Culture
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances. - La mission « Culture » continue à être partagée en trois programmes : patrimoine, création, transmission du savoir et démocratisation de la culture. Le compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » qui leur était associé disparaît.
Au total 2 841 milliards en autorisations d'engagement et 2 782 en crédits de paiement, complétés de 55,8 millions en autorisations d'engagement et 42,19 millions en crédits de paiement, par des fonds de concours, bénéficiant essentiellement aux dépenses d'investissement du programme 175 « Patrimoines ». La mission emploie 29 104 équivalents temps plein travaillé, dont 11 130 pour le ministère, et 17 874 pour les EP qui en constituent depuis toujours la force de frappe essentielle. Les dépenses fiscales affectées à la mission sont de 1,2 milliard, dont 500 millions pour le ministère et un peu moins de 700 pour les grands opérateurs. La principale observation, depuis l'an passé, c'est le profond déséquilibre entre les crédits d'engagement et les crédits de paiement.
Les « bleus » budgétaires contiennent des tableaux présentant le suivi des crédits de paiement associés à la consommation des autorisations d'engagement qui présentent la soutenabilité de la politique publique. En 2008, 6,5 % des crédits de la mission servaient à couvrir des engagements antérieurs à 2008 ; en 2009, ce pourcentage atteint 11 %. Fin 2009, les engagements non couverts s'élèvent à 1 559 millions, à comparer avec les 2 790 millions ouverts au titre de la mission. Cette glissade est particulièrement menaçante pour le programme « Patrimoine » : 22,66 % des crédits ouverts en 2009 serviront à financer des engagements pris avant 2009 ! Le solde des engagements non couverts par des crédits de paiement à la fin de 2009 sera supérieur au montant des crédits ouverts en 2009 : 1 129 millions seront alloués à la politique du patrimoine en 2009 et 1 136 millions d'euros seront dus au 31 décembre 2009 au titre de cette même politique !
La contrainte est moins forte pour les deux autres programmes de la mission. La part des crédits 2009 consacrés aux engagements antérieurs est de 3,28 % pour le programme 131 « Création » et 2,77 % pour le programme 224 « Transmission des savoirs ». Le solde des engagements non couverts à la fin de l'année ne sera donc, si l'on peut dire, que de 30,81 % pour le 131 et 20,7 % pour le 224.
Je m'interroge sur la capacité du ministère à honorer les engagements déjà pris et les coûts éventuels du ralentissement de la couverture des engagements que prévoit ce projet de loi de finances, tant pour l'État que pour ses créanciers, à commencer par les entreprises et les collectivités locales. C'est pourquoi je vous présenterai un amendement de réduction des autorisations d'engagement de moitié pour l'année à venir. Amendement qui vise d'abord à susciter le débat.
Ne faut-il pas aussi prendre en compte les engagements prévus par les contrats État-régions, soit 250 millions supplémentaires, et les besoins d'investissements inéluctables du ministère et de ces opérateurs, à commencer par l'auditorium de la Villette appelé encore « philharmonique de Paris », déclaré prioritaire par le Président de la République.
Compte tenu de la situation budgétaire, et aussi de cette fuite en avant sur les crédits du patrimoine, il conviendrait de ne se lancer dans aucun grand projet culturel. La gestion du passé est à elle seule suffisamment contraignante. L'entretien des monuments historiques a fait l'objet de prévisions extrêmement sombres. Le rapport sur l'état du parc monumental français, prévu par la loi de finances pour 2007, à la suite d'un amendement de votre commission des finances, conclut sur un investissement global de 2 milliards dans les cinq ans à venir. Or les enjeux sont pharaoniques.
La philharmonie de Paris coûterait en investissement 204 millions hors taxe. Les coûts de fonctionnement de l'association porteuse ne sont pas évalués. Il est question d'un partage entre l'État pour 45 %, la ville de Paris pour 45 % et la région pour 10 %. L'État devrait donc payer 91,8 millions mais 139,97 millions, sont inscrits. La part de l'État serait donc portée à 68,6 %, au titre du « financement de la procédure de dialogue compétitif » dans l'hypothèse d'un partenariat public-privé. Les 48 millions supplémentaires correspondraient au « montant de marge de promotion à destination du partenaire ». Montant qui semble fort coûteux pour l'État. Il est prévu, pour le fonctionnement, 5,7 millions en autorisations d'engagement et crédits de paiement, compte tenu d'un financement spécifique à partir du CAS « Gestion du patrimoine ».
J'ai demandé des éclaircissements sur le point de vue de la revue générale des politiques publiques sur ce projet. Mais puisque c'est la volonté du Président de la République, n'insistons pas.
Il faudra aussi compléter le financement du plan de modernisation des écoles d'architecture, soit aujourd'hui 157,93 millions d'euros, dont 35 % proviennent du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Quelles cessions immobilières viennent nourrir ce compte ? Pourra-t-on compter, comme semble l'espérer Mme la ministre, sur l'affectation d'une recette fiscale pérenne ? Les paris en ligne non sportifs ? Mais rien n'est décidé. Un prélèvement sur la Française des jeux ? L'expérience tentée l'an dernier avec le Centre des monuments nationaux avait débouché sur un décevant fond de concours au budget de la Direction de l'architecture et du patrimoine...
Des autorisations d'engagement de 103,5 millions sont affectés aux monuments appartenant aux collectivités locales et aux propriétaires privés ; l'important, surtout pour les entreprises spécialisées, qui savent se faire entendre, c'est de donner de la visibilité à moyen terme, ne serait-ce que pour le renouvellement de leurs ouvriers spécialisés, dont certains pourraient être, à la manière japonaise, qualifiés de trésors vivants, c'est-à-dire mortels.
Je me félicite que la commission des finances ait proposé de supprimer le plafonnement à 200 000 euros du montant des déficits et charges imputables sur le revenu global au titre de monuments historiques non ouverts au public. La dépense fiscale vient en effet suppléer une dépense budgétaire défaillante. (Applaudissements à droite)
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. - Les programmes « Patrimoines » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » représentent respectivement 41 % et 30 % des dotations de la mission « Culture ».
La commission est toujours attentive au patrimoine monumental. Les crédits consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques s'établiront à 303 millions d'euros, grâce aux 20 millions d'euros issus de la cession d'immeubles de l'État. Si l'effort doit être salué, la situation reste tendue dans certaines Drac en raison du volume des engagements passés restant à couvrir ; cela conduit à différer le lancement d'opérations nouvelles, avec des conséquences pour les entreprises spécialisées et la conservation des bâtiments. Il faudra réaliser un état des lieux précis région par région pour donner de la visibilité aux acteurs du patrimoine et aux propriétaires. Un rapport récent a montré que 20 % des monuments classés étaient en situation de péril ; 400 millions par an seraient nécessaires, ce qu'avait aussi estimé la mission d'information présidée par M. Philippe Richert et dont j'étais le rapporteur en 2006.
Une ressource complémentaire pérenne est indispensable. Des pistes sont à l'étude, les paris en ligne ou un prélèvement sur la Française des Jeux, mais celle-ci est très convoitée. Il faut rapidement en venir à une décision définitive.
Le mécénat est un autre levier de financement : où en sont les textes règlementaires d'application du dispositif voté par le Sénat dans la loi de finances pour 2007 en faveur des monuments privés ? Nous présenterons des amendements pour supprimer le plafonnement du régime fiscal « monuments historiques » introduit à l'Assemblée nationale, qui est contraire aux engagements pris par le Premier ministre en juin dernier. Ce régime fiscal est un soutien essentiel à l'initiative privée.
S'agissant de l'archéologie préventive, il faut concilier les besoins de la recherche, que nous ne contestons pas, et les impératifs du développement économique. La réforme envisagée doit y parvenir.
Je me réjouis que le projet de budget confirme la réalisation du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée de Marseille, d'autant que cette ville sera capitale européenne de la culture en 2013 et que l'Union pour la Méditerranée a été lancée. Je salue également les actions menées avec la Justice pour renforcer la sécurité des musées et lutter contre le trafic illicite de biens culturels. Je m'interroge, en revanche, sur les suites qui seront données à l'expérimentation de la gratuité des musées ; plusieurs d'entre nous avaient mis en doute, lors du débat de mars dernier, son impact sur la démocratisation des publics. Le bilan de l'opération confirme nos réserves, à l'exception toutefois des mesures ciblées sur les jeunes. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?
Un mot enfin de l'éducation artistique. La mission confiée à André Malraux en 1959 de rendre accessibles au plus grand nombre les oeuvres capitales de l'Humanité est plus que jamais d'actualité. Je me réjouis que l'histoire des arts soit enfin introduite dans le primaire ; j'attends avec impatience qu'elle le soit au collège et au lycée.
La commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux patrimoines et à la transmission des savoirs. (Applaudissements à droite)
M. Serge Lagauche. - Je m'attacherai au programme « Création », qui représente 38 % des crédits de la mission, et au secteur du cinéma.
Au sein du programme « Création », 15 millions d'euros de ressources extra budgétaires sont affectées à l'action « Spectacle vivant ». Au regard de la programmation pluriannuelle 2009-2011, il faudra les pérenniser. Je m'interroge en outre sur le nouvel indicateur relatif à « l'optimisation de la procédure de traitement des demandes de subvention » : pourquoi le coût de ce traitement varie-t-il du simple au double selon l'instance qui instruit le dossier ?
Je comprends l'intérêt du projet de Philharmonie de Paris à la Villette, mais je m'inquiète qu'il concentre une part aussi importante des crédits d'investissement, sans parler des frais de fonctionnement à venir. Il ne faudrait pas que les grands projets parisiens creusent le déséquilibre entre la capitale et les régions.
Parmi les objectifs des Entretiens de Valois figure le souhait d'une collaboration régionale et d'une meilleure articulation entre les interventions. C'est essentiel, mais les collectivités territoriales souffrant elles-mêmes de contraintes budgétaires, il paraît difficile qu'elles puissent accentuer leur soutien au spectacle vivant et, plus généralement, aux actions culturelles. L'an dernier, nous avions soutenu l'idée de créer un observatoire du spectacle vivant ; on semble préférer une mise en réseau ; sera-t-elle efficace ? Que pensez-vous de la proposition de certains professionnels de créer un Centre national du spectacle vivant à l'image du CNC ?
Certains progrès ont été réalisés dans la diffusion et la circulation des spectacles, mais l'évolution est trop lente ; même dans le théâtre et le cirque, chaque spectacle n'est représenté en moyenne que 2,7 fois, contre 1,9 toutes disciplines confondues.
Le projet de loi de finances prévoit l'affectation directe au CNC des taxes du compte de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles ; parallèlement à la suppression du compte d'affectation spéciale, la mission « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » disparaît. Fort heureusement, le Parlement reste informé de l'évolution et de l'utilisation des ressources du CNC, mais je regrette qu'aucun projet de loi spécifique au secteur du cinéma ne soit envisagé. Quelles dispositions sont prévues pour soutenir les investissements nécessaires au développement de la projection numérique ?
Nous soutiendrons les mesures tendant à renforcer l'attractivité de notre territoire et y accueillir davantage de tournages. Quelles sont par ailleurs vos orientations de réforme du dispositif de soutien ?
S'agissant de l'emploi culturel, je note que la courbe du nombre d'intermittents allocataires remonte et que le déficit des annexes 8 et 10 est d'environ 1 milliard d'euros.
Je m'interroge enfin sur la proposition de directive européenne visant à allonger la durée de protection des droits des artistes interprètes et exécutants, et de leurs producteurs. Est-il normal de l'aligner sur celle des auteurs ? N'est-ce pas contradictoire avec la volonté de favoriser la diffusion légale des oeuvres ? Ne protège-t-on pas ainsi davantage les enfants et petits-enfants des artistes que ces derniers ? Cette démarche ne vient-elle pas contredire le projet de réserver le droit de suite sur la revente des oeuvres d'art aux seules oeuvres des artistes vivants ? J'ai d'ailleurs quelques doutes sur ce dernier projet.
La commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme « Création » de la mission « Culture » ainsi qu'aux articles 59 octies et 59 nonies rattachés. (Applaudissements à droite)
Orateurs inscrits
M. Jack Ralite. - Le 2 décembre, j'étais au Louvre, sous la pyramide de Pei, pour écouter Boulez et l'Orchestre de Paris interpréter L'Oiseau de feu de Stravinski ; il y avait là 3 000 personnes, dont 500 lycéens. Ce fut un moment de bonheur. La veille, aux Amandiers de Nanterre, avec d'autres passionnés de théâtre, j'écoutais Dominique Blanc interpréter le beau texte de Marguerite Duras, La Douleur, sous le regard affectueux et chaleureux de Patrice Chéreau. La voix et les gestes de l'actrice furent un merveilleux cadeau de pensée et de sensibilité. J'aurais pu parler d'autres rendez-vous artistiques, mais je voulais, au travers de ces deux aventures, dire ce que les artistes créent en France aujourd'hui.
Ces créations, je voudrais tant que chacun en soit partenaire, notamment les salariés que le grand patronat tente, trop souvent avec succès, de transformer en boxeurs manchots. Je voudrais que la vitalité de ces actes fasse comprendre le bien-fondé d'une politique de création. Je voudrais tout simplement remercier les artistes.
Parlant ainsi, je participe au mouvement de colère qui explosera un jour, car cinquante ans après la création du ministère de la culture, son budget détricote le travail accompli, avec des artifices dont il faut dire un mot.
Pour 2007, Renaud Donnedieu de Vabres déclarait que les moyens de la culture augmenteraient de 7,8 %. Pour 2008, vous avez annoncé une progression de 3,1 %. Pour ce cinquantième budget, vous affirmez que les crédits de la mission « Culture » progresseront de 2,6 % par rapport à 2008, avec des ressources extrabudgétaires. Pour qui croit à l'imprimé ministériel, les crédits de la création, de la culture et du patrimoine ont donc augmenté de 14 % en trois ans. Hélas, ce n'est pas la vérité : 70 millions d'euros ont été comptés deux fois en 2007, ce qui ramène la hausse à 5,48 %. En 2008, les 70 millions étaient encore là, qui ne pouvaient y être, l'augmentation étant donc réduite à 0,5 %. Les 2,6 % annoncés pour 2009 sont exacts, mais la progression triennale est ramenée à 8,7 % pour une inflation de 6,6 %, soit une hausse moyenne en volume annuelle de 0,7 %. Au surplus, Bercy et l'Élysée veulent geler 5 % des crédits d'équipement.
Enfin, nous votons aujourd'hui un budget triennal encadré jusqu'à fin 2011, avec 17 millions d'euros supplémentaires en 2010, soit 0,6 % et 18 autres millions en 2011, soit encore 0,64 %. L'inflation annuelle sera sans doute supérieure.
Vous présentez un budget opaque, souvent tricheur, ce que je ne trouve guère cultivé.
Dans le détail, l'action culturelle autour du cinéma souffre toujours de maltraitance malgré le CNC, le patrimoine en appelle aux collectivités territoriales, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), qui manque de tout, est envoyé à Reims pour... compenser la fermeture d'une caserne !
En trois ans, 415 suppressions d'emplois sont prévues, qui fragiliseront les femmes et les hommes, chaînons essentiels de la politique culturelle. Si chaque emploi supprimé économise 40 000 euros, on aboutit à 17 millions, soit 0,7 % de crédits qui n'atteignent pas 1 % du budget de l'État. Et la RGPP déstabilise le ministère pour de telles queues de cerise !
Vous avez organisé les entretiens de Valois, dont la conclusion tarde. Le 24 novembre, les organisations de théâtres publics et privés ont dit leur vif désaccord, au Théâtre du Rond-point.
Vous avez la responsabilité de la presse, mais M. Sarkozy organise des états généraux où les journalistes sont mal considérés, tandis que M. Lagardère propose que les kiosquiers puissent choisir les titres pour leurs clients, grâce à une modulation des prix de vente, dans la limite de 5 %.
Vous avez la responsabilité des médias, à qui M. Sarkozy impose l'étatisme et l'affairisme. La commission Copé s'est volatilisée, les salariés de France Télévisions ont fait grève trois fois en juin et septembre, deux lieux parisiens de spectacles ont été remplis par des contestataires de la réforme.
Après avoir autonomisé les universités, Mme Pécresse a proposé au conseil des ministres que 20 % des crédits attribués, au lieu de 3 %, soient fondés sur la professionnalisation.
Le CNRS est malmené. Vous avez noté la vigoureuse réponse des chercheurs.
M. Darcos mine le système scolaire et n'accorde que des confettis pour l'éducation artistique. Enseignants et parents ont largement manifesté le 20 novembre et ce n'est pas fini.
Un texte fondateur est devenu la feuille de route des pouvoirs publics, sans le moindre débat : c'est le rapport Jouyet-Lévy de décembre 2006, L'économie de l'immatériel, la croissance de demain, écrit par huit inspecteurs des finances, onze dirigeants d'entreprise et... un artiste ! Ce rapport a une importance équivalente à celui consacré en 1978 par MM. Nora et Minc à l'informatisation de la société. Aujourd'hui, libéraliser la culture, la recherche, la création et l'enseignement n'est que le prétexte d'une mutation socio-économique. Le rapport propose de transformer les universités et les musées en les identifiant à des marques, au nom du rayonnement de la France ! Les droits d'auteur sont remis en chantier pour l'économie de l'immatériel, notion élastique et floue inspirée d'un modèle publicitaire.
La connaissance et la culture jouent un grand rôle dans la société, mais les transformer en simples actifs comptables a une dimension idéologique au service d'un projet normatif de société. Le chercheur Pierre Musso écrit que parce que la culture est, selon Gaston Bachelard, « une accession à l'émergence », l'économie de l'immatériel étendue aux affaires de l'esprit peut conduire au « saut dans le vide » pressenti par Yves Klein, l'artiste visionnaire de l'immatériel.
Le rapport Jouyet-Lévy a inspiré l'injonction que le Président de la République a faite le 1er août 2007 en inscrivant dans votre lettre de mission qu'il fallait revoir l'inaliénabilité du patrimoine muséal. Jacques Rigaud, fondateur de la première grande démarche française de mécénat, vous a remis un rapport d'opposition où il a écrit : « Force est de constater que l'on a à faire à une approche réductrice parce que strictement commerciale », avant de constater qu'on « ne saurait conclure que le plus sûr moyen de valoriser le patrimoine de la Nation soit de le vendre ». Malgré les efforts du Gouvernement, la première tentative d'appliquer le rapport Jouyet-Lévy a donc échoué.
J'ai participé à la rencontre européenne que vous avez organisée début octobre sur les nouvelles frontières de l'économie de la culture, et au Forum d'Avignon, organisé en novembre par votre prédécesseur au Palais des papes.
Au cours de la première, l'ancien secrétaire d'État à la culture des Pays-Bas a fait une déclaration manichéenne : « il faut savoir si l'on choisit le libéralisme ou le protectionnisme, si l'on choisit l'art pur ou l'art appliqué ». Dans la seconde rencontre, vous-même et le Premier ministre avez parlé à une grande assemblée des industries culturelles d'Europe et d'Amérique. Certains disent : « industries créatives ». La presse a dénommé cette réunion le « Davos de la culture ». Méfiez-vous ! Le monde tremble aujourd'hui des vérités éternelles auto-endommagées énoncées à Davos !
De ces deux réunions, j'ai conclu que le Président de la République et chaque ministre appellent les grands groupes culturels et médiatiques à prendre en charge la politique culturelle, avec la déréglementation que cela suppose.
« L'homme symbolise comme il respire », dit Pierre Legendre. Il respire déjà de plus en plus mal et l'on voudrait le comprimer pour réduire enfin son aptitude à la symbolisation ? Nous ne l'accepterons pas !
Marguerite Duras, dont La douleur m'a ébloui au Théâtre des amandiers, a évoqué dans un autre ouvrage « le hurlement intérieur du refus ».Boulez, mon bonheur des rendez-vous du Louvre, a prononcé au Collège de France cette phrase simple et décisive : « L'histoire n'est pas ce qu'on subit, elle est ce qu'on agit ! » (Applaudissements à gauche)
Mme Françoise Laborde. - L'année 2009 sera celle d'un grand rendez-vous avec la culture, avec la réforme de l'audiovisuel public, actuellement discutée à l'Assemblée nationale. Mais ce débat ne doit pas monopoliser notre attention : vous présentez aujourd'hui un budget en légère progression, ce dont je me réjouis car il est indispensable de faciliter l'accès de tous à la formation, aux activités artistiques et culturelles, de garantir le développement d'une culture indépendante face a une industrie concentrée entre quelques opérateurs privés. C'est le prix à payer pour que nos concitoyens restent acteurs de la société de demain.
La hausse de votre budget nous rassurerait pleinement si elle ne reposait sur des calculs étonnants.
Veiller à la bonne gestion de vos crédits est louable, mais la culture ne se résume pas à des coûts. En outre, je ne suis pas seule à douter de vos chiffres, présentés sans prendre en compte l'inflation et organisés selon une logique de rentabilité. Gonflés par des opérations exceptionnelles, comme la vente de la marque du Louvre à Abou-Dhabi pour 400 millions d'euros encaissables en trois ans, ils sont parfois artificiellement abondés par des opérations immobilières masquant une absence de financement structurel et un endettement inquiétant.
Mon premier sujet de préoccupation concerne les autorisations d'engagement. Comment pouvez-vous présenter une hausse, alors que les arriérés de paiement des directions régionales des affaires culturelles atteignent 450 millions d'euros ? En comptabilité d'entreprise, on parlerait de faillite.
Le programme 224, consacré au projet annuel de performance culture 2009, inclut le partenariat du ministère avec l'éducation populaire. Or, toute référence à la charte pluriannuelle signée en 1990 avec les onze fédérations d'éducation populaire a disparu. Pouvez-vous confirmer qu'elle sera pérennisée ? Ces associations sont des partenaires de confiance pour les collectivités territoriales.
Je serai particulièrement à attentive au soutien que vous apporterez au livre numérique, aux librairies indépendantes, aux médiathèques de proximité, bref à la démocratisation de la lecture. Tous les efforts en ce sens doivent être encouragés !
Pour ma part, en tant qu'élue locale responsable de la gestion d'une médiathèque, d'une salle de cinéma et d'une salle de spectacle municipales, j'agis au quotidien pour diffuser la culture de proximité dans sa diversité. Le spectacle vivant devrait être davantage valorisé car il fait vivre nos territoires et nos cultures régionales. II connaît un succès croissant et donne corps à notre identité culturelle. Les crédits de paiement que vous y consacrez sont insuffisants au regard des coûts incompressibles, essentiellement de personnel. Et c'est pourquoi je soutiens la proposition de notre rapporteur pour avis, Serge Lagauche, de pérenniser les ressources extrabudgétaires de 15 millions issues de cessions immobilières.
Le programme « Transmission des savoirs » : j'espère que l'introduction de l'histoire de l'art au primaire et au collège ne se fera pas au détriment de l'initiation aux pratiques artistiques mais sera accompagnée d'une pédagogie vivante, faite de sorties au concert, au spectacle et au musée.
J'insiste aussi sur la nécessité de rétablir l'équilibre des dépenses entre une capitale budgétivore et des territoires sous-dotés.
Les Entretiens de Valois, dont nous ignorons encore les conclusions, auraient dû donner des orientations budgétaires déterminant notre vote. Mais nous aurons tout le temps nécessaire pour les étudier avant le budget 2010. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, madame le ministre, ainsi que sur le devenir du statut des intermittents du spectacle et sur la reconnaissance des bénévoles qui font vivre notre patrimoine culturel ?
Chaque euro consacré à la culture est un euro bien employé et c'est pourquoi tous les membres du RDSE n'auront de cesse de vous demander des efforts budgétaires supplémentaires.
M. Serge Lagauche. - L'année 2009, cinquantième anniversaire de la création du ministère de la culture, sera une année charnière pour les acteurs culturels de notre pays. La réforme de l'audiovisuel public, la nouvelle législation sur la protection des droits d'auteur sur le net, les conclusions des états généraux de la presse ou encore celles des Entretiens de Valois, tout cela modifiera le rapport de nos concitoyens avec le monde de la culture et de la création.
De ce foisonnement de réformes nous attendions un budget offensif et volontaire d'accompagnement. Il n'en est rien. L'augmentation de 2,6 % des crédits de la mission doit cependant être relativisée. Cette augmentation est tout d'abord celle des crédits de paiement qui incluent 35 millions de ressources extrabudgétaires issus de cessions d'immeubles appartenant à l'État et qui ne sont pas des recettes pérennes. Hors ressources extrabudgétaires et hors dépenses incompressibles de personnel, ladite augmentation tombe à 0,2 %.
En outre, cette prétendue hausse ne concerne pas les autorisations d'engagement qui chutent de 2,7 % si l'on déduit les dépenses de personnel et les ressources extrabudgétaires. Les capacités de dépense de votre ministère seront donc inférieures à ce qu'elles étaient l'an passé, alors que dans le même temps, la révision générale des politiques publiques vous impose un gel de 5 % des crédits.
Dans ces conditions, on comprend mieux, madame la ministre, le désarroi que vous avez exprimé à l'Assemblée nationale : « Quand je me considère, je me désole, quand je me compare, je me console ! ».Nous ne sommes nullement consolés quelle que soit la situation de vos homologues européens.
Au programme « Patrimoine », secteur sinistré depuis six ans, les crédits destinés aux monuments historiques seront de 4 millions inférieurs à ceux de 2008 et l'endettement des Drac atteindra 600 millions, soit deux ans de crédits budgétaires. Le programme « Création » est présenté en progression de 2,8 % mais, là encore, il faut relativiser cet effet d'optique puisque hors ressources extrabudgétaires, la progression tombe à 0,6 %. Les industries culturelles progressent certes de 24 %, mais uniquement en raison des 6,7 millions inscrits pour la création de l'Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet). Les crédits affectés aux arts plastiques stagnent et ceux alloués au livre et à la lecture chutent de 2,2 %.
La hausse affichée de 2,4 % des crédits du spectacle vivant n'est une fois de plus que le fait des 15 millions issus de cessions d'immeubles. Vous faites de nouveau appel à des ressources extrabudgétaires qui, certes, avec 5 millions affectés aux Drac, rétablissent partiellement l'équilibre entre les crédits centraux et déconcentrés, mais qui ne sont pas renouvelables. Or, les documents budgétaires indiquent explicitement que, s'agissant des recettes extrabudgétaires, « ces dotations viennent en substitution des crédits budgétaires habituellement alloués ». En d'autres termes, l'augmentation de 15 millions sera effective en 2009, mais elle fragilise le mode de financement régulier du spectacle vivant en introduisant une ressource ponctuelle et non pérenne. Or, les acteurs du spectacle vivant ont particulièrement besoin de lisibilité quant aux subventions qui leur sont attribuées.
Il s'agit de soutenir un réseau de près de 1 000 lieux de création, de production ou de diffusion situés sur l'ensemble du territoire et destinés aux théâtres, aux arts du cirque, de la rue, à la musique à la danse, aux centres culturels pluridisciplinaires. Pour la plupart d'entre eux, toute création est un risque, artistique certes, mais également financier. Pour le théâtre et le cirque par exemple, mais c'est valable pour l'ensemble des représentations en public, chaque spectacle fait en moyenne l'objet de moins de deux représentations. Nous serons attentifs à ce que ce très faible taux de représentation ne soit pas utilisé comme un prétexte pour limiter les subventions attribuées par les services centraux ou déconcentrés de votre ministère. On ne calcule pas l'efficience -terme barbare en matière culturelle- d'un spectacle en fonction du succès qu'il rencontre auprès du public. C'est pourtant ce que sous-entend l'obligation de résultat mentionnée dans la lettre de mission que vous a remise le Président de la République à votre entrée en fonction. Ce dernier estime en effet que la démocratisation culturelle, c'est avant tout « veiller à ce que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant aux attentes du public ». Cette obligation de résultat est un non-sens en matière culturelle.
On ne fabrique pas un spectacle en fonction de ce que l'on estime devoir remporter un vif succès auprès du public. Ou alors on catégorise les goûts artistiques et culturels présupposés du public selon son âge, son origine sociale et on finit par ne subventionner que des lieux et des troupes qui proposent un type bien défini de spectacles. En d'autres termes, on formate et on assèche la création originale.
C'est si vrai que cette obligation de résultat ainsi formulée a déclenché les foudres de l'ensemble des professionnels qui vous ont demandé la mise en place l'an passé d'un « Grenelle de la Culture », rebaptisé en « Entretiens de Valois ». Pouvez-vous, nous dire s'il en sortira des propositions concrètes pour augmenter de manière significative le nombre de représentations en public de chaque spectacle ? La circulation des oeuvres doit notamment être encouragée entre les théâtres publics et les théâtres privés. Il en va de la démocratisation de la culture. Or, tout amalgame entre démocratisation et uniformisation serait mal venu. Les professionnels du spectacle vivant sont inquiets et craignent que leurs revendications ne soient pas prises en compte dans les conclusions des Entretiens de Valois. C'est ce qu'ils ont exprimé le 24 novembre au Théâtre du Rond-point. Les employeurs du spectacle vivant, public et privé, associés à l'Union fédérale d'intervention des structures culturelles voyaient en effet dans les Entretiens de Valois l'opportunité de préparer avec votre ministère une loi d'orientation et de programmation pour le spectacle vivant. Une telle loi est le meilleur moyen de repenser les liens existants entre les structures publiques et privées et de mutualiser entre elles la diffusion des spectacles afin d'en augmenter le nombre de représentations. Or il semble que cet objectif ne fasse plus parti des priorités de votre ministère.
C'est d'autant plus inquiétant qu'une telle loi pourrait également être l'occasion de clarifier les responsabilités respectives de l'État et des collectivités territoriales en matière de financement culturel. Une meilleure articulation des interventions entre l'État, les Drac et les collectivités était d'ailleurs un des quatre grands objectifs que s'étaient fixés les groupes de travail des Entretiens de Valois. Les collectivités souffrent elles-mêmes de contraintes budgétaires ; il ne serait pas raisonnable d'alourdir leurs charges alors qu'elles assument déjà plus des deux tiers des interventions publiques en matière culturelle.
Par ailleurs, le gel de 5 % des crédits de votre ministère au titre de la RGPP fait peser sur les programmateurs publics et privés un risque de récession sur la chaîne création-production-diffusion et par conséquent sur l'emploi dans le spectacle vivant. Il faudra donc prendre en compte ces éléments lors de la future renégociation des annexes 8 et 10 de la convention Unedic sur l'indemnisation du chômage des intermittents du spectacle. Nous y serons attentifs sur ce point. Vous l'avez compris, madame la ministre, nous attendons les conclusions des Entretiens de Valois.
Face à la faiblesse de votre budget pour le spectacle vivant qui ne tient que par des ressources extrabudgétaires ponctuelles, nous attendons une réforme capable de redonner du souffle à la création artistique et permettant de convaincre les plus hautes instances gouvernementales de l'intérêt pour notre pays d'un grand plan de relance culturelle publique, car, pour l'heure, vos moyens sont si faibles que la politique publique culturelle risque de disparaître. Nous sommes d'autant plus inquiets que la loi de programmation des finances publiques pour 2009-2011 prévoit, pour le programme « Création », hors ressources extrabudgétaires, une baisse de 3 % des moyens d'interventions de votre ministère : il y a là un choix politique clair auquel nous ne pouvons souscrire. C'est pourquoi le groupe socialiste ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Dans le contexte budgétaire contraint que connaît notre pays, l'augmentation de plus de 2 % des crédits de la mission « Culture » témoigne d'un réel effort. Ce budget se caractérise par une stabilité des crédits, garantie pour les années 2010 et 2011. II devrait permettre, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, de dégager des marges de manoeuvre suffisantes pour faire face aux besoins, à condition de pérenniser les ressources extrabudgétaires indispensables.
S'agissant du programme « Patrimoines », les crédits alloués aux monuments historiques sont consolidés à leur niveau de 2008. Cette stabilisation s'inscrit dans une perspective pluriannuelle et c'est une excellente chose quand on sait que les fluctuations budgétaires ont des conséquences désastreuses sur l'état des monuments. Je rejoins ici notre rapporteur spécial, Yann Gaillard, pour qui il faut estimer le caractère d'urgence des travaux d'entretien ou de restauration prévus afin de mieux orienter les crédits. La dégradation d'un monument entraîne des travaux de réparation souvent bien plus coûteux que des travaux d'entretien.
Cependant, je m'inquiète de la diminution de 18 % des autorisations d'engagement qui risque de se traduire, faute de crédits déconcentrés, par des reports ou des arrêts de chantiers en région où les Drac ont déjà un niveau de dettes élevés. A cela viennent s'ajouter deux inquiétudes liées à la remise en cause de dispositifs fiscaux indispensables à l'entretien des monuments historiques. La réforme du dispositif de la loi Malraux en faveur des secteurs sauvegardés et le plafonnement décidé par l'Assemblée nationale de l'avantage fiscal dont bénéficient les propriétaires de monuments historiques, inscrits ou classés, sont deux mesures particulièrement malvenues. D'abord, parce que les crédits budgétaires restent, malgré les efforts réalisés, insuffisants par rapport aux besoins du secteur. Nous sommes encore loin des 400 millions annuels, jugés nécessaires par notre mission sénatoriale sur le patrimoine architectural. Ensuite parce que plusieurs rapports ont rappelé le mauvais état du patrimoine monumental. C'est pourquoi, je soutiendrai les amendements de notre rapporteur Philippe Nachbar qui proposent de supprimer les plafonnements ainsi institués. J'ai moi-même, avec ma collègue Jacqueline Gourault, déposé un amendement de suppression de l'article 42 bis, car l'entretien de monuments historiques, même non ouverts au public, concourt à l'intérêt collectif. Je salue la priorité accordée aux monuments n'appartenant pas à l'État, ceux des collectivités locales et des propriétaires privés. Enfin, j'approuve le projet d'affecter, à compter de 2010, aux monuments historiques une partie des recettes issues des paris en ligne non sportifs ou une fraction des produits de la Française des jeux.
C'était une recommandation de la mission sénatoriale qui y voyait une bonne solution pour trouver les 350 à 400 millions d'euros de ressources pérennes.
Concernant le spectacle vivant, la construction de la Philharmonie de Paris absorbe une large part des crédits, au détriment de la province. Les crédits, globalement, stagnent. Ne fragilisons pas le spectacle vivant alors que les autres actions progressent. Le groupe d'études sénatorial souhaiterait en savoir plus sur les crédits des arts de la rue et du cirque.
Plusieurs réformes sont en cours dans le cadre de la RGPP et des entretiens de Valois, lieu de redéfinition des modalités d'intervention de l'État à l'égard du spectacle vivant. Nous attendons les conclusions de ces discussions avec impatience. Les professionnels craignent que la RGPP conduise à tendre encore plus la situation d'établissements déjà confrontés à une augmentation de leurs coûts de fonctionnement. La généralisation des contrats de performance pose la question de la reconduction automatique des aides. Autre problème, les établissements ne sont pas habitués à répondre à une obligation de résultat. Les professionnels redoutent aussi que les aides aillent prioritairement aux oeuvres répondant aux « attentes du public » ; il faut les rassurer et leur expliquer l'utilité des contrats d'objectifs et de moyens. La mesure de performance des structures artistiques passe bien sûr par des critères qualitatifs, définis en concertation.
Les entretiens de Valois ont aussi pour but de redéfinir les interventions de l'État en concertation avec les collectivités locales au profit du spectacle vivant. Notre groupe demande depuis longtemps une loi d'orientation du spectacle vivant pour clarifier les rôles. Je me félicite de la réactivation du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. L'État comprend qu'il ne peut plus être ordonnateur mais partenaire à part entière.
La modernisation doit se traduire sur le terrain par un nouveau fonctionnement des Drac afin de montrer que l'État a décidé de rester présent sur le territoire : il ne saurait en effet se désengager et faire financer les structures de spectacle par les collectivités. Les enjeux culturels et artistiques ne doivent pas être absents de la réforme des collectivités locales qui s'annonce.
Les crédits de la mission « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont sanctuarisés, en tout cas pour ceux qui touchent la décentralisation des enseignements artistiques. J'espère que nous aboutirons sur la question de la formation et de la sensibilisation des jeunes. En revanche, l'action en faveur de l'accès à la culture n'est pas bien dotée : baisse des crédits pour les handicapés, les associations de lutte contre l'exclusion, les associations d'éducation populaire, etc. Nous sommes inquiets.
Un effort est fait pour l'éducation artistique et culturelle à l'école. Mais quelle suite sera donnée aux recommandations d'Éric Gross ? Le Président de la République vous a demandé, ainsi qu'à votre collègue de l'éducation nationale, de travailler sur la démocratisation culturelle. Bientôt, les professeurs bénéficieront de la gratuité dans les musées ; l'histoire de l'art sera enseignée à l'école primaire et au collège. Qu'en est-il des autres mesures annoncées ? Le rapport Gross évoquait la formation des enseignants, le contact des jeunes avec les oeuvres et les artistes, le partenariat avec les collectivités locales... Où en est ce plan commun ? Il semble que le ministère de l'éducation nationale rechigne à dégager les moyens ! Le travail interministériel, sur des sujets comme celui-ci, est pourtant essentiel.
Dans une conjoncture contrainte, les crédits de la mission « Culture » augmentent de plus de 2 %. Nous apprécions cet effort et nous voterons ce budget. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Yves Dauge. - Nous traînons année après année, en ce qui concerne le patrimoine, un besoin de financement de 400 millions d'euros, alors que les crédits se situent autour de 300 millions. Il y a aussi le problème des Drac. Le patrimoine peut-il entrer dans le plan de relance ? Les discussions sont sans doute encore ouvertes, mais l'opportunité est trop belle ! Et l'efficacité pourrait être immédiate. Des ressources complémentaires permettant d'atteindre ce seuil de 400 millions en régime de croisière seraient très bienvenues pour les entreprises, les collectivités. S'agissant des monuments historiques, le Gouvernement est ouvert à la discussion. Que faut-il entendre par « hors plafond » : hors plafond travaux ou hors plafond global ?
Sur les secteurs sauvegardés, je souligne la contradiction qui existe entre le soutien à l'économie et une série de mesures qui tombent mal et risquent de casser la dynamique du patrimoine. Justice fiscale ? Ne nous accusez pas de défendre un avantage fiscal taillé pour quelques privilégiés... Madame la ministre, je suis, dans cette affaire, de votre côté !
Nombre de sénateurs siégeant à la commission des affaires culturelles et ailleurs souhaitent la relance d'une grande politique du patrimoine -et le moins de contraintes possible !
Mme Christine Albanel, ministre. - Ce budget, en progression de 2,8 %, marque un effort important en ces temps de tension budgétaire. D'autant que s'y ajoutent des ressources extrabudgétaires substantielles, 20 millions pour le patrimoine, ce qui permet d'atteindre 305 millions hors fonds de concours. Nous explorons également la piste des jeux. Les premiers résultats sont encourageants.
Nous nous sommes efforcés que le patrimoine soit pris en compte dans le plan de relance. Sur les 4 milliards d'euros d'investissements supplémentaires, 100 millions nous seront alloués, qui permettront de lancer plus de cent opérations de restauration et d'accélérer les grands projets culturels, y compris en régions.
S'y ajoutent les aides fiscales. Dans le débat sur les niches, le Gouvernement n'a pas souhaité modifier le dispositif relatif aux monuments historiques. Sur le dispositif Malraux, nous réfléchissons dans trois directions : le périmètre des charges imputables, le taux de réduction et la mise en place d'un mécanisme de report des excédents. Pour les monuments historiques non ouverts au public, sujet qui suscite des discussions nourries, je me félicite du dépôt des amendements de vos deux commissions et espère que la CMP parviendra à un consensus. Les avantages fiscaux pour les propriétaires privés ne sont pas, à mon sens, des niches fiscales, mais signent au contraire un engagement du bénéficiaire.
M. Jacques Legendre. - Très bien !
Mme Christine Albanel, ministre. - Le mécénat doit pouvoir mobiliser des financements privés. Le dispositif de l'article 10 de la loi de finances pour 2007 est incitatif. La publication des textes d'application est récente. Il semble que la ressource escomptée permet de compléter le financement des opérations allant de 60 000 à 1 million d'euros. Reste que le dispositif est pénalisé par l'exclusion des monuments fournissant à leur propriétaire des recettes commerciales supérieures à 60 000 euros par an.
La tension sur le patrimoine existe, mais nous menons une politique raisonnable. Le budget 2009 prend en compte l'objectif de réduction du volume des restes à payer. Nous avons calculé au plus juste le montant des autorisations d'engagement, qui passent de 1,106 milliard en 2008 à 899 millions en 2009. Aller au-delà serait renouer avec une politique de « stop and go » préjudiciable aux opérations. Le fait que les crédits de paiement s'égalent aux autorisations d'engagement est une bonne chose. Ils augmentent pour les engagements antérieurs, notamment en faveur des musées territoriaux et la restauration des monuments historiques n'appartenant pas à l'État.
Un mot sur le Philharmonique, qui a suscité des interrogations. Il n'entraîne pas de risque d'éviction des investissements en région, j'en veux pour preuve les inaugurations récentes du théâtre de Poitiers, du grand auditorium de Provence et bientôt de celui de Bordeaux. Le contrat de plan État-régions 2010 sera l'occasion d'engager des opérations structurantes pour les territoires.
Pour la maîtrise d'ouvrage, le schéma de financement retenu est celui du partenariat public-privé, qui permet de différer les charges financières de la construction et responsabilise l'opérateur privé, en termes de délais et de qualité de la construction d'un bâtiment dont la charge de l'entretien lui reviendra. Deux options sont envisageables, soit un partenariat public-privé classique, soit un schéma alternatif, où l'on distingue le financement de l'exploitation, la maîtrise d'ouvrage étant conservée par la structure de préfiguration. Le choix est à l'étude et se fera dans un cadre concerté.
Pour la salle Pleyel, la possibilité est envisagée que la Cité de la musique se porte propriétaire, en faisant jouer une clause d'option d'achat prévue par le bail. Elle suppose un emprunt, dont le remboursement serait couvert par les loyers.
S'agissant de l'Inrap, l'objectif est d'améliorer les délais d'intervention et de développer une offre concurrentielle. La capacité des équipes sur le terrain a été renforcée, grâce à une augmentation des effectifs. Le nombre de prescription de fouille, que nous nous efforçons de maîtriser, a été stabilisé. Pour faire face à des opérations exceptionnelles comme le Canal Seine-Nord-Europe, nous étudions la possibilité de créer un nouveau contrat, dont la durée serait corrélée à celle de l'opération. Nous nous efforçons également d'augmenter le nombre des opérateurs en délivrant de nouveaux agréments.
L'expérience de la gratuité a augmenté la fréquentation dans des lieux jusqu'alors peu fréquentés, sans changer profondément la structure des publics. Nous nous orientons vers la gratuité totale jusqu'à 25 ans. Elle devrait également être accordée aux enseignants, mais financée par le ministère de l'éducation nationale, à hauteur de 12 millions.
J'en viens à l'éducation artistique. L'enseignement de l'histoire de l'art est davantage de la responsabilité de l'éducation nationale. Une épreuve spécifique a été créée au brevet et une option histoire de l'art au lycée. Nous sommes mobilisés pour donner vie à ce plan éducation artistique ; nous souhaitons devenir un vrai centre de ressources humaines et numériques. L'expérience d'Européana a montré que la France n'était pas en reste puisqu'elle a fourni 52 % des ressources. Nous travaillons aussi à la création d'un grand portail de la ressource gratuite pour l'éducation artistique et culturelle.
Sur le programme création, l'existence de ressources extrabudgétaires, dont nous souhaitons la pérennisation, explique la diminution des crédits du spectacle vivant. Nous réfléchissons à la création d'un fonds d'aide à la création et à la diffusion.
M. Lagauche m'a interrogé sur l'optimisation de la procédure de traitement des demandes de subvention. C'est un problème d'indicateur, que nous travaillons à fiabiliser.
Les entretiens de la rue de Valois n'ont pas pour vocation d'accroître les efforts des collectivités locales pour le spectacle vivant mais de renforcer le partenariat, la diffusion des oeuvres, l'emploi. Nous travaillons actuellement sur l'hypothèse d'une instance régionale de concertation, pour élaborer la carte du spectacle vivant. Nous élaborons également une méthode d'évaluation, avec des outils statistiques.
Je ne crois pas utile de créer un centre national du spectacle, sur le modèle du CNC. Les métiers du cinéma et du spectacle vivant sont différents. En revanche, je crois utile de relancer les Commissions régionales des professions du spectacle (Coreps).
Sur le cinéma numérique, nous avons installé des groupes de travail pour la modernisation des salles.
Le nombre d'intermittents s'est stabilisé, autour de 100 000 : nous avons enrayé la forte croissance, sans qu'il y ait d'exclusions massives, comme certains le craignaient. Cependant, le déficit se creuse. Les indemnisations ont augmenté, davantage pour les techniciens que pour les artistes.
L'an prochain, les annexes 8 et 10 seront renégociées. Je n'ai pas le sentiment qu'elles soient mises en question ; l'Unedic est sensible aux efforts sur les conventions collectives, passées de 45 à 8, toutes signées sauf une.
Nous avons lancé une réflexion sur le théâtre amateur ; il ne paraît pas utile de légiférer mais plutôt de procéder par une charte pour prendre en compte les spécificités de cette activité.
Les aides au livre doublent. Nous mettons en place les librairies références, avec l'aide du CNL. Quant aux arts plastiques, leurs autorisations d'engagement progressent de 8 %.
Les arts du cirque bénéficient de 12 millions, un effort particulier est consenti sur la formation, avec notamment un parcours pédagogique associant les trois grandes écoles du cirque. Nous favorisons également l'itinérance du cirque.
Voilà pour le tour d'horizon de ce budget ! (Applaudissements à droite et au centre)
Examen des crédits
Article 35 (État B)
Mme Christine Albanel, ministre. - Nous majorons de 6 217 000 euros des crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Nous tirons ainsi les conséquences du rattachement de la direction du développement des médias (DDM) au ministère de la culture et de la communication.
L'amendement n°II-131, accepté par la commission est adopté.
M. le président. - Amendement n°II-11, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Nous réduisons de moitié les autorisations d'engagement, soit une diminution de 1,136 milliard. C'est un amendement d'appel de pure rhétorique, un prêt-à-retirer si Mme le ministre me le demande... (Sourires)
Mme Christine Albanel, ministre. - Effectivement !
L'amendement n°II-11 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-194, présenté par le Gouvernement.
Mme Christine Albanel, ministre. - En conséquence de la décentralisation de l'Inventaire général et des monuments historiques, nous annulons 1 023 767 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Cette annulation correspond aux rémunérations des agents ayant opté pour un transfert de la fonction publique d'État vers la fonction publique territoriale.
L'amendement n°II-194, accepté par la commission, est adopté.
M. le président. - Amendement n°II-384, présenté par le Gouvernement.
Mme Christine Albanel, ministre. - Ce transfert correspond à la prise en charge par le musée d'Orsay et le Centre national des arts plastiques, de la rémunération de leurs dirigeants.
L'amendement n°II-384, accepté par la commission, est adopté.
Les crédits de la mission « Culture » sont adoptés.
Article additionnel avant l'article 59
M. le président. - Amendement n°II-189, présenté par MM. Gaillard, Legendre et Richert.
Avant l'article 59 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 524-7 du code du patrimoine est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa du I, le taux : « 0,3 % » est remplacé par le taux : « 0,6 % » ;
2° Au premier alinéa du II, le montant : « 0,32 euro » est remplacé par le montant : « 0,6 euro ».
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Les problèmes rencontrés par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) expliquent qu'un amendement identique provienne des deux côtés de cet hémicycle. Madame le ministre, merci d'avoir présidé le comité de recherche archéologique. Nous augmentons la redevance, sans conséquence pour les prélèvements obligatoires.
M. le président. - Amendement identique n°II-241, présenté par M. Dauge et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
M. Yves Dauge. - Il est défendu.
L'amendement n°II-189, identique à l'amendement n°II-241, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.
L'article 59 octies est adopté.
L'article 59 nonies est adopté.
Prochaine séance aujourd'hui, samedi 6 décembre 2008, à 14 heures.
La séance est levée à 2 h 30.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du Samedi 6 décembre 2008
Séance publique
A QUATORZE HEURES
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l'Assemblée nationale (n°98, 2008-2009).
Rapport (n°99, 2008-2009) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.
Examen des missions :
- Sport, jeunesse et vie associative (+ articles 77, 78 et 78 bis)
M. Michel Sergent, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°30)
MM. Pierre Martin et Jean-Jacques Lozach, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n°100, tome VIII)
- Économie
Compte spécial : gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien
MM. André Ferrand et François Rebsamen, rapporteurs spéciaux (rapport n° 99, annexe n° 11)
MM. Pierre Hérisson, Gérard Cornu et Mme Odette Terrade, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 101, tome II)