreuses voix se sont élevées pour rappeler combien ce texte est étranger à la tradition républicaine et défavorable à la parité. Sur ce point, Mme Dini a rappelé la révolte des femmes élues, ajoutons-y celles des femmes qui ne sont pas encore élues et de nombreux hommes. La proposition consistant à prévoir un suppléant du sexe opposé ne tient pas quand près de 80 % des titulaires sont des hommes. Il reste aux suppléantes le seul espoir que le titulaire cède sa place pour cause de cumul des mandats ou de décès...
Le rejet du texte hier soir s'expliquerait par une « erreur humaine ». Aujourd'hui, l'erreur serait de ne pas rejeter celui-là. En tout cas, nous ne prêterons pas la main à cette mascarade ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et les bancs du groupe CRC-SPG ; M. Jacques Mézard applaudit également)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - Après avoir salué la manière dont le président Hyest conduit les travaux de la commission sur l'ensemble des textes liés à la réforme, je remercie le rapporteur de la qualité de son analyse. Effectivement, l'adoption de ce texte ne préjuge en rien de la position du Sénat sur la réforme, contrairement à son rejet qui rendrait impossible la création du conseiller territorial...
Plusieurs voix sur les bancs socialistes. - Non ! Sa création interviendrait en 2015 !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - ... et de nombreuses raisons, autres que celles liées à la réforme des collectivités territoriales, justifient l'adoption de ce texte.
Monsieur Dupont, je me réjouis de votre avis favorable au principe de la concomitance. En revanche, prolonger le mandat des conseillers généraux élus de trois ans est contraire aux principes du droit des citoyens à l'expression du suffrage et de la périodicité raisonnable des consultations électorales, exigences constitutionnelles. D'ailleurs, les précédents reports d'élections cantonales, qui n'ont jamais dépassé un an, étaient assortis de justifications très précises et rigoureuses. Je serais attentif à vos propositions concernant l'importante question du statut du conseiller territorial lors de l'examen des trois autres textes.
Monsieur Peyronnet, vous avez émaillé votre intervention de références historiques, de Machiavel à la Restauration, mais vous vous trompez de débat : il n'est pas question de faire disparaître communes et départements, mais de les renforcer. Votre intervention étant très générale, j'y reviendrai lors de la discussion des autres textes liés à la réforme des collectivités territoriales.
Monsieur Baylet, nulle précipitation dans ces textes qui sont le fruit d'un intense travail de réflexion et de concertation entamé il y a plus d'un an avec la commission Balladur, (on le récuse hautement à gauche) prolongée par le rapport Belot et accompagnée de multiples rencontres avec les associations d'élus, lesquelles se poursuivent encore. Je maintiens que l'article 11 de la loi de 1990 prévoyait une durée de quatre ans pour les conseillers généraux élus en 1994 et qu'il n'était aucunement question de proportionnelle. En outre, la concomitance renforcera la légitimité des collectivités territoriales en augmentant la participation électorale, ce qui satisfait au motif d'intérêt général exigé par le Conseil constitutionnel.
Madame Borvo Cohen-Seat, vous avez mal lu notre texte : il ne crée pas le conseiller territorial, mais organise la concomitance du renouvellement des conseillers généraux et régionaux. Notre réforme est cohérente : elle repose sur quatre textes. Votre caricature est trop outrancière pour être crédible. Permettez-moi aussi de vous dire que l'on peut être un grand commis de l'État tout en étant un manager. Enfin, il n'est nullement question de modifier le mode de scrutin pour les élections législatives.
Monsieur Buffet, il faut effectivement lutter contre les conservatismes et je me réjouis du soutien de votre groupe. Il faut encourager la coopération entre départements et région, plutôt que la concurrence qui coûte 20 milliards.
M. Pierre-Yves Collombat. - Faux !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Relisez le rapport de la Cour des comptes !
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce sont les compétences croisées qui s'élèvent à 20 milliards !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Il faut procéder à cette réforme avant les prochaines élections régionales.
Madame Gourault, j'ai trop de respect pour votre Haute assemblée pour penser obtenir de sa part un chèque en blanc. La réforme de la fiscalité locale n'est pas défavorable au bloc communal et le Gouvernement s'est engagé à garantir le principe constitutionnel d'autonomie financière.
M. Roland du Luart. - N'oubliez pas le département !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - La constitutionnalité du conseiller territorial n'est pas susceptible d'être mise en question : il n'y aura pas de tutelle d'une collectivité sur l'autre...
M. Jean-Pierre Sueur. - Paroles ! Vous institutionnalisez cette tutelle !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Le Conseil d'État a validé le principe d'un élu unique destiné à siéger dans deux assemblées. Nous présentons le présent texte en priorité par respect du principe de sincérité du scrutin, les prochaines élections régionales étant prévues en mars 2010.
Monsieur Krattinger, votre exposé se limite à une caricature. Réformer, ce n'est pas jouer à l'apprenti sorcier. Nous tirons les conséquences de notre mille-feuille administratif en instaurant le conseiller territorial. Point de contradiction contrairement à ce que vous avez cru déceler, comme M. Mézard, entre l'exposé des motifs et ma présentation générale du texte en début de séance. Indépendamment de la création des conseillers territoriaux, beaucoup d'arguments justifient la concomitance. Vous avez également évoqué les cinq élections programmées en 2014 ; calendrier qui explique ce texte, de la même façon qu'il avait justifié la loi socialiste du 11 décembre 1990.
En 2014 se tiendront les élections territoriales, municipales et européennes, soit trois scrutins comme en 2004 et non cinq : les élections sénatoriales sont exclues puisqu'elles ont lieu au suffrage indirect.
Nous n'avons d'ailleurs pas de leçons à recevoir de la gauche : a-t-on oublié les 134 redécoupages cantonaux effectués par M. Defferre au début des années 1980, puis par M. Joxe au début des années 1990 ?
Voix sur les bancs socialistes. - Ils étaient justifiés !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Certains cantons, dans le Cantal par exemple, ont été redécoupés chaque année entre 1981 et 1985 ! J'en prends M. Mézard à témoin. Le gouvernement actuel n'a procédé qu'à une douzaine de redécoupages, souvent partiels. A-t-on oublié les décrets publiés en janvier 1982, deux mois avant les élections cantonales, ou la modification en juillet 1985 du mode de scrutin pour les élections législatives qui devaient avoir lieu moins de neuf mois plus tard ?
Monsieur Mézard, j'ai noté avec satisfaction que vous étiez prêt à approuver certains aspects de la réforme. Nous voulons mettre fin à l'enchevêtrement administratif dont souffrent aujourd'hui les collectivités locales, afin de leur donner les moyens de leur politique. La volonté du Gouvernement n'est certes pas de désespérer le groupe RDSE... (On ironise à gauche)
M. Guy Fischer. - Continuez donc à lui passer de la pommade !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - L'étude d'impact est régie par la loi organique du 15 avril 2009 ; elle n'a pas vocation à compiler les avis des uns et des autres. Vous trouverez néanmoins en annexe la liste des personnes auditionnées par le comité Balladur et la mission Belot.
Vous avez estimé trop courte la durée de quatre ans du mandat des prochains conseillers régionaux, oubliant que c'est le temps dont dispose le président des États-Unis pour agir ! (Protestations à gauche)
M. Yannick Bodin. - Chiche !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Madame Assassi, vous avez parlé d'un coup de force contre l'institution parlementaire : ce propos est très excessif. Ne débattons-nous pas depuis plus de deux heures ? Je rends moi aussi hommage au dévouement des élus locaux -je suis moi-même conseiller général- dont je connais le rôle auprès de nos concitoyens.
M. Martial Bourquin. - Préservez-les donc !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Ce n'est pas nous qui achetons des pages de publicité dans les journaux nationaux pour proférer des contre-vérités sur la réforme ! Décidemment, nous n'avons pas la même lecture des textes. Soyez sûre que nous sommes attachés autant que vous aux valeurs de la République.
Je laisse à M. Mercier le soin de répondre à Mme Dini.
M. Jean-Pierre Raffarin. - A chacun son cheptel !
Mme Dominique Voynet. - Ce n'est pas de très bon goût...
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Monsieur Collombat, cette réforme a fait l'objet de larges débats. Les quatre textes ont donné lieu à de nombreuses auditions, notamment devant la commission des lois. Quant aux cantons, l'article 14 du projet de loi relatif à l'élection du conseiller territorial encadre l'habilitation donnée au Gouvernement, qui devra respecter les principes d'égalité devant le suffrage, de bonne administration et de représentation effective des territoires au sein des conseils régionaux. Le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel ont exigé que nos choix correspondent à ceux qui ont présidé au redécoupage des circonscriptions législatives. Je ne pourrai vous fournir de chiffres précis que lorsque le Conseil constitutionnel aura validé l'ordonnance du Gouvernement.
M. Pierre-Yves Collombat. - Dommage !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Hier soir, vous avez retardé le débat.
Monsieur Patriat, je vous rappelle que notre Constitution dispose que l'organisation de la République est décentralisée. Déconcentration et décentralisation sont compatibles : c'est le principe même de la loi Defferre de 1982. Non, cette réforme n'est pas l'acte I de la recentralisation mais celui de la simplification. (On en doute sur les bancs socialistes) Il n'a jamais été question de jeter l'opprobre sur les élus locaux !
Madame André, l'abaissement de 3 500 à 3 000 habitants du seuil au-delà duquel les listes aux élections municipales sont bloquées et la parité nécessairement respectée fera entrer 40 000 femmes dans les conseils municipaux et 25 000 dans les conseils communautaires. La parité s'appliquera également au sein des exécutifs. Toutefois je ne suis pas entièrement satisfait du projet de réforme sur ce point. Des discussions sont en cours, auxquelles vous-même, Mme Zimmermann et Mme Panis prennent part ; le Gouvernement est ouvert à toutes les propositions.
Madame Voynet, vous avez eu des mots très durs contre le Gouvernement, à la limite du supportable. (On ironise à gauche)
Mme Dominique Voynet. - Petite nature !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Nous ne faisons qu'appliquer la loi et répondre aux exigences du Conseil constitutionnel. La population de la France est passée depuis 1986 de 60 à 67 millions d'habitants : un redécoupage était devenu urgent. La gauche aurait dû y procéder lorsqu'elle était au pouvoir, comme déjà au début des années 1980.
M. Pierre-Yves Collombat. - Cela fait un certain temps que nous n'y sommes plus !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Ce gouvernement l'a fait à la demande du Président de la République, et je suis fier d'avoir présenté ce texte au Parlement. (Applaudissements à droite)
Monsieur Mauroy, malgré le respect que j'ai pour vous, je vous répète que l'institution des conseillers territoriaux n'est pas une attaque contre les assemblées locales. Vous avez apporté une utile contribution aux travaux du comité Balladur, et je suis sûr que vos propositions enrichiront le débat parlementaire.
Mme Dominique Voynet. - Il propose d'arrêter net !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Vous m'avez égratigné sur le redécoupage électoral, mais à 60 ans passés je ne crains pas une cicatrice de plus... Le redécoupage des cantons se fera sous contrôle.
Mme Dominique Voynet. - Sous le contrôle de M. Sarkozy !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel ont rappelé la méthode à suivre. Je rencontrerai les présidents de conseils généraux de tous bords pour en discuter avec eux. (Applaudissements à droite ; Mme Anne-Marie Payet applaudit également)
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. - Je félicite Mme Dini de la qualité de son intervention : la promotion du rôle des femmes dans la vie publique fut pour elle le combat de toute une vie. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ironise) La question de la parité mérite que l'on s'y attarde, et je souhaite que l'on parvienne à une solution acceptable pour tous. Des progrès ont été accomplis, même si les femmes n'ont pas encore la place qu'elles méritent dans la vie politique. Il n'est pas question de revenir sur ces avancées.
Vous savez comme moi, madame, que la parité ne dépend pas du mode de scrutin. (Vives protestations à gauche)
Mme Dominique Voynet. - La Constitution dit le contraire !
M. Michel Mercier, ministre. - Je vous saurais gré, madame Voynet, de m'accorder deux minutes pour répondre.
Mme Dominique Voynet. - C'est misérable...
M. Michel Mercier, ministre. - Mme Dini et moi avons une histoire politique commune...
Mme Dominique Voynet. - Je ne suis pas sûre qu'elle en soit fière !
M. Michel Mercier, ministre. - Nous ne sommes pas en guerre civile ! Acceptons de dialoguer : nous ne serons pas toujours d'accord mais nous progresserons !
Madame Dini, nous avons fait tous deux une erreur dans le passé : lors d'une élection à la proportionnelle, vous avez présenté une liste où ne figuraient que des femmes, et moi une liste où ne figuraient que des hommes. Le résultat fut l'élection de Mme Fischer... (Rires) Nous sommes prêts à réfléchir avec vous pour trouver une solution qui assure aux femmes la place qui leur revient de droit.
Mme Dominique Voynet. - La moitié des sièges !
M. Michel Mercier, ministre. - Venez donc travailler avec nous, madame Voynet !
Mme Dominique Voynet. - Volontiers !
M. Michel Mercier, ministre. - Je suis sûr qu'ensemble nous trouverons une solution.
Mme Dominique Voynet. - Vous vous enlisez !
M. Michel Mercier, ministre. - Seul le mode de scrutin uninominal à deux tours ne renforcerait pas la parité ; tous les autres autorisent des progrès.
Mme Dominique Voynet. - Imitez donc le mode de scrutin régional !
M. Michel Mercier, ministre. - Le Gouvernement est prêt à travailler avec tous ceux qui le souhaitent, pour que les progrès accomplis ne soient pas remis en cause. (Applaudissements à droite)
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (n°132, 2009-2010) (Procédure accélérée).
M. Jean-Pierre Sueur. - Je vais développer cinq arguments pour montrer que ce projet de loi est contraire à la Constitution tant par son objet que par ses conséquences.
Le premier est assez évident : ce projet de loi n'existe que par rapport à un projet de loi qui n'existe pas. Il est futur, direz-vous. Autant dire que le Parlement a le droit de ne pas le voter, ce que nous espérons bien qu'il fera. Il n'y a donc pas de fondement à changer la date d'une élection par rapport à une loi qui n'est qu'une pure virtualité. Autant dire que le motif manque. Vous en êtes d'ailleurs tellement convaincus que vous avez multiplié les considérations du mode « c'est pour le bien du peuple, qu'il n'ait pas à se déplacer plusieurs fois pour aller voter ». Ces précautions inutiles, comme eût dit Beaumarchais, tombent par terre dès qu'on lit votre exposé des motifs. (« Voilà ! », sur les bancs socialistes)
Mon deuxième argument a trait aux conséquences. Cette confusion entre département et région, le fait que la même personne soit élue dans les deux pose un autre problème constitutionnel car vous instituez ainsi le cumul des mandats et vous portez atteinte à l'autonomie des collectivités territoriales. Dans les grandes lois de décentralisation de Pierre Mauroy, il y avait un principe important : l'absence de tutelle d'une collectivité sur une autre. Cela suppose des assemblées et des élus distincts. Alors que ce principe est maintenant inscrit dans notre Constitution, vous institutionnalisez la tutelle.
Dans sa décision du 6 juillet 1994, le Conseil constitutionnel rappelait que, dans le cas d'un texte prévoyant la concomitance de deux scrutins, le principe de sincérité impose que « le choix opéré par le législateur en faveur d'un regroupement dans le temps de ces consultations s'accompagne de modalités matérielles d?organisation destinées à éviter toute confusion dans l'esprit des électeurs ». Cette confusion, loin de l'éviter, vous l'organisez.
Du troisième motif d'inconstitutionnalité, Mme André, Mme Dini, Mme Voynet ont parlé avec éloquence. La réponse de M. Mercier m'a laissé perplexe. Il nous dit que le mode de scrutin pourra respecter la parité mais il ne dit pas comment faire. Peut-être pense-t-il à la funèbre solution retenue pour les conseils généraux, avec ces suppléantes qui doivent attendre le décès du titulaire ou sa nomination au Gouvernement. Mais si je n'ai rien compris à ce qu'a dit M. Mercier, j'ai bien compris que, depuis 1999, la Constitution parle « d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ».
M. Carcassonne a publié dans Libération un article tellement lumineux que je m'étonne que vous puissiez n'en pas tenir compte.
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. - C'est un tissu d'erreurs !
M. Jean-Pierre Sueur. - On verra ce que dira le Conseil constitutionnel.
Il est aisé de comprendre qu'un mode de scrutin permettant d'être élu avec 21 % des suffrages exprimés est parfaitement injuste. C'est un principe constant de la République que les élus représentent la majorité du corps électoral. Le député Savary y a beaucoup insisté en 1873, quand il a présenté la proposition qui allait devenir la loi sur le scrutin à deux tours. Il n'y a plus de République quand ce n'est pas la majorité qui s'exprime. Votre texte est donc contraire au principe d'égalité et j'espère vraiment qu'une telle loi ne verra jamais le jour. (Applaudissements à gauche)
Enfin, le comble de la bizarrerie est atteint avec le mode de scrutin auquel vous pensez. Nous avons tenté hier de l'exposer à des journalistes ; il nous a fallu nous répéter plusieurs fois sans avoir la certitude d'être compris. Vous proposez que les élus à la proportionnelle le soient grâce aux voix des candidats non élus ! Vous parlez à ce propos de « suffrages utilement exprimés ». Je ne croyais pas que vous pourriez proposer quelque chose d'aussi tordu. Les électeurs qui auront désigné un candidat qui aura été élu ne pourront pas prendre part au scrutin proportionnel : là, leur voix devient inutile. Je vous défie de défendre devant vos électeurs un système aussi byzantin, biscornu et tarabiscoté.
M. Guy Fischer. - La transparence...
M. Jean-Pierre Sueur. - Le Conseil d'État a jugé que le mode de scrutin retenu n'apparaissait pas de nature à garantir l'établissement d'une majorité stable et qu'il pouvait amener une liste ayant recueilli moins de voix qu'une autre à obtenir néanmoins davantage de sièges.
Peut-être les calculs de M. Marleix ont-ils produit quelques résultats politiques intéressants mais l'avis du Conseil d'État est très clair : c'est lourdement inconstitutionnel. (M. Patrice Gélard le conteste)
Tels sont les cinq motifs qui nous conduisent à vous appeler à voter cette exception d'inconstitutionnalité. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Nous avons entendu un brillant exposé, mais l'orateur se trompe de débat. Il n'est pas question, dans cette loi, du mode d'élection : elle ne fait qu'organiser la concomitance des scrutins (Exclamations à gauche)
M. Yannick Bodin. - Ne vous moquez pas de nous !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - S'il est vrai que c'est là une condition nécessaire pour créer les conseillers territoriaux, (« Ah ! » à gauche) ce n'est pas pour autant une condition suffisante.
M. Robert del Picchia. - Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Car posons la question à l'envers. Si ce texte est voté par le Parlement mais que ne l'est pas, en revanche, celui qui doit créer les conseillers territoriaux, nous aurons, en 2014, deux élections selon le mode de scrutin actuel. (Nouvelles exclamations à gauche)
J'invite donc la Haute assemblée à rejeter cette motion. Quant aux autres considérations, je les renvoie au futur projet de loi sur le mode de scrutin. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)
M. Guy Fischer. - Il n'y a pas de quoi applaudir !
M. Yannick Bodin. - C'est ce qu'on appelle le courage politique !
M. Henri de Raincourt, ministre. - J'ai entendu ici un leitmotiv. Vous n'avez cessé, messieurs de l'opposition, de critiquer l'ordre dans lequel nous appelons ces textes à la discussion. Nous vous reconnaissons ce droit, mais acceptez en retour que nous ayons notre propre cohérence.
M. Martial Bourquin. - Où est la cohérence ?
M. Henri de Raincourt, ministre. - Nous avons déposé quatre projets sur le bureau du Parlement. Personne ne peut dire qu'il ne sait pas de quoi il sera question.
M. Martial Bourquin. - Pourquoi un tel saucissonnage ?
M. Henri de Raincourt, ministre. - Nous avons choisi de procéder ainsi pour des raisons simples de calendrier. En janvier, nous discuterons de l'architecture de la réforme proprement dite. Nous engagerons alors une réflexion sur la question des compétences, en associant les parlementaires et les associations d'élus et en s'inspirant largement du travail ici accompli par la mission Belot, à laquelle je rends hommage.
Avant l'été, vous examinerez le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au même moment interviendra le rendez-vous prévu par la loi de finances, conformément à la clause acceptée en CMP, sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle.
Les choses sont parfaitement actées.
M. Martial Bourquin. - Coupées en tranches.
M. Henri de Raincourt, ministre. - Ce calendrier ménage la capacité pleine et entière du Parlement à aller au fond des choses.
Ce projet, monsieur Sueur, est présenté pour se conformer aux exigences constitutionnelles de sincérité du scrutin. Au long de votre propos, vous vous êtes quasi érigé en juge constitutionnel. Laissez le Conseil travailler tranquillement. Il rendra sa décision en toute indépendance, comme il l'a toujours fait et le Gouvernement s'y conformera, bien entendu.
Ce texte est conforme à l'une des propositions contenues dans le rapport Balladur dont M. Longuet fut membre. Les deux élections pourront ainsi se tenir au même moment, en mars 2014, ce qui est un gage de simplification et de clarté pour les électeurs, dont la participation pourra sortir renforcée. Il n'affecte pas à l'excès la durée des mandats en cours et maintient le décalage entre élections locales et nationales pour bien identifier les enjeux de chacune et met fin au renouvellement triennal par moitié des conseils généraux...
M. Gérard Longuet. - Qu'a toujours demandé la gauche.
M. Henri de Raincourt, ministre. - Il permet enfin d'harmoniser le calendrier électoral avec les échéances sénatoriales.
L'Association des départements de France, dans sa résolution de décembre 2008, proposait que les conseillers généraux soient élus en 2011 pour trois ans et qu'en 2014, le renouvellement soit intégral sur la base de cantons regroupés...
M. Yves Krattinger. - Pas redécoupés...
M. Henri de Raincourt, ministre. - J'invite donc le Sénat à rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)
M. Jean-Claude Peyronnet. - Je relève certaines contradictions entre les propos du ministre et ceux du rapporteur. (M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, le dénie) Le ministre nous dit que tout est transparent dès lors que les quatre projets ont été déposés. Au reste, la discussion générale, fixée à trois heures, invite manifestement à parler de l'ensemble.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - C'est vous qui avez demandé ces trois heures.
M. Jean-Claude Peyronnet. - A l'inverse, le rapporteur nous invite à nous cantonner à ce texte et oublie d'ailleurs, en réfutant les arguments complémentaires développés par M. Sueur, ceux que nous opposons avant tout à ce texte, touchant à la question de la virtualité.
Parmi les cinq arguments développés par M. Sueur, celui qui concerne les modes de scrutin est excellent. Il n'est pas acceptable que des élus soient désignés avec 20 % des voix : c'est contraire à notre tradition républicaine qui a pris un tel poids qu'elle en est devenue constitutionnelle. Nous rejoignons parfaitement en ceci le raisonnement de Guy Carcassonne.
Il est difficile, au vrai, de faire plus baroque. Car il n'y aura de surcroît pas vote formel des électeurs, sauf à envisager d'ajouter ces listes régionales au bas des bulletins uninominaux : c'est impraticable.
Reste enfin la question de la parité. J'ai entendu M. Marleix, mais on ne peut pas prendre prétexte d'une amélioration du scrutin dans les petites communes, qui multipliera le nombre de candidates aux élections communales, pour prétendre que l'exigence de parité est remplie. Elle doit s'appliquer dans toutes les institutions.
Mme Christiane Demontès. - Oui, partout !
M. Jean-Claude Peyronnet. - Ou serait-ce qu'il faut considérer que les femmes sont compétentes pour s'occuper de l'aide sociale dans les petites communes mais que la programmation sur l'ensemble d'une région les dépasse ?
Pour toutes les raisons que j'ai invoquées, nous voterons cette motion.
M. François Fortassin. - La majorité du groupe RDSE la votera également. Certes, l'exposé de M. de Raincourt, rompu aux joutes oratoires, fut brillant, mais en relative contradiction avec les propos du rapporteur, au point que l'on a envie de vous dire, messieurs, accordez vos violons.
Nous arriverons à une situation surréaliste, avec des élus sans électeurs. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes) Avec la proportionnelle calculée sur les battus, certains pourront siéger aux conseils généraux et aux conseils régionaux, voire les présider, sans avoir vu un seul électeur de toute la campagne ! C'est une grande première dans la République. (Applaudissements à gauche)
Mme Christiane Demontès. - Sarkozy l'a fait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je soutiens la motion présentée par Jean-Pierre Sueur. Vos réponses ne sont pas convaincantes. Ce texte participe de la réforme des collectivités territoriales, mais n'a pas de sens isolément. Vous nous demandez de voter un projet de loi qui annonce une réforme dont beaucoup d'élus ne veulent pas et que la plupart de nos concitoyens jugent incompréhensible.
Quant au mode de scrutin...
M. Robert del Picchia. - C'est hors sujet !
Mme Jacqueline Panis. - Ça suffit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - ... on nous dit que cela vient après un long processus. La réflexion sur les collectivités territoriales a commencé avec les propositions du comité Balladur, s'est poursuivie avec les travaux de la mission du Sénat, occultée, puis a abouti à la présentation de textes définitifs morcelés. Or, durant toute cette période, nous n'avons jamais discuté du mode de scrutin des conseillers territoriaux, dont le projet nous est tombé comme une tuile sur la tête, directement de l'Élysée. C'est absolument inacceptable dans le cadre de nos traditions républicaines. Certes, Édouard Balladur nous a rappelé que le scrutin uninominal à deux tours datait de 1852, mais il a été appliqué sans cesse depuis.
En tant qu'élus, nous aurions tort de nous laisser aller à accepter un mode de scrutin antidémocratique. (Applaudissements à gauche et sur les bancs RDSE ; Mme Jacqueline Panis proteste)
M. Gérard Longuet. - Nous avons tous en commun un intérêt pour les collectivités locales qui structurent notre pays et qui ont donné à la République sa résistance, sa plasticité et sa réactivité face aux épreuves. Nous souhaitons tous en simplifier et en clarifier le fonctionnement. Ce qui nous divise, en revanche, c'est que nous considérons de notre côté qu'il ne s'agit plus d'un sujet de colloque mais qu'il faut décider et proposer de nouvelles règles du jeu.
Monsieur Sueur, vous avez invoqué l'inconstitutionnalité de ce texte. Si, comme vous, j'étais universitaire, j'aurais inscrit en marge de votre copie : « Intéressant, mais hors sujet ». (Sourires) La majorité sénatoriale souhaite réformer les collectivités territoriales selon deux axes : un système de proximité aux niveaux communal et intercommunal et un système dédié à l'aménagement et à l'organisation du territoire aux plans départemental et régional. Pour assurer leur cohérence, nous souhaitons fixer un grand rendez-vous pour les élections locales, à l'image des échéances politiques présidentielle et législative. Ce projet de loi ne prévoit que cela.
Madame Borvo Cohen-Seat, nous construisons la loi ici même. La majorité est solidaire du Président de la République...
M. Martial Bourquin. - Il décide de tout !
M. Gérard Longuet. - ... et du Gouvernement. Mais je vous rappelle que c'est ici qu'a été décidé le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Hors sujet !
M. Gérard Longuet. - Le texte que nous avons adopté est bien différent de celui que Christine Lagarde nous a présenté en septembre. Il en est de même pour la réforme des collectivités territoriales : nous devons réfléchir et apporter des réponses. Ainsi du texte sur les compétences : nous veillerons à éviter le risque de tutelle et à rendre à chacun sa part de responsabilité. En outre, nous sommes naturellement attachés à la parité. (On en doute à gauche) Alain Marleix nous a annoncé un progrès pour les petites communes à partir de 500 habitants. Ayant été président de région pendant douze ans, je pense qu'il faudra faire évoluer les assemblées territoriales en ce sens. Sanctionner le non-respect de la parité dans les scrutins uninominaux n'a guère d'effets. Pour les exécutifs locaux, nous pourrions par exemple nous inspirer de la proposition de Jean-François Copé, qui prévoit un certain nombre de places réservées aux femmes dans les conseils d'administration des entreprises du CAC40.
Nous allons reconstruire ensemble le système des collectivités territoriales et nous vous proposons aujourd'hui que tout soit prêt pour le rendez-vous de 2014. Rien n'est définitivement tranché car l'exécutif respecte le Parlement et la compétence particulière du Sénat, première assemblée consultée sur ce sujet. Nous trouverons ensemble une réponse de bon sens aux questions que vous avez abordées. (Applaudissements à droite et au centre)
A la demande du groupe UMP, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 151 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Applaudissements sur les bancs UMP)
Organismes extraparlementaires (Nominations)
M. le président. - La commission des affaires sociales et la commission des finances ayant proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires et la présidence n'ayant reçu aucune opposition dans le délai d'une heure, ces candidatures sont ratifiées. Je proclame Mme Annie Jarraud-Vergnolle membre du Comité d'évaluation de l'impact du revenu de solidarité active et M. Bernard Angels membre du Conseil d'orientation du service des achats de l'État.
La séance est suspendue à 19 h 30.
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Renouvellement des conseils généraux et régionaux (Procédure accélérée - Suite)
Question préalable
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux. Nous en sommes parvenus à la motion n°2 présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Dans l'introduction du rapport fait au nom de la commission des lois, M. Courtois nous garantit, sans rire, que « l'adoption du présent texte est de nature à préserver la pleine souveraineté du Parlement ».
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Tout à fait !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Il se sent obligé de préciser que « l'adoption de ce projet de loi ne ferait en rien obstacle à ce que les Assemblées décident finalement, à l'issue de leurs discussions sur le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, de renoncer à créer une nouvelle catégorie d'élus ».
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Nous sommes bien d'accord !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - D'ailleurs, selon lui, l'instauration future des conseillers territoriaux ne serait qu'un but parmi d'autres de ce projet de loi. (M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, le confirme)
Pourtant, le premier chapitre du rapport s'intitule « une concomitance indispensable à la mise en place des conseillers territoriaux et bénéfique pour la démocratie locale ». Deux arguments sont avancés pour tenter de faire croire que ce texte n'a pas pour seul but d'entériner l'instauration des conseillers territoriaux avant même que la loi les créant ne soit examinée : la concomitance des élections cantonales et régionales aiderait à lutter contre l'abstention et déconnecterait les élections locales des élections nationales.
Toujours d'après le rapport, la simultanéité des élections cantonales et régionales contribuerait à dynamiser la démocratie locale. Ainsi, comme l'affirme le Comité pour la réforme des collectivités locales, la concomitance, en rendant les élus plus facilement identifiables par leurs électeurs, « renforcerait le poids de ces élections dans la vie locale et ne pourrait, en conséquence, que favoriser la clarté des choix démocratiques ». Pourtant, cette déclaration ne repose sur aucune donnée tangible et vérifiable. Il ne s'agit que d'une pure déclaration de principe ne correspondant à aucune réalité statistique, démographique ou politique. Rien n'empêche en effet d'affirmer le contraire : pourquoi ne pas prétendre que la concomitance des élections entraîne la confusion dans l'esprit des électeurs sur les enjeux de chacune de ces élections et des interférences entre les campagnes électorales ? Difficile de trancher, car l'abstentionnisme va chercher ses causes dans des phénomènes bien plus complexes qui ont plus à voir avec la sociologie de l'électorat qu'avec de simples questions de calendrier. D'ailleurs, la simultanéité des élections cantonales et municipales des 9 et 16 mars dernier n'a pas empêché une abstention record.
Aussi paradoxal que cela soit, le rapport conclut qu'une telle « corrélation ne révèle pas forcément un rapport de causalité ». Autrement dit, il se contredit lui même et nul ne sait si la concomitance d'élections a une influence, bonne ou mauvaise, sur la participation.
Deuxième argument avancé par le rapport : la nécessité d'une déconnection entre les enjeux locaux et nationaux. Selon le rapporteur, la proximité dans le temps de scrutins locaux et nationaux serait « susceptible de favoriser l'abstention électorale » et de « brouiller les enjeux respectifs de chaque élection ». Mais est-ce réellement la proximité dans le temps qui est responsable de cette confusion ? N'est-ce pas plutôt un choix délibéré du pouvoir politique ? Cette année, nous ne connaîtrons pas d'autre rendez-vous électoral que les régionales. Cela n'a pas empêché le Président de la République de s'immiscer dans la campagne électorale. La feuille de route qu'il a adressée aux cadres de l'UMP réunis en conseil national à Aubervilliers ne laisse aucun doute : il faut faire tomber les régions tenues par la gauche qui sont considérées comme autant de contre-pouvoirs à l'action de l'exécutif.
D'ailleurs, tous les responsables de l'UMP ont proclamé que les régionales revêtiront une dimension nationale et constitueront donc un test pour l'Élysée. Rien de surprenant alors qu'en cette période pré-électorale, le pouvoir nous ressorte ses épouvantails électoraux : insécurité, identité nationale, immigration, autant d'arguments démagogiques et confus utiles pour contourner les vrais enjeux et autant d'appels du pied à un électorat d'extrême-droite dont les voix seront précieuses. En revanche, quid des questions de fiscalité, d'emploi, d'éducation, d'urbanisme, de démocratie, de culture, bref, des réels enjeux locaux ? Les arguments selon lesquels ce texte aiderait à faire progresser la démocratie locale sont donc irrecevables.
Contrairement aux affirmations du rapporteur, l'unique objet de ce projet de loi est de faciliter la création des conseillers territoriaux. L'exposé des motifs et la procédure accélérée l'attestent largement. Or, il est scandaleux de vouloir nous faire entériner les conséquences d'une réforme avant même d'en avoir débattu. Lorsque nous débattrons des conseillers territoriaux, on nous dira que le Parlement a déjà validé le principe en modifiant la durée des mandats des conseillers généraux et régionaux ! Le stratagème est quelque peu grossier, mais peut-être est-ce là la seule façon trouvée par le Gouvernement pour faire passer en force une réforme que refuse sa majorité.
En effet, la création des conseillers territoriaux est contestée, tous bords et institutions confondus. Ainsi, dans une note confidentielle du 15 octobre, le Conseil d'État a mis en garde le Gouvernement contre deux dispositions du projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux. Le scrutin envisagé serait susceptible de porter atteinte à « la légalité comme à la sincérité du suffrage » à cause des « modalités complexes de la combinaison opérée » entre scrutins majoritaire et proportionnel. Il précise même que « le mode de scrutin retenu n'apparaît pas de nature à garantir, ni au conseil général ni au conseil régional, l'établissement d'une majorité stable, propre à assurer le bon fonctionnement de ces collectivités territoriales ». Enfin, il estime que ce mode de scrutin « peut, en outre, permettre qu'une liste ayant recueilli au niveau régional moins de voix qu'une autre puisse néanmoins obtenir plus de sièges qu'elle ». M. Sueur en a parlé tout à l'heure. Certes, il ne s'agit que d'un avis, mais le Conseil d'État est loin d'être le seul à nous alerter. Ainsi, de nombreuses femmes politiques, toutes tendances confondues, voient dans la création des conseillers territoriaux un recul pour la parité du fait du mode de scrutin retenu. Dans un communiqué commun, les présidentes des délégations aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental ont rappelé que « dans le cadre des scrutins uninominaux, non soumis à des mesures paritaires contraignantes, les femmes sont toujours sacrifiées par les partis politiques », ou du moins par certains. Avec ce nouveau mode de scrutin, 80 % des conseillers territoriaux seront élus au scrutin majoritaire à un tour, dans lequel la parité est très peu efficace puisqu'on élit une seule personne. Seuls 20 % des conseillers territoriaux seraient élus à la proportionnelle où la parité est obligatoire. Les chiffres parlent d'eux mêmes : dans les conseils généraux où ce scrutin a été mis en place en 2008, seuls 12,3 % de femmes ont été élues, alors que le scrutin de liste à la proportionnelle avait permis, en 2004, l'élection de 47,6 % de conseillères régionales. Pour ces raisons, l'Observatoire de la parité a alerté le 1er avril le Président de la République et le Premier ministre sur le « nécessaire respect de la parité dans l'élaboration de la réforme des collectivités territoriales ». L'Observatoire en « appelle solennellement à la vigilance sur les risques d'une régression en matière de parité entre les femmes et les hommes, induits par la généralisation du mode de scrutin uninominal ». Selon ses propres calculs, la proportion de conseillères passera de 23 % aujourd'hui à 19,6 % : le recul est donc incontestable. M. Marleix, qui n'est d'ailleurs pas là, ne le conteste d'ailleurs pas, mais il affirme avec un certain aplomb que cette inégalité serait compensée par le renforcement de la présence des femmes au niveau local avec l'abaissement du seuil de la parité aux communes de 500 habitants. Selon lui, les femmes devraient mécaniquement faire une entrée massive dans les conseils de communauté de communes.
M. Pierre Hérisson. - C'est vrai ! Il y en aura 70 000 de plus !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Nous ne sommes pas convaincus, car les intercommunalités ne sont soumises à aucune contrainte paritaire. Mais surtout, quel mépris, et vous venez encore de le prouver, monsieur Hérisson !
M. Pierre Hérisson. - Mais non ! C'est tout le contraire !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Quel mépris vis-à-vis des femmes et des assemblées parlementaires ! La présence des femmes ne serait donc légitime que dans les plus petits conseils municipaux et elles ne seraient pas à leur place dans les conseils régionaux ? N'ont-elles pas les aptitudes intellectuelles, politiques, techniques nécessaires ? La misogynie n'est pas un des moindres défauts de ce texte. Le Gouvernement s'est dit ouvert à un débat sur cette question mais il essaye de faire passer sa réforme en pièces détachées, espérant la diluer au gré de l'actualité politique.
Il est impossible d'en débattre avant d'avoir résolu la question de la parité et de la réforme des collectivités. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Force est de constater que la concomitance a des effets bénéfiques sur la participation. Le taux d'abstention, qui était supérieur à 50 % en 1988 a chuté fortement en 1992, suite à la loi de 1990, présentée par un gouvernement de gauche : elle est revenue à 29,08 % au premier tour avant de remonter à 40 %. Si la corrélation n'est pas bien établie...
M. Pierre-Yves Collombat. - Ça ne se calcule pas comme ça...
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - La nécessité de distinguer les enjeux nationaux et locaux a été rappelée par le président Hyest à propos de la loi de 2005 : la confusion provoquée par une trop grande proximité des scrutins nationaux et locaux est susceptible de favoriser l'abstention et de brouiller les enjeux de chaque élection. Le Conseil constitutionnel a appelé le législateur à modifier le calendrier pour éviter la concentration des scrutins. Je l'appuie de tout mon poids.
Je suis prêt à débattre du mode de scrutin, mais pas dans ce texte-là. On ne parle pas ici des conseillers territoriaux. Je suis disposé à débattre de leur régime électoral quand la loi arrivera.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - C'est du bricolage.
Mme Odette Terrade. - On vous le rappellera.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - J'y compte bien : c'est l'un des avantages de la parité. La commission donne un avis très défavorable à la motion.
M. Michel Mercier, ministre. - Je rejoins les propos du rapporteur. Ce texte a le même fondement que la loi votée en décembre 1988 sous les auspices de MM. Rocard et Joxe : lutter contre l'abstentionnisme et garantir une meilleure participation en institutionnalisant l'organisation simultanée des élections. (M. Claude Haut proteste) J'ai répondu à Mme Dini sur la parité que le Gouvernement travaillera avec l'ensemble des forces politiques pour régler de manière satisfaisante cette question.
M. Jean-Pierre Sueur. - Comment ?
M. Michel Mercier, ministre. - On ne donne pas les conclusions d'un travail avant de l'avoir commencé, monsieur Sueur, et je suis sûr que vous êtes fidèle à cette règle. J'appelle au rejet de la motion. (Applaudissements à droite)
M. Pierre-Yves Collombat. - On ne vote pas non plus des brouillons de texte, mais des projets. « On va voir », nous dites-vous, « on va faire notre possible ». C'est de la modernisation.... Cependant, la moindre des choses est de s'engager sur des choix. Il y en a que tout le monde peut accepter, ainsi du renouvellement simultané des conseils généraux, mais non du couplage avec les conseils régionaux qui ne vise qu'à mettre en place le conseiller territorial alors qu'on ne sait pas comment il sera élu. Si la foi est une vertu théologale, nous en manquons. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François-Noël Buffet. - Le groupe UMP votera contre la motion pour les raisons expliquées par le rapporteur. Toutes les associations d'élus locuax ont demandé la concomitance. (Protestations à gauche)
M. Pierre-Yves Collombat. - Pas avec les conseils régionaux.
M. François-Noël Buffet. - On ne peut pas tenter de justifier par tout moyen des positions d'opportunité. (Applaudissements sur les bancs UMP)
A la demande du groupe UMP, la motion n°2 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 151 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Renvoi en commission
M. le président. - Motion n°3, présentée par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (n°132, 2009-2010) (Procédure accélérée).
M. Alain Anziani. - Depuis le début de l'après-midi, nous procédons à une interprétation de texte forcenée. Pour les uns, il faudrait s'en tenir à la lettre de ces deux petits articles sans grande conséquence. Pour les autres, dont je suis, il faut considérer l'esprit de cette loi, qui est d'organiser un grand chambardement territorial en 2014. Permettez au Girondin que je suis de se référer à Montesquieu, pour qui une loi est toujours le reflet d'autre chose, d'une vision, d'une volonté, d'un projet.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Une libre interprétation...
M. Alain Anziani. - Il suffit de se demander quelle est votre vision, quel est votre projet, quelle est votre volonté pour constater qu'il s'agit de faire place nette au conseiller territorial. C'est l'un des cinq motifs de renvoi en commission. On pourrait en terminer avec un débat sans grand intérêt : assumez votre réforme car, qui peut le nier ?, nous ne serions pas là ce soir à débattre ce texte si de hauts responsables politiques de ce pays ne l'avaient pas voulue.
Le conseiller territorial est partout dans les douze lignes du projet de loi ; il apparaît dès le premier paragraphe de l'exposé des motifs, et tout au long de l'étude d'impact ; il explique à lui seul le choix de la procédure accélérée. Le Gouvernement, qui s'était engagé à ne pas recourir à cette procédure, invoque aujourd'hui l'urgence électorale, en contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel...
Nous ne vous reprochons pas de réduire la durée des mandats, ce qui s'est déjà fait à neuf reprises sous la Ve République. Mais le Conseil constitutionnel demande que toute loi de concomitance précise les modalités matérielles du scrutin, afin d'éviter toute confusion dans l'esprit des électeurs. Ce que votre texte ne fait pas.
Deuxième motif de renvoi : pourquoi cette réforme ? Le comité Balladur la jugeait nécessaire car il y aurait, à son avis, trop de collectivités territoriales, qui coûteraient trop cher. MM. Hortefeux et Marleix vantent souvent les travaux du Sénat. Or que dit le rapport Belot ? Qu'il y a trop de collectivités ? Non. Qu'elles coûtent trop cher ? Non.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Qu'il faut la concomitance ? Oui.
M. Alain Anziani. - Quel est le vrai motif de ce projet de loi ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - La concomitance !
M. Alain Anziani. - Cessez de dire que ce texte se suffit à lui-même ! Votre véritable dessein apparaîtra bientôt. Ce qui se profile, ce n'est pas un nouvel acte de la décentralisation, ni une clarification des missions de l'État, pas plus une lisibilité accrue pour les électeurs : ce qui se profile, c'est la confusion institutionnelle. Venez donc en commission nous expliquer votre vision de la décentralisation !
Troisième motif de renvoi : le mode de scrutin. Vous affirmez que le Conseil d'État, dans son avis du 15 octobre, n'a pas disjoint la partie du texte relative au mode de scrutin du conseiller territorial, mais a entériné cette innovation. Si vous voulez nous en convaincre, rien de plus simple : publiez donc l'avis du Conseil d'État du 15 octobre ! S'il dit que ce mode de scrutin ne porte pas atteinte à sa sincérité, nous nous inclinerons ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) Reste que le mode de scrutin est en rupture avec la tradition républicaine française. Un conseiller pourrait être élu avec moins de 30 % des voix.
M. Daniel Raoul. - On solde !
M. Alain Anziani. - Vous inventez le candidat élu avec moins de 30 % ou 25 % des voix, voire l'élu sans voix, pour lequel personne n'a voté ! (Exclamations sur les bancs socialistes) Avec la proportionnelle, vous inventez l'élu des perdants, qui n'aura pas à remercier ses électeurs mais ses collègues battus ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Vous critiquez la proportionnelle !
M. Alain Anziani. - Votre mode de scrutin porte atteinte au pluralisme politique : les petits partis seront laminés ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'en désole) Vous nous dirigez vers le bipartisme.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Voilà que les socialistes défendent les petits partis !
M. Alain Anziani. - Autre motif de renvoi : la parité. Deux phrases seulement dans l'étude d'impact, rien sur sa remise en cause. Vous nous proposez une bien mauvaise cuisine : au motif que le nombre de conseillers généraux et municipaux va augmenter, on pourrait réduire la parité ! Telle n'est pas notre vision. Pour nous, la parité est une obligation, non un marchandage. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Cinquième motif de renvoi : l'absence d'étude d'impact suffisamment précise. Le nouvel article L 190-2 mentionne un tableau 7 annexé...
M. Michel Boutant. - Où est-il ?
M. Alain Anziani. - Sans doute est-ce un secret d'État ? Reste pour nous consoler l'article 14, qui promet que ce tableau fera l'objet d'une ordonnance, un an après la promulgation de la loi... Des diverses interventions du ministre, nous avons glané, un jour, qu'il faudrait 15 000 habitants par canton, un autre, qu'il y aurait trois cantons par circonscription, un autre encore, quinze élus par département... Bref, nous sommes dans la plus totale confusion !
Vous dites vouloir diviser par deux le nombre d'élus. Or vous allez l'augmenter au point que les conseils régionaux devront s'agrandir pour les accueillir ! On annonce une commission ad hoc pour nous rassurer. Autant dire : ce que vous n'avez pas aimé pour le redécoupage des circonscriptions législatives, vous le détesterez pour le redécoupage des cantons ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Le vrai motif de la réforme est simple : affaiblir les collectivités territoriales et renforcer le pouvoir gouvernemental. Vous voulez une étude d'impact ? Il suffit d'appliquer le nouveau mode de scrutin aux dernières cantonales : 10 % des cantons gagnés par la gauche reviendraient aujourd'hui à la droite ! De ces cinq motifs, un seul suffit à renvoyer le texte en commission. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - M. Anziani aura satisfaction avec le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, dont je serai rapporteur, et que nous examinerons le moment venu. (Applaudissements sur les bancs UMP). Le présent texte traite de la concomitance : il comporte deux articles, pas bien compliqués, et n'a pas soulevé de problème lors de son examen en commission. Je demande donc au Sénat de repousser cette motion.
M. Michel Mercier, ministre. - L'exposé de M. Anziani était habile et intéressant. Toutefois, après le rapporteur, je rappelle que le Gouvernement a déposé simultanément trois textes sur le bureau du Sénat afin de donner au Parlement une vision globale de la réforme. (Marques d'ironie à gauche) C'est un progrès, quand M. Rocard, dans l'exposé des motifs de la loi de 1990, précisait seulement que le Gouvernement déposerait en temps utile des textes fixant les procédures de vote et la concomitance des élections... (On sourit à droite) Enfin, le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur de larges pouvoirs pour fixer les conditions de l'élection des assemblées locales et considère que son pouvoir d'appréciation en la matière est limité. J'invite donc le Sénat à rejeter la motion n°3. (Applaudissements à droite)
M. le président. - Aux termes de notre Règlement, aucune explication de vote n'est admise sur la motion.
Je suis saisi par le groupe UMP d'une demande de scrutin public sur la motion n°3. (Exclamations ironiques à gauche)
M. Thierry Repentin. - Collègues de la majorité, ne vous trompez pas !
M. le président. - Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable
M. Robert del Picchia. - Attention ! Il ne faut pas voter avant l'ouverture du scrutin !
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l'adoption | 150 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion des articles
Articles additionnels avant l'article premier
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le code électoral, les mots : « conseiller général » sont remplacés par les mots : « conseiller départemental » et les mots : « conseillers généraux » par les mots : « conseillers départementaux ».
II. - En conséquence, dans l'intitulé du présent projet de loi, remplacer le mot :
généraux
par le mot :
départementaux
M. Jean-Claude Peyronnet. - Les amendements portant articles additionnels avant l'article premier que nous avons déposés, qu'ils visent le principe de parité, l'adoption du mode de scrutin à deux tours ou soient de moindre importance, visent tous à consolider les principes républicains. Le n°5 tend à modifier l'appellation des conseils généraux pour mieux les associer, dans l'esprit des Français, au département, périmètre qui a démontré toute son efficacité depuis la Révolution jusqu'à sa consécration en 1982.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Cette demande est ancienne...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - De toute façon, les départements vont disparaître !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Elle a un lien ténu avec ce texte, sans compter que la commission s'est déjà opposée à un amendement semblable déposé au projet de loi portant réforme des collectivités territoriales. Rejet.
M. Michel Mercier, ministre. - Même avis : effectivement, cette demande ancienne n'a jamais été satisfaite...
Voix sur les bancs socialistes. - Et alors ?
M. le président. - Je suis saisi par le groupe UMP d'une demande de scrutin public (réclamations à gauche) sur l'amendement n°5 dont commission et Gouvernement ont demandé le rejet.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - La droite fait de l'obstruction ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve)
M. Thierry Repentin. - Cela devient ridicule !
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l'adoption | 149 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Pierre-Yves Collombat. - Monsieur le président, je me suis trompé ! (Rires à gauche)
M. Daniel Raoul. - Rappel au Règlement ! Nous avons procédé aujourd'hui à plus de scrutins publics que lors d'aucune autre de séance de cette session, et en quelques mois nous avons battu tous les records. Messieurs de la majorité...
Mme Catherine Troendle et plusieurs autres sénatrices de l'UMP. - Et les dames ?
M. Daniel Raoul. - Mesdames et messieurs, il est urgent de modifier nos règles de vote. La majorité a d'ailleurs bien pris soin de ne pas les faire figurer en toutes lettres dans le Règlement, car nous nous serions alors exposés à la censure du Conseil constitutionnel...
Après le débat sur La Poste qui nous a occupés nuit et jour et même le week-end, après les longues discussions de ces dernières semaines, la Conférence des Présidents ou le Bureau du Sénat devrait décider de limiter le nombre de scrutins publics sur un même texte.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Ou peut-être le temps de parole global...
M. Daniel Raoul. - Si cette réforme vous tient tant à coeur, assumez-la et mobilisez vos troupes !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Nous l'assumons parfaitement !
M. Robert del Picchia. - Nous sommes actuellement majoritaires dans l'hémicycle.
Voix à gauche. - Depuis quelques instants seulement !
M. Robert del Picchia. - Si nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement important, c'est parce que nous voulons que tout le monde participe au vote et voie son choix publié au Journal officiel. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Charles Gautier. - Surtout les fauteuils vides !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Chaque fois que vous demandez un scrutin public, vous changez d'argument !
Mme Évelyne Didier. - Une question à vous poser : ceux qui ont mal voté seront-ils punis ? (Rires à gauche)
M. François-Noël Buffet. - Une réponse à vous donner : nous avons le sens du pardon. (Rires à droite)
M. le président. - Amendement n°23, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le mode de représentation proportionnelle garantit le pluralisme et la parité dans les assemblées élues.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - La parité et le pluralisme, garantis par la Constitution, peinent à entrer dans les faits. En préparant l'institution de conseillers territoriaux élus au scrutin uninominal à un tour, ce projet de loi annonce un grave recul en la matière. L'introduction d'une dose de proportionnelle, censée corriger cet effet pervers, ne suffira pas.
Il est urgent que nos concitoyens se sentent enfin représentés au sein des institutions et que le peuple soit reconnu dans sa diversité : les femmes ne doivent plus être majoritairement écartées de certaines assemblées élues, et le bipartisme doit être combattu. Or seul le mode de scrutin proportionnel permet d'assurer une juste représentation du corps électoral et l'égalité des suffrages. Nous défendons donc son instauration à toutes les élections, avec les adaptations nécessaires.
Agiter la menace de l'entrée de l'extrême-droite dans les conseils est illégitime : c'est laisser croire que le peuple est incapable de faire des choix conformes à ses intérêts. Ce n'est pas le pluralisme qui provoque des crises, mais l'inadéquation d'un système politique qui ne fait place qu'aux élites. Ce sont les promesses non tenues, les politiques hasardeuses qui font entrer dans les esprits et les assemblées les idées de l'extrême-droite.
Les arguments fondés sur le caractère ingouvernable des chambres élues à la proportionnelle sont également irrecevables : les conseils municipaux et régionaux ont fait la preuve du contraire. La démocratie n'est pas incompatible avec l'efficacité des politiques publiques : elle en est le socle.
La déformation systématique de la représentation populaire ne vise-t-elle pas en réalité à maintenir tous les rouages politiques sous le contrôle du pouvoir ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Cet amendement est dépourvu de normativité et sans lien avec le projet de loi. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, ministre - Même avis.
L'amendement n°23 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 337 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La composition des conseil régionaux respecte les principes de la parité. »
Mme Nicole Bonnefoy. - Cet amendement est symboliquement très important. La révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 a permis d'inscrire dans le texte fondamental que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». La loi du 6 juin 2000 a prévu un système d'incitations et de contraintes afin d'accroître la proportion de candidatures féminines aux élections. Nous, socialistes, avons oeuvré pour améliorer la représentation des femmes en politique.
A l'époque déjà, c'est au Sénat que les plus fortes réticences s'étaient fait entendre : on pouvait lire dans le rapport de Guy Cabanel que « l'obligation de composition alternée des listes [risquait] de conduire à imposer l'égal accès plus qu'à le favoriser ». Il n'est pas étonnant que les mêmes réserves s'expriment aujourd'hui...
La loi du 31 janvier 2007 a imposé la parité au sein des exécutifs régionaux et municipaux et pour l'élection de l'Assemblée des Français de l'étranger.
Si les scrutins de liste se prêtent aisément à la promotion de la parité, elle est plus difficile à faire respecter lors des scrutins uninominaux. Ainsi les conseils régionaux et les conseils des villes de plus de 3 500 habitants sont aujourd'hui les seuls où la parité soit stricte grâce au scrutin de liste. Hélas, il n'en sera plus de même si la réforme est adoptée. Les conseillers territoriaux, issus pour 80 % d'entre eux des cantons, ne seront pas astreints à des règles de représentativité paritaire à l'exception du choix du suppléant.
Nous souhaitons prévenir ce retour en arrière, car les inégalités persistent et ne se réduisent que très lentement. Il faut aller au-delà de l'égalité de principe et réaliser l'égalité de fait. Un tel recul ne serait-il pas anticonstitutionnel ? Le Gouvernement a affirmé par voie de presse que sa réforme allait faire progresser la parité dans les assemblées locales, grâce notamment à l'abaissement du seuil de population au-delà duquel les listes présentées aux élections municipales, comprenant obligatoirement une moitié de femmes, sont bloquées : 40 000 nouvelles conseillères municipales seraient ainsi élues. Est-ce à dire que les femmes ne sont compétentes que pour les tâches communales, tandis que les hommes s'occuperaient des affaires de plus grande importance ?
M. Charles Revet. - Ce n'est pas gentil ! Nous donnons chaque jour la preuve du contraire !
Mme Nicole Bonnefoy. - La parité est un acquis fondamental de notre République. Pour être certains que vous n'en dénaturerez pas les principes, nous soumettons cet amendement à votre sagesse. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Cet amendement dénué de portée normative est redondant par rapport au droit en vigueur, qui prévoit que les conseillers régionaux sont élus sur des listes où alternent des candidats des deux sexes. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, ministre. - Même avis : cet amendement n'a aucun lien avec le projet de loi et n'est pas normatif.
Mme Bariza Khiari. - Le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux prévoit l'élection de 80 % d'entre eux au scrutin uninominal majoritaire à un tour, les 20 % restants étant élus sur des listes départementales. C'est une régression manifeste pour la démocratie comme pour la parité, car le scrutin uninominal n'est pas soumis à des mesures paritaires contraignantes. Les conseillers généraux élus en 2008 sont pour 87 % d'entre eux des hommes. En revanche le scrutin de liste avait permis en 2004 l'élection de 47 % de conseillères régionales. Selon les projections établies en fonction des précédentes élections, il n'y aurait donc en 2014 que 19 % de femmes parmi les conseillers territoriaux. Ce projet de loi est donc contraire à l'article 1 de notre Constitution qui prévoit que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
Proposé par le Conseil de l'Europe dès 1989, le concept de parité s'est peu à peu imposé dans les années 1990 grâce au combat inlassable des féministes européennes. En 1996, dix femmes anciennes ministres de droite et de gauche interpellaient les responsables politiques français et formulaient des propositions pour réduire l'écart qui sépare les deux sexes dans la sphère politique. Dans les conseils municipaux et régionaux ainsi qu'au Parlement européen, c'est-à-dire partout où le mode de scrutin le permet, les femmes sont désormais représentées à plus de 47 %. Depuis la loi du 31 janvier 2007, la parité est devenue obligatoire au sein des exécutifs régionaux.
Cette dernière règle a une conséquence paradoxale : selon nos projections, toutes les femmes élues conseillères territoriales seront assurées d'être élues vice-présidentes des conseils régionaux. Y avez-vous réfléchi ? Pensez-vous qu'il soit raisonnable de désigner ainsi à l'avance les exécutifs et de faire en sorte qu'une femme qui n'aurait reçu aucune voix puisse devenir vice-présidente du conseil régional ? Ce système n'est pas tenable.
Notre amendement a pour objet d'inscrire dans la loi que le conseil régional est composé d'un nombre égal d'hommes et de femmes. Nous ne nous faisons pas d'illusions : vous ne le voterez pas, parce qu'il mettrait à bas votre bel édifice. Mais nous souhaitions mettre en évidence votre hostilité à la parité et les failles de votre proposition.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de deux semaines suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement qui présente les effectifs prévisionnels des conseils généraux dans chaque département.
M. Pierre-Yves Collombat. - Avant de m'accuser d'être hors sujet, acceptez que je vous lise le premier paragraphe de l'exposé des motifs du présent projet de loi : « Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévoit qu'à l'avenir, les conseillers généraux et les conseillers régionaux formeront un ensemble unique d'élus, les conseillers territoriaux, siégeant à la fois au conseil général de leur département d'élection et au conseil régional de la région à laquelle appartient celui-ci. »
Il s'agit bien des conseillers territoriaux. C'est pourquoi il nous paraît logique que nous sachions au moins combien il y aura de conseillers territoriaux par département.
M. Bruno Sido. - Ça n'a rien à voir !
M. Pierre-Yves Collombat. - Comme visiblement, le ministère a quelques problèmes pour faire ses calculs, nous lui laissons un peu de temps.
C'est un amendement de bons sens. (Exclamations à droite)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Cet amendement entre en conflit avec le projet de loi n°61 dont l'article 14 habilite le Gouvernement à redécouper les cantons. C'est seulement à ce moment que cet amendement pourrait être déposé. Le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui n'a pas d'effet sur le nombre de conseils généraux. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, ministre. - Cet amendement est sans rapport avec ce projet de loi. La question qu'il pose pourra être évoquée à l'occasion du projet de loi sur les conseillers territoriaux.
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est fascinant : nous pouvons dire tout ce que nous voulons, le ministre se contente de lire sa fiche. Je lis l'exposé des motifs de ce projet de loi et vous me répondez que c'est hors sujet ! A ce compte, autant aller se coucher ! (Applaudissements à droite) Je le dis sur le mode de la plaisanterie mais c'est pitoyable.
M. Charles Revet. - C'est votre démarche qui est pitoyable !
M. Pierre-Yves Collombat. - Le Gouvernement pourrait au moins essayer de nous répondre, même si ce n'est pas facile. Nous ne vous parlons pas ici du redécoupage des cantons -nous faisons confiance aux ciseaux de M. Marleix (applaudissements à droite)- mais vous pourriez au moins donner une idée du nombre de conseillers généraux par département.
M. Jean-Pierre Sueur. - (On feint l'enthousiasme à droite) C'est un théâtre d'ombres. On ne veut pas nous dire la vérité et ce ne sont pas vos interruptions goguenardes qui y changeront grand-chose.
A propos de l'amendement n°6, le ministre nous dit vouloir mettre en oeuvre la parité. Pourquoi alors refuser notre amendement ? S'il le refuse, nous devons considérer que ce n'était de sa part qu'une parole qui n'engageait à rien.
Avec cet amendement n°7, c'est encore plus grave. Dans nos départements, à chaque réunion, on nous demande combien il y aura de conseillers généraux dans le département. (Dénégations à droite)
M. Robert del Picchia. - Moi, on ne me le demande pas !
M. Jean-Pierre Sueur. - Or, à lire ce projet de loi -c'est le sujet, puisqu'il s'agit de la loi qui ouvre un processus-, on ne peut pas le savoir.
M. Bruno Sido. - Et après ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous nous dites que ce n'est pas le problème. J'en déduis que la majorité sénatoriale considère que la question du nombre d'élus départementaux et régionaux n'intéresse personne. Outre qu'il nous dissimule la vérité, le ministre veut dissimuler que, ce texte étant ce qu'il est, il serait inapplicable. Ou bien le nombre de conseillers généraux sera très faible, s'il est divisé par trois ou quatre ; ou bien il sera pléthorique. Cela n'a pas le même sens !
Qu'on soit de droite ou de gauche, il nous paraît important que l'on sache ce que compte faire le Gouvernement.
M. Bruno Sido. - Nous, on s'en moque !
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous n'avons pas la même conception du rôle du Parlement.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Cette loi se veut simple.
M. René Garrec. - Elle l'est.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Elle est tellement simple qu'elle en devient simpliste, voire caricaturale.
Le Président de la République a mis la réforme territoriale au coeur de ses préoccupations et il serait anormal que les Français ne puissent pas connaître le début du commencement de ce qui va se passer ! Vous jouez avec nous à la pelote basque : quelque question que nous vous posions, vous nous la renvoyez comme le fronton renvoie la balle !
Avec votre refus obstiné de nous faire connaître ce que vous avez décidé, vous créez deux catégories de parlementaires : ceux qui ont les informations et ceux que l'on méprise. La teneur de nos débats et le rôle du Sénat n'en sortiront pas grandis ! (Applaudissements à gauche)
M. Gérard Cornu. - Quand M. Collombat corrige une dissertation de philosophie et que l'élève a fait un hors sujet, il lui met un zéro pointé !
Avec M. Sueur, c'est le bouquet. Il nous chante la parité mais dans sa région, la région Centre, son parti a écarté de sa liste de candidats une vice-présidente qui faisait bien son travail mais qui avait le tort d'être une femme ! Cela doit se savoir ! (On feint l'indignation à droite)
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet argument est nul.
M. Jacques Mézard. - Cet amendement est relatif à une demande d'information qui est justifiée. Ceux qui le disent hors sujet feraient bien de lire la page 16 de l'étude d'impact liée au projet de loi ! Le Gouvernement pourrait au moins donner un ordre d'idée sur les effectifs prévisionnels des conseils généraux. Cela n'aurait rien que de très normal.
M. Yves Krattinger. - Je ne suis pas de ceux qui mettent une note à leurs collègues.
La question nous est posée continuellement dans tous nos départements.
M. Bruno Sido. - Pas chez nous !
M. Yves Krattinger. - Vous savez bien que nous avons tous à y répondre.
Je suis allé devant les assemblées d'élus, avec d'autres membres du Sénat, de tous bords. Ce sont ces mêmes questions qui nous ont été posées. Va-t-on attendre des mois pour y répondre ? M. Collombat pose la question, je vais tenter de lui apporter quelques éléments de réponse.
M. Bruno Sido. - Un initié !
M. Yves Krattinger. - La région Midi-Pyrénées compte 91 conseillers régionaux et 293 conseiller généraux, pour huit départements, soit 384 élus. Si je m'en tiens à ce qui est dit dans le texte que nous avons tous sur nos tables, et à ce qui figure dans l'étude d'impact, il faut les diviser par deux.
Il y aura donc 192 conseillers régionaux, soit deux fois plus qu'aujourd'hui. C'est arithmétique. Que M. le ministre me dise si je me trompe...
Si l'on rapporte le nombre de conseillers généraux à celui qui découlera de la prise en compte du recensement de 2006, avec répartition à la proportionnelle, il est clair qu'un problème va se poser. En Haute-Garonne, on passera de 53 à 83 conseillers. On va donc expliquer aux habitants d'Aussonne, que l'on va supprimer un conseiller général sur deux mais qu'il y en aura deux fois plus...
Dans le Gers, de 31 conseillers, on passera, par le même calcul, à 12, sur dix cantons, les deux autres allant à la proportionnelle : mais laquelle ?
Nous avons vraiment besoin, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez, comme en ont besoin les citoyens. Que devrons-nous dire en Midi-Pyrénée ? Que l'assemblée régionale va être plus que doublée ? Que devrons-nous dire aux petits départements ? Qu'ils n'auront plus ou presque plus, de conseillers généraux ? M. Marleix nous dit qu'il y aura au moins quinze conseillers par département, devant les élus de la montagne, il dit qu'il y en aura vingt... Où en est-on, de grâce ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je soutiendrai cet amendement, comme vous feriez bien de le faire, messieurs de la majorité. M. Marleix, devant la commission des lois, nous a dit en effet qu'il envisageait au moins quinze conseillers par département. Cela fait grosso modo 1 500. Restent 1 500 à répartir à la proportionnelle. En fonction de la démographie, les proportions vont être aplaties : c'est la question que chaque département peut se poser, que chaque élu se pose, que la population se pose car les élus, messieurs, représentent bien, que je sache, la population... à moins que vous ne considériez qu'ils représentent des terres, ou des immeubles ?
M. Bruno Sido. - Des territoires !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ce texte préfigure l'élection des conseillers territoriaux, vous le dites vous-même, mais les textes à venir sont si confus que l'on ne sait à quoi on va aboutir. Je suis sûre que vous vous posez la même question. (Applaudissements sur plusieurs et sur les bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Leleux. - Ramenons un peu de logique dans le débat. Ce texte ne changera en rien le nombre d'élus. Dans le Doubs, il y aura toujours 91 conseillers régionaux et 296 conseillers généraux. Il n'y aura pas non plus de modification de la règle électorale. Puisque nous n'examinons aujourd'hui que la question de la durée des mandats. (Vives exclamations à gauche, où l'on accuse l'orateur de naïveté feinte)
Il faudra un autre texte pour débattre de la règle électorale et de la parité : ce n'est pas l'objet aujourd'hui. (Nouvelles exclamations à gauche)
Ce débat est un faux procès fait à notre groupe majoritaire, qui ne souhaite qu'une chose, c'est de traiter de la question électorale dans la loi concernée. Revenons à un peu de bonne foi ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs)
Je demande que l'opposition s'engage à ne pas redéposer sur ce futur texte les amendements qu'elle a déposés aujourd'hui (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)
M. Jean-Pierre Sueur. - Rappel au Règlement !
M. le président. - Sur quel article ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Sur l'organisation de nos travaux. Il n'est pas d'usage de mettre en cause dans cet hémicycle des personnes absentes et qui ne peuvent répondre. Suite aux déclarations de M. Cornu, j'entends donc rétablir la vérité.
M. Bruno Sido. - On s'en fiche !
M. Jean-Pierre Sueur. - Son problème semble bien être qu'ait été désignée et élue, sur la liste du Loir-et-Cher, une candidate, qui, si j'ai bien compris, n'a pas sa faveur. Rien ne vous empêche, monsieur Cornu, de vous inscrire : la prochaine fois, vous pourrez donner votre avis. (Rires et applaudissements à gauche)
M. Michel Mercier, ministre. - J'ai écouté calmement toutes les demandes des membres du Sénat, y compris celle de M. Leleux.
Le texte veut certes faciliter la création de conseillers territoriaux, mais il peut aussi servir dans d'autres hypothèses.
M. Yannick Bodin. - Ce n'est pas dit dans l'exposé des motifs !
M. Michel Mercier, ministre. - Il n'y a pas que l'écrit, surtout au Parlement ! Pour que l'on puisse travailler à la question du nombre de sièges, il faut lever deux questions préalables. D'abord, celle du découpage des circonscriptions législatives, en tenant compte des observations du Conseil constitutionnel. Il faut connaître, ensuite, les résultats du dernier recensement, (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) comme le veut la loi, pour calculer le nombre de sièges.
Le Gouvernement a toujours travaillé avec la commission des lois du Sénat et continuera de la faire. Toutes les précisions demandées seront fournies lors de la première réunion qu'elle voudra convoquer sur le texte électoral. Nous ne sommes, pour l'heure, que sur le texte de concomitance.
M. Yves Daudigny. - Il n'y a ici ni professeurs, ni élèves : nous sommes tous sénateurs de la République. (Rires sur les bancs de l'UMP)
Pourquoi ce dialogue de sourds ? Pourquoi qualifier des amendements qui vont dans le bon sens de hors sujet ? Ils ne sont hors sujet que parce que vous imposez de lire la réforme à l'envers, et de commencer par l'examen du dernier tome.
La logique voudrait que l'on commence par créer les conseillers territoriaux, puis que l'on réduise les mandats des conseillers généraux et régionaux. Avec ce travail à l'envers, vous confondez vitesse et précipitation, sans doute pour répondre à l'impatience du Président de la République. Cet amendement relève du bon sens, et de l'exigence d'information et de vérité des citoyens et des élus. (Applaudissements à gauche et sur les bancs RDSE)
M. Jean-Claude Peyronnet. - Il y a urgence, car dans un mois nous allons examiner un texte qui réforme les collectivités territoriales et crée les conseillers territoriaux. M. le ministre évoque les contraintes démographiques, mais il passe un peu vite sur la réduction de moitié du nombre des conseillers régionaux et généraux. Il sera difficile d'établir un lien de proportionnalité avec la population. On parle d'un conseiller pour 20 000 habitants, mais cela ne sera pas toujours possible. Pour pouvoir tourner, il faut disposer d'un nombre suffisant de conseillers. Dans certains départements, ils seraient six ou sept selon les simulations : ce n'est pas suffisant. Alain Marleix propose un plancher de quinze à vingt conseillers. Pour respecter la proportionnalité, il faudra alors augmenter le nombre de conseillers territoriaux dans les départements les plus peuplés.
M. Bruno Sido. - Non, vous faites erreur.
M. Jean-Claude Peyronnet. - Par exemple, entre les Alpes-de-Haute-Provence et les Bouches-du-Rhône, le rapport est de un à quatorze, voire quinze. Avec les autres départements de la région, cela fait une assemblée d'environ 400 personnes. Il faut donc également fixer un plafond, mais cela ira à l'encontre de la proportionnalité. Si le découpage des circonscriptions et la répartition des élus sont critiqués par le Conseil constitutionnel, le Gouvernement devra revoir sa copie. Ces multiples contraintes expliquent sans doute le retard dans la communication des effectifs prévisionnels. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Josette Durrieu. - Nous sommes au coeur du débat.
M. Bruno Sido. - Non, à cause de vous le débat n'a pas encore commencé.
Mme Josette Durrieu. - Parce que vous ne voulez pas qu'on en parle ce soir : cela vous dérange.
Nombreux sont ceux qui ont dénoncé la gesticulation, le synchronisme inversé. Je souhaite quant à moi parler de l'élu, de l'électeur et de l'assemblée locale. Pour le premier, on institutionnalise le cumul des mandats et on lamine la parité pour parvenir à l'élection d'un représentant UMP. Or une élection doit respecter trois conditions essentielles : lisibilité, égalité, sincérité. Pour ce qui est des listes à la proportionnelle, vous nous préparez une première, en Europe en tout cas : un candidat pourra être élu sans qu'aucun vote ne se soit porté sur son nom, en se fondant sur des voix qui ne lui appartiennent pas. Nous n'y aurions pas pensé, mais vous avez su inventer ce système, certainement en toute sincérité... Or traditionnellement, dans une démocratie, est élu celui qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages sur son nom ou sur la liste à laquelle il appartient.
Quant aux remplaçants des élus au scrutin uninominal, ils pourront remplacer ces derniers dans les organismes extérieurs. « L'un de ceux qui suivent » les élus à la proportionnelle pourra également effectuer ce type de remplacement. C'est non seulement original, mais dangereux. On voudrait, par respect pour l'électeur, rendre le système plus lisible et plus simple : comment alors lui faire comprendre que les votes des battus seront recyclés pour en élire d'autres ? Vous aurez du mal à justifier la légalité et la sincérité d'un tel scrutin.
Du fait d'une certaine perversité du mécanisme, certains élus de ces futures assemblées pourront utiliser les voix de candidats battus pour constituer une majorité... Il y aura également un problème de gouvernance car une seule élection sera organisée pour deux assemblées et deux fonctions -proximité et programmation. En outre, nous ne nous soucions pas beaucoup de la conformité avec la charte européenne de l'autonomie locale.
Voix sur les bancs UMP. - C'est terminé !
Mme Josette Durrieu. - Je termine... (« Ah ! » sur les bancs UMP) en évoquant les risques de disparités entre départements. Ainsi, dans la région Midi-Pyrénées, la Haute-Garonne aura une trentaine d'élus contre onze environ pour les Hautes-Pyrénées. Avec la surreprésentation, ce dernier département aura dix-huit conseillers. Certaines voix pèseront donc plus lourd. (Protestations sur les bancs UMP, qui couvrent la voix de l'oratrice)
Voix sur les bancs UMP. - Le temps est dépassé !
Mme Josette Durrieu. - Chers collègues, répondez donc à nos questions puisque vous semblez si sereins face à des projets de loi qui nous préoccupent fort. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; protestations sur les bancs UMP)
M. le président. - Vous voulez le chahut ?
M. Gérard Cornu. - Respectez le règlement.
M. le président. - J'ai l'habitude de faire respecter les temps de parole...
M. Gérard Cornu. - Deux minutes de plus !
M. le président. - Monsieur Cornu, si les interruptions n'avaient pas été continuelles, Mme Durrieux n'aurait pas dépassé son temps de parole. (Protestations sur les bancs UMP ; applaudissements à gauche)
M. Gérard Cornu. - Ce n'est pas tolérable.
M. le président. - Soyez correct.
M. Gérard Cornu. - Nous voulons une présidence équitable.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour toute élection locale ou nationale au suffrage universel direct, majoritaire ou proportionnel, un scrutin à deux tours est organisé.
M. Jean-Claude Peyronnet. - Monsieur Sido, vous remarquerez que sont évoquées toutes les élections françaises, à l'exception des sénatoriales et des européennes. Nous souhaitons qu'il soit inscrit dans la loi, et si possible dans la loi constitutionnelle, que le scrutin normal dans notre République comporte deux tours. Le Président de la République a inventé l'incongruité que constitue le scrutin à un tour, qu'il a pourtant dénoncé lui-même comme brutal et devant être pondéré.
Ici, la pondération n'est opérée que par une autre incongruité : les 20 % de proportionnelle qui devraient assurer la représentation des petites listes. Or, il a été démontré qu'elles n'en bénéficieront pas.
Le scrutin à deux tours fait partie de notre identité républicaine. Il s'agit d'une loi constitutionnelle non écrite puisque il en a été débattu à plusieurs reprises au cours de notre histoire. A chaque fois, il a été repoussé. Il faut donc que le scrutin à deux tours reste la règle.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - C'est admirable ! Même si cet amendement était adopté, il serait invalidé par le Conseil constitutionnel puisque le législateur ne peut se lier lui-même.
En outre, cet amendement prévoit des scrutins proportionnels à deux tours ! Je ne sais pas ce que c'est ! (Plusieurs voix sur les bancs socialistes : « Et les régionales ? ») Mais non ! Il s'agit d'un scrutin de liste avec prime majoritaire ! C'est comme pour les élections municipales ! Vous confondez scrutin de liste et scrutin proportionnel.
M. Bruno Sido. - C'est grave !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Le seul moment où il y a eu un scrutin à la proportionnelle, c'est en 1986, et il n'y a eu qu'un tour.
M. Michel Mercier, ministre. - N'oubliez pas 1919 !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Certes ! Les élections européennes ont également lieu à la proportionnelle et elles sont à un tour. Par définition, un scrutin proportionnel est à un tour ! Le scrutin de liste est à deux tours, avec éventuellement une prime majoritaire. C'est le cas pour les municipales et les régionales.
Votre amendement n'est donc pas conforme aux règles en matière de scrutin et vous le savez fort bien. (Applaudissements à droite)
M. Michel Mercier, ministre. - Même avis défavorable.
M. Alain Anziani. - Vous êtes pris en flagrant délit d'inexactitude, monsieur le président de la commission des lois. Vous nous dites que les élections régionales ne se déroulent pas à la proportionnelle.
Pour déterminer le nombre d'élus, il faut regarder la proportion de voix recueillie par chaque liste.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Non !
M. Alain Anziani. - Mais si ! Il s'agit d'une élection à la proportionnelle de liste. Avec un scrutin majoritaire, ceux qui arrivent en tête sont élus. A la proportionnelle, c'est en fonction du nombre de voix obtenues.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Les régionales se déroulent au scrutin majoritaire !
M. Jean-Pierre Sueur. - J'aimerai connaître l'avis du Gouvernement. Vous avez dit, monsieur le ministre, votre attachement au dialogue, ce qui ne m'étonne pas de votre part. Personne, à ce jour, ne nous a expliqué pourquoi il était opportun de mettre en oeuvre un scrutin à un tour. Aucune assemblée d'élus nationaux ou locaux n'a demandé un tel scrutin. Je voudrais que le Gouvernement nous explique pourquoi un candidat ayant obtenu 22 % des voix devrait être élu ? Quelle est la pertinence d'un tel scrutin ? Avec le scrutin à deux tours, on sait bien que c'est le candidat placé en tête qui rassemble la majorité des voix pour ensuite l'emporter. Pourquoi y renoncer pour mettre en oeuvre un scrutin qui permette à une minorité d'exercer le pouvoir ? On nous dit qu'il faut le faire. Je demande simplement que le Gouvernement veuille bien expliquer à la représentation nationale pourquoi il faut changer nos modes de scrutin.
M. Yves Krattinger. - Je n'ai pas totalement saisi l'analyse du président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Cela ne m'étonne pas !
M. Yves Krattinger. - Le scrutin régional actuel se déroule à la proportionnelle de liste avec prime majoritaire
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Mais non ! Ce n'est pas la proportionnelle !
M. Yves Krattinger. - Au premier tour, si une liste obtient 50 % des suffrages, elle bénéficie d'une prime majoritaire de 25 %. Ensuite, le restant des sièges est réparti à la proportionnelle au plus fort reste.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Reprenez vos cours de droit électoral !
M. Yves Krattinger. - Si aucune liste n'obtient 50 %, il y a un deuxième tour...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Parce qu'il s'agit d'un scrutin majoritaire !
M. Yves Krattinger. - La liste arrivée alors en tête bénéficie d'une prime de 25 % et le reste des sièges est réparti à la proportionnelle. Il s'agit donc bien d'un scrutin de liste à la proportionnelle avec prime majoritaire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Non !
M. Martial Bourquin. - On a longtemps dit que les régions étaient ingouvernables.
M. Bruno Sido. - Plus maintenant !
M. Martial Bourquin. - Pour régler ce problème, on a instauré une prime majoritaire. Il en a été de même pour les municipales et les communes peuvent désormais être gouvernées. Cette prime donne une stabilité à l'exécutif, tant au niveau municipal que régional. Pourquoi prévoir un changement aussi considérable tant dans l'organisation territoriale que pour le mode de scrutin ? Ne risque-t-on pas d'avoir, demain, des collectivités ingouvernables ? On pourrait même se trouver dans la situation ubuesque où un non-élu serait repêché pour présider la région. Que nous soyons à droite ou à gauche de l'échiquier politique, comment expliquerons-nous cette réforme à nos concitoyens ? Pourquoi bouleverser à ce point l'organisation territoriale ? M. le ministre a dit qu'il écouterait les propositions du Sénat. Mais nous disposons déjà du très bon rapport Belot et Krattinger. Nous l'avons tous voté. Pourquoi ne pas s'en inspirer pour rénover l'organisation territoriale, sans toucher à ce qui marche, notamment aux scrutins qui ont fait leur preuve ?
Nous ne sommes pas dans un débat politicien.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Allons donc !
M. Yves Krattinger. - Vous savez que 73 % des investissements publics sont réalisé par les collectivités. Si demain, on les empêche de fonctionner, les entreprises risquent de le payer très cher.
Si les collectivités deviennent ingouvernables, l'État n'aura qu'une solution : la recentralisation.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Vous êtes hors sujet !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Mais oui !
M. Martial Bourquin. - La recentralisation marquerait un recul considérable ! (Exclamations à droite) M. Longuet a dit tout à l'heure que nous allions travailler par morceaux : une vraie réforme territoriale doit aborder les problèmes dans leur globalité. Que veut-on faire des régions, des départements et des communes ? Une fois que l'on aura répondu à ces questions, il sera temps de traiter des élections et du mode de scrutin. Il est tout à fait intolérable de travailler par petits bouts, comme nous le faisons. Ayons une approche globale. (Applaudissements socialistes)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Je n'arriverai pas à convaincre ceux qui ne veulent pas l'être, mais je vais quand même reprendre ma démonstration. Pour les municipales, la liste qui, au premier tour, obtient plus de 50 % des voix est élue. Il s'agit donc d'un scrutin majoritaire.
C'est un scrutin majoritaire. La prime a été instituée pour les conseils municipaux puis pour les conseils régionaux pour dégager des majorités que la proportionnelle n'assure pas. Il n'y a pas besoin de deux tours pour la proportionnelle : c'est à un tour, il suffit d'ouvrir n'importe quel manuel de droit constitutionnel. (On le conteste à gauche)
M. Gérard César. - Et ce n'est pas le débat.
M. Yves Daudigny. - Si l'amendement est mal rédigé, on peut le rectifier. Son objet est, compte tenu de notre histoire, de notre vie politique et de nos structures, d'éviter le déni de démocratie que constituerait un scrutin uninominal à un tour. Réfléchissez aux résultats du canton de Fère en Tardenois : au premier tour est arrivé en tête avec 23-24 % des voix un candidat du Front national, en deuxième position, à quelques dixièmes, un divers gauche, et en troisième position, un candidat UMP, également à quelques dixièmes ; au second tour, le candidat UMP a été élu alors qu'avec votre système, ç'aurait été le candidat d'un parti extrême. Est-ce un progrès démocratique d'être élu avec moins de 25 % des voix ou est-ce un déni de démocratie ? (Applaudissements à gauche)
M. Michel Mercier, ministre. - Evacuons la première question, à laquelle M. Bourquin a fait écho. On a dit que les collectivités assurent 73 % de l'investissement public. Il faut dire aussi qu'elles le font avec 93,5 milliards que leur accorde l'État et c'est normal...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Soyez citoyen...
M. Michel Mercier, ministre - Ça n'empêche pas de s'écouter...
On peut dire beaucoup de chose sur le mode d'élection et nous l'avons tous fait. J'ai entendu ce qu'a dit le président du conseil général, M. Daudigny, mais je me rappelle des intentions dites et non dites de la loi de 1986 : il n'y a pas d'un côté des anges blancs et de l'autre des gens qui font n'importe quoi. Oui, la proportionnelle est un scrutin à un tour. On a un choix à faire et le Parlement le tranchera en toute clarté. Le mode majoritaire à deux tours favorise le bipartisme et tue le pluralisme ; une dose de proportionnelle dans un scrutin à un tour favorise dans la réalité le pluralisme politique. Le Gouvernement a choisi un scrutin majoritaire à un tour avec un peu de proportionnelle et le Parlement se prononcera quand il débattra de la loi électorale. Il ne s'agit aujourd'hui que de la concomitance.
M. Pierre-Yves Collombat. - Il y a ceux qui veulent voter en sachant où le texte va les conduire (« Ho ! » à droite) et ceux qui voteront sans savoir. Ce n'est pas moi qui ai écrit les paragraphes I et II de l'exposé des motifs. A ceux qui me parlent de logique, je demande où est celle du texte : on verra après et, si la création du conseiller territorial n'est pas votée, que direz-vous aux conseillers généraux qui n'auront été élus en 2011 que pour trois ans ? Il sera un peu bizarre de recommencer comme avant.
M. Mercier a évoqué l'investissement des collectivités territoriales. Les aides de l'État proviennent du FCTVA, c'est-à-dire d'impôts payés par les collectivités, de la DGF, dont nous savons d'où elle vient, ainsi que d'exonérations. Surtout, les collectivités en font un bon usage et l'on ne peut pas dire la même chose de l'État.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cas d'un scrutin uninominal à un tour, nul ne peut être élu s'il n'a pas recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés.
M. Jean-Claude Peyronnet. - La conséquence de cet amendement est évidente, il faudra un deuxième tour. Nous voulons dénoncer le caractère inique du scrutin à un tour qui permettra l'élection de conseillers territoriaux avec 20 à 25 % des voix. Des candidats de partis extrémistes seront élus.
M. Charles Revet. - Qu'avez-vous fait ?
M. Christian Cambon. - Mitterrand en 1986 !
M. Jean-Claude Peyronnet. - Ce n'est pas impossible dans certaines régions...
M. Charles Revet. - C'est pareil pour l'extrême gauche !
M. Jean-Claude Peyronnet. - Cet amendement exprime notre mécontentement d'un mauvais scrutin. L'exemple allemand que vous invoquez est faux car il y a deux votes en Allemagne, un local et l'autre national. Notre proposition clin d'oeil a la vertu de mettre l'accent sur l'inacceptable.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Même dans les scrutins à deux tours, on n'impose pas cette condition en cas de triangulaire. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, ministre. - Même avis.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cas d'un scrutin uninominal à un tour, nul ne peut être élu s'il n'a pas recueilli les suffrages d'au moins 25 % des inscrits.
M. Yannick Bodin. - Cet amendement est le prolongement du précédent. On peut s'interroger sur le pourcentage de participation et de voix à partir duquel on peut assurer une véritable légitimité. On sait quels sont les seuils dans le mode de scrutin qui existe depuis le début de la République.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Cet amendement n'a pas de lien avec le présent texte, qui ne concerne pas le mode de scrutin applicable à une quelconque catégorie d'élus et n'institue pas de scrutin uninominal à un tour. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, ministre. - Même avis.
M. Yannick Bodin. - Dans la première phrase de l'exposé des motifs, on lit : « Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévoit qu'à l'avenir, les conseillers généraux et les conseillers régionaux formeront un ensemble unique d'élus, les conseillers territoriaux ». Quel est ce nouvel animal politique ? Nous ne pouvons pas nous déterminer sur quelque sujet que ce soit, y compris le calendrier, sans savoir ce qu'est le conseiller territorial, quelles seront ses compétences, comment il sera élu, qui sera éligible, etc. Ces questions, nous continuerons à les poser ! Si le Gouvernement refuse d'éclairer notre assemblée, c'est peut-être que ce qu'il prépare n'est pas très honnête...
M. Christian Cambon. - Vous avez toujours été élu au scrutin de liste !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. Marleix nous dit que ce texte fait partie de l'ensemble de la réforme territoriale et qu'il est examiné en urgence pour des raisons de calendrier électoral. Il est donc légitime que nous souhaitions dès aujourd'hui être éclairés sur la suite !
Des ministres, des membres de la majorité, que nous avons toujours connu hostiles à la proportionnelle (M. le ministre s'en défend) et fervents avocats du scrutin uninominal à deux tours, défendent aujourd'hui le scrutin uninominal à un tour, qui est le plus injuste ! Lors de son audition, M. Balladur a rappelé, avec humour, que ce genre de manipulation pouvait se retourner contre ses auteurs... Tombée du ciel élyséen pour vous assurer le meilleur score aux élections locales, cette réforme risque de se retourner non seulement contre vous, mais surtout contre la démocratie...
Nous serons mieux à même de voter la réduction des mandats si nous sommes mieux éclairés. Méfions-nous des manipulations de scrutin...
M. Yves Krattinger. - Des 35 cantonales partielles de 2009, 21 ont été remportées par la gauche, quatorze par la droite. Une analyse du premier tour montrait un résultat inversé, avec la droite en tête dans 22 cas...
M. Bruno Sido. - Magouille ?
M. Yves Krattinger. - Ce serait oublier que dans ce cas de figure, les électeurs ignoraient qu'il n'y aurait qu'un seul tour ! Je mets en garde ceux qui seraient tentés de prendre les électeurs pour des sots : sachant qu'il n'y a qu'un tour, ils voteront en conséquence !
M. Bruno Sido. - Vous avez raison.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une consultation nationale des conseils généraux et des conseils régionaux sur la réduction de la durée du mandat de leur membre est organisée préalablement au vote de la présente loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous dites vouloir renforcer la démocratie locale. Dont acte. Vous invoquez la libre administration des collectivités territoriales. Dont acte. Vous affirmez que la réforme forme un tout. Nous proposons donc que les conseils généraux et régionaux élus soient consultés sur la réduction du mandat qu'elle entraîne.
M. le président. - Amendement n°22, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une consultation nationale des conseils généraux et des conseils régionaux sur la réduction de la durée du mandat de leur membre est organisée préalablement à la promulgation de la présente loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il est défendu.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Le législateur, seul compétent pour fixer le régime électoral des assemblées locales en vertu de l'article 34 de la Constitution, ne pourrait s'estimer lié par les résultats de cette consultation sous peine de commettre une « incompétence négative », censurée par le Conseil constitutionnel.
Les membres actuels des conseils généraux et des conseils régionaux ne sont pas concernés par cette mesure.
Enfin, cette consultation forcerait le législateur à repousser l'adoption de la loi après mars 2010, l'obligeant alors à réduire des mandats en cours, procédé dont la constitutionnalité est douteuse. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, ministre. - Cette réforme a été précédée d'un vaste mouvement de consultations et d'échanges. La conférence nationale des exécutifs locaux s'est réunie une première fois le 26 mars 2009, sous la présidence du Premier ministre, puis à nouveau le 15 octobre. M. Hortefeux, M. Marleix et moi-même avons participé à de nombreuses assemblées générales et réunions départementales d'associations d'élus.
Les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen ont tous été reçus individuellement au ministère de l'intérieur pour exprimer leur point de vue.
Le projet de réforme a été évoqué lors de questions d'actualité à l'Assemblée nationale et au Sénat. Les membres du Gouvernement ont été auditionnés lors de réunions élargies de votre commission des lois. Les membres de l'Assemblée de Corse ont également été appelés à donner leur avis. C'est au terme de cette vaste consultation que le Gouvernement a déposé ses projets de lois.
Le législateur est seul compétent pour fixer les règles relatives au régime électoral des assemblées locales. Au Parlement de prendre ses responsabilités. Défavorable aux deux amendements.
M. Jacques Mézard. - Cette « vaste consultation » n'a pas conclu à la nécessité de créer le conseiller territorial, ni de recourir au scrutin uninominal à un tour ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat se réjouit de ce rappel) Ce serait plutôt l'inverse !
Affirmer que la réforme aurait les mêmes motifs que l'instauration de la proportionnelle en 1986 me paraît pour le moins contestable...
M. Michel Mercier, ministre. - Je n'ai jamais dit ça ! J'ai seulement rappelé que les motifs qui ont inspiré le législateur de 1986 étaient connus de tous...
M. Jacques Mézard. - Me voilà rassuré car les motivations de la loi de 1986 n'étaient pas exemplaires !
Pour en revenir à la consultation, je note que vous n'avez tenu aucun cas de ses conclusions. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve)
M. Michel Mercier, ministre. - Soit, mais nous avons consulté !
M. Yves Krattinger. - La consultation n'a pas porté sur le fond. Les personnes que le Gouvernement a auditionnées avec M. Belot n'ont jamais proposé la création d'un élu unique pour le département et la région, ni le changement du mode de scrutin. Quant à la conférence des exécutifs, beaucoup de ceux qui y ont participé ont exprimé leur déception. Tout au plus ont-ils été informés des intentions du Gouvernement.
En bref, le Gouvernement construit avec sa majorité une réforme territoriale contre l'avis du plus grand nombre. J'y vois une marque de défiance envers les élus locaux qui ont été blessés par l'utilisation de termes tels que ceux de gabegie, d'irresponsabilité, d'élus trop nombreux quand il faudrait au contraire faire confiance à leur intelligence. Vous aimez renvoyer aux sondages, je vais vous en citer un : les Français font confiance à 76 % aux communes, 70 % aux conseils généraux, 69 % aux conseils régionaux et seulement 35 % à l'État et le résultat est encore plus mauvais pour l'Europe. Ce sondage reflète l'opinion de la population à quelques points près, vous devez entendre son message ! (« Très bien ! » sur les bancs socialistes)
L'amendement n°21 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°22.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales est accordé aux étrangers ressortissants de l'Union européenne résidant en France et aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant régulièrement en France depuis au moins cinq ans.
Mme Évelyne Didier. - D'après une récente étude, 64 des 192 États membres de l'ONU accordent le droit de vote aux étrangers. Il ne s'agit donc pas d'une utopie. Cette pratique ancienne pourrait se généraliser en ce début de XXIe siècle. Après l'Amérique du sud qui la met en oeuvre dans dix pays sur douze, vient ensuite l'Europe avec 29 pays sur 44 et l'Amérique du nord et du centre avec douze pays sur 23. Les modalités sont multiples : le droit de vote n'est accordé qu'à certaines catégories d'étrangers au nom, par exemple, d'anciens liens coloniaux -cas du Commonwealth. Le principe de réciprocité entre États est également une des modalités possibles de l'ouverture entre certains États de l'Union européenne et des pays africains. Toutefois, dans 36 pays, le droit de vote est ouvert à tous les étrangers résidents, sans restrictions. Enfin, 25 pays accordent le droit de vote à des étrangers dans des scrutins nationaux.
Dans ces conditions, refuser le droit de vote des étrangers, c'est définir de façon fermée la communauté politique, affirmer la souveraineté de l'État au détriment de celle du peuple. A notre sens, il est plus que temps d'avancer dans ce débat ! (M. Robert del Picchia maugrée)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Cette proposition n'a aucun lien avec le texte. (Vives protestations à gauche)
M. Charles Revet. - Tout à fait !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Défavorable.
M. Michel Mercier, ministre. - Même avis.
M. Robert del Picchia. - Si j'ai bien compris, l'amendement est un cavalier. Mais en temps que sénateur représentant les Français de l'étranger, j'estime indispensable de demander la réciprocité au pays d'accueil !
Mme Odette Terrade. - Vous n'avez pas écouté, Mme Didier en a parlé !
L'amendement n°24 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement dépose chaque année un rapport au Parlement retraçant le comparatif au sein des pays de l'Union européenne du droit de vote et d'éligibilité pour les élections aux conseils des collectivités territoriales des citoyens étrangers non-ressortissants de l'Union européenne majeurs des deux sexes régulièrement établis dans chacun des pays de l'Union européenne.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Depuis combien de temps se pose la question du droit de vote des étrangers aux élections locales ? Au moins dix ans ! La Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et certains cantons suisses octroient le droit de vote à tous les étrangers qui résident sur leur territoire depuis quelques années. L'Irlande quant à elle, ne subordonne pas le droit de vote des étrangers à une durée minimale de résidence depuis 1992. Outre la France, seules l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie limitent le droit de vote aux élections locales aux seuls ressortissants européens. Cela ne crée d'autre bouleversement qu'un élargissement de la démocratie. En ces temps troublés d'interrogation sur l'identité nationale, au lieu d'opposer les Français que vous appelez de souche aux autres, le droit de vote serait un facteur d'intégration des étrangers et de leurs familles à la communauté politique, la communauté des droits et des devoirs, la communauté fiscale, la communauté de travail. Le Sénat a refusé cette évolution, adoptée à l'Assemblée nationale ; revenez sur cette grave erreur. La question, contrairement à ce que vous dites, est liée au texte ; nous parlons bien des élections aux conseils généraux et régionaux que je sache !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Rejet pour les raisons invoquées à l'amendement précédent.
M. Michel Mercier, ministre. - De même.
L'amendement n°25 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°26, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente une étude d'impact sur les conséquences de la réforme des collectivités territoriales notamment en matière de parité, de pluralisme et de coût financier et social.
Mme Odette Terrade. - Nous avons besoin d'une étude d'impact détaillant les conséquences de l'instauration des conseillers territoriaux élus pour 80 % au scrutin majoritaire à un tour et 20 % à la proportionnelle, ce qui est défavorable au pluralisme et à la parité, ainsi que le coût de cette réforme qui, si elle consiste en quelque sorte à licencier la moitié des élus locaux, en crée de nouveaux.
Puisque les conseillers territoriaux seront appelés à siéger au sein de deux assemblées, il faudra également construire de nouveaux bâtiments, ce qui n'est pas prévu. Quel sera le coût ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Cet amendement sort de la procédure prévue par l'article 39 de la Constitution, qui dispose que les études d'impact sont déposées en même temps que le texte et que leur insuffisance ne peut être constatée que par la Conférence des Présidents, puis par le Conseil constitutionnel en cas de désaccord entre le Gouvernement et le Parlement. De ce fait, cet amendement pourrait être considéré comme inconstitutionnel. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, ministre. - Même avis. Ces renseignements vous seront fournis dès la première réunion de la commission des lois consacrée au projet de loi électorale.
M. Yves Krattinger. - Je m'étonne de la position du Gouvernement. Cet amendement touche de près à des questions qui nous préoccupent. Au sujet de la parité et du pluralisme, notre débat a montré que nous divergions sur l'interprétation à donner du projet gouvernemental ; une étude d'impact serait fort utile pour que nous puissions trancher ce différend.
Quant au coût de la réforme, mes inquiétudes ont été avivées par les propos tenus par M. Longuet lors d'un débat que nous avons eu devant des élus locaux : il a prétendu que les conseillers territoriaux seraient des élus professionnels. Cela signifie-t-il qu'ils percevront un salaire au lieu d'une indemnité et qu'il faudra verser des cotisations sociales ?
M. Michel Mercier, ministre. - C'est déjà le cas !
M. Yves Krattinger. - Je suis toujours très attentif à ce que dit M. Longuet.
M. Robert del Picchia. - C'est bien !
M. Yves Krattinger. - C'est pourquoi je souhaite en savoir davantage. Le Gouvernement présente la suppression de 3 000 élus locaux comme la panacée qui sauvera les finances de la République. Mais si les 3 000 restants sont des professionnels rémunérés comme tels, ils coûteront plus cher que les 6 000 antérieurs ! Ne parlons pas des frais de déplacement ou des indemnités qu'il faudra verser aux remplaçants...
Une étude d'impact est donc nécessaire. Nous devons pouvoir nous prononcer sur la base d'une expertise neutre. Le Gouvernement prétendant que le présent projet de loi porte sur un sujet étroitement circonscrit, l'étude d'impact qui y est jointe ne répond pas à nos interrogations.
L'amendement n°26 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°27, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les différents seuils, maintien au second tour, possibilité de fusion, accès à la répartition des sièges, doivent être abaissés afin de permettre le renforcement du pluralisme dans les conseils généraux et régionaux.
Mme Évelyne Didier. - Il s'agit d'un amendement d'appel. Alors que le Sénat aborde l'examen d'un projet de destruction massive des collectivités, nous tenons à rappeler nos exigences de représentativité des assemblées élues et de pluralisme. Nous sommes par principe favorables à la représentation de toutes les sensibilités politiques, que seul permet le mode de scrutin proportionnel. Par cet amendement, nous proposons d'abaisser les seuils au-dessus desquels les candidats peuvent se maintenir au second tour.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Cet amendement n'a ni lien avec le présent projet de loi, ni valeur normative. (Protestations sur les bancs CRC-SPG) Avis défavorable.
M. Michel Mercier, ministre. - L'appel est lancé, mais le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
L'amendement n°27 n'est pas adopté.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 16 décembre 2009, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit quarante.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mercredi 16 décembre 2009
Séance publique
À 14 HEURES 30 ET LE SOIR,
- Suite du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (Procédure accélérée) (n°63, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°131, 2009-2010).
Texte de la commission (n°132, 2009-2010).