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Table des matières
Nomination des présidents de l'audiovisuel public (Loi organique - Urgence-Suite)
M. François Fillon, Premier ministre
Fonctionnement des institutions
M. François Fillon, Premier ministre
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice
Suppression des juges d'instruction
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice
Conflit israélo-palestinien (I)
Mme Monique Cerisier-ben Guiga
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme
Conflit israélo-palestinien (II)
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales
Communication audiovisuelle (Urgence-Suite)
Nomination des présidents de l'audiovisuel public (Loi organique - Urgence-Suite)
Communication audiovisuelle (Urgence - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Décisions du Conseil constitutionnel
Communication audiovisuelle (Urgence - Suite)
Discussion des articles (Suite)
SÉANCE
du jeudi 8 janvier 2009
48e séance de la session ordinaire 2008-2009
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
Secrétaires : Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Jean-Paul Virapoullé.
La séance est ouverte à 10 h 40.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Nomination des présidents de l'audiovisuel public (Loi organique - Urgence-Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision et du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, adoptés par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.
Nous examinerons en premier lieu les trois motions portant sur le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°1 rectifiée, présentée par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (n° 144, 2008-2009).
M. Jean-Pierre Sueur. - Je veux démontrer -et ce ne sera pas très ardu- que le texte du projet de loi organique est contraire à la Constitution de la République française.
Le premier argument, c'est la Constitution elle-même, telle que modifiée il y a peu. L'article XI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui nous inspire constamment pose que la libre communication des pensées et des opinions est l'un des droits les plus précieux de l'homme. Notre Constitution en tire la conséquence en son article 34 : c'est la loi qui fixe les règles concernant « les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ».
Madame la ministre, vous avez eu quelques difficultés à répondre sur ce point car vous savez que votre projet de loi organique est contraire à l'article 34. Il y a contradiction absolue entre l'indépendance des médias et la nomination de leurs présidents par un décret du Président de la République. Du reste, lorsque Nicolas Sarkozy a annoncé cela, tout le monde a été abasourdi, à commencer par vous, madame Albanel, et les membres de l'UMP ; car personne n'imaginait envisageable un retour à la dépendance directe de l'audiovisuel public à l'égard du pouvoir exécutif.
Cet argument suffirait. Mais je veux en développer deux autres. Une décision a été rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi du 11 octobre 1984 visant à limiter la concentration et assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse. Ce n'était bien sûr pas l'actuelle opposition qui avait saisi le Conseil... Le considérant n°37 fait aujourd'hui autorité : s'agissant d'une liberté fondamentale, la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec l'exercice d'autres droits. Ce projet de loi accroît-il les garanties ? Tout prouve le contraire, mes amis l'ont dit à satiété hier.
La preuve a été administrée que la consultation du CSA ne changerait rien au résultat. Quant à l'avis des commissions, cette garantie est purement illusoire et utopique puisque depuis le début de la Ve République, il ne s'est pas trouvé une occurrence où un gouvernement fût désavoué par 80 % des parlementaires. Nous avions proposé que la nomination fût approuvée à la majorité des trois cinquièmes. Il peut y avoir accord entre la majorité et l'opposition : la commission des lois s'est prononcée à l'unanimité sur la nomination de M. Delarue comme Contrôleur des lieux de privation de liberté. Mas vous ne le voulez pas et, ainsi que l'écrit Frédéric Allaire, maître de conférences à l'université de Nantes, « le Président de la République devient désormais l'initiateur et le titulaire du pouvoir de nomination ». Monique Dagnaud a donc pu parler d'un recul en matière de libertés publiques. Aujourd'hui, en effet, cette nomination est l'apanage exclusif d'une autorité administrative indépendante. Si cette loi était votée, la nomination dépendrait essentiellement et exclusivement du décret du Président de la République. Celui-ci imposerait, révoquerait, instrumentaliserait -il instrumentalise déjà puisqu'il a obtenu que M. de Carolis mette la loi en application avant même qu'elle soit, non pas votée, mais discutée au Sénat, ce qui a suscité notre légitime indignation.
On pouvait lire le mois dernier dans Le Point « Au moins les choses sont claires, répètent avec une intarissable jubilation les thuriféraires du sarkozysme cathodique. Au moins sortira-t-on de l'hypocrisie qui faisait croire à l'indépendance d'une autorité de régulation dont chacun sait qu'elle était à notre botte. L'argument était insultant pour ceux qui, de la Haute autorité de Michèle Cotta au CSA de Bourges ou Baudis, ont été un peu mieux que des pantins et ont tenté de remplir leur mission avec probité. Mais il est surtout choquant par l'idée qu'on se fait du fonctionnement d'une société. Faut-il, sous prétexte que certains se comportent comme des larbins, institutionnaliser le larbinat ? Fallait-il que le vice se prévalût de ses propres turpitudes et argue des failles d'un système pour le remplacer par un système ouvertement délinquant ? Cette façon de se gausser de la faillibilité des hommes pour décréter nul et non avenu l'effort lent et patient parfois ingrat pour y remédier et qui est l'essence de la démocratie ». Vous avez reconnu le style de Bernard-Henri Lévy.
J'ai quelques scrupules à aborder mon troisième argument tant les deux premiers sont confondants. Il me faut cependant rappeler la décision que le Conseil constitutionnel a rendue le 30 septembre 1986 sur la loi relative à la liberté de communication. Il a considéré que « s'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant le cas échéant d'autres dispositions, c'est à la condition que l'exercice de ce pouvoir n'aboutisse pas à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ». Il a admis que le législateur dote d'un président commun les deux sociétés nationales de programme de télévision et prévoie que le CSA procèderait à une nouvelle nomination dans le mois suivant la publication de la loi, en « considérant que les modifications ainsi apportées à la loi du 30 septembre 1986 n'affectent pas le mode de désignation des présidents des sociétés nationales de programme, que leur nomination relève toujours d'une autorité administrative indépendante et que la durée de leur mandat reste de trois ans, que ces modifications n'aboutissent donc pas à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ». Il est patent que votre projet de loi organique contrevient à ces considérants.
J'ai d'ailleurs été frappé par la lecture du rapport de M. Kert. Vous qui êtes une fine lettrée, madame la ministre, vous savez l'importance du subliminal. Or qu'écrit-il p. 432 ? « Que des garanties équivalentes ou suffisantes peuvent donc permettre d'assurer la constitutionnalité d'une disposition législative, même lorsqu'elle peut sembler s'inscrire sur certains points en retrait sur certains points mineurs ». Et cet aveu subliminal est confirmé à la page suivante : « Il est donc possible de considérer que le dispositif proposé est donc conforme à la Constitution ». Il semble, il est possible, quelle conviction ! (Sourires)
Je voudrais encore citer l'auteur auquel je me suis déjà référé : « la France avait le choix entre plusieurs solutions pour, non pas casser le système, mais le faire avancer. Il y avait le cas de l'Espagne, où les dirigeants des chaînes sont nommés par le Parlement ; celui de la ZDF allemande, qui les voit nommés par un système issu de la société civile ; il y avait le BBC Trust, modèle d'indépendance... »
M. le président. - Concluez !
M. Jean-Pierre Sueur. - « Elle a choisi la machine à remonter le temps ; elle a opté, bien dans l'esprit de l'époque, pour le cynisme ricaneur de la toute puissance assumée. Puissent les sénateurs prendre la mesure de cette inédite régression ». Opposons-nous à une loi organique si évidemment contraire à la Constitution ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles. - La commission est défavorable à une motion qui conteste le principe même du texte. Le projet de loi organique ne remet pas en cause les dispositions de l'article 34 de la Constitution qui confie au législateur le soin de fixer les règles assurant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias. Elle se contente de tirer les conséquences des dispositions de l'article 13 de la Constitution, modifié lors de la dernière révision constitutionnelle, et qui vise à apporter des garanties complètes pour les nominations importantes : celle du président de France Télévisions est de celles-ci.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est un peu court.
M. Alain Gournac. - Mais clair !
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. - Avis défavorable. J'ai eu hier soir l'occasion de dire plusieurs fois que le mode de nomination correspond à une prise de responsabilité de l'État actionnaire et s'inscrit dans le droit fil d'une logique dans le contexte d'une offre culturelle vaste. Il est assorti de garanties, à commencer par l'avis conforme du CSA qu'on ne peut tantôt présenter comme un fantoche et tantôt comme indépendant. De surcroît, le débat public en commission fait que la personnalité qui sera peut-être auditionnée en raison de sa réputation, devra tenir la rampe et présenter des garanties de compétence. Il s'agit d'une triple légitimité et le Conseil d'État, qui n'est certes pas le Conseil constitutionnel, mais qui est aussi juge de la constitutionnalité, a approuvé ce projet.
La motion n°1 rectifié est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l'adoption | 143 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. - Motion n°3, présentée par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (n° 144, 2008-2009).
M. Jack Ralite. - Lorsque j'étais ministre de la santé, je défendais l'idée que la façon dont un État traite la psychiatrie et la folie disait beaucoup de sa politique ; on pourrait dire aujourd'hui la même chose de la télévision, que certains ont appelée la folle du logis. Car la télévision touche à tout, aux institutions, à la politique, à l'information, la création, le divertissement, le savoir, l'imaginaire, à toutes les allures de la vie privée et publique. On ne doit pas s'en préoccuper à la légère. Le Président Sarkozy veut une réforme historique ; traitons donc la question à cette hauteur, et non comme un sujet technique, sauf à oublier, à cacher le fond des choses. Notre assemblée a été bafouée, qui est appelée à débattre alors que le texte est appliqué depuis le 5 janvier ; nous devons répliquer pour défendre notre dignité en posant les vraies questions.
La première est celle du cadre politique dans lequel la réforme a été préparée et imposée en défiant le Parlement. Nicolas Sarkozy se considère comme le manager de la France, qu'il veut à marche forcée transformer en entreprise France.
M. Alain Gournac. - Il a raison !
M. Jack Ralite. - S'il n'est pas l'inventeur de cette approche à la Berlusconi, il tente de l'imposer dans un contexte de crise, de concurrence exacerbée et toujours faussée par le capital financier. Selon cette vision, nous avons dans cette guerre économique un front avant de compétiteurs, de grands groupes, de champions nationaux, et un front arrière assurant la logistique -les services publics ; d'un côté la compétitivité, de l'autre des tentatives de cohésion sociale : vision dangereuse et simpliste ! C'est pourquoi le Président de la République pense qu'il doit concentrer tous les pouvoirs, comme un PDG exigeant des résultats de tous et de chacun. Mais si la France n'est pas une entreprise dont la stratégie ne se décide pas à la corbeille, tout se trame dans une forteresse élyséenne pléthorique et onéreuse, autoréférentielle, en interaction avec un Medef délivré de toute considération humaine à l'égard des non ou des peu solvables. Voilà qui dessine un ordre de contraintes où étatisme et affairisme s'entremêlent. Le Président de la République fabrique ainsi un État de droit privé qui détricote le droit public, en réalité un État privé de droit.
Face à cette « démocrature » naissante et déjà proliférante à coups de révision générale des politiques publiques et de Lolf en dérives imprévues, qu'avons-nous, nous parlementaires ? Notre statut de représentants des citoyens et nos liens avec les collectivités locales. Mais soyons lucides, les problèmes sont de plus en plus complexes et volontairement technicisés ; les lobbies nous visitent avec des amendements tout prêts. Or l'intérêt général exige autre chose. Notre administration est très compétente, mais nous devrions bénéficier d'un service d'expertise et de recherche, notamment en relation avec les universités ; le président Larcher devrait vite y songer, sinon nous risquons de devenir une représentation non représentante. C'est un combat, surtout lorsque l'exécutif nous presse de trancher à la machette notre droit d'amendement. Le mot, rural, signifie « modification dans le sens d'une amélioration de la fertilité du sol » ; l'examen des textes sur l'audiovisuel en est une expérimentation grandeur nature.
Le Président de la République instaure un « bougé » constitutionnel, s'arrogeant le droit de nomination et de révocation des présidents de France Télévisions, de Radio France et de l'audiovisuel extérieur. Le prince-manager pourrait certes choisir une personnalité d'ouverture et peut-être le fera-t-il, lui qui a déjà muté M. Bockel, bloqué Mme Amara, amoindri M. Kouchner, « caritativisé » M. Hirsch, perdu M. Jouyet et absorbé M. Besson.
M. Alain Gournac. - Et ce n'est pas fini !
M. Jack Ralite. - Il n'a pas tenu compte de l'avis de M. Copé ni de celui de sa commission, imposé à M. de Carolis de supprimer lui-même la publicité. Il veut une télévision publique dont il rêve d'être le grand organisateur et le grand éducateur, en écho au propos de Mme Parisot pour qui chaque chef d'entreprise doit être comme l'instituteur du début du XXe siècle. A ce jour il s'en sort bien, qui utilise déjà la télévision avec mépris : que sera-ce lorsqu'il aura les mains libres ! C'est bien ce que prévoit la loi malgré ces faux freins que sont le CSA et les commissions des affaires culturelles du Parlement -on a vu comment la nôtre a été traitée le 19 décembre dernier.
Et le vocabulaire présidentiel ! Un débat à l'Assemblée nationale qui ne lui convient pas, c'est la pagaille ! Les jeunes de banlieue qui ne lui reviennent pas, c'est de la racaille ! Qu'il ne s'étonne pas d'avoir maille à partir avec beaucoup, y compris dans son sérail ! Nous ne voulons pas que les libertés constitutionnelles déraillent !
M. Dominique Braye. - Aïe, aïe, aïe !
M. Jack Ralite. - Nous parlementaires ne devons pas être sages, mais courageux, assumant même d'être désobéissants.
Ces lois sont une coproduction à trois, face aux défis que sont le fleurissement des nouvelles technologies, la multiplication des supports de diffusion, la TNT, l'arrivée des Lagardère et autres Bolloré, la suppression de l'analogique. Le premier coproducteur, c'est le Président Sarkozy, il suffit de relire sa lettre de mission à Mme Albanel ou ses discours des 8 janvier et 25 juin 2008. Le deuxième, c'est le groupe Bouygues, qui possède TF1 et a transmis, avant les voeux de 2007, un Livre blanc plein d'injonctions dont quatre, essentielles, structurent le texte : suppression du dispositif anticoncentration plurimédia, assouplissement de l'accès à la ressource publicitaire -le Gouvernement a fait le choix d'une application intégrale de la directive européenne, contrairement à ses homologues européens-, financement de l'audiovisuel public uniquement sur fonds publics, libération de la programmation de ses obligations de production, c'est-à-dire disparition de la définition de l'oeuvre audiovisuelle. Qu'il gênait, le vote unanime des assemblées du 22 novembre 2006 ! Le décret non encore publié ne le sera jamais, le Gouvernement ayant remis cette définition à la négociation d'acteurs dont certains ont accepté une diminution des obligations de production de TF1 !
Le troisième coproducteur, c'est la philosophie libérale du rapport Jouyet-Lévy sur l'économie de l'immatériel, élaboré conjointement par l'inspection des finances et la publicité, devenu feuille de route du Gouvernement. Il impose une vision comptable qui fait du savoir et de la culture de simples actifs financiers.
Cette loi ne nous propose qu'un bégaiement servile de cette coproduction : on a envie d'y répondre par un « non » majuscule, de résistance. Nous allons faire notre devoir en pensant aux citoyens-téléspectateurs et à ceux qui exercent les métiers de la télévision. Nous ne jouerons pas au « non » parce que d'autres disent « oui », ou « oui » parce que d'autres disent « non ». Nous essaierons d'illustrer Scott Fitzgerald décrivant « la marque d'une intelligence de premier plan [...] capable de se fixer sur deux idées contradictoires sans pour autant perdre la possibilité de fonctionner ». Nous voulons que la télévision de service public vive avec son héritage, mais surtout suive sa voie vers l'accomplissement. Cette loi est une loi fermée, une sorte d'« acte noir », dirait Hamlet, une déclinaison de la dogmatique managériale. Le Président semble vouloir conclure l'histoire de la télévision en en pétrifiant le sens.
Nous proposons une responsabilité publique de l'audiovisuel, de l'information et de la communication -ou Respaic, féminin de « respect »-, locale, nationale et internationale. Dès 1987, les états généraux de la culture ont rédigé une déclaration des droits de la culture traduite dans quatorze langues. Les médias et les moyens de communication électroniques sont aujourd'hui un besoin essentiel, des biens publics mondiaux qui doivent être régulés à chaque niveau de responsabilité et reconnus dans un droit universel à la communication actualisé comme un droit de l'homme. Nous pourrons ainsi combattre les inégalités dans l'accès à l'information et à la communication, favoriser l'association humaine universelle pour refuser la guerre économique fratricide en développant les coopérations et les échanges, soutenir le développement de la culture, de la recherche, de la création et de l'innovation. La reconnaissance et la mise à jour de ce droit universel ont besoin de cette Respaic, définie par des missions, des droits et des obligations d'intérêt général appliqués à l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel et des communications électroniques. L'article de Philippe Meirieu sur la responsabilité des médias paru dans Le Monde devrait nous y faire réfléchir. La loi de 2000 initiée par Catherine Tasca en a posé les premiers jalons.
La première de ces missions est le respect du pluralisme de l'information et des esthétiques, de la diversité des expressions culturelles, en intégrant notamment une solide réglementation anticoncentration. Ce pluralisme doit s'entendre comme le droit à être informé autant que le droit à informer, ouvert à un secteur associatif non marchand. Il s'agit aussi de s'adresser à un large public afin « d'informer, de cultiver et de distraire » et de renforcer le lien social, de soutenir la recherche, la production et la création audiovisuelle, de développer l'éducation populaire aux technologies et aux nouveaux services, la lecture critique des médias, l'apprentissage de l'image. Les réseaux et les infrastructures, en particulier l'internet et les réseaux à très haut débit, doivent être reconnus comme des biens publics mondiaux, régulés de façon multinationale et accessibles à tous. Il faut développer les coopérations internationales pour la diffusion et la production audiovisuelle en créant un pôle public européen des industries de l'audiovisuel et des communications électroniques. Des moyens financiers publics et privés doivent être affectés au développement des réseaux à haut débit, à la recherche, à la production et à la création de services, de programmes et de logiciels innovants et éducatifs. C'est cela la responsabilité publique, nullement prise en compte par la coproduction Sarkozy-Bouygues-Jouyet-Lévy qui tire les volets au lieu d'ouvrir des « fenêtres sur un nouvel âge », selon l'expression de l'anthropologue Georges Balandier. (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la commission des affaires culturelles. - Je rappelle à mes collègues socialistes et communistes qu'il n'est pas question de refaire ici le débat sur la réforme de la Constitution, dont une des avancées notables est justement l'encadrement des nominations. La commission ne saisit pas en quoi, à cet égard, les conditions de l'élaboration et de l'inscription à l'ordre du jour de ces projets de loi relèveraient du coup de force. Nous aurons largement l'occasion de débattre, dans les jours qui viennent, tant sur les conséquences de la suppression de la publicité que sur l'alignement de la procédure de nomination sur la procédure prévue par l'article 13 de la Constitution. La commission est donc défavorable à l'adoption de cette motion.
Mme Christine Albanel, ministre. - C'est bien le souci de promouvoir une société de culture plutôt qu'une société marchande, exprimé par M. Ralite, qui anime ce projet de loi. En souhaitant soulager la télévision publique de la contrainte créée par la publicité, nous désirons encourager l'innovation, la production et la création.
Dans notre système, toutes les chaînes ont des obligations d'innovation et de production. Si les sociétés d'auteur ont signé des accords interprofessionnels avec les diffuseurs et les producteurs, c'est que la culture et la création y gagnent. Ainsi, M6 a accepté que ses obligations en matière patrimoniale passent de 8,5 % à 10,5 % de son chiffre d'affaires. TF1 agit de même.
Ce projet de loi va bien dans le sens de la culture, chère à M. Ralite, et le Gouvernement est donc défavorable à cette motion.
La motion n°3 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 142 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme Christine Albanel, ministre. - Je souhaite que la séance soit suspendue à midi car on doit me remettre les conclusions des états généraux de la presse à midi un quart.
Renvoi en commission
M. le président. - Motion n°4, présentée par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires culturelles le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (n° 144, 2008-2009).
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - A en croire les partisans de la dernière réforme de la Constitution, 2009 devait être l'année du renforcement des pouvoirs du Parlement. Ces deux textes et les conditions de leur examen devant notre assemblée en sont un criant démenti. La pratique constitutionnelle de notre pays est en train de changer profondément. Le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents de France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est dû à la révision de la Constitution, arrachée au forceps en juillet dernier, révision pour laquelle notre commission des lois avait été saisie au fond. Il est donc ahurissant que cette même commission ne soit même pas saisie pour avis de ce projet de loi organique.
A l'Assemblée nationale, au sein de la commission spéciale chargée d'examiner ces deux projets de loi, onze députés sur 57 étaient membres de la commission des lois. Ce fait pourrait à lui seul justifier notre renvoi en commission.
En outre, nous avons failli examiner les articles 8 et 9 du projet de loi ordinaire avant même le vote de l'article unique du projet de loi organique qui prévoit la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France par l'exécutif. Il ne s'agit pas de détails de procédure mais des règles qui permettent l'expression de la démocratie.
Autre aberration : la suppression de la publicité sur France Télévisions est déjà effective, alors qu'elle n'a même pas été examinée par notre Assemblée ! Bel exemple de renforcement des pouvoirs du Parlement ! L'exécutif ordonne la suppression de la publicité sur la télévision publique mais comme le Parlement ne s'exécute pas assez vite, on zappe cette étape. Pour inaugurer les nouveaux liens qui uniront le Président de la République au président de France Télévisions, ce dernier a dû entériner la fin de la publicité. Cette méthode humiliante est inadmissible et proprement antidémocratique en ce qu'elle réduit le Sénat au rôle de chambre d'enregistrement. Nous sommes loin de l'idée que l'on pourrait se faire d'un Parlement représentant le peuple et non le chef d'un parti, d'un Parlement soucieux d'élaborer la loi dans l'intérêt général et non d'intérêts très particuliers, à moins que le respect de la séparation des pouvoirs ne soit désormais classé au rang des « immobilismes qui emprisonnent la France » évoqués par le Président de la République le 23 juillet 2008 au moment de sceller la loi constitutionnelle.
Encore une fois, le Gouvernement a imposé l'urgence, qui est d'ailleurs devenue la règle pour quasiment tous les textes. Et quand il n'y a pas d'urgence, on la fabrique de toutes pièces en décidant que la réforme entrera en vigueur au en janvier et non en septembre.
Cette réforme s'est faite à marche forcée. Décrétée le 8 janvier 2008, présentée en conseil des ministres le 22 octobre, elle sera effective dans quelques semaines et sans que le « grand débat national » promis par Nicolas Sarkozy n'ait jamais eu lieu. Mes collègues Ralite et Renar ont participé à la commission Copé : il ne devait pas y avoir de tabous, mais ils ont dû se résoudre à la quitter lorsque celle-ci a été de fait démise par le Président de la République. Alors que les travaux de la commission Copé n'avaient débuté que depuis deux mois, Nicolas Sarkozy l'a désavouée en se déclarant opposé à toute augmentation de la redevance, puis en annonçant l'octroi d'une deuxième coupure de publicité aux chaînes de télévision privées. Tout aura donc été ficelé en à peine un an, alors que la réforme de la BBC de 2007 a été menée à bien après quatre années de débats.
Les conditions dans lesquelles sont examinés ces projets de loi sont inadmissibles. Les textes votés par l'Assemblée nationale n'ont été transmis à notre assemblée que le 17 décembre, soit quatre jours avant la suspension de nos travaux, ce qui nous a laissé très peu de temps pour les examiner et les amender. Le délai limite pour déposer les amendements a même dû être repoussé jusqu'à l'ouverture de la discussion générale. Le travail en commission a bien sûr été réduit à la portion congrue : alors que l'examen de ces projets de loi a duré plus de 80 heures à l'Assemblée nationale, notre commission n'y a pour l'instant consacré que quatre heures ! Les 542 pages du rapport ne sont consultables que depuis hier midi et la commission n'a jusqu'à présent consacré qu'une petite heure à l'examen des amendements déposés par les groupes.
Les conditions minimales pour légiférer sérieusement ne sont donc pas réunies. Si c'est ainsi que vous concevez la réforme du travail parlementaire, les droits du législateur vont être profondément remis en cause !
Ces textes ne manquent pas de chausse-trapes. Ainsi, la suppression de la publicité depuis lundi a déjà fait une victime sur les antennes de France 3 : le décrochage local de 19 h 57. Supprimé, il a été remplacé par de la publicité trois minutes avant le couperet fatal de 20 heures. Un scandale, doublé d'une incohérence totale pour une entreprise censée ne plus avoir de publicité ! Désormais, les journaux locaux ne seront diffusés qu'à 18 h 40, or ce n'est pas à cette heure-là que les téléspectateurs sont les plus nombreux. Ce texte n'a donc même pas encore été voté qu'apparaissent déjà les premiers effets pervers. La programmation des décrochages locaux à une heure de moindre écoute fait craindre aux personnels leur prochaine disparition. La fin de la seconde diffusion a aussi des conséquences sur la qualité de l'information : il ne sera plus possible de réactualiser les sujets entre deux diffusions. En outre, les journalistes couvriront moins de sujets car ils auront moins de temps, un comble pour une entreprise dont le nouveau cahier des charges rappelle que « France 3 s'attache à développer l'information régionale et locale et à accroître le nombre d'éditions de proximité ». Or, c'est l'inverse qui est en train de se produire. Certes, il existe internet, mais à Perpignan, par exemple, le journal local réunit 67 000 téléspectateurs contre 300 clics sur internet. Les personnels ne sauraient tolérer que leur travail soit réduit à un produit d'appel pour la Web TV.
La disparition de la rediffusion est donc vécue par les 400 salariés comme une mort à petit feu. Ainsi fragilisés, ils craignent de s'entendre dire, dans quelques mois, que l'information locale coûte trop cher pour un maigre résultat. En outre, France 3 est concurrencée par les télévisions locales privées derrière lesquelles sont aux commandes les grands groupes de la presse quotidienne régionale.
On nous dit que France Télévisions n'a plus besoin de publicité et que son financement sera assuré à l'euro près. Mais nous n'avons aucune garantie. A vous entendre, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques permettrait de mettre fin à la schizophrénie dont souffre la télévision publique. Vous avez dit à l'Assemblée, madame la ministre, qu'on ne peut pas « demander à la télévision publique de proposer des programmes qui rassemblent quand la publicité oblige à viser des cibles, des segments de population. On ne peut pas lui demander de prendre des risques quand l'audimat impose ses règles. On ne peut pas lui demander d'offrir des programmes exigeants à des heures accessibles quand ces plages horaires les plus rentables sont supposées précisément accueillir des tunnels de publicité ». Or, c'est très exactement ce qui se passe sur France 3 pour les décrochages locaux, du fait de l'application, avant même son vote, de cette loi : un programme d'informations locales diffusé à une heure de grande écoute et regardé par un large public est déprogrammé au profit de la publicité. On marche sur la tête !
On ne peut d'un côté estimer que la publicité est nocive pour la qualité des programmes du service public et de l'autre prendre une décision qui met en péril leur qualité même. La publicité a certes des inconvénients mais sa suppression en a tout autant ! Vous n'avez eu de cesse de diaboliser la publicité depuis le 8 janvier 2008, alors que pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy envisageait d'en accroître la part pour aider un service public sous-financé ! Ce texte était l'occasion de réfléchir sur le rôle de la publicité dans le service public. Mais vous avez confisqué ce débat.
Pour toutes ces raisons, je vous demande de saisir cette porte de sortie honorable en votant notre renvoi en commission. (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. - J'ai eu un moment d'inquiétude en entendant Mme Gonthier-Maurin dénoncer, à juste titre, la dictature de l'audimat : j'ai cru tout à coup qu'elle soutenait ce projet de loi....
Je comprends mal ce qu'apporterait un renvoi en commission s'agissant d'un texte sur lequel celle-ci a déjà beaucoup travaillé, (protestations à gauche) ainsi que les différents rapporteurs.
Mme Catherine Tasca. - Ce n'est pas assez !
M. Jacques Legendre, président de la commission. - La longueur du débat à l'Assemblée nationale nous a empêchés d'en discuter en décembre, nous y étions prêts et nous nous étions battus pour disposer du temps suffisant à ce moment-là. Vous disposez maintenant d'un épais rapport qui témoigne du travail de la commission.
On nous objecte aussi que, s'agissant d'un projet de loi organique, la commission des lois aurait dû être saisie. Elle ne l'a pas jugé nécessaire, considérant que ce texte était une conséquence de l'autre projet de loi dont la commission des affaires culturelles était saisie au fond.
Nous souhaitons donc débattre sans plus tarder et nous sommes défavorables à cette motion de renvoi.
Mme Christine Albanel, ministre. - Je suis pleinement d'accord avec le président Legendre. Les rapporteurs ont fait un excellent travail, extrêmement technique et exigeant. Ce projet de loi est issu d'une longue réflexion, débutée dès le 8 janvier 2008, et d'abord au sein de la commission spéciale à laquelle les parlementaires ont été associés, y compris ceux de gauche qui ne l'ont quittée que trois semaines avant la fin. L'obstruction des députés de l'opposition a retardé l'examen du texte par le Sénat et c'est pourquoi nous avons souhaité que la suppression partielle de la publicité soit effective avant la fin du parcours législatif.
Sur FR3, il y aura cinq minutes supplémentaires d'information locales dans le 19-20 heures et, pour la première fois, un décrochage régional pour l'édition du soir, ce qui figure dans son cahier des charges. Cette chaîne gardera donc bien sa dimension locale et régionale.
La motion, tendant au renvoi en commission, est mise aux voix par un scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 142 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La séance est suspendue à 11 h 55.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.
Situation à Gaza
M. Michel Mercier . - Ma question s'adresse au Premier ministre et porte sur les efforts de la France en faveur de la paix au Proche-Orient. C'est un drame humanitaire que connaît Gaza. Les causes en sont connues, tout comme le partage de responsabilités entre les acteurs. La France a condamné les tirs de roquette du Hamas et la riposte disproportionnée de Tsahal. Mais quand des civils souffrent, l'heure est à l'action. Je salue les efforts déterminés du Président de la République et du Gouvernement pour aboutir au plus vite à un cessez-le-feu total. Cela marque le retour de la diplomatie française et européenne dans le conflit.
Alors que le chef de l'État était encore en déplacement dans la région, vous avez déclaré, monsieur le Premier ministre, qu'une voie très étroite vers un cessez-le-feu était possible. A l'issue de la série d'entretiens du Président, cette voie ouverte par le plan franco-égyptien se précise-t-elle ?
Avec l'entrée en fonction du nouveau président des États-Unis, la diplomatie américaine va reprendre le dossier. Il reste peu à négocier. Il faut renouer le dialogue pour mettre en oeuvre les accords de paix et le processus d'Annapolis. L'envoi d'une force d'interposition à Gaza sera nécessaire. Quel pourra être le rôle de l'Europe et de la France, dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée, pour la résolution du conflit ?
M. François Fillon, Premier ministre . - (Applaudissements à droite) Tout d'abord, j'adresse tous mes voeux à chaque membre de votre Assemblée.
La situation humanitaire à Gaza est intolérable. Si la France a condamné d'emblée les tirs de roquette sur Israël depuis Gaza et, aujourd'hui, depuis le territoire libanais, rien ne justifie les souffrances imposées aux populations civiles enfermée dans la bande de Gaza. Le gouvernement français ne ménage pas ses efforts pour rechercher une solution pacifique.
Avec l'ensemble des acteurs de la région, nous avons d'abord fait pression sur Israël afin d'obtenir une trêve quotidienne pour évacuer les blessés et acheminer les secours -c'est un minimum. Nous attendons désormais l'ouverture d'un corridor humanitaire.
Nous avons ensuite appuyé tous les efforts de l'Egypte pour obtenir un dialogue politique. Je salue le courage du gouvernement égyptien, qui reçoit dans quelques instants une délégation israélienne au Caire.
S'agissant de la sécurisation de la frontière entre Gaza et l'Égypte, nous demandons que des points de passage soient ouverts et la contrebande d'armes interdite, conditions d'un cessez-le-feu.
Le gouvernement français, qui préside la Conseil de sécurité des Nations unies, tente d'obtenir un accord -vous savez combien c'est difficile car il faut l'unanimité- pour mettre un terme à ces combats. Nous sommes disposés à mettre en place des moyens techniques et, si nécessaire, à envoyer des forces pour assurer un cessez-le-feu.
Nous soutenons les efforts du président Abbas et du président Moubarak, qui a engagé un processus de réconciliation entre les Palestiniens. C'est dans cet esprit que le Président Sarkozy s'est rendu à Damas : la seule façon de parler au Hamas, c'est via ceux qui ont des contacts avec lui, d'où nos efforts pour reprendre contact avec la Syrie.
Il n'y a d'autre solution que de mettre en oeuvre le processus décidé il y a dix ans déjà, et d'aboutir à la constitution d'un État palestinien libre, indépendant et démocratique. La solution est sur la table. Lorsque les combats auront cessé, si le dialogue s'engage, nous sommes disposés à fournir les forces nécessaires pour assurer la sécurité des territoires palestiniens. (Applaudissements à droite et au centre)
Fonctionnement des institutions
M. Jean-Pierre Bel . - Les inquiétudes sur l'évolution de notre démocratie sont légitimes, car les libertés publiques sont au coeur des principes républicains. C'est au Parlement de veiller à ce qu'elles soient respectées, et de demander des comptes à ceux qui détiennent tous les leviers du pouvoir. Trois principes sont fondamentaux pour garantir les droits des citoyens : la liberté d'expression, qui passe par celle de l'audiovisuel et des médias, l'indépendance de la justice, le respect des droits du Parlement.
Les médias, d'abord. Non seulement le Président de la République désignera celui ou celle qui dirigera France Télévisions et Radio France, mais en privant le service public de l'audiovisuel de ressources propres, vous le placez plus encore dans la dépendance du politique.
La justice, ensuite. Le chef de l'État décide, sans autre forme de procès et au mépris des instances d'expertise et de concertation, d'imposer ses vues en annonçant, avant même tout débat au Parlement, la suppression du juge d'instruction.
La représentation nationale, enfin. Alors que la réforme constitutionnelle était censée relever les droits du Parlement, votre seule obsession va à limiter le droit d'expression des parlementaires, en encadrant drastiquement le droit d'amendement, sans même supprimer, ainsi que nous le suggérions, les moyens de passage en force du Gouvernement, article 49-3 et vote bloqué. Le temps de la discussion est souvent celui de la démocratie. Si vous brandissez, en guise d'argument, mon rapport de 2007, ayez au moins l'honnêteté de le citer dans tous ses aspects !
Oui, monsieur le Premier ministre, la presse, la justice, le Parlement, y compris la confrontation avec l'opposition parlementaire, dans une démocratie digne de ce nom, c'est ce qui permet d'équilibrer les pouvoirs et donc de garantir les droits des citoyens. Entendez-vous ces inquiétudes et comment comptez-vous agir pour garantir les libertés publiques dans notre pays ? (Applaudissements prolongés à gauche)
M. François Fillon, Premier ministre . - Oui, monsieur le sénateur, j'entends ces inquiétudes et j'y répondrai avec la plus grande franchise. Comment pouvez-vous un seul instant accuser le Gouvernement et la majorité de porter atteinte, avec la réforme de l'audiovisuel public, aux libertés ? Le mode de nomination du président de France Télévisions ? Mais pour la première fois, elle donnera lieu à une audition publique devant le Parlement. Cela n'avait jamais été le cas auparavant. (Applaudissements à droite) Auparavant, le Président de la République nommait le président du CSA qui nommait, avec son collège, le président de France Télévisions. Procédure plus démocratique ?
Comment, enfin, des hommes et des femmes de gauche peuvent-ils considérer que l'audiovisuel public sera plus dépendant quand ses ressources viendront, non plus de la publicité, mais de financements publics ? (Vives protestations à gauche) Qui oserait dire que les libertés publiques sont par là menacées ? Je suis prêt à parier que personne ne remettra jamais en cause la suppression de la publicité. (Applaudissements sur les bancs UMP)
La réforme de la justice proposée par le Président de la République ne vise à rien d'autre qu'à mieux protéger les droits individuels, qui ne le sont pas suffisamment dans notre pays. Il y a quelques semaines, vous vous émouviez, ici même, de la garde à vue d'un journaliste, menée dans des conditions regrettables. Il y a quelques jours, vous vous inquiétiez du placement en garde à vue, sans raison, d'une infirmière. Notre système judiciaire, qui permet ce genre de chose, est en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Le Président de la République entend séparer la fonction de juge d'instruction de celle de juge chargé de l'enquête, sans porter en rien atteinte à son indépendance. Il entend mettre en place un habeas corpus pour interdire, à l'avenir, ce que vous déploriez il y a peu.
J'ai, monsieur le sénateur, une longue expérience de parlementaire. Jamais, avant cette législature, je n'ai vu les membres du Parlement autorisés à déposer des amendements strictement identiques ne différant que par leurs signataires (vives protestations à gauche) comme cela est le cas à l'Assemblée nationale. Le temps n'est pas si lointain où des parlementaires de l'opposition se voyaient supprimer leur indemnité pour avoir osé mal parler du Président de la République... (Protestations à gauche)
M. Jean-Pierre Michel. - Vous mentez !
M. François Fillon, Premier ministre. - Nous agissons, quant à nous, dans le respect de la Constitution, pour garantir le droit d'amendement. (Applaudissements à droite et au centre)
Emploi et actionnariat
Mme Éliane Assassi . - Les fêtes de fin d'année viennent de s'achever. Mais partout en France, ils ont été des milliers à ne pas faire la fête. Je pense aux salariés des entreprises Renault, mis au chômage partiel et qui subissent un prélèvement de 0,15 % sur leurs salaires de novembre et décembre pour financer leur propre indemnisation de janvier ; aux salariés de l'usine PSA de Rennes, qui subiront pour les trois mois à venir, cinq jours de chômage partiel ; aux salariés de PSA à Sochaux, à Aulnay-sous-Bois qui, par centaines, sont condamnés au chômage technique. Je pense aussi aux salariés du textile, de la métallurgie, de l'industrie pharmaceutique.
Votre Gouvernement, si prompt à réagir et à médiatiser son entreprise de sauvetage des banques à grand coups de milliards d'euros, fait profil bas dès lors qu'il s'agit des salariés. C'est ainsi en toute discrétion, presque en cachette, que Mme Lagarde a signé, le 3 janvier dernier, un décret dont le seul objet est de faciliter, pour l'employeur, le recours au chômage partiel.
Tandis que les actionnaires du CAC 40 ont vu croître leurs bénéfices de près de 12 %, les salariés mis au chômage partiel subissent une baisse de revenus de 40 % en moyenne. L'extension du chômage technique est exclusivement financée par les salariés de notre pays, éternelle variable d'ajustement, et auxquels vous faites payer les conséquences d'une économie assise sur la spéculation. Les grands patrons, les actionnaires, les spéculateurs sont toujours gagnants ! Aux salariés de payer leurs erreurs ! Chez Renault par exemple, 1 % des dividendes des actionnaires suffirait à maintenir le salaire des 20 000 employés du constructeur, concernés par le chômage technique.
M. le président. - Terminez !
M. Alain Gournac. - Terminez ce baratin ! (Marques d'indignation à gauche)
Mme Éliane Assassi. - M. Bocquet, député du Nord, a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de loi -que nous déposerons prochainement au Sénat- tendant à partager prioritairement, avec les salariés concernés par le chômage partiel, les dividendes existants. Entendez-vous appliquer cette proposition, mesure de justice sociale et de reconnaissance de la valeur travail attendue par des milliers de salariés de notre pays ? (Applaudissements à gauche)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services . - Les chiffres publiés en décembre sur les demandeurs d'emploi ne sont en effet pas bons.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ah !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Mais il ne s'agit pas là d'une situation spécifique à notre pays. Tous sont frappés, et certains même plus durement que nous -je pense à l'Espagne et à la Grande-Bretagne- par la recrudescence du chômage.
Il faut réagir. C'est ce que nous faisons.
Outre la relance économique, destinée à créer ou maintenir l'emploi, nous devons protéger nos compatriotes frappés par le chômage, fût-il partiel.
A la demande du Président de la République, nous avons mis en place, dès le 1er octobre, un plan de financement des PME, car ce sont les entreprises qui créent l'emploi. (On approuve à droite)
MM. Jean-Pierre Godefroy et Jacques Mahéas. - Et les salariés !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - C'est une loi universelle reconnue. Le plan de relance de 26 milliards d'euros, dont l'Assemblée nationale délibère, produira ses effets. (On en doute vivement à gauche)
Nous avons aussi agi rapidement pour protéger les salariés frappés par des restructurations, (on estime à gauche que « ça ne marche pas ! ») notamment en étendant le contrat de transition professionnelle dans 25 nouveaux bassins d'emploi. Je regrette que vous ne l'ayez pas évoqué. L'indemnisation de l'inactivité partielle passera de 50 % à 60 % de la rémunération perdue. (Protestations à gauche) Cette mesure, bienvenue pour les salariés, sera financée dans le plan de relance.
Mme Éliane Assassi. - Rien à voir avec la question ! Répondez !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Quant à l'intéressement, le Parlement a voté, il y a quelques semaines, la loi en faveur des revenus du travail...
Mme Éliane Assassi. - C'est la droite qui a voté !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - ... qui encourage la conclusion d'accords en ce sens, avec une conditionnalité sur les charges sociales.
Ainsi, nous agissons dans les deux domaines : la relance de l'activité économique et la protection de nos compatriotes. Je regrette que vous ne vous soyez jamais associés à ces mesures positives pour nos compatriotes ! (Applaudissements à droite)
Mme Catherine Dumas . - Au nom du groupe UMP, je souhaite adresser à Mme la garde des sceaux nos plus chaleureuses félicitations pour la naissance de sa petite Zohra. (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite) Je lui renouvelle également notre soutien total à son action réformatrice.
M. Jean-Pierre Raffarin. - Absolument !
Mme Catherine Dumas. - A l'occasion de la rentrée solennelle de la Cour de cassation, le Président de la République a annoncé que le juge d'instruction devrait céder sa place à un juge de l'instruction contrôlant le déroulement des enquêtes, sans les diriger.
En effet, le juge d'instruction ne peut simultanément rechercher les coupables et protéger les droits des personnes mises en examen. Le chef de l'État a insisté sur la nécessité de placer le débat contradictoire au coeur de notre système judiciaire, qui doit être plus soucieux des libertés et plus adapté à la police scientifique et technique. En effet, la procédure pénale doit passer du culte de l'aveu au culte de la preuve.
Je souhaite quelques précisions sur les grandes lignes de cette profonde réforme de notre procédure pénale destinée à mieux protéger les droits individuels. (Applaudissements à droite)
M. le président. - L'ensemble du Sénat s'associe aux félicitations qui viennent d'être adressées à Mme la garde des sceaux. Que Zohra, telle l'étoile du berger, la conduise tout au long de sa vie ! (Applaudissements à droite)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je vous remercie pour ces paroles qui me touchent beaucoup. J'ai été très émue par les messages que m'ont fait parvenir des sénateurs siégeant sur tous les bancs. Ce n'est pas un sujet partisan. Je suis particulièrement heureuse de partager avec vous cet immense bonheur.
La question posée par Mme Dumas a déjà suscité de nombreuses interrogations.
Le Président de la République a été élu avec un mandat clair : conduire des réformes ambitieuses. La réforme de la justice en fait partie, notamment celle de la procédure pénale, dont la réforme du juge d'instruction est un volet, au demeurant indispensable.
De nombreux faits divers ont mis en évidence le caractère inadapté de notre procédure pénale. Il est donc absolument nécessaire de réformer le code pénal et le code de procédure pénale, afin de rendre sa cohérence au système et donner au principe du contradictoire la place qu'il mérite.
Qui pourrait prétendre qu'il ne faut pas réformer la procédure pénale ? Qui pourrait estimer satisfaisante la protection des libertés individuelles ?
A la demande du Président de la République et du Premier ministre, j'ai installé dès le 14 octobre une commission présidée par M. Philippe Léger, qui devra remettre des propositions ambitieuses en vue d'une réforme en profondeur du code de procédure pénale. Sur la base de ces propositions, une très large concertation sera notamment ouverte aux parlementaires. La première étape aura lieu dès lundi : je recevrai M. Philippe Léger, puis les membres de la commission et toutes les personnes concernées par cette réforme.
Dans cette affaire, l'intérêt général doit prévaloir sur toutes les polémiques, car il est indispensable -notamment dans les affaires les plus graves, justifiant les peines les plus lourdes- de protéger les droits des personnes mises en cause, tout en accordant une place accrue aux victimes et en permettant aux enquêteurs, comme à la défense, d'être plus efficaces. (Applaudissements à droite)
Suppression des juges d'instruction
M. Jean-Michel Baylet . - Il faut vraisemblablement réformer la justice : des dysfonctionnements récents et fameux l'ont montré. Mais le Président de la République nous a convoqués à Versailles il y a quelques mois pour conforter les droits du Parlement. Or, nous examinons aujourd'hui un texte dont une mesure phare -la suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision- est déjà mise en oeuvre. Cela n'est pas exactement un renforcement des droits du Parlement !
La manière dont le Chef de l'État vient d'annoncer la suppression des juges d'instruction est une nouvelle marque de mépris pour le Parlement.
Alors, madame le garde des sceaux, nous avons besoin de quelques éclaircissements. Dites-nous-en davantage ! Qui remplacera le juge d'instruction ? Un « juge de l'instruction », soit. Mais quelles seront ses compétences ? Quelles seront ses prérogatives ? Comment sera menée notre politique pénale ? Jusque là confiée aux procureurs généraux sous l'autorité de la Chancellerie, son homogénéité pourrait être mise à mal dès lors qu'est avancée l'idée d'une indépendance du parquet. Qu'en sera-t-il de la garde à vue, cette espèce de torture des temps modernes qui consiste à coller les gens en prison pour les faire avouer ? Donnera-t-on enfin à la défense les droits qu'elle mérite ? Les avocats de la défense auront-ils rapidement accès à l'ensemble des dossiers ? Toutes ces questions doivent être posées puisque la réforme a été lancée devant l'opinion publique avant d'être exposée au Parlement. Ce serait la moindre des choses dans une démocratie, dans une République et après la réforme constitutionnelle votée cet été.
Madame le garde des sceaux, quelles sont les grandes orientations de la réforme, si tant est que vous les connaissiez ? (Rires à gauche) Pouvez-vous garantir que le débat aura lieu au Parlement, c'est-à-dire à l'Assemblée nationale et au Sénat, et non devant l'opinion publique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre et quelques bancs à gauche)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice . - Il n'y a aucun mépris du Parlement, puisque cette réforme sera menée dans la plus grande concertation. Elle est attendue par les Français et voulue par tous les partis politiques. La réforme de la justice, et donc du code pénal et du code de procédure pénale, est au programme de chaque élection, y compris l'élection présidentielle. Je note d'ailleurs qu'un tel débat avait eu lieu à gauche sans qu'un consensus ne soit dégagé sur l'indépendance du parquet. Pourquoi ? Parce que l'on n'a jamais voulu mettre toutes les questions sur la table. Le code de procédure pénale a été réformé à plus de vingt reprises sans aucune cohérence.
M. Paul Raoult. - Qui a fait ces réformes ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Chaque fois qu'une affaire éclate, on polémique, mais on n'évoque pas les vraies questions.
M. Jean-Pierre Bel. - La droite est au pouvoir depuis sept ans !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Le Président de la République a un mandat clair ; la réforme de la justice était à son programme : elle aura lieu. Et, pour réformer le code pénal et le code de procédure pénale, le débat parlementaire est obligatoire.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Comme pour l'audiovisuel ! (Rires à gauche)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Dès lundi, je commencerai les consultations, que je souhaite aussi larges que possible. La commission présidée par Philippe Léger procédera également à un grand nombre d'auditions, notamment de parlementaires ; parlementaires dont vous pourriez être, monsieur Baylet, si vous le demandez. (Applaudissements à droite)
Conflit israélo-palestinien (I)
Mme Monique Cerisier-ben Guiga . - Les roquettes du Hamas continuent de tomber sur le sud d'Israël, celles du Hezbollah sur le nord du pays et les civils continuent d'être les victimes trop nombreuses des bombardements israéliens et de l'offensive terrestre à Gaza. Au Proche-Orient, la diplomatie internationale se heurte aux réalités meurtrières. Oui, il faut obtenir un cessez-le-feu ; oui, il faut créer des couloirs humanitaires car jamais une guerre n'a atteint une telle intensité. Pas moins de 1,5 million d'êtres humains, dont 700 000 enfants, privés d'eau potable, d'électricité, de médicaments et de vivres, ne peuvent fuir les bombes. Je rends hommage aux agents de l'ONU, de la Croix-Rouge, des ONG qui secourent les victimes et aux journalistes qui bravent le blocus de l'information.
Il est urgent de briser cette spirale de la violence qui, après chaque négociation en trompe-l'oeil et chaque guerre qui la suit, laisse les Israéliens plus inquiets de leur avenir et les Palestiniens plus dominés, appauvris sur un territoire mité par les colonies et soumis au blocus.
Alors que la France préside le Conseil de sécurité, elle doit obtenir une résolution de cessez-le-feu contraignante, j'y insiste, pour les deux parties ; c'est la position du parti socialiste. Ensuite, il faudra, par une nouvelle résolution, définir les sanctions encourues par ceux qui violeraient les résolutions de l'ONU. Je pense, entre autres, à la résolution créant Israël en 1948 et à toutes celles qui devraient garantir les droits du peuple palestinien. De fait, la paix ne passera que par la création d'un véritable État palestinien et la garantie de la sécurité pour Israël. La seule solution est politique.
Madame la ministre, nous demandons que soit inscrit à l'ordre du jour du Sénat un débat sur la situation au Proche-Orient, et ce, dès le début de la semaine prochaine. (Applaudissements à gauche)
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme . - Madame la sénatrice, face au drame humanitaire à Gaza, il est légitime que la représentation nationale souhaite débattre de ce sujet qui touche tous les Français, quelle que soit leur appartenance. Les chiffres sont éloquents : aux victimes israéliennes viennent s'ajouter plus de 700 Palestiniens, dont 220 enfants, sans compter 3 000 blessés. Le bilan économique est également catastrophique. Nous savons tous que la solution est l'édification d'un véritable État palestinien.
Face à cette situation dramatique, personne ne détient la clé du problème, Pour autant, il ne faut pas rester inactif, au risque de manquer à notre responsabilité. Le Président de la République n'a pas failli à sa mission. Répondant à l'attente des Français, il s'est employé à enrayer l'engrenage de la violence. A preuve, son engagement dans le processus de sortie de crise avec la mise au point d'un plan de paix franco-égyptien.
Un débat aura bien lieu au Sénat dans les prochains jours, conformément au souhait de la Conférence des Présidents. (Applaudissements à droite)
M. le président. - Le Sénat se tient en étroit contact avec le Gouvernement pour en fixer la date.
Conflit israélo-palestinien (II)
M. Christian Cambon . - Depuis plus de douze jours, en réponse aux roquettes lancées par le Hamas contre les populations du sud d'Israël, l'armée israélienne bombarde la bande de Gaza avec une rare intensité. Elle a également lancé une offensive terrestre qui a aggravé la situation catastrophique dans laquelle se trouve la population civile.
En réplique, des tirs de roquette depuis le Liban sur le nord d'Israël ont eu lieu cette nuit, qui ont fait craindre une extension du conflit. Lundi et mardi, le Président de la République a mené une mission très importante, saluée à l'unanimité au-delà de notre territoire, afin de rétablir le dialogue et faire cesser les violences de part et d'autre. Cette action a replacé la France et l'Europe au coeur de la négociation. Un plan de paix a été élaboré grâce à une véritable coopération avec le président Moubarak, auquel nous rendons hommage. Nous nous félicitons de l'accueil positif fait à ce plan par l'autorité palestinienne, l'État hébreu et les États-Unis. Nous espérons que le Gouvernement saura le faire fructifier, en coopération avec la nouvelle administration américaine.
Pourtant, l'inquiétude demeure. N'est-il pas temps d'engager un processus de paix avec tous les acteurs de la zone ? Et quelle est la position du Gouvernement quant à la participation de la France au déploiement d'une force de maintien de la paix et à la mise en place d'un contrôle à la frontière entre l'Egypte et la bande de Gaza, pour faire cesser la contrebande d'armes ? (Applaudissements à droite)
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme . - Comme le Premier ministre, je condamne fermement les tirs de roquettes qui ont eu lieu : une escalade serait lourde de conséquences pour toute la région. Nous sommes également préoccupés par l'élargissement des opérations militaires israéliennes dans le sud de la bande de Gaza. Et il est urgent que cessent totalement les tirs de roquettes.
Le Président de la République s'est mobilisé sans relâche et hier encore il s'est entretenu au téléphone avec les dirigeants égyptiens, tchèques, saoudiens, qataris, syriens, turcs et israéliens. Bernard Kouchner préside aujourd'hui les discussions qui se tiennent au Conseil de sécurité.
Cette action a imprimé une dynamique, humanitaire avec l'instauration d'un corridor et les trois heures de trêve quotidiennes, politique avec le plan accueilli favorablement par les parties. L'Égypte recevra sous peu une délégation israélienne afin de discuter des modalités du contrôle de sa frontière avec Gaza.
Quant à un règlement durable du conflit, il exigera les efforts de tous ceux qui souhaitent la paix. Notre pays a toujours dit qu'il était disposé à reprendre sa participation à la mission européenne à Rafah et à l'étendre si nécessaire aux autres points de passage -l'ouverture et le contrôle de tous ces points sont essentiels du point de vue humanitaire et pour la normalisation des relations.
La France accepte aussi d'apporter son concours aux arrangements de sécurité, selon des modalités qui dépendront de l'accord qui interviendra entre les parties au conflit. Le 23 juin dernier à la Knesset, le Président de la République a indiqué que la France était volontaire pour participer à une force internationale destinée à accompagner l'application d'un accord de paix et le retrait de l'armée israélienne des territoires palestiniens. (Applaudissements à droite)
Crise du secteur automobile
M. Martial Bourquin . - (Applaudissements sur les bancs socialistes) La grave crise industrielle que nous vivons a des conséquences humaines tragiques et je trouve pour le moins inopportun que Mme Assassi, lorsqu'elle les évoque, soit interrompue comme elle l'a été : des millions de Français traversent une situation extrêmement préoccupante, les suppressions d'emplois sont massives. Il est donc déplacé de chahuter notre collègue lorsqu'elle s'exprime sur ce sujet. (Applaudissements à gauche)
En réponse à cette crise, vous avez érigé une succession de digues de sable. M. Chatel a déclaré mardi qu' « acheter une voiture est un acte citoyen » : en d'autres temps, Marie-Antoinette suggérait aux affamés de manger de la brioche... Ceux qui ont peur de perdre leur emploi et s'abstiennent d'acheter une nouvelle voiture sont-ils des demi-citoyens ? Lorsque l'on conserve sa voiture plus de dix ans, ce n'est pas un choix, c'est que l'on ne peut faire autrement ! Qu'a prévu le Gouvernement pour relancer le pouvoir d'achat ?
Mme Éliane Assassi. - Rien !
M. Martial Bourquin. - Que compte-t-il faire pour que les banques appliquent des taux de crédit décents ?
M. le Président. - Veuillez conclure.
M. Martial Bourquin. - Il faut préparer le futur véhicule propre, aider plus sensiblement les pôles de compétitivité. Vous pensez l'économique contre le social ! (« Ce n'est pas une question ! » à droite) Pour Camus, la vraie générosité envers l'avenir, c'est de tout donner au présent. Quand défendrez-vous enfin le pouvoir d'achat des citoyens et nos territoires ? L'espoir et l'avenir sont aussi à ce prix ! (Applaudissements à gauche)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services . - Il n'y a pas d'un côté ceux qui négligent le pouvoir d'achat et de l'autre ceux qui ne pensent qu'à cela. Qui a décidé de verser une prime exceptionnelle de 220 euros aux titulaires du RMI et de l'ASS ? Et de verser dès avril prochain la prime de solidarité active, en anticipation du RSA ? Et de revaloriser le minimum vieillesse ?
La crise affecte le secteur automobile dans toute l'Europe, mais le marché français s'est mieux tenu que les autres.
M. Martial Bourquin. - Tout va bien !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Non, mais c'est une réalité !
Nous ne nous en contentons pas, nous agissons et la mesure de bonus-malus mise en oeuvre a eu des résultats ; la prime à la casse, décidée le 4 décembre, a stimulé la demande.
Il faut aller plus loin, avec des mesures concernant l'offre.
Le Président de la République a confié une mission à Luc Chatel -votre remarque à son sujet est très injuste- qui proposera fin janvier des mesures structurelles en faveur de l'offre ; des états généraux seront organisés à Bercy dès le 20 janvier. Nous sommes conscients de l'effort d'adaptation à accomplir et saurons réagir : regardez ce que nous faisons au lieu de critiquer des mesures efficaces. (Applaudissements à droite)
Crise gazière
M. André Dulait . - Nous traversons une période difficile et tous les producteurs d'énergie sont sollicités. Or le conflit entre la Russie et l'Ukraine risque de retentir sur l'Europe de l'est et la France puisque 40 % du gaz soviétique est vendu en Europe, dont 80 % via l'Ukraine. Nous ne sommes peut-être pas concernés directement, compte tenu de la multiplicité de nos fournisseurs, mais quelle est la position de la France et de l'Europe devant cette situation extrêmement délicate ? (Applaudissements à droite)
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire . - Le Président de la République et le Premier ministre sont particulièrement vigilants sur ce sujet qui a une triple dimension. L'approvisionnement d'abord : je veux rassurer les ménages comme les entreprises car le mix français est extrêmement diversifié, 85 % de notre approvisionnement provenant d'autres sources. Une réunion s'est tenue hier avec le Premier ministre et M. Mestrallet, le président de Suez, qui accentuera ses approvisionnements auprès d'autres fournisseurs.
La sécurité des contrats en Europe ensuite. Le Premier ministre a exposé hier la position française : leur non-respect est inacceptable. Le Président de la République a, en présence de Mme Merkel, appelé Gazprom et la compagnie ukrainienne à trouver un accord ; en tout état de cause, nos contrats d'approvisionnement doivent être honorés.
La sécurité européenne, enfin, dépend de la capacité d'aider assez rapidement tel ou tel pays, des interconnexions et de l'amélioration de l'efficacité énergétique. Nous réfléchissons donc à un développement des infrastructures respectueux de l'environnement. La réponse est à la fois technique, politique et solidaire avec les autres pays européens. Des observateurs devraient partir demain pour surveiller l'approvisionnement ; le Coreper se réunit aujourd'hui à 15 heures pour définir les modalités pratiques et, si nécessaire je serai lundi prochain au Conseil européen de l'énergie convoqué en urgence par la République tchèque. (Applaudissements à droite)
Délinquance informatique
Mme Jacqueline Panis . - Les faits de délinquance se multiplient et de nouvelles formes d'escroquerie se développent sur la grande toile qui permet des échanges à travers le globe.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - On nous avait dit le contraire !
Mme Jacqueline Panis. - C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi sanctionnant pénalement les usurpations d'identité numérique, cette lucrative délinquance financière : seules ses conséquences le sont aujourd'hui. Si chacun a entendu une personne abusée par un escroc qui avait obtenu ses coordonnées bancaires via le net, 62 % des parents ignorent que leurs enfants tiennent un blog, et qu'ils peuvent entrer en contact avec des personnes qui se font passer pour des enfants ! C'est pourquoi je me suis réjouie des mesures annoncées avant-hier. Pourriez-vous nous détailler votre plan ? (Applaudissements à droite)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales . - Jour après jour, nous découvrons des captations d'identité, des récupérations de numéros de cartes bancaires au détriment de personnes trop généreuses ou naïves. Cette explosion de l'escroquerie sur internet -elle augmente de 20 %- est frappante dans un contexte de baisse générale de la délinquance de proximité. Il faut réagir car les victimes sont des personnes fragiles et c'est l'objet du plan que j'ai annoncé. Il faut d'abord prévenir, informer. Nous allons donc distribuer dans tous les services accueillant du public, commissariats, préfectures ou postes, une plaquette qui donnera des exemples d'escroqueries et montrera comment on est sollicité, par exemple pour récupérer un héritage, généralement dans un pays africain.
En outre un numéro de téléphone unique permettra de se renseigner auprès de policiers et de gendarmes pour connaître la marche à suivre.
D'ores et déjà, une plate-forme, opérationnelle depuis le début de cette semaine, recueille les informations données par des consommateurs ayant décelé une tentative d'escroquerie sur internet. Ainsi, nous pourrons agir assez tôt pour bloquer les arnaques en série.
Nous ne devons pas nous contenter d'intervenir au niveau national : j'ai proposé à la Commission européenne de créer une plate-forme adossée à Europol pour signaler les sites illicites.
Ces dispositifs assureront la protection de nos concitoyens, et surtout des plus fragiles d'entre eux. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Roger Besse, sénateur du Cantal de 1989 à 2008, qui fut longtemps rapporteur de la commission des finances pour les crédits de l'aménagement du territoire. (Mmes et MM. les sénateurs et les ministres se lèvent) Nous garderons le souvenir d'un homme de coeur, d'une grande courtoisie, apprécié de tous.
La séance est suspendue à 16 h 5.
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
La séance reprend à 16 h 25.
Communication audiovisuelle (Urgence-Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, et du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, adoptés par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.
Nous allons examiner trois motions relatives au projet de loi ordinaire.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°1 rectifiée, présentée par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 145, 2008-2009).
Mme Bernadette Bourzai. - Les articles 20 et 21 instaurant de nouvelles taxes pour certaines catégories de citoyens sont discriminatoires et contraires au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant les charges publiques. L'article 18 supprimant la publicité aux heures de grande écoute sur les antennes de France Télévisions fait dépendre le financement de la télévision publique du budget de l'État et remet en cause l'indépendance de ce secteur. De même, l'article 8 prévoyant la nomination des présidents des sociétés du secteur public de l'audiovisuel est contraire à l'article 34 de la Constitution qui confie au législateur le soin de fixer les règles garantissant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Enfin, de nombreuses dispositions de ce projet de loi remettent en cause ce pluralisme, telle la suppression de la référence aux différentes chaînes et donc au maintien du périmètre de France Télévisions.
Comment croire que nos médias publics seront plus indépendants en mettant fin au double système de financement dont bénéficiait France Télévisions et qui lui permettait jusqu'à présent d'être tout juste en équilibre financier et, hélas, en sous-financement chronique par rapport aux ambitions affichées ? En accumulant des déficits -100 millions l'année dernière depuis l'annonce de la suppression de la publicité, 130 millions prévus en 2009 ? En supprimant la publicité aussi radicalement en début d'année et donc en se privant d'une des ressources principales de la télévision publique sans qu'existent des alternatives de financement jusqu'à la mise en oeuvre de la loi ? En liant complètement l'avenir de l'audiovisuel public à une compensation publique aléatoire selon les budgets annuels et à des recettes incertaines puisque les taxes proposées sont attaquables devant le Conseil constitutionnel ?
C'est aussi une erreur économique grave qui va déstabiliser tout l'audiovisuel public. Et dans le contexte de récession, il est incompréhensible de prendre cette décision dans la précipitation, qui plus est au mépris des règles élémentaires de la démocratie représentative puisqu'une partie des mesures proposées a été mise en oeuvre avant même que le Sénat ne se prononce !
M. le Premier ministre et Mme la ministre de la culture nous assurent qu'ils mettront en place un financement pérenne en instituant une taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision et une taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques et que ce financement ne sera pas à la charge de l'usager. Permettez-nous d'en douter ! Tous les professionnels concernés par ces taxes sont formels : avec la crise de la publicité, si les chaînes de télévision privées sont taxées, elles financeront moins la création et cela aura des conséquences sur la qualité du paysage audiovisuel mais aussi sur l'emploi.
Quant aux opérateurs de télécommunications français, ils envisagent de diminuer les investissements ou alors d'augmenter la facture de l'abonné en y faisant d'ailleurs figurer clairement cette nouvelle taxe. Dans ce secteur très concurrentiel, cela aura d'importantes conséquences sur les capacités d'investissement dans la fibre optique, le haut débit mobile et la couverture numérique du territoire. C'est l'usager qui souffrira de cette diminution des investissements, notamment celui qui habite les zones les moins rentables, les zones rurales, périphériques ou de montagne. Cela aggravera la fracture numérique entre nos territoires.
Il faut aussi reconnaître que pour l'instant la fourniture du service audiovisuel par des opérateurs de communications électroniques n'est que peu répandue : ce service représente moins de 1 % de leur chiffre d'affaires. Ce secteur n'est donc pas directement concerné par ce projet de loi sur l'audiovisuel et, pourtant, on veut en faire un des principaux contributeurs. Il eût été plus efficace et plus logique de leur demander de s'engager à réaliser les investissements nécessaires à la couverture numérique du territoire qu'ils laissent le plus souvent à la charge des collectivités territoriales. Cela aurait d'ailleurs pu faire partie du plan de relance qui ne propose aucune mesure en faveur des nouvelles technologies.
Des juristes renommés sont formels : les taxes prévues par les articles 20 et 21 sont contraires à la Constitution : non affectées au financement de l'audiovisuel public, elles sont attentatoires au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques inscrit à l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Pourquoi soumettre quelques entreprises à un impôt spécifique supplémentaire ? Ces taxes sont intrinsèquement discriminatoires. En outre, de nombreuses sociétés visées n'ont aucun lien avec la diffusion de programmes audiovisuels ! Une taxe assise sur le chiffre d'affaires et non sur la capacité contributive ne manquera pas d'être censurée par le Conseil constitutionnel. Dans ce cas, comment compenserez-vous les pertes de France Télévisions, sachant que vous n'avez pas voulu augmenter la redevance ?
Avec une telle insécurité juridique, on ne peut parler de financements pérennes : l'indépendance, voire la survie, de l'audiovisuel public, garantie par l'article 34 de la Constitution révisée, est bel et bien menacée !
La création d'une entreprise unique est censée permettre une économie à court terme de 100 millions en supprimant de prétendus doublons. En réalité, dans un premier temps, les modernisations nécessaires, notamment pour le projet de média global, vont coûter de l'argent... Selon la commission Copé, cette nouvelle ambition « devait être associée aux moyens budgétaires nécessaires à sa mise en oeuvre ». Or il n'est plus question de ressources supplémentaires, et la compensation des recettes publicitaires risque de ne pas être intégrale !
La taxe sur la publicité diffusée par les chaînes privées sera contreproductive. Elle conduit à espérer que l'audience de TF1 et M6 augmente afin de financer les chaînes publiques, et donc que l'audience de ces dernières diminue ! La tentation sera forte de privatiser une chaîne ou de la faire disparaître. Mais n'est-ce pas là votre objectif : favoriser les chaînes privées, quitte à saborder le service public ? L'audiovisuel public sera réduit à espérer perdre des spectateurs ! Les dirigeants de France Télévisions assurent vouloir atteindre l'audience la plus large possible. Encore faut-il leur en donner les moyens !
Ce texte ne fait pas référence aux différentes chaînes composant l'entreprise unique. Le périmètre de France Télévisions n'est pas garanti. Avec un financement plus qu'incertain, quid du maintien de l'identité éditoriale de chaque chaîne et, partant, du pluralisme des médias ? France 3, chaîne généraliste qui assure une information de proximité, a subi le plus de bouleversements dans sa grille depuis le 5 janvier. Le journal de la locale, désormais à 18 h 40, n'est plus rediffusé à 19 h 55 afin de libérer du temps d'antenne pour la publicité avant 20 heures. Le journal régional est allongé de cinq minutes, mais sans moyens supplémentaires. Le Soir 3 à 22 h 30 comprendra une nouvelle édition régionale de cinq minutes mais devra être bouclé à 20 h 30, faute de moyens... Cette tension aura des conséquences sur la qualité de l'information de proximité. Il ne faut pas sous-estimer l'attachement des habitants et des élus à une télévision régionale ! L'engagement du Président de la République n'a pas été tenu puisque la publicité devait être maintenue sur France 3 Régions afin d'assurer l'indépendance et financer les nouveaux programmes.
Cette réforme entraîne des effets pervers, voire une véritable schizophrénie. Le téléspectateur a désormais une télévision d'avant 20 heures et d'après 20 heures. Le tunnel de quinze minutes de publicité de 20 h 35 à 20 h 50 est simplement avancé de 19 h 45 à 20 heures ! Les programmes destinés aux enfants risquent aussi d'être envahis par la publicité, dont on connaît pourtant les effets sur l'obésité... France Télévisions sera obligée de faire primer la gestion de précaution et la réduction des frais sur la qualité, au détriment de la réactivité.
Les articles 47 et 48 sur le CNC et les relations entre distributeurs et programmateurs mériteraient un véritable débat. Pourquoi légiférer par ordonnance ? Il n'y a pas urgence, et la dernière réforme constitutionnelle était censée limiter cette pratique.
Ce texte est irrecevable : il contredit des principes constitutionnels tels que le pluralisme, l'indépendance des médias, l'égalité des citoyens devant les charges publiques et condamne à terme le service public de l'audiovisuel. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Boutant. - Bravo !
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Les impositions visant des catégories particulières d'entreprises sont nombreuses. Si les taxes prévues aux articles 20 et 21 étaient inconstitutionnelles, c'est tout notre système fiscal qui tomberait !
La taxation du surplus des ressources publicitaires des chaînes privées a un lien évident avec le service public. De même, il n'est pas illégitime de taxer les fournisseurs d'accès, alors que la convergence augmente leur besoin de contenus. Nous pourrons débattre de l'opportunité de ces taxes ou de leur volume, mais elles ne sont pas inconstitutionnelles.
La suppression de la publicité ne remet pas en cause l'indépendance de l'audiovisuel public dès lors que le financement est garanti par le législateur. Notre commission souhaite d'ailleurs que le CSA détermine chaque année les besoins.
Je rappelle que nombre d'entre nous, sur tous les bancs, ont milité à une époque pour la suppression de la publicité dans l'audiovisuel public...
Enfin, les conditions de nomination du président de France Télévisions ont vocation à figurer dans la loi. L'article 34 de la Constitution donne compétence au législateur pour fixer les règles concernant le pluralisme et l'indépendance des médias.
Pour toutes ces raisons, la commission n'est pas favorable à l'adoption de cette motion.
Mme Christine Albanel, ministre. - Avis défavorable.
La compensation de la perte de ressources pour France Télévisions a déjà été prévue dans la loi de finances, à hauteur de 450 millions. Elle est assise sur deux taxes. Nous avons tous intérêt à ce que les ressources publicitaires des chaînes privées augmentent, car leurs obligations de création et de production sont assises sur leur chiffre d'affaires. En outre, seuls les surplus seront taxés.
Il est également logique de taxer les opérateurs de télécommunications : ce secteur, qui est producteur et consommateur d'images, est solide, avec un chiffre d'affaires de 42 milliards et des marges bénéficiaires de 15 à 20 %. Nous faisons le choix de la cohérence et de la simplicité pour assurer des ressources pérennes et dynamiques.
Il est bien normal que cette réforme suscite des interrogations, mais les financements sont là, l'information régionale et locale est renforcée, quant à la publicité, dont on ne saurait brutalement priver France Télévisions, nous procédons à sa suppression par paliers, avec une clause de revoyure avant l'échéance finale de 2011. Avis défavorable.
M. David Assouline. - On nous a dit ce matin, sur la loi organique, que la présence du président de la commission des lois n'était pas requise. Avouez au moins qu'ici, elle n'eût pas été inutile : nos débats en commission ont montré que plusieurs interprétations politiques s'affrontaient quant à la constitutionnalité de ce texte. Il serait ici quelque peu hypocrite de prétendre, comme ce matin, que « tout va très bien ».
Personne ne met en cause le travail de nos rapporteurs. D'autant plus qu'ils n'ont eu que 48 heures, et ont dû se mobiliser jour et nuit. Hélas, leur rapport de 520 pages ne pourra pas éclairer nos travaux, puisque personne n'a eu le temps, et pour cause, de le lire. La commission n'a pas même fini d'examiner les amendements, dont on ne peut pourtant pas dire qu'ils soient légion. Nous travaillons au fil de l'eau... Loin de moi l'idée d'en accuser notre commission : le Gouvernement en est responsable, qui a choisi, après avoir mis en oeuvre l'essentiel de la réforme sans passer par le Sénat, de retenir un calendrier d'urgence.
Nous savons tous que si la loi était arrivée en septembre à l'Assemblée nationale, nous aurions eu largement le temps de débattre. Et ne nous dites pas -car vous pourriez bien, alors, nous faire changer de braquet sur l'examen préalable en commission tel qu'il doit résulter de la réforme constitutionnelle, s'il doit court-circuiter le débat public- qu'une commission a déjà travaillé des mois. La première condition que nous avions mise à notre participation à la commission Copé était qu'elle ne remplace pas le débat parlementaire. Nous avions clairement dit que dans le cas contraire, nous ne marcherions pas dans la combine. Les débats au sein de cette commission ont été très enrichissants, mais rendez-vous était pris au Parlement. Quand a été faite l'annonce de la date couperet du 5 janvier, le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale nous a bercé de promesses, allant jusqu'à nous assurer que le texte serait examiné, s'il le fallait, dès l'été.
Vous auriez donc bien mauvaise grâce à nous faire porter maintenant le chapeau de cette précipitation. Quant à l'argument que vous avancez sur la taxe, madame la ministre, il est spécieux. Nous y reviendrons au fond.
A la demande du groupe UMP, la motion n°1 rectifiée est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l'adoption | 144 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. - Motion n°78, présentée par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 145, 2008-2009).
M. Ivan Renar. - La suppression de la publicité sur les chaînes publiques peut, de prime abord, sembler une bonne idée. Pour mieux l'accréditer, on ne manque pas de nous rappeler qu'il s'agit d'une ancienne proposition de la gauche. Comme de nombreux téléspectateurs, on peut être spontanément tenté de dire « Pourquoi pas ? » Mais au prétexte d'en finir avec « la pub », ce texte organise une véritable mise sous tutelle économique, politique et éditoriale de France Télévisions. A la dictature de l'audimat va se substituer l'absolutisme du Président de la République, tout à la fois directeur du budget, directeur des programmes et de l'information, et directeur des ressources humaines ! Cette triple tutelle met en danger notre démocratie et l'expression du pluralisme. Cette concentration des pouvoirs dans les mains d'un seul homme crée une situation inédite et dangereuse
Ce texte est inacceptable, tant sur le fond que sur la forme, caractérisée par la précipitation, l'improvisation et la politique du fait accompli. Avec son annonce surprise, le Président de la République a pris tout le monde de court, y compris vous-même, madame la ministre, qui aviez toujours défendu un financement équilibré de l'audiovisuel public par la publicité et la redevance et qui vous vous apprêtiez même à élargir la publicité à la radio publique. La commission Copé n'a été mise en place que pour entériner les choix présidentiels, notamment en ce qui concerne l'augmentation de la redevance et la révision de son assiette. On nous avait dit qu'il n'y aurait pas de tabous, il n'y a eu que des interdits, ce qui a conduit les parlementaires de gauche à se retirer. De nombreux professionnels compétents et reconnus, qui ont participé dans un esprit constructif à cette commission, ont déclaré publiquement à quel point ils se sentaient trahis, puisque tout concourt à priver France Télévisions de son indépendance vitale. La BBC a consacré quatre années à sa refonte, en associant les téléspectateurs et en organisant pas moins de 26 séminaires gouvernementaux. Ici, nous examinons un texte en urgence, sans concertation avec les intéressés et alors que la suppression de la publicité est déjà effective ! Situation ubuesque et humiliante tant pour le Parlement que pour France Télévisions, contrainte d'entériner cette décision « à l'insu de son plein gré » On a parlé de coup d'État. On pourrait tout aussi bien parler de coup bas. Car par cette manipulation perverse, les parlementaires sont bafoués. Où un vaste débat public aurait dû avoir lieu, on impose l'urgence alors qu'il n'y en a plus, on exige des délais d'examen et de dépôt des amendements de plus en plus courts.
Si la forme est le fond qui remonte à la surface, ce texte est un bouillon d'onze heures ! La culture et les libertés n'ont jamais été autant maltraitées ! Malgré des déclarations lénifiantes sur la société de la connaissance, les crédits dévolus à la culture, à l'éducation, à la recherche n'ont jamais été aussi fragiles. Quant aux libertés, elles sont de plus en plus menacées. Qu'il s'agisse de la protection des sources, de la multiplication des fichiers de police, du projet de loi « Création et internet » qui projette de surveiller des milliers d'internautes ou encore de la volonté de limiter le droit d'amendement du Parlement... La révision constitutionnelle doit renforcer les pouvoirs du Parlement ? Ce texte est la preuve qu'il n'en est rien : tout se décide à l'Élysée, si ce n'est à TF1.
Jack Ralite a encore raison de dénoncer le mariage de l'étatisme et de l'affairisme, l'esprit des affaires s'imposant aux affaires de l'esprit !
Le contexte, c'est aussi celui des états généraux de la presse, dont l'objet n'est pas de soutenir le pluralisme ni l'indépendance de l'information, mais de favoriser l'hyperconcentration des médias, conduisant au formatage.
Le contexte, c'est aussi la volonté de supprimer les droits d'auteur des journalistes et de privatiser l'AFP, seule agence mondiale d'information non anglo-saxonne. Et que dire du temps de parole du Président de la République, non décompté parce qu'il est, c'est bien connu, au-dessus des partis ?
Le contexte, c'est aussi la crise qui frappe durement l'économie. Le moment est-il bien choisi pour remplacer les recettes publicitaires par des ressources insuffisantes et précaires ? Un semblant de compensation semble assuré pour 2009, mais, pour la suite, on connaît l'argumentation du Gouvernement sur les déficits aggravés...
Sous couvert de rupture et de modernité, les nouveaux projets de loi révèlent une politique de régression sociale, culturelle et démocratique. Hélas ! Ce texte est emblématique de cette logique destructrice. Pourquoi cette réforme inutile et coûteuse, alors que nos chaînes publiques sont de grande qualité ? Sans doute parce que vous vous obstinez à casser les services publics, de l'école à l'hôpital en passant par La poste.
La suppression de la publicité ne sert qu'à masquer les privilèges accordés à TF1 et M6, notamment le passage de six à neuf minutes de publicité par heure et la seconde coupure publicitaire dans les oeuvres de fiction. Nous sommes l'un des rares pays à aller aussi loin dans la transposition de la directive européenne pour assécher les chaînes publiques, renforcer les chaînes privées et accentuer la marchandisation de la culture. A cet égard, la seconde coupure publicitaire est particulièrement choquante. Ce nouveau recul du droit moral des auteurs est inadmissible !
Le contexte, c'est le rôle de la télévision dans la pratique culturelle des Français : nos concitoyens passent 3 h 30 par jour devant le petit écran, soit dix-sept minutes de plus qu'il y a dix ans. Le Parlement ne peut voter à la hussarde ce projet qui traite d'un outil prégnant pour la vie artistique et intellectuelle de notre pays. Ce texte est déterminant pour la culture, mais aussi pour les symboles d'émancipation et de liberté qui lui sont attachés et qui contribuent depuis le siècle des Lumières au rayonnement mondial de la France.
Comment ne pas s'insurger contre les obligations accrues imposées au service public, sans moyens adéquats, alors que les chaînes privées sont exonérées de toute responsabilité morale et culturelle ?
Certes, l'avènement de la télévision numérique modifie le paysage audiovisuel, puisque nous avons dix-huit chaînes gratuites au lieu de cinq, avec une fragmentation de la publicité, qui migre de plus en plus sur internet. Mais comment croire que vous voulez sauver la télévision publique, alors que la précédente loi sur la télévision du futur offrait avant tout des bonus aux chaînes privées historiques ? Comment croire que la suppression de la publicité sera compensée à l'euro près, quand vous avez laissé France Télévisions en sous-financement chronique pendant des années, comme la Cour des comptes l'a souligné ?
Or, la bonne santé de la télévision publique conditionne celle de la télévision tout court : la qualité des programmes de France Télévisions à un effet d'entraînement sur les chaînes commerciales ; l'audiovisuel dans son ensemble relève d'une responsabilité publique nationale ; fragiliser les services publics menace le contenu et la capacité de création de toutes les chaînes, qu'elles soient publiques ou privées.
Pourquoi la publicité, si nuisible sur France Télévisions, ne le serait-elle pas sur les chaînes commerciales ?
Loin d'inventer le service public télévisuel du XXIe siècle, vous dénaturez ses fondements, en remplaçant son autonomie financière par des crédits budgétaires très incertains, avec de nouvelles taxes non affectées, mais déjà amputées de moitié par la majorité. En outre, plaçant la présidence de France Télévisions sous la tutelle directe du chef de l'État vous portez un mauvais coup aux libertés publiques. Il ne faut pas confondre télévision publique et télévision d'État, comme l'a fait justement remarquer M. David Lévy, ancien directeur de la BBC et l'un des nombreux déçus de la commission Copé. Enfin, vous attaquez la liberté éditoriale, puisque cette loi prescriptive et contraignante propose presque de faire les programmes à la place des professionnels.
Alors qu'il est primordial d'affranchir toujours mieux l'audiovisuel du pouvoir exécutif, vous proposez une régression démocratique inédite ! Comment voir un progrès dans la nomination et la révocation par le Président de la République des présidents de France Télévisions, de Radio France et de l'audiovisuel extérieur ? Certes, l'ancien dispositif était insatisfaisant, mais est-ce une raison pour faire pire ? Cette nomination bafoue l'indépendance et la crédibilité de l'audiovisuel public. Les garde-fous n'en sont pas, notamment l'avis conforme des commissions parlementaires, puisqu'une confortable majorité des élus de droite se conforme aux voeux du Président de la République. Je m'étonne que le président du CSA n'y trouve rien à redire. M. Baroin, ancien ministre, a déclaré : « La nomination du président de France Télévisions par le chef de l'État jettera les soupçons sur le traitement audiovisuel de la future campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. » En ancien journaliste, il sait de quoi il parle !
Les chaînes privées sont déjà aux mains des amis du Président de la République ; demain, il choisira ceux qui dirigeront les chaînes publiques. Bien public appartenant à tous les Français, la télévision publique ne peut être la propriété privée de qui que ce soit. Les téléspectateurs en sont les seuls véritables actionnaires. Comment les démocrates et les républicains de ce pays pourraient-ils rester insensibles au viol de la séparation des pouvoirs ? Le pluralisme est mis en cause, alors que nous n'avons pas besoin de médias subordonnés à une pensée unique.
Outre la nomination et la révocation, vous instaurez la vassalité financière, puisque France Télévisions devra quémander chaque année le montant de son budget, en pouvant être sanctionnée à loisir si elle n'a pas donné satisfaction à son commanditaire. PDG de TF1 avant sa privatisation et ancien président du CSA, Hervé Bourges a déclaré : « si le Gouvernement n'est pas satisfait de la politique éditoriale du service public, il pourra décider de couper le financement. Je l'ai connu dans le passé. »
Soyons clairs : la menace pernicieuse est celle du sous-financement, conduisant au dépérissement inexorable des chaînes publiques. On nous répète en boucle que l'État compensera le manque à gagner à l'euro près, mais rien ne garantit l'application de cette affirmation théorique, les promesses n'engageant que ceux qui les écoutent. Au demeurant, vous sous-évaluez délibérément les sommes à verser : nul besoin d'être polytechnicien pour constater que ce ne sont pas 450 millions qui feront défaut à France Télévisions, mais le double. Ce n'est qu'un minimum pour assurer son développement et son investissement dans la création, qui ne doit pas devenir la variable d'ajustement du déficit.
Contrairement à ce que vous déclarez, ne plus être tributaire d'un marché publicitaire, même en baisse, n'est pas une chance pour France Télévisions, mais un coup de grâce, car on lui demandera dorénavant l'impossible. Il lui faudra mendier chaque année, d'autant plus que les deux nouvelles taxes risquent d'être désavouées par Bruxelles, bien qu'elles ne soient pas affectées directement à France Télévisions. Aucun financement n'est prévu pour les programmes remplaçant le temps d'antenne publicitaire, si bien que vous mettez France Télévisions en situation de faillite annoncée, ne pouvant relever les défis de la haute définition ou des services délinéarisés.
Pourtant, des solutions simples existent : il faut augmenter la redevance et revoir son assiette. Vous craignez l'impopularité de cette mesure ? Instaurez la progressivité de la redevance en fonction des revenus. L'une des plus faibles d'Europe, elle n'atteint pas dix euros par mois.
La télévision a bien évolué depuis son avènement, mais ce projet de loi est une régression. D'ailleurs, nos concitoyens ne sont guère favorables à la nomination du président de France Télévisions par le chef de l'État. Comment ne pas entendre la colère des professionnels de l'audiovisuel et des salariés de France Télévisions ? Ils ont raison !
Serons-nous encore en démocratie lorsque les médias seront concentrés entre les mains de quelques industriels proches du pouvoir ? Serons-nous en démocratie lorsque France Télévisions ne sera que le porte-voix d'un exécutif omniprésent ?
Pour le devenir de notre société, pour nos libertés fondamentales si chèrement acquises, au nom des principes démocratiques de la République, il est indispensable de repousser la mise à mort de l'indépendance et du pluralisme de notre paysage audiovisuel. Votez la question préalable ! (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. - La commission des affaires culturelles partage le sentiment d'être privée d'une partie du débat. Que l'on soit favorable ou hostile à la suppression de la publicité, on ressent une frustration compréhensible.
Il est regrettable que le Gouvernement, qui maîtrise encore pour quelques mois l'ordre du jour parlementaire, n'ait pas organisé cette discussion avant le 5 janvier. Que notre assemblée accepte mal de voir l'examen réduit à sa plus simple expression n'est donc pas pour étonner, mais il est vrai qu'un temps excessif lui a été consacré par l'Assemblée nationale.
L'opposition a le droit de discuter jusqu'au bout de la nuit chaque point des textes, car cela fait la dignité de notre fonction de parlementaires, mais fallait-il que les députés de gauche déploient des trésors d'imagination pour élaborer des amendements vides sur le fond ? Fallait-il transformer le droit d'amendement en droit de blocage ? Les députés de l'opposition ont une part de responsabilité dans la situation d'aujourd'hui, mais la commission se félicite que tous les sénateurs souhaitent conduire une véritable réflexion de fond sur la télévision publique. Le travail en commission augure une discussion d'une très grande richesse en séance publique.
La suppression de la publicité peut marquer le début de la rénovation pour l'audiovisuel public. Nous devons trancher de grandes questions : ce projet de loi n'est pas une coquille vide.
Depuis 1986, nous n'avons eu aucun débat sur l'ensemble du service public de l'audiovisuel. Engageons-le avec le souci du détail, le sens de l'intérêt général et le recul qui font l'honneur du Sénat.
La présence d'une procédure de nomination n'est ni un scandale, ni un cavalier puisqu'il incombe au législateur d'assurer l'indépendance des médias.
La commission est donc défavorable à l'adoption de cette motion.
Mme Christine Albanel, ministre. - L'avis du Gouvernement est également défavorable.
Mme Morin-Desailly a légitimement rappelé l'obstruction parlementaire à laquelle s'était livrée l'opposition à l'Assemblée nationale ainsi que l'importance des débats qui auront lieu au Sénat sur des questions aussi cruciales que le financement de l'audiovisuel public, la suppression de la publicité, la création d'un opérateur unique, la refonte de l'audiovisuel extérieur, la transposition de la directive « Service de médias audiovisuels » sans oublier la rénovation du code du cinéma, bien que la question soit très technique, et la réforme du CNC.
Monsieur Renar, nous menons une grande réforme. Il est toujours plus facile de ne pas prendre ses responsabilités... Notre paysage audiovisuel évoluant à une vitesse extrêmement rapide, il fallait porter ce projet de suppression de la publicité, partielle puis totale, pour créer les conditions d'une nouvelle télévision, avec des programmes culturels grand public. Oui, le Gouvernement défend une télévision attractive. Il prend ses responsabilités dans ce domaine, comme il a pris ses responsabilités sur le droit d'auteur et la création sur internet -par parenthèse, je remercie toute la Haute assemblée de son soutien à ce projet auquel ont été particulièrement attentifs les secteurs du cinéma et de la musique- et sur la presse. A ce sujet, m'a été remis tout à l'heure le Livre vert issu des travaux fructueux et approfondis des états généraux de la presse à l'occasion desquels la situation particulière de l'AFP, un organisme sans capital et sans actionnaires, a été débattue pour réformer l'agence dans le respect de sa totale autonomie, gage de sa crédibilité. Bref, sur toutes ces questions, nous progressons. Le plus simple est de ne rien faire, le plus courageux est d'avancer ! (Applaudissements à droite)
Mme Catherine Tasca. - Madame le ministre, vous ne serez pas étonnée que nous votions cette motion. Depuis le début, nous dénonçons les objectifs de cette réforme. Revenir, pour vous exonérer du calendrier catastrophique d'examen de ce texte, sur les formes que le débat a prises à l'Assemblée nationale est un faux-fuyant. L'opposition a usé librement et légitimement de son droit d'amendement et nous comptons, au Sénat, débattre sur le fond.
Nous refusons l'affaiblissement programmé de France Télévisions. C'est une véritable tartufferie de prétendre qu'il n'y a pas un lien fort et évident entre le financement et l'indépendance de l'opérateur. La suppression de la publicité, répétez-vous depuis le début de l'examen de ce projet au Parlement, est voulue par tous les groupes politiques. Certes, mais vous oubliez de mentionner que la gauche a toujours pris soin de tenir ensemble les deux bouts de la chaîne : la suppression de la publicité doit être gagée par un financement pérenne du service public de l'audiovisuel. Rien ne sert de tenir de grands discours sur les prétendus progrès démocratiques et la plus grande transparence dans la nomination des dirigeants de l'audiovisuel public quand on passe au cou de ce secteur le noeud coulant du sous-financement chronique, aléatoire, qui le placera dans une dépendance totale vis-à-vis de l'État ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
A la demande du groupe UMP, la motion n°78 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l'adoption | 143 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Renvoi en commission
M. le président. - Motion n°2 rectifiée bis, présentée par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires culturelles le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 145, 2008-2009).
M. Yannick Bodin. - Est-il utile de rappeler pour la énième fois que les téléspectateurs, autrement dit les citoyens, ne comprennent pas que le Sénat débatte d'un texte alors que celui-ci s'applique sans même avoir été voté et que les chaînes publiques présentent, depuis lundi soir, de nouveaux programmes sans publicité ? Face à cette humiliation faite au Parlement, nous n'aurons de cesse de dire notre indignation.
J'en viens à la motion : en tant que législateurs, disposons-nous de tous les éléments pour nous prononcer sur ce texte ? La concertation a-t-elle été suffisante ? La réflexion a-t-elle été assez approfondie en commission ?
M. Jacques Legendre, président de la commission. - Oui !
M. Yannick Bodin. - A l'évidence, non. Certes, les rapporteurs ont bien travaillé, mais nous n'avons fait qu'entendre leurs travaux.
Un matin du 8 janvier 2008, le Président de la République a annoncé la suppression de la publicité sur les chaînes publiques à la surprise de tous, à commencer par celle de la ministre en charge de l'audiovisuel ! Le prince décide ; ensuite, débrouillez-vous ! Supprimer la publicité, pourquoi pas ? Mais, compte tenu des répercussions de cette mesure sur l'équilibre financier de l'audiovisuel public, un minimum, ou plutôt un maximum de réflexion s'impose car il y va de la survie des chaînes publiques et de leur indépendance.
Nous condamnons la désignation du président des chaînes par le Président de la République. Certes, une commission, présidée par M. Copé, a été installée, mais sa réflexion était si encadrée par la feuille de route présidentielle que le malaise et la grogne ont monté parmi ses membres, y compris ceux qui soutiennent le Gouvernement. Les trois semaines de débats à l'Assemblée nationale paraissent une durée excessive au Gouvernement, mais le dépôt d'amendements était le seul moyen de garantir que le débat ait lieu sur un sujet si fondamental pour la démocratie quand le Président de la République avait programmé l'adoption de cette loi avant la fin 2008... La longueur des débats parlementaires est un prétexte pour remettre en question le droit d'amendement et d'expression de chaque parlementaire.
Notre demande de renvoi en commission se fonde sur le constat que la commission ne s'est réunie que trois fois entre le 18 novembre et le 2 décembre pour auditionner la ministre, le PDG et la directrice de la société de l'audiovisuel extérieur ainsi que l'intersyndicale de France Télévisions.
Depuis, les choses se sont brutalement accélérées. Le président de France Télévisions a été prié de faire voter par le conseil d'administration la fin de la publicité. Sous la pression, les administrateurs avaient-ils le choix ?
La méthode est inadmissible. Cette mainmise du pouvoir sur les médias audiovisuels est une préfiguration de ce qui nous attend. Cet épisode humiliant pour le Parlement et singulièrement pour le Sénat justifie de nouvelles auditions, celles de Patrick de Carolis, des membres du conseil d'administration, des représentants de l'intersyndicale...
Le projet de loi a été transmis à notre Haute assemblée le 17 décembre dernier. La commission n'a pu se réunir que le 6 janvier et nous avons disposé de moins de 24 heures pour étudier le rapport et les propositions d'amendements. Le travail des rapporteurs n'est pas en cause, mais le temps nous a manqué : le rapport n'est disponible au service de la distribution que depuis hier ! Mme le rapporteur a exprimé la même insatisfaction...
L'urgence a été déclarée : mais quelle urgence, désormais ? Pourquoi nous presser, puisque la mesure centrale est déjà en application depuis trois jours ? Des délais trop réduits ne permettent pas un travail sérieux sur ce projet de loi qui a fait une première victime, les rediffusions d'éditions locales sur France 3. Nous demandons le renvoi du texte en commission. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jacques Legendre, président de la commission. - Quel hommage au travail en commission : c'est la deuxième fois dans la journée que vous présentez une motion de renvoi !
L'Assemblée nationale a adopté les deux textes le 16 décembre, bien plus tard que nous ne l'imaginions. Je ne déplore pas la durée des débats, mais leur nature, car la multiplication des manoeuvres de procédure et des amendements sans portée fait tort à l'institution parlementaire. Fort heureusement l'épisode intervenu à l'Assemblée nationale ne se produit pas au Sénat, j'en remercie nos collègues de tous les bancs. Nous sommes ainsi fidèles à notre tradition.
Il nous fallait un certain temps pour débattre sur ces textes. J'ai cru un moment que nous n'en disposerions pas et j'ai protesté en Conférence des Présidents. Mais le Gouvernement ne souhaite pas nous imposer des contraintes temporelles et deux semaines ont finalement été prévues pour l'examen des deux textes. Nos rapporteurs ont en outre élaboré un rapport consistant. Un travail supplémentaire en commission n'est pas nécessaire. Ce qui l'est, à présent, c'est de discuter en séance publique avec tous ceux de nos collègues qui se sentent concernés par la question de fond. Je ne suis pas favorable au renvoi en commission. (« Très bien ! » à droite)
Mme Christine Albanel, ministre. - Défavorable, bien sûr. Je resterai à disposition du Sénat jour et nuit pendant tout le temps nécessaire pour débattre de ces textes -dans de très bonnes conditions, je n'en doute pas.
La motion n°2 rectifiée bis est mise aux voix par scrutin public à la demande du groupe UMP.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l'adoption | 144 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Nomination des présidents de l'audiovisuel public (Loi organique - Urgence-Suite)
Discussion des articles
Article unique
La nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est soumise à la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Dans chaque assemblée parlementaire, la commission permanente compétente est celle chargée des affaires culturelles. La nomination intervient après la publication au Journal officiel de l'avis des commissions parlementaires.
M. Jean-François Voguet. - On ne sait toujours pas si la révision constitutionnelle arrachée l'été dernier à un Parlement dubitatif trouvera prochainement sa pleine application. Mais le projet de loi organique applique déjà l'article 13 révisé de la Constitution. Parmi les emplois publics pourvus par nomination par le Président de la République, après simple avis des commissions parlementaires compétentes, figure le président de France Télévisions. Nous passons d'une nomination par une autorité administrative indépendante à une nomination directement politique, assumée par l'exécutif.
L'article unique ne règle en rien, bien au contraire, la question de l'indépendance des personnes susceptibles d'être nommées. Quant aux droits du Parlement, ils n'ont aucunement été renforcés : les deux tiers des membres du CSA, qui jusqu'alors choisissait le PDG de France Télévisions, étaient désignés par les présidents des deux assemblées parlementaires. Désormais, les deux commissions compétentes au Sénat et à l'Assemblée nationale émettront un simple avis... Cela nous rappelle le temps où le pouvoir politique en place pesait de tout son poids sur la télévision pour donner le « la ».
Alors en charge de l'information, Christian Fouchet s'était invité sur le plateau de Léon Zitrone pour présenter la nouvelle formule du journal télévisé ; Philippe Malaud, ministre de l'information, se plaignait à Arthur Conte, ancien député gaulliste, que l'on entendait trop l'Internationale dans des feuilletons tels que Le Pain noir de Serge Moati ; en 1968, on avait établi une liste noire des journalistes, animateurs ou créateurs qui ne s'étaient pas montrés assez serviles...
Comment d'ailleurs interpréter comme une avancée un article unique en retrait sur le statut de l'ORTF ? Alors que l'Office comptait dans son conseil d'administration autant de représentants de la société civile que de l'État, l'actuel conseil obéit à une simple injonction du Président de la République. Il s'agit de mise sous tutelle élyséenne de l'audiovisuel public, l'avis parlementaire n'ayant aucune portée. Le roi choisira son fou, chargé de le distraire et d'édifier la masse des sujets... Mais le président de l'audiovisuel public n'est pas le fou du prince.
Les lois de 1964 et d'août 1974, quoiqu'éloignées du pluralisme, avaient confié la nomination du président au conseil des ministres et non au seul Président de la République et la pluralité des administrateurs offrait un contrepoids à cette prédominance. Le président de France Télévision sera lié à celui qui l'a nommé par un lien organique. Or en République, la télévision fait partie de la chose publique et ne peut être privatisée. Nous rejetons formellement et résolument cette disposition. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)
Mme Marie-Christine Blandin. - Nous qui avons toujours plaisir à entendre les subtiles interventions de nos rapporteurs, avons été frustrés ce matin : ce n'était plus le TGV, nous avions franchi le mur du son !
La nomination des présidents de l'audiovisuel public par le Président de la République n'est pas tempérée par les avis des commissions puisque les proportions condamnent les éventuelles contestations de l'opposition à rester inopérantes.
Faire cesser l'hypocrisie ? Je ne doute pas que même en l'absence de texte, il soit possible d'induire des choix de personnes. Raison de plus pour faire souffler une brise salutaire de déontologie ! Quand on constate une anomalie durable, on la rectifie et on s'en protège, ainsi que nous l'appelons de nos voeux, ou bien on en profite pour mieux asseoir son pouvoir, et c'est le choix du Gouvernement.
Ce n'est pas grave, nous dit-on, ce n'est qu'un symbole. C'est faire peu de cas de la valeur symbolique des choses. Vous siégez, madame, au banc des ministres et les huissiers veillent scrupuleusement à ce qu'aucun membre du Gouvernement ne monte dans les travées des sénateurs. C'est symbolique, puisque les rapporteurs ont eu des réunions à Matignon. Les huissiers y tiennent pourtant, et nous aussi, car dans une démocratie, le législatif et l'exécutif sont séparés ; la ligne reste intangible et chacun demeure à sa place.
La Marseillaise ne définit pas les frontières de la France et je réprouve ses paroles sanguinaires...
M. Gérard Longuet. - Vous ne connaissez pas ses paroles !
Mme Marie-Christine Blandin. - ... mais quand on y touche, quand on la siffle, toute la représentation nationale, tous les journalistes, tous les sportifs s'indignent. Il y a des symboles qui font sens.
Rien ne tient de vos arguments, ni les principes qui encadrent la nomination, ni sa dimension symbolique non plus que son caractère anodin, puisqu'il en va de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de l'audiovisuel public. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. David Assouline. - Sa discussion ne prendra pas longtemps, et pourtant cet article va donner le ton. Son indépendance financière fragilisée va porter atteinte à l'indépendance de l'audiovisuel public. Vous en conviendrez, lorsque le Président de la République a annoncé la fin de la publicité, il n'était pas question de la gouvernance : l'on s'est contenté de charger la barque de la commission Copé avec la nomination par le Président de la République du patron de France Télévision. Mme Albanel me renvoie aux remarquables travaux de la commission Copé mais celle-ci a dit qu'il fallait absolument modifier le dispositif afin de garantir son autonomie ! Si l'ancien système était hypocrite, il fallait le corriger dans un sens plus démocratique. Au demeurant, l'hypocrisie était relative parce que ce n'est pas la même chose que le CSA désigne un candidat qui ne heurte pas l'exécutif ou que le Président de la République choisisse lui-même car dans ce cas, le cordon ombilical n'est pas tranché.
Ne nous reprochez pas de vouloir un financement public contradictoire avec le mode de désignation du président car on parle d'un média qui représente 35 % de l'audience et à travers lequel les Français accèdent à la culture, à l'information, aux grands débats citoyens et électoraux : tout passe désormais par lui ! Alors, s'il fallait arrêter une hypocrisie, on peut bien faire une petite avancée par décennie, c'était en s'efforçant de répondre aux exigences démocratiques et en coupant complètement le cordon ombilical. Et il n'y a pour cela qu'une solution, faire en sorte que le conseil d'administration de France Télévision soit nommé pour moitié par la majorité et pour moitié par l'opposition. On l'a vu pour la désignation de M. Delarue comme Contrôleur général des lieux de privation de liberté, on peut ainsi désigner des personnalités au-dessus de tout soupçon partisan. Et puisque vous vantez l'entreprise, que vous en faites un modèle, je vous rappelle qu'une entreprise a un conseil d'administration et que c'est lui qui élit en son sein le président. Celui-ci entrerait-il pour autant en opposition frontale avec le pouvoir politique ? Pas du tout, parce qu'il aura à négocier ses moyens. En revanche, il pourra se permettre de ne pas décrocher son téléphone si le Président de la République l'appelle, alors que dans votre système, il aura tendance à aller au devant de ses souhaits.
Pour lever l'hypocrisie, nous aurions pu moderniser, démocratiser le mode de nomination. Alors que la tendance générale est de donner plus d'indépendance à la télévision, vous choisissez de revenir en arrière, au temps où l'audiovisuel public était sous la tutelle du Gouvernement.
M. le président. - Amendement identique n°6, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Lorsque nous avons débattu le 19 juin dernier de la modification de l'article 13 de la Constitution, nous n'imaginions pas que le Président de la République annoncerait une semaine plus tard qu'il comptait l'appliquer pour nommer les présidents de l'audiovisuel public. Ses prédécesseurs ont tous usé et abusé du pouvoir de nomination en puisant dans un vivier de quelques milliers de managers publics et privés, sollicitant davantage leur allégeance que leur esprit de service public.
Le clientélisme qui gangrène trop souvent la vie publique, discrédite les institutions et le personnel politique.
L'avis demandé au CSA a été qualifié « d'hypocrite » par le Président lui-même. Quant aux commissions du Parlement, on sait comment le pouvoir traite leurs décisions !
Nous proposons de créer une commission permanente pour l'audiovisuel, les médias et le pluralisme, qui établira une liste de cinq noms de candidats soumise à l'examen du CSA lui-même reconfiguré. Ensuite, le conseil d'administration de France Télévisions, lui aussi recomposé, procédera a l'élection. Une telle formule respecterait l'autonomie et l'indépendance des entreprises publiques.
Les garanties présentées sont illusoires alors que l'indépendance des médias a été inscrite dans la Constitution, à l'article 34, par la loi constitutionnelle du 23 juillet dernier. Le Président de la République confond volontairement la notion d'État et celle de pouvoir exécutif afin d'instaurer une télévision d'État. Or, pour l'universitaire Carlo Freccero, ancien conseiller audiovisuel de Berlusconi, « la télévision représente le centre de la production économique et symbolique de la société ». Quant au sociologue Georges Balandier, il estime que « le grand acteur politique commande le réel par l'imaginaire ». Cette réforme est dangereuse en ce qu'elle impose aux sociétés d'audiovisuel la stratégie de l'État néolibéral au lieu de les en protéger.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles.
Dans la deuxième phrase de cet article, après les mots :
chargée des affaires culturelles
insérer les mots :
, qui se prononce après avoir entendu publiquement la personnalité dont la nomination lui est proposée
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Nous souhaitons améliorer la procédure de nomination en prévoyant des auditions publiques, à l'image de celles que pratique le Sénat américain. Ainsi, nous pourrions connaître la personnalité et le projet du candidat.
Avis défavorable aux amendements n°s5 et 6. Dans le système actuel, le CSA nomme le président de France Télévisions de manière confidentielle puisque, en juillet 2000, le Conseil constitutionnel a décidé que les motifs de sa décision ne devaient pas être rendus publics. L'amendement de la commission rend la procédure claire et transparente.
Mme Christine Albanel, ministre. - Même avis. Nous procédons à une clarification : l'État actionnaire prend ses responsabilités. La nomination sera légitimée par l'avis du CSA et des commissions. En outre, la loi ne prévoit pas la possibilité d'interrompre un mandat en cours.
Ce serait bien mal connaître les chaînes de télévision que de penser qu'on peut mettre les journalistes aux ordres : c'est méconnaître leur esprit d'indépendance. Une enquête menée par Marianne montre que les rédactions sont majoritairement à gauche. Aucun président ne cherchera à les influencer. Et le candidat qu'il proposera au Parlement devra prouver publiquement sa compétence. Quand André Rousselet a créé Canal +, personne n'a dit qu'il dirigeait une chaîne socialiste mais une chaîne du cinéma, ce qu'il a d'ailleurs fait avec succès.
Avis favorable à l'amendement de la commission.
M. Jean-Pierre Bel. - J'ai été surpris par la réponse du Premier ministre à ma question concernant la défense des libertés publiques. Selon lui, la consultation des commissions des assemblées serait un progrès et une garantie d'indépendance. Or, seul le Président de la République sera responsable de la désignation du président de l'audiovisuel public. Une procédure autocratique se substituera donc à un système collectif de nomination.
Cela me rappelle un temps que Charles Pasqua a bien connu...
M. Charles Pasqua. - Je n'ai jamais nommé de président de France Télévisions ! (Sourires)
M. Jean-Pierre Bel. - ... quand la télévision devait être la voix de la France !
Est-ce qu'on en revient à cette conception dépassée ? Quant aux trois cinquièmes, ils seront toujours introuvables ! Donnerons-nous au monde l'image d'un pays dont le Président nomme le président de la télévision publique ? Quel retour en arrière ! La réponse du Premier ministre, cet après-midi, était à contre-courant de tout ce que l'opinion ressent...
M. Gérard Longuet. - Je voterai contre les amendements de suppression parce que celui de la commission apaise mes craintes. Ce n'est pas tant la nomination par le Président de la République qui nous gêne, c'est que cette nomination se fasse sans qu'on ait connaissance du programme et des engagements de la personne choisie. Nous connaissions cette situation avant 1986, avant que la loi Léotard n'institue la CNCL. J'ai été choqué qu'on puisse traiter d'hypocrites les décisions du CSA qui lui a succédé. Ces institutions ont exercé leur mandat avec honnêteté, sens des responsabilités et avec un maximum d'indépendance. Le CSA n'a pas failli !
Je suis donc heureux de l'amendement de la commission : le candidat sera bien pressenti par le Président de la République mais il sera tenu de présenter son projet devant les deux commissions du Parlement, en une sorte de « grand oral ». Ce sera transparent, convaincant et renforcera, pour l'avenir, l'autorité de ce président qui pourra toujours, si ses décisions sont contestées, se référer à ce projet.
Vous prétendez qu'il serait bien improbable que les trois cinquièmes soient jamais atteints. Mais il serait tout aussi improbable que le Président de la République ne choisisse pas une personne honnête et compétente. Il ne sera pas Caligula nommant son cheval consul !
L'amendement de la commission nous permet donc de rejeter les amendements de suppression. C'est le quinquennat qui est à l'origine de ce changement : en l'acceptant, on acceptait toute une série de conséquences, notamment celle d'un Président responsable de l'exécutif. (Applaudissements à droite)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Au fond, M. Longuet nous donne la clé : nous qui n'avons ni voulu ni voté le quinquennat, nous nous opposons à cette évolution. Le Président de la République est désormais chef du Gouvernement, chef de la majorité, chef du parti majoritaire de la majorité.
M. Gérard Longuet. - Il a été élu pour ça !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous le regrettons. Nous n'étions pas satisfaits de nominations faites par un CSA non pluraliste. Mais la nomination par le Président de la République nous semble carrément inique. Bientôt il décidera de tout, il fera tout !
Les trois cinquièmes ne seront jamais atteints parce que, le Président étant le chef de la majorité, celle-ci ne refusera jamais de nommer le candidat qu'il aura présenté. Le Président sera désormais chef de l'exécutif, chef du législatif et chef des médias ! Dans quelle autre démocratie -en Europe ou aux États-Unis auxquels vous aimez tant vous référer- le Président est-il en même temps le chef des médias ? C'est une première, très grave... (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)
A la demande du groupe UMP, l'amendement n°5, identique à l'amendement n°6, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 152 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Lors du débat sur la réforme des institutions, le président Hyest avait rejeté un amendement identique, défendu par nos collègues Verts, au motif qu'une telle mesure n'avait pas sa place dans la Constitution et que la publicité des auditions ne devait pas être systématique...
Cet amendement renforce apparemment la transparence des nominations, mais reste une garantie purement formelle. Qui peut croire qu'il se trouvera trois cinquièmes de parlementaires pour s'opposer au Président de la République ? Le « grand oral » du candidat désigné devant les commissions ne changera rien. L'avis des commissions ne saurait se substituer à un véritable débat parlementaire.
M. Hervé Maurey. - Il n'est pas anormal que le président de France Télévisions soit nommé par l'actionnaire unique, d'autant que l'avis conforme du CSA et l'avis des commissions parlementaires sont des garde-fous importants. Les présidents de chaîne ont toujours eu l'aval du pouvoir en place, à une exception près, expérience malheureuse puisque ce dirigeant fut contraint à la démission... Cet amendement nous convient : l'audition publique est un gage de transparence.
M. Serge Lagauche. - Nous avons dit notre désaccord sur cette façon de procéder. Le groupe socialiste ne prendra pas part au vote.
M. le président. - J'ai été saisi d'une demande de scrutin public par la commission.
M. Jacques Legendre, président de la commission. - Elle est retirée.
L'amendement n°2 est adopté.
Le vote sur l'article unique, modifié, est réservé jusqu'à l'adoption du projet de loi ordinaire.
Communication audiovisuelle (Urgence - Suite)
Discussion des articles
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°185 rectifié, présenté par MM. Pozzo di Borgo et Maurey.
Avant l'article 1er A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont fusionnés au sein d'un organisme unique, chargé de la double régulation : des contenus audiovisuels et des réseaux.
M. Hervé Maurey. - Cette fusion permettrait d'harmoniser les attributions de fréquences, et irait dans le sens de la convergence numérique.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. - Avec la convergence croissante des contenus et contenants, la séparation entre les autorités de surveillance peut paraître inadaptée. Nous avons réfléchi à la possibilité d'une fusion, mais une décision aussi lourde ne s'impose pas dans le cadre d'un texte déjà complexe. Je prends acte de votre proposition : nous y reviendrons en commission. Provisoirement donc, avis défavorable.
Mme Christine Albanel, ministre. - Je partage l'avis de la commission. La convergence est une piste de réflexion, dans la perspective du Plan numérique 2012, mais ce sujet suppose un travail préalable approfondi. Avis défavorable.
M. Hervé Maurey. - Compte tenu de ces assurances, je retire l'amendement.
L'amendement n°185 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°199, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Il est institué une responsabilité publique pour l'audiovisuel, l'information et la communication qui fixe les missions de service public pour l'ensemble des entreprises publiques et privées du secteur de l'audiovisuel.
Ces missions sont définies par la loi n°2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
M. Jack Ralite. - Une telle responsabilité publique est une nécessité. On ne peut pas avoir d'une part une télévision publique que l'on domine et d'autre part une télévision privée que l'on libère sans rivages ! Pas moins de 98,5 % des Français sont des téléspectateurs : c'est un fait de société ! Or on n'en discute que partiellement.
L'idée d'une telle responsabilité est née lors d'un meeting à la Mutualité en 1985, bourré d'artistes, où Michel Mitrani, grand réalisateur, appelait à inventer une alternative française aux défis de l'audiovisuel. Lors des états généraux de la culture en 1987, nous étions 7 000 au Zénith, et 3 000 dehors ! Des milliers d'artistes ont contribué à une Déclaration des droits de la culture, réclamant une responsabilité publique, une loi sur le secteur public, des mesures d'intérêt général s'imposant au privé. La loi de 1988 a été l'occasion d'un débat important -notre ancien collègue Lederman en dressait l'alphabet. La loi de 2000 de Mme Tasca a prévu des missions mettant cette idée en forme.
Le Monde publiait avant-hier un article de Philippe Meirieu intitulé « Pour une télé responsable », soutenu par nombre de syndicats et associations du monde de l'éducation. Il affirme qu'il est temps d'étudier le problème des relations entre la télévision et la société.
Quelle hypocrisie : on donne tout au privé, sans avoir le courage de lui imposer la moindre responsabilité ! On demande aux acteurs de s'entendre entre eux. Résultat : un document illisible, encore plus d'obligations pour le public et encore moins pour le privé ! On aménage les chiffres pour obtenir la signature de M6. C'est un texte de compromis au plus bas niveau, qui remet en cause les acquis !
Il est temps de mettre en avant une responsabilité publique et nationale. Cet article permettra de franchir une nouvelle étape, la seule à être véritablement historique ! Pourquoi ne pas organiser au Sénat, au printemps, des états généraux de la télévision et de la société françaises, afin d'aller plus loin, et de revenir sur ce texte, qui n'apporte que des déboires potentiels et des dangers visibles à l'oeil nu ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Il appartient au législateur d'affiner les missions du secteur public. Quant aux chaînes privées, en fonction des autorisations données, elles sont tenues à des obligations, notamment en matière de création. C'est un système équilibré : avis défavorable.
Mme Christine Albanel, ministre. - Défavorable. Je n'ai pas compris ce que vous entendiez par « responsabilité publique ». Elle est exercée par l'actionnaire d'une part et par le CSA d'autre part.
M. Jack Ralite. - Je ne parle pas d'un détail de pacotille ! Quand le mouvement populaire de notre pays a inventé la liberté, l'égalité, la fraternité, qui demandent encore tant d'efforts, il n'était pas prévu que certains y seraient tenus par la loi quand d'autres seraient libres de s'en moquer !
Cette responsabilité publique est une nouvelle dimension du droit français, européen et mondial. On a besoin d'un droit sur l'imaginaire. La question est posée, ne l'étrécissons pas, agrandissons-la pour en comprendre la signification et la profondeur.
M. Serge Lagauche. - Il serait bon que la majorité fasse un effort pour nous éviter tous ces scrutins publics. Un ou deux sénateurs de plus suffiraient pour que nous ayons une vraie discussion au lieu de purs votes de principe.
M. David Assouline. - Cela nous permet d'aller à un train de sénateur... (Sourires)
A la demande de la commission, l'amendement n°199 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 140 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
M. David Assouline. - La remarque de M. Lagauche mérite que l'on s'y arrête. J'en appelle au sursaut. Nous ressentons tous l'affront fait au Sénat par la décision de mettre la loi en application avant même qu'il en discute. Je comprends que les sénateurs de l'UMP, que l'on a « pris pour des zozos » pour reprendre des mots entendus, protestent en restant chez eux, mais il est fondamental que le peu de débat qui nous reste sur cette réforme ait vraiment lieu, entre majorité et opposition. Sinon, nous creusons ainsi notre tombe. Si les médias s'intéressaient tant soit peu au déroulement de cette séance, l'effet serait destructeur. Une occasion nouvelle de faire rebondir le débat, toujours ouvert, sur l'utilité du Sénat... Je sais que certains fusils restent braqués sur cette chambre -je puis d'autant plus franchement dire que je suis convaincu de son utilité que je ne l'ai pas toujours été. Je demande donc à l'ensemble des groupes de cette assemblée de prendre leurs responsabilités.
Discussion des articles (Suite)
Article premier A
La dernière phrase du troisième alinéa de l'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi rédigée :
« Il rend compte chaque année au Parlement des actions des éditeurs de services de télévision en matière de programmation reflétant la diversité de la société française et propose les mesures adaptées pour améliorer l'effectivité de cette diversité dans les programmes. »
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Voilà un article cosmétique bien fait pour farder votre réforme, qui met au nombre des missions du CSA -dont nous verrons bientôt quel sort est fait à ses fonctions et à ses compétences- celle de mettre en musique et en images la diversité promue par M. Sarkozy.
Le rapport au fond, même s'il ne revient pas sur le contenu de l'article, dont il propose l'adoption conforme, nous indique clairement que c'est dans le droit fil du discours de l'École polytechnique que cet article est arrivé ici. Mais la diversité chère au Président de la République n'est guère qu'un avatar de l'« affirmative action » à l'américaine, ou discrimination positive. Le CSA doit aider les sociétés de programme à mettre en évidence la diversité des origines, de façon visible. Il doit formuler des propositions, qui n'auront pourtant valeur que de simples recommandations, puisqu'elles ne seront pas assorties de sanctions.
C'est un fait que la diversité de la société française n'est que très imparfaitement perceptible à la télévision. Mais suffit-il de prévoir un quota -appelons les choses par leur nom- de candidats issus de l'immigration, ou un certain nombre d'animateurs de télévision présentant les mêmes caractéristiques pour y remédier ? Au contraire, une telle politique ne peut que favoriser la communautarisation de la société française, dont nos concitoyens ne veulent pas. Et à quoi bon prévoir qu'un présentateur appartienne à une « minorité visible » si l'on ne change rien au traitement de l'actualité sociale, si l'on ne dit rien de la lutte des travailleurs issus de l'immigration ? A comparer le temps d'antenne voué à la quête aux expulsions menée par M. Hortefeux à celui qui est consacré aux associations de soutien aux familles ou au scandale toujours vivace de Sangatte, on peut douter des intentions réelles du promoteur de ce texte.
A la vérité, il faut commencer par assurer les missions de service public pour régler une partie des questions que cet article pose de la plus mauvaise manière.
M. le président. - Amendement n°241, présenté par M. Maurey et les membres du groupe UC.
Après les mots :
la société française
supprimer la fin du second alinéa de cet article.
M. Hervé Maurey. - Comme les deux co-rapporteurs l'ont souligné, il est indispensable que les sociétés nationales de programme prennent mieux en compte la diversité française dans leur programmation.
Sur la proposition de son président, M. Michel Boyon, le CSA a créé en janvier 2007 un groupe de travail sur ce sujet. Le 24 juillet 2007, il a créé un Observatoire de la diversité, chargé notamment de formuler des propositions.
Le président du CSA estime que la « situation n'est pas acceptable, elle n'est pas admissible, elle n'est pas tolérable ». En effet, la diversité sur les chaînes de télévision n'a progressé que d'un point en dix ans pour les journaux télévisés, la fiction et les animateurs. Cette situation ne peut perdurer, c'est pourquoi l'article introduit par les députés va dans le bon sens.
Toutefois, il nous semble excessif que le CSA dispose d'un droit de proposition en matière de programmation, car sa mission se limite au contrôle et au constat.
M. le président. - Amendement n°293 rectifié, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
A la fin du second alinéa de cet article, remplacer les mots :
dans les programmes
par les mots :
dans toutes les catégories de programmes
Mme Bariza Khiari. - La diversité est une chance pour notre pays, mais sa visibilité dans les programmes des médias est faible. Malgré les engagements et les envolées lyriques des beaux discours sur la promotion de la diversité, qui semble être tout à la fois un impératif républicain et celui d'une société qui intègre autour d'un idéal commun sans nier les différences, les médias ne reflètent pas encore la société plurielle qui fait notre Nation.
Il incombe donc au CSA de contrôler la promotion de la diversité par les médias de notre pays. L'enquête que Rachid Arhab a réalisée sur ce sujet révèle l'écart entre les déclarations et les faits, avec une analyse particulièrement instructive des secteurs de programmation : certains secteurs jugés « nobles », comme les journaux ou les magazines d'information, sont encore des bastions que les femmes peinent à conquérir ; les fictions restent peu propices à la diversité, contrairement aux émissions de variétés.
Dès lors, la mention vague de « programmes » doit être remplacée par celle de « catégorie de programmes », conformément à la réflexion du CSA.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - La diversité a été largement évoquée en commission. Nous souhaitons qu'elle soit présente sur les écrans de télévision.
La commission est donc défavorable à l'amendement n°241, qui restreint les possibilités d'amélioration, alors qu'elle est très favorable à l'amendement n°293 rectifié, présenté par le groupe socialiste que je remercie d'avoir rectifié sa suggestion.
M. Charles Pasqua. - Fort bien !
Mme Christine Albanel, ministre. - Même avis.
L'amendement n°241 est retiré.
L'amendement n°293 rectifié est adopté.
L'article premier A, modifié, est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°109, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 4. - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel comprend onze membres désignés selon la répartition suivante :
« - Cinq parlementaires désignés par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, dans le respect du pluralisme ;
« - Deux membres désignés par le Président de la République. Ces nominations sont faites sur la base de candidatures rendues publiques et sont soumises à la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution ;
« - Deux membres sont désignés par le président du Conseil économique, social et environnemental ;
« - Deux membres représentent les syndicats du secteur audiovisuel ;
« Le mode de désignation des quatre derniers membres est fixé par décret.
« Le président est élu par les membres du Conseil pour la durée de ses fonctions en tant que membre du conseil. »
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous voulons rendre sa légitimité à cette autorité administrative garante du pluralisme qu'est le CSA.
Depuis des années, nous appelons de nos voeux cette réforme, nécessaire de l'aveu même du Président de la République, qui invoque le dysfonctionnement de cette autorité pour nommer lui-même le président de France Télévisions : la nomination par le CSA est « hypocrite », dit M. Sarkozy, puisque cette instance n'est pas indépendante. Il en déduit que le mieux serait qu'il nomme directement ce président. L'argument est fabuleux ! Au lieu de mettre fin à un dysfonctionnement de la démocratie, le Président veut l'ériger en règle. En clair, il vaut mieux que cette nomination soit clairement le fait du prince, plutôt qu'elle le soit indirectement. Un tel sophisme est inconcevable pour qui est attaché à la démocratie et à la République.
Si l'autorité de régulation et d'arbitrage n'est pas indépendante, plutôt que de lui retirer l'essentiel de ses compétences, il vaut mieux la réformer, car la démocratie exige qu'un tiers indépendant statue sur d'éventuels conflits entre le pouvoir et les citoyens.
Il est vrai que le CSA n'est pas indépendant à l'heure actuelle. Les dernières déclarations de son président dans la presse en ont administré une ultime preuve : prétendre que supprimer le CSA représenterait « une garantie d'indépendance supplémentaire pour l'audiovisuel public » marque sa soumission au chef de l'État, d'une manière moins cocasse qu'inquiétante.
Pour rendre sa légitimité au CSA, il faut donc assurer le pluralisme en son sein et rendre plus transparente la nomination de ses membres. A cette fin, nous proposons d'accroître le nombre de parlementaires en son sein, afin que résonnent les voix de citoyens téléspectateurs, et d'introduire des représentants des syndicats de l'audiovisuel. Nous proposons en outre que les désignations gouvernementales soient fondées sur l'article 13 de la Constitution.
Sans pluralisme et transparence, il n'y a pas de diversité !
M. le président. - Amendement n°294, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Les cinq premiers alinéas de l'article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sont ainsi rédigés :
« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel comprend huit membres. Deux sont désignés sur proposition conjointe des groupes appartenant à la majorité de l'Assemblée nationale, deux sur proposition conjointe des groupes n'appartenant pas à la majorité de l'Assemblée nationale. Deux sont désignés sur proposition conjointe des groupes appartenant à la majorité du Sénat, deux sur proposition conjointe des groupes n'appartenant pas à la majorité du Sénat.
« Ils ne peuvent être nommés au-delà de l'âge de 65 ans.
« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel élit son président parmi ses membres. En cas d'empêchement du président, pour quelque cause que ce soit, la présidence est assurée par le membre du conseil le plus âgé.
« Le mandat des membres du conseil est de six ans. Il n'est ni révocable, ni renouvelable. Il n'est pas interrompu par les règles concernant la limite d'âge éventuellement applicable aux intéressés.
« Le conseil est renouvelé complètement tous les six ans. »
II - Le septième alinéa du même code est ainsi rédigé :
« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut délibérer que si six au moins de ses membres sont présents. »
M. David Assouline. - Le CSA exerce la mission, essentielle en démocratie, de réguler la communication audiovisuelle. A ce titre, il est constitué sous forme d'autorité administrative indépendante, dont l'indépendance se limite malheureusement à sa dénomination.
Il devra pourtant assumer une responsabilité considérable en donnant un avis conforme aux nominations, par le Président de la République, des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur. Ainsi, dépossédés du droit de nommer les responsables de l'audiovisuel public, les membres du CSA pourront s'opposer à l'autorité de celui qui aura choisi un tiers d'entre eux, ainsi que leur président. La preuve est ainsi faite que, loin de mettre fin à l'hypocrisie actuelle, le nouveau système de nomination l'institutionnalisera encore plus.
Pour assurer l'indépendance des membres du CSA, il faut modifier leur nomination. Tout comme les rapporteurs, nous souhaitons que le CSA devienne réellement indépendant pour exercer de nouvelles prérogatives, notamment quant au financement des sociétés de l'audiovisuel public.
Nous voulons éviter que se reproduise la situation actuelle, qui voit la totalité des membres du CSA désignée par trois autorités issues de la même majorité politique. La droite ne devrait pas s'en satisfaire, puisqu'elle pourrait subir une situation symétrique. Le caractère politiquement monocolore du CSA sera confirmé par les prochaines nominations qui devront bientôt pourvoir les trois sièges dont les titulaires arrivent en fin de mandat.
Nous proposons de confier la nomination des membres du CSA paritairement à la majorité de chaque assemblée parlementaire. De toutes les formules envisageables, la meilleure pour traverser les alternances consiste à faire nommer la moitié des membres par la majorité et l'autre moitié par l'opposition.
Quel que soit le gouvernement, chacun y trouvera son compte et la démocratie y gagnera.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Nos collègues abordent un vrai sujet.
La composition actuelle du CSA remonte à 1989. Elle a donc traversé sans encombre plusieurs alternances politiques.
Par ailleurs, nous examinerons sans doute d'ici 2012 le rapprochement de l'Arcep et du CSA. Nous pourrons alors fixer la composition de la future autorité indépendante.
Pour ces raisons, la commission n'est pas favorable aux amendements.
Mme Christine Albanel, ministre. - Même avis pour les excellentes raisons développées par le rapporteur. Si le mode de désignation des membres du CSA depuis 1989 est sujet à débat -je pense notamment, à gauche, aux récentes déclarations de M. Lang-, il n'est pas au coeur de ce texte. Nous aurons l'occasion d'en discuter à l'occasion de l'éventuel rapprochement de l'Arcep et du CSA.
Mme Catherine Tasca. - Je déplore, encore une fois, que le Gouvernement n'ait pas ouvert le dossier de la composition et des missions du CSA à l'occasion de cette réforme qui consiste, nous répète-t-on depuis le 8 janvier 2008, en une véritable révolution, une nécessaire adaptation à un monde, des technologies et des forces économiques en plein changement.
Depuis que nous avons créé les premières instances de régulation indépendantes de l'audiovisuel il y une vingtaine d'années, la réflexion de la gauche a évolué -et cela ne date pas des dernières semaines ! A l'époque, nous avions adopté le schéma classique qui prévaut pour le Conseil constitutionnel -une désignation par les trois plus hautes autorités de l'État : le Président de la République, le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale-, considérant que cela suffisait à garantir l'indépendance de l'autorité. Certes, et M. Longuet l'a légitimement rappelé, nous ne pouvons faire mine de découvrir tout à coup que ce système ne fonctionnait pas quand il a fait ses preuves. Pour autant, et alors que le CSA prendra des décisions autrement plus importantes dans les vingt prochaines années, nous avons tout intérêt à renforcer la crédibilité de cet organisme, souvent suspect auprès de l'opinion publique et des professionnels, quelle que soit la qualité de ses membres, en raison de sa couleur politique trop visible, trop éclatante. Nous proposons donc une formule neuve, qui constituerait la traduction de la dernière révision constitutionnelle, en prévoyant que l'opposition et la majorité nommeraient sur un pied d'égalité les membres du CSA. Au demeurant, madame le ministre, je m'étonne que vous défendiez le statu quo dans ce domaine après avoir plaidé avec tant d'ardeur pour le caractère novateur de votre réforme...
L'amendement n°109 n'est pas adopté.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°294, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
Mme Catherine Tasca. - C'est une occasion manquée !
M. le président. - Amendement n°110, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Conseil supérieur de l'Audiovisuel veille à ce que les services de radio et télévision respectent, au sein de leurs programmes, la répartition suivante du temps de parole :
- un tiers du temps aux interventions du Président de la République, de ses collaborateurs, et des membres du Gouvernement ;
- deux tiers du temps aux représentants politiques en fonction de leur représentativité aux dernières élections nationales et locales selon des critères fixés par décret.
M. Jean-François Voguet. - Comptabiliser les interventions médiatiques du Président de la République et de ses collaborateurs dans le temps de parole réservé à l'exécutif est une réforme urgente à l'heure où, pour reprendre les termes de Noël Mamère, notre pays est dirigé par un « télé-président ». Les chiffres sont éloquents : d'après le CSA, le temps de parole du Président de la République, après avoir été situé à 7 % du temps global des interventions politiques entre 1989 et 2005, a atteint 13,3 % au deuxième semestre 2007, voire 21,4 % si l'on ne retient que les journaux télévisés. Le comité de réflexion sur la modernisation des institutions de la Ve République a d'ailleurs qualifié « d'anomalie » la méthode actuelle de décompte des temps de parole, soulignant que « cette situation [était] la traduction d'une conception dépassée du rôle du chef de l'État ». Au reste, cette réforme permettrait de garantir effectivement le pluralisme politique dans les médias, inscrit à l'article premier de la loi du 30 septembre 1986, que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 septembre 1986, a élevé au rang d'objectif de valeur constitutionnelle.
M. le président. - Amendement n°295, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 13 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il veille à ce que les services de radio et de télévision respectent, au sein de leurs programmes, une répartition des temps d'intervention entre le Président de la République et les membres du Gouvernement, pour un tiers du temps, les personnalités appartenant à la majorité parlementaire, pour un tiers du temps et les personnalités appartenant à l'opposition parlementaire, pour un tiers du temps. »
M. David Assouline. - Nous tenons particulièrement à cet amendement que nous avions défendu lors de la dernière révision constitutionnelle. Depuis 1989, le CSA veille au respect du pluralisme dans les médias, selon les termes de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986, en appliquant la règle des trois tiers héritée de l'ORTF entre l'exécutif, la majorité et l'opposition. Depuis la loi du 1er février 1994, les parlementaires et les partis politiques ont un droit de regard mensuel sur le décompte des interventions politiques qu'il établit.
Le Conseil, considérant que la Constitution place le chef de l'État dans un rôle d'arbitre, a toujours refusé de comptabiliser ses interventions dans le temps de parole du Gouvernement ; position confirmée par le Conseil d'État le 13 mai 2005 à propos du référendum sur le traité constitutionnel européen. Or la dérive présidentialiste de la Ve République depuis les dernières élections et la multiplication des interventions du Président de la République dans les médias rompent l'équilibre qui avait été trouvé d'autant que celui-ci jouit, depuis la dernière révision constitutionnelle, de la faculté de s'exprimer devant le Parlement réuni en Congrès et qu'il est devenu le véritable chef de la majorité. D'où notre proposition de comptabiliser les interventions du chef de l'État dans celles réservées à l'exécutif.
Deux tiers du temps de parole à la majorité, cela me semble bien suffisant !
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Nous ne sommes pas favorables à ces amendements. La fonction de Président de la République recouvre des champs extérieurs qui n'ont rien à voir avec le débat politique hexagonal. Durant les six derniers mois, le Président de la République s'est exprimé comme président de l'Union européenne ; dans sa mission au Proche-Orient, il a représenté notre pays, non telle sensibilité politique ! Il serait dangereux d'aller dans le sens que vous préconisez. Le Président de la République, quelle que soit son origine politique, exerce une mission de chef de l'État, il représente le pays.
Mme Christine Albanel, ministre. - Défavorable pour les mêmes raisons. Le Président de la République s'exprime souvent au nom des intérêts supérieurs de la Nation. Ne sortons pas de la logique des principes de la Ve République.
Mme Marie-Christine Blandin. - Est-ce notre faute si le dernier président de la République en est complètement sorti ? On n'a jamais vu sous la Ve République un président pouvoir s'exprimer devant le Parlement, ni être omniprésent dans les affaires du Gouvernement, au point que le Premier ministre, raillé par les journalistes, en a été un temps déstabilisé ! Comment pouvez-vous affirmer que les institutions fonctionnent comme avant ? Qui a déclaré, il y a un an, « Je supprime la publicité » ? Qui a déclaré, hier, « Je supprime le juge d'instruction » ? Et aux ministres, ensuite, de s'en dépatouiller. Le temps de parole du Président de la République, dans ce nouveau cadre, doit être comptabilisé.
M. Jack Ralite. - Curieuse définition du travail politique d'un homme que de distinguer entre ses activités hexagonale et internationale ! Les membres de l'opposition aussi se déplacent, ont des relations avec les peuples étrangers. Comment allez-vous décompter leur temps ? Votre réponse exprime un rétrécissement de la conception de la politique. Il faut voter nos amendements de dignité, de vérité, qui procèdent d'un souci républicain.
M. David Assouline. - La suppression de la publicité s'applique déjà. Mais nous espérions au moins débattre de cette « nouvelle télévision publique » que nous promettait la commission Copé. Nous avons cru que nous parlerions de la modernisation, des grands défis à relever, de la création, du nouveau PAF, de la place spécifique de l'audiovisuel public. Mais à chacune de nos propositions, vous fermez les oreilles, puis d'une phrase lapidaire nous invitez à passer à autre chose...
Les pratiques politiques ont changé, nous proposons une réforme de mouvement, non de régression. Le chef de l'État a choisi d'être le chef de l'exécutif. Et, en homme moderne, il sait recourir aux médias. Il occupe la place. Il se montre tous les jours chef de l'exécutif. Finalement, la mesure que nous demandons, il aurait dû la proposer lui-même. Tous les jours, loin de se poser en arbitre, il donne des ordres, gouverne et le fait savoir dans les médias.
Avec la réforme du quinquennat, on est quasiment sûr qu'il n'y aura plus de cohabitations -lesquelles, pendant vingt ans, ont permis un certain équilibre. Désormais, président, Gouvernement, majorité législative, c'est la même chose.
Lorsque la gauche remportera l'élection présidentielle, j'éprouverai une certaine satisfaction à entendre les démocrates de droite plaider pour notre idée, au nom du pluralisme. Dommage qu'il en aille ainsi et qu'on ne puisse surmonter le débat partisan... Cet amendement, nous le présentons pour vous, pour nous, pour la démocratie !
L'amendement n°110 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°295.
La séance est suspendue à 19 h 40.
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
La séance reprend à 21 h 50.
Décisions du Conseil constitutionnel
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu ce jour de M. le président du Conseil constitutionnel le texte des décisions rendues par celui-ci concernant la loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution et la loi relative à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés.
Ces décisions seront publiées au Journal Officiel.
Communication audiovisuelle (Urgence - Suite)
M. le président. - Nous reprenons l'examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle.
Discussion des articles (Suite)
Article premier B
Après l'avant-dernier alinéa de l'article 15 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Avant le 31 décembre 2009, la Haute autorité remet un rapport au Parlement qui dresse le bilan de la politique salariale et de recrutement menée par les sociétés nationales de programme visées à l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication afin de lutter contre les discriminations et de mieux refléter la diversité de la société française. Ce rapport propose, le cas échéant, des mesures pour améliorer l'action des sociétés nationales de programme en ce domaine. »
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Avec cet article, après les séduisantes déclarations d'intention du précédent, nous nous intéressons au cahier des charges de France Télévisions et plus précisément aux efforts de recrutement de personnes issues de la diversité demandés aux sociétés de programmes. Nous assistons à une véritable entreprise de stigmatisation, à une forme de discrimination positive appliquée à l'audiovisuel public et à lui seul. On peut craindre qu'elle ne conduise les sociétés à réaliser au plus tôt des économies de structure et à supprimer des centaines d'emplois. C'est au moment où les effectifs de l'audiovisuel public baissent qu'on lui demande de faire pareils efforts.
Est-ce d'ailleurs à la Halde d'agir ? La question ne relève-t-elle pas plutôt du dialogue social interne à France Télévisions ? Les organisations syndicales y sont déjà attentives. Lors de la discussion de la loi relative à l'égalité des chances, concept sujet à caution, nous avions souligné la nécessité de renforcer les missions de la Haute autorité dans le domaine de l'assistance aux victimes et ses pouvoirs auprès des institutions républicaines ; étant entendu que la Halde ne peut à elle seule réparer le mal fait par les politiques antisociales, d'exclusion et de stigmatisation. Il semble, c'est aussi l'avis du Conseil d'État, qu'elle ne puisse se substituer au pouvoir judiciaire ni aux pouvoirs publics dont le rôle est de promouvoir et de mettre en oeuvre la lutte contre les discriminations.
Ce n'est pas à la Halde de donner le ton du dialogue social à France Télévisions, un dialogue dont l'actualité récente a montré qu'il pouvait être téléguidé par le Président de la République au mépris des droits du Parlement. C'est aux pouvoirs publics de donner à l'audiovisuel public les moyens de son développement ; on en est loin avec ce texte. Et c'est au dialogue social de définir les objectifs de créations d'emplois.
Cessons donc de stigmatiser les salariés, cessons de faire croire que l'audiovisuel public fait peu en matière de recrutement, notamment au regard de ce que sont RFO et RFI... avant leur engloutissement dans AEF, ou encore de ses efforts de recrutement de journalistes et d'animateurs représentatifs de l'ensemble de la société. Devrait-on imposer les mêmes règles dans le cahier des charges de TF1 ? Rien en l'état ne permet de voter cet article.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles.
Rédiger ainsi le second alinéa de cet article :
« Avant le 31 décembre 2009, la Haute autorité remet un rapport au Parlement qui dresse le bilan de la politique de gestion des ressources humaines menée par les sociétés nationales de programme visées à l'article 44 de la loi n° 86 1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication afin de lutter contre les discriminations et de mieux refléter la diversité de la société française. »
M. Michel Thiollière, rapporteur. - La commission propose d'introduire cette disposition transitoire dans le texte sans modifier la loi du 30 décembre 2004 ; de faire référence à « la politique de gestion des ressources humaines », notion plus générale et mieux adaptée au cadre règlementaire, plutôt qu'à « la politique salariale et de recrutement » ; de supprimer enfin une disposition redondante avec la loi de 2004 : selon l'article 11 de celle-ci, la Halde peut formuler des recommandations tendant à remédier aux pratiques qu'elle estime discriminatoires, les autorités ou personnes intéressées étant tenues de rendre compte de la suite qui leur aura été donnée.
Mme Christine Albanel, ministre. - Avis favorable car la notion de ressources humaines est plus large que celle de politique salariale.
L'amendement n°3 est adopté, ainsi que l'article premier B, modifié.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°111, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précité est ainsi rédigé :
« Art. 3-1. - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille au strict respect du pluralisme inhérent à la définition du service public dans les différentes catégories de programmes : d'une part, pluralisme politique en matière d'information et de débats d'idées, d'autre part, pluralisme culturel, artistique, sociétal dans l'ensemble des programmes de culture et de divertissement, selon les critères avancés à l'article 44 de la présente loi. »
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Le pluralisme est l'objectif cardinal de toute législation sur l'audiovisuel et à plus forte raison sur l'audiovisuel public. Cet objectif a même une valeur constitutionnelle, ainsi que l'a reconnu le Conseil constitutionnel par sa décision du 18 septembre 1986, et la Charte des droits fondamentaux rend obligatoire cette garantie des libertés publiques. La globalisation et le contexte national accentuent le besoin de pluralisme mais pour le promouvoir, il faut le mettre au centre de la réflexion, ce qui n'est pas le cas avec ce projet ; au contraire vous retranscrivez les scandaleuses dispositions de la loi organique qui s'insèrent dans un réseau législatif de nature à fragiliser le pluralisme dans notre pays. Il importe ensuite de ne pas se contenter d'incantations mais de promouvoir des dispositions concrètes. C'est l'objet de notre amendement qui affirme les missions confiées au CSA. Nous inscrivons ainsi dans la loi le pluralisme culturel invoqué par le Président de la République et le Gouvernement : le voter tombe donc sous le sens, à moins que vos déclarations n'aient été que des incantations destinées à instrumentaliser cette valeur à d'autres fins.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Pourquoi ne pas avoir déposé cet amendement à l'article premier A ? Nous préférons la notion de diversité à celle de pluralisme. Avis défavorable.
Mme Christine Albanel, ministre. - Avis défavorable. L'exigence de pluralisme pour le service public audiovisuel figure déjà dans les articles 13 et 16 de la loi de 1986 et plusieurs dispositions du texte le garantissent. Votre rédaction supprimerait en outre plusieurs missions du CSA, dont la défense de la langue française.
L'amendement n°111 n'est pas adopté.
Article premier
I. - Le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigé :
« I. - La société nationale de programme France Télévisions est chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, des émissions de radio ultramarines ainsi que tout autre service de communication audiovisuelle répondant aux missions de service public définies à l'article 43-11 et dans son cahier des charges.
« L'ensemble des services de télévision qu'elle édite et diffuse assure la diversité et le pluralisme de ses programmes dans les conditions fixées par son cahier des charges.
« Elle édite et diffuse également plusieurs services de communication audiovisuelle, y compris des services de médias audiovisuels à la demande, dont les caractéristiques respectives sont précisées par son cahier des charges. Elle peut les éditer par l'intermédiaire de filiales.
« Elle tient compte du développement des technologies numériques pour assurer l'accès de tous les publics à ses programmes.
« France Télévisions veille à ce que sa nouvelle organisation garantisse l'identité des lignes éditoriales de ses services. Cette organisation assure le pluralisme et la diversité de la création, de la production et de l'acquisition des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques d'expression originale française et européenne.
« Elle reflète dans sa programmation la diversité, notamment ethnoculturelle, de la société française et veille à engager une action adaptée pour améliorer la présence de cette diversité dans les programmes. »
II. - Au premier alinéa du V de l'article 44 de la même loi, les mots : « et les filiales mentionnées au dernier alinéa du I » sont supprimés. Au premier alinéa du II de l'article 57 de la même loi, les mots : « ou dans les sociétés mentionnées au dernier alinéa du I de l'article 44 » sont remplacés par les mots : « ou dans des filiales répondant à des missions de service public définies à l'article 43-11 ».
III. - Au second alinéa du V de l'article 44 de la même loi, les mots : « d'une filiale, propre à chacune d'elles et » sont remplacés par les mots : « de filiales ».
IV. - France Télévisions diffuse dans les régions des programmes qui contribuent à la mise en valeur de la richesse de ces territoires.
Elle conçoit et diffuse à travers des décrochages spécifiques, y compris aux heures de grande écoute, des émissions et des programmes reflétant la diversité de la vie économique, sociale et culturelle régionale, les activités créatrices ainsi que l'information de proximité.
Au travers de sa grille de programmes, elle contribue fortement, s'il y a lieu, à l'expression des langues régionales.
M. Jean-François Voguet. - Comment ne pas s'étonner du retour à l'entreprise unique alors que la droite avait démantelé l'ORTF en 1974 ? Que cache ce revirement ? Vous invoquez des économies d'échelle et nous ne sommes pas contre des gains de productivité, mais donnez-vous d'autres choix au président de France Télévisions ? Pourquoi avoir multiplié les chaînes gratuites avant d'homogénéiser le service public ? Cet article premier n'a pas lieu d'être car si on ne lui donne pas les moyens nécessaires, une telle organisation conduira au démantèlement de l'audiovisuel public. Cette nouvelle gouvernance n'est qu'une bombe à retardement. Le sujet est encore tabou mais on évoque 900 départs volontaires et le porte-parole de l'UMP évoque 2 000 licenciements. L'entreprise unique aura des conséquences majeures. Comment les salariés ne seraient-ils pas inquiets d'une remise en cause des conventions collectives ?
La fusion-absorption va compromettre l'identité des chaînes et nuira à la diversité. Contrairement à la loi de 1986, votre projet ne mentionne pas les différentes chaînes, ce qui ouvre la porte à de nouvelles privatisations. Comment d'ailleurs ferez-vous pour combler les déficits ? La représentation nationale n'aura plus droit de regard sur le périmètre de l'audiovisuel public mais le Gouvernement tiendra les cordons de la bourse et le Président de la République une épée de Damoclès au-dessus de la tête du président de France Télévisions. Certains rêvent déjà de la suppression du journal national de France 3...
Mme Catherine Dumas. - C'est excessif !
M. Jean-François Voguet. - On parle du regroupement comme d'un sésame pour la mondialisation, comme si France Télévisions avait attendu pour agir ! L'entreprise sera bien unique en ce sens que ce n'est pas une entreprise comme les autres, mais une entreprise culturelle et qu'elle ne s'adresse pas à des clients ou à des usagers mais à des citoyens. Même le CSA craint une rédaction unique et une information standardisée ; les créateurs redoutent que le guichet unique annonce l'uniformisation des programmes, l'appauvrissement des contenus et le formatage des oeuvres. Loin de servir la diversité culturelle, on irait à l'encontre de la convention de l'Unesco !
Le guichet unique s'imposera en raison de l'aggravation du sous-financement et l'on oubliera que le pluralisme concerne aussi l'imaginaire et ma diversité des approches artistiques. Nous refusons qu'il conduise ainsi à la chaîne unique car la meilleure économie, c'est la production, qui est le coeur de métier de France Télévisions.
Parce qu'il n'est pas viable, votre modèle économique ouvre la porte à des privatisations, à l'uniformisation des esprits et à l'aseptisation de la création.
Mme Bariza Khiari. - La diversité est une chance pour notre pays car elle met en lumière sa capacité à intégrer l'autre autour d'un idéal commun. Notre République a toujours su tâcher de voir ce qui rassemblait sans pour autant occulter les différences. Cette chance, on ne la voit pas assez sur nos écrans. La seule vision de la diversité, ce sont les banlieues, avec leurs cortèges de problèmes et d'angoisses présentés à satiété par les journalistes. On parle fort peu de ceux qui réussissent, des talents des cités que nous accueillons chaque année dans cet hémicycle.
La diversité se décline sous deux formes. La plus évidente est la visibilité à l'écran des hommes, des femmes, des ouvriers, des cadres, des artisans, des agriculteurs, des handicapés, des blancs, des noirs, de tous ceux qui composent notre société... Il ne s'agit pas de voir plus de noirs ou de maghrébins car montrer tous ceux qui font notre société, qui font société, est une question de principe et de morale. Or, le CSA l'a montré, notre télévision reste blanche, ce qui n'est pas admissible.
La diversité est aussi qualitative. Les choses n'ont pas évolué si dans une fiction le rôle du méchant est joué par un Arabe ou un Noir alors que le rôle du bon médecin urgentiste est interprété par un Blanc, alors que dans la réalité le médecin des urgences sera souvent noir ou arabe. L'enjeu est essentiel car la visibilité est un catalyseur de l'intégration : on se sent moins exclu quand on sent en regardant la télévision que la société vous accepte. Les médias ont un grand rôle à jouer pour aider à briser les tabous. On a dit que voir dans un feuilleton un Noir à la Maison Blanche avait permis d'envisager l'élection de Barack Obama. Pour briser des frontières parfois indicibles, il faut faire voir la diversité sous toutes ses formes. J'ai chois à dessein l'exemple de l'islam.
Quand, à une heure de grande écoute sur une chaîne du service public, on invite des « analphabètes bilingues » qui ne parlent ni français ni arabe, ou des caricatures du wahabisme, et non pas des intellectuels musulmans francophones ou des gens simples qui parlent le langage du coeur, on ne rend pas service à la diversité de notre pays. Avec ces stéréotypes, on donne de la civilisation arabo-musulmane une image barbare et on méprise le spectateur ; on insulte ainsi doublement mon intelligence.
Je regrette que ce projet de loi si timoré ne mentionne pas cet aspect qualitatif.
M. Jacques Legendre, président de la commission. - Etant donné le grand nombre d'amendements déposés sur cet article premier, la commission souhaite disjoindre l'examen de l'amendement de suppression de la discussion des autres amendements, ce qui permettra de les examiner au fur et à mesure.
M. le président. - Je pense que tout le monde peut se rallier à cette proposition, qui nous évitera un long tunnel. (Assentiment)
Amendement n°112, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
M. Jack Ralite. - L'article premier redessine le paysage audiovisuel public en supprimant toute référence aux entités France 2, France 3, France 4, France 5 et France Outre-mer afin de restaurer une entreprise unique. Cette transformation, qui s'accompagne de la création d'un guichet unique, entraînera l'uniformisation des chaînes. Elle témoigne de la volonté du Gouvernement et de sa majorité de casser le service public en portant atteinte à la diversité de l'information et de la création audiovisuelle, et par là au pluralisme et à la démocratie. On nous propose une télévision étriquée, soumise à un président nommé par le Président de la République et révocable à tout moment. Tout est fait pour qu'il y ait moins de chaînes, moins d'émetteurs, moins d'information.
Nous refusons le principe de cette fusion-absorption comme les conditions de sa réalisation, sans dialogue social ni politique. Elle prive l'audiovisuel public d'un financement pérenne pour assumer ses missions. Les économies d'échelles générées par la mutualisation des métiers auront pour conséquence la suppression d'un millier d'emplois. Et, en diffusant des émissions ennuyeuses à 20 h 35, on risque de décourager les spectateurs de regarder les chaînes publiques. Nous demandons la suppression pure et simple de l'article premier. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Thiollière, rapporteur. - La commission ne partage pas vos craintes. Au contraire, France Télévisions bénéficiera de moyens nouveaux au service de son ambition et de ses projets. Le président de Carolis avait souhaité, avant même la décision du Président de la République, une entreprise unique.
Avis défavorable.
Mme Christine Albanel, ministre. - Même avis.
L'évolution prévue est excellente : Patrick de Carolis l'a demandée dès l'été 2007, et des personnalités de tous bords l'approuvent. Les synergies et la mutualisation qui en découleront ne nuiront pas à l'identité de chaque antenne : ainsi, Radio France est une société unique qui regroupe plusieurs radios bien identifiée. En outre, tout le monde connaît le nom du président de France Télévisions, mais qui peut citer celui de France 2 ou de France 3 ?
M. Jean-Etienne Antoinette. - Cet article a été conçu dans I'oubli des territoires d'outre-mer. Ces derniers seront intégrés après coup, sans cohérence ni adaptation suffisante aux réalités locales. En fusionnant les différentes chaînes dans une société unique, cet article ignore l'importance des télévisions de proximité, et plus particulièrement les contraintes propres aux départements et territoires d'outre-mer, qui justifient l'existence d'un réseau spécifique.
Ainsi, la situation de la Guyane, où la fracture numérique est importante et dont le territoire n'est pas entièrement couvert par les ondes hertziennes, se trouve en complet décalage avec cette réforme. RFO, qui comprend à la fois la radio et la télévision, y est non seulement un média de proximité mais un véritable service public. C'est, pour certaines populations et dans certaines parties du territoire, le seul support éditorial de l'information, de l'éducation ou de la prévention sanitaire et sociale, parfois nécessairement diffusée dans des langues très localisées.
Avec des moyens appropriés, RFO pourrait contribuer au rayonnement de la langue et de la culture française à l'étranger et, inversement, faire connaître des pays historiquement ou culturellement proches des collectivités de l'outre-mer français. C'est déjà le cas pour l'Afrique avec AITV, ce pourrait l'être tout autant dans l'Océan indien, la Caraïbe ou l'Amérique latine. L'audiovisuel extérieur de la France tel qu'il est conçu dans cette réforme ne saurait remplir cette mission de la même manière.
La fusion voulue par le Gouvernement suscite des questions sur l'avenir même de RFO, notamment quant à son autonomie financière compte tenu de ses spécificités et de ses contraintes. Le secrétaire d'État Yves Jégo prévoit déjà de compenser les pertes de recettes publicitaires par le non-remplacement des départs à la retraite.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ah !
M. Jean-Etienne Antoinette. - Faut-il croire que 65 suppressions de postes permettront le développement de la chaîne ?
Une autre interrogation concerne le maintien de la ligne éditoriale de RFO, caractérisée par sa souplesse et sa capacité d'adaptation, ainsi que son positionnement dans le contexte de diversification de l'offre dans un marché extrêmement étroit, où la seule chaîne privée locale peine à se développer. Et si l'on considère le bassin humain et culturel de l'Amazonie atlantique, ses 50 millions d'âmes et son potentiel de développement audiovisuel et numérique, l'enjeu est stratégique.
La prétendue égalité de traitement avec la métropole, soutenue par le ministre Yves Jégo, est donc en fait un creusement des écarts et elle comporte un risque de démantèlement d'un outil précieux pour l'outre-mer.
Nous voulons une télévision moderne, plurielle, multimédia, mais aussi respectueuse de nos identités locales. Nous voulons un service public de l'audiovisuel adapté aux situations ultramarines et ayant les moyens de l'être. Nous voulons un média public, gratuit et démocratique, capable de produire des programmes répondant aux besoins réels de toutes les populations ultramarines en matière d'éducation, d'accès à la culture, aux savoirs et aux nouvelles technologies. Nous voulons enfin une société audiovisuelle ambitieuse, capable de rayonner et de donner au monde une image de l'outre-mer positive, et valorisante pour la France.
Le Gouvernement doit donc mesurer les enjeux de sa réforme en outre-mer et répondre à nos légitimes questions. Quels moyens seront donnés à RFO pour poursuivre sa mission dans le respect de son identité, et en tenant compte des caractéristiques de son audience et de son marché potentiel ?
M. Jack Ralite. - A priori, je ne suis pas contre une structure unique. Tout dépend de ce qu'on fait de cette structure unique et des moyens dont elle dispose. Or, aujourd'hui, il y a sous-financement. Aujourd'hui, les chaînes, comme tout le reste, sont soumises à RGPP. Je ne suis pas contre la révision, mais je suis contre la réduction et la régression que ce sigle pourrait tout aussi bien signifier. Et puis il y a l'environnement : les menaces sur l'AFP, sur la presse, sur un ministère de la culture lui aussi soumis à RGPP... Et il y a encore les enseignements du passé : M. Fillon était ministre des PTT en 1996 et, curieusement, à l'époque, déjà il avait fait deux lois pour faire bouger les télécoms.
Je ne suis pas sûr qu'une entreprise unique ne soit pas l'occasion d'un nettoyage interne. Il faut voir plus loin que le bout d'une lubie présidentielle. On peut avoir de sérieuses craintes pour l'avenir du service public France Télévisions.
M. David Assouline. - A droite, ceux qui veulent réformer veulent en même temps brader les acquis ; ceux qui refusent ce bradage passent pour des conservateurs... Je suis d'accord pour l'essentiel avec M. Ralite et, notamment pour que le périmètre de France Télévisions soit absolument préservé. Dans la commission Copé, nous avons travaillé sur l'identité des chaînes pendant des mois.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Pas longtemps !
M. David Assouline. - Nous en sommes partis seulement trois semaines avant la fin et nous étions là quand nous discutions du périmètre que tous étaient d'accord pour préserver tel quel ; j'ai encore des tonnes de documents écrits là-dessus. S'il faut le préserver, pourquoi s'obstiner à ne pas inscrire, noir sur blanc, les chaînes actuelles dans la loi ? Sinon, cela laisse supposer qu'on projette de se séparer d'une de ces chaînes. Si vous nous disiez, par exemple, que France 4 pourrait être vendue à TF1, nous pourrions en discuter ; mais là, rien...
Nous n'avons pas déposé d'amendement de suppression parce que nous sommes partisans d'une entreprise unique pour rationaliser, pour favoriser les synergies, pour gagner en compétitivité, mais pas pour raboter, pour casser la diversité ou pour réduire le périmètre ! C'est pourquoi nous avons préféré déposer, au lieu d'un amendement de suppression, des amendements qui définissent le périmètre. Si aucun de ces amendements n'était adopté, nous ne voterions pas cet article premier.
L'amendement n°112 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°113, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
Remplacer le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 par sept alinéas ainsi rédigés :
« La société nationale de programme dénommée France Télévisions est chargée de définir les orientations stratégiques, de coordonner et de promouvoir les politiques de programmes et l'offre de services, de conduire les actions de développement en veillant à intégrer les nouvelles techniques de diffusion et de production et de gérer les affaires communes des filiales dont elle détient la totalité du capital :
« 1° La chaîne France 2 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère généraliste destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elle propose une programmation de référence et diversifiée à l'intention du public le plus large, favorise la création de productions télévisuelles originales et assure une information nationale et internationale ;
« 2° La chaîne France 3 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire métropolitain. Elle propose une programmation généraliste et diversifiée. Elle assure en particulier une information de proximité et rend compte des événements régionaux et locaux ;
« 3° La chaîne France 4 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elle propose des programmes destinés à attirer et fidéliser les jeunes et les jeunes adultes en exposant les nouveaux talents des scènes actuelles (musique et spectacle). Elle agit en faveur de l'innovation et de la création par la mise à l'antenne de nouveaux formats ;
« 4° La chaîne France 5 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance, à la formation et à l'emploi, destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Cette programmation doit contribuer à l'éducation à l'image et aux médias. Ses programmes contribuent à la découverte et la compréhension du monde, s'attachant tout particulièrement aux registres des sciences et techniques, des sciences humaines, du développement durable. Elle favorise l'accessibilité individualisée et instantanée de ses contenus pédagogiques et de connaissances, à la demande sur les nouveaux supports, et développe la coopération avec les milieux éducatifs ;
« 5° La chaîne Réseau France Outre-mer est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées dans les collectivités françaises d'outre-mer. Réseau France Outre-mer assure la promotion de la langue française ainsi que celle des langues et cultures régionales. Les émissions des autres sociétés nationales de programme sont mises à sa disposition à titre gratuit. Les programmes qu'elle produit sont mis gratuitement à la disposition de la société France Télévisions ainsi que de la société Radio France qui assurent la promotion et le rayonnement des cultures de la France d'outre-mer en métropole. Elle assure la continuité territoriale des autres sociétés nationales de programme, suivant des dispositifs qui peuvent être différenciés, en prenant en compte les particularités propres des départements d'outre-mer ou de la collectivité départementale de Mayotte selon des modalités déterminées par son cahier des missions et des charges après consultation de chaque conseil régional. Elle conclut des accords pluriannuels de coopération avec la société Radio France, notamment en matière de développement, de production, de programmes et d'information.
« Les sociétés visées à l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle passent avec l'autorité administrative compétente des conventions prévoyant les conditions dans lesquelles les établissements d'enseignement et de formation sont autorisés à réaliser et à utiliser à des fins pédagogiques des copies de programmes diffusés par cette société.
M. Jack Ralite. - Le Président de la République s'est engagé à pérenniser le périmètre de France Télévisions. La meilleure façon de le faire est de l'inscrire dans la loi, comme cela fut fait dans la précédente loi sur l'audiovisuel de septembre 1986. Vous ne voulez pas le faire parce que cela aurait des conséquences financières que vous savez ne pas pouvoir assumer du fait de la disparition de la publicité. Nous, nous ne voulons pas que le manque de moyens amène à supprimer une ou plusieurs chaînes. Les cinq chaînes actuelles composent le bouquet télévisuel public le plus performant d'Europe, qui regroupe le plus grand nombre de téléspectateurs alors qu'il n'est pas le plus coûteux et ne comporte pas le plus grand nombre de chaînes. Il serait inconcevable de le rétrécir ; ce serait une inacceptable atteinte à la diversité et au pluralisme. L'inscription de ces chaînes dans un cahier des charges modifiable à tout instant n'aura aucune valeur. Il faut énumérer nommément les différentes entités de France Télévisions dans la loi elle-même, y préciser leurs missions spécifiques et leur capacité à concevoir chacune une production propre. Elles ont une histoire distincte et font partie de notre patrimoine. Nous ne voulons pas que cette richesse soit amputée. La constitution d'une entreprise unique ne doit pas aboutir à la fusion-absorption des différentes chaînes. Le CSA lui-même préconise le respect de l'identité de chacune d'elles, notamment de FR 3, la plus menacée, dont il faut affirmer dans la loi le caractère national, régional et local.
Cet amendement n'interdit nullement la création de nouvelles chaînes mais fait rempart contre les pressions du lobby privé sur le politique. Nous préférons une consécration législative à de vagues engagements vite oubliés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Absolument.
M. le président. - Amendement n°296, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
La société nationale de programmes France Télévisions est chargée de coordonner l'action des services France 2, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national et généraliste, France 3, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère généraliste, national, régional et local, France 4, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision culturelles et de divertissement reflétant la création actuelle, France 5, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance et à la formation, Réseau France outre-mer, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision et de radio, destinées à être diffusées dans les collectivités d'outre-mer ainsi que de tout autre service de communication audiovisuelle répondant aux missions de service public définies à l'article 43-11 et dans son cahier des charges.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Rien dans le texte ne garantit le maintien du périmètre actuel de l'audiovisuel public, puisque les cinq chaînes publiques ne sont pas citées. Cette fusion-absorption entraînera dans le meilleur des cas sa dilution, dans le pire, la disparition d'une ou plusieurs chaînes... France 3 sacrifie désormais à la publicité une grande part de la tranche du 19-20, si chère aux Français. Faut-il y voir une volonté politique de mettre à mal l'audiovisuel public ? Avec un financement plus qu'aléatoire, l'autonomie éditoriale des chaînes est menacée, à commencer par celle de France 3, qui traduit pourtant l'expression, à l'échelle locale, du fait politique.
Nous reprécisons les missions spécifiques de chaque chaîne.
M. le président. - Amendement n°115, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
« La société nationale de programme dénommée France Télévisions est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local ainsi que des émissions de télévision et de radio ultramarines. Elle édite, produit et fabrique des oeuvres audiovisuelles, des programmes et des émissions d'information dans le respect de ses entités et de leurs identités éditoriales spécifiques. Elle participe à des accords de coproduction et passe des accords de commercialisation en France et à l'étranger.
M. Jean-François Voguet. - La compensation de la suppression de la publicité n'étant pas à la hauteur des besoins, il faut trouver de nouvelles recettes. La BBC produit 60 % de ses programmes en interne, et les commandes passées aux producteurs indépendants sont pourtant plus importantes qu'en France ! La détention des droits lui apporte en outre des recettes considérables tandis que le statut de France Télévisions cantonne la société dans un simple rôle de diffuseur : même si elle finance de 70 à 90 % de la production des programmes, elle n'a le droit de les diffuser que deux ou trois fois ! C'est une hérésie économique !
La capacité de produire en interne confortera la création. En étant propriétaire des oeuvres qu'elle finance, France Télévisions pourra exploiter son patrimoine et ses archives pour réussir le passage au média global. Elle pourra s'appuyer sur la filière de production de France 3, dont l'ancrage local doit être réaffirmé, sans pour autant déstabiliser la production indépendante, qui participe à la vitalité de la création française.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles.
I. - Rédiger comme suit le deuxième alinéa du I de cet article :
« I. - La société nationale de programme France Télévisions est chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local ainsi que des émissions de radio ultramarines. Elle édite et diffuse également plusieurs services de communication audiovisuelle, y compris des services de médias audiovisuels à la demande, répondant aux missions de service public définies à l'article 43-11 et dans son cahier des charges.
II. - Rédiger comme suit le quatrième alinéa du même I :
« Les caractéristiques respectives de ces services sont précisées par son cahier des charges. Elle peut les éditer par l'intermédiaire de filiales dont la totalité du capital est détenue, directement ou indirectement, par des personnes publiques.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - L'Assemblée nationale a omis de préciser que les services de communication audiovisuelle édités par France Télévisions rentraient dans le champ des missions de service public définies dans la loi du 30 septembre 1986.
L'amendement prévoit également que les filiales de service public du groupe France Télévisions sont détenues, directement ou indirectement, par des personnes publiques. Cela n'interdit pas que des chaînes publiques mettent en commun leurs forces pour proposer, par exemple, un service de télévision de rattrapage commun.
Enfin, le service public pourra nouer des partenariats avec des opérateurs privés, le cas échéant pour mettre en oeuvre une mission de service public. Seule la constitution de filiales ayant pour objet principal l'exercice d'une mission de service public est interdite.
M. le président. - Amendement n°288, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :
est chargée de concevoir
insérer les mots :
produire, fabriquer
Mme Marie-Christine Blandin. - Il est réducteur de limiter le rôle de France Télévisions à la conception et la programmation. On oublie la création ! Le service public est au service des téléspectateurs, pas des producteurs extérieurs ! Malgré une contribution importante, la télévision publique ne perçoit pas une juste part des droits d'exploitation.
Les sociétés nationales de programmes disposent de talents en interne. Il faut soutenir tout le champ des missions de l'audiovisuel, y compris les plus nobles et motivantes. Nous avons retenu à dessein le terme de « fabriquer », comme on parle de « Fabrique de théâtre ». C'est là que se croisent le savoir conceptuel, l'art, la médiation, les savoir-faire... Il faut préciser cette mission de France Télévisions, en la chargeant d'en définir la proportion dans ses activités.
M. le président. - Amendement n°310, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le premier alinéa du texte prévu par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :
chargée de concevoir
insérer les mots :
, de produire
M. David Assouline. - Il s'agit de garantir que les entités de production de France 3 et de RFO pourront poursuivre leur mission. Le statut de France Télévisions réduit le service public à un simple rôle de diffuseur et de centrale d'achats de programmes. Alors qu'elle finance 70 à 90 % du coût de la production, elle ne peut diffuser que deux ou trois fois des programmes dont les producteurs privés restent seuls propriétaires. C'est une situation unique en Europe !
A l'image de la BBC, dont le département commercial apporte un financement complémentaire important, France Télévisions doit développer et maintenir un outil de production interne, comme le demande d'ailleurs le personnel. Cet amendement devrait trouver une majorité si vous souhaitez réellement consolider le service public audiovisuel.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Les missions de service public assignées à l'entreprise unique sont déterminées par la loi, un cahier des charges fixant les lignes éditoriales. Il n'y a donc pas de raison de craindre pour l'avenir des chaînes. De même que France 4 a évolué, la noblesse de l'entreprise unique tient à son pouvoir de changement, en fonction de l'évolution de la demande et de l'inventivité du personnel. L'amendement n°113 est antinomique avec la création de l'entreprise unique.
De même, l'amendement n°296 tend à figer dans la loi les missions de France Télévisions, alors que nous devons laisser le personnel imaginer les réalités à venir, sans décider à sa place.
J'observe d'autre part que rien, ni dans le droit actuel, ni dans le projet de loi, n'empêchera France Télévisions de maintenir ses capacités de production. Je propose le retrait ou le rejet de l'amendement n°115, satisfait par l'article premier et par l'amendement n°7 de la commission.
L'amendement n°288 appelle des observations analogues. Il serait sage de le retirer.
L'amendement n°310 correspond aux mêmes objectifs, que la commission partage au demeurant, car le service public audiovisuel doit avoir des moyens propres de production. L'amendement est superfétatoire.
Mme Christine Albanel, ministre. - Même avis.
Le projet de loi crée une société unique. Énumérer dans la loi les entités juridiques composant France Télévisions serait incompatible avec la création de la société unique. Elles figurent dans l'exposé des motifs de la loi et dans le cahier des charges fixé par décret. Pensez à l'exemple de Radio France. Je suis donc défavorable aux amendements n°s113 et 296.
Les amendements n°s115, 288 et 310 portent sur les capacités de production. Celles-ci figurent dans la loi du 30 septembre 1986. Aujourd'hui, plus de la moitié des programmes sont produits en interne, mais, conformément à l'esprit de la loi Tasca, les programmes peuvent aussi être coproduits avec des partenaires.
Enfin, l'amendement n°4 précise à juste titre que les grandes filiales de France Télévisions sont détenues par des personnes publiques.
M. le président. - Je mets aux voix l'amendement n°113.
M. Jean-Pierre Sueur. - De quoi s'agit-il ? D'une disposition très importante, car les chaînes de télévision ne sont pas exclusivement des entités juridiques. C'est pourquoi créer une société unique n'est pas antinomique avec la reconnaissance légale des chaînes existantes. Il s'agit d'abord d'entités humaines !
Travailler dans un organe de la presse écrite suscite un fort sentiment d'appartenance. Il en va de même pour les lecteurs. Imaginons que l'on veuille créer une société nationale de presse mettant en commun les moyens des journaux, tout en conservant les titres existants. Il y aurait une révolte des salariés !
Ceux de France 2 ou France 3, par exemple, sont fortement attachés à leurs chaînes. Mépriser cette réalité vivante serait une grande erreur. Et rien n'interdit de les inscrire dans la loi afin de reconnaître leur spécificité.
Certes, le texte dont nous discutons n'empêche pas les chaînes de fonctionner, mais n'avancer que cet argument, c'est un peu court !
Mme Christine Albanel, ministre. - Il y a des identités fortes. France Inter aussi est une réalité humaine, inscrite dans le cahier des charges fixé par décret, pas dans la loi. C'est le modèle de la réforme que nous proposons. (« Très bien ! » à droite)
L'amendement n°113 n'est pas adopté.
M. David Assouline. - Lorsque nous essayons de convaincre, on nous répond systématiquement que ce que nous proposons est inutile. Pourtant, le seul fait que nous l'ayons formulé démontre l'existence d'un problème. Bien sûr, on peut nous accuser de mauvaise foi, mais nous ne sommes pas les seuls : les salariés de France 3 s'inquiètent. Pourquoi refusez-vous de les rassurer ? Je ne vois qu'une explication : vous cachez quelque chose. Je n'ai pas voulu commencer par un procès d'intention, mais nous nous connaissons assez pour savoir que vous argumentez lorsque vous le voulez.
En commission, on m'a dit qu'il ne fallait pas empêcher un élargissement ultérieur du périmètre. Nous voulons empêcher son rétrécissement ! Notre amendement n°296 laisse tout loisir à l'entreprise unique de créer, par exemple, une chaîne d'information.
Pour qui lira nos débats, il apparaîtra que la modernisation de l'audiovisuel signifie la réduction de son périmètre. On sait bien que TF1 veut France 4. Et comme TF1 est souvent bien servi par le pouvoir, il est possible d'établir un rapport avec la rédaction du texte. De même, certains appétits de la presse quotidienne régionale visent France 3. Vous pouvez mettre fin à ces spéculations.
Madame le ministre, vous pourriez, à tout le moins, vous engager à préserver le périmètre de France 3, à ne pas vendre France 4 tant que vous serez à la tête du ministère de la culture. En vous refusant à préciser les périmètres des chaînes publiques dans la loi, ce qui aurait rassuré l'opposition, vous laissez ouverte la possibilité qu'ils soient modifiés. Nous devrons donc continuer ce combat aux côtés des personnels de l'audiovisuel public !
M. Hugues Portelli. - Ce n'est pas au législateur de fixer le nombre de chaînes publiques dans la loi ! (Marques d'approbation au banc de la commission) C'est à l'entreprise publique de le déterminer selon l'offre et la demande, les choix du public et les moyens dont elle dispose. Notre tâche est de poser dans la loi des principes tels que l'existence ou non d'un service public et les conditions de sa gestion. Point à la ligne ! Le reste ne nous regarde pas.
Mme Catherine Tasca. - Ça alors !
M. Hugues Portelli. - Ces problèmes internes ne concernent que le conseil d'administration de l'entreprise. Je me battrai contre toutes les tentatives qui viseront à s'immiscer dans la politique de l'entreprise !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Dans ce cas, pourquoi le président de France Télévisions est-il nommé par le Président de la République ?
M. Hugues Portelli. - Cette question n'est pas du domaine de la loi, pas plus que celui du règlement.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est le domaine du Président de la République !
M. David Assouline. - Monsieur Portelli, vous feriez mieux de défendre avec la même conviction le Parlement quand on lui impose un débat tronqué !
M. Jack Ralite. - M. Portelli se pare de vertus que la réalité dément. Ce texte de lois entend définir les programmes, les sujets abordés comme l'Europe. Le Président de la République entend que la chaîne publique soit une chaîne éducatrice. Il se mêle directement de la ligne éditoriale. Cela, nous n'en voulons pas. Mais, vous, vous l'approuvez !
M. Jacques Gautier. - Eh oui !
M. Jack Ralite. - Et, comme l'a finement relevé M. Sueur, décrire les chaînes existantes dans la loi, ce serait se mêler de la politique de l'entreprise ! Soyons sérieux. L'opposition dans sa diversité pose une seule question à laquelle le conglomérat de la majorité se contente de répondre : non, non, non ! Mais où est le débat parlementaire ? Où est la démocratie ? Ah, si vous aviez la même énergie pour dénoncer l'application d'une loi que nous n'avons pas votée ! Au lieu de cela, vous cédez devant le chef. Vous n'écoutez pas le monde du travail, le monde de la création et, j'ajoute, le monde de l'entreprise ! (Vifs applaudissements à gauche)
L'amendement n°296 n'est pas adopté.
Mme Marie-Christine Blandin. - Mon intervention portera sur l'atmosphère générale de ce débat, l'amendement n°115 ainsi que les amendements nos288 et 310 qui ont pour objet de mentionner dans la loi « produire » ou « produire, fabriquer ». Loin de partager la conception que se fait M. Portelli du législateur, dont l'intervention a suscité la colère de M. Ralite, je note toutefois que ces amendements touchent aux grands principes puisqu'ils visent les missions de l'audiovisuel public...
Malgré l'attitude constructive de M. Assouline, dont la majorité s'est félicitée tout à l'heure, la robotisation des réponses se poursuit : au « ce n'est pas la peine » de la commission, succède le « cela reste possible » du Gouvernement. Madame le ministre, puisque tout reste possible, puisque vous avez donné des millions aux banques pour restaurer le moral de la Nation, (soupirs à droite) pourquoi ne pas accepter d'inscrire quelques mots dans la loi pour relever le moral en berne des salariés de l'audiovisuel public ? (Applaudissements à gauche)
L'amendement n°115 n'est pas adopté.
M. Jean-Pierre Sueur. - Le rejet des amendements est, lui aussi, mécanique !
L'amendement n°4 est adopté.
Les amendements nos288 et 310 deviennent sans objet.
M. le président. - Amendement n°306 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'ils diffusent des journaux télévisés, les services de la société France Télévisions disposent d'une rédaction propre, dirigée par un journaliste.
M. David Assouline. - Signe de notre esprit constructif, nous avons accepté de ne pas mentionner dans cet amendement les différentes entités constituant l'opérateur unique à la demande de la commission. Nous souhaitons, pour éviter toute éventuelle fusion des rédactions, préciser que chaque chaîne publique diffusant un journal télévisé disposera de sa propre rédaction dirigée par un journaliste -contrairement à ce que l'on pourrait croire, cela ne va pas de soi. En un mot, loin de pratiquer l'obstruction malgré notre opposition totale à ce texte, nous tentons de préserver ce qui peut l'être.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - La commission a donné un avis favorable à cet amendement, une fois rectifié, dont le principe -une rédaction par chaîne- est partagé par tous.
Mme Christine Albanel, ministre. - La question, me semble-t-il, n'est pas du domaine de la loi...
M. Jean-Jacques Mirassou. - On se demande bien ce qui en relève !
Mme Christine Albanel, ministre. - De surcroît, l'emploi du singulier pour le terme de « rédaction » laisse supposer une fusion, ce qui est contraire au but recherché.
Mme Catherine Tasca. - Madame le ministre, nous touchons là à un point de désaccord fondamental sur l'organisation du service public et la place que vous assignez au législateur, ce qui nourrit le malaise de plus en plus lourd qui gagne nos rangs. M. Portelli, avec son intervention, a lancé une petite bombe dans le débat. Si légiférer se limite à définir des grands principes, à quoi sert le débat parlementaire ? A quoi sert la loi ? Nous ne sommes pas des notaires dont le rôle serait de consigner la création de structures juridiques et de définir de grandes orientations générales qui n'engagent personne. Nous sommes comptables devant la Nation de l'avenir de l'audiovisuel public. Si nous tenons à mentionner les antennes constituant France Télévisions ou encore à poser le principe d'une rédaction par chaîne, ce n'est pas par volonté de maintenir le statu quo, mais de travailler au développement du capital acquis par la Nation !
Il ne s'agit pas de transport de fret ou de vente de petits pois ! Dans le monde de la communication, la responsabilité de la rédaction revient aux professionnels, nous voulons le rappeler là. Il y a urgence à remettre les pendules à l'heure quant au rôle du législateur. Les procédures choisies par le Gouvernement à l'occasion de ce débat provoquaient chez nous quelques inquiétudes. Les propos de Mme la ministre confirment hélas lourdement nos craintes.
Mme Christine Albanel, ministre. - Loin de moi la volonté d'amoindrir le rôle du législateur. Mais les lois de 1986 ou 1990 ne comportent aucune disposition sur les rédactions, et pourtant, celles-ci existaient bel et bien !
Mme Catherine Tasca. - Faisons du neuf !
M. Jacques Legendre, président de la commission. - Il n'y a pas d'ambiguïté sur le sens de cette proposition. L'amendement démontre notre souci de rapprocher les points de vue, tant en commission qu'en séance publique, et je souhaite qu'il soit adopté.
M. David Assouline. - Mme la ministre nous dit : le singulier peut laisser penser qu'il existe une seule rédaction pour l'ensemble des chaînes. Mieux vaut rectifier l'amendement pour interdire une telle interprétation. Écrivons que les services disposent « chacun » d'une rédaction propre.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Soit ! Avis favorable à l'amendement n°306 rectifié bis.
M. Hugues Portelli. - A l'occasion de la révision constitutionnelle de juillet dernier, le législateur a décidé d'être plus intransigeant sur la rédaction des textes et de suivre le conseil de Portalis en refusant les lois bavardes. Il va de soi que chaque service a sa rédaction, sinon il n'existerait pas ! Nul besoin de l'écrire.
Mme Catherine Tasca. - C'est une question de conscience.
L'amendement n°306 rectifié bis est adopté.
M. le président. - Amendement n°114, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
« Elle assure la diversité et le pluralisme de ses programmes. Ce pluralisme s'entend dans le domaine politique et assure notamment une juste répartition du temps de parole politique sur le fondement de la représentativité parlementaire des partis et de leur représentativité dans les assemblées des collectivités territoriales (régions, départements, communes de plus de 10 000 habitants), ce conformément aux exigences de l'article 1er de la Constitution qui proclame que l'organisation de la République est décentralisée. Les modalités de cette représentativité sont précisées par décret en Conseil d'État. Le pluralisme s'entend également dans l'ensemble des programmes de culture et de divertissement en termes culturels, artistiques et sociétaux afin d'élargir l'accès à l'antenne d'artistes, auteurs, interprètes, courants esthétiques et générationnels selon des modalités émancipées de la logique de l'audimat. En matière de fictions nationales et européennes, ce pluralisme s'apprécie notamment dans le choix des thématiques, des auteurs, des interprètes, indépendamment des logiques de formatage, de marketing et du star-system.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Le pluralisme ne s'arrête pas à la seule politique, il concerne l'ensemble des programmes, information, divertissement, culture. Il y a dix ans déjà, Jack Ralite avait déposé une proposition de loi tendant à instaurer le pluralisme dans toutes les catégories de programmes.
Puisque la suppression de la publicité vise à libérer le service public de la dictature de l'audimat et du mercantilisme, il est légitime de donner plus d'audace à la création et de faire plus de place aux divers talents, y compris ceux qui sont moins exposés aujourd'hui à la télévision.
Saisissons la seule opportunité qu'offre ce projet de loi : émancipons le service public par rapport à une forme de censure qui conduit à un formatage des émissions -il faut avant tout plaire à la ménagère de moins de 50 ans. Ce conformisme, cette aseptisation contribuent à une uniformisation des esprits. Il est temps de substituer à la politique de la demande une politique de l'offre et du désir.
La programmation est l'affaire des professionnels, mais donnons-leur toute latitude pour oser renouveler les formes et les contenus. Le partage des idées et des réflexions appartient à toutes les catégories. Certains films questionnent plus qu'un journal télévisé. Confortons le pluralisme éditorial de l'ensemble des programmes.
L'enjeu est que la télévision publique demeure un grand média populaire. Les émissions cultes sont souvent celles qui ont surpris le spectateur par leur liberté de ton et leur nouveauté formelle. Nous avons besoin de regards pluriels pour décrypter un monde de plus en plus complexe. Ne nous privons pas d'oeuvres nationales, européennes ou issues de continents qui n'ont pas la force de frappe nécessaire à une diffusion à l'étranger...
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Cette revue de détail constitue un véritable cahier des charges. Même si la commission est sensible à ces questions, elle ne peut accepter d'inscrire dans la loi un tel catalogue.
Mme Christine Albanel, ministre. - Avis défavorable également : les décrets retraçant le cahier des charges doivent être soumis au CSA, faire l'objet d'une consultation des assemblées territoriales outre-mer, des conseils d'administration, etc. En outre, je m'étonne de l'apparition de certaines notions telles que « star system ». M. Ralite souscrit-il à l'idée de les inscrire dans la loi ?
L'amendement n°114 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°297, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle édite et diffuse un service dénommé France 2 chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Ce service propose une programmation généraliste, de référence et diversifiée à l'intention du public le plus large, favorise la création de productions télévisuelles originales et assure une information nationale et internationale.
M. David Assouline. - France 2 est le vaisseau amiral de France Télévisions. La « deuxième chaîne » a commencé à émettre en 1963. Or, 45 ans plus tard, il se trouve encore des gens pour désigner France 2 comme « la deuxième chaîne », ce qui prouve l'attachement de nos concitoyens à un service qui a produit des moments inoubliables : je songe aux émissions telles que Les dossiers de l'écran, Les Shadocks, Des chiffres et des lettres, Le Grand échiquier ! Et aux grandes séries, Arsène Lupin, Les Brigades du Tigre ou Les Rois maudits. Soit dit en passant, en dépit de tous les moyens dont elle a disposé, la version récente ne peut faire oublier celle des années soixante-dix, qui nous subjugue encore !
Antenne 2 est née le 1er janvier 1975. Elle a diffusé Apostrophes, Champs-Elysées, elle a créé le premier journal télévisé du matin en 1985 : une audace, à l'époque. La publicité a fait quant à elle son apparition en 1971.
Ces rappels suffisent à démontrer l'importance d'une télévision généraliste, diversifiée, ambitieuse, remplissant parfaitement sa mission de service public.
J'ajoute, pour ceux qui trouvent le paysage trop figé, que l'histoire de la deuxième chaîne est bien une histoire d'innovation et d'audace. Nous entendons pérenniser son existence dans la loi.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Je comprends et partage la nostalgie de M. Assouline, mais c'est l'avenir de l'audiovisuel public que nous devons préparer. Défavorable.
Mme Christine Albanel, ministre. - Même avis, même si j'ai moi aussi de bons souvenirs...
M. Hugues Portelli. - Ne regardons pas dans le rétroviseur, nous devons nous préoccuper de ce que sera l'audiovisuel public de demain et d'après-demain. Nous ne pouvons pas légiférer en rendant un culte à la télévision de papa ou de grand-papa ! Voulons-nous un audiovisuel public ? Voulons-nous lui donner les moyens d'exister ? Voilà les vraies questions qu'il nous revient de traiter ! Ensuite, il vivra sa vie de lui-même.
M. David Assouline. - La deuxième chaîne a toujours été en avance sur son temps ! Elle va encore évoluer, c'est évident, mais nous ne voulons pas qu'elle soit sacrifiée. Il n'y a aucun conservatisme dans notre position. Chacun a bien compris qu'il n'était pas question de nom ou de logo mais de périmètre.
Je n'ai jamais pensé que la modernité était le reniement du passé, je crois l'avoir prouvé dans mes travaux récents. Pour avoir scandé dans ma jeunesse « Du passé faisons table rase ! », je sais aujourd'hui qu'ainsi on fait table rase de tant de choses ! Et on ne prépare pas l'avenir. Il faut savoir d'où l'on vient, accepter les mutations et être porté par une histoire : c'est comme cela qu'on réforme. Je suis persuadé que les réformes passeraient mieux si on ne les annonçait pas en proposant d'abord de tout casser.
M. Portelli estime peut-être que nos débats se prolongent à l'excès ; que n'a-t-il montré autant d'énergie pour dénoncer le fait que l'essentiel de la loi soit appliqué avant que nous en débattions ! Le Parlement a été bafoué, mais la colère des parlementaires de droite a été bien discrète !
L'amendement n°297 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°298, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle édite et diffuse un service dénommé France 3 chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire métropolitain. Ce service propose une programmation généraliste et diversifiée. Elle assure en particulier une information de proximité et rend compte des événements régionaux et locaux. Elle contribue à la mise en valeur de la richesse de ces territoires et contribue à favoriser l'expression des langues régionales.
Mme Bariza Khiari. - France Régions 3 a été créée en 1974 lors de l'éclatement de l'ORTF. Le démantèlement de France Télévisions, au regard du sous-financement structurel de l'audiovisuel public organisé par ce texte, met l'existence même de cette chaîne en danger. France 3 est la chaîne la plus exposée alors que ses rédactions nationale et européenne, ses 24 rédactions régionales, ses 35 rédactions locales, ses 55 bureaux décentralisés en font un réseau sans équivalent en Europe. France 3 est présente sur tous les supports, elle met ses programmes à la disposition de toute la population française, elle diffuse en sept langues régionales et produit 400 reportages chaque jour ; elle démontre ce que l'innovation peut apporter à la proximité. Or vous réduisez ce que M. Sueur a appelé son identité humaine à une identité juridique. Et elle pourrait devenir une variable d'ajustement dans les années qui viennent.
La conséquence de la réforme aura été que les décrochages de 19 h 55 ont été supprimés pour diffuser les dernières minutes de publicité avant 20 heures ! Seul le journal de 18 h 38 subsiste, mais pour combien de temps ? La vente à la découpe de France 3, leur chaîne préférée, à la presse quotidienne régionale affecterait profondément les Français. Je ne parle ici ni du passé ni de l'avenir mais du présent. Le corollaire d'une mondialisation désincarnée, c'est l'ancrage dans un territoire, dont la spécificité est précisément valorisée par FR3. Les élus locaux, en relayant les inquiétudes des personnels, marquent leur attachement à la continuité du service public de l'audiovisuel sur l'ensemble du territoire, que ne pourront assurer des opérateurs privés.
Il est donc essentiel que la loi garantisse la présence d'un service audiovisuel public de proximité, offrant à tous les Français un accès à des programmes diversifiés et de qualité et à une information pluraliste couvrant tant le local que l'international.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Même avis qu'à l'amendement précédent. L'existence d'une société de programmes de proximité, irriguant tout le territoire, est garantie par la loi comme par le cahier des charges de France Télévisions, ce qui nous satisfait mais ne nous empêchera pas d'être vigilants.
Mme Christine Albanel, ministre. - Avis défavorable. Je voudrais qu'on cessât de parler de sous-financement : le budget de France Télévisions atteint 3 milliards d'euros, dont 2,5 de ressources publiques ; en ces temps de crise du marché publicitaire, c'est considérable.
La dimension régionale et locale est bien présente dans le texte, dans le cahier des charges aussi. Dire qu'on va la sacrifier relève du fantasme, comme cette affaire de vente supposée à la presse quotidienne régionale. Quand on connaît la situation de cette dernière... Le temps d'information va même être augmenté dans les journaux régionaux et locaux et aussi dans Soir 3.
Mme Catherine Tasca. - Sans moyens !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Vous ne m'avez pas convaincu. Qui ouvre ses yeux et ses oreilles sait que vous n'avez pas plus convaincu les personnels qui s'inquiètent pour leur avenir et celui de leur entreprise. Comment affirmer que FR3 continue comme avant alors que la rediffusion du journal local à 19 h 50 a déjà été supprimée, que l'information, à laquelle les Français sont très attachés, a déjà été amputée ?
L'amendement n°298 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°301, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle édite et diffuse un service dénommé France 5 chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance et à la formation, destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Cette programmation doit contribuer à l'éducation à l'image et aux médias. Ce service favorise la diffusion de programmes éducatifs et de formation sur des supports diversifiés ainsi que leur utilisation par d'autres services de communication audiovisuelle et par les organismes d'enseignement et de formation.
Mme Catherine Tasca. - Au risque d'aggraver l'impatience, je rappellerai que cet amendement a pour objet le maintien de France 5 dans son périmètre actuel. Nous ne plaidons pas pour le statu quo, nous considérons plutôt qu'avec l'effort consenti par la Nation pour une chaîne de la connaissance et du savoir, il est de notre devoir d'affermir le socle de cette société. France 5 est encore toute jeune et quand elle a été lancée, en décembre 1994, peu d'observateurs auraient parié sur le succès qu'elle connaît quinze ans plus tard. L'ambition était de rattraper notre retard sur les États-Unis, le Canada, le Japon et le Royaume-Uni où une chaîne comme Channel Four prouve qu'il y a une audience pour les programmes éducatifs. En 2008, France 5 rassemble 5,5 % des téléspectateurs, ce qui la classe au cinquième rang des chaînes nationales alors qu'elle partage son temps d'antenne avec Arte. Elle obtient dans le PAF un remarquable niveau d'audience parce que, devenue la chaîne du décryptage avec des émissions comme « C dans l'air » et des documentaires attractifs, elle a affirmé une identité esthétique.
Diffusée 24 heures sur 24 sur la TNT, et dans une vingtaine de pays africains sur le satellite, elle a développé une offre globale. Avec 20 millions de pages consultées, son site internet accueille 3,5 millions de visiteurs par mois. Ce succès public tient à ce que l'on peut accéder gratuitement à ses programmes une semaine après leur diffusion. France 5 a vu ses efforts couronnés en juin 2007 par le prix de la meilleure chaîne télévisée lors du grand concours médias de CB News.
France 5 joue pleinement son rôle au sein de France Télévisions, en permettant aux Français de se cultiver et même de se former, car elle offre entre télévision et monde éducatif un pont dont on avait grand besoin. Il est très important de pérenniser ce succès et que, comme dans la signalétique de France Télévisions ou chaque chaîne est associée à une couleur, elle garde son identité.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Je rejoins Mme Tasca sur la qualité de cette chaîne que nous sommes nombreux à apprécier mais la commission est défavorable pour les raisons déjà exposées.
Mme Christine Albanel, ministre. - Avis défavorable pour les mêmes raisons, quoique je m'associe à ce qui a été dit sur France 5, chaîne du décryptage et de la connaissance.
L'amendement n°301 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°302, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle édite et diffuse un service dénommé Réseau France Outre-mer, chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision et de radio destinées à être diffusées dans les collectivités françaises d'outre-mer. Ce service assure la promotion de la langue française ainsi que celle des langues et cultures régionales. Les émissions des autres services de France Télévisions sont mises à sa disposition à titre gratuit. Les programmes qu'il produit sont mis gratuitement à la disposition de la société France Télévisions ainsi que de la société Radio France qui assurent la promotion et le rayonnement des cultures de la France d'outre-mer en métropole. Il assure la continuité territoriale des autres services de France Télévisions, suivant des dispositifs qui peuvent être différenciés, en prenant en compte les particularités propres des départements d'outre-mer ou de la collectivité départementale de Mayotte, selon des modalités déterminées par son cahier des missions et des charges, après consultation de chaque conseil régional. Il conclut des accords pluriannuels de coopération avec la société Radio France, notamment en matière de développement, de production, de programmes et d'information.
M. Jean-Etienne Antoinette. - Regardée par 80 % des foyers ultramarins, RFO propose 57 000 heures de programmes de proximité dont 6 000 heures de production propre. La TNT en propose une sélection en Ile-de-France. Miroir de la France ultramarine, elle est aussi la vitrine d'une France multiple. RFO s'équipe pour faire face à de nombreux besoins comme cela a été le cas à la Réunion en 2007. Elle s'est installée dans les locaux de France Télévisons Interactive et, en raison de l'éclatement des sites, elle emploie 1 500 salariés permanents et 400 qui ne le sont pas. Elle joue fréquemment un rôle essentiel au service de nos concitoyens, leur prodiguant assistance et conseil, ainsi lors du cyclone Gamède à la Réunion ou de la tempête Dean à la Martinique et en Guadeloupe. Il est donc primordial de la maintenir et de la sécuriser.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Avis également défavorable, même si nous savons la qualité de cette chaîne pour l'outre-mer.
Mme Christine Albanel, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°302 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°303, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle édite et diffuse un service dénommé France 4 chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision en direction des nouvelles générations avec notamment une offre de rendez-vous en direct sur des manifestations culturelles, sportives, musicales, théâtrales, évènementielles, et des programmes visant à promouvoir les nouveaux talents et reflétant la création actuelle.
M. Serge Lagauche. - Le basculement au tout numérique se profile : il est essentiel de développer l'offre de chaînes numériques sur France Télévisions. La loi doit prévoir que des chaînes thématiques complètent les chaînes historiques diffusées en analogique. Il s'agit de donner à la télévision publique la mission légale de diffuser des services répondant aux besoins d'un public aux nouvelles formes de consommation culturelle et aux équipements très performants. C'était d'ailleurs l'objet du projet élaboré par Marc Tessier lors de la loi Trautmann-Tasca. Il faut garantir la présence du service public dans un panier pluraliste des chaînes thématiques. Notre amendement a donc pour objet d'inscrire dans la loi l'existence de France 4, diffusée gratuitement en numérique, chaîne des 15-34 ans. S'adressant à une génération qui revendique une liberté de ton et de pensée, ses programmes privilégient l'éclectisme et participent à la diversité de l'offre pour un public actif et exigeant.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Avis défavorable pour les mêmes raisons.
Mme Christine Albanel, ministre. - De même.
L'amendement n°303 n'est pas adopté.
Prochaine séance, lundi 12 janvier 2009, à 15 heures.
La séance est levée à minuit quinze.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du lundi 12 janvier 2009
Séance publique
A 15 HEURES ET LE SOIR
- Suite de la discussion du projet de loi organique (n° 144, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi (n° 145, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Rapport (n° 150, 2008-2009) de Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Avis (n° 152, 2008-2009) de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission des affaires économiques.
Avis (n° 151, 2008-2009) de M. Joseph Kerguéris, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.