Agriculture
Interventions des rapporteurs
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances. - Comme l'a observé le Président de la République dans son discours de Poligny, le 27 octobre, l'ensemble des filières agricoles subit une crise sans précédent par son ampleur et son caractère généralisé. La mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » n'est pas en mesure de la surmonter par elle-même : ses montants sont modestes et ne représentent qu'un peu plus de 10 % de l'ensemble des concours publics à l'agriculture.
Doté de 3 424 millions en autorisations d'engagement et de 3 448 millions en crédits de paiement, le projet de budget de la mission présente des évolutions contrastées par rapport à la loi de finances initiale pour 2009 : les autorisations d'engagement progressent de 6,1 % tandis que les crédits de paiement baissent de 0,8 %. Les crédits pour 2010 se caractérisent surtout par une dérogation à la loi de programmation des finances publiques : ils dépassent de 10,3 % le plafond défini pour 2010. Cet écart se justifie par le contexte.
C'est pour en tenir compte que l'Assemblée nationale a majoré de 228,89 millions en autorisations d'engagement et de 163,43 millions en crédits de paiement les crédits de la mission, principalement au titre du plan exceptionnel en faveur de l'agriculture annoncé par le chef de l'État.
Comme les crédits de la mission sont toujours budgétés au plus juste, ce plan exceptionnel devrait apporter un peu d'air au cours de l'exécution. Je rappelle cependant au ministre que notre commission des finances voudrait une prévision fiable plutôt que des redéploiements en cours d'exercice. II est difficile, pour les parlementaires, d'assurer un suivi rigoureux de ces mouvements en gestion. Or il est malheureusement d'usage de ré-abonder en gestion la mission, au gré des crises subies par le monde agricole, qu'elles soient climatiques, économiques ou sanitaires.
La question des aléas ne fait pas l'objet d'une prise en charge satisfaisante. Il n'est toujours pas prévu de doter en loi de finances initiale le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA). L'examen du projet de loi de modernisation agricole devrait être l'occasion d'un enrichissement des dispositifs de gestion des aléas. Ce projet de budget a cependant ouvert la voie puisqu'un amendement de l'Assemblée nationale, que notre commission approuve, élargit la DPA aux aléas économiques.
En dépit de la remise au Parlement d'un intéressant rapport sur la fiscalité agricole, les dépenses fiscales, concentrées sur le programme 154, ne sont toujours pas récapitulées au niveau de la mission. Leur coût, de l'ordre de 3 milliards, est sujet à caution selon la Cour des comptes et leur efficacité reste à démontrer, à l'image du crédit d'impôt pour le remplacement des agriculteurs en congé, dont la commission des finances souhaite limiter la prorogation à un an au lieu de trois.
Lors de votre audition devant notre commission, vous êtes revenu, monsieur le ministre, sur les crédits du programme 154 qui est le support privilégié de la politique d'intervention de votre ministère et reçoit à lui seul la moitié des crédits de paiement de la mission. Vous vous êtes montré rassurant. Nous y reviendrons à l'occasion des amendements, je ne m'y attarde donc pas. Le montant des subventions allouées aux opérateurs du programme augmente. Les fusions auxquelles appelait la RGPP ont été réalisées mais je note une augmentation marquée des subventions allouées à l'agence de services et de paiement, à FranceAgriMer et à l'Odeadom ; ne diminue que la dotation destinée aux Haras nationaux. Cela montre que la réforme des principaux opérateurs du programme doit se poursuivre afin de réaliser des économies.
S'agissant du programme 149, il convient, cette année, de surmonter les conséquences du passage de la tempête Klaus. Une grande partie des dépenses du programme est destinée à son opérateur principal, l'Office national des forêts. Notre commission a demandé à la Cour des comptes une enquête le concernant ; elle a fait apparaître une situation financière préoccupante.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Très préoccupante !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. - J'estime toutefois qu'elle ne doit pas conduire à abandonner la trajectoire définie par la RGPP.
Au sujet du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », la nouvelle priorité donnée à l'alimentation se traduit par la hausse de 33 % de l'action « Qualité de l'alimentation et offre alimentaire ». J'ai cru comprendre que la réduction des crédits du programme, de l'ordre de 10 %, n'était due qu'à l'extinction progressive de la dotation consacrée à l'élimination des farines animales. Je m'inquiète tout de même du montant attendu pour la lutte contre les maladies animales, et en particulier contre la fièvre catarrhale ovine. Un peu plus de 11 millions suffiront-ils pour poursuivre la vaccination, que l'État s'est engagé à prendre à nouveau en charge ? Ce serait la quatrième année où notre commission devrait regretter une telle sous-budgétisation.
L'autre facteur de réduction des crédits du programme 206 réside dans la réforme du service public de l'équarrissage, réclamée de longue date par notre commission, qui semble à la traîne. En 2010, l'État ne devrait rester payeur que du service public résiduel. Pouvez-vous éclairer le Sénat sur le calendrier de résorption de cette dette et sur les négociations en cours au sein des filières concernant l'instauration des cotisations volontaires utilisées pour financer, à l'avenir, les missions d'équarrissage ? Les crédits restent assez importants en 2010 en raison de la poursuite du paiement par l'État de la dette des éleveurs auprès des équarisseurs. Je plaide pour que cet apurement se fasse le plus rapidement possible.
J'en viens au programme 215, qui est en fait le programme support de la mission. Ses crédits sont stables, hormis pour le financement du recensement général agricole, dont le coût devrait toutefois rester faible. Le plafond d'emplois baisse de 613 équivalents temps plein travaillé en 2010, après avoir été réduit de 1 124 équivalents temps plein travaillé en 2009. La concentration des crédits de titre 2 de la mission au sein d'un unique programme ne se justifie pas ; une ventilation des dépenses de personnel entre les différents programmes serait donc souhaitable.
Septième et dernier point : la mission « Développement agricole et rural ». Les recettes du compte d'affectation spéciale la concernant, évaluées à 114,5 millions, augmentent année après année alors que les dépenses du compte leur sont toujours inférieures.
Cet écart persistant plaide pour une meilleure utilisation des crédits ou une baisse de la fraction de la taxe affectée au Cas-dar. En outre, la justification des crédits de ce compte ne permet pas de s'assurer de l'absence d'une logique d'abonnement des organisations par lesquelles ils transitent -chambres d'agriculture et instituts techniques agricoles. Il est nécessaire d'accroître la part des actions financées par des appels à projets.
Je conclurai avec la question de la PAC. Il y a un an, lors de la signature de l'accord sur le bilan de santé, les États membres ont refusé qu'elle se transforme en une simple politique de développement rural. L'accord a donc garanti le maintien des instruments de régulation des marchés et instauré davantage de flexibilité dans la mise en oeuvre des règles. Monsieur le ministre, évolue-t-on vers la renationalisation de la PAC ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Ça y ressemble.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. - Cette perspective m'inquiète. Avec 75 % des crédits de la PAC, la France en est de loin la première bénéficiaire. Au regard des 10 milliards d'euros versés au titre des dépenses communautaires agricoles, comment nos finances publiques pourront-elles absorber ce choc ?
Sous réserve du vote de certains amendements, la commission des finances recommande l'adoption des crédits de la mission -que je préférerais rebaptiser « Alimentation et agriculture »- et du compte spécial. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l'économie. - Ce budget s'inscrit dans un contexte très différent de celui de l'année précédente car l'agriculture française traverse certainement sa plus grave crise depuis 30 ans. Celle-ci touche presque toutes les filières et se traduit par une chute spectaculaire du revenu agricole -moins 20 % en un an selon le Président de la République. Le projet de budget initial était déjà un budget de réponse à la crise. Doté de 3,4 milliards d'euros, il se situait au-dessus des engagements pris dans la loi de programmation des finances publiques pour 2009 à 2011. Ainsi, les crédits du programme « Forêts » augmentent de plus de 25 % afin de faire face aux conséquences de la tempête qui a balayé le sud-ouest en janvier.
Lors de son examen à l'Assemblée nationale, ce budget a reçu 200 millions de crédits supplémentaires, sans compter quelques moyens ajoutés au programme Poseidom pour le développement de l'agriculture ultramarine. Pour l'agriculture, ce sont 100 millions en autorisations d'engagement et 50 millions de crédits de paiement supplémentaires qui ont été inscrits dans le cadre du dispositif Agridiff, et 100 millions pour le fonds d'allègement des charges. S'y ajoutent des crédits de bonification de prêts de consolidation ou de trésorerie, et des allégements de charges sociales dues à la mutualité sociale agricole (MSA) qui figurent dans le collectif budgétaire 2009.
Ce budget poursuit également les objectifs traditionnels de notre politique agricole : soutien à l'installation des jeunes agriculteurs, aide aux filières, encouragement à l'agriculture extensive. Il prépare l'avenir en mettant l'accent sur l'assurance récolte. Les mesures adoptées à l'Assemblée nationale renforcent le système de la déduction pour aléas en l'étendant à l'aléa économique.
Bien sûr, tout n'est pas parfait. Si 75 % de la nouvelle contribution carbone sont redistribués aux agriculteurs, rien n'est garanti pour 2011. La fin du plan pêche conduit à une baisse significative des crédits de cette filière, ce qui préoccupe M. Revet. Il en est de même pour le plan de modernisation des bâtiments d'élevage, ce qui est surprenant en pleine crise laitière. Notre commission a déposé un amendement minorant cette réduction, un autre pour préserver le financement des associations foncières pastorales et un troisième pour prévoir un reversement de ressources des chambres départementales vers les chambres régionales d'agriculture et afin que les premières puissent augmenter le produit de la taxe qui les finance.
Le ministère de l'agriculture participera aux efforts demandés à l'ensemble des administrations en termes de modernisation et de maîtrise budgétaire, mais de manière raisonnable, d'autant qu'il faut prévoir une charge supplémentaire en 2010 avec le recensement agricole.
Je conclurai en évoquant la filière vitivinicole, dont les exportations baissent de 12 % en volume et 18 % en valeur. Des mesures de soutien énergiques s'imposent. Afin de lutter contre les aléas climatiques, il faut créer une combinaison de solutions assurantielles et d'épargne individuelle -c'est un dossier que suit le président Emorine. Pour combattre les maladies de la vigne, l'Inra doit fournir des efforts de recherche supplémentaires.
Monsieur le ministre, vous nous présentez un bon budget. Dans quelques semaines, vous défendrez une bonne loi de modernisation agricole, attendue par la profession et surtout par les jeunes, qui ouvrira des perspectives nouvelles à un monde agricole un peu déboussolé. La commission de l'économie est favorable à l'adoption de ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission de l'économie. - Depuis l'an dernier, le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » est intégré à la mission « Agriculture » et non plus à une mission interministérielle. Avec 540 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 560 millions de crédits de paiement, il se situe à peu près au même niveau qu'en 2009.
La sécurité sanitaire est désormais un enjeu majeur des politiques agricoles et la prévention constitue un outil essentiel de gestion des risques. Le budget 2010 solde la crise de la vache folle. Le stockage des farines animales s'achèvera en 2010. L'élimination des stocks, qui coûtait 50 millions d'euros par an jusqu'en 2009, demandera encore 15 millions en 2010 et plus rien en 2011. Le transfert de la gestion de l'équarrissage aux filières et le recentrage de la mission de service public sur les animaux morts abandonnés sur la voie publique signent un retour à la normale.
La vigilance demeure indispensable face aux nouvelles maladies. La fièvre catarrhale ovine, qui touche aussi les bovins, est responsable de 530 millions d'euros de pertes en 2008. Quatre vingt dix sept mille têtes de bétail bovin et 70 000 caprins et ovins ont été abattus. La vaccination obligatoire a donné des résultats spectaculaires : 24 000 foyers d'infection en 2008 contre 73 en 2009. Elle évite les indemnisations pour l'abattage des troupeaux infectés. Elle est reconduite pour l'hiver 2009-2010 et des crédits supplémentaires sont prévus dans le projet de loi de finances rectificative. Certaines inquiétudes quant au coût des visites vétérinaires ont cependant été exprimées. Pour réussir pleinement dans cette lutte, il faut rassurer les éleveurs et, si nécessaire, prévoir des crédits suffisants dès la loi de finances initiale.
La gestion des risques passe aussi par une attention accrue à la santé des végétaux. Nous avons voté dans les lois Grenelle I et II des dispositions qui visent à réduire l'usage des pesticides. Cela signifie aussi une plus grande sensibilité aux parasites, contre lesquels il faut prévoir des solutions techniques.
Une part importante du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » est consacrée à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), dont le ministère de l'agriculture fournit 85 % de la subvention pour charges de service public. Cette dernière augmente de 5 % pour atteindre 55,5 millions. Il s'agit de saluer ce rattrapage de la sous-dotation de 2009. La fusion de l'Afssa avec l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) doit être réalisée l'année prochaine. Si elle conduit à des économies, elle ne doit pas s'effectuer au détriment des missions d'alerte et de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments. En outre, un fonds sanitaire doté de 40 millions d'euros de crédits communautaires a été créé en application du bilan de santé de la PAC.
Il n'y a pas de crédits d'État en complément dans ce projet de budget 2010. En commission, le ministre nous a indiqué qu'un tel fonds ne serait constitué qu'en cas de crise. Nous le comprenons, mais voudrions cependant en savoir un peu plus sur les conditions de gestion de ce nouveau dispositif. La commission de l'économie est favorable à l'adoption des crédits de ce programme. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission de l'économie. - Le modèle agricole à la française se caractérise par la notion d'exploitation familiale, par un amont représenté par le monde de la production, et par un aval constitué de la distribution et des consommateurs. Selon le ministre, l'harmonisation se fera par une véritable régulation des marchés, une baisse des coûts d'exploitation et une sécurisation plus forte. Ces propos nouveaux sont ceux que nous prônons depuis toujours. En période de crise, ces dispositions apparaissent comme l'unique voie de sortie. Parfait, mais où retrouve-t-on tout cela dans ce budget ? Faites-vous l'impasse sur 2010 pour préférer des incantations pieuses sur la loi de modernisation agricole à venir, alors qu'il y a urgence ?
Ce projet de budget s'intéresse en priorité à l'alimentation. S'il est vrai qu'il y a plus de consommateurs que d'agriculteurs et s'il n'est pas aberrant évoquer la voie agricole à travers l'alimentation, quelle relation agriculteur-consommateur via la distribution nous proposez-vous ? Rien, et c'est très décevant. Vous souhaitez augmenter la confiance des consommateurs par des moyens supplémentaires pour les appellations et les indications d'origine protégée et consacrez 15,4 millions à l'Institut national de l'origine et de la qualité. Très bien, tout comme les 3 millions pour la qualité de l'alimentation et de l'offre alimentaire.
Toutefois, rien n'est prévu pour organiser la relation entre les agriculteurs, la grande distribution et les consommateurs. Au nom du libéralisme exacerbé, il faut laisser faire, ce qui va se traduire une fois de plus par la disparition d'agriculteurs. D'autant que la fin du second pilier de la PAC estompe les objectifs spécifiques de la politique de développement rural.
La PAC, avec le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (Feoga), a pu jouer un rôle de régulateur partiel du marché mondial, mais cet équilibre explose aujourd'hui. Quelles sont les nouvelles orientations en matière de régulation ? Rien.
Quant au revenu agricole, objectif essentiel, il passe par la formation même du prix agricole. Je regrette beaucoup que ce projet de budget ne permette pas d'identifier les crédits affectés à l'Observatoire des distorsions de la concurrence et à celui des prix et des marges.
Alors que les prix baissent, se rapprochant des cours mondiaux, malgré des différences énormes de production d'un point à l'autre de la planète, cela nécessite, rapidement, des correctifs. Seule la puissance publique peut assurer le rééquilibrage entre production et consommation. Vous l'avez dit en commission, et j'ai applaudi ; malheureusement, je ne le retrouve pas dans le budget.
On parle d'éviter qu'aucun acteur de la chaîne ne capte pour lui seul la valeur ajoutée. Qu'en est-il ? La course aux prix aligne les pratiques agricoles sur des pratiques industrielles.
Le revenu agricole passe par la recherche de nouveaux équilibres entre agriculture, grande distribution, consommateurs, entre éleveurs et céréaliers. Il est question d'une agriculture qui couvre le territoire, d'une régulation pour la formation des prix. De tout cela, on ne voit rien paraître. Cela me conduit à proposer la sagesse même si, à titre personnel, j'aurais souhaité beaucoup plus. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. François Fortassin, rapporteur pour avis de la commission de l'économie. - Mon intervention portera sur les mesures environnementales et le soutien à l'agriculture extensive, en particulier dans les zones de montagne.
Depuis plusieurs années, la politique agricole est marquée par un appui substantiel aux modes de production respectueux de l'environnement. La PAC impose l'éco-conditionnalité au sein même du premier pilier, celui des aides directes, désormais largement découplées. Les mesures de développement rural contenues au sein du deuxième pilier visent une agriculture durable. Les aides nationales -le soutien aux mesures agro-environnementales régionales, par exemple- intègrent de plus en plus la préoccupation environnementale, et davantage encore depuis le Grenelle.
Dans le cadre du bilan de santé de la politique agricole commune, la France a décidé, le 23 février, de réorienter 1,4 milliard sur les 7,9 perçus au titre du premier pilier, soit un prélèvement de 18 % sur les aides directes. La clef de financement de plusieurs dispositifs est modifiée, ce que traduit ce budget avec la création de nouveaux dispositifs comme l'aide à la rotation des cultures ouverte dans les départements intermédiaires, pour laquelle le cofinancement communautaire s'élève à 55 %. En sens inverse, certaines baisses de crédits traduisent une prise en charge plus importante de l'Union européenne ; c'est ainsi que l'enveloppe nationale des mesures agro-environnementales régionales baisse de 10 millions, compensés par l'enveloppe européenne.
Les éleveurs ont cependant des inquiétudes en ce qui concerne la prime herbagère agro-environnementale. Si la réduction des crédits de paiement s'explique par le passage de la prise en charge européenne de 55 à 75 %, la suppression des autorisations d'engagement signifie qu'aucun contrat ne pourra être signé en 2010. Or 45 % de la surface agricole sont couverts par des surfaces herbagères sur lesquelles l'élevage contribue au maintien de l'activité et de l'emploi dans des zones sans autre possibilité, participe à la qualité des paysages, à la biodiversité et à la qualité de l'eau. La prime à l'herbe créée dans le cadre du bilan de santé compensera-t-elle la fin de ces contrats ? Il faut répondre aux inquiétudes légitimes des éleveurs.
M. Jacques Blanc. - Tout à fait !
M. François Fortassin, rapporteur pour avis. - Reconnaissons toutefois que des efforts sont faits pour l'agriculture de montagne dans ce budget : l'indemnité compensatoire de handicap naturel augmente de 8 %. Avec toutes ces mesures, je forme le voeu que le secteur ovin soit moins en difficulté en 2010 qu'il ne l'est depuis un quart de siècle alors que c'est l'ultime possibilité avant la friche. (Nombreuses marques d'approbation) Heureusement, un amendement de M. César propose le maintien des crédits qui lui sont affectés. Il serait d'ailleurs utile de maintenir la vente directe.
M. Gérard Le Cam. - Très bien !
M. François Fortassin, rapporteur pour avis. - L'hydraulique agricole répond à une logique prudentielle : stocker l'eau lorsqu'elle est abondante pour l'utiliser au moment où on en a besoin, parfois même en dehors d'une logique agricole, par exemple pour le soutien aux étiages.
M. Charles Revet. - C'est le bon sens !
M. François Fortassin, rapporteur pour avis. - Ce stockage est de long terme et d'un coût peu élevé : 2 euros le mètre cube. Je regrette donc que le budget 2010 prolonge une fâcheuse tendance consistant à réduire les crédits de l'hydraulique agricole.
Les bâtiments d'élevage doivent faire l'objet d'une attention toute particulière. Le plan de modernisation voit ses dotations réduites cette année, ce que la commission prévoit de revoir par amendement. Je suggère d'être astucieux et d'encourager les éleveurs à installer des panneaux solaires sur le toit de leurs bâtiments. Il me semblerait judicieux de confier cette tâche aux DDEA, en lien avec les chambres d'agriculture et les syndicats d'électrification, afin d'éviter que circulent dans les campagnes des vendeurs peu scrupuleux et de mauvais conseil.
Comme M. Pastor, je donne sur ce budget un avis de sagesse, en regrettant de ne pouvoir aller plus loin. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
Interventions des orateurs
M. Gérard Le Cam. - Le contexte global de l'agriculture française est celui d'une crise de l'ensemble des filières qui s'ajoute à la crise mondiale. C'est aussi avec la perspective de la loi de modernisation agricole et les multiples attentes qu'elle suscite qu'il faut aborder ce débat. Que peut faire le budget de ce ministère alors que la crise s'étend à tout le secteur agricole et que le revenu des exploitants devrait diminuer de 10 % en 2009, après une baisse similaire en 2008, s'interroge le rapporteur à l'Assemblée nationale, Antoine Herth, dans son rapport. La crise, dit-il, révèle en premier lieu un défaut de régulation européenne et mondiale auquel il est urgent de répondre. Elle révèle en second lieu des défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles. Tout est dit, même si les mots sont feutrés.
Le « défaut de régulation européenne et mondiale » renvoie à la volonté farouche de la Commission de Bruxelles et de l'OMC de déréguler l'ensemble des échanges agricoles, de les livrer aux lois du marché et de la concurrence libre et non faussée. C'est particulièrement scandaleux au regard de l'immoralité de la crise qui prend ses racines dans les modes de spéculation les plus crapuleux, meurtriers même, quand il s'agit de nourrir le monde et que plus d'un milliard d'humains souffrent de la faim.
Quant aux « défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles », il serait temps de s'en rendre compte et d'agir efficacement face aux prédateurs margivores que sont la grande distribution et certains segments de la transformation. La loi de modernisation de l'économie a aggravé les relations entre producteurs et distributeurs au profit de ces derniers.
Les premières constatations de l'Observatoire des marges sont éloquentes : depuis 2000, les industriels restaurent dès que possible leurs marges aux dépens des éleveurs. Et la grande distribution leur fait souvent supporter les hausses de prix du lait pour préserver ses marges. Depuis janvier 2008, le prix du litre de lait payé aux éleveurs a baissé de 15 centimes, mais seulement de 1 centime en rayon. Le prix du lait ne représente que 15 % du prix des yaourts, 34,1 % de l'emmental, 48,7 % du beurre.
Il existe donc des marges pour augmenter la rémunération des producteurs de lait et d'autres matières premières sans provoquer l'inflation des prix à la consommation. Ce matin même, on dispose d'une enquête de Que choisir ? qui illustre mes propos.
La régulation régresse au niveau national comme au niveau européen. Les crédits de FranceAgriMer sont en baisse de plus de 13 %, la dotation de l'Agridiff passe sous la barre des 4 millions d'euros et les aides à la cessation d'activité sont presque toutes abolies. Inquiétantes également, pour ne pas dire mortifères, les orientations communautaires vers une réduction drastique des crédits de la PAC et la suppression des derniers mécanismes de régulation et des quotas laitiers.
Rassurons-nous, Zorro est venu à Poligny : à quelques mois des élections régionales, il fallait bien tenter de rassurer l'électorat paysan. Mais les aides annoncées sont essentiellement des prêts remboursables pour la reconstitution des fonds de roulement et la consolidation des comptes. Les banques seront-elles enclines à prêter à des exploitants en grande difficulté ? Il y a fort à craindre que la crise conduise des milliers de producteurs à mettre la clef sous la porte et accélère la concentration des exploitations au détriment d'un aménagement harmonieux et durable de nos territoires. Ce plan est certes indispensable, mais il ajoute la dette à la dette. Comme le disait Jean-Michel Lemétayer, « jamais un plan d'aide, aussi important soit-il, ne remplacera une politique de prix ».
La crise est principalement due au déséquilibre du système économique qui encourage le pillage des producteurs et les profits indécents. La crise du lait illustre à merveille mes propos, mais le même phénomène se rencontre dans d'autres secteurs. J'ai visité mardi une exploitation laitière en Côtes-d'Armor, où le prix de revient se situe aux alentours de 310 euros par tonne tandis que les prix oscillent entre 260 et 290 euros ; les salariés touchent moins de 1 500 euros par mois pour 60 à 70 heures de travail hebdomadaire... Pour couronner le tout, les producteurs laitiers bretons risquent de devoir payer les noces d'Entremont et de Sodiaal en 2010. Qu'en est-il de ce dossier qui semble gêner le Gouvernement ?
On présente les contrats entre producteurs et transformateurs comme une panacée. Mais tiendront-ils compte du prix des produits transformés ou du prix de revient des producteurs ? Quels volumes seront garantis ?
Le projet de loi de modernisation de l'agriculture est élaboré dans le secret des cabinets ministériels sans que le Parlement en ait eu vent. Mais certains interlocuteurs privilégiés sont déjà en mesure de formuler des propositions d'amendement... (M. Gérard César le conteste) Cela manque d'élégance vis-à-vis des parlementaires ! Cette loi devra assurer aux producteurs des prix rémunérateurs, faute de quoi des pans entiers de l'agriculture française disparaîtront, aggravant notre dépendance alimentaire et affaiblissant les garanties sanitaires. Quand une activité vitale est menacée, tous les mécanismes de sauvegarde et de subsidiarité doivent être activés ! La seule agriculture durable qui vaille est celle qui nourrit les paysans et les habitants du pays.
Les objectifs environnementaux peinent à décoller, qu'il s'agisse des énergies ou de l'agriculture biologique : ne nous contentons plus d'un habillage politiquement correct ! La Bretagne paie au prix fort la prolifération des algues vertes, malgré les plans de maîtrise des pollutions d'origine agricole. La Cour administrative d'appel de Nantes vient de condamner l'État à verser une indemnité de quelques milliers d'euros aux associations concernées : décision importante au plan symbolique, mais dérisoire au plan financier. Il vous appartient à présent, monsieur le ministre, de faire la lumière sur les responsabilités de chacun.
En ce qui concerne l'économie des terres agricoles, prenons garde de ne pas entraver le développement du milieu rural et des dizaines de communes qui en font partie. (M. Charles Revet approuve) La loi sur les territoires confortera les métropoles, ces grandes consommatrices de surfaces routières et industrielles, accentuant le déséquilibre au détriment des campagnes.
J'en viens à la question des retraites. Le plan de revalorisation des petites retraites s'élève à 155 millions d'euros pour 232 000 personnes au cours du quinquennat, soit 5 euros par mois et par personne selon la Mutualité sociale agricole. Les retraites agricoles s'élèvent en moyenne à 400 euros par mois, alors que le seuil de pauvreté est de 817 euros. Les associations de retraités réclament des pensions égales à 85 % du Smic pour les carrières complètes, la parité hommes-femmes, l'extension de la retraite complémentaire obligatoire (RCO) aux conjoints et soutiens de famille, le droit à la réversion des points de RCO du chef d'exploitation décédé. Monsieur le ministre, le plafond de ressources pour l'accès aux revalorisations sera-t-il rehaussé et les pensions des conjoints collaborateurs augmentées, comme cela fut annoncé ?
Les agriculteurs s'inquiètent aussi de la hausse du forfait hospitalier, des franchises médicales et des dépassements d'honoraires, de la raréfaction des médecins généralistes et des tarifs pratiqués dans les maisons de vie pour personnes âgées.
La France doit rééquilibrer son marché pour faire vivre son agriculture. Tout le reste n'est que spéculation, destruction d'emplois, parasitisme économique et social. Persister dans la voie du libéralisme serait suicidaire : la France, premier pays agricole d'Europe, doit montrer l'exemple. (Applaudissements à gauche)
M. Gérard Bailly. - Monsieur Le Cam, j'ai trouvé parfaitement déplacée votre comparaison entre le Président de la République et Zorro : M. Sarkozy a été élu au suffrage universel avec une confortable majorité et mérite le respect. (Applaudissements à droite)
M. Jean Bizet. - C'est vrai !
M. Gérard Le Cam. - Ce n'est pas une insulte !
M. Gérard Bailly. - Le monde agricole traverse aujourd'hui une crise sans précédent, et nous sommes heureux de constater la hausse de 5,9 % des crédits de cette mission par rapport au plafond prévu par les perspectives budgétaires pluriannuelles. C'est dans mon département que le chef de l'État a annoncé une aide exceptionnelle de 650 millions d'euros pour les agriculteurs : ces derniers l'attendent avec impatience mais, comme j'ai pu le constater vendredi lors d'une réunion à la préfecture avec les organismes professionnels, il est difficile de dire combien d'exploitants en bénéficieront.
J'ai déjà eu l'occasion de dire, monsieur le ministre, combien j'approuve votre action. Je salue vos efforts pour convaincre nos partenaires européens de renforcer la régulation du secteur et de bousculer les dogmes de la Commission.
M. Charles Revet. - Ce fut une démarche courageuse et appréciée.
M. Gérard Bailly. - Vous ne m'en voudrez donc pas de relever, en tant que président du groupe d'études sur l'élevage, les quelques insuffisances de ce budget, qui s'expliquent en partie par un contexte difficile. Le plan de modernisation des bâtiments de l'élevage voit sa dotation réduite de 43 % ; pourtant, seule la modernisation des outils de production permettra aux agriculteurs de rester compétitifs tout en respectant les exigences environnementales. On assiste aujourd'hui à une surenchère sur le bien-être animal : eh bien, le bien-être des hommes et des animaux requiert des bâtiments d'élevage modernes et conformes aux normes ! Je soutiendrai donc l'amendement visant à réévaluer le budget du plan.
Après une année de hausse, les crédits d'intervention alloués aux établissements départementaux d'élevage, chargés de l'identification des animaux, diminuent de moitié. Cette baisse est malvenue à l'heure du lancement de la troisième phase de la réforme de l'identification des ovins et des caprins : les exigences de plus en plus élevées de l'État ont un coût. Il est déraisonnable d'augmenter les charges des éleveurs au moment où leurs revenus diminuent du fait de la baisse des prix. Je laisse à mes collègues le soin de parler de la prime herbagère agro-environnementale (PHAE), en me contentant de dire que je soutiens cette mesure.
Dix millions d'euros sont alloués au pastoralisme mais on ne sait quel part de cette somme servira à indemniser les pertes liées aux prédateurs. Des crédits importants ont été affectés, dans le cadre du budget de l'environnement, à la protection des loups. On risque ainsi de décourager les éleveurs, de favoriser le retour des friches et d'augmenter les risques de feux et d'avalanches.
Malgré ces quelques critiques, je soutiens globalement ce budget. Comment faire des miracles dans un contexte d'austérité ? (Applaudissements à droite)
M. Jean-Claude Merceron. - Je consacrerai mon intervention à la pêche.
M. Charles Revet. - Très bien !
M. Jean-Claude Merceron. - La consommation humaine de poissons issus de la pêche ou de l'aquaculture s'élève aujourd'hui à 110 millions de tonnes.
Avec 16 000 emplois à temps plein, la France est un grand pays de pêche en Europe, de même que le Danemark, l'Espagne et le Royaume-Uni. Pour autant, le bilan de nos échanges commerciaux depuis 2007 se solde par un déficit de 2,5 milliards. Pas moins de 85 % des produits que les Français consomment sont d'importation. La raréfaction de la ressource halieutique serait, dit-on, la conséquence de la surpêche, mais elle est aussi le fait de la pollution et du réchauffement climatique qui fait migrer les espèces.
La profession a déjà consenti de gros efforts. En 25 ans, le nombre de navires a chuté de 54 %. Dans mon département de la Vendée, pour la quatrième année, les marins-pêcheurs sont confrontés à la fermeture de la pêche à l'anchois. L'avenir même de cette pêche est en jeu, notamment à Saint-Gilles-Croix-de-Vie où il reste seulement quatre bateaux, contre 24 il y a quatre ans.
Que faire ? Pour répondre à la constante augmentation de la demande, il nous faut réconcilier protection de la ressource et exploitation des espèces en prenant des mesures en faveur de la biodiversité tout en confortant une activité économique qui représente 16 000 marins, je le répète, et trois fois plus d'emplois à terre dans la construction, le ravitaillement et la production. L'augmentation des coûts de production, à cause de la hausse du prix de l'énergie, impose de développer un programme de recherche sur les techniques de pêche plus économes en énergie. Face à la concurrence des importations, qui ne sont pas soumises aux mêmes contraintes, la filière doit se réorganiser et promouvoir une pêche durable dans les instances européennes et internationales.
L'année 2010 sera difficile car la crise nous oblige à adopter de bonnes pratiques. Permettez-moi de faire quelques propositions. Rapprochons les professionnels qui sont les premiers observateurs, les scientifiques qui analysent et les élus qui aménagement les ports. Ensuite, définissons des objectifs stratégiques clairs à plus long terme pour une meilleure visibilité et la planification des saisons de pêche. Décentralisons la politique européenne de pêche au niveau de régions marines partagées par plusieurs États et confions-la aux conseils consultatifs régionaux. Assouplissons les quotas. Cet été, on a découvert des anchois en abondance dans des zones inhabituelles. Le moratoire ne s'imposait donc pas. De même, le moratoire sur le thon rouge en Méditerranée s'applique de manière abusive en Atlantique alors que sa présence y est abondante et qu'il se nourrit d'anchois... (M. Michel Charasse acquiesce) J'évoquerai rapidement d'autres sujets : la réforme des organisations professionnelles, la destruction des navires performants, la suppression en 2010 des contrats bleus, la création d'un label pour la pêche française, le développement de l'algue verte, les difficultés de la conchyliculture et la nécessité de développer l'aquaculture pour gagner en indépendance.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré à Brest mardi dernier que la pêche était un atout majeur de l'économie française et que notre pays devait être chef de file en Europe. Enfin, la France s'intéresse sérieusement à son économie maritime, longtemps délaissée. La pêche est au centre des débats avec le Grenelle de la mer, les assises de la mer et le Livre vert de l'Europe et le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le ministre, vous avez mon soutien vigilant et celui du groupe UC ! (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Odette Herviaux. - La stabilité des crédits de cette mission n'est qu'apparente : elle s'explique par l'augmentation de 10 %, des crédits du programme « Forêt », rendue nécessaire après la tempête Klaus. Autrement dit, c'est l'arbre qui cache la forêt. En conséquence, ce budget n'est pas à la hauteur des défis que sont la baisse des produits agricoles, l'endettement, le renouvellement difficile des générations ou encore des règles environnementales de plus en plus contraignantes... Valorisons notre agriculture pour faire de ces contraintes des « aménités positives » et promouvoir l'agriculture durable en France, en Europe et dans le monde à l'OMC. Hélas, les crédits du programme « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires », censés faciliter l'adaptation des filières aux nouvelles normes, reculent de 3,5 %. Les crédits pour accompagner le Grenelle de l'environnement sont loin des ambitions initiales. Je doute que nous parvenions à doubler la surface de production biologique d'ici 2012. Le plan de performance énergétique est doté de 38 millions pour des besoins estimés à 85 millions. Les crédits alloués à la formation des agriculteurs sont insuffisants au moment où l'on veut remettre l'agronomie au premier plan.
Enfin, l'essentiel des ressources, 10 milliards, provenant des aides européennes, ce budget reflète les décisions prises dans le cadre du bilan de santé de la PAC. Le Parlement n'a pas de vision fine sur ces affectations et leurs évolutions. Monsieur le ministre, j'aimerais disposer, lors de l'étude des prochains budgets, du rappel des fléchages des financements européens. Cette exigence concerne aussi le secteur de la pêche et de l'aquaculture. Avec 1 milliard de chiffre d'affaires, 16 000 emplois directs et plus de 5 000 navires actifs, ce secteur façonne l'économie littorale et permet un aménagement équilibré de territoires structurellement fragiles. L'année 2010, M. Merceron y a insisté, sera une année de transition. D'une part, le plan pour une pêche durable et responsable arrivant à son terme, les crédits de l'action « Gestion durable des pêches et de l'aquaculture » diminuent de 36,7 % sans que la situation économique se soit améliorée. Il conviendrait de dresser un bilan précis et d'étudier les conditions de mise en oeuvre du Fonds européen pour la pêche afin de préparer sa révision à mi-parcours avant fin de cette année. D'autre part, les assises de la pêche, dont M. le ministre a présenté les premières conclusions à Brest il y a quelques jours, vont déboucher sur de nouvelles propositions. Pour autant, de nombreux problèmes n'ont pas été réglés. S'agissant de l'évaluation de la ressource halieutique, les études seront enfin menées en concertation avec les pêcheurs, mais leurs crédits baissent d'environ 20 % par rapport au budget de 2009, ce qui est difficilement compréhensible. Face aux difficultés de la conchyliculture, les pouvoirs publics doivent massivement se mobiliser. Cette filière, qui compte 3 120 entreprises de la Manche à la Méditerranée, emploie en effet 8 000 personnes à temps complet et 10 000 saisonniers. L'actuelle surmortalité exige des réponses scientifiques rapides. Monsieur le ministre, je vous adresse la même question qu'à vos prédécesseurs : quels sont vos projets pour traiter le problème récurrent de la couverture des risques dans le secteur ostréicole ? J'en viens à la pêche de grands fonds, si importante pour le littoral. Plutôt que de revenir sur le discours du Président de la République au Havre et ses conséquences, je forme le voeu que le groupe de travail chargé de réfléchir à la pêche au chalut aboutisse. Les moyens déployés pour le contrôle des pêches, 14 millions, permettront d'encadrer cette activité. Près de 50 % des 60 millions destinées au financement de mesures sociales et de modernisation de la flotte sont destinées à solder les opérations du PPDR. Les 6 millions pour le plan de sortie de flotte, auxquels s'ajoutent 14 millions au titre du PPDR, montrent la priorité donnée à la casse qui, si elle est parfois nécessaire, a des effets secondaires sur l'installation, y compris par le renchérissement du prix des bateaux. Quitte à devoir sortir des navires, favorisons la sortie des vieux bateaux et accordons une prime pour la construction de navires neufs, plus économes en énergie, plus sûrs, à condition que le patron s'engage à pratiquer une pêche responsable. Au moment où il importe de valoriser les productions françaises et les éco-labellisations, je veux également dénoncer la mise à contribution de FranceAgrimer au titre de la maîtrise des dépenses publiques avec la suppression de 70 emplois et une dotation insuffisante, y compris d'après le rapporteur.
En conclusion, ce budget, malgré quelques points positifs, n'offrant pas de perspectives assez solides dans un contexte international particulièrement concurrentiel, nous ne pourrons le voter.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. - Eh oui !
M. Charles Revet. - Quel dommage !
M. Yvon Collin. - Une nouvelle fois, l'agriculture traverse une forte crise. Après une embellie en 2006 et 2007, les revenus agricoles reculent de 10 à 20 %. La situation est particulièrement critique dans le secteur des fruits et légumes où les prix ont chuté de 34 % par rapport à 2008 si bien qu'ils ne couvrent même plus les coûts de productions.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. - C'est certain !
M. Yvon Collin. - Dans mon don département, dépôts de bilan et reports d'investissement se multiplient. Dans cette situation, toute politique d'aménagement du territoire serait vaine sans un soutien actif à l'emploi agricole.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. - Très bien !
M. Yvon Collin. - Notre pays compte actuellement 350 000 actifs mais pour combien de temps encore ?
En réponse à ces difficultés, malheureusement récurrentes, le Président de la République a annoncé, en octobre, un plan de soutien de 650 millions. Le projet de loi de finances pour 2010 traduit une partie de cet effort financier qui sera poursuivi dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009.
Pour autant, la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt, et affaires rurales » ne répond pas totalement aux attentes du monde agricole. Certes, ses crédits dépassent les plafonds prévus par la loi de programmation pluriannuelle. Mais cette augmentation des crédits s'explique aussi par l'accroissement du cofinancement national au bilan de santé de la PAC, la gestion des conséquences de la tempête Klaus ou encore le programme informatique et le recensement imposés par la RGPP. Dans ces conditions, faisons-nous suffisamment pour ces milliers d'hommes et de femmes qui sacrifient beaucoup de leur vie pour un secteur de moins en moins rentable ?
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. - Non !
M. Yvon Collin. - Faisons-nous assez pour tous ces exploitants à qui l'on impose, régulièrement, de nouvelles normes sanitaires et environnementale alors que leurs revenus sont tout juste décents ?
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. - Ce sont les bagnards des temps modernes !
M. Yvon Collin. - Nous pourrions proposer plus que des prêts bonifiés et des allégements de charges sociales !
Deux dispositifs mériteraient d'être renforcés afin de mieux sécuriser les exploitations. Vous connaissez mon attachement à la question de l'assurance récolte. Nous avons eu l'occasion d'en débattre l'année dernière à l'occasion d'une proposition de loi que j'avais déposée. Nous devrions mettre en place un dispositif suffisamment incitatif...
M. Didier Guillaume. - Très bien !
M. Yvon Collin. - ... pour que davantage d'exploitants soient couverts contre les aléas climatiques, notamment les cultures fruitières dont le taux de couverture est de 11 % contre 45 % pour les grandes cultures.
M. Robert del Picchia. - Bonne idée !
M. Michel Charasse. - Très bien !
M. Yvon Collin. - En attendant, je regrette que le fonds national de garantie des calamités agricoles ne soit pas doté par ce projet de loi de finances alors que le code rural prévoit l'inscription de cette subvention au budget de l'État. Mes collègues rapporteurs, toujours très vigilants, le déplorent depuis trois ans.
Le problème de la formation des prix me tient également à coeur, et je salue l'initiative de Didier Guillaume qui demande la création d'une commission d'enquête sur l'organisation de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et sur le mécanisme de formation des prix agricoles. En effet, il est temps de se pencher sur un système opaque qui conduit, depuis deux décennies, à un écart grandissant entre les prix agricoles et les prix en rayon. Ce sujet ne concerne pas le budget de l'État mais je souhaitais l'évoquer dans la perspective du projet de loi de modernisation agricole.
Les agriculteurs ont toujours su adapter leur outil de production. Quand il a fallu produire plus, ils l'ont fait. Maintenant qu'il faut produire mieux, ils le font. Ils acceptent, sans sourciller, de nouvelles exigences sanitaires et environnementales. Pour autant, les agriculteurs ne sont pas les diététiciens ou les jardiniers de la France. Ils sont avant tout des agents économiques qui veulent vivre de la vente de leurs produits. C'est pourquoi, sans nier les avancées du plan exposé à Poligny par le Président, le RDSE souhaiterait un effort à la hauteur d'un secteur aussi vital. Il ne pourra malheureusement pas voter les crédits de cette mission. (Applaudissements socialistes)
M. Jacques Blanc. - Tout le monde le sait : l'agriculture est en crise. Les agriculteurs souffrent et sont inquiets pour leur avenir. Est-il possible de répondre à leurs attentes ?
Face à la crise laitière, il fallait certes mettre en place un fonds dédié, débloquer des crédits européens et mobiliser les finances publiques pour répondre à la situation intenable des producteurs. En outre, vous avez convaincu nos partenaires de la nécessité d'une politique européenne pour réguler le marché. Ce choix n'était pas évident car les responsables agricoles de certains pays du nord étaient plus que réticents. Bravo, monsieur le ministre, d'avoir été à l'origine du groupe des Vingt ! C'était indispensable pour venir en aide aux producteurs de lait, notamment en montagne où les coûts augmentent.
La concurrence ne doit pas empêcher le développement des politiques interprofessionnelles qui sont les seules à même de sécuriser les prix.
Il y a donc eu une réponse immédiate à des situations dramatiques mais il reste encore à offrir des perspectives d'avenir pour ceux qui doivent rembourser leurs emprunts et pour les jeunes qui souhaitent entrer dans le métier.
Le budget prévoit des aides à l'installation mais qu'en est-il de l'accompagnement par les Adasea et les chambres d'agriculture ? Celle de la Lozère est, hélas, exemplaire en ce domaine : elle ne dispose plus de crédits pour aider aux nouvelles installations. Nous avons déposé un amendement sur ce point : nous en reparlerons tout à l'heure.
J'en viens à la prime herbagère agro-environnementale (PHAE) : un certain nombre de contrats arrivent à terme. Pour l'instant, rien n'est prévu pour les exploitants qui en bénéficiaient. Il faudrait assurer un revenu de remplacement au moins jusqu'en 2013.
J'aimerais que vous nous confirmiez, monsieur le ministre, que les exploitations dont le taux de chargement est inférieur à 0,5, et qui sont souvent situées en montagne, ne seront pas privées du bénéfice du DPU à l'herbe.
Un mot sur l'avenir de la PAC : lundi prochain, une conférence se tiendra en Autriche où la Commission présentera son analyse de la politique agricole menée en montagne : nous avons besoin que vous sécurisiez son avenir. Peut être parlera-t-on un jour de politique agricole durable mais il est indispensable d'assurer l'avenir de notre espace rural, notamment en montagne. Nous devons donc encourager l'activité des agriculteurs car ils sont les meilleurs garants du développement durable ! (Applaudissements à droite)
M. Charles Revet. - Très bien !
M. Jean Boyer. - Un peu d'histoire ! (« Pas trop ! » à droite) « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France ». (Exclamations et rires sur divers bancs) Voilà les mots qu'aimait répéter Sully, l'ami et le ministre d'Henri IV. Certes, les vaches laitières ne produisaient pas 8 000 litres de lait et les rendements céréaliers n'atteignaient pas huit tonnes à l'hectare ! La fertilisation chimique n'existait pas, les herbicides non plus. II fallait nourrir la France et le monde. Ce constat était quasiment identique après la Grande guerre.
Depuis cinquante ans, les évolutions techniques, humaines et sociales se sont succédé. La mécanisation a remplacé la main-d'oeuvre. Aujourd'hui, l'agriculture doit toujours nourrir les hommes mais de grands espaces sur tous les continents sont devenus productifs et compétitifs. L'agriculture française évolue dans une jungle mondiale où la bataille est sans pitié. Nous n'avons pas le droit d'être désespérés mais nous avons le devoir de dire la vérité.
On ne peut parler d'aménagement du territoire sans évoquer l'agriculture. Aujourd'hui, de nombreux exploitants craignent de ne plus avoir de voisins. Ils souhaitent une parité humaine et sociale : la mécanisation a réduit la main-d'oeuvre, les épouses travaillent de plus en plus à l'extérieur. Les villages n'ont souvent plus d'école, le ramassage scolaire est coûteux et pas toujours pratique. Les agriculteurs risquent de se délocaliser, ce qui les poussera, à terme, à abandonner leur métier.
Lorsqu'il y a un malaise national ou européen, les problèmes ne sont pas obligatoirement de même gravité, mais il ne faut surtout pas opposer telle filière à telle autre.
M. Didier Guillaume. - Tout à fait !
M. Jean Boyer. - L'agriculture est un tout qui est déterminant dans la balance commerciale. La France est le premier producteur végétal et animal de l'Union. Elle est le troisième exportateur du monde en agro-alimentaire.
L'ancien agriculteur que je suis, éleveur en Haute-Loire, département voisin de celui de Jacques Blanc, souhaite enfin vous parler des zones de montagne dont les handicaps naturels aggravent la morosité : la collecte de lait est menacée dans certaines zones où la densité est trop faible, et donc génératrice de frais supplémentaires. Les restructurations sont inquiétantes car les repreneurs veulent des secteurs rentables. Peut-on espérer un retour de l'aide à la collecte en vigueur il y a une quinzaine d'années ? Le lait, c'est le salaire du paysan ! Je reviendrai tout à l'heure sur la prime herbagère (Phae). Quant à l'indemnité compensatrice de handicaps naturels...
Certes, les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent, mais il est temps d'appliquer la revalorisation de 50 % !
Avant de conclure, je voudrais exprimer une inquiétude quant à l'autonomie des chambres d'agriculture, des lieux de proximité précieux pour tout ce qui gravite autour des activités agricoles. (Applaudissements au centre et à droite)
La séance est suspendue à midi et demi.
présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente
La séance reprend à 14 h 35.