Questions d'actualité
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.
Législation sur les rémunérations des dirigeants d'entreprises
Mme Nicole Bricq . - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre qui ce lundi, en grand appareil, a annoncé à la presse la publication d'un décret censé mettre fin aux abus liés aux rémunérations des dirigeants d'entreprises, notamment à leur part variable, abus qui suscitent l'incompréhension et le ressentiment de nos concitoyens. Je l'indique par avance au ministre, quel qu'il soit, qui me répondra car je ne voudrais pas qu'il me resserve un argument déjà entendu : c'est la gauche qui, la première, a légiféré pour augmenter la fiscalité sur les stock-options et la rendre plus progressive, à l'occasion de la loi relative aux nouvelles régulations économiques (exclamations à droite) : je le sais, j'étais députée à l'époque ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Ma question porte à la fois sur le fond et la méthode. Depuis le discours du Président de la République à Toulon en septembre dernier, le scandale des rémunérations excessives des dirigeants a plusieurs fois refait surface dans la presse et dans l'opinion. Ces pratiques existaient avant la crise, mais à l'heure où les plans sociaux se multiplient, où les salariés sont contraints au départ munis d'indemnités maigres ou nulles, où les faillites d'entreprises redoublent et où l'on annonce une croissance négative de moins 4 % en 2009, elles sont devenues inadmissibles : il y a longtemps que le seuil de tolérance a été franchi ! Pourtant le Gouvernement refuse obstinément de légiférer. Hier même à l'Assemblée nationale, les députés membres de la mission Houillon se sont mis d'accord, quelle que soit leur appartenance politique, pour que de nouvelles règles soient fixées par la loi. (Marques d'impatience à droite) Pourquoi le Gouvernement s'entête-t-il à refuser une loi, préférant renvoyer au code de bonne conduite du Medef ? (Applaudissements à gauche ; Mme Jacqueline Gourault applaudit également)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi . - (Applaudissements à droite) Je vous prie d'excuser M. le Premier ministre qui était ce matin au congrès de la FNSEA à Poitiers et qu'un léger retard empêche d'assister à cette séance de questions d'actualité.
M. René-Pierre Signé. - Il n'avait rien à nous répondre !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Si j'ai bien compris, madame Bricq, vous faites à la fois la question, la réponse et la réponse à cette dernière. (Applaudissements à droite ; protestations à gauche) Je me contenterai de la réponse.
En cette période, les Français souhaitent que les efforts soient équitablement partagés. Nous devons donc veiller à ce que le comportement d'une infime minorité ne jette pas l'opprobre sur l'ensemble des dirigeants d'entreprises, qui pour la plupart continuent à travailler et à promouvoir l'emploi. (Marques d'approbation à droite)
M. Jean-Pierre Bel. - C'est vous qui vous êtes couverts d'opprobre !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Conformément aux voeux du Premier ministre, Mme Lagarde et M. Hortefeux ont réagi avec une extrême rapidité. (Nouvelles protestations à gauche) Jeudi dernier, le Gouvernement a annoncé la publication d'un décret ; c'est chose faite depuis mardi. Dès avant, Mme Lagarde a réuni les dirigeants des six principaux réseaux bancaires qui ont pris l'engagement d'agir en conformité avec les exigences du décret.
M. Alain Gournac. - Très bien !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Le Gouvernement a fixé des règles strictes.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Elles sont très insuffisantes !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Ces règles concernent d'abord les entreprises aidées par l'État : le décret interdit d'attribuer des stock-options ou des actions gratuites à leurs dirigeants... (vives exclamations à gauche qui couvrent presque la voix de l'orateur) de leur verser des rémunérations variables si celles-ci ne sont pas la contrepartie de performances réelles ou que l'entreprise procède à des licenciements.
Les exigences du Gouvernement portent aussi sur les entreprises publiques, où l'État fixe les règles, et sur l'ensemble des entreprises, puisque nous avons demandé aux organes représentatifs des dirigeants d'entreprise de mettre en place un comité des sages sur cette question.
Je comprends que certaines vérités vous déplaisent, madame Bricq, mais s'il est vrai que ce problème est ancien puisque cela fait environ quinze ans qu'existent les stock-options et les rémunérations variables, c'est bien ce Gouvernement et cette majorité qui y remédieront ! (Vives protestations à gauche ; applaudissements et acclamations à droite)
Sommet de l'OTAN à Strasbourg
M. Jean-Luc Mélenchon . - Monsieur le Premier ministre, il est temps de rappeler aux militaires américains et aux responsables de la sécurité du président des États-Unis que Strasbourg n'est pas Bagdad. (On ironise à droite) Les mesures inouïes de contrôle de la population qu'ils ont imposées selon leur détestable habitude, et que vous avez eu la faiblesse d'accepter, sont insupportables ! Comment le Gouvernement justifie-t-il le blocus de la ville de Strasbourg qui s'organise et les atteintes démesurées à la liberté de circuler de ses habitants ? Toutes les écoles primaires seront fermées vendredi, douze lycées et onze collèges vendredi et samedi ; l'université est fermée depuis une semaine pour empêcher les rassemblement d'étudiants ; une quinzaine d'avenues, de boulevards, de places et de rues ont été vidés de leurs véhicules et fermés à la circulation ; des déviations ont été aménagées sur six autoroutes de transit régional et international ; des milliers d'habitants sont contraints de présenter un laissez-passer pour circuler à pied dans les zones orange et rouge de la ville, et des fouilles sont déjà organisées depuis la gare de l'Est !
Pis encore, on assiste depuis la semaine dernière à d'intolérables atteintes à la liberté d'expression. Nous avons du moins la consolation de voir leurs auteurs se ridiculiser ainsi... Approuvez-vous l'irruption illégale de policiers au domicile de personnes qui avaient pavoisé leur fenêtre de drapeaux pour la paix, et la demande non moins illégale de retirer ces drapeaux ? Cautionnez-vous le harcèlement par des contrôles d'identité systématiques de tous ceux qui arborent des signes pacifistes ou témoignant de leur opposition à l'Otan ? Sachez que nous, parlementaires du groupe CRC-SPG, encourageons la population à porter ces insignes et à pavoiser, n'en déplaise aux Américains !
A Strasbourg, la liberté de manifester est bafouée par le refus répété de la préfecture d'autoriser un parcours décent pour la manifestation hostile à l'Otan. Le croirez-vous ? La préfecture a même voulu diriger cette manifestation vers l'Allemagne. Faut-il passer la frontière pour être libre de manifester ?
Voix à droite. - La question !
M. Jean-Luc Mélenchon. - Notre groupe est opposé à la réintégration de la France dans ses structures militaires intégrées, qui engage notre pays dans une dérive belliciste dont l'envoi de 150 gendarmes en Afghanistan est une première manifestation.
Voix à droite - La question !
M. Jean-Luc Mélenchon. - M. le Premier ministre compte-t-il rééquilibrer la position de la France à l'occasion du sommet entre l'Union européenne et les États-Unis, ce dimanche à Prague ? Ou soutiendra-t-il le projet de « grand marché transatlantique de la concurrence libre et non faussée » que l'Union prépare avec les États-Unis dans le dos des citoyens ?
Après l'alignement de la France sur l'Otan, l'enterrement de toute forme de défense européenne indépendante par le traité de Lisbonne et la dilution de l'Europe dans un grand marché transatlantique, que restera-t-il de la souveraineté du peuple, qui fonde la République et doit commander sans partage à ses armes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales . - Dans le méli-mélo de vos questions, vous comprendrez que je ne retiendrai que celle qui concerne la sécurité du sommet de l'Otan. Tout sommet de l'Alliance atlantique comporte de sérieux risques ; je peux en témoigner, ayant déjà assisté à de précédents sommets qui ont été l'occasion de violences inouïes. Il suffit de considérer ce qui s'est passé hier à Londres pour constater la détermination de certains. (Applaudissements à droite). En tant que ministre de l'intérieur, j'ai le devoir de veiller à la protection des Strasbourgeois, des délégations internationales et aussi des manifestants eux-mêmes...
M. René-Pierre Signé. - Ils sont provoqués !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - ... contre tout risque terroriste majeur et contre certains extrémistes qui ont manifesté par internet leur volonté de désobéissance civile et de violence. C'est pourquoi j'ai mis en place, de moi-même et sans que personne ne me le dicte, un dispositif de protection au demeurant modeste puisque, face aux 45 000 à 50 000 manifestants attendus -dont 20 000 à 25 000 venus d'outre-Rhin-, nous mettons en place 9 000 policiers et gendarmes -alors qu'il y en a 15 000 en Allemagne et qu'ils étaient hier 20 000 à Londres face à seulement 4 000 manifestants.
J'ai conscience des contraintes que cela impose aux Strasbourgeois mais nous avons tenté de respecter un équilibre entre les impératifs de sécurité et de liberté. Je note que toutes les fermetures que vous signalez ont été décidées avec le total soutien du maire de Strasbourg qui n'est pourtant pas de notre bord politique. Quant à l'université, si elle est fermée depuis huit jours, c'est parce qu'elle était occupée par des éléments extérieurs qui s'y livraient à des dégradations (Applaudissements à droite)
Je reconnais bien volontiers que le retrait des banderoles a été un excès de zèle puisque, ces banderoles n'étant pas injurieuses, les citoyens avaient tout à fait le droit de les déployer. J'ai donc donné des instructions fermes pour que cela ne se reproduise plus.
Mais soyez sûr que si certains -avec, je le regrette, le soutien de certains élus- veulent profiter de ce sommet pour flanquer la pagaille, je ne le permettrai pas. (Vifs applaudissements à droite et au centre)
Nouvelle convention d'assurance chômage
M. Alain Fouché . - (Applaudissements à droite) Face à la crise mondiale, notre priorité doit être de protéger l'emploi et les personnes les plus faibles, victimes de la crise : les chômeurs, les travailleurs à temps partiel, les salariés précaires. Le Président de la République en visite avant-hier dans le bassin de Châtellerault, dédié en grande partie à l'automobile et dont les entreprises sont en difficulté, a confirmé des mesures importantes. Des mesures financières dans le cadre du plan automobile, mais aussi de soutien aux sous-traitants du Châtelleraudais et du Poitou-Charentes, dont 10 millions pour un plan de reprise sur la partie véhicule électrique chez Heuliez, signature à Châtellerault d'un contrat de site de 4 millions et de la convention d'éligibilité aux contrats de transition professionnelle (CTP). Le plan de relance voté voici quelques semaines s'est traduit par une augmentation de 25 % des crédits consacrés à l'emploi. Concrètement, ces moyens supplémentaires ont permis de porter l'indemnisation du chômage partiel de 50 % à 60 % du salaire brut. A la suite du sommet social de février, des négociations sont en cours avec les partenaires sociaux de l'Unedic pour porter ce niveau à 75 % du brut, soit 90 % du salaire net.
Pour les licenciés économiques, la convention de reclassement personnalisé a été améliorée, le taux d'indemnisation passant à 80 %du salaire antérieur brut pendant les huit premiers mois. Et pour les bassins d'emploi les plus touchés, les CTP ont été étendus.
Dans ce cadre, une nouvelle convention d'assurance chômage, négociée par les partenaires sociaux, est entrée en vigueur hier. Pourriez-vous nous détailler, monsieur le ministre, les avancées de ce texte quant à l'indemnisation et l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des salariés précaires qui vivent dans l'anxiété ? (Applaudissements à droite)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi . - Le Président de la République s'est en effet déplacé avant-hier dans votre département de la Vienne.
M. Jean-Pierre Sueur. - Et ça a tout réglé !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Certains oiseaux de mauvais augure avaient parié sur l'échec de cette nouvelle convention. Mais tout a été fait pour qu'elle soit une réussite.
Qu'apporte-t-elle ? D'abord un dispositif plus lisible. Notre assurance chômage fonctionnait, selon un travers bien français, sur le principe des statuts. Par exemple, après un CDD de quinze mois, le chômeur avait droit à un an d'indemnisation, mais à deux ans après un contrat de seize mois... Désormais, un jour de travail donne droit à un jour d'indemnisation.
Alors qu'auparavant les contrats de moins de six mois ne donnaient pas droit à l'assurance chômage, il suffit désormais d'un contrat de quatre à six mois pour en bénéficier, ce qui concernera quelque 200 000 personnes. Enfin, le régime des 40 000 saisonniers, si cher à M. Carle, est sauvé.
Cette convention, plus lisible, plus sûre, plus équitable, dote notre pays d'un des meilleurs systèmes d'assurance chômage en Europe. (Exclamations ironiques à gauche)Tout le monde s'en réjouira ! (Applaudissements à droite et au centre)
Chambres de commerce et d'industrie
M. Robert Tropeano . - Je souhaitais interroger le Premier ministre sur le projet de réforme des chambres de commerce et d'industrie que prépare le Gouvernement qui a pour objectif de réduire le nombre des chambres consulaires pour mieux les affaiblir en les reléguant à un rôle d'antenne locale au profit d'une organisation régionale.
Cette décision, qui exige l'aval du Parlement, minimiserait le rôle de ces acteurs économiques qui font tant pour le développement des territoires.
M. René-Pierre Signé. - Evidemment !
M. Robert Tropeano. - Elle aurait des conséquences sur leur mode de fonctionnement, sur leur autonomie de gestion et sur leurs effectifs. Les chambres perdraient la personnalité morale et ne disposeraient plus d'un budget autonome. La taxe additionnelle à la taxe professionnelle est prélevée au niveau régional. Dénuées de moyens propres, les chambres ne pourraient plus investir ni entretenir leurs infrastructures, par exemple les centres de formation professionnelle.
Les bassins d'activité ont évolué. Mais ils ont besoin des CCI, acteurs de proximité essentiels. Ainsi dans l'Hérault, la CCI de Béziers-Saint-Pons, qui compte 13 000 ressortissants, devrait fusionner avec celle de Montpellier, en contradiction totale avec les particularismes et les enjeux locaux.
M. Roland Courteau. - C'est pareil dans l'Aude !
M. Robert Tropeano. - Le personnel servira une nouvelle fois de variable d'ajustement des choix du Gouvernement... Cette réforme va à l'encontre des principes de la décentralisation ; elle est incompatible avec un service de proximité. Allez-vous reconsidérer ce projet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi . - (Applaudissements à droite) Nous sommes tous conscients de l'importance du réseau des CCI, que les chefs d'entreprises animent efficacement. Néanmoins, ce réseau doit évoluer et nous devons rechercher les économies possibles et les meilleures modalités de fonctionnement.
M. René-Pierre Signé. - Comme pour les tribunaux ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - La réforme de 2003 a été insuffisante et les CCI ont fait leur l'exigence d'une nouvelle transformation. La concertation a été lancée en 2008. Elle a débouché sur la décision prise en novembre dernier par l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, favorable à deux principes : renforcer la dimension régionale, conserver un réseau de proximité. Cette assemblée a produit le 3 mars dernier un document de travail, et remettra un document plus élaboré le 14 avril. La Chambre régionale de Languedoc-Roussillon a établi un document avec les acteurs de terrain : il tend à concilier les exigences de réforme avec les préoccupations dont vous vous faites l'écho. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)
Ecolabels
M. Jean-Claude Merceron . - Un projet de règlement devrait être adopté aujourd'hui au Parlement européen pour rendre moins onéreuse et moins bureaucratique l'utilisation de l'écolabel européen « fleur de l'UE » pour les produits respectueux de l'environnement. Cette démarche intervient durant la semaine du développement durable, qui est cette année largement consacrée à la consommation durable. Le rôle pédagogique de cette semaine, conforme aux efforts du Grenelle de l'environnement, est indiscutable : outre la prise de conscience, il est nécessaire de donner au citoyen les moyens d'agir concrètement en faveur du développement durable, par exemple en achetant des produits ayant un faible impact sur l'environnement.
Or l'information du consommateur est encore très incomplète. Les écolabels correspondent à des réalités différentes. Plus grave, certains produits se réclament abusivement du développement durable. Quelles actions le Gouvernement entend-il mener pour améliorer l'information du consommateur et faire mieux connaître les labels officiels ?
M. le ministre d'État et vous-même, madame la ministre chargée de l'écologie, avez signé la semaine dernière quatre conventions, avec La Poste, les professionnels des infrastructures routières, ceux de la construction et les entreprises du médicament. Depuis un an, les signatures de conventions se sont multipliées, témoignant d'une nouvelle sensibilité des acteurs économiques. Mais il ne faudrait pas en rester au niveau des déclarations d'intention. Comment assurerez-vous le suivi des conventions ? (Applaudissements au centre)
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie . - Vous avez raison de signaler la semaine du développement durable ! Elle est consacrée à la consommation durable, car la moitié des émissions de gaz à effet de serre est liée à la production et la consommation. Le taux de croissance des produits respectueux de l'environnement est de 10 % : ils résistent bien à la crise. Les écolabels sont effectivement mal connus en France, moins de 220 entreprises y ont recours dans notre pays. Il reste beaucoup à faire ! Nous mettons à profit cette semaine de la consommation durable : 4 200 opérations seront organisées.
Le Grenelle de l'environnement a prévu de grandes campagnes de communication ; le budget est de 40 millions d'euros pour promouvoir les économies d'énergie et, précisément, la consommation durable. Il a aussi prescrit un étiquetage écologique d'ici 2011 afin que les Français connaissent le degré de nocivité des produits pour l'environnement. Une autorité de régulation de la publicité sera créée pour éviter les allégations abusives. Une vingtaine d'engagements volontaires ont en effet été signés par le ministre d'État. Le premier l'a été avec la Fédération du commerce et de la distribution, qui s'était engagée sur un taux de progression de vente des produits bio de 15 % : la progression a été en réalité de 20 %.
Notre objectif en la matière est simple : passer d'une société de gourmands à une société de gourmets, pour reprendre la formule d'Erik Orsenna. (Applaudissements à droite)
Universités
M. Jean-Pierre Sueur . - Les universitaires, les étudiants, les chercheurs attendent de Mme la ministre de l'enseignement et de la recherche des signes forts...
M. René-Pierre Signé. - Et ils attendent depuis longtemps !
M. Jean-Pierre Sueur. - Depuis trop longtemps ! Agissez pour dénouer cette crise et apaiser les angoisses des étudiants et de leurs familles, qui se demandent si l'année sera validée. Retirez l'avant-projet de décret sur la formation des enseignants et engagez une concertation profonde, afin de promouvoir une formation théorique et professionnelle de haute qualité.
Ils attendent une remise à plat du statut d'enseignant-chercheur. Ils attendent qu'on compense, au-delà de 130, les suppressions de postes annoncés pour 2009. Les chercheurs attendent enfin qu'on manifeste du respect pour le CNRS, l'Inra, l'Inserm (exclamations à droite) et pour tous les établissements de recherche qui préparent notre avenir.
Des actes concrets doivent être pris d'urgence. Y êtes-vous prête, madame la ministre ? (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite)
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - J'entends depuis plusieurs semaines le parti socialiste m'interpeller sur cette question...
M. Paul Raoult. - On est là pour ça !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - ... mais je ne l'ai jamais, jamais entendu condamner les blocages, pire, les actes de violence qui se déroulent parfois dans les établissements ! (Applaudissements à droite ; exclamations sur les bancs socialistes)
M. David Assouline. - Diversion !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Dans votre université, monsieur Sueur, à Orléans, les étudiants et les enseignants ont voté hier la reprise des cours ; mais un commando cagoulé de vingt à trente personnes (exclamations indignées à droite ; protestations sur les bancs socialistes) y a commis de graves dégradations. Le président de l'université a jugé à raison cette forme d'action inacceptable et annoncé son intention de porter plainte. Le silence du parti socialiste devant ces actes, dont les premières victimes sont les étudiants, est assourdissant ! (Applaudissements à droite ; vives exclamations sur les bancs socialistes)
M. David Assouline. - C'est honteux !
Mme la présidente. - Un peu de silence, je vous prie.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Votre silence, mesdames et messieurs les sénateurs socialistes, est assourdissant et inacceptable. Les premières victimes du blocage, ce sont les étudiants ! (Applaudissements à droite ; vives exclamations sur les bancs socialistes)
J'ai dialogué et la réforme sera désormais étalée sur deux ans. La concertation va se poursuivre pour que nous parvenions à un consensus.
Vous avez parlé d'une université délaissée. (Exclamations sur les bancs socialistes) Les moyens de fonctionnement de l'université d'Orléans ont augmenté en 2007 de 65 000 euros et en 2008 de 351 000 euros ; ils augmenteront cette année de 788 000 euros, auxquels s'ajouteront 2,4 millions pour mettre les locaux en sécurité. Vous vouliez des gestes, voilà des preuves d'amour ! (Vifs applaudissements à droite)
M. René-Pierre Signé. - Ce n'est pas une réponse.
M. Alain Vasselle . - Ma question s'adressait à M. le Premier ministre ; je me contenterai d'interroger Mme Bachelot-Narquin.
M. René-Pierre Signé. - Ce n'est pas très élégant...
M. Alain Vasselle. - Il est temps de mettre un terme aux polémiques qui se développent dans les médias au sujet des honoraires des médecins généralistes. Dois-je rappeler qu'ils ont obtenu la reconnaissance de leur spécialité ? La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a créé la spécialité de médecine générale ; le décret du 16 janvier 2004 a modifié l'organisation des études de troisième cycle ; l'arrêté du 22 décembre 2004 a inscrit la médecine générale dans la liste des diplômes sanctionnant le troisième cycle d'études spécialisées de médecine ; l'arrêté du 30 juin 2004 a consacré la reconnaissance de la qualification de spécialiste aux médecins généralistes en exercice par validation des acquis de l'expérience. La loi HPST s'apprête enfin à confirmer le rôle du médecin généraliste comme premier recours.
L'application de ces dispositions aurait dû conduire à une égalité tarifaire entre médecins spécialistes et professionnels de médecine générale. Il n'en est rien, la Cnam faisant valoir que le code de la sécurité sociale ne le permet pas. Par un arrêt du 12 mars dernier, la cour d'appel de Grenoble a pourtant tranché en faveur des généralistes. Nous connaissons en outre les problèmes de la démographie médicale et de répartition des généralistes sur le territoire.
Que comptez-vous vous faire pour tenir compte de cet arrêt, répondre à l'attente des professionnels et à celle de nos concitoyens qui, dans certaines régions comme la Picardie, manquent de médecins généralistes ? (Applaudissements à droite)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports . - La cour d'appel de Grenoble n'a pas donné raison à l'ensemble des médecins mais au seul requérant ; et la Cnam s'est pourvue en cassation. D'autres cours ont d'ailleurs rendu des arrêts contraires.
J'en appelle à la responsabilité des médecins, qui doivent continuer à tarifer leurs consultations à 22 euros, sauf à pénaliser leurs patients qui pourraient se voir privés totalement de remboursement. Vous le savez, l'augmentation du tarif de consultation à 23 euros a été provisionnée dans la loi de financement de la sécurité sociale dont vous étiez le rapporteur ; mais j'ai demandé que des mesures fortes soient décidées dans le cadre de la négociation conventionnelle en termes d'accès financier et géographique aux soins. Dès qu'elles seront prises, la consultation sera portée à 23 euros, comme je m'y suis engagée.
Je rappelle que la rémunération des médecins a augmenté de 3,5 % par an depuis 2002 : honoraires portés à 21 puis à 22 euros, forfait de 40 euros pour le suivi des malades en affection de longue durée, revalorisation des astreintes et de la permanence des soins. Je suis en droit d'attendre en échange les mesures significatives que j'ai évoquées. (Applaudissements à droite)
M. René-Pierre Signé. - Des mots !
État de la justice en Guyane
M. Jean-Etienne Antoinette . - Depuis le 2 mars, la justice est paralysée en Guyane par une grève des audiences engagée par les avocats, largement suivie par les greffiers et les magistrats et soutenue par le syndicat de la magistrature, les élus et la population. La situation est gravissime ; et puisqu'en matière judiciaire aussi le Gouvernement ne connaît que la logique comptable, voici quelques chiffres : quinze magistrats pour officiellement 210 000 habitants, contre une moyenne nationale de douze magistrats pour 100 000 habitants ; 4 800 affaires par magistrat et par an, quand la moyenne nationale est de 1 100. Triste exception, notre département -de la taille du Portugal !- est le seul à avoir vu sa cour d'appel supprimée en 1947. L'unique tribunal de grande instance est administré de la cour d'appel de Fort-de-France, aussi éloignée de Cayenne que Varsovie l'est d'Annecy. Comment accepter une telle aberration ? Comment accepter une telle discrimination ?
En février 2008, lors de votre venue, madame la garde des sceaux, vous avez pu constater l'indigence des locaux et la vétusté des équipements. Les engagements pris dans le contrat d'objectifs signé en 2005 n'ont pas été respectés. Les 100 000 euros débloqués par la Chancellerie pour des menus travaux sont dérisoires au regard des besoins.
Est-il normal qu'il faille attendre six mois un référé, quatorze mois la décision d'un juge aux affaires familiales ? C'est un déni de justice ! Tous les rapports le reconnaissent. La population de la Guyane va doubler d'ici 2030 ; qu'en sera-t-il de l'accès au droit ?
Oui ou non, allez-vous mettre en place une cour d'appel de plein exercice à Cayenne et un TGI à Saint-Laurent-du-Maroni ? Oui ou non, allez-vous construire un palais de justice digne de ce nom ? Oui ou non, allez-vous créer des postes de magistrats et de greffiers ? Si oui, quand et combien ? (Applaudissements à gauche)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice . - Il y a une vraie difficulté de la justice en Guyane ; je l'ai constaté quand je me suis rendue sur place et nous avons déjà commencé à améliorer les choses. Le rapport d'audit que j'avais demandé à l'inspection générale de la justice m'a été remis la semaine dernière. Les avocats ont été reçus à la Chancellerie le 19 mars et une aide d'urgence de 100 000 euros a été débloquée ; les travaux de rénovation ont commencé ; des moyens humains et matériels seront débloqués ; tous les postes vacants seront pourvus dans les plus brefs délais, sachant que les procédures administratives prennent un peu de temps. J'attends des propositions sur la réorganisation administrative de la justice en Guyane, notamment sur l'éventualité de la création d'une cité judiciaire.
Soyez assurés que le Gouvernement tiendra ses engagements. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Dossier médical personnel
Mme Gisèle Gautier . - Le dossier médical personnel (DMP), anciennement appelé carnet de santé, devait être, selon le ministre de la santé de 2004, la clé de voûte de la réforme de l'assurance maladie. Vous avez confirmé, madame la ministre de la santé, qu'il est impossible de mener une politique de santé dans ce pays, que ce soit en ville ou à l'hôpital sans DMP.
Aujourd'hui, il semble que ce dossier soit en stand by après que des problèmes de sécurité et de confidentialité ont ralenti son développement. Il y a eu aussi les dysfonctionnements du groupement d'intérêt public (GIP), qui a consommé une grande partie des 242 millions qui lui étaient attribués en erreurs de gestion, d'achats, de ressources humaines, de règle financière. Cette mauvaise gestion a été dénoncée par la Cour des comptes.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a prévu le remplacement de ce GIP par une « agence des systèmes d'information de santé partagés » (Asip) qui doit reprendre le projet de DMP.
Je sais, madame la ministre, que vous voulez avancer très vite et que la mission de relance vous a remis son rapport en mai 2008. Celui-ci préconise de concevoir le DMP comme un outil de partage d'informations entre les professionnels de la santé plutôt que comme un dossier géré prioritairement par le patient.
Où en sommes-nous ? Quel est le coût réel des dépenses engagées par l'ex-GIP ? Quel est le coût estimé de la mise en place progressive du DMP ? Quand pensez-vous être en mesure de concrétiser ce dossier ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports . - Vous avez raison d'insister sur l'importance capitale du DMP pour la sécurité des soins, le partage de l'information et la responsabilisation des malades qui doivent être les acteurs de leur propre santé.
J'ai mandaté une étude approfondie pour relancer le dossier du DMP. La création de l'Asip permettra de renouveler la gouvernance du GIP.
Pour l'instant, 74 millions ont été dépensés dans le projet de DMP. Cette dépense n'a pas été inutile, et nous en avons tiré des leçons. Nous sommes loin de la Grande-Bretagne, qui a dépensé plus d'1 milliard...
M. René-Pierre Signé. - Comparaison n'est pas raison !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Dotée pour cette année de 44 millions, ce qui devrait suffire à son fonctionnement, l'Asip est en charge de la structure d'hébergement, du service de confiance, de relancer les projets territoriaux, de s'assurer que les dossiers informatiques des hôpitaux soient versés au DMP. Ce dossier est un outil capital d'organisation, de sécurité et de qualité des soins. Croyez à mon implication totale sur le sujet. (Applaudissements à droite)
Aide publique au développement
M. Adrien Gouteyron . - (Applaudissements sur les bancs UMP). Le G20 se réunit aujourd'hui à Londres avec l'objectif de renforcer la coordination au niveau mondial et de rétablir la croissance. La crise économique et financière se double d'une crise morale. C'est à l'État d'assurer le respect des règles et valeurs, ciment de notre cohésion sociale, et de protéger les plus fragiles, premières victimes, silencieuses, d'une crise qui leur échappe.
Les pays développés doivent aussi regarder vers les pays pauvres, qui peinent à trouver le chemin du développement économique et souvent de la stabilité politique, et faire entendre la voix de la solidarité mondiale. La France n'atteint pas l'objectif fixé par l'Union européenne de consacrer 0,56 % du Revenu National Brut de ses États membres à l'aide publique au développement...
Le Président de la République a rappelé hier que les pays les plus fragiles devaient constituer l'un des axes de ce second G20. La semaine dernière, en Afrique, où vous l'accompagniez, monsieur le ministre, il a dit sa conviction que les destins de l'Europe et du continent africain étaient indissolublement liés.
Jacques Chirac l'a dit : nous ne devons pas « faire l'impasse sur les pays pauvres, sinon, l'Histoire sanctionnera avec brutalité cette légèreté et cet aveuglement ». Quelle est la nature et la répartition de notre aide au développement ? Comment la France compte-t-elle associer l'Afrique, et plus généralement les pays du Sud, à une solution globale ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie . - La France est le troisième bailleur au monde pour l'aide publique au développement, avec plus de 10 milliards de dollars, contre 20 milliards pour les États-Unis. Notre effort est ciblé, puisque l'Afrique sub-saharienne reçoit plus de 60% de cette aide.
Le Président de la République a clairement dit que les choses ne pouvaient rester comme avant, et qu'un rééquilibrage entre Nord et Sud était indispensable. Il a réaffirmé la position de la France lors de la conférence de Doha sur le financement de l'aide publique au développement.
Nous nous sommes battus pour que l'Afrique soit mieux représentée qu'à Washington, et le président de la commission de l'Union africaine, Jean Ping, sera présent à Londres. Le président de la République m'a également demandé de participer à la réunion des ministres des finances africains ; j'ai transmis leurs revendications.
Le rééquilibrage des richesses entre Nord est Sud est un impératif : il y va de l'équilibre de la planète. La démographie, le climat, la crainte d'une récession dramatique pour l'Afrique, sont autant de risques de tempêtes pour les décennies à venir, notamment en matière de gestion des flux migratoires.
Cet effort, la raison le commande, et le coeur aussi. La France a toujours donné l'exemple. Plus que les mots, les chiffres parlent. J'espère que le G20 confirmera l'espoir né des travaux de Washington, l'espoir d'un monde plus juste. (Applaudissements à droite)
La séance est suspendue à 16 heures.
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
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