La Poste (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée).
Motion référendaire
M. le président. - J'informe le Sénat qu'en application de l'article 11 de la Constitution et de l'article 67 du Règlement, M. le président Bel, Mme la présidente Borvo Cohen-Seat, M. le président Collin et plusieurs de leurs collègues présentent une motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales.
En application de l'alinéa premier de l'article 67 du Règlement, cette motion doit être signée par au moins 30 sénateurs dont la présence est constatée par appel nominal.
Il est procédé à l'appel nominal des signataires
M. le président. - Acte est donné du dépôt de cette motion.
(Mmes et MM. les sénateurs des groupes de gauche se lèvent et brandissent chacun une affiche jaune barrée d'un mot : « RÉFÉRENDUM »)
Après ce mouvement spontané de reprographie destiné à la photographie (sourires), la discussion de cette motion pourra avoir lieu demain mercredi 4 novembre, de 9 h 30 à 12 h 30. Par analogie avec les propositions de loi, la discussion de la motion débutera par l'intervention de l'un des auteurs de la motion, pour vingt minutes maximum. J'imagine qu'elle sera défendue par le président Bel ? (M. Jean-Pierre Bel le confirme)
La commission pourra ensuite exprimer son avis sur le texte de la motion, de même que le Gouvernement. En accord avec les groupes, le temps sera réparti à la proportionnelle. Afin que nous ayons un débat ordonné, les inscriptions de parole devront être faites aujourd'hui au service de la séance avant 18 heures. Le Gouvernement pourra répondre aux orateurs.
Le Sénat se prononcera par un seul vote sur le texte de la motion et par un scrutin public ordinaire.
Discussion générale (Suite)
M. Jacques Blanc. - Dans ce débat passionné ouvert par la consultation de la rue, le travail formidable accompli par la commission en accord avec le Gouvernement permet de prendre un peu de hauteur.
M. David Assouline. - Attention ne pas s'envoler !
M. Jacques Blanc. - Nous pourrons ainsi évoquer l'oiseau bleu battant pavillon sur les vélos jaunes -aujourd'hui les Renault jaunes- des postiers. Cet oiseau bleu fait partie de l'histoire commune des Français, je dirais même de leur identité nationale. Il est le fleuron d'un bloc non négociable de service public de proximité.
Mme Raymonde Le Texier. - « Non négociable » est le mot !
M. Jacques Blanc. - Le médecin de Lozère que je suis a plus d'une fois accompagné des postiers dans la neige. (Applaudissements ironiques à gauche)
M. Adrien Gouteyron. - Ils ne savent pas ce que c'est !
M. Jacques Blanc. - Je sais ce que cet oiseau bleu représente pour le tissu social de notre pays.
Par tout temps et en toute circonstance, cet oiseau bleu a porté dans son bec les missives, les cartes postales, les bonnes et mauvaises nouvelles.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous allez nous faire pleurer !
M. Jacques Blanc. - Pendant la guerre, c'est lui qui a réchauffé le coeur des combattants et de leurs familles. C'est lui réchauffe encore celui des personnes âgées, isolées dans nos hameaux. Personne n'a le monopole du coeur (applaudissements chaleureux à droite) envers les postiers ! Nul n'a le droit de les utiliser à des fins politiciennes ! (Mêmes mouvements)
M. Jean-Jacques Mirassou. - Comme les gaziers !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous n'êtes pas crédible !
M. Jacques Blanc. - Loin de chercher à mettre du plomb dans les ailes de cet oiseau, nous voulons tracer un cap et l'alléger pour qu'il vole plus haut, plus loin et plus vite au service de toute la population. (Sarcasmes à gauche ; marques de soutien à droite)
L'ouverture à la concurrence le 1er janvier 2011 ? Vous en êtes, dans l'opposition, responsables autant que nous, car elle était voulue par tous les gouvernements de gauche et de droite en France et en Europe comme dans le monde !
D'ailleurs, comment une activité postale pourrait-elle ne pas être ouverte sur le monde ? On peut tromper les postiers, mais il vaut mieux prendre le taureau par les cornes. C'est ce que le Gouvernement a fait.
L'ouverture à la concurrence est inévitable avec l'essor d'internet. On peut se croiser les bras, mais il est plus sérieux de conforter le caractère public du capital, d'adapter le statut et apporter 2,7 milliards d'euros dans le respect d'une double ambition pour La Poste : rester une très grande entreprise dont nous sommes fiers et assumer les missions de service public.
Grâce à la commission et au Gouvernement, nous inscrivons dans la loi que capital restera public. (Le brouhaha couvre la voix de l'orateur)
M. Daniel Raoul. - On a déjà donné !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - GDF !
M. Jacques Blanc. - Nous modernisons, mais en gardant les racines avec l'obligation d'une présence territoriale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Personne ne vous croit !
M. Jacques Blanc. - Nous voulons sauver ce service public !
M. Daniel Raoul. - Menteur !
M. Jacques Blanc. - Oui, les 17 000 bureaux seront inscrits dans la loi !
Oui, nous renforçons la capacité à conclure des partenariats. (Le tumulte persiste)
Samedi, j'ai reçu les représentants des postiers à La Canourgue, à qui j'ai proposé d'étoffer l'activité insuffisante de certains bureaux de poste en concluant des partenariats avec Électricité réseau distribution de France (ERDF) ou France Télécom. (Protestations à gauche) Et pourquoi n'y aurait-il pas d'activités commerciales ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Pour vendre des cacahuètes !
M. Jacques Blanc. - Au-delà des vociférations, chacun sait que l'immobilisme condamnerait La Poste.
Les moyens que vous avez obtenus pour le fonds de compensation apportent une grande sécurité aux 17 000 bureaux. Vous maintenez la règle des vingt minutes ou des cinq kilomètres...
M. Jean-Jacques Mirassou. - Pour l'oiseau ?
M. Jacques Blanc. - ... à l'exception de certains points de contact, qui devront faire l'objet d'une décision unanime des élus. (On s'étonne à gauche) De droite ou de gauche, nous défendons tous La Poste ! Je vous ai déjà dit que vous n'aviez pas le monopole du coeur ! Renoncez à une attitude pas très digne.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Comédie !
M. Jacques Blanc. - Quant au référendum, il est trop facile d'interroger les gens alors que vous savez que nul ne veut privatiser La Poste. (On applaudit vivement à droite, alors qu'à gauche on scande le mot « référendum »)
M. le président. - Il vous reste 30 secondes.
M. Jacques Blanc. - Avec toutes ces interruptions, il faudrait arrêter la pendule.
Le projet de loi consacre les quatre missions de service public exercées par La Poste : l'unicité tarifaire sur le territoire et la distribution six jours sur sept ; la livraison de la presse sur tout le territoire ; la présence territoriale ; l'accessibilité bancaire. Grâce à la commission et au Gouvernement, nous sommes fiers de sauver ici le service public de La Poste ! (Très vifs applaudissements à droite, où l'on félicite l'orateur)
Mme Évelyne Didier. - Revenons aux arguments.
Le Gouvernement est aux prises avec un paradoxe : il veut faire croire au renforcement de la présence postale, alors que la transformation en société anonyme exige une rentabilité économique. Avant d'être rentable, un bureau de poste est utile. La rentabilité condamnerait des milliers de bureaux. D'ailleurs, la présence postale a déjà reculé dans les territoires ruraux, les obligations d'aménagement du territoire ayant été successivement allégées par les lois et les contrats de service public préparant l'ouverture à la concurrence. Un rapport de la Commission européenne avait déjà souligné en 2006 que « l'accès aux services postaux dans les régions isolées risque de pâtir » de la libéralisation.
L'inquiétude n'est donc pas nouvelle. En Meurthe-et-Moselle, j'ai été sollicitée par de nombreuses communes et des collectifs de défense ne supportant plus la lente agonie des services postaux. Bien avant cette réforme, tout était fait pour tuer à petit feu les agences locales non rentables. Ainsi, la réduction de l'amplitude horaire se poursuit à Onville et à Leyr. Dans cette dernière commune, la prise d'activité des facteurs a été transférée à vingt kilomètres de leur tournée ! A Onville, l'unique agent du guichet n'est qu'aléatoirement remplacé lors de ses absences. Un écriteau apposé sur la porte informe le jour même les usagers... La Poste prétend que les clients peuvent traiter la plupart de leurs opérations sur internet, oubliant que ces mêmes personnes sont confrontées à l'isolement des réseaux de télécommunications.
La commission Ailleret souhaite réduire les recettes liées au service public, pour « arriver à l'équilibre ».
Si l'État continue de participer au capital, il se désengage parallèlement du financement des missions de service public. Ainsi, il doit un milliard à La Poste à ce titre. Il faut rembourser en priorité les charges indues. Le changement de statut fait peser un risque sur ces missions. Vous nous direz que celles-ci sont confortées par la loi, mais comment faire sans financement ?
L'article 2 bis affirme graver dans la loi les 17 000 points de contact, mais de quoi parle-t-on ? Le nombre de bureaux de plein exercice a chuté, passant de 14 147 en 1999 à 11 422 fin 2008. Le nombre d'agences postales communales et des relais poste a augmenté dans le même temps, mais on n'y fait pas les mêmes choses. Les agences postales communales résultent d'un chantage à la présence postale. Les collectivités qui font ce choix supportent une charge indue et mal compensée.
M. Jacques Blanc. - C'est faux.
Mme Évelyne Didier. - Ce que vous nommez partenariat, nous l'appelons racket.
La direction de La Poste estime que « la transformation de 500 bureaux de poste par an en agence communale ou en relais poste pourrait permettre de ramener le surcoût généré par cette mission d'aménagement du territoire à 260 millions en 2011 ». Une telle logique fait craindre le pire pour la mission de service public liée à l'accessibilité bancaire, qui n'est assortie d'aucune obligation territoriale. Pour ce qui est de l'aménagement du territoire, la commission supérieure du service public des postes et télécommunications a regretté que le financement du fonds de péréquation de la présence postale demeure insuffisant et incertain. Il est abondé par l'exonération sur la taxe professionnelle dont bénéficie La Poste à hauteur de 85 % -100 % désormais grâce à la commission du Sénat. La taxe professionnelle, ça vous dit quelque chose ? Alors qu'elle est appelée à disparaître, comment ce fonds sera-t-il alimenté demain ?
Les directives européennes n'interdisent pas de faire supporter à l'ensemble des opérateurs une obligation de desserte de l'ensemble du territoire et n'obligent nullement à changer de statut. La définition des normes de qualité de service et des règles d'accessibilité des bureaux demeure également une prérogative nationale.
Nous ne voulons pas d'une telle « modernisation ». De trop nombreux exemples européens prouvent que l'ouverture à la concurrence cumulée au changement de statut se traduit par une dégradation des services. En Suède, la libéralisation a entraîné la suppression d'un tiers du personnel et des bureaux de poste, le prix du timbre a augmenté de 40 % pour l'usager et baissé de 30 % pour les entreprises.
L'État se dégage de ses responsabilités en faisant confiance aux marchés pour la régulation. Nous serons des opposants déterminés à ce texte qui sonne le glas des missions de service public confiées à La Poste, et met en péril la cohésion nationale et le pacte républicain. (Applaudissements à gauche)
M. Jean Desessard. - Excellent !
Mme Bariza Khiari. - Vous présentez ce projet de loi dans un contexte particulier : l'inquiétude de la société française face aux politiques de libéralisation menées tambour battant, à la précarité montante, au sentiment de déclassement est palpable. On s'inquiète pour l'avenir de la nouvelle génération, pour l'avenir du territoire. Ce qui hier était assuré peut aujourd'hui être remis en cause à tout moment.
Le lien social se délite. On peut y voir l'émergence de l'individualisme et le recul des solidarités traditionnelles. Pour ma part, j'explique ce délitement par le libéralisme non tempéré appliqué à tous les pans de notre économie. Le travail dominical fragilise les familles, le paquet fiscal privilégie les plus aisés aux dépens de la classe moyenne. Les dérégulations précarisent chaque jour davantage nos concitoyens, brouillent leurs repères et dégradent leur vie quotidienne. Votre politique se résume à l'affaiblissement des solidarités collectives issues du programme du Conseil national de la Résistance. Non seulement le périmètre du service public s'est réduit comme peau de chagrin, mais là où il est indispensable vous ne lui donnez plus les moyens d'assurer un service de qualité.
Pour dissiper ce climat anxiogène et occulter les vraies difficultés, vous nous proposez un débat sur l'identité nationale. Le tempo est choisi à dessein avec une manoeuvre de diversion, pour masquer notamment la dégradation de l'emploi, et des visées électoralistes qui ne trompent personne. Il apparaîtra sans doute que l'attachement au service public est une des composantes fortes de l'identité nationale. Vous avez les yeux rivés sur un tableau de bord mesurant les performances financières, les coûts et les surcoûts, sans prendre la mesure de l'attachement de nos concitoyens à leur Poste, qui explique l'intérêt porté à la votation citoyenne.
M. Roland Courteau. - Eh oui !
Mme Bariza Khiari. - Vous avez commis une erreur d'appréciation en n'anticipant pas une telle mobilisation, et une faute en la discréditant, en l'assimilant à une mascarade. (Applaudissements à gauche) Comment un gouvernement issu d'un mouvement dit populaire peut-il à ce point mépriser une expression populaire d'une telle ampleur ?
Grâce à un ouvrage intitulé Facteurs de France, on s'aperçoit que les 100 000 facteurs contribuent à créer un lien social fort et que leur passage quotidien marque un rythme important pour nombre de nos concitoyens. Ils contribuent ainsi à incarner l'égalité républicaine et l'unité du territoire : le postier est l'image de la République.
Ce projet de loi menace les missions de service public de La Poste. Le Gouvernement nous assure qu'il n'est pas question d'ouvrir son capital à des actionnaires privés, mais les expériences récentes nous montrent qu'un changement de statut est l'antichambre de la privatisation.
M. Roland Courteau. - Evidemment !
Mme Bariza Khiari. - Un conseiller du Président de la République a déclaré ce matin qu'il n'y a pas de garantie éternelle et qu'on ne peut parler de verrou pour le service public à caractère national.
Le financement des missions de service public est compromis. Même en portant à 100 % l'abattement de taxe professionnelle et la future cotisation complémentaire, le fonds de péréquation demeurerait sous-alimenté. La fin du secteur réservé fragilise le principe de la péréquation tarifaire, instrument essentiel de l'égalité républicaine. La création d'un fonds de compensation abondé par les nouveaux entrants n'y changera rien. A court terme, l'un des derniers services publics de proximité est voué à disparaître. La présence postale ne joue pas seulement un rôle essentiel dans les zones rurales, mais aussi à Paris et dans les zones urbaines sensibles.
Jean-Pierre Sueur s'alarmait déjà en 1998, dans un rapport baptisé « Demain la ville ». Alors qu'avec 315 000 employés de La Poste, on comptait à l'époque un employé postal pour 180 habitants, ce ratio était de 1 pour 670 dans les zones urbaines sensibles. 40 % de ces territoires, où vivent plus de 4 millions de personnes, étaient dépourvus de bureau de poste. Aujourd'hui, La Poste ne compte plus que 290 000 employés. Il y a 942 points de contacts dans les quartiers sensibles, mais ce chiffre en augmentation ne masque pas le cruel abandon de ces espaces. La Seine-Saint-Denis compte toujours un bureau de poste pour 15 000 habitants.
Du fait de la faiblesse des effectifs, le moindre incident perturbe l'ensemble du trafic. Les non-remplacements de personnels absents se traduisent par une ou plusieurs journées sans distribution dans certains secteurs de la première couronne, qui compte pourtant un nombre important d'entreprises. Certains courriers sont distribués de manière aléatoire et différée, les temps d'attente s'allongent.
Les quartiers sensibles souffrent déjà de malaises économiques et sociaux, d'une relégation par rapport à d'autres territoires. Va-t-on leur imposer un recul supplémentaire en limitant leur accès aux services de La Poste ? En restreignant progressivement l'implication de l'État, on renonce à reconquérir les territoires perdus de la République. Selon la convention signée en 1997 entre l'Anru et La Poste, cette dernière doit améliorer l'accessibilité des services postaux aux populations des zones urbaines sensibles. Lorsque des logiques de rentabilité seront au coeur du fonctionnement de l'entreprise, pourra-t-on envisager des politiques d'aménagement du territoire efficaces ?
Ne nous privons pas d'un instrument efficace pour aller vers ces quartiers. Le service public est consubstantiel à notre modèle social, porteur de valeurs de solidarité et amortisseur en temps de crise pour les plus défavorisés.
Le groupe socialiste s'opposera résolument à ce projet de loi. (Applaudissements à gauche)
M. Christophe-André Frassa. - Ce projet de loi a déjà fait couler beaucoup d'encre et a été l'objet d'un travail de sape de la part de certains syndicats et partis politiques. Au regard des enjeux auxquels La Poste devra faire face, il faudrait être aveuglé par je ne sais quel dogme, ou inconscient, pour ne pas comprendre qu'elle aura besoin d'une plus grande liberté de manoeuvre.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre implication personnelle dans ce projet et dans ce débat parlementaire. Je vous renouvelle mon soutien pour faire aboutir cette réforme afin de garantir la compétitivité de La Poste face aux nouveaux défis.
M. Alain Gournac. - Très bien !
M. Christophe-André Frassa. - J'évoquerai deux problématiques figurant dans le projet de loi : la détention du capital de La Poste et le rôle de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). La Poste deviendra, à compter du 1er janvier 2010, une société anonyme. Suivant la volonté exprimée par le Président de la République en décembre 2008, le Gouvernement s'est engagé à ce que son capital reste détenu à 100 % par l'État ou par d'autres personnes morales du secteur public. Les débats en commission ont permis d'améliorer la rédaction de l'article premier et je salue l'initiative de notre rapporteur, Pierre Hérisson, qui a souhaité que le capital soit détenu par l'État et par d'autres personnes morales appartenant au secteur public.
De nombreuses voix se sont élevées pour réclamer que ce capital soit détenu par l'État et la CDC. Souhaitant aller plus loin, je présenterai un amendement garantissant que seuls l'État et des institutions financières publiques françaises qui exercent des activités d'intérêt général pour le compte de celui-ci puissent entrer au capital de La Poste.
A ce jour, seule la Caisse des dépôts et consignations répond à ces critères. Ainsi, nous ne fermerions pas la porte à des institutions similaires à la CDC, tout en restant vigilants quant à ceux qui souhaiteraient y entrer à l'avenir. M. Estrosi m'a indiqué partager mes observations sur le fait que seuls l'État et la Caisse des dépôts doivent pouvoir détenir le capital de La Poste.
Le titre II élargit les missions de l'Autorité de régulation et définit les obligations de La Poste vis-à-vis de celle-ci. La rédaction pourrait laisser croire que seule La Poste devra se plier à ces contraintes, non ses futurs concurrents. Il convient de dissiper tout doute sur ce point. Quand l'opinion publique est abreuvée quotidiennement de contre-vérités, évitons de faire accroire à un traitement différencié... Pouvez-vous me confirmer que La Poste et l'ensemble des opérateurs sur le territoire français seront traités sur un pied d'égalité ? Vous vous êtes engagé à maintenir et préserver la présence de La Poste sur l'ensemble du territoire et votre projet de loi garantit, c'est un précédent, les quatre missions de La Poste. Les critères d'accessibilité au service universel seront maintenus. Vous avez pris des engagements concernant la mission d'aménagement du territoire et son financement. Les agences postales communales et les points relais chez les commerçants compensent en partie les carences et remplissent bien leur rôle. Les premiers résultats sont significatifs. Cependant, il serait judicieux de réfléchir à la possibilité de mutualiser les services publics et d'étendre les missions purement postales des bureaux très retirés. Sortons du face à face classique entre La Poste et les collectivités territoriales, la première cherchant à se délester de ses bureaux non rentables, les secondes refusant d'accroître leurs charges financières et la fiscalité locale. Offrons sous un même toit une gamme élargie de services socialement nécessaires ou d'intérêt général ainsi que des services publics aujourd'hui absents ou disparus des territoires, des conseils, expertises et prestations dans des domaines aussi variés que l'aide à la personne, la garde d'enfants ou les services à domicile.
Cette réflexion excède peut-être notre débat mais nous ne pourrons aider La Poste à se développer face à ses concurrents sans réfléchir à l'évolution de ces points d'accueil dans les zones les plus retirées. Et ce, dans le cadre de la mission de service public de La Poste, à laquelle nos compatriotes sont très attachés. (Applaudissements à droite)
Mme Annie David. - Toute réforme structurelle d'une entreprise s'accompagne de casse sociale et de détérioration des conditions de travail. Le personnel de La Poste est inquiet. Tous métiers confondus, l'entreprise compte 287 000 salariés, dont 142 000 fonctionnaires et 145 000 salariés de droit privés, dans 200 filiales en France et à l'étranger. Les métiers sont nombreux mais complémentaires, destinés à l'accomplissement des missions de service public. Cette diversité est aussi la conséquence de choix délibérés et constants des pouvoirs publics et des dirigeants de La Poste, pour aller à marche forcée vers une société commerciale assortie de nombreuses filiales. Déconstruire et diviser par activités, c'est diviser pour mieux réformer. La transformation des « PTT » en « France Télécom » et « La Poste » fournit ainsi l'occasion de donner aux salariés le choix entre la reclassification et le reclassement, entre demeurer fonctionnaire ou devenir contractuel soumis au droit privé. Les « ni ni » n'ont pas tous les droits du privé mais ne sont plus tout à fait des fonctionnaires. Ils subissent une discrimination dénoncée dans le rapport Larcher en 2002. Ainsi coexistent aujourd'hui situations salariales variées et régimes juridiques hétérogènes et inégalitaires, un « ornithorynque juridique » selon le personnel.
Votre réforme représente en outre un nivellement par le bas des retraites, une augmentation des cotisations et une baisse des pensions.
M. Guy Fischer. - Tout à fait vrai.
Mme Annie David. - Il faut trouver une solution qui satisfasse toutes les parties. Nous serons très vigilants quant aux suites données à ce dossier primordial. Il en est de même des actions gratuites qui seraient offertes aux salariés, du moins aux seuls cadres. Un tel dispositif associé à celui des primes -que nous contestons aussi- favorise une politique de bas salaire. Les reventes possibles d'actions par les salariés favoriseraient une privatisation indirecte et rampante. Et vous voudriez nous faire croire que jamais La Poste ne sera privatisée ! Vous entendez la transformer en société anonyme... comme avant elle France Télécom. Toutes deux sont issues des PTT et suivent un destin parallèle. A France Télécom, les situations humaines sont dramatiques et à La Poste, les salariés souffrent d'être confrontés à une gestion pathogène du personnel. Nous ne prônons pas le statu quo, nous appelons de nos voeux une réforme d'envergure qui se traduirait par la pérennisation du service public et par un statut juridique unifié, notamment grâce à la « convention collective unique » comportant des droits au moins équivalents à ceux contenus dans le code du travail.
On commence à mesurer la gravité de la souffrance au travail : la mission parlementaire sur le « mal-être au travail » en témoigne. Certaines entreprises font le choix de revenir en arrière mais l'actualité nous rappelle chaque jour les dégâts humains que l'ultralibéralisme engendre. Cette réforme est déjà dépassée et n'est plus en phase avec les besoins. Nous voterons contre la transformation de La Poste en société anonyme, qui n'est justifiée par aucune nécessité si ce n'est une future privatisation. (Applaudissements à gauche)
M. Guy Fischer. - Bravo.
M. Roland Courteau. - Ce sont des gouvernements de droite qui ont conduit les négociations de la troisième directive postale. On en est bien d'accord ?
M. Jean-Jacques Mirassou. - Exact !
M. Roland Courteau. - Le ministre français, M. Loos, avait indiqué que la France, si elle jugeait insuffisantes les garanties de financement du service universel, demanderait le maintien d'un secteur réservé. Toujours d'accord ? (On le confirme à gauche) Et pourtant, la proposition de directive n'a guère été modifiée et la France l'a approuvée. Seuls les eurodéputés de gauche ont voté contre, indisposés par le caractère ultralibéral de ce texte.
Monsieur le ministre, à qui voulez-vous faire croire que pour affronter la concurrence et se moderniser, il faut absolument changer de statut ? Il y a évidemment anguille sous roche : la transformation en société anonyme est le premier pas vers la privatisation. Personne n'a oublié le sort de GDF, dont le ministre Sarkozy jurait ses grands dieux qu'il ne serait jamais privatisé. (Applaudissements à gauche) Personne ne doute de la privatisation à venir, surtout après les propos du conseiller de l'Élysée ce matin. L'un après l'autre, les piliers du service public à la française s'effondrent. Et ce ne sont pas les faux remparts que vous faites mine d'ériger contre la privatisation qui rassureront les Français. M. Teston s'est largement exprimé sur cette digue de papier que vous prétendez dresser. En réalité, le sort de l'entreprise est scellé depuis longtemps. Le Gouvernement a pioché dans le rapport Ailleret pour préparer la privatisation future de La Poste. C'est votre choix, assumez-le !
En fait, ce changement de statut est surtout dogmatique et vous avez décidé d'engager une bataille idéologique. Vous nous trouverez face à vous, pour défendre une entreprise publique d'utilité sociale reconnue. Certains ont tenté de disqualifier la votation citoyenne, forme de référendum inspirée par celui mis en oeuvre par la Ligue des droits de l'homme : il fallait être majeur, présent physiquement et signer la liste d'émargement. Les Français se sont déplacés en masse -et à ceux qui dénigrent, qui dénient, je conseille d'aller consulter les listes d'émargement. Ils ont exprimé une volonté, la même qui se serait exprimée si le Gouvernement avait accepté d'organiser un référendum. (Les affiches jaunes sont à nouveau brandies sur de nombreux bancs à gauche) Leur attachement est fort parce que La Poste est beaucoup plus qu'un réseau de distribution, c'est un vecteur de lien social, d'aménagement du territoire, un symbole du service public à la française et de l'égalité républicaine.
Les sociétés futures ne sauraient être entièrement vouées à la performance financière ; la solidarité et le dévouement au bien commun ont leur place aussi, dans une organisation fondée sur le bien collectif, susceptible de compenser la toute puissance de la rentabilité. Votre projet de loi est néfaste. Vous persistez à refuser un référendum alors que le peuple a son mot à dire, car ce service public est sa propriété. Les enjeux de cette transformation sont lourds dans les zones rurales ou dans les quartiers populaires.
Auriez-vous peur du résultat ?
M. Bernard Piras. - Oui !
M. Roland Courteau. - Plutôt que de dédaigner la votation citoyenne, le Gouvernement aurait dû prendre en compte la mobilisation, car l'attachement au service public n'est pas l'apanage des gens de gauche ; il réunit aussi des gens de droite. Tôt ou tard, vous n'échapperez pas à un référendum car, tôt ou tard, il faudra bien que le projet de loi organique soit inscrit à notre ordre du jour : (applaudissements à gauche) tôt ou tard, vous verrez ce que pense le peuple !
Oui, votre projet est néfaste pour ce service public ! Oui, le statut public apporte des garanties et, oui, le statut d'exploitant autonome privé est tout à fait adapté ! Oui, nos craintes sont fortes car, non, nous ne voulons pas que La Poste devienne un vestige de notre modèle social !
Non, le projet ne garantit pas des financements pérennes et nous nous posons des questions pour le service postal universel et pour la péréquation postale territoriale. Nous proposerons des amendements pour que La Poste ne soit pas vouée aux suppressions d'emplois, à la réduction de la présence postale et à l'abandon de la distribution du courrier à J + 1. Pour poursuivre son développement, La Poste doit s'appuyer sur son personnel. Elle doit donc disposer d'un pacte social ambitieux et assurer emplois et perspectives de carrière.
J'ai reçu de nombreux courriers. L'un me demandait de choisir entre l'aventure et le bon sens, entre l'intérêt général et des orientations mercantiles. Notre choix est fait, c'est celui du bon sens et de l'intérêt général : nous nous opposons à votre projet ! (Applaudissements soutenus à gauche)
M. Alain Fouché. - La Poste occupe une place centrale dans la vie quotidienne de dizaines de millions de Français, par les missions qu'elle assume sur l'ensemble du territoire et parce qu'elle est le deuxième employeur après l'État. Ces dernières décennies, elle a su évoluer et s'adapter aux mutations économiques et sociales. Ces derniers mois, nous avons soutenu le projet de la Banque postale en prenant garde à son implantation territoriale. La Banque postale est une réussite totale et ses dirigeants ont su éviter les aventures qui ont tenté d'autres financiers.
Aujourd'hui confrontée à des bouleversements majeurs, elle doit investir pour affronter ses concurrents directs. Son statut l'empêche d'accéder à des financements élargis, il doit donc être modifié.
M. Daniel Raoul. - C'est faux !
M. Alain Fouché. - Tel est le sens de ce projet.
La présence territoriale est tout à fait nécessaire et elle est aussi souhaitable que le maintien du caractère entièrement public de l'entreprise. La commission de l'économie, dont le rapporteur travaille depuis des années sur La Poste, a apporté des garanties. C'est ainsi qu'il y a 17 000 points de présence postale et qu'il n'y aura pas moins de 17 000 points de contact sur le territoire national. Cela mérite d'être pleinement approuvé et le Gouvernement s'y est engagé.
La Poste, devenue une société anonyme, restera une entreprise publique. Le texte crée les conditions juridiques d'une augmentation de capital que ne pourront souscrire que des personnes morales dépendant du secteur public. Elle a besoin de 2,7 milliards d'euros pour arriver au niveau de ses homologues européennes et elle les recevra exclusivement de l'État ou d'entreprises publiques. Pas un euro ne pourra venir du privé, notre commission ayant bien précisé qu'en dehors de l'État, seules des personnes publiques pourraient participer à son capital.
Cela ne changera rien au statut du personnel fonctionnaire qui continuera de bénéficier des mêmes garanties d'emploi et de retraites et nous allons apporter des garanties pour les contractuels. Ainsi, au fur et à mesure de la réflexion, ce projet évolue vers une rédaction plus sûre et plus satisfaisante. Il répond à nos préoccupations pour la population et pour les territoires.
M. Jacques Blanc. - Très bien !
M. Alain Fouché. - Nous le voterons ! (Applaudissements à droite)
M. Jean Desessard. - Y a-t-il quelque chose à ajouter ...
Voix à droite. - Non !
M. Jean Desessard. - ...aux excellents discours de mes collègues de gauche ?
M. Jacques Blanc. - Et les nôtres ?
M. Jean Desessard. - Je me contenterai donc d'une simple interrogation : pourquoi le Gouvernement est-il représenté par ce ministre -je veux dire l'absent, le ministre de l'industrie. Il aurait été plus symbolique qu'il le soit par M. Woerth. Ministre du budget, il aurait pu répondre sur les crédits ; ministre des comptes publics, il aurait pu répondre sur la participation de la Caisse des dépôts ; ministre de la fonction publique, il aurait pu répondre sur les missions de service public et, ministre de la réforme de l'État, sur la modernisation de La Poste. Vous donnez un mauvais signal....
M. Jacques Blanc. - C'est le ministre de l'aménagement du territoire qui est là !
M. Jean Desessard. - Le second volet concerne la libéralisation ou, en termes plus académiques, la troisième directive européenne sur le secteur postal. L'argument souvent repris est qu'il faut s'adapter à la législation européenne, se soumettre à la concurrence et libéraliser le marché. Certes... Pour un peu on entendrait des regrets.
M. Jacques Blanc et M. Alain Gournac. - Que non pas !
M. Jean Desessard. - Mais qui a voté cette directive si douloureuse ?
M. Jacques Blanc. - La droite et la gauche !
M. Jean Desessard. - Pas les eurodéputés Verts, ils s'y sont opposés ! Ce sont les eurodéputés UMP...
Encore une erreur de manipulation, comme en a connu M. Lamour, qu'on avait connu plus habile dans les touches ? (Sourires)
M. Jacques Blanc. - Non !
M. Jean Desessard. - Non, en effet, puisque cette directive a reçu l'aval du Gouvernement. L'UMP est donc, au niveau européen, pour l'ouverture à la concurrence. Et l'on voudrait nous faire croire qu'il y a une coupure totale entre l'UMP de Bruxelles et celle du Palais du Luxembourg ? Cela ferait désordre pour un parti aux commandes et dont le chef suprême prétend moraliser le capitalisme mondial et éradiquer les paradis fiscaux. La ligne idéologique de l'UMP passe bien par l'ouverture du secteur postal à la concurrence.
Ce n'est pas si simple à mettre en oeuvre quand le Gouvernement craint la mobilisation des salariés et le rejet de la réforme par une opinion attachée aux voitures jaunes et à l'oiseau...
Voix sur plusieurs bancs. - ...bleu !
M. Jean Desessard. - Plus de deux millions de personnes ont participé à la votation citoyenne. Le Gouvernement craint aussi la rébellion des élus ruraux -mais si, la résistance d'élus UMP à des réformes, cela existe ! Il craint enfin l'inconstitutionnalité du projet en regard du Préambule de la Constitution de 1946. Alors, le Gouvernement avance masqué. Pour étouffer les résistances, il clame avec des accents de sincérité et la main sur le coeur que La Poste restera une entreprise publique, qu'elle sera im-pri-va-ti-sa-ble.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Quel concept !
M. Jean Desessard. - Mais la démonstration est connue : d'une administration publique, on passe à un établissement public, puis à une société anonyme détenue à 100 % par l'État, puis on garde 51 %, puis on abaisse la majorité et l'on se retrouve à 34 % et enfin on n'a plus qu'une société anonyme... (Applaudissements à gauche)
Mme Christiane Hummel. - C'est Madame Soleil !
M. Jean Desessard. - Je prends acte de votre principal argument pour défendre le changement de statut. Je ne pense pas à l'argument non avoué, celui du président de La Poste, initiateur de la réforme : je ne dirai rien de la multiplication par deux ou trois des rémunérations de certains dirigeants -ils jouent à qui aura la plus grosse (rires)...rémunération- non plus que leur soif d'acquisitions et de liquidations, de tout ce monopoly boursier qui est le jeu préféré des prédateurs.
M. Jacques Blanc. - Ces insultes ne sont pas acceptables !
M. Jean Desessard. - Non, je veux parler des 2,7 milliards qui seraient nécessaires pour moderniser La Poste.
Comme les règles européennes sur la libre concurrence ne permettent pas à l'État d'apporter ce concours, il faut doter La Poste d'un statut de SA, pour que la Caisse des dépôts et l'État investissent cette somme sous forme de capital.
M. le président. - Il vous reste une grosse minute. (Rires)
M. Jean Desessard. - Je suis là pour toute la semaine ; ce que je n'aurai pas le temps de dire tout de suite, vous l'entendrez plus tard -à moins que vous ne soyez plus là !
Vous pensez que la Commission européenne va être dupe de votre grosse ficelle : l'État et un établissement financier vont apporter 2,7 milliards, sans exiger un retour sur investissement et cela passerait inaperçu ! En réalité, vous lancez la privatisation avec un cadeau de 2,7 milliards. (On constate, à droite, que le temps de parole de l'orateur est écoulé : « Zéro ! ») Il faut décompter le temps des interruptions ! (Sourires)
M. Estrosi a dit hier craindre seulement que l'opposition ne lui pourrisse la semaine. Ce risque de vous pourrir la semaine, je le prends car que ce projet de loi va pourrir la vie de milliers de salariés, de millions d'usagers, pour des années et des années. (Vifs applaudissements à gauche)
Avec tous les groupes de l'opposition, les Verts vont s'opposer à ce texte, considérant qu'il doit être mis en débat dans la société et soumis à un référendum national. (Vifs applaudissements à gauche, où l'on brandit derechef les affiches jaunes)
M. le président. - La discussion de la motion référendaire aura lieu demain matin à 9 h 30. M. Bel, en tant qu'auteur de la motion, disposera de vingt minutes ; le rapporteur et le président de la commission vingt minutes, le Gouvernement d'un temps comparable, sachant qu'il est libre de sa parole. L'UMP disposera de 39 minutes, le groupe socialiste de 32 minutes, l'UC de seize minutes, le groupe CRC-SPG de quinze minutes, le RDSE de treize minutes et les non-inscrits de cinq minutes.
Après les réponses des ministres et les trois motions de procédure, nous allons entamer l'examen du projet de loi, avec son article premier sur lequel douze orateurs sont inscrits et où ont été déposés 27 amendements.
J'ai obtenu l'accord des groupes sur ce programme qui permet de ranger les placards jaunes. (On approuve à droite)
M. Guy Fischer. - Certainement pas !
M. le président. - La parole est à M. Mercier. (Les affiches sont brandies derechef)
M. Jean-Pierre Bel. - Ce sont des cartons jaunes !
M. Jacques Blanc. - Quel jeu d'enfants !
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. - Il est vrai que les Français aiment La Poste. Nous l'aimons tous, vous ne pouvez pas en douter, monsieur Fischer !
M. Alain Gournac. - Nous l'aimons autant que vous.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - De votre amour, nous attendons des preuves !
M. Michel Mercier, ministre. - Si nous sommes attachés à La Poste en tant que symbole du service public, c'est qu'avec 17 000 points de contact nous sommes le seul pays européen avec le Portugal à en avoir autant pas habitant. C'est ce maillage serré qui fait l'originalité de La Poste, symbolique de sa capacité à s'adapter à tout le territoire. Des garanties en ce sens sont apportées par ce projet de loi, renforcées par les amendements que la commission a adoptés et le Gouvernement acceptés.
La Poste, c'est à la fois le service postal universel, le transport et la distribution des journaux, la présence postale et l'accessibilité bancaire. Ces quatre missions essentielles forment un ensemble qu'il n'est pas question de partager. Dans le moindre hameau, le facteur passe chaque jour ; ce service est à la base de notre vie sociale, comme le fait qu'existe une banque postale dans laquelle tout le monde peut ouvrir un compte -ce qui donne une perception de l'activité bancaire différente de celle que fait apparaître la crise financière.
Le projet de loi tient compte de cet attachement. Mais il serait vain de vouloir maintenir partout des bureaux de poste et de ne pas offrir le très haut débit aux zones rurales. (Applaudissements à droite et au centre)
Près de 14 000 communes ont un bureau de poste et 60 % des bureaux de poste sont dans des communes de moins de 2 000 habitants. Le projet de loi maintient les quatre missions que j'ai rappelées. Rien n'obligeait le Gouvernement à le répéter dans ce texte.
M. Roland Courteau. - C'était bien le moins !
M. Michel Mercier, ministre. - C'est maintenant gravé dans le marbre de la loi.
M. Daniel Raoul. - Le marbre peut fondre.
M. Michel Mercier, ministre. - Vous avez une relation lointaine avec la pierre : j'ai rarement vu du marbre fondre.
M. Daniel Raoul. - Il suffit de le chauffer avec du gaz de France !
M. Michel Mercier, ministre. - Après l'inscription dans la loi des 17 000 points poste, il va falloir en étudier le financement. La Poste avance des chiffres ; une expertise indépendante doit être menée avant de mettre au point un financement.
Ministre de l'aménagement du territoire, je souhaite pouvoir utiliser La Poste pour d'autres services publics. On pourrait ainsi installer dans les points poste des bornes de vidéoconférence avec la MSA. (Marques d'approbation sur certains bancs UMP) Nous aurons l'occasion de développer ces thèmes lors des assises des territoires ruraux.
La Poste service public, service au public -tel est le but du Gouvernement ! (Applaudissements sur de nombreux bancs de la droite)
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. - Je vais répondre à chacun d'entre vous. (Plusieurs sénateurs à gauche brandissent les affiches jaunes appelant au référendum) Il ne sert à rien de manifester ainsi, il faut se parler droit dans les yeux, (exclamations à gauche) d'autant que je connais bien un certain nombre d'entre vous.
M. Yannick Bodin. - Arrêtez votre cinéma !
M. Christian Estrosi, ministre. - Je sais ce qu'est la politique : l'opposition est dans son rôle...
M. Didier Guillaume. - Au fait !
M. Christian Estrosi, ministre. - Depuis plusieurs années un certain nombre d'entre vous sont venus me voir régulièrement, notamment lorsque j'étais ministre en charge de l'aménagement du territoire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Aïe, aïe, aïe !
M. Christian Estrosi, ministre. - A l'époque, on me disait : « Je suis en zone blanche pour la téléphonie mobile, je n'ai pas l'ADSL, or vous venez de créer les pôles d'excellence rurale : ce serait bien que sur la santé, la culture, l'agriculture, le sport, le tourisme, les loisirs, la filière bois, l'élevage...
M. Roland Courteau. - Ca n'a rien à voir !
M. Christian Estrosi, ministre. - ...je fasse partie d'un pôle de compétitivité ».
Nous avons aussi discuté avec l'Association des maires de France de la Charte des services publics en milieu rural.
Alors, chacun va camper sur ses positions : c'est ainsi que va la vie démocratique. Mais nous sommes tous des élus locaux et nous sommes confrontés, depuis des années, aux mêmes réalités. Vous m'avez invité chez vous, parfois même pour inaugurer des bureaux de poste. (Exclamations à gauche) A chaque fois, j'ai malheureusement constaté une grande divergence entre la réalité du terrain et la politique politicienne. (Protestations sur les mêmes bancs)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il va nous faire pleurer !
M. Christian Estrosi, ministre. - Lorsque le Président de la République et le Premier ministre m'ont confié ce ministère...
M. Yannick Bodin. - Au fait !
M. Christian Estrosi, ministre. - ...avec, dans mon décret d'attribution, la charge d'une des plus belles entreprises publiques de notre pays, La Poste, après avoir mené tous les combats que j'ai livrés dans mes villages et dans mes cantons pour essayer de sauver ici un greffe de tribunal...
M. Didier Guillaume. - Parlons-en !
M. Christian Estrosi, ministre. - ...là une brigade de gendarmerie, ou encore une trésorerie ou un bureau de poste, je n'aurais jamais accepté de venir devant le Parlement défendre cette réforme si j'avais le sentiment que j'allais mettre en difficulté le service public de La Poste et le maintien à 100 % de son statut public (Applaudissements à droite, tandis qu'on le conteste vivement à gauche)
M. Guy Fischer. - On ne vous croit pas !
M. Christian Estrosi, ministre. - Je vous le dis avec la force de mes convictions et de ma détermination !
Entrons dans le débat : certes, il faut s'expliquer, rassurer. Vous essayez d'utiliser le spectre de la privatisation (On s'indigne à gauche)
M. Roland Courteau. - Et GDF ?
M. Christian Estrosi, ministre. - Vous êtes nombreux à vous préoccuper de l'intérêt général : vous aviez l'opportunité de nous présenter de vraies propositions pour donner sa chance à La Poste. Si vous vous préoccupiez des postiers et des dix millions de Français qui franchissent, chaque semaine, la porte d'un bureau de poste, vous devriez vous demander si, à partir du 1er janvier 2011, on ne va pas voir, semaine après semaine, mois après mois, année après année, des concurrents s'emparer des parts de marché de cette grande entreprise publique dont nous voulons garder la spécificité. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame)
M. Roland Courteau. - Pourquoi voulez-vous qu'on vous croit ?
M. Christian Estrosi, ministre. - Vous pouvez m'interrompre, ça ne changera rien ! Quand j'entends le dernier orateur dire : « Oui, on a décidé de vous pourrir la semaine », je m'étonne : est-ce digne d'un représentant du peuple ? (Applaudissements à droite) L'honneur et la dignité d'un élu de la République, c'est de venir dans cet hémicycle pour faire des propositions pour l'avenir de La Poste. Or, depuis le début de la discussion générale, je n'en ai entendu aucune, ou si peu ! (On s'en défend violement à gauche) La seule chose que j'ai entendue de la part de la gauche, c'est « Non à la privatisation » alors que nous avons apporté toutes les garanties nécessaires. D'ailleurs, pour reprendre les mots du sénateur Maurey, « J'ai l'impression que l'opposition joue à se faire peur...
M. Didier Guillaume. - C'est vous qui nous faites peur !
M. Christian Estrosi, ministre. - ...avec le spectre d'une privatisation qui n'existe pas. Je crois même que l'opposition va plus loin que de se faire peur avec la privatisation, elle utilise à dessein le spectre de la privatisation pour faire oublier qu'elle n'a pas de projet pour La Poste ». Telle est la réalité ! (Applaudissements à droite)
Je réaffirme solennellement que nous allons rendre « imprivatisable »...
M. Roland Courteau. - Sarkozy avait dit la même chose pour GDF !
M. Christian Estrosi, ministre. - ...La Poste sur la base de l'amendement de M. Retailleau... (On le conteste à gauche)
M. Roland Courteau. - C'est faux !
M. Christian Estrosi, ministre. - ...qui a parfaitement expliqué hier de quoi il s'agissait. Le seul fait d'invoquer le Préambule de la Constitution de la 1946...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Et la Constitution ?
M. François Rebsamen. - Vous essayez de nous enfumer !
M. Christian Estrosi, ministre. - ...permet de garantir ce service public à caractère national.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est faux ! Vous nous trompez !
M. Christian Estrosi, ministre. - Dès lors que cet amendement sera adopté, La Poste sera « imprivatisable ». (Vives exclamations à gauche)
M. Roland Courteau. - Et la décision du Conseil constitutionnel ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est complètement faux !
M. Christian Estrosi, ministre. - Il reste une possibilité pour privatiser La Poste : il faudrait supprimer le livret A, la distribution du courrier six jours sur sept, l'aménagement du territoire, le transport de la presse. Conformément au Préambule de la Constitution de 1946, il faudrait supprimer non pas un seul service public, mais les quatre missions de service public que nous ferons figurer dans ce texte pour pouvoir, après l'amendement de M. Retailleau, privatiser La Poste. Qui souhaite y procéder ? Certainement pas celles et ceux qui ont décidé d'adopter cet amendement ! (Applaudissements à droite) Ne serait-ce pas la gauche, alors, qui nourrirait le secret dessein de privatiser un jour La Poste, comme vous l'avez fait avec Air France, avec France Télécom, avec EADS, avec Thomson, avec les autoroutes du Sud de la France ? (Vives protestations à gauche) D'ailleurs, lorsque je regarde les 600 amendements d'obstruction que vous avez déposés, je ne peux m'empêcher de noter que certains suppriment le prix unique du timbre, la distribution du courrier six jours sur sept, la possibilité pour les salariés de La Poste de pouvoir devenir actionnaires de leur entreprise...
M. Didier Guillaume. - Vous l'avez dit hier !
M. Christian Estrosi, ministre. - Nous pouvons à juste titre nous demander qui souhaite privatiser La Poste ! (Nouvelles marques d'indignation sur les mêmes bancs)
M. Guy Fischer. - Belle démonstration !
M. Christian Estrosi, ministre. - J'ai entendu parler de statu quo, d'un retour en arrière sur l'ouverture à la concurrence. J'ai quasiment entendu parler d'en revenir au temps où La Poste était une administration des PTT, voire au temps des diligences... (« Oh ! » à gauche)
Est-ce là votre conception de l'avenir de La Poste ? Faut-il lui refuser toute perspective de développement ? Et que faites-vous des 2,7 milliards d'argent public qui vont entrer au capital de La Poste ? Y a-t-il un seul pays au monde où une privatisation d'une entreprise publique serait précédée par une augmentation de capital ? (Nouvelles exclamations à gauche) Il n'y a qu'à Socialo-Fantasmaland où l'on peut imaginer un tel scénario !
J'ai entendu une seule vraie proposition, hier soir, celle de M. Danglot, qui souhaite la création d'un grand pôle public réunissant la Banque de France, la Caisse des dépôts, Oséo et La Poste : je vous remercie, monsieur le sénateur, car vous avez été le seul à être constructif. (On se récrie sur les mêmes bancs) Hélas, le groupe communiste n'a pas déposé d'amendement sur ce point. (Exclamations sur les bancs CRC)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Que faites-vous de l'article 40 ?
M. Christian Estrosi, ministre. - Il s'est sans doute rendu compte que cette proposition serait difficile à mettre en oeuvre et qu'elle n'apporterait pas grand-chose aux Français. Donc, à part le statu quo, la gauche ne propose pas de projet alternatif.
M. Teston a parlé de sérénité : ce n'est quand même pas le Gouvernement qui a tout fait pour retarder le débat et qui a déposé des amendements d'obstruction. Votre intervention a surtout manqué d'ambition : votre seul projet, c'est de ne rien faire. C'est dommage !
M. Didier Guillaume. - Facile !
M. Jean-Pierre Bel. - Vous n'avez pas écouté ! Vous en êtes incapable !
M. Christian Estrosi, ministre. - M. Plancade a rappelé que la libéralisation des services postaux avait commencé avec l'Acte unique en 1986. Elle a continué ensuite avec la première directive de décembre 1997. Je dirais même que la première réforme de La Poste est intervenue en 1981 lorsque François Mitterrand a décidé de transformer l'administration de La Poste en établissement public.
M. Didier Guillaume. - Qui était Président de la République en 1997 ?
M. Christian Estrosi, ministre. - M. Plancade souhaite des garanties sur la pérennité du service public. C'est ce que fait le Gouvernement en acceptant d'inscrire les 17 000 points de contact dans la loi et en préservant les grandes exigences de qualité du service universel postal.
M. Danglot a eu des mots très durs en parlant de processus mortifère. Ce qui serait mortel, pour La Poste, c'est de ne pas lui donner les moyens nécessaires pour résister à l'ouverture à la concurrence et à la montée d'internet.
Monsieur Pierre, vous avez dit fort justement qu'il ne faut pas voir le diable là où il n'est pas. Il est de notre devoir vis-à-vis des Français et des postiers de débattre sereinement des moyens à allouer à La Poste pour lui permettre de se développer. Vous connaissez la force du lien social créé par La Poste, le fameux oiseau bleu. (On se gausse sur les bancs socialistes) Nous n'avons pas le droit de tromper les postiers : il y va de l'avenir de leur entreprise
M. Dominique Braye. - Très bien !
M. Christian Estrosi, ministre. - Monsieur Dubois, vous avez rappelé avec raison qu'il ne faut pas réduire ce débat à la seule question du changement de statut. Votre groupe, l'Union centriste, a d'ailleurs proposé d'enrichir le projet de loi en y inscrivant les 17 000 points de contact : je salue cette initiative.
Monsieur Mirassou, vous voulez sortir de ce débat par le haut : vous en avez l'occasion cette semaine.
Monsieur Tropeano, vous considérez que les droits et statuts du personnel doivent être au coeur de nos réflexions : c'est bien le cas, comme le montrent les mesures relatives à l'Ircantec qui assurent la pérennité du régime de retraite complémentaire des salariés, ainsi que la prévoyance santé qui constitue un droit nouveau.
Monsieur Blanc, vous voulez prendre de la hauteur : La Poste mérite mieux en effet qu'un débat sans objet sur une privatisation qui n'aura pas lieu. (Marques d'approbation à droite) Dans votre activité de médecin en Lozère, vous avez pu constater à quel point La Poste nouait un fort lien social : je le sais moi aussi. Nous avons d'ailleurs participé aux mêmes combats en Lozère et en Languedoc-Roussillon, au nom de nos valeurs communes.
M. Jean-Pierre Bel. - Avec qui ?
M. Christian Estrosi, ministre. - Madame Didier, vous vous êtes montrée soucieuse de la présence de La Poste sur tout le territoire : c'est justement l'objet de l'inscription dans la loi des 17 000 points de contact. Votre commission a d'ailleurs adopté un amendement du rapporteur visant à ce que le contrat de présence postale territoriale définisse les conditions minimales d'ouverture, les services offerts et les points de contact.
Madame Khiari, vous avez insisté sur le rôle social de La Poste. Les Français sont attachés à cette entreprise, le Gouvernement l'est également : c'est pourquoi il veut lui donner les moyens d'améliorer ses services. La mobilisation du 3 octobre dernier a montré que les Français ne souhaitent pas que La Poste soit privatisée : nous non plus, et c'est pourquoi nous avons voulu préciser que son capital resterait public. (On le conteste à gauche) Vous avez évoqué les propos d'un conseiller du Président de la République...
Plusieurs voix à gauche. - Guaino !
M. Christian Estrosi, ministre. - Il est vrai qu'aucune garantie n'est éternelle : mon pire cauchemar serait qu'après une alternance, la loi que vous vous apprêtez à adopter soit détricotée ! (Vifs applaudissements à droite)
Monsieur Frassa, vous avez souligné que le Gouvernement aborde ce débat dans un esprit d'ouverture. Il a accepté la proposition du rapporteur tendant à clarifier le texte initial, en précisant que le capital de La Poste sera détenu par l'État et d'autres personnes morales de droit public : il s'agit de la Caisse des dépôts. Vous avez parlé des pouvoirs de l'Arcep : le Gouvernement a déjà accepté plusieurs amendements à ce sujet et il est prêt à en soutenir d'autres, s'ils contribuent à une régulation équilibrée du secteur postal.
Madame David, vous avez évoqué la situation des fonctionnaires, notamment de ceux que l'on nomme improprement les « reclassés ». Plusieurs amendements relatifs à cette question ont été déposés, et nous aurons le temps d'en discuter. Quant à l'Ircantec, je répète que les droits des salariés seront préservés. (M. Pierre Hérisson, rapporteur, le confirme)
Messieurs Courteau et Desessard, vous persistez à parler de privatisation : ce dogmatisme est regrettable.
M. Daniel Raoul. - C'est bien le comble !
M. Christian Estrosi, ministre. - Enfin, monsieur Fouché, vous avez raison de souligner que La Poste a connu par le passé de grands succès, comme la création de la Banque postale.
Ne vous y trompez pas, mesdames et messieurs les sénateurs : ce débat se déroule devant les Français.
M. Daniel Raoul. - Eh oui !
M. Christian Estrosi, ministre. - Nous voulons allouer 2,7 milliards d'euros à La Poste pour lui permettre de faire face à la concurrence non seulement de la Deutsche Post et de la TNT néerlandaise mais aussi des petits groupes qui essaimeront sur le territoire.
M. Daniel Raoul. - C'est déjà le cas !
M. Christian Estrosi, ministre. - Qui peut nier que l'activité de La Poste liée au courrier a déjà diminué de 10 % ? Les facteurs nous révèlent que chaque matin, leur sac est un peu plus léger... Dans trois ou quatre ans, cette activité aura diminué de 40, voire de 50 %. Sachons saisir l'occasion de ce débat pour faire de La Poste une grande entreprise européenne, dotée de transports performants et de plates-formes logistiques exemplaires, pionnière dans le domaine du transport de colis ou de l'acheminement rapide grâce à Chronopost, aux TGV et aux avions, tournée vers le courrier électronique qui est au coeur du métier des postiers ! (Vifs applaudissements au centre et à droite ; M. le rapporteur applaudit également) Faisons en sorte que la Banque postale continue à offrir ses services aux plus vulnérables tout en atteignant un niveau de performance égal à celui des plus grandes banques européennes !
Je remercie les sénateurs de la majorité qui, je n'en doute pas, seront au rendez-vous parce qu'ils sont attachés au caractère public de La Poste et à l'amélioration de ses services, attendue par tous les Français. (Applaudissements au centre et à droite ; protestations à gauche)
La discussion générale est close.
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
Rappels au Règlement
M. Michel Teston. - Un proche conseiller du Président de la République a désavoué M. le ministre en indiquant qu'aucune garantie n'est éternelle. Celui qui fait une loi peut la défaire. Dès lors que le monopole de La Poste est supprimé, le caractère public de son capital risque d'être mis en cause. Souhaitons que le Conseil constitutionnel en décide autrement en déclarant que La Poste est un service public national. Mais une simple mention dans la loi ne suffit pas. (Applaudissements à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Depuis hier, nous objectons à M. le ministre que l'inscription dans la loi du caractère « imprivatisable » de La Poste n'a pas de valeur juridique. Qu'il ne fasse pas aux parlementaires l'injure de penser qu'ils ne connaissent pas la hiérarchie des normes : c'est seulement en inscrivant dans la Constitution que La Poste est un service public national que l'on empêcherait qu'une nouvelle loi ne revienne sur la définition de ses missions de service public. Nous avons bien compris la position du Conseil constitutionnel, qui a validé naguère la privatisation de GDF. Nous ne nous laisserons pas tromper par des déclarations. (Vifs applaudissements à gauche)
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (n°51, 2009-2010).
Mme Marie-France Beaufils. - Les motifs d'inconstitutionnalité, ici, ne manquent pas. Les dirigeants de notre pays tentent de nous faire croire que La Poste restera une entreprise publique, alors que rien dans le texte ne garantit expressément une participation majoritaire et pérenne de l'État au capital de la nouvelle société anonyme. J'espère, mes chers collègues, que vous ne vous laisserez pas abuser : l'expérience et le contexte nous mettent en garde.
Le changement de statut de l'exploitant public et sa soumission au droit commun des sociétés s'inscrivent dans un contexte de désengagement de l'État et d'ouverture à la concurrence du secteur postal, conformes aux politiques communautaires que le Gouvernement a soutenues en votant la dernière directive postale. La direction de l'entreprise n'a cessé de réduire les coûts pour faire des bénéfices au détriment des usagers et du personnel. Cette conception mercantile du service public est inacceptable. Et s'il n'a pas été possible de dénoncer l'inconstitutionnalité de toutes les décisions qui ont mis à mal le service public postal, nous allons faire la démonstration aujourd'hui que ce projet de loi qui tend à donner le coup de grâce à l'opérateur historique est inconstitutionnel et doit, à ce titre, être rejeté.
Il contrevient d'abord à l'alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que « tout bien, toute entreprise dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ». Malgré cela, le Conseil constitutionnel a validé la loi relative au secteur de l'énergie, loi qui privatisait GDF en dépit des belles promesses du ministre de l'économie devenu entre-temps Président de la République. Mais c'est une jurisprudence plus ancienne du Conseil qui explicite les notions de « monopole de fait » et de « service public national » : dans sa décision des 25 et 26 juin 1986, le Conseil a jugé que le monopole de fait doit s'entendre « compte tenu de l'ensemble du marché à l'intérieur duquel s'exercent les activités des entreprises ainsi que de la concurrence qu'elles affrontent dans ce marché de la part de l'ensemble des autres entreprises ». Or La Poste, du temps de l'administration des PTT comme depuis la création de l'établissement public en 1991, a toujours eu le monopole de l'activité postale.
Elle détient donc une position prépondérante sur l'activité postale.
Certaines activités postales se rattachent à des services publics nationaux constitutionnels, qui, selon le Conseil constitutionnel, ne peuvent être privatisés. Il en va ainsi du service public de la justice : la lettre recommandée est une formalité légale, créatrice d'effets juridiques. Or l'article 19 confirme votre volonté de privatiser cette activité, qui échappera même au contrôle réglementaire. Lors de l'examen de la loi de 2005, M. Hérisson avait pourtant défendu un amendement visant à réserver cette activité à La Poste... Les articles premier et 19 du projet de loi sont donc bien contraires à l'alinéa 9 du Préambule.
Le Préambule de 1946 protège également les services publics nationaux autres que constitutionnels. Il ressort de la jurisprudence de 1986, et notamment du considérant 53, que « si la nécessité de certains services publics nationaux découle de principes ou de règles à valeur constitutionnelle, la détermination des autres activités qui doivent être érigées en service public national est laissée à l'appréciation du législateur ou de l'autorité réglementaire selon le cas ».
M. Michel Mercier, ministre. - Et oui !
Mme Marie-France Beaufils. - La Poste fait partie de cette deuxième catégorie.
En 2004, le Conseil Constitutionnel a considéré qu'« en maintenant aux sociétés nouvellement créées les missions de service public antérieurement dévolues aux personnes morales de droit public EDF et GDF, le législateur a confirmé leur caractère de services publics nationaux ». L'organisation du service public postal a été fixée historiquement au niveau national et confiée par le législateur à une seule entreprise, La Poste, qui reste unique prestataire du service universel postal. L'entreprise exploite bien un service public national. Or vous lui ôtez le caractère de service public et ce ne sont pas vos amendements d'opportunité qui en maintiendront le caractère national ! Bref, le projet de loi vide le service public national de sa substance.
Le passage de « personnes morales appartenant au secteur public » à « personnes morales de droit public » ne garantit pas que le capital reste majoritairement entre les mains de l'État. Absence de majorité garantie à l'État, privatisation du statut, incertitudes sur le régime applicable aux personnels : tout va dans le sens d'une gestion privée, d'autant que rien ne garantit une nouvelle intervention du législateur en cas de privatisation. La logique de rentabilité, la possibilité de diviser le capital, le poids des intérêts privés seront déterminants. Le service public ne sera plus propriété de la collectivité. Il en découle que l'article premier du projet de loi est contraire au Préambule.
Ce texte bafoue les principes constitutionnels d'égalité devant le service public, d'égalité des salariés, de liberté syndicale. Dans sa décision du 16 juillet 2009 relative à la loi portant réforme de l'hôpital, le Conseil constitutionnel a estimé que « les établissements de santé privés exerçant des missions de service public seront tenus, pour l'accomplissement de ces missions, de garantir l'égal accès de tous à des soins de qualité ». Or le projet de loi ne garantit pas l'égal accès à un service postal de qualité.
L'article 2 précise que la nouvelle société anonyme contribue par son réseau de points contacts à l'aménagement et au développement du territoire. Ce réseau, qui est déjà en deçà des exigences d'un service public de qualité, est menacé par le changement de statut de La Poste et l'absence de consolidation du fonds postal national de péréquation territoriale. Les inégalités d'accès sur le territoire risquent de s'accroître. L'usager n'est pas traité sur le même pied selon que les missions de service public sont confiées à un relais poste ou à un bureau de poste. Ainsi, la preuve de dépôt d'une lettre recommandée est envoyée par l'établissement de rattachement dont dépend le relais poste : seule compte la date de dépôt saisie par l'établissement de rattachement. Autre exemple : dans les relais poste, le retrait maximum autorisé sur un CCP ou un livret A est de 150 euros par période de sept jours consécutifs. Le principe constitutionnel d'égalité devant les services publics n'est pas une abstraction : il s'agit des droits des usagers, à commencer par les habitants des zones rurales et des zones urbaines sensibles !
Les personnels sont également mis à mal. L'article 8 autorise La Poste, comme toute société commerciale, à employer des contractuels. Il fait référence à l'article 31 de la loi de 1990, qui précise que les dispositions du code du travail relatives aux comités d'entreprise et aux délégués du personnel et syndicaux ne sont pas applicables aux agents contractuels. Il renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de définir les conditions dans lesquelles les agents de La Poste sont représentés dans des instances de concertation -décret qui n'a toujours pas été publié ! Les agents contractuels de la future société anonyme ne sont donc pas protégés : c'est une violation du principe d'égalité des salariés.
Rien non plus sur la représentation individuelle des agents de droit privé, la protection des délégués du personnel. C'est une violation de la liberté syndicale, principe à valeur constitutionnel qui découle de l'alinéa 6 du Préambule de1946.
Le Gouvernement détourne la procédure constitutionnelle à son profit, au mépris de l'intérêt général. Depuis la révision constitutionnelle, l'article 11 de la Constitution autorise le référendum d'initiative populaire, mais le projet de loi organique nécessaire pour sa mise en oeuvre n'a toujours pas été déposé. Pourtant, dans nos communes, plus de deux millions de personnes se sont déplacées pour rejeter votre réforme de La Poste ! On comprend que le Gouvernement opte pour la procédure accélérée, alors que le droit communautaire n'impose nullement un changement de statut préalable à l'ouverture du secteur à la concurrence, dont l'échéance n'est fixée qu'au 1er janvier 2011 : votre but est de faire adopter votre projet avant que nos concitoyens ne puissent exiger une consultation populaire ! (Marques d'impatiences sur le banc de la commission, où l'on souligne que l'oratrice a dépassé son temps de parole). Moins d'un an après l'adoption de la réforme constitutionnelle, le Président de la République a pu s'exprimer devant les parlementaires à Versailles, mais le peuple, lui, est muselé ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie. - J'ai déjà répondu lors de la discussion générale. Le projet de loi n'est contraire à aucune disposition constitutionnelle ou législative. Au contraire, il donne à La Poste les moyens d'exercer ses missions de service public, en pleine conformité avec le Préambule de 1946. En outre, la transposition des directives communautaires est une exigence constitutionnelle. Ce projet de loi est non seulement recevable mais nécessaire. Avis défavorable.
M. Christian Estrosi, ministre. - S'il y a une entreprise qui assure le principe d'égalité devant le service public, c'est bien La Poste : chaque Français, où qu'il se trouve sur le territoire, a un égal accès au service postal.
La distance entre le domicile et le bureau de poste n'excède pas cinq kilomètres ou vingt minutes en voiture.
Quel que soit l'endroit où les Français vivent, le courrier leur est distribué six jours sur sept. Quels que soient leurs revenus, ils peuvent ouvrir un Livret A. Partout, ils peuvent recevoir des journaux acheminés à des conditions préférentielles par La Poste.
Cette entreprise est et restera exemplaire pour l'égalité devant les services publics. La motion est à contre-courant des réalités.
Mme Odette Terrade. - Les services publics n'étant pas de simples activités marchandes, le Constituant de 1946 a voulu protéger les citoyens contre les puissances financières en imposant à l'État d'intervenir dans certaines activités pour préserver l'intérêt général. Notre motion dénonce solennellement l'atteinte grave portée au Préambule de 1946 et à l'intérêt général. Cette atteinte inadmissible touche au noyau irréductible de ce qui doit appartenir à toute la collectivité.
Le législateur a fait de La Poste un monopole assurant un service public national, participant en outre à des services publics constitutionnels comme la justice ou la défense. Dépossédant la collectivité au profit d'intérêts privés, le projet de loi est donc inconstitutionnel.
Cette nouvelle atteinte au socle des services publics est d'autant plus grave que de lourdes responsabilités de défense nationale et de sécurité publique sont en cause. En effet, l'article R. 1-1-25 du code des postes et télécommunications, issu du décret du 5 janvier 2007, dispose que La Poste prend « toute mesure utile pour assurer l'exécution des missions de défense nationale et de sécurité publique qui lui sont prescrites. A ce titre, elle accomplit toute opération considérée comme indispensable à la continuité de l'action gouvernementale. » Comment confier pareille mission à une société anonyme ? L'entreprise doit rester sous le contrôle exclusif de l'État !
J'ajoute que la volonté de livrer in fine l'exploitant public au privé est source d'incohérences. Ainsi, l'article 7 du projet de loi dispose que les fonctionnaires de La Poste sont placés sous l'autorité de son président, qui les gère. Le Gouvernement invoque l'avis rendu le 18 novembre 1993 par le Conseil d'État pour nous rassurer quant à l'éventuelle violation de l'article 13 de la Constitution ou de l'ordonnance du 28 novembre 1958, qui précise dans quelles conditions le du Président de la République peut déléguer son pouvoir de nomination. Or, l'article 7 du projet de loi autorise le président de La Poste à subdéléguer « ses pouvoirs de nomination et de gestion », ce qui revient à permettre la nomination de fonctionnaires par des salariés de droit privé !
Ainsi, les griefs d'inconstitutionnalité sont nombreux.
M. Estrosi s'est dit prêt à reconnaître le caractère de service public national de La Poste. Il faudrait donc retirer le projet de loi car nous disons qu'un service public national doit être assuré par un établissement public national. Malgré vos manipulations pour suggérer le contraire, nos différences sont irréductibles.
Selon le Conseil constitutionnel, la privatisation « d'une entreprise exploitant un service public national suppose que le législateur prive ladite entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public national ». En l'occurrence, que nous propose-t-on d'autres ? Le Gouvernement veut donc inscrire dans la loi l'existence d'un service public alors que ses caractéristiques sont éliminées par le même texte.
Pour protéger l'intérêt général et les attributions régaliennes de l'État, pour préserver un outil essentiel de la solidarité nationale, nous voterons évidemment cette motion que nous soutenons avec force ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Teston. - Notre règlement dispose que les motions de procédure sont exposées par un orateur mais qu'un orateur d'opinion contraire s'exprime ensuite. Jusqu'à présent, seul le rapporteur a parlé, sans expliciter son raisonnement. Notre règlement me semble mériter une meilleure application.
Le groupe socialiste soutient la motion.
Sans revenir sur le lien entre le statut et l'exercice d'un service public national, je relève que cette transposition de la directive européenne va à l'encontre de la définition d'un service public national. En effet, l'arrivée de nouveaux opérateurs brise le monopole inscrit dans le Préambule de 1946, ce qui permettra au Gouvernement d'ouvrir ultérieurement le capital de La Poste à des intérêts privés. (Applaudissements à gauche)
A la demande de la commission, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l'adoption | 152 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. - Motion n°540, présentée par M. Bourquin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (n°51, 2009-2010).
M. Martial Bourquin. - Commençons par lever une ambiguïté : les sénateurs socialistes ne sont pas là pour « pourrir la semaine du Sénat ». Ils sont là pour travailler !
J'ai évoqué la séance d'hier avec le président du Sénat, qui a jugé toutes les interventions de bon niveau. L'existence de désaccords n'autorise pas à caricaturer les opposants comme des « archéos ». Utiliser les divergences pour jeter ainsi l'opprobre et brocarder l'opposition est d'une incroyable facilité. Nous sommes là pour travailler et faire des propositions. (Applaudissements à gauche)
Les interventions de Michel Teston hier, ainsi que celles des autres orateurs, étaient de qualité. Ils ne sont pas d'accord avec vous, mais respectez-les.
Ce n'est pas parce que vous nous dites la main sur le coeur, d'une voix vibrante, que vous n'allez pas privatiser que vous ne le ferez pas. L'exemple de GDF crée un précédent. Pire, la DDE, qui était un facilitateur de projets, a disparu de nos territoires. Le Gouvernement est mal placé pour se poser en défenseur des services publics. Ont également disparu les directions départementales de l'agriculture, des tribunaux, des gendarmeries, des classes ont été fermées... Des élus de tous bords souhaitent que cesse ce déménagement du territoire et que son aménagement prenne le pas sur la révision générale des politiques publiques.
Des élus ruraux comme des élus urbains doivent parer au départ de services publics nationaux. D'un côté on reproche à ces collectivités de coûter cher, de l'autre on ne cesse de leur donner de nouvelles compétences. Des présidents de départements de droite comme de gauche ne peuvent boucler leur budget avant le mois de mars car les charges sont de plus en plus lourdes. Le Gouvernement n'assume pas ses décisions.
On ne peut aborder ce débat comme l'a fait M. le ministre : c'est manquer de respect à l'opposition, à des présidents de région, à des maires, à des présidents de conseils généraux, à des élus du suffrage universel. (Applaudissements à gauche) Si nous avons une divergence, portons-la au fond.
M. Christian Estrosi, ministre. - Je vous attends, faites-moi des propositions.
M. Martial Bourquin. - Sur le fond, je pense que ce projet est inutile et dangereux.
M. Christian Estrosi, ministre. - J'attends vos propositions.
M. Martial Bourquin. - Michel Teston n'a fait que des propositions... La loi destinée à assurer le financement de La Poste dans la situation concurrentielle dans laquelle nous nous trouvons est encore à inventer, et vous ne nous la proposez pas. Pour ce qui est de la transformation de La Poste en société anonyme, j'ai la faiblesse de penser...
M. Christian Estrosi, ministre. - J'attends toujours.
M. Martial Bourquin. - Monsieur le ministre, vous n'êtes pas sur les bancs de l'opposition, vous devriez avoir une certaine retenue.
M. Piras - Ne jouez pas les voyous !
M. Martial Bourquin. - La société anonyme, c'est le premier des deux étages de la fusée. Ensuite, un autre gouvernement, peut-être après le remaniement qui suivra les élections régionales, pourra privatiser La Poste en toute sécurité. Ce qu'une loi met en place peut être défait par une autre loi.
L'Epic est une garantie, c'est pourquoi vous n'en voulez pas. La directive ne vous oblige nullement au changement de statut. Ce débat est idéologique et vous n'avez rien compris à la crise actuelle, provoquée par la libéralisation à outrance.
M. Alain Fouché. - C'est un débat sur le territoire.
M. Martial Bourquin. - La bulle financière nous a menés au chaos.
A terme, vous visez la privatisation. Les élus doivent savoir que cette loi aura pour conséquence un désengagement très important de La Poste de nos territoires. Les 17 000 points de contact ne constituent pas une garantie. Je participe à une commission de présence postale départementale : je sais comment on ferme un bureau de poste. On diminue l'amplitude horaire et le bureau n'ouvre plus qu'une heure ou une demi-journée, ce qui entraîne sa désaffection puis sa fermeture, avec des suppressions d'emploi. On n'a jamais observé autant de suppressions d'emplois de postiers, qui s'accompagnent d'une précarisation de ces fonctionnaires. Après les maires n'auront d'autre choix que de créer un point de contact ou une agence postale.
Vous préparez la concurrence avec le déménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Monsieur le ministre, il vous manque une volonté politique forte. Vous avez choisi d'injecter 2,7 milliards d'euros pour faire face à 6 milliards de dette et à un programme ambitieux de modernisation. Pourquoi ne pas proposer de financer ces projets par le grand emprunt ? Dans un contexte de défiance à l'égard des banques, pourquoi ne pas renforcer l'image et les compétences de la Banque postale au sein d'un pôle financier public ? Vous vouliez des propositions, en voilà... Pourquoi ne pas mettre en avant la Banque postale, différente, proche des citoyens et qui n'a pas joué avec les capitaux nocifs ? Pourquoi l'absence d'une telle action de communication auprès des Français alors que la moitié d'entre eux sont prêts, aujourd'hui, à changer de banque ?
Vous vous cachez derrière l'Europe pour justifier le changement de statut. C'est de l'idéologie pure que d'associer société anonyme et mise en concurrence. Michel Teston a montré qu'un Epic peut affronter la concurrence et poursuivre la modernisation de La Poste. Vous n'avez jamais envisagé sérieusement d'autres scénarios pour assurer le financement pérenne de La Poste. Vous ne pouvez répéter autre chose que modernisation et société anonyme. Vous auriez pu vous battre en Europe pour que l'Epic soit reconnu, comme la France a su faire reconnaître son originalité dans le domaine culturel.
Certes, la privatisation interviendra plus tard, mais elle n'en sera pas moins réelle. D'ailleurs, Henri Guaino n'a pas la même position que vous sur la possibilité d'une privatisation, qu'il ne rejette pas a priori. (Protestations à droite)
M. Jean Desessard. - C'est clair !
M. Martial Bourquin. - Cette cacophonie dans le Gouvernement (exclamations à droite où l'on rappelle que M. Guaino n'est pas membre du Gouvernement) montre qu'après que 2 millions de personnes ont voté pour garder La Poste publique, vous travaillez en recul pour préparer cette privatisation. Vous avez le droit de le vouloir mais alors dites-le ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nous assumons notre choix politique, qui est de nous y opposer fermement, et je vous engage à faire de même.
Monsieur Maurey, quand plus de 2 millions de personnes se sont déplacées pour manifester leur souhait de garder La Poste telle qu'elle est... (Protestations à droite)
M. Alain Fouché. - Ce n'est pas la question !
M. Martial Bourquin. - Si vous pensez qu'il faut faire autrement, faisons-le !
M. Jean Desessard. - Le référendum !
M. Martial Bourquin. - Faisons un réferendum pour consulter en grand la population française ! Ayez le courage de le faire.
Jeune parlementaire, j'ai assisté à la consultation du Congrès pour que le président puisse s'exprimer devant cette assemblée : cela n'a pris que quelques heures. Pourquoi n'y a-t-il toujours pas de loi permettant d'organiser un référendum sur de grandes questions, tel le service public de La Poste ?
Monsieur Maurey, vos amis centristes ont pris le pouvoir au Japon : leur première décision a été de stopper la privatisation de la poste, qui se traduit par un désastre sur leur territoire. Vous devriez vous en inspirer !
J'ai vu aussi beaucoup d'impréparation, notamment sur la mise en danger de l'Ircantec par le passage en société anonyme. (M. Jean Desessard approuve) On n'avait pas prévu que l'Ircantec serait en difficulté car elle devrait verser des retraites aux nombreux anciens cotisants sans toucher de recettes des nouveaux. La précipitation du Gouvernement me laisse penser qu'il y a anguille sous roche.
M. Roland Courteau. - C'est le cas !
M. Martial Bourquin. - Pour ne pas faire de bêtises, prenons le temps afin de ne pas agir sous la pression. Un véritable débat sera possible après l'organisation d'un référendum. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. - Avis défavorable à la motion tendant à opposer la question préalable. Je vous confirme nos divergences d'approche quant à l'évolution des grandes entreprises publiques. Le statu quo signifie une lente asphyxie de La Poste et l'impossibilité pour elle de répondre aux défis qui l'attendent. Ce projet de loi est nécessaire sur le plan juridique
La transposition a été entamée il y a dix ans ! L'objectif est également économique, donner à La Poste les moyens de faire face à la concurrence. Défavorable.
M. Christian Estrosi, ministre. - M. Bourquin a parlé de respect. Or j'ai déployé beaucoup d'énergie à rencontrer les élus de tous les territoires, quel que soit leur engagement. Je crois avoir ainsi manifesté mon respect. Et celui qui a le sentiment qu'on lui manque de respect, c'est le ministre auquel on a annoncé : « on va vous pourrir la semaine »... (Applaudissements sur les bancs UMP ; marques d'indignation sur les bancs socialistes)
M. Bernard Piras. - C'est vous qui répétez cela depuis hier soir !
M. Michel Teston. - Qui a prononcé cette phrase ?
M. Jean-Pierre Bel. - Cette phrase, vous l'avez utilisée au moins quatre fois depuis hier soir. Elle a été reprise comme une boutade par notre collègue précisément parce que vous l'aviez prononcée. Nous voudrions maintenant savoir, puisqu'elle semble constituer votre argument principal, qui a dit cela. La situation devient insupportable. Réglons cette affaire et passons aux arguments de fond.
M. Christian Estrosi, ministre. - J'ai la preuve matérielle que vous êtes complètement associés à la volonté de « pourrir le débat ». Et je vais vous démontrer que vous vous complaisez à habiller certaines réalités. Mais je vais d'abord vous répondre sur le fond. Vous affirmez que les 2,7 milliards d'euros pouvaient être apportés à l'Epic. Vous savez bien que l'Union européenne interdit un tel apport à un établissement public : nous serions condamnés et La Poste devrait rembourser la somme immédiatement. Le seul moyen de conserver le caractère public de La Poste est de la transformer en société anonyme à caractère public. Vous prétendez avoir des propositions, vous estimez que la garantie des 17 000 points de contact n'est rien, que les situations sont précaires -mais vous ne voulez rien changer, rien améliorer ! « Déménagement du territoire », « idéologie », dites-vous. Mais une addition de sentiments ne fait pas une proposition.
Tout récemment enfin, vous en avez formulé une : un financement par le grand emprunt. Je suis heureux de noter que le parti socialiste soutient l'idée d'un grand emprunt, qui serait utilisé pour financer La Poste. Mais que l'argent provienne d'un emprunt ou de l'État et de la CDC, quelle différence ? C'est toujours de l'argent public, l'interdiction de l'Union européenne est la même.
Telle est votre unique proposition -et guère originale- alors que vous en annonciez de nombreuses. En fait, il y en a bien une seconde : se battre à Bruxelles pour modifier les règles européennes et lever l'interdiction. Mais sachant que l'ouverture à la concurrence aura lieu dans moins d'un an, peut-on raisonnablement songer à engager ce combat ? La Poste aura disparu corps et biens, absorbée par ses concurrents, avant que vous obteniez le début d'un résultat ! L'un de vos amendements tend à modifier le statut de La Poste en 2045 : cela suffit à montrer combien vos propositions sont caricaturales.
Je parle ici pour la dernière fois de privatisation, totalement étrangère au texte. Vous brandissez ce spectre ; mais notre objectif est autre, moderniser et bâtir une grande entreprise, un leader européen. En juillet dernier, pour répondre aux attentes des salariés, nous avons ouvert les négociations avec l'Agirc-Arrco, qui versera une soulte afin que les salariés de La Poste bénéficient du régime de l'Ircantec. Votre argument à ce sujet ne tient pas.
Le conseiller du Président de la République a formulé une boutade sur le caractère non éternel de toute chose et il a noté que ce qu'une loi peut faire, une autre peut le défaire. (« Eh oui ! » sur les bancs de gauche) Si demain les socialistes ont la majorité, ils pourront changer la loi. Et comme notre projet exclut la privatisation, avec M. Guaino je ne crains qu'une chose, c'est qu'ils décident de privatiser La Poste. (Rires à droite)
Quant à votre volonté de pourrir le débat, elle est exprimée clairement dans une dépêche annonçant qu'au Sénat le débat « sera sévère », « on va leur pourrir la semaine, avertissait-on au groupe socialiste », « on sera là jour et nuit » expliquait le président du comité national contre la privatisation de La Poste avec qui vous avez organisé cette votation sans queue ni tête (Vives protestations sur les bancs socialistes)...
M. Jean-Pierre Bel. - Mais qui a dit cela ? (M. Michel Teston renchérit)
M. Bernard Piras. - C'est la presse !
M. Christian Estrosi, ministre. - Et les propos de l'orateur à la tribune confirment cette intention. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Hervé Maurey. - Ce que M. Bourquin appelle une votation n'est qu'une scandaleuse mascarade. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Centriste, je suis très attaché au référendum parce que je suis gaulliste. Vous avez posé à nos concitoyens une question qui n'avait rien à voir avec le projet de loi : c'est se moquer de la démocratie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Savez-vous seulement quelle était la question ?
M. Hervé Maurey. - On a fait voter les gens en leur faisant croire que leur bureau de poste était menacé, c'est une escroquerie intellectuelle. (Applaudissements à droite) Je partage la position de nos homologues nippons qui sont contre la privatisation des services postaux. Mais il ne s'agit pas de cela. Et si j'ai beaucoup de respect et d'estime pour MM. Bourquin et Teston, aujourd'hui je ne les comprends pas. Quand je les entends, je suis surpris par autant d'archaïsme et de surréalisme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Archaïsme et surréalisme sont antinomiques.
M. Hervé Maurey. - Depuis quand le statut juridique est-il une fin en soi ? Le but est de faire de La Poste une grande entreprise publique accomplissant des missions de service public. Des amendements de mon groupe les conforteront et j'espère que nos collègues les voteront... (On indique que non sur les bancs socialistes) Préparer l'ouverture à la concurrence, voilà ce qui compte, quel que soit le statut, Epic ou société anonyme. Un étudiant de première année de droit sait que la capacité à remplir une mission de service public n'a rien à voir avec le statut !
Retournez vite à la faculté de droit !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Amen !
M. Hervé Maurey. - Il est surréaliste de débattre de ce qui n'est pas dans la loi mais figurerait dans un projet qui reviendrait sur celui-ci. Qu'une loi puisse défaire ce qu'une autre a fait, quel parlementaire pourrait s'en émouvoir ? C'est la règle de la démocratie. Au demeurant, il n'est pas nécessaire de passer par la case Epic pour arriver à la privatisation. Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas la motion et je suis un peu chagriné pour ses auteurs.
Mme Mireille Schurch. - Nous, nous la voterons parce que ce projet est dangereux pour le service public postal. En quoi la mise en concurrence et la transformation de l'opérateur en société anonyme garantiraient-ils un service public efficace et moderne ? Le ministre n'a de cesse de dire que les missions de service public seront sauvegardées mais les financements restent incertains. La suppression du secteur réservé prévue au titre II prive La Poste de ressources nécessaires au service universel ; quant au fonds de compensation, il faudra créer un établissement public ad hoc dès lors que la Caisse des dépôts sera entrée au capital de La Poste. Inutile de revenir sur le fonds de péréquation postale, sinon pour rappeler les effets de la suppression de la taxe professionnelle.
Le service universel est pour vous l'outil du démantèlement du service public : les prix seront alignés sur les coûts, pour le plus grand profit de l'actionnaire ; l'Arcep y veillera tandis que la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications électroniques sera mise en sommeil.
Nous ne sommes partisans ni de ce changement de statut ni du statu quo. A la rentabilité maximum, nous opposons les complémentarités et les coopérations ; aux guerres fratricides entre services publics, nous préférons la constitution d'axes européens car ceux-ci ont du sens et celles-là n'aboutissent qu'à un vaste gâchis social et humain. Nous proposons la création de pôles. Puisque vous avez félicité M. Danglot d'avoir suggéré un pôle financier autour de la Banque de France, de la Caisse des dépôts, de La Poste et d'Oseo, intervenez auprès des services du Sénat pour que l'on n'oppose pas l'article 40 aux sous-amendements que nous déposerons à cet effet. Nous proposons également d'accompagner la complémentarité des usages par celle des hommes. Quel atout que le réseau postal dans la lutte contre la fracture numérique ! Voilà la modernisation d'un grand service public à l'aube du XXIe siècle. Il faut en effet en finir avec cette logique de l'impuissance des pouvoirs publics à répondre aux besoins, il faut que vous cessiez de vous défausser sur le public et sur les collectivités locales à coups de RPC et autres APC.
N'en déplaise à M. Maurey, 2 300 000 personnes ont pris part à la votation citoyenne et comptez sur nous pour faire entendre leur voix car nous les respectons et sommes déçus que le Gouvernement ait choisi de les mépriser. Nous serons donc à leurs côtés pour défendre La Poste. Celle-ci a un bel avenir à condition qu'on mette en échec votre projet de privatisation. Nous voterons la motion. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Ce ne sont pas les services du Sénat qui appliquent l'article 40 mais la commission des finances.
M. Martial Bourquin. - Un article comme celui qu'a utilisé le ministre ne cite aucun nom. Avons-nous dit que nous allions pourrir la semaine ? (M. le ministre délégué brandit la coupure de presse) Qui l'a dit ? Utiliser ainsi un article d'ambiance n'est pas à la hauteur du débat.
Comment financer l'Epic, demandez-vous ? Décidément, il n'est pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. M. Teston l'a expliqué, la transposition n'interdit pas de financer le transport de la presse par exemple. De même, un rebasage est possible puisque voilà des années que l'État ne participe pas à la présence postale. Qu'on ne nous dise pas : « circulez, il n'y a rien à voir » ! Et quand on organise des sommets, d'ailleurs à grands frais, qu'on préside l'Union, qu'on prépare un G20, on peut mettre au coeur du débat les services publics et la protection sociale qui restent nos meilleures armes dans la crise.
Il y a aussi la question du grand emprunt et celle des pôles publics. Enfin, si on cherche de l'argent pour ce joyau national qu'est La Poste, alors on peut rogner le bouclier fiscal. (Applaudissements à gauche) Voilà des questions sérieuses et qui n'ont rien d'archaïque, monsieur Maurey -il y a du modernisme ici et là... Les 2 400 000 personnes qui ont participé à la votation citoyenne n'ont pas été manipulées et elles ont dit leur attachement au service public. Il s'est passé quelque chose et les médias ne s'y sont pas trompés. Si vous êtes d'accord pour le référendum, alors, mettez-le en oeuvre.
Maire d'une commune de 15 000 habitants, je viens de recevoir une assignation au tribunal administratif pour avoir délibéré sur la votation. (L'orateur brandit des feuillets à en-tête officiel ; protestations indignées sur les bancs socialistes)
M. Didier Guillaume. - C'est scandaleux !
M. Martial Bourquin. - Qu'est-ce qui nous en empêche ? Celle-ci s'est déroulée hors des lieux publics et en dehors des heures de travail. Je demande solennellement que ces assignations soient retirées afin qu'on débatte en toute sérénité. (Applaudissements à gauche)
A la demande de la commission, la motion n°540 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l'adoption | 152 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Renvoi en commission
M. le président. - Motion n°541, présentée par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (n°51, 2009-2010).
M. Michel Teston. - Ce projet de loi marque une rupture certaine dans l'organisation de nos services publics. C'est une étape de plus dans la remise en cause de notre modèle social fondé sur des services publics correcteurs des inégalités sociales et territoriales.
On ne saurait négliger les conséquences du basculement de l'Epic en SA aussi bien sur le plan social et des statuts du personnel que sur le plan financier avec l'évaluation financière de La Poste ou l'attribution d'actions au personnel. Il s'agit là d'un véritable bouleversement, avec un alignement sur le droit commun des SA, lequel annonce l'extinction progressive des emplois de fonctionnaire. La cohabitation de ceux-ci avec des contractuels soulève un certain nombre d'interrogations puisque ces derniers devraient être régis par les conventions collectives.
Plus précisément, la coexistence de plusieurs régimes de convention collective -celle de la Poste, celle de la Banque postale, plus avantageuse, ou celles des concurrents potentiels- va créer de nombreuses injustices. C'est d'autant plus problématique que, dans les postes étrangères, les conditions de travail se sont nettement dégradées avec la multiplication des emplois précaires.
La suppression dans le projet de loi d'une disposition de l'article 31 de la loi 90-568 faisant figurer les conditions de travail parmi les thèmes abordés par les instances représentatives du personnel annonce une diminution de la protection des salariés. Il est inopportun de supprimer l'expression collective des instances représentatives sur les conditions de travail à l'heure où, sous la pression croissante des objectifs de rentabilité, les conditions de travail se dégradent dans toutes les entreprises. On a vu chez Renault et France télécom à quelles pressions l'évolution d'une entreprise publique est susceptible d'engendrer sur les salariés. Ces drames nous appellent à prendre le temps de l'analyse.
Tous ces problèmes auraient justifié un avis de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, voire la mise en place d'une commission spéciale.
L'article 9 étend le champ d'application des mécanismes d'épargne salariale et d'intéressement à tout le personnel de La Poste. L'intéressement, distinct de la participation, associe collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l'entreprise, tandis que le plan d'épargne salariale leur donne, toujours de manière collective, la faculté de participer à la constitution d'un portefeuille de valeurs immobilières. Ces dispositions s'appliqueront à tous les salariés de La Poste, tout comme celles relatives à la représentation et à l'information, à la formation économique, juridique, ou encore aux conditions d'ancienneté.
Cet article précise les modalités selon lesquelles des augmentations de capital ou des cessions d'actions réservées pourront être réalisées dans le cadre d'un fonds commun de placement d'entreprise. Enfin, il étend le dispositif de participation aux résultats de l'entreprise. Ainsi, bascule-t-on dans le droit commun des SA, que ce soit avec l'intéressement du personnel de La Poste aux objectifs de productivité et de performance de l'entreprise ou avec ces autres formes de rétribution qui ne font pas partie de la rémunération. Il s'agit de permettre aux salariés de constituer un portefeuille de titres émis par La Poste SA, pour leur faire bénéficier d'un régime fiscal favorable, ce qui devrait les inciter à agir pour faire monter le cours de leur entreprise.
Espérons que le changement de statut de La Poste ne préfigure rien de comparable à ce qui s'est passé dans d'anciennes entreprises publiques comme GDF-Suez, avec l'instauration de mécanismes d'allocation et de distribution de stock-options !
L'article 18 complète l'article L. 3-2 du code en transposant des dispositions de la troisième directive concernant « les exigences essentielles ». Il s'agit de mettre en place des procédures transparentes et peu coûteuses de traitement des réclamations ; de garantir l'accès aux services et aux installations des personnes handicapées ; d'assurer la neutralité des envois postaux concernant l'identité de l'expéditeur. S'y ajoute une disposition introduite par le Parlement européen qui impose que les obligations légales et conventionnelles en matière de conditions de travail et de sécurité sociale soient respectées. Les dispositions adoptées ne doivent pas affecter le droit du travail, à savoir les conditions d'emploi, les conditions de travail, y compris la santé et la sécurité au travail, et les relations entre les employeurs et les travailleurs. Ces exigences devraient donc s'imposer à tous les prestataires de services postaux. Encore faudrait-il une harmonisation vers le haut des diverses conventions afin d'éviter tout dumping social. On en est loin.
Enfin, ce projet de loi compromet l'équilibre financier de I'Ircantec, sans que rien ait été prévu pour en garantir la pérennisation. Les fonctionnaires conserveront leur statut et les garanties d'emploi et de retraite ; pas les 160 000 contractuels dont le régime va être modifié et qui vont perdre le bénéfice de leur régime de retraite complémentaire. Ils seront affiliés à un régime beaucoup moins avantageux, avec des cotisations plus élevées, pour des pensions plus faibles. Cette affiliation des salariés à l'Agirc-Arrco aura des conséquences financières défavorables pour l'Ircantec, dont les contractuels de La Poste représentent 6 % de l'effectif cotisant et 30 % de sa marge technique. L'lrcantec s'en trouvera gravement fragilisée ce qui aura pour effet de remettre en cause les bénéfices escomptés de la réforme de 2008.
Nous regrettons que la commission des finances n'ait pas été saisie pour avis sur un projet de loi qui crée une société anonyme par actions, avec à la clé l'annonce d'une augmentation de capital de 2,7 milliards d'euros, dont 1,2 apporté par l'État et 1,5 par la Caisse des dépôts et consignations. Nous nous interrogeons aussi sur la provenance des fonds mobilisés par un État qui a peu de marges de manoeuvre financières. Dans l'hypothèse où la Caisse des dépôts participerait à l'augmentation de capital, rien ne l'empêcherait de revendre sa part d'actions. C'est perceptible à travers les dernières interventions de la Caisse : le rôle dans lequel elle semble se cantonner est l'apport d'une aide transitoire à certaines entreprises en difficulté et/ou présentant un intérêt stratégique pour la France. En aucun cas, elle n'a vocation à demeurer perpétuellement au capital de l'entreprise à laquelle elle apporte des moyens de financement.
La commission des finances aurait encore eu son mot à dire sur la mise en place du fonds de compensation alimenté par l'ensemble des opérateurs postaux, au prorata de leur chiffre d'affaires.
Son avis nous paraît également nécessaire sur l'abattement de 85 à 100 % pour le fonds de péréquation, puisqu'il est prévu que la différence soit compensée sur la DGF.
De plus, de sérieux doutes existent quant à la possibilité de préserver le caractère public du capital de l'entreprise, en cas d'abandon du statut d'établissement public. Nous connaissons bien l'évolution qu'ont connue ces grandes entreprises publiques, ayant toutes été soumises au même processus de transformation en SA : à terme, ce processus a abouti à leur privatisation, ce qu'illustre la fusion intervenue entre GDF et Suez. Le Gouvernement prétend que la comparaison n'est pas pertinente. Nous dirons plutôt que nous ne sommes pas dupes. Là où La Poste a été privatisée, beaucoup y ont vu le moyen de récupérer des fonds destinés à alléger leur dette. Est-ce que ce projet de loi le permettrait aussi à terme ? La question est posée.
M. le rapporteur affirme que La Poste sera une entreprise « pas comme les autres », avec un capital 100 % public. Or, face au jeu de la concurrence et des marchés, difficilement contrôlables, comment garantir que cette entreprise demeure à part ? De plus, quelle sera la rémunération des nouveaux actionnaires ? L'État, en tant qu'actionnaire, percevra-t-il des dividendes alors qu'il ne compense pas intégralement le surcoût des missions de service public ? Comment utilisera-t-il ces nouveaux dividendes ponctionnés sur la SA ? Quel sera le retour sur investissement exigé par la Caisse des dépôts ?
Dans ce contexte, comment La Poste pourra-t-elle financer ses quatre missions de service public ? Nous ne savons pas si cette entreprise disposera d'un financement suffisant et pérenne. Si le projet de loi maintient La Poste comme le prestataire du service universel pour une durée de quinze ans, l'absence de nouveaux moyens risque de la contraindre à réduire ses coûts, ce qui se traduira par des suppressions d'emplois. Les exemples de ce type ne manquent pas en Europe : le nombre de services publics dont les missions se réduisent du fait de la concurrence est en constante augmentation.
Pour toutes ces raisons, nous demandons le renvoi de ce projet de loi aux commissions des affaires sociales et des finances, compétentes pour donner leur avis sur les dispositions que je viens d'évoquer.
Compte tenu de l'incidence que peut avoir le changement du statut de La Poste sur son aptitude à exercer ses quatre missions de service public, ce projet de loi devrait être renvoyé en commission spéciale, si les commissions des affaires sociales et des finances n'étaient pas saisies, comme nous le demandons. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. - Une précision sur le mode de fonctionnement de notre assemblée : la commission de l'économie est parfaitement compétente. Elle a mené des auditions dans la plus grande transparence. Les sénateurs du groupe d'étude poste et communication électronique, que j'ai l'honneur de présider, y ont d'ailleurs activement participé. La question des retraites a été abordée par les représentants de l'Ircantec et de l'Agirc-Arrco : il est dommage que certains orateurs n'aient pu assister à ces auditions car cela leur aurait permis d'avoir des avis un peu plus nuancés.
Le temps est venu de passer à l'examen du texte et des amendements.
M. Guy Fischer. - Non !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. - Ne souscrivant pas à cette motion, l'avis est donc défavorable.
M. Christian Estrosi, ministre. - Une remarque de fond : M. Teston estime que l'équilibre financier de l'Ircantec est compromis. Il n'en est rien : un amendement du groupe UMP prévoit un mécanisme financier de compensation de l'Agirc-Arrco vers l'Ircantec afin de compenser le fait que cette dernière conservera les salariés actuels de La Poste, mais pas les nouveaux salariés. (Exclamations sur les bancs CRC) Quant aux fonctionnaires, le groupe RDSE a déposé un amendement pour créer un dispositif de prévoyance santé, ce qui est une garantie de plus pour les agents de La Poste.
Votre motion n'étant pas justifiée, je vous demande de la retirer.
A la demande de la commission, la motion n°541 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 153 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de suspension
M. Guy Fischer. - Je souhaite faire un rappel au Règlement sur l'organisation de nos travaux. Le Président Larcher a donné des indications sur la suite de nos débats : le Sénat devrait entamer la discussion des articles de ce projet de loi avant l'examen de la motion référendaire demain matin. Cette proposition est incongrue : c'est un non-sens constitutionnel Certes, le Règlement le permet, mais comment imaginer que le Règlement autorise de commencer l'examen du corps d'un texte alors que le Sénat n'a pas décidé de sa propre compétence pour débattre d'une loi et surtout pour la voter ?
Si la motion référendaire est adoptée, cela signifiera que le Sénat a décidé que le peuple est souverain pour engager l'avenir de La Poste et que ni un individu, ni une institution, ne peut le faire à sa place. Le débat parlementaire n'est pas un jeu de dupe. L'opposition sénatoriale a pris la décision rare de permettre au Sénat de se dessaisir au profit du peuple tout entier. Une telle initiative mérite respect et dignité. Il ne s'agit pas d'une manoeuvre procédurière pour gagner une heure ou deux de débat, mais d'un acte citoyen pour répondre à l'attente des Français qui rejettent massivement la libéralisation de La Poste voulue par le Gouvernement.
Il n'est donc ni sérieux, ni légitime, ni conforme à l'esprit de la Constitution et de notre Règlement de débuter maintenant la discussion des articles. Je demande donc solennellement la suspension de la séance jusqu'au débat sur la motion référendaire. En tout état de cause, je souhaite une suspension de séance, afin de permettre à chaque groupe de faire le point sur les arguments avancés. (Applaudissements à gauche)
M. Patrice Gélard. - Je suis en total désaccord avec l'interprétation du président Fischer qui ne repose sur aucun argument juridique.
M. Adrien Gouteyron. - Évidemment !
M. Patrice Gélard. - Nous aussi, lorsque nous étions dans l'opposition, nous avons déposé des motions référendaires, qui n'ont pas abouti. Sous le gouvernement Jospin, nous avions continué les travaux jusqu'à ce qu'elles puissent être discutées. Ces précédents doivent donc servir de jurisprudence et nous suspendrons nos travaux si la motion référendaire est adoptée demain...
Enfin, en la matière, le Sénat n'est pas seul à décider : l'Assemblée nationale doit également se prononcer. Nous pouvons demander l'organisation d'un référendum, mais pas seuls ! Lorsque nous avions déposé notre motion à l'époque du gouvernement Jospin, nous l'avions votée au Sénat mais l'Assemblée nationale ne l'avait même pas examinée.
Poursuivons donc et attendons demain matin pour savoir si nous devons interrompre nos travaux sur La Poste. (Applaudissements à droite)
M. Michel Teston. - J'ai entendu MM. Fischer et Gélard, et je suis tout à fait en phase avec M. Fischer. (Rires à droite)
Si, demain, des membres de la majorité se laissaient convaincre que nous devons nous en remettre au peuple, nous aurions travaillé ce soir pour rien !
M. Adrien Gouteyron. - Ce ne serait pas dramatique !
M. Michel Teston. - Je soutiens donc la demande de M. Fischer. Il serait utile de pouvoir discuter de ce problème entre nous : une suspension de séance serait opportune.
M. le président. - Je ne vois pas de raison de suspendre la séance. (Protestations à gauche) Avant de quitter le plateau, M. le Président du Sénat m'a demandé de faire respecter l'organisation des débats validée par les présidents de groupes : après l'examen des motions viendrait celui du titre premier, avec les douze interventions sur l'article premier. Il m'a recommandé de lever la séance à minuit exactement pour que nous puissions reprendre la discussion demain matin à 9 h 30. Nous en avons parlé au déjeuner, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. - Je ne m'exprimais pas en tant que vice-président mais en tant que simple sénateur ! N'usez pas d'arguments fallacieux !
M. Adrien Gouteyron. - Quelle compromission !
M. le président. - La séance sera suspendue à 19 h 30 à la demande de la commission afin que cette dernière puisse se réunir à 21 h 15, la séance devant reprendre à 21 heures 45.
Discussion des articles
Titre premier
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cette division et son intitulé.
Mme Annie David. - Le changement de statut de La Poste, loin d'être un préalable nécessaire à sa modernisation, risque de l'empêcher de remplir ses missions de service public. Le capital de la nouvelle société anonyme serait détenu exclusivement par l'État et des personnes de droit public ; cela cache mal la volonté du Gouvernement de privatiser La Poste à plus ou moins brève échéance : les exemples de France Télécom, EDF et GDF nous apprennent à nous défier des belles promesses des ministres.
M. Alain Fouché. - Pas EDF !
Mme Annie David. - M. Mercier nous a assurés tout à l'heure, la main sur le coeur, qu'il aimait La Poste. Mais rien ne justifie ce changement de statut. Le texte ne comporte aucune garantie pour l'avenir et nos amendements, qui tendaient à préciser que seule la Caisse des dépôts pouvait, aux côtés de l'État, entrer au capital de l'entreprise ou à inscrire dans la loi l'existence d'un service public national de La Poste, ont été rejetés en commission.
Nous sommes hostiles à la privatisation d'entreprises exerçant des missions de service public. Celles de La Poste -service universel postal, aménagement du territoire, transport et distribution de la presse, accessibilité bancaire- ne peuvent être remplies que par une entreprise publique, au service de l'intérêt général, et non par une entreprise privée dont l'objectif serait de faire des profits. La Poste doit continuer à assurer un service public de proximité sur tout le territoire, y compris dans des zones non rentables de campagne ou de montagne, et à distribuer la presse écrite, qui traverse aujourd'hui une grave crise. C'est pour garantir la pérennité d'un service public de qualité que nous demandons la suppression du titre premier.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger ainsi l'intitulé de ce titre :
Dispositions préparant la privatisation de La Poste
M. Jean-Claude Danglot. - Ce texte, qui se présente comme un simple toilettage de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom, constitue en réalité un changement profond. Derrière la formulation anodine et technique du titre premier se dissimule un projet politique visant à créer les conditions juridiques d'une privatisation de La Poste. La transformation de La Poste d'Epic en société anonyme renforce, si j'ose dire, sa « privatisabilité ». (Murmures à droite) Elle augure d'un changement radical de gestion, dans le sens de la satisfaction des actionnaires.
C'est la fin du service public à la française que l'on prépare. Le statut d'Epic assurait l'équilibre entre la qualité du service public et la rentabilité nécessaire à sa pérennité. La transformation de l'entreprise, qui ne se justifie par aucun impératif économique ou juridique, est un pas vers sa privatisation : les précédents de GDF et de France Télécom nous l'enseignent. Foin donc de la langue de bois ! Dites les choses clairement, et intitulez cette division « Dispositions préparant la privatisation de La Poste » !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°3 : il est impensable de laisser La Poste démunie face à son nouvel environnement économique. La commission soutient sa transformation en société anonyme.
Quant à l'amendement n°4, il se fonde sur un pur procès d'intention : La Poste restera publique.
M. Christian Estrosi, ministre. - Mêmes avis. Si ces deux amendements étaient adoptés, cela nous interdirait d'allouer 2,7 milliards d'euros à La Poste pour qu'elle puisse relever les défis de l'avenir.
M. Michel Teston. - L'argumentation de M. le ministre ne tient pas : rien n'empêche d'accorder à La Poste, en tant qu'Epic, des subventions pour lui donner les moyens d'assurer une présence postale sur tout le territoire et de distribuer la presse. C'est la position que nous soutiendrons tout au long de ce débat.
Mme Annie David. - La transformation de La Poste en société anonyme est destinée, selon le Gouvernement, doit lui servir à augmenter ses fonds propres. En réalité, elle prélude à la privatisation de l'entreprise, qui ne pourra plus assurer ses missions de service public. Bien qu'un article paraisse réaffirmer sa mission d'accessibilité bancaire, la privatisation la transformera en banque ordinaire et la convertira aux pratiques qui ont précipité la crise financière. Grâce au livret A, La Poste pouvait drainer l'épargne populaire vers la construction de logements sociaux ; depuis que toutes les banques ont le droit de proposer ce livret, il est utilisé à des fins commerciales. La Poste commence d'ailleurs déjà à restreindre l'accès aux services bancaires des clients les moins « rentables »...
L'article 2 bis prévoit le maintien de 17 000points de contact, mais il renvoie au contrat pluriannuel de présence postale territoriale la définition des heures d'ouverture et des services proposés. La loi n'apporte donc aucune garantie, et la qualité du service rendu risque de s'en ressentir.
L'article 2 ter prévoit un abattement de 100 % d'impôts locaux et de taxe professionnelle. Quelle portée peut-on accorder à cette mesure, quand on sait que le projet de loi de finances pour 2010 prévoit une réforme de la fiscalité locale de grande ampleur et la suppression de la taxe professionnelle ? Cela revient une nouvelle fois à faire peser sur les collectivités locales le poids financier des missions régaliennes de l'État.
L'ouverture partielle à la concurrence a déjà dégradé les services postaux ; l'ouverture totale risque de provoquer des dégâts encore plus importants. Ce titre premier entérine la loi du profit, de la rentabilité et de la concurrence, au détriment du service rendu aux usagers.
M. Patrice Gélard. - Comme l'a dit M. le ministre, il n'est pas permis de subventionner un Epic, même en séparant ses activités.
Nous serions non seulement condamnés à rembourser les sommes versées, mais également à payer des amendes ! Le ministre a parfaitement raison. (« Très bien !» à droite)
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
M. Michel Teston. - Cela fait des années que l'État subventionne le transport et la distribution de la presse, via deux missions budgétaires distinctes, à hauteur de 242 millions. C'est insuffisant, certes, mais cela n'a jamais suscité la moindre remarque, car l'Union européenne estime qu'en matière de présence postale, de transport et de distribution de la presse, chaque État membre est compétent, en application du principe de subsidiarité. Il n'en est pas de même en matière de service universel postal et d'accessibilité bancaire, encore que rien n'empêche un État d'intervenir si le fonds de compensation pour le service universel postal n'est pas réparti équitablement entre les opérateurs.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Poste, exploitant autonome de droit public, exploite un service public national.
Mme Odette Terrade. - La Poste exploite un service public national et certaines de ses activités peuvent être rattachées à un service public national constitutionnel, impossible à privatiser. Préciser dans la loi qu'un service public est national n'interdit pas une privatisation mais garantit au moins que le législateur en sera saisi.
En application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il suffit au législateur de priver l'entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public national pour la privatiser. C'est ce que fait ce projet de loi. On applique la méthode qui a permis de privatiser GDF : dès lors que l'on modifie le statut de l'exploitant autonome de droit public, rien n'empêche la privatisation totale.
M. Estrosi prétend rendre La Poste « imprivatisable ». Le mot n'est pas français mais, surtout, il n'a aucune réalité ! Maintenir le statut d'exploitant autonome de droit public à La Poste est le seul moyen d'empêcher toute privatisation. Nous demandons la suppression de toutes les dispositions de ce projet de loi qui remet en cause le service public national postal, et ce par scrutin public.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. - En commission, je vous avais proposé de rectifier votre amendement pour le rendre identique à l'amendement n°579 de M. Retailleau. Si la commission approuve la mention du service public national, un statut d'exploitant autonome de droit public est incompatible avec la transformation en société anonyme. Avis défavorable.
M. Christian Estrosi, ministre. - Même avis. Je suis favorable à ce que l'on inscrive dans la loi la notion de service public national. Je vous invite à vous rallier à l'amendement n°579 de M. Retailleau, qui avait été discuté avant le vôtre en commission (Protestation sur les bancs CRC). M. Fortassin et ses collègues ont d'ailleurs déposé un amendement identique n°580.
Mme Odette Terrade. - D'abord présenté en commission, l'amendement de M. Retailleau, qui vise à réaffirmer le caractère de service public national de La Poste et garantir que cette dernière ne pourra faire l'objet d'une privatisation, a été retiré à la demande du Gouvernement, puis redéposé en séance. Vu qu'il n'engage à rien, M. Estrosi le soutient désormais...
Nous demandons quant à nous, à défaut du retrait du texte, la suppression de l'article premier et l'inscription dans la loi du caractère de service public national. Seul le statut d'exploitant autonome de droit public garantit la pleine maîtrise de l'État et le respect de l'alinéa 9 du Préambule de 1946.
Si la majorité ne vote pas notre amendement au nom de la défense du service public postal, elle le fera sans doute au nom de l'identité nationale : selon un sondage publié par le Journal du Dimanche, 60 % des Français comptent les services publics au nombre des éléments qui constituent l'identité de la France !
M. Michel Teston. - Nous voterons cet amendement, qui maintient le statut actuel de La Poste, défini par la loi de 1990 et assimilé à un Epic par deux arrêts du Tribunal des conflits et du Conseil d'État en 1998. Nous préférons cette rédaction à celle qui laisse croire que l'on resterait dans un service public national tout en autorisant le changement de statut.
M. Patrice Gélard. - Vous faites une confusion fréquente entre établissement public et service public. Un service public peut être assuré de multiples façons : par un Epic, mais aussi par une entreprise privée, en régie, etc. La SNCF n'a-t-elle pas changé de statut ?
Enfin, monsieur Teston, ce n'est pas La Poste qu'on subventionne, mais la presse ! Si d'autres opérateurs distribuaient les journaux, ils auraient droit aux mêmes subventions. Par ailleurs, l'État peut subventionner le fonctionnement, mais pas l'investissement : c'est pourquoi il faut un statut de société anonyme. (M. Adrien Gouteyron approuve) Sortons de ce dialogue de sourds ! (Applaudissements à droite)
M. Didier Guillaume. - Le doyen Gélard évoque un point fondamental. Nous n'avons jamais parlé d'investissement, seulement de fonctionnement. L'État peut continuer à subventionner le fonctionnement de l'Epic : mais si les subventions étaient régulières et suffisantes, les fonds propres de La Poste augmenteraient et lui permettraient de financer ses investissements ! (M. le rapporteur le conteste) Nous devons la vérité aux Français qui nous écoutent : avec un statut d'Epic, l'État peut continuer à subventionner La Poste en fonctionnement ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Patrice Gélard. - La presse, pas La Poste !
A la demande du groupe CRC-SPG, l'amendement n°5 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l'adoption | 152 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport comportant une étude approfondie sur les conséquences sociales de l'ouverture à la concurrence du secteur public postal est présenté au Parlement avant la promulgation de la présente loi.
M. Bernard Vera. - La transformation de La Poste en société anonyme permettra de la privatiser à terme, malgré les déclarations du Gouvernement, qui invoque la nécessité pour l'entreprise d'affronter ses concurrents à « armes égales ».
Présentées sous l'égide du dogme libéral, ces justifications éludent les conséquences réelles malheureusement néfastes de l'ouverture à la concurrence.
Nous regrettons que l'étude n'ait pas été réalisée avant notre débat, car cette entreprise de proximité, symbolisée par la tournée du facteur, est quotidiennement présente auprès de nos concitoyens. Elle joue un rôle privilégié de lien social.
Le rapport que nous demandons permettra de faire le point sur les fermetures de bureaux, la précarisation de l'emploi et la détérioration des conditions de travail, donc du service rendu. Il montrera que l'ouverture à la concurrence conduit à la fin de l'égalité, car la privatisation dévoie le service public.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 décembre 2009, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur le bilan de la déréglementation dans le secteur postal. Ce rapport examine l'impact en termes d'emploi, de santé au travail et d'aménagement du territoire de la transposition des directives européennes.
M. Gérard Le Cam. - Depuis vingt ans, l'Europe est devenue pour les salariés du secteur postal synonyme d'une mise en concurrence dont le présent texte constitue l'aboutissement.
La Commission européenne a d'abord adopté le Livre vert sur le développement du marché unique des services postaux, en application de l'Acte unique européen de 1986. Puis vint en 1994 la résolution du Conseil européen sur le développement des services postaux communautaires.
En application de la première directive postale européenne, adoptée en 1997, les courriers pesant plus de 350 grammes ont été ouverts à la concurrence en janvier 1999. Avec la transposition en 2002 de la deuxième directive postale, les courriers de 100 grammes ont été ouverts à la concurrence, avant qu'une nouvelle étape n'étende en 2006 la concurrence aux envois de plus de 50 grammes. Enfin, la troisième directive postale, adoptée en 2008, ouvre toute la correspondance à la concurrence au 1er janvier 2011. Trois directives, trois mesures de libéralisation, car les commissaires européens, à commencer par M. Barroso, sont obsédés par la dérégulation, entamée avec les télécommunications.
L'argument est toujours le même : on privilégie la mise en concurrence afin d'obtenir une économie libre et non faussée, sans la moindre intervention des pouvoirs publics. Qu'importe si la réduction des prix n'est pas au rendez-vous ! Natacha Tatu du Nouvel Observateur observe à juste titre que la dérégulation est érigée en théologie à Bruxelles, où les fonctionnaires se sont mués en inquisiteurs traquant sans merci les subventions hérétiques.
A l'heure où, transformant La Poste en société anonyme vous renoncez au service public, nous entendons mettre l'accent sur les salariés, leur santé et la qualité du service offert.
M. le président. - Amendement n°362, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement un rapport spécifique sur l'évolution globale de l'emploi et les conditions de travail dans le secteur postal au plus tard le 30 juin 2010 puis tous les deux ans.
M. Yannick Botrel. - L'ouverture à la concurrence aura, pour l'emploi et les conditions de travail, des conséquences qui nous inquiètent. L'ouverture au marché a partout réduit le nombre de salariés des opérateurs historiques, au profit d'emplois précaires chez les nouveaux entrants.
L'article 23 de la troisième directive postale mentionne un rapport semblable, mais nous souhaitons être informés plus rapidement. Le rapporteur a reconnu qu'une grande incertitude pesait aujourd'hui sur l'évolution globale du secteur postal.
Nous ne voulons pas sacrifier à la conquête de nouveaux marchés la tradition sociale de La Poste, telle qu'elle est décrite dans le rapport de M. Hérisson : une entreprise qui tend à réduire le nombre de CDD.
Un service public de qualité s'adapte aux conditions techniques, sans renoncer à investir dans les ressources humaines. C'est à ce prix que La Poste, premier employeur de France après l'État, restera une entreprise « pas comme les autres ».
Nous souhaitons que la stratégie de Lisbonne, fondée notamment sur la croissance et la promotion d'emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité, selon l'expression utilisée en mars 2005 par le Conseil européen, guide la transposition de la troisième directive postale, dont nous persistons à contester le bien-fondé.
M. le président. - Amendement n°357, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 juin 2010, le Gouvernement soumet au Parlement un rapport sur les conditions de l'application de la directive 97/67/CE modifiée par la directive 2002/39/CE au secteur postal français.
M. François Patriat. - Ce rapport au Parlement aurait dû être un préalable à la discussion du projet de loi. Depuis la directive postale de 1997, la Commission européenne doit présenter régulièrement des rapports sur l'application des directives postales, mais leur réalisation a été confiée à des cabinets d'audit qui ne s'intéressent qu'à la seule réduction des coûts, tout en négligeant les objectifs sociaux, économiques et politiques des traités européens, ainsi que la cohésion sociale et le rôle des services publics. Or, ces derniers ne peuvent être traités comme de simples entreprises.
La Commission européenne aboutit à une conclusion purement idéologique : le service universel postal et le secteur réservé serait des obstacles à des règles du jeu équitables. L'affirmation figure dans la troisième directive postale ! C'est un joli euphémisme pour désigner l'abandon de la concurrence aux seules forces du marché, loin de la concurrence régulée que chacun ici appelle de ses voeux.
L'évaluation doit donc être prise en main par le politique. L'exemple le plus probant en est fourni par la révision de la directive Bolkestein, obtenue grâce à des parlementaires de toute l'Union européenne. Les Parlements des États membres peuvent parfaitement effectuer ce travail indispensable.
La troisième directive postale impose à la Commission de produire un rapport à l'horizon 2013. Celui élaboré en 2009 n'est disponible qu'en anglais. Nous voulons mieux que des audits privés.
M. le président. - Amendement n°358, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement tous les deux ans, et pour la première fois au plus tard avant le 30 juin 2010, un rapport sur les tarifications commerciales du secteur postal.
M. Martial Bourquin. - On peut s'inquiéter à l'idée que La Poste puisse facturer aux PME la distribution du courrier à une heure normale. Selon un journal satirique dont les enquêtes sont de qualité peu contestable, les entreprises devraient désormais payer trois fois plus cher pour être desservies avant 11 heures. Cette politique manque de transparence, surtout pour les PME situées dans les zones les moins denses. Il nous faut connaître les conséquences sur le financement, les coûts et les prix de la fin du secteur réservé induite par la transposition de la troisième directive postale. En outre, la Communauté européenne a adopté une proposition de directive relative à la suppression de l'exonération de la TVA pour les services postaux. Nous souhaitons donc avoir des informations sur la facturation réelle de ces services, qui pèsent lourd sur le budget des entreprises.
M. le président. - Amendement n°363, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard au 1er janvier 2012, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport détaillé examinant l'évolution de l'emploi dans le secteur postal ainsi que celle des tarifs du service public postal depuis l'ouverture totale du marché.
M. Claude Bérit-Débat. - La Confédération européenne des syndicats a elle aussi appelé à l'évaluation de l'impact de la troisième directive postale. Elle estime contraire au modèle social européen de remplacer les monopoles publics par des oligopoles privés, et des emplois sûrs par des emplois précaires. Au moins 1 600 000 salariés sont concernés par la transposition de la troisième directive postale : ils risquent d'être victimes d'une « optimisation » des ressources humaines, comme on a pu l'observer dans tous les pays européens qui ont ouvert ce secteur à la concurrence.
En Grande-Bretagne, 35 000 postes ont été supprimés par l'équivalent de La Poste et un autre plan social de grande ampleur est annoncé. Les postiers britanniques sont en grève depuis le 23 octobre. Au nom de la compétitivité, c'est la précarité qui s'installe. En Belgique, 8 000 salaires à bas coûts ont été proposés à des jeunes, des retraités ou à des femmes au foyer pour devenir facteurs dans leur quartier. Parallèlement, 8 000 emplois ont été supprimés en cinq ans. Partout en Europe, les services postaux sont proposés à des prix plus élevés sans que les prestations s'améliorent. Une évaluation des conséquences de l'ouverture à la concurrence est nécessaire avant l'entrée en vigueur de la troisième directive postale.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. - J'ai du mal à comprendre l'amendement n°6 : si cette disposition est adoptée, elle sera applicable après la promulgation de la loi. Comment peut-elle prévoir la remise d'un rapport avant cette date ? Avis défavorable. L'amendement n°7 et les suivants prévoient la remise au Parlement de rapports sur des sujets divers, parfois dans des délais peu réalistes. Avis défavorable aux amendements nos7, 362, 357, 358 et 363.
M. Guy Fischer. - Travail bâclé !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. - Combien d'entre nous lisent les rapports que nous demandons en votant des textes de loi ?
M. Guy Fischer. - Vous êtes le seul à les lire ?
M. Christian Estrosi, ministre. - Même avis.
M. Bernard Piras. - On vous ressortira cet argument !
M. Claude Bérit-Débat. - La réponse du rapporteur est bien légère. Il évoque des délais peu réalistes, mais l'amendement que j'ai présenté prévoit de réaliser ce rapport avant le 1er janvier 2012. Il est normal, en outre, de vérifier les faits et d'évaluer les dispositions prises. N'oublions pas qu'il y a un mois 2 400 000 concitoyens ont voté pour exprimer leur désaccord avec vos propositions.
M. Bernard Vera. - Pourquoi refuser que soit étudié dans des conditions sérieuses l'impact de l'ouverture à la concurrence dans le secteur postal ? Pourquoi refuser la transparence et la connaissance, si ce n'est pour occulter les effets sociaux néfastes de cette disposition ? Cette étude interdirait désormais d'en nier les conséquences : précarisation de l'emploi, baisse du nombre de bureaux de poste et des services offerts.
La Poste a perdu 25 000 emplois depuis 2001et fermé 600 bureaux de poste en 2007. Le nombre de facteurs baisse, les tournées en zone rurale et périurbaine s'allongent. Pour assurer des missions de service public, La Poste joue sur la qualité de la couverture territoriale, les services aux usagers et les conditions de travail des personnels. Pour la première fois, le volume du courrier diminue -de moins de 3 % en 2008. L'impact d'une baisse de 1 % du volume du courrier est évalué à 100 millions d'euros par an. La Poste devra chercher de nouvelles parts de marché au prix d'une dégradation du service, de la suppression de bureaux de poste et d'emplois.
M. Martial Bourquin. - Pour faire face aux difficultés actuelles, les PME ont un grand besoin de trésorerie. L'année à venir s'annonce très dure. Comment pourraient-elles payer trois fois plus cher pour recevoir leur courrier avant 11 heures ? Nous n'avons pas obtenu de réponse sur le fond alors qu'on nous propose d'avoir un débat solide et sérieux...
M. Michel Teston. - Avant l'application de la troisième directive postale, le 1er janvier 2011, l'Union européenne a commandé des études d'impact des deux précédentes directives. L'administration française, quant à elle, ne dispose pas d'une véritable évaluation sur ce sujet. C'est ce que propose l'amendement n°357.
M. Yannick Botrel. - On nous a dit en commission que nous pourrions enrichir le débat et ce projet de loi par des amendements, et que le ministre les prendrait en considération s'ils en valaient la peine. C'est ce que nous faisons avec l'amendement n°362, en proposant une première évaluation d'ici le 30 juin 2010.
M. Patrice Gélard. - Cette disposition ne sera pas appliquée !
M. Yannick Botrel. - Cet amendement n'a rien d'extraordinaire et je ne comprends pas son rejet par le rapporteur. On nous reproche de faire de l'obstruction ? Ce texte affectera les ressources humaines d'une grande entreprise publique. Il est normal de dresser un inventaire avant les bilans d'étape et l'analyse des évolutions futures.
M. Didier Guillaume. - Nous sommes tous très attachés au développement économique des entreprises, et souhaitons qu'elles puissent sortir de la crise. Il n'est déjà pas normal que les entreprises doivent payer deux à trois fois plus cher pour recevoir leurs colis et leur courrier.
Est-il normal que ces entreprises paient deux ou trois fois plus cher pour poster un devis après l'heure limite de dépôt du courrier, qui intervient bien trop tôt dans la journée ? La dérégulation prive l'entreprise de réactivité.
Nous ne demandons pas « un rapport de plus » ; du reste, le Gouvernement commande plus de rapports que le Parlement. Nous voulons seulement examiner sereinement la situation. L'aménagement du territoire, ce n'est pas uniquement 17 000 points de contact mais aussi des entreprises qui fonctionnent et qui communiquent !
M. Gérard Le Cam. - Nous souhaitons un état des lieux du secteur postal avant toute transposition. Nous voulons un bilan avant la transformation de La Poste en entreprise purement commerciale. L'étude d'impact n'a jamais été menée, il faut la réaliser rapidement. Un changement de statut a des conséquences importantes pour le personnel, on l'a vu dans le passé, avec la coexistence de deux régimes juridiques différents, le « bricolage », les salariés « ni ni ». Quant aux conséquences sur la santé, elles sont indéniables, une mission parlementaire va du reste se pencher sur les souffrances au travail et l'actualité nous rappelle chaque jour la gravité de la situation. Il faut enfin mesurer l'impact sur l'aménagement du territoire. Un rapport doit être adressé aux représentants de la Nation avant fin décembre 2009.
M. Patrice Gélard. - Nous avons, l'an dernier, adopté une révision constitutionnelle qui accroît notre tâche de contrôle. C'est à nous, durant les deux semaines par mois qui y sont consacrées, de nous pencher sur ces questions. C'est à la commission des affaires européennes de nous faire rapport sur les conséquences des directives.
M. Bernard Frimat. - Pour exercer ce contrôle, encore faut-il en avoir les moyens. Nous demandons au Gouvernement des éléments précis. Certes, j'ai entendu l'aveu du rapporteur, il ne lit pas les rapports... Il a aussi souligné que la date de remise était trop rapprochée et le ministre a semblé confirmer ces propos. Mais alors, dites-nous sur quoi vous pouvez faire la transparence et dans quel délai. Tous les parlementaires sont confrontés aux problèmes humains au sein des entreprises, au stress des salariés. La Conférence des Présidents a même voté à l'unanimité en faveur d'une mission sur cette question. C'est la présidente de la commission des affaires sociales qui en a pris l'initiative. Il n'est pas acceptable que le travail conduise à la perte de la vie. Appliquez le principe de précaution et dites-nous, si vous acceptez de les étudier, ce que seront les conditions de travail dans cet avenir radieux que vous prédisez. Dites-nous de quel temps vous avez besoin pour établir ce rapport et peut-être les auteurs pourront-ils rectifier leurs amendements.
En quoi ce rapport vous gêne-t-il ? Pourquoi le rapporteur écarte-t-il systématiquement nos amendements ? Le texte est-il parfait, donc non amendable ? M. Hérisson est trop affranchi -si je puis dire- sur les questions postales (on apprécie) pour se livrer à ce jeu. Qu'il nous montre sa bonne foi et son ouverture d'esprit ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. - Nous allons examiner 629 amendements et j'aurai maintes occasions de vous montrer mon ouverture d'esprit, lorsque les propositions en vaudront la peine. Mais je ne vois pas l'utilité de cet amendement, sinon pour faire de l'obstruction.
A la demande de la commission l'amendement n°6 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l'adoption | 152 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La séance est suspendue à 19 h 30.
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
La séance reprend à 21 h 50.
Rappel au Règlement
M. Guy Fischer. - Ce rappel au Règlement se fonde sur l'article de notre Règlement relatif à l'organisation de nos travaux. Pour éclairer nos débats, permettez-moi de donner lecture des dispositions d'une loi que le Président Larcher nous incitait à voter il y a plus de dix ans.
Je cite : « Les ressources de Réseau ferré de France sont constituées par les redevances liées à l'utilisation du réseau ferré national ; les autres produits liés aux biens qui lui sont apportés ou qu'il acquiert ; les concours financiers de l'État, eu égard à la contribution des infrastructures ferroviaires à la vie économique et sociale de la nation, à leur rôle dans la mise en oeuvre du droit au transport et aux avantages qu'elles présentent en ce qui concerne l'environnement, la sécurité et l'énergie ; tous autres concours, notamment ceux des collectivités territoriales. Le calcul des redevances ci-dessus mentionnées tient notamment compte du coût de l'infrastructure, de la situation du marché des transports et des caractéristiques de l'offre et de la demande, des impératifs de l'utilisation optimale du réseau ferré national et de l'harmonisation des conditions de la concurrence intermodale ; les règles de détermination de ces redevances sont fixées par décret en Conseil d'État. Réseau ferré de France peut, dès sa création, procéder à une offre au public de titres financiers et émettre tout titre représentatif d'un droit de créance. »
Cela met un terme à certains arguments, drapés du sérieux de l'analyse juridique, que l'on nous oppose pour justifier le changement de statut. De fait, l'État peut apporter des concours à La Poste, comme il le fait pour RFF. Par parenthèse, si nous étions sourcilleux sur ses engagements, nous relèverions qu'il doit à La Poste 1 871 millions au titre de l'aide au transport de la presse -soit plus que l'apport en capital escompté du changement de statut !- et 2 milliards au titre de la mission d'aménagement du territoire. Démonstration est faite que l'on pouvait modifier la nature des ressources de La Poste pour qu'elle puisse faire face aux exigences de la modernité. En bref, le changement de statut n'est pas la réponse appropriée, sauf à prévoir que cette « socialisation » de l'entreprise publique (exclamations ironiques au banc de la commission ; M. Adrien Gouteyron renchérit) constitue une forme de privatisation rampante. Pour vous, le service public, c'est ce qui coûte et ne rapporte pas ; c'est ce que vous ne voulez pas offrir au privé !
Merci, monsieur le président, de m'avoir autorisé ce petit rappel historique qui éclairera la suite de nos travaux : rien ne justifie cette privatisation !
M. le président. - Monsieur Fischer, vous êtes une des mémoires sélectives du Sénat ! (Sourires)
L'amendement n°7 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos362, 357, 358 et 363.
Discussion des articles (Suite)
Articles additionnels (Suite)
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les principes qui organisent l'activité du service public de La Poste sont l'universalité, l'égalité, la neutralité, la confidentialité, la continuité et l'adaptabilité.
M. Jean-Claude Danglot. - Lorsque nous avions défendu un amendement identique en 2004, nous avions fait valoir qu'il correspondait à un paragraphe de la résolution sur la proposition de directive relative au développement des services postaux communautaires, adoptée par la majorité sénatoriale en 1996 et dont M. Hérisson était déjà le rapporteur. Il nous avait alors indiqué que ces considérants figurent déjà à l'article L.1 du code des postes et télécommunications, aux termes duquel « le service universel est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité ». Encore une fois, c'était faire l'amalgame entre le service public à la française et le service universel, concept d'origine américaine !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. - Ça recommence...
M. Jean-Claude Danglot. - Dans un rapport publié en 1994, le Conseil d'État se demandait si l'on ne risquait pas, avec le service universel, « d'immoler sur l'autel de la concurrence ceux des intérêts de la collectivité et des usagers ou des consommateurs qui ne peuvent être assimilés à des intérêts vitaux ». A méditer ! Autrement dit, le service universel n'est qu'un service minimal destiné, selon certains, « à rendre certains secteurs plus perméables aux lois du marché ». L'Europe, particulièrement avec le traité de Lisbonne, en a fait un des outils privilégiés de sa politique ultralibérale ! (M. Jean-Paul Emorine, président de la commission, soupire) Il est intellectuellement malhonnête d'utiliser ce terme en faisant mine qu'il est synonyme de service public.
M. Christian Estrosi, ministre. - Eh bien !
M. Jean-Claude Danglot. - D'où notre amendement pour rappeler les principes du service public, cette histoire commune que certains voudraient jeter aux orties sous prétexte que la modernité serait dans le camp du libéralisme. Les mots sont importants, et les citoyens ont montré le 3 octobre dernier qu'ils sont majoritairement attachés à la conception républicaine du service public.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public postal contribue à garantir la cohésion sociale, en assurant un égal accès de tous les citoyens aux services offerts par La Poste, en participant à la lutte contre les exclusions et à un développement équilibré du territoire.
Mme Odette Terrade. - Nous voulons rappeler la mission historique de cohésion sociale de La Poste. De fait, s'est progressivement imposé en France un modèle de service public fondé sur l'égalité de traitement et d'accès que le maillage postal, puis sa desserte ferroviaire ont incarné.
Ce modèle appliquait une péréquation financière afin que toutes les régions soient traitées à égalité, même les plus enclavées. Les particularités de ces services en réseau justifient l'existence d'un monopole public.
Le changement de statut aura des conséquences très négatives en termes de cohésion sociale et d'aménagement du territoire. On sait ce qui s'est passé en Suède ou aux Pays-Bas : le processus de libéralisation a étranglé l'opérateur historique tandis qu'aucune obligation de service public n'était imposée aux autres. Dans les bureaux de poste de plein exercice gérés par du personnel postier, les usagers peuvent bénéficier de conseils de qualité, ce qui n'est pas le cas dans les points poste, d'autant que la grande majorité de ceux-ci ne peuvent traiter les opérations bancaires.
La réalité, c'est que La Poste a transformé elle-même les bureaux de plein exercice en bureaux de proximité, aux horaires limités, pour ensuite arguer de leur faible activité pour les fermer. Certains segments de la population n'ont plus que des services postaux au rabais, ce qui rend leur vie plus difficile et bafoue le principe d'égalité. Le tiers du territoire est déjà en situation de repli, perd des habitants, des emplois et des activités. La privatisation de La Poste leur envoie un bien mauvais signal. Il importe de réaffirmer les valeurs que doit défendre un vrai service public.
M. le président. - Amendement n°367, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La recherche de l'efficacité du service public postal ne peut entraîner la mise en oeuvre d'un dispositif contraire aux principes fondamentaux d'universalité, de continuité, d'adaptabilité et d'égalité.
M. Jean-Jacques Mirassou. - L'adaptabilité est un des principes fondamentaux du service public. A chaque fois que nécessaire, il peut être modifié pour tenir compte des exigences de l'intérêt général, dans la seule mesure où sont respectés les autres principes à valeur constitutionnelle. Contrairement à ce que dit la majorité, nous ne sommes pas archaïques ; nous voulons un service public moderne et dynamique, mais modernité et dynamisme ne se mesurent pas à la seule rentabilité économique ; ils ne peuvent prospérer au détriment de l'égalité et de la continuité. A ce dernier propos, on sait que le nombre de points relais commerciaux ne cesse d'augmenter ; la continuité du service n'y est pas garantie, sauf à interdire à son gérant de prendre des vacances ou d'être malade -ce qui ne choquerait pas, si je l'ai bien entendu, un des porte-parole de l'UMP...
M. le président. - Amendement n°429, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La préservation du statut d'exploitant public est essentielle au respect des quatre principes fondamentaux du service public que sont la continuité, l'égalité de traitement, l'adaptabilité et l'universalité.
M. Jacques Berthou. - La privatisation de La Poste priverait la puissance publique d'un outil essentiel d'aménagement du territoire et sonnerait le glas du service public postal.
On nous propose de transformer La Poste en une SA au capital à 100 % public. Mais si la Caisse des dépôts y entre, elle pourra revendre ses actions à tout moment ; elle s'est d'ailleurs cantonnée ces dernières années au secours temporaire des entreprises. Les exemples de France Telecom, d'EDF et de GDF jettent un doute sérieux sur la possibilité de préserver longtemps le caractère public de La Poste. Or c'est ce caractère qui garantit à moyen et long termes le service public, le maintien des bureaux de poste et l'accessibilité bancaire. Trop souvent La Poste délègue aux communes ses bureaux les moins rentables sans concertation avec les élus. C'est une atteinte au service public de La Poste ; c'est aussi un transfert de charges vers les collectivités, les contribuables et les usagers. Comment la France entend-elle justifier au regard du droit communautaire le statut des agences postales communales ?
Depuis la directive, les privatisations se succèdent en Europe et certains États n'ont pas résisté à une vision de court terme : récupérer des fonds pour alléger leur dette. Peut-on l'exclure en France ? On verra aussi les opérateurs se concentrer sur les marchés les plus rentables ; ailleurs, le choix sera entre la hausse des tarifs, la dégradation des prestations ou leur disparition pure et simple. En d'autres termes, ce sont les bureaux des zones rurales et des quartiers populaires qui sont menacés, avec les conséquences que l'on imagine. En Suède, il ne reste que deux opérateurs, un privé et un public, ce dernier ayant dû augmenter ses tarifs et fermer la moitié de ses bureaux.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jacques Berthou. - Entre privatisation et municipalisation, ce sont toujours les citoyens et les territoires les plus démunis qui subiront les conséquences de ces dérives libérales.
M. le président. - Amendement n°452 rectifié, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le changement de statut de La Poste ne doit pas se faire au détriment des principes fondamentaux du service public que sont l'égalité de traitement, la continuité, et l'universalité et la mutabilité.
Mme Odette Herviaux. - Nous ne pensions pas être contraints de rappeler ce que sont les principes fondamentaux du service public. En faisant de la concurrence la règle et du service universel l'exception, ce texte met à mal un pilier du pacte social à la française. Qui est archaïque dans cette affaire ? Ce sont les principes fondamentaux du service public qui lui dictent son rôle : égalité de traitement, continuité, universalité, mutabilité. C'est sur ce dernier point que repose en partie la troisième directive, qui relève que le service universel postal peut difficilement relever les défis technologiques ; seule l'entrée dans le monde concurrentiel peut lui permettre d'être compétitif, efficace et rentable. Nous, nous avons toujours estimé qu'il pouvait les relever dans le cadre de ses missions, pour peu qu'on lui en donne les moyens. Le nouveau statut n'est pas nécessaire. Mais la directive reconnaît que les nouvelles technologies peuvent participer à la cohésion sociale et territoriale ; on lit, au considérant 22, que dans les régions éloignées, le commerce électronique offre de nouvelles occasions de participer à la vie économique -la fourniture de services postaux de qualité étant un préalable important. On peut ainsi faire deux lectures de la directive... (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. - Il n'est pas besoin de faire référence, comme le fait l'amendement n°8, à ce qui existe depuis longtemps : avis défavorable. Il est vrai, comme mentionné dans l'amendement n°11, que le service public postal a un rôle de cohésion sociale.
Cette disposition n'a toutefois guère d'effets juridiques et il vaut mieux préserver concrètement ces missions de service public, comme le fait le texte adopté par la commission.
Les principes énoncés par l'amendement n°364 sont déjà garantis par d'autres dispositions. Le rappeler est inutile, surtout de façon aussi imprécise.
L'amendement n°367 est très proche du n°8 de M. Danglot ; l'avis sera donc le même, tout comme sur les amendements n°s429 et n°452 rectifié. Cet amendement est en substance identique aux amendements n°s8, 367 et 429 examinés précédemment. L'avis sera donc le même.
M. le président. - Je précise que l'amendement n°364 a été retiré avant la séance.
M. Christian Estrosi, ministre. - Ces amendements visent à préciser que le changement de statut de La Poste ne peut s'effectuer au détriment du service public. Nous sommes du même avis ! Vos interventions ne sont que des déclarations de principe ; elles sont donc inutiles. (Vives exclamations à gauche) Je vous renvoie à l'article 2 qui précise ce que sont ces missions de service public.
Vous n'évoquez que le maintien du service public, nous regardons l'avenir et voulons l'améliorer ! (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)
M. Didier Boulaud. - Argument faiblard !
M. le président. - Je suis saisi d'une demande de scrutin public par la commission. (Exclamations ironiques à gauche). Je fais ce que je dois.
M. Bernard Piras. - Ce n'est pas à vous que nous en prenons, monsieur le, président, nous nous moquons de la majorité qui est incapable d'être majoritaire en séance.
M. Jean-Claude Danglot. - Les principes associés à la notion de service public sont diamétralement opposés à ceux qui président au service universel. Vous entretenez la confusion pour mieux tromper les Français. Le service universel est en lien étroit avec la notion de marché, avec l'intérêt économique général et non plus avec l'intérêt général tout simplement. La différence est de taille. Cette notion est donc associée au droit de la concurrence, ce qui est antinomique avec notre conception républicaine du service public. Dans notre droit, les services publics à caractère industriel et commercial ne sont qu'une division de la notion de service public. Ils participent à l'égalité entre les territoires et entre les citoyens. La finalité est la même : tous les citoyens doivent être traités de façon égalitaire. Vous limitez ce principe à la seule finalité de cohésion sociale.
Selon nous, le primat doit être accordé à la redistribution ; vous considérez que des compatibilités sont à rechercher avec l'ouverture à la concurrence quand nous voulons privilégier la coopération. La concurrence est source d'inégalités et d'inefficacité économique. Les principes qui président à l'organisation des services publics sont absents de votre conception. Vous assimilez le service public à une prestation de service privée ; vous voulez faire croire que l'usager qui utilise un service public pourrait être traité comme un client payant un service privé. Les finalités ne sont pas les mêmes ! Le service public ne consiste pas seulement à fournir un service à un usager individuel, il est aussi un instrument des pouvoirs publics pour influencer l'environnement socio-économique d'un territoire.
On constate aujourd'hui un désengagement de l'État de secteurs répondant à des besoins collectifs, dans le seul objectif de permettre au privé de faire de l'argent. Vous rappeler cette évidence ne vous convient pas. Vous n'avez pas le courage de l'assumer. Vous avez beau attribuer à de mystérieuses décisions qui seraient prises au niveau européen ces orientations sur lesquelles vous n'auriez aucun pouvoir, vous êtes responsables de ces dérives qui mènent notre société vers des inégalités toujours plus grandes.
Vous ne cassez pas les services publics par plaisir, je vous l'accorde, mais par intérêt, celui d'une minorité d'actionnaires qui pourra grâce à vous se remplir rapidement les poches, après avoir délesté l'État d'un bien qui est le nôtre et en vous asseyant sur les principes qui président à la conception républicaine de nos services publics.
M. Didier Guillaume. - Chaque fois que le groupe CRC ou le groupe socialiste présente un amendement, vous le rejetez avec des arguments de plus en plus lapidaires. Nous voulons améliorer le texte dans le sens que vous dites être le vôtre, celui du service public et la commission vient réclamer des scrutins publics sur tous les amendements : qui donc est en train de « pourrir la semaine » ? A moins qu'il ne s'agisse pas d'obstruction mais de l'intérêt que la majorité porte à La Poste, intérêt hélas insuffisant pour qu'elle soit majoritaire en séance (Exclamations à droite). Nous aimerions pouvoir débattre sereinement et avancer plus vite, dans l'intérêt de La Poste, au service de la France ! (Applaudissements à gauche)
M. Martial Bourquin. - Je suis surpris des réponses qui sont opposées à nos amendements, pourtant rédigés avec grand soin dans l'intérêt du service public de La Poste. La sentence tombe : « Inutiles » ; on pense pour nous, nous n'aurions plus rien à dire. Nous voulons une Poste qui rende efficacement un service public sans nuire à l'esprit de celui-ci.
Dans ma commune, j'ai un plan canicule. Les postiers en sont partie prenante car c'est à eux qu'il revient d'assurer la présence humaine quand il n'y a plus personne. Vous ne pouvez pas considérer de telles questions comme superfétatoires : elles se posent tous les jours ! Vous n'allez pas répondre « Circulez, il n'y a rien à voir » !
Nous ne sommes pas dans une réunion UMP mais au Sénat. La représentation nationale exige des réponses adaptées et de qualité. Si vous continuez à demander des scrutins publics sur chaque amendement, on n'avancera pas. De vrais amendements, s'il vous plaît, avec des scrutins normaux ! (Applaudissements à gauche)
Mme Odette Terrade. - Je regrette que vous rejetiez nos amendements : nous voulons un service public de La Poste qui se projette dans l'avenir. C'est ce que nous voulons mettre dans la loi : offrir un service égal aux citoyens. Ajouter cela n'est ni superfétatoire ni rétrograde ; c'est l'affirmation de nos valeurs pour répondre aux enjeux du millénaire.
M. David Assouline. - Je suis étonné d'entendre le ministre dire que les principes étaient inutiles. Pour nous, c'est tout l'inverse : sans principe, on va droit dans le mur. Or, cet amendement n°8 décline le principe du service public de façon précise.
Vous dites aussi, monsieur le ministre, vouloir défendre le service public et préparer l'avenir de La Poste.
M. Christian Estrosi, ministre. - C'est vrai !
M. David Assouline. - Pourquoi opposer l'avenir de La Poste au service public ? Vous savez bien, élus de la majorité, que vos électeurs sont opposés à l'évolution du statut de La Poste et, d'ailleurs, vous le reconnaissez parfois en petit comité. Vous savez que les Français qui ont participé à la votation citoyenne n'étaient pas que des électeurs de gauche, loin de là ! Je tenais un bureau de vote le samedi matin devant la mairie du XXe arrondissement : il y a eu des mariages toute la matinée et ce sont des centaines de personnes qui passaient et qui venaient faire la queue pour participer au vote. (On entend à droite : « Vive la mariée ! » ; le brouhaha et les rires couvrent la voix de l'orateur)
M. le président. - Laissez parler l'orateur -le bruit vient des deux côtés !
M. David Assouline. - Vous savez à quel point les citoyens sont attachés aux missions du service public postal. Pour répondre à l'opinion, vous avez inventé un nouveau mot...
M. Christian Estrosi, ministre. - Bravitude ?
M. David Assouline. - ...avec l'amendement Retailleau pour faire croire que La Poste serait « imprivatisable » mais, aussitôt, Henri Guaino vient dire qu'il n'existe aucune garantie. Vous voulez masquer l'objectif final, la privatisation. Vous auriez pu assumer votre volonté, comme l'ont fait de nombreux libéraux dans le monde mais comme les Français sont attachés au service public, vous avancez masqué. (On le conteste à droite) Nous démontrerons que c'est bien là où vous voulez emmener La Poste !
M. Philippe Richert. - Ca suffit !
M. David Assouline. - Nous continuerons à demander l'organisation d'un référendum. Si vous n'aviez pas peur du peuple, vous l'accepteriez ! (Applaudissements sur les bancs socialistes ; protestations à droite)
M. Philippe Richert. - On n'est pas sur les barricades, ici !
A la demande de la commission, l'amendement n°8 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 152 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Exclamations à gauche)
M. Michel Teston. - Nous n'allons pas continuer à avoir des scrutins publics sur chaque amendement ! Il appartient à chaque groupe de s'organiser pour avoir un nombre de représentants suffisants en séance. Si l'UMP n'est pas en mesure de la faire, ce n'est pas aux groupes de l'opposition d'en supporter les conséquences. Si ça continue ainsi, nous ne participerons plus aux votes. Nous demandons à ce que l'on en revienne aux votes à main levée.
M. le président. - En vertu du Règlement, si la commission demande un scrutin public, le président de séance doit y procéder, même si sa position n'est pas toujours commode.
M. Didier Guillaume. - Pour que ce débat soit sérieux et digne, il conviendrait de suspendre la séance jusqu'à ce que la majorité soit majoritaire (rires et applaudissements à gauche) et que l'on puisse enfin travailler ! M. le ministre nous a dit hier soir, des trémolos dans la voix, qu'avec ce texte, il en allait de l'avenir de La Poste et il a ajouté qu'il y avait ceux qui, d'un côté, voulaient la laisser tomber et les autres qui voulaient aller de l'avant pour faire de La Poste un service public moderne, efficace et concurrentiel. Or, nous assistons à une parodie de débat car on ne répond pas à nos arguments. De plus, comme la majorité n'est pas mobilisée sur le sujet, elle est contrainte de demander des scrutins publics sur tous les amendements.
Levez donc la séance, monsieur le président, et reprenons demain matin. Ou alors, le débat va s'enliser.
M. Daniel Raoul. - Faites-nous confiance !
M. Didier Guillaume. - Ceci dit, je ne suis pas persuadé qu'une majorité de sénateurs soit favorable à votre projet (On applaudit à gauche tandis qu'on le conteste à droite) Nous sommes tous d'accord pour le maintien du service public de La Poste, sauf que nous divergeons pour parvenir à cet objectif.
Lors du débat qui a opposé nos deux éminents collègues Gélard et Teston, la démonstration a été faite que vos arguments sur le financement de La Poste ne tiennent pas. Il s'agit d'arguments de circonstance : le Gouvernement est parfaitement à même de trouver chaque année 240 à 250 millions pour financer l'établissement public. Il n'y a donc nul besoin de passer en société anonyme. On voit bien que ce qu'il y a derrière tout cela, c'est de passer d'un Epic à une SA, dans un premier temps publique à 100 %, puis à 50 %, pour finalement en arriver à une privatisation pure et simple. Et c'est peut-être la raison pour laquelle ce soir, certains sénateurs ne veulent pas laisser démanteler le service public de La Poste dont nous avons besoin dans les villes et dans les zones rurales. Mettre le doigt dans cet engrenage, c'est passer le bras et le corps tout entier.
C'est pourquoi je demande que la séance soit levée afin de reprendre lorsque la majorité sera mobilisée. Sans cela, ce soir, nous frisons, peut-être, le ridicule. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - En tant qu'observateur neutre, je tiens à vous faire remarquer qu'il y a rarement eu autant de sénateurs un soir de séance. (Rires et exclamations sur divers bancs)
M. Jean Desessard. - Je vais être court, car je ne voudrais pas « pourrir » la soirée de M. le ministre... (Rires) Il y a une chose que je ne comprends pas : vous n'avez pas tenu compte de la votation citoyenne du mois dernier ; il est vrai que nous l'avions organisée avec les moyens du bord, devant nos mairies ou nos permanences. Les 2,3 millions de votants, à vos yeux, ne suffisent pas. Nous avons donc proposé un référendum ; je crois comprendre que vous l'avez refusé parce que vous craigniez d'être minoritaires sur cette question. Vous avez préféré débattre de ce projet de loi au Sénat, où vous êtes majoritaires. Mais où êtes-vous ? Pourquoi n'êtes-vous pas présents en nombre ce soir ?
C'est bien simple : il suffit que l'un d'entre vous prenne un gros paquet de cartes et les dépose dans l'urne pour emporter la décision. Ce n'est pas là un débat démocratique. (Protestations à droite) Un porteur de cartes ne fait pas la loi en France ! (Vifs applaudissements à gauche)
M. Guy Fischer. - J'en reviens à mon rappel au Règlement de tout à l'heure : une motion référendaire ayant été déposée, il ne fallait pas entamer l'examen des articles. Le blocage que nous constatons s'explique sans doute par le fait qu'un grand nombre de sénateurs, dans leur for intérieur, rejettent le projet gouvernemental. (Protestations à droite) Ils savent que les élus locaux, dans les campagnes, sont vent debout contre cette réforme.
M. Jean Bizet. - C'est faux !
M. Adrien Gouteyron. - Vous leur mentez, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. - C'est vrai aussi dans la Manche, dans les Hautes-Alpes ou en Haute-Loire !
M. Adrien Gouteyron. - Ne parlez pas au nom de la Haute-Loire !
M. Guy Fischer. - Ce projet va à l'encontre de l'intérêt général. Nous demandons que la séance soit levée et l'examen des articles repris demain après celui de la motion référendaire. (Applaudissements à gauche)
M. Gérard Longuet. - J'ai eu la chance d'être deux fois ministre de La Poste.
Voix sur les bancs socialistes. - Les postiers s'en souviennent !
M. Gérard Longuet. - Il s'agit d'un très grand service public et d'une très grande entreprise, qui suscite la fierté de ses employés et l'estime de nos concitoyens. Mais si une majorité existe au Sénat, ce n'est pas le fait des malices de la séance, c'est parce que le peuple français l'a voulu ! (Applaudissements à droite)
M. Didier Boulaud. - Cela ne se voit pas !
M. Gérard Longuet. - La vie parlementaire a ses règles, et j'ai trop d'estime pour mes collègues pour supposer qu'ils ont oublié que notre Règlement prévoit une procédure pour remédier au problème auquel nous sommes confrontés. Une majorité voulue par les électeurs ne peut pas à chaque instant être totalement mobilisée. Je respecte votre majorité physique, respectez notre majorité politique ! (Marques d'ironie à gauche ; applaudissements à droite) Vous avez une majorité de circonstance, fruit d'un heureux hasard ; mais lorsque M. le rapporteur ou les membres de la majorité s'expriment, c'est au nom des grands électeurs qui ont voulu que la composition politique du Sénat soit ce qu'elle est ! (Protestations à gauche) Je n'entends pas que la majorité s'incline devant la réunion malicieuse et hasardeuse d'une minorité qui a convoqué le ban et l'arrière ban pour une soirée d'animation !
Je demande donc à M. le Président de faire appliquer le Règlement : nous voterons par scrutin public, procédure qui permet l'expression de la majorité élue. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)
M. Bertrand Auban. - Ce n'est pas brillant !
M. Philippe Richert. - A en croire ce que j'entends depuis cet après-midi, il y aurait d'un côté de l'hémicycle les défenseurs du service public postal, de l'autre des sénateurs peu conscients des enjeux de terrain, à qui on concède tout juste le droit de s'exprimer.
M. Roland Courteau. - Vous n'étiez pas là !
M. Philippe Richert. - J'ai tout de même entendu dire une fois -et cette fois-là j'ai applaudi- qu'il existait un consensus sur tous les bancs de cette assemblée pour défendre le service public postal.
Cessez donc d'adopter ce ton professoral. (Sarcasmes à gauche) Nous respectons vos opinions, permettez-nous d'avoir les nôtres et de les exprimer par les moyens prévus par le Règlement. Sachons nous écoutez et nous respecter et tâchons d'avancer. Je vous concède qu'il serait préférable que nous fussions plus nombreux que vous en séance... (Même mouvement)
M. Jean-Pierre Bel. - J'ai écouté M. Longuet avec attention. Je ne conteste pas sa compétence au sujet de La Poste, mais j'ai été surpris par son argumentation. La droite a beaucoup raillé un ancien ministre de gauche qui avait déclaré : « Vous avez juridiquement tort, parce que nous sommes politiquement majoritaires. » C'est pourtant le même argument qu'on vient de nous resservir.
M. Gérard Longuet. - C'est le contraire !
M. Jean-Pierre Bel. - Lors des débats sur la dernière révision de la Constitution, on nous promettait de renforcer les droits du Parlement. Mais ce soir, on voudrait le réduire au rang de chambre d'enregistrement, contrainte d'accepter le fait majoritaire, où les débats ne seraient qu'un théâtre, l'opposition étant réduite à un rôle de figuration. Eh bien non : nous avons voulu être nombreux ce soir, conformément au souhait général que les sénateurs soient plus présents en séance afin d'améliorer l'image de notre assemblée. Ce débat nous concerne tous et suscite, il est vrai, la passion. Ne nous reprochez pas d'être là pour représenter des gens qui attendent beaucoup de nous, car nous resterons ! (Vifs applaudissements à gauche)
M. François Patriat. - Je suis surpris et choqué : parce qu'une majorité a été élue, l'opposition serait réduite au silence et devrait même, pour faciliter les choses, être physiquement minoritaire dans l'hémicycle ! M. le ministre a déclaré que ce texte revêtait une importance capitale ; n'est-il donc pas capable de réunir une majorité pour le voter ?
M. Bertrand Auban. - Quel échec !
M. François Patriat. - Nous aimons tous La Poste, mais nous l'aimons différemment. Les membres de l'opposition ne sont ni dogmatiques, ni archaïques, mais lucides : ils défendent un service public postal auquel les Français sont attachés parce qu'il est utile et performant. M. le ministre a dit avoir rencontré beaucoup d'élus : il s'est en effet rendu en 2005 en Côte-d'Or, à Dijon puis à Beaune, où il a été accueilli par une assemblée de maires préoccupés par l'installation du haut débit dans les zones blanches. Le maire d'une petite commune à la frontière du Morvan l'a interrogé à ce sujet ; M. le ministre lui a répondu la main sur le coeur, comme il fait aujourd'hui, que l'opérateur historique se chargerait d'équiper sa commune. Cette promesse n'a pas été tenue. L'opérateur historique a disparu, de la même manière que le service public de La Poste est destiné à disparaître. Oui, nous sommes lucides : nous fondons nos prédictions sur des décisions prises dans le passé par le Gouvernement au détriment de l'intérêt public.
Ce n'est pas être dogmatique que de lutter contre la disparition des contre-pouvoirs, des instruments de régulation, du service public auquel les Français sont tant attachés ! (Vifs applaudissements à gauche)
Mme Marie-France Beaufils. - La votation citoyenne a démontré l'attachement des Français au service public de La Poste. Si vous avez engagé la procédure accélérée sur ce texte, alors que l'échéance pour l'ouverture totale du secteur postal à la concurrence n'est fixée qu'au 1er janvier 2011, c'est bien pour qu'il soit adopté avant que n'entre en vigueur le référendum d'initiative populaire, qui aurait permis à la population de s'exprimer ! Vous alliez plus vite en besogne pour permettre au Président de la République de s'exprimer devant le Congrès à Versailles ! Le Président est moins pressé quand il s'agit de permettre à la population de participer au débat sur son avenir. Quel mépris de l'électorat !
Samedi dernier, lors de l'ouverture de deux multiservices munis de points poste dans mon département, les gens accusaient La Poste d'abandonner ses responsabilités et de désorganiser son service ! (Protestations à droite ; marques d'approbation à gauche) Non seulement vous refusez à la population le droit de s'exprimer, mais vous refusez le débat en séance : seuls le rapporteur et quelques élus de la majorité ont pris la parole lors de la discussion générale, et vous n'opposez aucun argument à nos amendements ! Vous refusez tout débat de fond car vous savez bien ce que vous disent vos électeurs sur le terrain ! Je le regrette. (Applaudissements à gauche)
A la demande de la commission, l'amendement n°11 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 152 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements à droite ; on estime qu'il n'y a vraiment pas de quoi à gauche)
M. Jean-Jacques Mirassou. - Ce sont deux conceptions différentes du service public qui s'affrontent ici. Nous en ferons la démonstration, et ce jusqu'au bout ! M. Longuet est loin de nous avoir convaincus, pas plus que lors du vote sur le Grenelle de l'environnement où, à l'entendre, l'opposition aurait dû s'excuser d'être majoritaires dans l'hémicycle !
Nous sortons à peine d'une réunion de la commission de l'économie, où l'on nous a expliqué qu'une motion référendaire était inutile puisque la droite est majoritaire... Elle est minoritaire en séance ce soir mais représenterait malgré tout une opinion publique... à laquelle on interdit de s'exprimer par référendum ! En refusant de prendre ce débat au sérieux, vous refusez de prendre vos responsabilités. Nous, nous prenons les nôtres et nous continuerons de défendre notre conception du service public. (Applaudissements à gauche)
A la demande de la commission, l'amendement n°367 est mis aux voix par scrutin public. (On feint de s'indigner à gauche)
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l'adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Didier Boulaud. - Quel succès ! Quel talent ! Quelle merveilleuse majorité !
M. Bernard Frimat. - La majorité peut devenir majoritaire dans cet hémicycle ! Vous avez le temps de réveiller vos collègues et de les faire revenir des bureaux de poste où ils se sont retranchés... (Sourires)
Monsieur Longuet, l'utilisation du scrutin public est conforme au Règlement, mais je suis gêné par le terme « malicieux » employé à notre égard. Que les sénateurs soient présents dans l'hémicycle pour examiner un projet de loi considéré comme essentiel ne relève pas de la malice, mais du travail normal des parlementaires. (Applaudissements à gauche)
J'ai entendu le président du Sénat -peut-être nous rejoindra-t-il pour nous permettre d'échapper aux scrutins publics ?- s'inquiéter de l'absentéisme, et je sais que nos collègues de l'Assemblée nationale ont été révulsés de devoir pointer... Ce soir l'hémicycle est bien garni, mais peut-on nous reprocher de faire notre travail ? Si ce texte est pour vous aussi fondamental que vous le dites en vous présentant comme les sauveurs de La Poste, à laquelle vous assureriez un avenir radieux et européen, pourquoi les sénateurs de la majorité n'ont-ils pas daigné être en nombre suffisant ?
Voix à droite. - Nous sommes là !
M. Bernard Frimat. - Chacun défend ses convictions et vote librement sur le texte présenté. Michel Teston a longuement présenté notre position, nous en débattons et tentons d'obtenir du ministre et du rapporteur une réponse au fond. C'est le b.a.-ba de la démocratie. Nous sommes arrivés à une situation impliquant que vous soyez là physiquement, à la hauteur de vos engagements. Certes, il nous arrive aussi de ne pas être en nombre suffisant et j'ai parfois présidé des séances où nous étions peu nombreux... Réjouissons-nous de la volonté des parlementaires d'exercer leurs fonctions et de défendre leurs convictions sur un sujet sensible, car il n'est pas anodin que plus de 2 millions de personnes se déplacent pour une opération citoyenne. Demain, nous proposerons que tous les Français se prononcent sur l'avenir de La Poste.
Les scrutins publics vont se poursuivre et nous n'allons pas multiplier les explications de vote -nous en ferons quelques-unes simplement pour animer la séance. Réjouissons-nous de la vitalité du Sénat ! Nous avons ce soir un avant-goût de ce qui nous attend en 2011, quand nous serons majoritaires... (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean Desessard. - Si nous étions à l'Assemblée nationale...
Voix à gauche. - Le 49-3 !
M. Jean Desessard. - ... ces amendements auraient été adoptés car les députés ne disposent que d'un mandat de vote en plus du leur, conformément à la Constitution. Pourquoi le Sénat ne la respecte-t-il pas ? Le Règlement du Sénat est-il plus fort que la Constitution ? (M. Philippe Richert s'indigne)
Selon la Constitution, un parlementaire ne peut être porteur que d'une seule voix. Les élections au suffrage universel sont régies par un système uninominal, ici nous votons par parti...
Mme Jacqueline Panis. - La Poste !
M. Jean Desessard. - Nous devrions adopter le même système que l'Assemblée nationale. Pourquoi le Sénat, qui se veut moderne, conserve-t-il un système de vote archaïque qui permet à une personne de voter pour 140 parlementaires ?
M. le président. - Ce soir, ce n'est pas le cas.
M. Martial Bourquin. - On n'en est pas loin.
M. Jean Desessard. - Le scrutin public, c'est quoi ?
M. le président. - J'ai rarement vu 115 parlementaires présents dans l'hémicycle à 23 h 30 !
M. Jean Desessard. - Que chacun vote individuellement !
M. le président. - Nous appliquons le Règlement.
M. Jean Desessard. - Monsieur le président, vous avez le droit de m'interrompre, mais dans ce cas bloquez le compteur. (Protestations à droite)
Mes propos vous gênent, mais croyez-vous que cela me fait plaisir quand une personne dépose 140 bulletins dans l'urne ? Quand 340 sénateurs participent au vote alors qu'une dizaine seulement sont présents dans l'hémicycle ? A l'Assemblée nationale, le scrutin a donné lieu des votes surprises car certains députés n'ont pas voté comme on pouvait s'y attendre. Mais ici le vote est bloqué, ce qui est anticonstitutionnel. Je peux vous lire la Constitution... (Sourires et applaudissements à gauche)
M. Gérard Longuet. - Je remercie M. Frimat d'avoir reconnu que le recours au scrutin public est conforme à notre Règlement et le président de n'avoir jamais vu notre assemblée aussi fournie à cette heure...
M. Bertrand Auban. - Pour La Poste !
M. Gérard Longuet. - Réjouissons-en-nous car nous partageons le même interêt pour La Poste. Monsieur Desessard, reconnaissez qu'il y a ce soir beaucoup de sénateurs présents et que le scrutin public reflète cette assemblée.
Le groupe socialiste est venu nombreux. Le mot « malicieux » ne convenait peut-être pas, mais si vous agissiez de même pour tous les textes, la mobilisation des sénateurs serait plus importante et mon travail de président de groupe plus facile...
M. Didier Boulaud. - C'est grâce à nous que vous êtes là ?
M. Gérard Longuet. - Ce que Christian Estrosi nous propose pour La Poste s'applique déjà à la SNCF depuis 71 ans, exemple vécu par des dizaines de milliers de salariés et des millions d'usagers : c'est une société anonyme de droit privé à capitaux d'État. (M. Pierre Hérisson, rapporteur, le confirme) On peut assurer des missions de service public avec un tel statut, et mon groupe ne votera pas l'amendement n°429. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Philippe Richert. - Je me réjouis de cette mobilisation. Le Parlement s'honore d'une assistance si nombreuse pour débattre d'un sujet qui concerne le quotidien de nos concitoyens. En revanche, M. Desessard voudrait nous expliquer que notre Règlement est inconstitutionnel... (M. Jean Desessard, debout, brandit la Constitution) Un parlementaire aussi éminent, aux jugements si pertinents, doit reconnaître les décisions du Conseil constitutionnel, qui a validé notre Règlement... sauf à remettre en cause le fonctionnement de cette instance, ce qui est grave.
M. Jean Desessard. - Je vais vous répondre !
M. Gérard Longuet. - Notre Règlement a été validé par le Conseil constitutionnel.
Même M. Desessard doit pouvoir l'admettre ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Michel Teston. - Après la nationalisation, la SNCF était une société anonyme mais la loi d'orientation sur les transports intérieurs de 1982 lui a donné le statut d'Epic. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Jacques Mirassou. - Elle est devenue Epic le 1er janvier 1983.
M. Guy Fischer. - Et voilà, monsieur Longuet...
M. Gérard Longuet. - J'ai raison pendant 45 ans, tout de même. (Sourires)
A la demande de la commission, l'amendement n°429 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 152 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean Desessard. - Je voterai l'amendement n°452 rectifié. Monsieur Richert, j'ai dit que le Règlement est flou. Et je vous relis l'article 27 de la Constitution.
Mme Jacqueline Panis. - La Poste !
M. Jean Desessard. - « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d'un mandat. » (« Voilà ! » à gauche)
M. Bertrand Auban. - Exactement !
A la demande de la commission, l'amendement n°452 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l'adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé
La Poste s'engage à demander la réalisation d'un audit, dans la maison mère comme dans ses filiales, dressant un bilan des conditions de travail des salariés et de la multiplication des formes d'emploi précaire. Ce bilan tiendra également compte de la répercussion de cette politique du personnel sur les salariés comme sur la qualité du service rendus aux usagers.
Mme Mireille Schurch. - Le bilan à dresser dépasse les seules considérations économiques. Il faut s'intéresser aux conséquences pour l'emploi, au-delà des « ajustements transitoires » prévus par la Commission européenne. Dans ce qui est une entreprise de main-d'oeuvre par excellence, la principale variable d'ajustement sera l'emploi. Les filiales de La Poste comprennent de nombreux contractuels de droit privé au statut précarisé.
S'il faut rivaliser de compétitivité avec les établissements postaux de pays où la protection sociale est plus faible que chez nous, le dumping social est inévitable et les conditions de travail seront harmonisées par le bas, non par le haut. Une étude de l'impact du changement de statut sur les conditions de travail d'impose. Voyez le cas de France Télécom, voyez les résultats de la pression constante exercée sur les salariés au nom de la compétitivité. Il convient d'évaluer les conditions de travail et la qualité du service rendu, après quoi l'on pourra juger de la pertinence d'une libéralisation.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. - La situation des salariés de droit privé de La Poste, notamment ceux qui enchaînent les CDD, a déjà été évoquée dans le rapport Larcher en 1997.
M. Guy Fischer. - Il est temps de l'actualiser.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. - C'est ce que nous avions fait dans la loi de 2005 et ce que nous faisons à nouveau avec ce texte. Il y a eu une prise de conscience, si bien que l'audit n'est pas nécessaire. Aujourd'hui, 88 % des salariés de La Poste sous convention commune travaillent à plein temps, contre 67 % en 2003.
Ce taux est identique à celui des fonctionnaires. Les facteurs en contrats à durée déterminée représentent aujourd'hui seulement 3,3 % des effectifs et 19 000 postiers en CDD se sont vu proposer des contrats à durée indéterminée depuis 2005. Compte tenu de ces chiffres, nous ne pouvons pas accepter le principe de l'audit. Avis défavorable.
M. Christian Estrosi, ministre. - Même avis.
Mme Isabelle Pasquet. - Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la situation à Martigues...
Mme Annie David. - Monsieur le président de la commission, écoutez bien ! Vous en saurez davantage sur les conditions de travail des postiers ! (M. Jean-Paul Emorine, président de la commission, s'exclame.)
Mme Isabelle Pasquet. - Après 22 jours de grève des facteurs et 20 jours de grève de la faim de l'un d'entre eux, la direction départementale de La Poste des Bouches-du-Rhône refuse de rencontrer les organisations syndicales et met en demeure le gréviste de la faim de s'alimenter si bien que le mouvement s'est renforcé. Aujourd'hui, 95 % de la distribution postale est en grève. Les élus, comme ils l'ont fait pour d'autres établissements des Bouches-du-Rhône, sont intervenus après de la direction départementale de La Poste pour qu'elle accepte d'ouvrir des négociations -il leur est même arrivé d'intervenir auprès du préfet pour débloquer la situation dans un bureau de poste de Marseille. Il est dangereux que les dirigeants d'une entreprise laissent ainsi perdurer une situation conflictuelle en stigmatisant des salariés et des syndicalistes dont le seul but est de défendre l'emploi et le service public. La Poste doit s'engager dans un véritable dialogue social ! Parce que je suis confrontée à ce type de situations, je voterai l'amendement n°9. (Applaudissements à gauche)
A la demande de la commission, l'amendement n°9 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l'adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - M. le Président du Sénat m'ayant demandé de lever la séance avant minuit, je vous propose de suspendre nos travaux jusqu'à demain matin.
Prochaine séance demain, mercredi 4 novembre 2009, à 9 h 30.
La séance est levée à 23 h 50.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mercredi 4 novembre 2009
Séance publique
DE 9 HEURES 30 À 12 HEURES 30
Examen de la motion tendant à soumettre au référendum le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (n° 75, 2009-2010).
A 14 HEURES 30 ET LE SOIR
Suite du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée) (n° 599 rectifié, 2008-2009).
Rapport de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n° 50, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 51, 2009-2010).
_____________________________
ERRATUM
Dans compte-rendu analytique de la séance du lundi 2 novembre 2009, page 45, lignes 30 et 40, au lieu de « M. Jean-Jacques Mirassou », lire « M. Robert Tropeano ».