Communication audiovisuelle (Urgence - Suite)
Discussion des articles
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°185 rectifié, présenté par MM. Pozzo di Borgo et Maurey.
Avant l'article 1er A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont fusionnés au sein d'un organisme unique, chargé de la double régulation : des contenus audiovisuels et des réseaux.
M. Hervé Maurey. - Cette fusion permettrait d'harmoniser les attributions de fréquences, et irait dans le sens de la convergence numérique.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. - Avec la convergence croissante des contenus et contenants, la séparation entre les autorités de surveillance peut paraître inadaptée. Nous avons réfléchi à la possibilité d'une fusion, mais une décision aussi lourde ne s'impose pas dans le cadre d'un texte déjà complexe. Je prends acte de votre proposition : nous y reviendrons en commission. Provisoirement donc, avis défavorable.
Mme Christine Albanel, ministre. - Je partage l'avis de la commission. La convergence est une piste de réflexion, dans la perspective du Plan numérique 2012, mais ce sujet suppose un travail préalable approfondi. Avis défavorable.
M. Hervé Maurey. - Compte tenu de ces assurances, je retire l'amendement.
L'amendement n°185 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°199, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Il est institué une responsabilité publique pour l'audiovisuel, l'information et la communication qui fixe les missions de service public pour l'ensemble des entreprises publiques et privées du secteur de l'audiovisuel.
Ces missions sont définies par la loi n°2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
M. Jack Ralite. - Une telle responsabilité publique est une nécessité. On ne peut pas avoir d'une part une télévision publique que l'on domine et d'autre part une télévision privée que l'on libère sans rivages ! Pas moins de 98,5 % des Français sont des téléspectateurs : c'est un fait de société ! Or on n'en discute que partiellement.
L'idée d'une telle responsabilité est née lors d'un meeting à la Mutualité en 1985, bourré d'artistes, où Michel Mitrani, grand réalisateur, appelait à inventer une alternative française aux défis de l'audiovisuel. Lors des états généraux de la culture en 1987, nous étions 7 000 au Zénith, et 3 000 dehors ! Des milliers d'artistes ont contribué à une Déclaration des droits de la culture, réclamant une responsabilité publique, une loi sur le secteur public, des mesures d'intérêt général s'imposant au privé. La loi de 1988 a été l'occasion d'un débat important -notre ancien collègue Lederman en dressait l'alphabet. La loi de 2000 de Mme Tasca a prévu des missions mettant cette idée en forme.
Le Monde publiait avant-hier un article de Philippe Meirieu intitulé « Pour une télé responsable », soutenu par nombre de syndicats et associations du monde de l'éducation. Il affirme qu'il est temps d'étudier le problème des relations entre la télévision et la société.
Quelle hypocrisie : on donne tout au privé, sans avoir le courage de lui imposer la moindre responsabilité ! On demande aux acteurs de s'entendre entre eux. Résultat : un document illisible, encore plus d'obligations pour le public et encore moins pour le privé ! On aménage les chiffres pour obtenir la signature de M6. C'est un texte de compromis au plus bas niveau, qui remet en cause les acquis !
Il est temps de mettre en avant une responsabilité publique et nationale. Cet article permettra de franchir une nouvelle étape, la seule à être véritablement historique ! Pourquoi ne pas organiser au Sénat, au printemps, des états généraux de la télévision et de la société françaises, afin d'aller plus loin, et de revenir sur ce texte, qui n'apporte que des déboires potentiels et des dangers visibles à l'oeil nu ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Il appartient au législateur d'affiner les missions du secteur public. Quant aux chaînes privées, en fonction des autorisations données, elles sont tenues à des obligations, notamment en matière de création. C'est un système équilibré : avis défavorable.
Mme Christine Albanel, ministre. - Défavorable. Je n'ai pas compris ce que vous entendiez par « responsabilité publique ». Elle est exercée par l'actionnaire d'une part et par le CSA d'autre part.
M. Jack Ralite. - Je ne parle pas d'un détail de pacotille ! Quand le mouvement populaire de notre pays a inventé la liberté, l'égalité, la fraternité, qui demandent encore tant d'efforts, il n'était pas prévu que certains y seraient tenus par la loi quand d'autres seraient libres de s'en moquer !
Cette responsabilité publique est une nouvelle dimension du droit français, européen et mondial. On a besoin d'un droit sur l'imaginaire. La question est posée, ne l'étrécissons pas, agrandissons-la pour en comprendre la signification et la profondeur.
M. Serge Lagauche. - Il serait bon que la majorité fasse un effort pour nous éviter tous ces scrutins publics. Un ou deux sénateurs de plus suffiraient pour que nous ayons une vraie discussion au lieu de purs votes de principe.
M. David Assouline. - Cela nous permet d'aller à un train de sénateur... (Sourires)
A la demande de la commission, l'amendement n°199 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 140 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
M. David Assouline. - La remarque de M. Lagauche mérite que l'on s'y arrête. J'en appelle au sursaut. Nous ressentons tous l'affront fait au Sénat par la décision de mettre la loi en application avant même qu'il en discute. Je comprends que les sénateurs de l'UMP, que l'on a « pris pour des zozos » pour reprendre des mots entendus, protestent en restant chez eux, mais il est fondamental que le peu de débat qui nous reste sur cette réforme ait vraiment lieu, entre majorité et opposition. Sinon, nous creusons ainsi notre tombe. Si les médias s'intéressaient tant soit peu au déroulement de cette séance, l'effet serait destructeur. Une occasion nouvelle de faire rebondir le débat, toujours ouvert, sur l'utilité du Sénat... Je sais que certains fusils restent braqués sur cette chambre -je puis d'autant plus franchement dire que je suis convaincu de son utilité que je ne l'ai pas toujours été. Je demande donc à l'ensemble des groupes de cette assemblée de prendre leurs responsabilités.
Discussion des articles (Suite)
Article premier A
La dernière phrase du troisième alinéa de l'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi rédigée :
« Il rend compte chaque année au Parlement des actions des éditeurs de services de télévision en matière de programmation reflétant la diversité de la société française et propose les mesures adaptées pour améliorer l'effectivité de cette diversité dans les programmes. »
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Voilà un article cosmétique bien fait pour farder votre réforme, qui met au nombre des missions du CSA -dont nous verrons bientôt quel sort est fait à ses fonctions et à ses compétences- celle de mettre en musique et en images la diversité promue par M. Sarkozy.
Le rapport au fond, même s'il ne revient pas sur le contenu de l'article, dont il propose l'adoption conforme, nous indique clairement que c'est dans le droit fil du discours de l'École polytechnique que cet article est arrivé ici. Mais la diversité chère au Président de la République n'est guère qu'un avatar de l'« affirmative action » à l'américaine, ou discrimination positive. Le CSA doit aider les sociétés de programme à mettre en évidence la diversité des origines, de façon visible. Il doit formuler des propositions, qui n'auront pourtant valeur que de simples recommandations, puisqu'elles ne seront pas assorties de sanctions.
C'est un fait que la diversité de la société française n'est que très imparfaitement perceptible à la télévision. Mais suffit-il de prévoir un quota -appelons les choses par leur nom- de candidats issus de l'immigration, ou un certain nombre d'animateurs de télévision présentant les mêmes caractéristiques pour y remédier ? Au contraire, une telle politique ne peut que favoriser la communautarisation de la société française, dont nos concitoyens ne veulent pas. Et à quoi bon prévoir qu'un présentateur appartienne à une « minorité visible » si l'on ne change rien au traitement de l'actualité sociale, si l'on ne dit rien de la lutte des travailleurs issus de l'immigration ? A comparer le temps d'antenne voué à la quête aux expulsions menée par M. Hortefeux à celui qui est consacré aux associations de soutien aux familles ou au scandale toujours vivace de Sangatte, on peut douter des intentions réelles du promoteur de ce texte.
A la vérité, il faut commencer par assurer les missions de service public pour régler une partie des questions que cet article pose de la plus mauvaise manière.
M. le président. - Amendement n°241, présenté par M. Maurey et les membres du groupe UC.
Après les mots :
la société française
supprimer la fin du second alinéa de cet article.
M. Hervé Maurey. - Comme les deux co-rapporteurs l'ont souligné, il est indispensable que les sociétés nationales de programme prennent mieux en compte la diversité française dans leur programmation.
Sur la proposition de son président, M. Michel Boyon, le CSA a créé en janvier 2007 un groupe de travail sur ce sujet. Le 24 juillet 2007, il a créé un Observatoire de la diversité, chargé notamment de formuler des propositions.
Le président du CSA estime que la « situation n'est pas acceptable, elle n'est pas admissible, elle n'est pas tolérable ». En effet, la diversité sur les chaînes de télévision n'a progressé que d'un point en dix ans pour les journaux télévisés, la fiction et les animateurs. Cette situation ne peut perdurer, c'est pourquoi l'article introduit par les députés va dans le bon sens.
Toutefois, il nous semble excessif que le CSA dispose d'un droit de proposition en matière de programmation, car sa mission se limite au contrôle et au constat.
M. le président. - Amendement n°293 rectifié, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
A la fin du second alinéa de cet article, remplacer les mots :
dans les programmes
par les mots :
dans toutes les catégories de programmes
Mme Bariza Khiari. - La diversité est une chance pour notre pays, mais sa visibilité dans les programmes des médias est faible. Malgré les engagements et les envolées lyriques des beaux discours sur la promotion de la diversité, qui semble être tout à la fois un impératif républicain et celui d'une société qui intègre autour d'un idéal commun sans nier les différences, les médias ne reflètent pas encore la société plurielle qui fait notre Nation.
Il incombe donc au CSA de contrôler la promotion de la diversité par les médias de notre pays. L'enquête que Rachid Arhab a réalisée sur ce sujet révèle l'écart entre les déclarations et les faits, avec une analyse particulièrement instructive des secteurs de programmation : certains secteurs jugés « nobles », comme les journaux ou les magazines d'information, sont encore des bastions que les femmes peinent à conquérir ; les fictions restent peu propices à la diversité, contrairement aux émissions de variétés.
Dès lors, la mention vague de « programmes » doit être remplacée par celle de « catégorie de programmes », conformément à la réflexion du CSA.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - La diversité a été largement évoquée en commission. Nous souhaitons qu'elle soit présente sur les écrans de télévision.
La commission est donc défavorable à l'amendement n°241, qui restreint les possibilités d'amélioration, alors qu'elle est très favorable à l'amendement n°293 rectifié, présenté par le groupe socialiste que je remercie d'avoir rectifié sa suggestion.
M. Charles Pasqua. - Fort bien !
Mme Christine Albanel, ministre. - Même avis.
L'amendement n°241 est retiré.
L'amendement n°293 rectifié est adopté.
L'article premier A, modifié, est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°109, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 4. - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel comprend onze membres désignés selon la répartition suivante :
« - Cinq parlementaires désignés par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, dans le respect du pluralisme ;
« - Deux membres désignés par le Président de la République. Ces nominations sont faites sur la base de candidatures rendues publiques et sont soumises à la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution ;
« - Deux membres sont désignés par le président du Conseil économique, social et environnemental ;
« - Deux membres représentent les syndicats du secteur audiovisuel ;
« Le mode de désignation des quatre derniers membres est fixé par décret.
« Le président est élu par les membres du Conseil pour la durée de ses fonctions en tant que membre du conseil. »
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous voulons rendre sa légitimité à cette autorité administrative garante du pluralisme qu'est le CSA.
Depuis des années, nous appelons de nos voeux cette réforme, nécessaire de l'aveu même du Président de la République, qui invoque le dysfonctionnement de cette autorité pour nommer lui-même le président de France Télévisions : la nomination par le CSA est « hypocrite », dit M. Sarkozy, puisque cette instance n'est pas indépendante. Il en déduit que le mieux serait qu'il nomme directement ce président. L'argument est fabuleux ! Au lieu de mettre fin à un dysfonctionnement de la démocratie, le Président veut l'ériger en règle. En clair, il vaut mieux que cette nomination soit clairement le fait du prince, plutôt qu'elle le soit indirectement. Un tel sophisme est inconcevable pour qui est attaché à la démocratie et à la République.
Si l'autorité de régulation et d'arbitrage n'est pas indépendante, plutôt que de lui retirer l'essentiel de ses compétences, il vaut mieux la réformer, car la démocratie exige qu'un tiers indépendant statue sur d'éventuels conflits entre le pouvoir et les citoyens.
Il est vrai que le CSA n'est pas indépendant à l'heure actuelle. Les dernières déclarations de son président dans la presse en ont administré une ultime preuve : prétendre que supprimer le CSA représenterait « une garantie d'indépendance supplémentaire pour l'audiovisuel public » marque sa soumission au chef de l'État, d'une manière moins cocasse qu'inquiétante.
Pour rendre sa légitimité au CSA, il faut donc assurer le pluralisme en son sein et rendre plus transparente la nomination de ses membres. A cette fin, nous proposons d'accroître le nombre de parlementaires en son sein, afin que résonnent les voix de citoyens téléspectateurs, et d'introduire des représentants des syndicats de l'audiovisuel. Nous proposons en outre que les désignations gouvernementales soient fondées sur l'article 13 de la Constitution.
Sans pluralisme et transparence, il n'y a pas de diversité !
M. le président. - Amendement n°294, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Les cinq premiers alinéas de l'article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sont ainsi rédigés :
« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel comprend huit membres. Deux sont désignés sur proposition conjointe des groupes appartenant à la majorité de l'Assemblée nationale, deux sur proposition conjointe des groupes n'appartenant pas à la majorité de l'Assemblée nationale. Deux sont désignés sur proposition conjointe des groupes appartenant à la majorité du Sénat, deux sur proposition conjointe des groupes n'appartenant pas à la majorité du Sénat.
« Ils ne peuvent être nommés au-delà de l'âge de 65 ans.
« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel élit son président parmi ses membres. En cas d'empêchement du président, pour quelque cause que ce soit, la présidence est assurée par le membre du conseil le plus âgé.
« Le mandat des membres du conseil est de six ans. Il n'est ni révocable, ni renouvelable. Il n'est pas interrompu par les règles concernant la limite d'âge éventuellement applicable aux intéressés.
« Le conseil est renouvelé complètement tous les six ans. »
II - Le septième alinéa du même code est ainsi rédigé :
« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut délibérer que si six au moins de ses membres sont présents. »
M. David Assouline. - Le CSA exerce la mission, essentielle en démocratie, de réguler la communication audiovisuelle. A ce titre, il est constitué sous forme d'autorité administrative indépendante, dont l'indépendance se limite malheureusement à sa dénomination.
Il devra pourtant assumer une responsabilité considérable en donnant un avis conforme aux nominations, par le Président de la République, des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur. Ainsi, dépossédés du droit de nommer les responsables de l'audiovisuel public, les membres du CSA pourront s'opposer à l'autorité de celui qui aura choisi un tiers d'entre eux, ainsi que leur président. La preuve est ainsi faite que, loin de mettre fin à l'hypocrisie actuelle, le nouveau système de nomination l'institutionnalisera encore plus.
Pour assurer l'indépendance des membres du CSA, il faut modifier leur nomination. Tout comme les rapporteurs, nous souhaitons que le CSA devienne réellement indépendant pour exercer de nouvelles prérogatives, notamment quant au financement des sociétés de l'audiovisuel public.
Nous voulons éviter que se reproduise la situation actuelle, qui voit la totalité des membres du CSA désignée par trois autorités issues de la même majorité politique. La droite ne devrait pas s'en satisfaire, puisqu'elle pourrait subir une situation symétrique. Le caractère politiquement monocolore du CSA sera confirmé par les prochaines nominations qui devront bientôt pourvoir les trois sièges dont les titulaires arrivent en fin de mandat.
Nous proposons de confier la nomination des membres du CSA paritairement à la majorité de chaque assemblée parlementaire. De toutes les formules envisageables, la meilleure pour traverser les alternances consiste à faire nommer la moitié des membres par la majorité et l'autre moitié par l'opposition.
Quel que soit le gouvernement, chacun y trouvera son compte et la démocratie y gagnera.
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Nos collègues abordent un vrai sujet.
La composition actuelle du CSA remonte à 1989. Elle a donc traversé sans encombre plusieurs alternances politiques.
Par ailleurs, nous examinerons sans doute d'ici 2012 le rapprochement de l'Arcep et du CSA. Nous pourrons alors fixer la composition de la future autorité indépendante.
Pour ces raisons, la commission n'est pas favorable aux amendements.
Mme Christine Albanel, ministre. - Même avis pour les excellentes raisons développées par le rapporteur. Si le mode de désignation des membres du CSA depuis 1989 est sujet à débat -je pense notamment, à gauche, aux récentes déclarations de M. Lang-, il n'est pas au coeur de ce texte. Nous aurons l'occasion d'en discuter à l'occasion de l'éventuel rapprochement de l'Arcep et du CSA.
Mme Catherine Tasca. - Je déplore, encore une fois, que le Gouvernement n'ait pas ouvert le dossier de la composition et des missions du CSA à l'occasion de cette réforme qui consiste, nous répète-t-on depuis le 8 janvier 2008, en une véritable révolution, une nécessaire adaptation à un monde, des technologies et des forces économiques en plein changement.
Depuis que nous avons créé les premières instances de régulation indépendantes de l'audiovisuel il y une vingtaine d'années, la réflexion de la gauche a évolué -et cela ne date pas des dernières semaines ! A l'époque, nous avions adopté le schéma classique qui prévaut pour le Conseil constitutionnel -une désignation par les trois plus hautes autorités de l'État : le Président de la République, le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale-, considérant que cela suffisait à garantir l'indépendance de l'autorité. Certes, et M. Longuet l'a légitimement rappelé, nous ne pouvons faire mine de découvrir tout à coup que ce système ne fonctionnait pas quand il a fait ses preuves. Pour autant, et alors que le CSA prendra des décisions autrement plus importantes dans les vingt prochaines années, nous avons tout intérêt à renforcer la crédibilité de cet organisme, souvent suspect auprès de l'opinion publique et des professionnels, quelle que soit la qualité de ses membres, en raison de sa couleur politique trop visible, trop éclatante. Nous proposons donc une formule neuve, qui constituerait la traduction de la dernière révision constitutionnelle, en prévoyant que l'opposition et la majorité nommeraient sur un pied d'égalité les membres du CSA. Au demeurant, madame le ministre, je m'étonne que vous défendiez le statu quo dans ce domaine après avoir plaidé avec tant d'ardeur pour le caractère novateur de votre réforme...
L'amendement n°109 n'est pas adopté.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°294, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
Mme Catherine Tasca. - C'est une occasion manquée !
M. le président. - Amendement n°110, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Conseil supérieur de l'Audiovisuel veille à ce que les services de radio et télévision respectent, au sein de leurs programmes, la répartition suivante du temps de parole :
- un tiers du temps aux interventions du Président de la République, de ses collaborateurs, et des membres du Gouvernement ;
- deux tiers du temps aux représentants politiques en fonction de leur représentativité aux dernières élections nationales et locales selon des critères fixés par décret.
M. Jean-François Voguet. - Comptabiliser les interventions médiatiques du Président de la République et de ses collaborateurs dans le temps de parole réservé à l'exécutif est une réforme urgente à l'heure où, pour reprendre les termes de Noël Mamère, notre pays est dirigé par un « télé-président ». Les chiffres sont éloquents : d'après le CSA, le temps de parole du Président de la République, après avoir été situé à 7 % du temps global des interventions politiques entre 1989 et 2005, a atteint 13,3 % au deuxième semestre 2007, voire 21,4 % si l'on ne retient que les journaux télévisés. Le comité de réflexion sur la modernisation des institutions de la Ve République a d'ailleurs qualifié « d'anomalie » la méthode actuelle de décompte des temps de parole, soulignant que « cette situation [était] la traduction d'une conception dépassée du rôle du chef de l'État ». Au reste, cette réforme permettrait de garantir effectivement le pluralisme politique dans les médias, inscrit à l'article premier de la loi du 30 septembre 1986, que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 septembre 1986, a élevé au rang d'objectif de valeur constitutionnelle.
M. le président. - Amendement n°295, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 13 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il veille à ce que les services de radio et de télévision respectent, au sein de leurs programmes, une répartition des temps d'intervention entre le Président de la République et les membres du Gouvernement, pour un tiers du temps, les personnalités appartenant à la majorité parlementaire, pour un tiers du temps et les personnalités appartenant à l'opposition parlementaire, pour un tiers du temps. »
M. David Assouline. - Nous tenons particulièrement à cet amendement que nous avions défendu lors de la dernière révision constitutionnelle. Depuis 1989, le CSA veille au respect du pluralisme dans les médias, selon les termes de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986, en appliquant la règle des trois tiers héritée de l'ORTF entre l'exécutif, la majorité et l'opposition. Depuis la loi du 1er février 1994, les parlementaires et les partis politiques ont un droit de regard mensuel sur le décompte des interventions politiques qu'il établit.
Le Conseil, considérant que la Constitution place le chef de l'État dans un rôle d'arbitre, a toujours refusé de comptabiliser ses interventions dans le temps de parole du Gouvernement ; position confirmée par le Conseil d'État le 13 mai 2005 à propos du référendum sur le traité constitutionnel européen. Or la dérive présidentialiste de la Ve République depuis les dernières élections et la multiplication des interventions du Président de la République dans les médias rompent l'équilibre qui avait été trouvé d'autant que celui-ci jouit, depuis la dernière révision constitutionnelle, de la faculté de s'exprimer devant le Parlement réuni en Congrès et qu'il est devenu le véritable chef de la majorité. D'où notre proposition de comptabiliser les interventions du chef de l'État dans celles réservées à l'exécutif.
Deux tiers du temps de parole à la majorité, cela me semble bien suffisant !
M. Michel Thiollière, rapporteur. - Nous ne sommes pas favorables à ces amendements. La fonction de Président de la République recouvre des champs extérieurs qui n'ont rien à voir avec le débat politique hexagonal. Durant les six derniers mois, le Président de la République s'est exprimé comme président de l'Union européenne ; dans sa mission au Proche-Orient, il a représenté notre pays, non telle sensibilité politique ! Il serait dangereux d'aller dans le sens que vous préconisez. Le Président de la République, quelle que soit son origine politique, exerce une mission de chef de l'État, il représente le pays.
Mme Christine Albanel, ministre. - Défavorable pour les mêmes raisons. Le Président de la République s'exprime souvent au nom des intérêts supérieurs de la Nation. Ne sortons pas de la logique des principes de la Ve République.
Mme Marie-Christine Blandin. - Est-ce notre faute si le dernier président de la République en est complètement sorti ? On n'a jamais vu sous la Ve République un président pouvoir s'exprimer devant le Parlement, ni être omniprésent dans les affaires du Gouvernement, au point que le Premier ministre, raillé par les journalistes, en a été un temps déstabilisé ! Comment pouvez-vous affirmer que les institutions fonctionnent comme avant ? Qui a déclaré, il y a un an, « Je supprime la publicité » ? Qui a déclaré, hier, « Je supprime le juge d'instruction » ? Et aux ministres, ensuite, de s'en dépatouiller. Le temps de parole du Président de la République, dans ce nouveau cadre, doit être comptabilisé.
M. Jack Ralite. - Curieuse définition du travail politique d'un homme que de distinguer entre ses activités hexagonale et internationale ! Les membres de l'opposition aussi se déplacent, ont des relations avec les peuples étrangers. Comment allez-vous décompter leur temps ? Votre réponse exprime un rétrécissement de la conception de la politique. Il faut voter nos amendements de dignité, de vérité, qui procèdent d'un souci républicain.
M. David Assouline. - La suppression de la publicité s'applique déjà. Mais nous espérions au moins débattre de cette « nouvelle télévision publique » que nous promettait la commission Copé. Nous avons cru que nous parlerions de la modernisation, des grands défis à relever, de la création, du nouveau PAF, de la place spécifique de l'audiovisuel public. Mais à chacune de nos propositions, vous fermez les oreilles, puis d'une phrase lapidaire nous invitez à passer à autre chose...
Les pratiques politiques ont changé, nous proposons une réforme de mouvement, non de régression. Le chef de l'État a choisi d'être le chef de l'exécutif. Et, en homme moderne, il sait recourir aux médias. Il occupe la place. Il se montre tous les jours chef de l'exécutif. Finalement, la mesure que nous demandons, il aurait dû la proposer lui-même. Tous les jours, loin de se poser en arbitre, il donne des ordres, gouverne et le fait savoir dans les médias.
Avec la réforme du quinquennat, on est quasiment sûr qu'il n'y aura plus de cohabitations -lesquelles, pendant vingt ans, ont permis un certain équilibre. Désormais, président, Gouvernement, majorité législative, c'est la même chose.
Lorsque la gauche remportera l'élection présidentielle, j'éprouverai une certaine satisfaction à entendre les démocrates de droite plaider pour notre idée, au nom du pluralisme. Dommage qu'il en aille ainsi et qu'on ne puisse surmonter le débat partisan... Cet amendement, nous le présentons pour vous, pour nous, pour la démocratie !
L'amendement n°110 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°295.
La séance est suspendue à 19 h 40.
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
La séance reprend à 21 h 50.