Débat sur les pôles d'excellence rurale
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur les pôles d'excellence rurale.
M. Jean Boyer, au nom du groupe de l'Union centriste, auteur de la demande d'inscription à l'ordre du jour. - L'idée des pôles d'excellence rurale (PER) a été lancée en 2005 à la suite de la loi relative au développement des territoires ruraux. Ce dispositif a été initié par M. Sarkozy, alors ministre de l'économie et des finances, pour faire pendant aux pôles de la compétitivité destinés aux villes. Il s'agissait de donner un élan et un soutien aux projets émanant des territoires, de renforcer le rôle des collectivités territoriales et de développer des réseaux au sein des territoires et entre ces derniers.
Membre de la commission nationale de présélection, j'ai eu la chance d'être associé à cette aventure dès son début ; j'ai pu constater le formidable engouement que ce dispositif a suscité. Au total 791 dossiers ont été déposés et 379 retenus, soit bien au-delà des prévisions, pour un montant d'investissement de 1,2 milliard d'euros.
Alors que la date d'échéance de l'engagement des crédits est proche, il m'est apparu nécessaire de faire un bilan exhaustif des premiers PER. Une évaluation a été menée par le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux. Au Sénat, un groupe de travail a été constitué au sein de la commission des affaires économiques sous la présidence de M. Pointereau, qui rendra ses conclusions d'ici quelques mois ; il doit tirer le bilan des deux premières vagues de labellisation et proposer des voies d'amélioration pour les futures campagnes. Nous avons en outre déjà débattu du sujet en 2007 à l'initiative du président Émorine et lors des dernières discussions budgétaires.
Il est trop rare que monde rural rime avec excellence ; il est important qu'on reconnaisse, qu'on revendique cette excellence, d'autant que les PER sont la traduction concrète de la priorité politique accordée aux zones de revitalisation rurale (ZRR)...
M. Jacques Blanc. - Très bien !
M. Jean Boyer. - ...qui sont, comme chacun le sait ici, caractérisées par la faible densité d'une population par ailleurs en déclin et une forte proportion d'emplois agricoles. Je suis élu d'un canton entièrement classé en ZRR, et j'ai partagé la fierté de ses habitants lorsque le label nous a été décerné. L'appellation doit être conservée, même si on a pu juger ici ou là que certains projets manquaient d'excellence ; il suffit parfois d'un détail pour mobiliser les populations et préserver des emplois. L'impact psychologique peut faire la différence. On compte sept PER dans mon département, dont celui de la Chaise-Dieu qui a permis la restauration des bâtiments abbatiaux du XVIIe siècle et le développement des activités du site hors la période du festival de musique. Un autre pôle, autour de la filière bois, connaît une réussite remarquable, qu'il s'agisse de l'utilisation du bois en écoconstruction ou du développement des énergies renouvelables.
On oublie trop souvent que les territoires ruraux sont attractifs et gagnent 50 000 habitants chaque année. La première génération de PER a permis une nouvelle dynamique, l'accélération de certains projets ou le lancement de projets en gestation sur le thème du patrimoine, un travail collectif, une amélioration de l'image des pays. Plus d'un milliard d'investissement a été réalisé ; 6 000 emplois ont été créés et près de 30 000 préservés. Il y a maintenant des projets d'investissement en attente dans le monde rural. Si 22 PER ont été abandonnés, 357 sont aujourd'hui engagés. Les résultats qualitatifs sont aussi au rendez-vous, d'autant que les territoires ruraux connaissent aujourd'hui un regain d'attractivité, territoires qui, en période de crise, apportent une contribution essentielle à une croissance durable. Le Président de la République a rappelé hier au Congrès la nécessité de poursuivre l'action en faveur du monde rural, qui joue un rôle de plus en plus important dans notre société. Avec les PER, élus, acteurs publics et acteurs privés ont travaillé ensemble et différemment.
Les PER sont organisés autour de quatre thèmes : la valorisation des patrimoines naturels et culturels, la valorisation des bioressources, le développement des services et de l'accueil et la diffusion des technologies en direction des entreprises.
Ces thèmes, tout à fait pertinents, ont permis de concrétiser un grand nombre de projets. Dans le seul département de la Haute-Loire, les PER couvrent l'intégralité des thèmes de l'appel à projets.
Le bilan du Conseil général de l'agriculture souligne que ces thèmes, qui ne sont pas encore obsolètes, doivent être maintenus. Je partage cet avis, même s'il faut les ajuster et donner plus de place aux services à la personne, aux maisons médicales par exemple. Pour maintenir et restaurer l'attractivité du monde rural, il faut une offre de soins de qualité sur l'ensemble du territoire.
Pour toutes ces raisons, je souhaite qu'une nouvelle génération de PER pérennise ce dispositif. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu'un nouvel appel à projets pourrait être lancé en 2009 avec l'objectif de soutenir des projets de mutualisation de services publics innovants. Ce thème ne serait pas le seul. Le Premier ministre avait déjà évoqué le thème de l'agroalimentaire, lors de l'inauguration du 22e salon des productions animales à Rennes début septembre, et dans le cadre du Grenelle de l'environnement le développement durable et les énergies renouvelables devraient aussi être retenus. La priorité de l'action publique en territoire rural, c'est l'accès aux services publics.
Vous avez annoncé que, préalablement au lancement d'un nouvel appel à projets, les crédits alloués à la première vague devaient être utilisés en totalité. Pouvez-vous nous indiquez à quel niveau nous en sommes aujourd'hui ?
Je souhaite être rassuré sur la possibilité d'accorder une certaine souplesse dans le versement des fonds aux PER qui n'auraient pas respecté les délais, pour des raisons justifiées. En décembre 106 PER avaient un taux d'engagement inférieur à 60 %. Or la circulaire du 9 août 2007 précisait que les travaux devront dans tous les cas être achevés en décembre 2009. Beaucoup craignent de perdre des crédits à la fin de cette année si toutes les actions ne sont pas encore engagées. Dans certains cas, le retard peut être du à des législations précises et contraignantes comme la loi sur l'eau ou les règles d'urbanisme, pour lesquelles les délais d'instruction sont incompressibles. Au-delà de cette tolérance pour les PER retardataires, ne pourrait-on, à l'avenir, allonger le délai de réalisation de trois à quatre ans ?
J'ai déjà eu l'occasion de souligner, dans cet hémicycle, la complexité administrative des dossiers de PER, qui décourage les meilleures volontés. De même, la multiplicité des fonds concourant à leur financement rend celui-ci particulièrement obscur pour les porteurs de projets. La procédure d'attribution des offres est également trop contraignante. Il faut faire évoluer les règles de gestion des contributions, et les rendre plus souples. Plus que jamais, l'État doit s'efforcer de respecter ses engagements : il en va de la crédibilité de ces outils du développement local pour demain.
Une ligne budgétaire spécifique pour les PER aurait le mérite de la clarté par rapport à un fonds ministériel mutualisé, peu visible pour les porteurs de projets. En outre, si ces pôles ont mobilisé des fonds de l'État et des collectivités, les montants versés ont souvent été décevants par rapport aux enveloppes prévues au départ. Il a parfois fallu renégocier des plans de financement, certains aspects n'ayant pas été pris en compte lors du montage de l'opération et, dans certains cas, tous les financements n'ont pas encore été réunis.
Le délai accordé pour le montage des dossiers a été trop court. En tant que membre de la Commission nationale de présélection, j'ai pu noter la différence entre des projets visiblement prévus de longue date et des dossiers montés à la hâte pour profiter de l'aubaine. Il est indispensable de laisser au moins six mois aux porteurs de projets pour présenter leurs dossiers, afin que les partenariats entre les différents acteurs publics et privés soient clairement définis, et que le plan de financement soit réaliste. Au cours de cette phase de soumissionnement, les porteurs de projets doivent bénéficier de conseils et d'ingénierie pour les aider à monter leur dossier.
Je remercie les deux ministres qui, à l'époque, décidant de labelliser plus de pôles qu'initialement prévu, ont été à l'écoute du monde rural. Nous attendons avec impatience une deuxième génération de PER, qui fasse écho au dynamisme des territoires ruraux. J'adresse aussi mes remerciements au groupe de travail dont le capitaine vient d'un département et d'une ville, Vierzon, où l'on fabriquait autrefois des locomotives mais où maintenant on « fabrique » des sénateurs qui se battent pour les territoires ruraux. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Gérard Le Cam. - Monsieur le ministre, vous avez annoncé, fin 2008, vouloir lancer un nouvel appel à projets de pôles d'excellence rurale pour soutenir la mutualisation de services publics innovants -comme les relais de service publics ou encore les maisons de santé- ainsi que le développement durable des territoires.
Ces pôles ont connu, lors de leur lancement, un vif succès comme en témoignent les 800 dossiers déposés en 2005. Ils étaient destinés à soutenir des initiatives locales, créatrices d'emplois et innovantes, autour de partenariats public-privé. Sur le territoire, 379 projets ont reçu le label en 2006. Dans le département des Côtes d'Armor quatre projets ont été labellisés concernant notamment l'amélioration de l'offre de soins, la production de biocarburants, l'agriculture durable et les nouveaux marchés, le cheval en Penthièvre. Le temps a manqué pour préparer les différentes actions parce que les difficultés s'accumulent parfois -coordination, permis de construire, normes, comités de défense contre les projets ; tout cela pénalise les finances et la bonne volonté des acteurs locaux. Les objectifs des PER correspondent à des faiblesses réelles du territoire et ils traduisent la volonté de compenser des politiques insuffisantes.
Par exemple, l'amélioration de l'offre de soins et la construction de trois maisons de santé répondent à un grave souci des élus locaux. Maire d'une commune proche de ce PER, je vais devoir accueillir la semaine prochaine un médecin roumain, car il est devenu impossible de faire venir des médecins français dans nos secteurs et ce n'est pas la loi HPST qui va régler le problème, loin s'en faut ! Construire des maisons de santé, c'est bien, à condition que des professionnels veuillent bien s'y installer demain !
« Le cheval en Penthièvre », un projet d'animation équestre autour du haras national de Lamballe tente de compenser l'affaiblissement progressif des effectifs des haras nationaux et la politique d'abandon du Gouvernement. A intervalle régulier, des menaces de fermeture définitive pèsent sur les deux seuls haras bretons subsistants : Lamballe et Hennebont.
Les pôles n'auraient pas besoin d'exister s'il n'y avait eu auparavant toutes ces politiques d'abandon de la ruralité. Le texte de loi relatif aux territoires ruraux voté en 2005 n'avait pas apporté de solutions efficaces. L'ensemble des projets labellisés, représentant un investissement global de 1,2 milliard, devait permettre de créer 35 000 emplois dont 13 000 directs, la participation de l'État étant de 235 millions. Dans votre bilan, monsieur le ministre, vous vous félicitez d'avoir mis en place « un outil concret au service de la relance grâce aux investissements et aux créations d'emplois », alors que lors du conseil des ministres du 13 mai, vous annonciez la création de seulement 6 000 emplois directs sur les 13 000 prévus. Moins de la moitié ! Aujourd'hui qui peut assurer que ces territoires ruraux connaissent la relance et le nouveau dynamisme tant souhaité lors de la mise en place de ces pôles ? De nombreux PER en sont encore au stade de la mise en place ! Comment le Gouvernement peut-il présenter un bilan si positif ?
Comme vous souhaitez lancer une troisième vague d'appel à projets, il est nécessaire de mettre en lumière les limites de cette politique. L'Union nationale des acteurs et des structures du développement local a émis quelques réserves sur le mode de sélection des projets. Au lieu d'encourager la coopération entre les territoires, ce système les met en concurrence. Il serait bon de définir de nouvelles modalités de sélection des projets candidats car le but est d'aménager le territoire harmonieusement et de manière solidaire.
Les pôles d'excellence rurale ne prennent en charge que l'investissement, non le fonctionnement des équipements réalisés. Leur rôle risque ainsi d'être trop ponctuel et de laisser à terme la charge totale des projets aux collectivités locales.
Cette labellisation s'ajoutant à de nombreuses procédures existantes comme les pays, les projets européens Leader Plus animés par les groupes d'action locaux ou le volet territorial des contrats de plan État-région, risque de perdre en lisibilité. La sélection des pôles, par l'État, est faite au détriment des collectivités territoriales, alors que ces dernières sont sollicitées pour compléter le plan de financement, notamment les régions, collectivités chefs de file pour l'aménagement du territoire et le développement économique. Les délais de mise en oeuvre des projets paraissent inadaptés aux contraintes locales : à ce jour, 357 PER ont effectivement engagé leur projet d'investissement, mais seuls 100 l'ont fait en totalité.
Il parait prématuré d'engager une nouvelle vague d'appel à projets tant que les projets labellisés n'auront pas été menés à terme. Je m'interroge aussi sur la gouvernance des différents pôles, PER ou pôles de compétitivité : l'imposition des partenariats publics-privés donne une place prépondérante aux entreprises privées, ce qui accentue la disparité entre les territoires. Ceux qui sont dotés d'entreprises dynamiques et pouvant investir dans les partenariats vont profiter de cette aubaine, au détriment des territoires qui ne le sont pas. La ruralité a besoin d'une égalité de traitement dans de multiples domaines. Complémentaire des zones urbaines, elle mérite mieux que des pôles d'excellence rurale. L'excellence est un « éminent degré de qualité, en un genre ». Sans vouloir atteindre ce niveau ponctuel et créer quelques arbres pour cacher la forêt, nous demandons le maintien des services de proximité et des services publics dans leur globalité : soins, sécurité, écoles, poste, communications, déplacements, soutien aux activités économiques, touristiques et agricoles. Nous sommes loin du compte et ce ne sont pas la réforme territoriale et la volonté de l'État de contraindre les dépenses des collectivités locales qui contribueront au renouveau des espaces ruraux. Il faut faire plus et mieux.
M. Rémy Pointereau. - Le président Emorine a souhaité que la commission établisse cette année un bilan des pôles d'excellence rurale et formule des propositions. Un groupe de travail a été constitué, qui m'a fait l'honneur de me choisir pour présider ses travaux. C'est à ce titre que je voudrais remercier M. Boyer pour cette occasion qui m'est fournie de présenter quelques réflexions que je peux tirer des auditions que nous avons menées depuis notre installation, début avril.
Le développement se fonde de plus en plus sur la mise en valeur des atouts propres à chaque territoire et non sur des décisions centralisées déclinées uniformément. La France a su conserver un espace rural riche qui attire de nouveaux résidents. Pourtant la situation est très variable d'une région à l'autre : de nombreux territoires se sont retrouvés au fil des années livrés à eux-mêmes, à l'écart des grandes infrastructures de transports et des réseaux numériques. Sans locomotives à Vierzon, il nous reste à attendre l'arrivée du TGV.
Mme Nathalie Goulet. - Et nous donc !
M. Rémy Pointereau. - L'agriculture et l'artisanat restent les moteurs traditionnels de l'économie rurale. Une nouvelle économie résidentielle, fondée sur les services aux habitants et aux touristes, modifie les termes du développement rural. Du fait même de cette diversité, et compte tenu de la multiplicité des niveaux de décision, le territoire apparaît comme une échelle pertinente pour l'élaboration de l'action publique
Le territoire dont je parle c'est d'abord le bassin de vie, l'espace vécu quotidiennement par nos concitoyens comme par les entrepreneurs qui travaillent ensemble. La grande qualité de la politique des pôles d'excellence rurale, c'est qu'elle a favorisé les projets qui prennent en compte cette échelle. L'initiative et la conception du projet sont locales ; le contenu du projet est fondé sur la mise en valeur des ressources naturelles et patrimoniales ; la gouvernance associe les acteurs locaux, aussi bien publics que privés. Voilà une vraie nouveauté par rapport aux anciennes politiques d'aménagement du territoire fondées sur des schémas et des plans décidés d'en haut. Les PER ont fait confiance à l'intelligence territoriale : la capacité des territoires ruraux à être les acteurs de leur développement en menant des actions fondées sur leurs atouts propres. Qui, mieux que les entrepreneurs ou les élus locaux, peut voir que dans telle vallée une petite industrie agroalimentaire ne demande qu'à se lancer ; que, dans tel département, la géothermie et la biomasse permettent de développer de nouvelles activités ; qu'ailleurs, les ressources touristiques peuvent faire naître des projets de formation innovants ?
Parmi les enseignements que notre groupe de travail a tirés des auditions qu'il a menées, je retiens surtout l'investissement des acteurs locaux dans les projets dont ils ont eu l'idée et qu'ils animent tout au long de leur déroulement Tous nous ont signalé le dynamisme qui s'est manifesté lors des deux appels à projet de 2006 et 2007 : plus de 700 dossiers déposés en un temps record, dont 379 retenus. Il y avait eu le même enthousiasme lors de la création des pôles de compétitivité. Les pays, les communautés de communes, les parcs naturels régionaux ont montré leur capacité à monter des projets, malgré toutes les difficultés qu'imposait la brièveté du délai.
L'intelligence territoriale, cela ne doit pas signifier que l'État abandonne son rôle dans l'aménagement du territoire, dans la solidarité nationale et dans les grandes impulsions. L'État conserve un rôle essentiel : au lieu de faire, il fait faire. Il fixe des orientations mais fait confiance aux initiatives locales pour la définition précise des projets et pour leur mise en oeuvre.
La première génération des PER a privilégié la promotion des richesses patrimoniales, la valorisation des bioressources, l'offre de services, l'excellence technologique. L'État a orienté leur activité vers des priorités qui paraissaient pertinentes et il a apporté une reconnaissance, par un label qui fait connaître l'ambition du pôle. Il a mobilisé des financements et ses services. La Diact, ancienne Datar, a joué son rôle toujours moteur dans la modernisation des politiques d'aménagement du territoire Les préfectures ont été au contact des responsables de pôles et des maîtres d'ouvrage, en collaboration avec le Cnasea, aujourd'hui Agence de services et de paiement.
Les représentants de ces organismes, notamment le délégué interministériel Pierre Dartout, nous ont confirmé que les PER demeuraient un axe majeur de la politique de développement des territoires ruraux. Nous allons rencontrer les 10 et 17 juillet des acteurs locaux qui ont bénéficié du label PER. L'État s'est mobilisé, les PER bénéficient d'un soutien au plus haut niveau puisque le Président de la République fut à l'origine des PER lorsqu'il était ministre de l'intérieur en 2005. Monsieur le ministre Falco, vous êtes vous-même un excellent avocat des PER dont vous avez dressé un bilan positif au cours du conseil des ministres du 13 mai dernier.
Initiatives locales et soutien de l'État, ces facteurs de succès ne doivent toutefois pas masquer certaines limites du dispositif, qui pourrait être encore plus efficace. Début avril, vous nous avez fait l'honneur, monsieur le ministre, de répondre à notre invitation J'ai été particulièrement sensible à vos propos sur la nécessaire souplesse qu'il convient d'observer dans la gestion de ces pôles. Certains auront sûrement besoin de quelques mois de délai après la fin de l'année. N'abandonnons pas en route des initiatives prometteuses. Pourriez-vous confirmer cette volonté de souplesse ? Il s'agit d'un vrai sujet d'inquiétude pour un certain nombre de pôles. La question des modes de financement fait également l'objet de réflexions : des porteurs de projets manquent de visibilité sur l'origine et sur la disponibilité des fonds. Ne faudrait-il pas des fonds spécifiques ciblés PER ?
Il convient enfin de réfléchir aux thématiques futures. Vous savez à quel point les services publics et au public, dont vous êtes venu débattre ici-même le 26 mars dernier, sont un enjeu majeur en zone rurale. Le vieillissement crée des besoins particuliers en zone rurale où la population est souvent plus âgée et où les problèmes de déplacement sont plus aigus. Voilà un gisement d'emplois ! Le soutien aux personnes fragiles devant représenter un quart des créations d'emploi d'ici à 2015 selon le Centre d'analyse stratégique.
Les pôles d'excellence rurale sont l'un des moyens qui permettent à des territoires ruraux de se prendre en charge pour organiser leur développement mais ils ne peuvent tout faire. Les projets qui naissent localement doivent pouvoir compter sur des infrastructures de qualité, sur un marché de l'emploi local adapté, sur une réglementation qui leur facilite la vie. Notre soutien aux PER doit donc être compris comme une volonté de contribuer à un développement plus équilibré des territoires grâce à la conjugaison de toutes les dimensions de l'action publique afin de donner à chacun d'entre eux les chances d'exploiter ses atouts. Nous aurons l'occasion d'en reparler cet automne, lors de la remise de notre rapport. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Raymond Vall. - Je remercie MM. Emorine, Boyer et Pointereau pour la création de ce groupe de travail et pour leur action. Nos relations avec le ministre Falco ont toujours été fructueuses. (Applaudissements sur les bancs RDSE) Nous nous sommes jetés à corps perdu dans cette bataille pour l'emploi et pour la compétitivité du territoire national, puisque vous avez voulu susciter et soutenir des projets innovants, créateurs d'emplois dans des territoires jusqu'alors délaissés. C'est tout l'intérêt de cette initiative, qui a redonné espoir aux territoires ruraux qui ont eu le sentiment d'avoir été oubliés, voire sacrifiés par l'explosion du nombre de pôles de compétitivité.
Quelques constats viennent tempérer cet enthousiasme. C'est ainsi que nous avons constaté un déficit d'engineering, un délai de réponse, la faiblesse de la coopération avec les chambres consulaires. Il faudra bien sûr tirer les enseignements de ce qui s'est passé. Il serait inconséquent que l'État labellise un projet qu'il reconnaît comme efficace et que, dans le même temps, il y ferme les services publics ! Il faudra donner plus de temps, encourager le choix d'une échelle territoriale correspondant à un bassin de vie ou d'emploi qui devra s'organiser en intercommunalité réunissant de 15 à 20 000 habitants. L'État devra subventionner le maintien des services publics sur ces territoires. (Vifs applaudissements sur les bancs RDSE) C'est la dernière chance pour la survie de la ruralité !
M. Jean-Pierre Plancade. - Très bien !
M. Raymond Vall. - Monsieur le ministre, merci de votre écoute. Je souhaite que vos réponses nous donnent des raisons d'espérer ! (« Bravo » et applaudissements sur les bancs RDSE, ainsi que sur certains bancs au centre et à droite)
M. Paul Raoult. - Je suis d'accord avec la plupart de ces propos lyriques : dans la majorité des zones rurales, ces projets ont apporté élan et espoir. Beaucoup de territoires s'y sont investis. Le parc de l'Avesnois, que je préside, compte deux projets : l'un autour de la pierre bleue et du bois, l'autre autour du maroilles. Le succès du film Bienvenue chez les Ch'tis laisse espérer un développement de la production de ce fromage, aujourd'hui plus faible dans le Nord qu'en Picardie. Or il y a un mois, une fois les bâtiments construits et les équipes en place, le projet « maroilles » a déposé le bilan... Comment tirer les leçons de cet échec qui me désespère ?
Tout d'abord, un manque d'ingénierie en zone rurale.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Paul Raoult. - Nous manquons de matière grise, de gens qualifiés, capables de porter un projet à terme. Les frais de fonctionnement font reculer les communes et communautés de communes. Pour développer une activité économique concurrentielle, impliquant des entreprises privées, il faut de l'expérience et de la technicité.
En outre, les projets sont souvent portés par des intercommunalités à la capacité financière trop faible par rapport aux masses financières engagées, ce qui les expose à des problèmes de trésorerie, en attendant le versement des subventions. Il faudrait réunir plusieurs communautés de communes autour d'un même projet, mais on se heurte à des difficultés institutionnelles...
Il faut impliquer plus en amont les départements et les régions, obtenir leur appui, notamment en matière d'ingénierie et de financement. Il s'agit de projets d'intérêt général : les collectivités ne peuvent se contenter de distribuer des subventions pour des projets dont l'initiative appartient à l'État et aux communes !
La France n'a pas une longue tradition de partenariat public-privé ; il y a même une méfiance réciproque entre les deux secteurs. Il faut s'assurer de la pertinence d'un projet économique dans un monde de concurrence exacerbée, trouver les bons techniciens, les bonnes niches. Le décollage économique prend du temps, et exige des fonds de trésorerie. Peut-être faudrait-il des études de marché plus rigoureuses ?
Sans défaitisme, tirons les leçons des échecs. Peut-être faut-il promouvoir des projets plus simples, comme les relais de service public en zone rurale ou les maisons médicales ? L'idée de pôles d'excellence rurale doit être approfondie pour créer des dynamiques territoriales, associant tous les partenaires. L'émergence de projets territoriaux autour des économies d'énergie, dans l'esprit du Grenelle, serait positive, et pour l'environnement, et pour l'emploi.
Il faut une expression politique forte. Comment définir les conditions du développement local en milieu rural ? Comment passer d'une politique visant l'égalité et la cohésion des territoires à une politique de mobilisation des territoires comme facteurs de croissance, au risque d'accentuer les déséquilibres ? Peut-on à la fois viser l'efficacité et l'égalité dans la répartition des revenus ? Gare à ne pas laisser certaines régions de côté.
Se développent des régions rurales périurbaines purement résidentielles, sans mixité sociale, où l'on refuse les entreprises et les usines, concentrées dans des secteurs souvent urbains, pour rester « entre soi ». C'est une évolution dangereuse pour la cohésion territoriale et sociale : prenons garde à cette dissociation de la production et du revenu !
Enfin, je remercie nos collègues d'avoir organisé ce débat. Il aura été un point d'étape utile sur l'avancement de ces projets dont dépend l'avenir de nos régions rurales, et dont il faut assurer le succès. (Applaudissements à gauche et sur certains bancs au centre et à droite)
M. Claude Biwer. - Les zones rurales attendaient l'équivalent des pôles de compétitivité en zone urbaine. Instaurés en 2005, les pôles d'excellence rurale ont connu un grand succès : sur 800 projets présentés, 379 ont été labellisés, entraînant plus d'un milliard d'investissements et créant ou maintenant au moins 30 000 emplois.
Ces PER ont permis de soutenir des initiatives de développement dans des domaines aussi divers que les bioressources, les services au public, les patrimoines naturels, culturels ou touristiques, et les entreprises innovantes. En Meuse, quatre projets ont été labellisés. Je remercie encore le Gouvernement d'avoir pris en compte celui que j'ai porté pour le Syndicat transfrontalier à vocation touristique qui rassemble des collectivités et associations de Meuse, de Meurthe-et-Moselle et de Belgique.
Ces pôles ont donné aux élus un outil pour encourager le développement économique de leurs territoires ruraux, mais leur mise en oeuvre ne fut pas toujours aisée. Le formalisme administratif et des délais un peu trop serrés ne nous ont pas toujours permis de démarrer en temps et en heure tous les projets envisagés. Votre administration nous a accordé des délais supplémentaires : je vous en remercie. Par ailleurs, les entreprises ont eu tendance à ne pas répondre à nos appels d'offres, sans doute parce que leurs carnets de commandes étaient, alors, bien remplis -ce qui a bien changé depuis que la crise économique et financière sévit.
Nous avons également rencontré des problèmes de financement. L'État n'a pas mobilisé des crédits supplémentaires mais procédé à un fléchage de crédits existants. En outre, les PER ne financent que les dépenses d'investissement et n'assurent pas le fonctionnement des équipements construits. Il faudrait peut-être combler cette lacune. Enfin, dans le cadre du plan de relance, il serait opportun de poursuivre l'expérience en labellisant de nouveaux projets ou, mieux encore, en autorisant des tranches supplémentaires pour les pôles en cours d'exécution. Monsieur le ministre, si vous preniez une initiative en ce sens, vous seriez certainement soutenu par l'ensemble de notre assemblée. Je vous remercie par ailleurs d'avoir accepté certaines modifications aux PER initiaux, parfois hâtivement bâtis. Enfin, je serai volontaire pour prolonger par de nouveaux projets le PER du Nord-Meusien transfrontalier.
Je tenterai, une fois de plus, de vous persuader de l'intérêt de créer des zones franches rurales. (Mme Nathalie Goulet approuve) Le cahier des charges des PER prévoyait que ceux-ci devaient concerner les zones de revitalisation rurale dont vous avez déclaré ici-même, voici quelques semaines, qu'elles bénéficient des mêmes atouts que les zones franches urbaines. Or si les premières bénéficient des mêmes facilités fiscales que les secondes, il leur manque l'essentiel : l'exonération des cotisations sociales patronales. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi visant à autoriser les élus à transformer une zone de revitalisation rurale en zone franche. Ainsi les entreprises, les artisans, les commerçants et les professions libérales pourraient bénéficier de ces allégements. Monsieur le ministre, je compte sur vous pour m'aider à faire aboutir cette proposition qui compléterait à merveille le dispositif des PER.
Avec les outils de développement de notre territoire, les projets s'intégrant dans les PER représentent une véritable politique industrielle dans les zones rurales. Nous vous encourageons à poursuivre et développer cette ouverture intéressante, à laquelle nous nous associons. (Applaudissements à droite et au centre)
La séance, suspendue à 16 h 05, reprend à 16 h 20.
M. Jacques Blanc. - Bravo à notre collègue qui a souhaité que nous fassions le point sur les pôles d'excellence rurale. Je suis heureux de votre présence ici, monsieur le ministre, et je ne doute pas que demain vous poursuivrez votre action forte au profit de l'espace rural. (Sourires)
La décision fondatrice fut prise par le gouvernement Raffarin et M. Estrosi ; c'était un choix politique opéré avec détermination. Après la création des pôles de compétitivité, il s'agissait de prendre en compte les projets innovants dans les territoires ruraux, de renforcer les coopérations et les partenariats, de créer des emplois, promouvoir les richesses naturelles, culturelles, touristiques, de valoriser les bioressources, améliorer les services et l'accueil des nouvelles populations, développer les productions artisanales et industrielles.
Nombre de territoires ont pris la mesure des évolutions et ont décidé de ne pas subir, mais d'inventer et de mieux utiliser leurs ressources humaines et naturelles, en complément de l'agriculture qui demeure un pilier. Territoires accueillant de nouveaux résidents, territoires périurbains qui risquent de perdre leur âme, comportements et modes de vie en pleine mutation, découplage entre le lieu de travail et le lieu de vie...
Le Gouvernement a entendu que les retombées de la recherche et de l'enseignement supérieur profitent au milieu rural. Le sénateur de la Lozère ne peut que se féliciter d'une telle démarche ! Nous nous sommes mobilisés pour créer un pôle d'excellence, dont l'éventail des activités démontre toute la richesse de notre zone de montagne et de revitalisation rurale. Nature et découverte des gorges du Tarn ; accès aux sports et aux loisirs des handicapés -nous sommes sur le sujet le premier grand pôle en Europe ; valorisation des bioressources par cogénération à partir de la biomasse ; valorisation des laits de la montagne à Margeride ; télémédecine en zone rurale, tourisme équestre en Margeride-Aubrac, chasse et pêche, création d'un écosite, etc.
Nous créons notre chance et nous ne nous bornons pas à « exploiter » l'espace rural. Hier le Président de la République a évoqué la nécessité d'inventer de nouvelles réponses et un nouveau développement durable : celui-ci passe par le maintien de la vie dans des lieux voués il y a peu à la désertification et dont on redécouvre aujourd'hui la valeur.
Il faut prendre en main son destin. Si nous ne l'avions pas fait, en Lozère, où en serions-nous ? Le comité interministériel de 1993, sous le gouvernement Balladur, a créé la première génération de pôles, en ce qui nous concerne un pôle d'accueil sanitaire et social ; le plan Delevoye a ensuite financé des opérations d'aménagement. M. de Villepin lui aussi est venu nous voir. Nous avons collectivement pris conscience que notre sort dépend de notre capacité à créer nous-mêmes les atouts de notre développement, à inventer des modèles nouveaux. Mais nous avons pour ce faire besoin de soutien, la fiscalité locale en Lozère n'y suffirait pas... Je considère les financements accordés comme des investissements d'avenir, non une assistance.
Monsieur le ministre, vous aussi êtes venu nous rendre visite et je vous en remercie. Vous nous avez soutenus : c'est que nous espérons obtenir cette semaine le classement des Causses-Cévennes au patrimoine mondial de l'Unesco !
A présent, nous devons préparer le pôle de la troisième génération, consacré au développement durable et ses composantes sociales, économiques, environnementales : thermalisme de santé et de bien-être, espaces à protéger dans le cadre de l'écotourisme, création de services à haute valeur ajoutée et accueil des nouvelles populations, handicapés par exemple. C'est un vaste chantier.
M. Boyer a proposé quelques mesures afin que les projets qui ont accusé des retards ne soient pas pénalisés ; en effet, l'État demande la consommation des crédits avant le 31 décembre mais bloque certains chantiers !
Une ère nouvelle se prépare. Je suis certain, monsieur le ministre, que vous en serez un acteur important. Il nous faudra démontrer que notre pays est capable de réaliser l'équilibre dans l'aménagement du territoire, cette cohérence territoriale qui avec le traité de Lisbonne est devenue un objectif européen. Il faudra à mon sens maintenir les mesures en faveur des ZRR, telles que les exonérations de charges sociales sur les activités de services à la personne. Je sais que vous continuez demain votre action au service d'une grande ambition, l'équilibre entre les grandes métropoles et l'espace rural, à une époque où nos compatriotes ont besoin, pour se réconcilier avec eux-mêmes, de se ressourcer dans un espace naturel protégé. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Martial Bourquin. - Je remercie à mon tour M. Boyer d'avoir proposé ce débat sur les pôles d'excellence rurale. Avec environ 390 projets labellisés, dont quatre dans le Doubs, nous pouvons, en effet, dresser un premier bilan de cette initiative.
Tout d'abord, les porteurs de projets craignent, du fait de la récession, que le désengagement de l'État et des acteurs privés et, surtout, l'absence de fonds européens à partir de 2013 ne ruinent la pérennité de leur financement. Je souhaite, donc, que l'État garantisse des emprunts aux pôles en difficulté ou leur attribue des subventions relais afin d'éviter licenciements et restructurations que M. Raoult vient d'évoquer. Il serait intéressant de disposer d'une étude d'impact des pôles sur l'emploi, y compris hors de leurs frontières car nous devons prendre garde à ce que cette politique de valorisation des pôles, labels qui correspondent à d'importants investissements, ne nuisent pas, paradoxalement, à des projets, portés par de plus petits acteurs, mais eux aussi créateurs d'emplois. Monsieur le ministre, nous devons avoir pour seule obsession d'aider les plus faibles ! Les territoires les plus fragiles sont aujourd'hui en grande difficulté. A ce propos, je regrette que les subventions ne puissent financer les dépenses de fonctionnement, en particulier le recrutement et la formation des personnels. Ces subventions de fonctionnement ne seraient qu'une juste contrepartie des économies réalisées par l'État sur le dos du monde rural avec l'abandon des services postaux ou encore la fusion des directions départementales de l'agriculture et de l'équipement.
Ensuite, parce que l'excellence n'est pas une fin en soi, ces labels d'excellence rurale, j'y suis très attaché, doivent être démultipliés, franchisés et adaptés à des projets plus modestes ou portés par des collectivités territoriales de plus petite taille. Le progrès et l'excellence sont une chance à condition d'être partagés. Parce que le monde rural n'est pas uniforme, il ne faut pas retenir les seuls critères de compétitivité et d'innovation, mais aussi la mutualisation des expériences et des moyens. L'enjeu pour les communes aujourd'hui n'est pas de développer des projets d'excellence mais, pour la plupart des élus de mon département, confrontés à la baisse des dotations, de faire tourner leur commune et d'accueillir des services publics vitaux pour la population qui ne soient pas seulement dématérialisés.
Monsieur le ministre, les pôles d'excellence rurale sont une bonne initiative. Mais, alors que le traitement de la fracture territoriale relève de l'urgence, le monde rural attend des signes forts ! (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs au centre)
Mme Nathalie Goulet. - Je veux témoigner des excellents résultats de la filiale équine du Pays d'Argentan Pays d'Auge Ornais, Papao, labellisée pôle d'excellence rurale. Dans l'Orne, ce secteur représente 2 200 emplois, dont 13,8 % pour les haras, sans oublier les Percherons, 40 % des salariés agricoles et 13 % de la surface du département. Au plan financier, le pôle bénéficie d'une dotation de plus de 810 000 euros, 98 % de l'aide est accordée aux opérateurs privés -éleveurs, entraîneurs, centres équestres, hippodromes et autres- auxquels les sept comités de pilotage ont attribué plus de 890 000 euros de subventions pour un montant prévisionnel de travaux de plus de 6 millions, soit un euro de subvention pour 7,6 euros de travaux. En somme, un plan de relance avant l'heure qui finance également des actions de communication !
Hélas !, il y a un « mais ». A la veille des Jeux équestres mondiaux de 2014 en Basse-Normandie, de la restructuration des haras nationaux et notamment celui du Pin, de la réforme de la carte territoriale -peut-être s'agira-t-il seulement d'une réformette ?-, quel avenir pour les pays porteurs de ces projets ? A la veille d'un Grenelle II qui pourrait transformer nos territoires ruraux en réserve d'Indiens qui n'auront même plus besoin de chevaux (sourires), comment simplifier les financements croisés de l'État et de l'Europe ? Permettez-moi de suggérer quelques pistes pour améliorer cette excellente initiative des pôles : une meilleure coordination des acteurs, l'allocation de fonds à l'ingénierie, notamment, au recrutement et à la formation des personnels. Il faut aussi relever le plafond de l'aide et l'ouvrir à d'autres bénéficiaires tels les vétérinaires. Certes, le traitement des dossiers administratifs est une tâche chronophage. Pour autant, l'Orne dépense ses crédits sans difficulté...
Le dossier est important, nous devons revoir la copie pour le rendre plus performant. Merci à M. Boyer d'avoir proposé ce débat ! (Applaudissements)
M. Antoine Lefèvre. - Sur 700 projets de pôles d'excellence rurale depuis 2006, 379 ont été labellisés en juin parmi lesquels L'Europôle de compétitivité et d'excellence professionnelle du trot de La Capelle dans l'Aisne. Ce projet, comme celui autour du maroilles, témoigne du dynamisme de nos territoires...
Mme Nathalie Goulet. - Et le petit camembert !
M. Antoine Lefèvre. - Bien qu'il ne soit pas aussi important que celui de l'Orne, il a toute sa place parmi les pôles.
Mme Nathalie Goulet. - Certes !
M. Antoine Lefèvre. - Un récent audit préconise une relance de ce dispositif trois ans après son lancement par M. Estrosi.
Monsieur le ministre, permettez-moi de déplorer le caractère excessivement procédurier du système, notamment dans l'attribution des fonds. Ainsi dans l'Europôle de la Capelle, la création du centre d'entraînement, la plus importante des quatre opérations avec la création de cinq nouveaux emplois, ne pourra être conclue dans les délais avant le 30 juin prochain. De plus, l'aide acquise au titre du FNADT constitue le seul cofinancement public de cette opération. Plusieurs candidats se sont manifestés et plusieurs parcelles achetées pour ce centre. Cependant, la perspective de l'ouverture du marché des jeux en ligne et le contexte économique difficile retardent la décision d'investissement. Proroger les délais d'engagement et d'achèvement de six mois au moins serait opportun d'autant que plus de 10 % des projets PER n'ont pu respecter la première échéance et que ce programme est particulièrement innovant et structurant pour notre territoire. Davantage de souplesse est nécessaire à l'heure où vous lancez un nouvel appel à projets, qui confirme l'intérêt porté aux PER, doté, comme le premier, de 235 millions. Merci monsieur le ministre, des réponses que vous voudrez bien m'apporter ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. - Par l'inscription à l'ordre du jour de cet important débat sur les pôles d'excellence rurale, dont je remercie M. Emorine, la Haute assemblée marque, encore une fois, son attachement aux questions de la ruralité. Les territoires ruraux, chacun le constate, sont au coeur des réflexions et des priorités du Président de la République. (M. René-Pierre Signé en doute)
La crise économique est celle d'un capitalisme financier qui avait perdu son enracinement dans la production, l'entreprise et le territoire. Le Président de la République est déterminé à ne laisser aucun territoire au bord du chemin ; il est persuadé que la France peut sortir plus forte de la crise si elle investit utilement, notamment dans ses territoires. L'aménagement du territoire et la ruralité figurent donc parmi les six domaines prioritaires d'investissement d'avenir identifiés par le Président de la République et pouvant bénéficier d'un grand emprunt. (M. René-Pierre Signé ironise)
Les territoires ruraux connaissent de profondes transformations, brillamment rappelées par M. Jacques Blanc : terres d'exode pendant plus d'un siècle, ils bénéficient aujourd'hui d'une attractivité indiscutable et générale, attestée par le dernier recensement.
M. René-Pierre Signé. - Pas le rural profond !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. - Nos concitoyens viennent y chercher un environnement de qualité, mais aussi des transports efficaces, du travail, des services publics accessibles et de qualité, le même accès que les urbains à l'internet et à la société de l'information. Surtout, 60 % de nos concitoyens estiment que les zones rurales se développeront à nouveau dans les dix à vingt prochaines années.
M. René-Pierre Signé. - Ce sont surtout les villes qui se développent.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. - Il faut donc équilibrer préservation et développement.
Les pôles d'excellence rurale (PER) n'épuisent pas l'action des pouvoirs publics en faveur des territoires ruraux. J'ai parlé ici le 26 mars des services publics en milieu rural. M. Biwer voudra bien me permettre de renvoyer à un prochain débat l'examen des zones de revitalisation rurale (ZRR), tout en précisant que j'ai sollicité l'inspection des finances, celle des affaires sociales, ainsi que les corps d'inspection des ministères de l'agriculture et de l'écologie pour assurer la mission d'évaluation mentionnée dans la loi de 2005. Les conclusions me seront remises le 30 septembre.
Les PER sont emblématiques de la ruralité positive, entreprenante, appuyée sur ses valeurs et les richesses des territoires. Ils ont introduit la rupture fondamentale du label d'excellence, marque de qualité et gage d'avenir pour des campagnes longtemps associées à un déclin et à un immobilisme sans rapport avec la réalité.
Quel est le bilan des PER ? Je salue votre décision de faire réaliser par la commission des affaires économiques un bilan, assorti de propositions d'amélioration. Le 8 avril, je me suis exprimé devant le groupe de travail constitué à cet effet sous la conduite de Rémy Pointereau : nul doute qu'il faudra s'appuyer sur son rapport pour élaborer la nouvelle génération de PER.
Jean Boyer a posé les questions essentielles. Qu'il s'agisse des pôles ou des orientations pour l'avenir, je retiens une très grande convergence entre les vues exposées au nom des groupes de cette assemblée et les conclusions auxquelles arrive ma modeste personne. Le succès des PER n'est pas contesté ; un consensus apparaît pour prolonger cet élan dès 2010 et pour améliorer la procédure.
Parmi les points forts des PER, le premier tient à la mobilisation des forces vives des territoires autour d'initiatives soutenues par les élus locaux. En quelques mois, près de 800 projets ont émergé dans toute la France, 379 ont été sélectionnés. Certains départements comme la Lozère, le Cantal, la Corrèze ou la Meurthe-et-Moselle totalisent huit PER.
S'ajoute un engagement fort de l'État, que M. Pointereau a bien voulu souligner, avec un engagement financier, une enveloppe de 235 millions d'euros et le soutien des préfectures. Monsieur Biwer, les crédits de l'État pour les PER, en particulier les 117 millions d'euros de Fnadt, ont été votés en lois de finances comme crédits spécifiques. Comme l'ont dit MM. Pointereau et Boyer, il faut regrouper les fonds d'État en une source de financement unique, même si le fonds mutualisé interministériel a déjà rassemblé 176 millions d'euros. Simplifions la gestion pour les porteurs de projets ! Deux ans après leur démarrage effectif, 357 PER ont engagé leur projet d'investissement, dont 137 à 100 %. Seulement 22 PER, soit 6 %, ont été abandonnés.
Bien sûr, les PER sont concrètement au service de la relance. Plus d'un milliard d'euros d'investissements auront été réalisés fin 2009, grâce aux 160 millions d'euros versés par l'État, après les 45 millions de l'an dernier. Quelque 6 000 emplois directs ont déjà été créés depuis 2008 et 30 000 seront crées ou maintenus à l'issue de l'opération, dont 11 600 emplois directs.
M. René-Pierre Signé. - Combien ont été détruits ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. - Condition de l'éligibilité des PER, le partenariat public-privé a également modifié et dynamisé les méthodes de travail au plan local. Monsieur Biwer, cette association des entreprises est souvent difficile, mais une fois le partenariat noué, il apporte une dimension économique indispensable.
Monsieur Jean Boyer, l'évaluation qualitative confirme un effet positif des PER sur les projets locaux. Ils revalorisent l'image des territoires, dynamisent les filières économiques ou contribuent à reconvertir les zones fragilisés. Nous devons faire vivre dans la durée ce véritable label positif.
De même, l'analyse menée par Odit-France sur dix-sept PER « tourisme » montre leur effet positif sur l'attractivité, lorsqu'ils sont articulés avec des projets de territoire, ce qui est le cas à la Chaise-Dieu, mais pas partout ailleurs. La seconde condition tient aux compétences permettant d'inscrire les projets dans la durée, ce qui manque parfois. Cette observation rejoint celle de Mme Goulet sur l'ingénierie : la solidité des porteurs de projet et leur capacité d'ingénierie sont déterminantes pour la réussite d'un PER. L'État devra s'assurer de cette capacité d'ingénierie et l'appuyer.
Les évaluations montrent aussi beaucoup de résultats remarquables, parmi les PER développés autour de la filière bois, qu'ils concernent la construction ou l'énergie renouvelable. Aujourd'hui, 79 PER sont consacrés aux bioressources. En accord avec M. Jacques Blanc, j'estime que le développement durable est indispensable aux futurs PER.
Les PER « services à la personne » ont connu un franc succès, puisque 52 ont réalisé des projets innovants pour l'accueil de la petite enfance, les services aux personnes dépendantes et les maisons médicales. Moins nombreux hélas en matière de services publics, ils constituent des expériences à généraliser.
Messieurs Pointereau, Jacques Blanc et Jean Boyer, je suis d'accord avec vous pour considérer l'économie résidentielle et de service comme la seconde thématique indispensable pour un nouvel appel à projets.
On compte également quelques très belles réalisations parmi les PER à dimension technologique.
Les territoires ruraux doivent être fortement incités à faire émerger des activités économiques structurées ; les groupements d'entreprises devront être rendus éligibles aux PER comme ils le sont aux pôles de compétitivité. Milieu urbain et monde rural sont complémentaires ; unité et coordination font le développement d'un territoire : on ne peut opposer pôles de compétitivité et PER. Je rejoins M. Vall sur le rôle de l'innovation technologique pour la valorisation des ressources des territoires.
Pour l'avenir, il nous faut tracer les grandes lignes des futurs PER dans le cadre du grand débat annoncé hier par le Président de la République et nous préparer à définir pour l'automne les contours d'un nouvel appel à projets. Oui, il y a aura une suite aux PER, le Président de la République et le Premier ministre en sont d'accord. S'il ne doit pas y avoir de période de latence entre les deux générations de PER, les PER existants doivent être conduits à leur terme : je confirme notamment à MM. Boyer, Biwer et Pointereau que les demandes de prolongation de délais pour cas de force majeure seront regardées d'un oeil bienveillant, voire la réaffectation des crédits d'une opération qui ne se réaliserait pas vers une autre. Il faut de la souplesse et du pragmatisme. Aujourd'hui, cinq préfectures -Maine-et-Loire, Ardèche, Meurthe-et-Moselle, Dordogne et Lozère- rencontrent des difficultés pour engager avant le 30 juin les dernières opérations de leurs PER, qui sont quasiment tous engagés à plus de 80 %. Monsieur Lefèvre, le pôle du trot à La Capelle sera engagé au 30 juin à 97 %, seuls restent à engager 24 715 euros sur le centre d'entraînement ; mais la préfecture ne peut fournir les pièces à la place du maître d'ouvrage...
Je tiens à ce que la réflexion sur la future génération de PER s'engage en concertation avec les parlementaires et au vu des retours d'expérience des territoires. Je demande à la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires d'organiser à l'automne un grand congrès des acteurs des PER. Trois thèmes sont à mes yeux incontournables : le développement durable, les services et les clusters d'entreprises. Je partage l'analyse de MM. Pointereau et Boyer : le délai du premier appel était trop court, même si on sait que l'urgence est souvent un puissant aiguillon. Je propose de procéder en deux temps : une première phase, par exemple de trois mois, pour répondre sur une idée de PER, suivie d'une première sélection des projets ; puis une seconde, qui pourrait aller jusqu'à six mois, au cours de laquelle les porteurs du projet seraient accompagnés par l'État pour affiner leur projet, monter leur dossier, définir le tour de table financier et nouer avec le privé les partenariats nécessaires. La labellisation interviendrait à l'issue de cette seconde phase.
Je m'engage en outre à mettre en place des circuits de financement plus simples et plus souples. Enfin, si je suis ouvert à l'idée de M. Biwer que des PER de la première génération puissent présenter de nouvelles opérations ou tranches d'opérations dans le futur appel à projets, je ne pense pas qu'il faille leur réserver des crédits.
Les territoires ruraux sont plus que jamais des réservoirs de croissance et d'emplois...
M. René-Pierre Signé. - On ne les aide pas !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. - ...pour peu qu'on favorise la définition de stratégies locales et qu'on soutienne des projets de développement harmonieux : croissance verte, économie résidentielle et services, réseaux d'entreprises. C'est tout l'enjeu de pôles d'excellence renouvelés. Que ce retour du rural à la pointe de l'excellence dans notre pays serve nos territoires et leurs populations. (Applaudissements au centre et à droite)
Le débat est clos.
La séance est suspendue à 17 h 5.
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
La séance reprend à 17 h 10.