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Table des matières
Modernisation de l'économie (CMP - Nominations)
Allocution de M. le Président du Sénat
Modernisation des institutions de la Ve République (Deuxième lecture)
Modernisation des institutions de la Ve République (Deuxième lecture - Suite)
SÉANCE
du mardi 15 juillet 2008
9e séance de la session extraordinaire 2007-2008
présidence de M. Christian Poncelet
La séance est ouverte à 16 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Modernisation de l'économie (CMP - Nominations)
M. le président. - J'ai reçu le 11 juillet de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le projet de loi de modernisation de l'économie. Conformément à l'article 12 du Règlement, les nominations de membres de cette commission mixte paritaire effectuées lors de notre séance du 10 juillet ont donc pris effet.
Allocution de M. le Président du Sénat
M. le président. - Arrivés dans les dernières encablures de cette soixante-dixième session extraordinaire de la Ve République, il m'est particulièrement agréable de sacrifier une nouvelle fois à l'heureuse tradition républicaine que constitue cette allocution annonçant la fin prochaine de nos travaux parlementaires et l'approche d'une brève interruption estivale que nous aurons, je crois, les uns comme les autres, bien méritée.
Au terme de cette année parlementaire 2007-2008, marquée par d'importantes réformes qui se sont traduites par autant de discussions législatives, mais aussi -je ne saurais aujourd'hui l'oublier- constitutionnelles, je tiens d'abord à exprimer toute ma gratitude à tous ceux qui ont permis à notre assemblée de tenir pleinement son rôle, en toutes circonstances, au coeur des institutions de la Ve République.
Permettez-moi d'abord, monsieur le Premier ministre, de vous remercier pour l'attention constante que vous-même et les membres de votre Gouvernement avez portée aux travaux du Sénat, dont la qualité même résulte pour une large part d'un dialogue fécond avec le Gouvernement. (Applaudissements à droite et au centre) Permettez-moi aussi de rendre un hommage singulier à notre infatigable secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, (Applaudissements et « Bravo » à droite) pour son exceptionnelle disponibilité et le talent avec lequel il exerce la rude tâche qui est la sienne : celle de concilier en permanence, avec efficacité et une pointe d'humour qui ne gâche rien, les priorités gouvernementales et les préoccupations légitimes de notre assemblée.
Mais c'est bien sûr aussi à tous les acteurs de l'institution sénatoriale que je me dois, à cet instant, d'exprimer ma reconnaissance.
Elle s'adresse d'abord naturellement à chacune et à chacun d'entre vous, mes chers collègues, quelle que soit votre place dans cet hémicycle. C'est aussi, je le sais, en votre nom que j'exprime ma plus vive gratitude à chacun des présidents de nos groupes politiques qui jouent le rôle déterminant qui doit être le leur dans une assemblée parlementaire et qui assurent l'expression politique de toutes les sensibilités au sein de notre hémicycle. (M. Bernard Saugey approuve)
Je pense également, bien sûr, aux vice-présidents du Sénat qui impriment à nos débats un style impartial, ferme mais conciliant, et contribuent ainsi pour beaucoup à l'image de marque de notre assemblée à laquelle, vous le savez, nos concitoyens sont très attachés.
Je tiens encore à exprimer notre reconnaissance à nos six présidents de commissions permanentes pour le travail considérable et le rôle essentiel qu'ils jouent aussi bien dans nos travaux législatifs, dont ils sont les orfèvres incontestés, que dans nos travaux de contrôle qui sont, comme chacun sait, devenus leur seconde nature et qui donnent tout leur sens aux travaux du Sénat.
Je me dois enfin d'associer à ces remerciements l'ensemble des membres du Bureau du Sénat pour le remarquable travail qu'ils accomplissent, sous l'égide de nos questeurs -auxquels j'exprime ma singulière gratitude- pour améliorer sans cesse le fonctionnement de l'institution que nous avons reçue en partage du suffrage universel.
Mes sincères félicitations iront aussi -et je sais, à cet instant, pouvoir m'exprimer au nom de chacune et de chacun d'entre vous- : aux fonctionnaires du Sénat dont chacun sait ici la compétence, le dévouement et l'efficacité ; (applaudissements) aux collaborateurs des groupes politiques et des sénateurs qui accomplissent une lourde tâche qui s'apparente parfois à un sacerdoce ; et enfin à l'ensemble des collaborateurs de notre chaîne parlementaire Public Sénat et des journalistes qui rendent compte des travaux de notre institution et contribuent ainsi au débat démocratique.
Mes chers collègues, l'année parlementaire qui s'achève l'illustre : le Sénat a tenu, une nouvelle fois, pleinement son rôle au coeur de nos institutions.
Quelles qu'aient pu être les circonstances, parfois difficiles, et les pressions du moment, parfois lourdes, notre assemblée a, je crois, pleinement conforté sa réputation de législateur attentif, scrupuleux et garant des principes fondamentaux, mais aussi de contrôleur quotidien, vigilant et rigoureux de l'action gouvernementale.
Pour s'en tenir à la seule période de la session ordinaire qui vient de s'achever -et donc sans prendre en compte l'activité plus qu'intense, j'allais dire endiablée, qui est la nôtre depuis le 1er juillet-, je constate avec satisfaction que le taux de reprise des amendements du Sénat par l'Assemblée nationale s'est élevé cette année à 92 %.
M. Charles Pasqua. - Et les 8 % restants ?
M. le président. - Et je me félicite de la multiplication des débats organisés dans cet hémicycle, à l'initiative du Gouvernement ou du Sénat lui-même, favorisant ainsi, sous l'impulsion de nos commissions, un contrôle plus régulier et plus intense, notamment en matière budgétaire et financière, mais aussi dans le domaine de la politique étrangère et de la défense de notre pays.
A l'heure où va s'achever notre importante réflexion sur la modernisation de nos institutions, le Sénat a, c'est ma conviction, apporté une nouvelle illustration de son rôle essentiel dans leur équilibre et, finalement, leur bon fonctionnement, pour peu que nous restions fidèles à notre identité sénatoriale qui est elle-même le gage de la qualité de nos travaux. Car, nous le savons bien, la valeur du bicamérisme a pour condition indispensable que le Sénat ne soit pas le « clone » de l'Assemblée nationale.
Le bicamérisme à la française a, je crois, fait ses preuves. L'un des enseignements les plus précieux de nos débats de qualité sur la rénovation de nos institutions réside sans doute -quelles que soient les modalités qui peuvent, bien sûr, avoir la préférence des uns et des autres, y compris dans cet hémicycle- dans la reconnaissance désormais généralisée de la nécessité de ce bicamérisme équilibré et de son apport au bon fonctionnement de nos institutions.
Et j'ai la faiblesse de croire que l'action que nous avons menée, ensemble, au cours des dernières années n'y est pas, loin de là, étrangère ! Je pense à l'auto-réforme de 2003, mais plus encore à la qualité reconnue de nos travaux législatifs, à l'approfondissement de notre activité de contrôle. Je pense en particulier à la clarification de nos règles budgétaires dans un souci constant de vérité et de transparence financière, dans le cadre de la Lolf qui porte une forte empreinte sénatoriale. Je pense également à l'ouverture croissante de notre maison et à notre attention constante aux préoccupations de nos concitoyens et aux évolutions de notre société.
Bien du chemin reste naturellement à accomplir pour permettre à notre assemblée d'occuper, demain, tout l'espace politique, économique et social qui s'offre à elle. Au-delà même de la révision de notre Constitution, qui doit nous permettre de franchir une étape très importante dans ce sens, cela dépend d'abord de notre volonté commune de parlementaires d'exercer pleinement et collégialement les prérogatives qui sont les nôtres.
Je veux redire ici, au moment où vient de s'ouvrir la présidence française de l'Union européenne, combien il est essentiel que nous engagions dans les meilleurs délais la mise en oeuvre des dispositions qui permettront aux parlements nationaux de mieux remplir leur rôle en matière européenne et, en particulier, de rendre plus efficace le contrôle de subsidiarité.
Je veux aussi rappeler à cet instant l'importance d'une meilleure valorisation de notre travail de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. Notre assemblée doit aussi assumer pleinement sa fonction de communication pour porter encore davantage à la connaissance des Français la réalité du travail accompli par le Sénat, trop souvent ignoré.
Mais c'est assurément, en tout état de cause, dans la rénovation du travail parlementaire et dans de nouvelles améliorations du fonctionnement interne de notre assemblée que nous trouverons, je n'en doute pas, les bases concrètes les plus solides du rééquilibrage souhaité de nos institutions. Une prochaine adaptation de notre Règlement en sera nécessairement un des instruments privilégiés.
C'est par cette nouvelle auto-réforme, par cette amélioration constante de ses méthodes de travail, que le Sénat continuera à jouer demain l'intégralité de son rôle au coeur de nos institutions.
Je ne demanderai alors qu'une chose : que le Sénat soit apprécié pour la réalité de sa contribution constante à la qualité de la loi et pour la pertinence de ses recommandations.
Je ne voudrais pas conclure ce propos sans exprimer mon émotion en saluant aujourd'hui ceux de nos collègues qui ne se représenteront pas le 21 septembre prochain.
M. Charles Pasqua. - Morituri te salutant...
M. le président. - Ils ont consacré de longues années à notre maison où ils ont participé à de multiples combats politiques. Mais je sais, quelle que soit la partie de l'hémicycle où ils siègent, qu'ils n'ont eu comme seul objectif que de défendre leurs convictions, l'intérêt général et de promouvoir l'action de notre assemblée. Qu'ils trouvent ici l'expression publique de notre chaleureuse reconnaissance ! (Applaudissements à droite, au centre et sur quelques bancs socialistes)
Quant à ceux d'entre vous qui affronteront à nouveau, dans quelques semaines, le suffrage de leurs grands électeurs, ils savent qu'ils peuvent se présenter devant eux la tête haute. Le Sénat est une assemblée sage et efficace qui sait se grandir -parce que l'intérêt général l'impose- par une réflexion sereine et des décisions justes et équilibrées. Je suis persuadé que vos électeurs en sont conscients et je souhaite qu'ils vous donnent les moyens de poursuivre cette oeuvre au service de la République.
Je conclurai d'un seul mot en souhaitant aux uns une fructueuse campagne, aux autres un repos estival bien mérité, et en vous donnant à toutes et à tous, à chacune et à chacun, rendez-vous à la fin du mois de septembre ! (Applaudissements à droite, au centre et sur quelques bancs socialistes)
Modernisation des institutions de la Ve République (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation des institutions de la Ve République.
Discussion générale
M. François Fillon, Premier ministre. - (Applaudissements à droite) Je remercie l'ensemble du Sénat pour le travail accompli ces douze derniers mois. La session ordinaire a été extraordinairement chargée, la session extraordinaire ne l'est pas moins. C'est que le Président de la République et moi-même n'avons pas voulu laisser sans réponse des problèmes si anciens dans notre pays. Laisser du temps au temps eût creusé encore le fossé entre nos concitoyens et les pouvoirs publics. Nous avons voulu agir vite mais aussi, globalement ; car tout se tient. Et notre ambition était de renouveler l'ensemble du modèle français. Voilà pourquoi nous ne vous avons laissé aucun répit, pourquoi nous vous avons tant sollicités.
Le Sénat s'est montré digne de ses responsabilités et a déployé une fois encore ses qualités, examen attentif des textes, culture du débat, respect mutuel, démontrant tout l'intérêt du bicamérisme.
S'agissant de la réforme des institutions, ma conviction personnelle est que la force du pouvoir exécutif ne se juge pas à la faiblesse du pouvoir législatif. L'équilibre des pouvoirs est un accélérateur d'efficacité. La complémentarité des deux chambres aussi : le Sénat a une mission, un mode d'élection et une culture spécifiques. Le renouvellement interviendra dans quelques semaines et certains d'entre vous siègent ici pour la dernière fois. Au nom du Gouvernement, je leur adresse solennellement notre reconnaissance. Ils ont consacré une partie de leur vie à servir la Nation, qu'ils en soient remerciés. Aux autres, j'indique que le Gouvernement ne relâchera pas le rythme des réformes et s'appuiera sur le Sénat en toute confiance pour assurer la modernisation du pays.
M. le président. - Très bien !
M. Bernard Frimat. - Science-fiction !
M. François Fillon, Premier ministre. - Moins d'une semaine nous sépare désormais de la convocation du Congrès. Pour parvenir à un vote conforme, un travail de concertation a été engagé en amont. (Murmures à gauche) Je tiens à rendre un hommage appuyé à votre rapporteur, Jean-Jacques Hyest. (Applaudissements à droite) Il a été l'artisan d'un consensus qui tient compte des préoccupations de chaque chambre. Sur bien des points, un vote conforme avait été acquis en première lecture. Sur d'autres, l'approche était divergente entre vos deux assemblées.
C'était le cas du droit pour les parlementaires de voter des résolutions. Les députés l'avaient supprimé en première lecture, vous l'aviez restauré. Certains redoutent qu'un tel outil, mal encadré, fragilise les mécanismes de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement. Les autres ne voient pas pourquoi le Parlement français serait privé d'un instrument qui existe dans la plupart des pays européens. Un amendement de compromis a été voté au Sénat. Le Parlement conserve la faculté d'exercer son droit de résolution, mais en confiant au Gouvernement l'appréciation du risque de mise en cause de sa responsabilité politique. « Pas conforme à l'esprit de la Ve République », clament certains. Mais le système avait été envisagé en 1959 dans le règlement de l'Assemblée nationale puis annulé par le Conseil constitutionnel faute d'accroche constitutionnelle.
Sur la composition de la commission chargée de donner un avis sur certaines nominations, une formule susceptible de constituer un consensus a été élaborée. Elle conserve la réunion des deux commissions permanentes souhaitée par l'Assemblée nationale, tout en ménageant la spécificité de chacune des chambres à laquelle vous êtes attachés. Les modalités de ratification des traités d'élargissement de l'Union européenne constituaient également une divergence importante. Les députés avaient manifesté en première lecture leur attachement au référendum pour les élargissements les plus importants, en avançant l'idée d'un seuil de population. Vous avez craint une forme de stigmatisation. Les députés ont voté un dispositif plus équilibré qui tient compte de vos critiques. Le référendum resterait de droit pour tout élargissement. Mais une majorité qualifiée de parlementaires pourrait autoriser le Président à emprunter la voie du Congrès.
S'agissant des langues régionales, l'Assemblée nationale a été sensible au débat qui a eu lieu ici. Le choix du titre XII de préférence à l'article premier pour mentionner les langues régionales, me paraît judicieux et répond à vos objections. L'Assemblée nationale a également accepté de supprimer la commission qui devait encadrer le droit de grâce individuel du Président de la République.
Elle a précisé votre amendement selon lequel les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et leur situation financière. Pour dissiper toute ambiguïté, je précise que la disposition introduite ne saurait avoir pour objet ou pour effet de modifier les attributions de la Cour des comptes, en particulier la certification des comptes publics, qu'elle tient des lois organiques relatives aux lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale de 2005. Est au contraire inscrite à l'article 47 de la Constitution la vocation de la Cour à en vérifier l'application. Les députés se sont abstenus de revenir sur plusieurs dispositions qu'ils avaient votées en première lecture mais que vous aviez supprimées. Sur la question controversée de la répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif, tout d'abord, le rapporteur de l'Assemblée nationale a eu l'élégance de retirer son amendement, auquel vous étiez unanimement hostiles.
M. Josselin de Rohan. - Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. - L'Assemblée nationale a accepté de ne pas reprendre son amendement sur la non-rétroactivité des lois. Comme vous, elle a souhaité s'en tenir au droit existant pour le scrutin sénatorial. Cette voie me paraît sage, car le consensus eût été difficile à trouver. (Marques d'ironie à gauche) Une telle forme n'était du reste pas nécessaire pour que le mode d'élection du Sénat puisse continuer à évoluer, comme il l'a fait récemment. Les députés ont également pris acte des importantes améliorations que vous aviez apportées. Je pense au Conseil supérieur de la magistrature. Vous avez proposé une formule permettant de concilier renforcement de l'indépendance de l'institution et souci d'éviter l'écueil du corporatisme. Vous avez aussi restauré la parité en matière disciplinaire, contribuant à améliorer l'équilibre du texte. Je salue votre approche ambitieuse du Défenseur des droits ; elle a prévalu et le Gouvernement s'en réjouit. Notre état de droit en sera renforcé aux yeux de nos concitoyens. Votre contribution sur des questions aussi essentielles que la référence au pluralisme et au respect des groupes politiques minoritaires a été saluée. L'Assemblée nationale a également maintenu, en modifiant quelque peu sa rédaction, la référence à la francophonie ainsi que l'assouplissement du droit de l'outre-mer. Vous nous avez également donné l'occasion d'avoir un débat important sur l'enrichissement de l'article 34 de la Constitution. Figureront désormais à l'article 34 l'indépendance des médias, les Français établis hors de France ou les conditions d'exercice des mandats locaux.
Sur d'autres points, c'est le texte de l'Assemblée qui a prévalu. Sur l'article 49-3, j'ai eu l'occasion de vous dire mon attachement à cet outil du parlementarisme rationalisé. Des réticences subsistent chez certains d'entre vous. Je comprends vos arguments. Mais l'article 49-3 doit rester un instrument préventif. Son usage doit être parcimonieux. Limiter son usage à un seul texte par session et aux seuls projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale me paraît tenir compte des nouveaux équilibres institutionnels -quinquennat et inversion du calendrier électoral. Sur la répartition de l'ordre du jour, c'est également la formule de l'Assemblée qui a été votée. La vôtre avait sa cohérence et le mérite de la simplicité. Mais une répartition de l'ordre du jour de deux tiers pour le Gouvernement et d'un tiers pour le Parlement n'aurait pas manqué d'être perçue comme un recul par l'opinion publique.
S'agissant de la question essentielle des exonérations fiscales ou sociales, un débat approfondi a eu lieu : leur création doit-elle nécessairement intervenir en loi de finances ou loi de financement de la sécurité sociale ? Certes, la prolifération des dispositifs d'exonération...
M. Jean Arthuis. - Hélas !
M. François Fillon, Premier ministre. - ...rend de plus en plus complexe notre droit fiscal et social et pèse sur nos finances publiques. Pour autant, les solutions envisagées dans les deux assemblées n'ont pas paru devoir être retenues. Il n'a pas semblé opportun de priver le législateur ordinaire d'une compétence qu'il a toujours eue et qui peut se révéler indispensable à tout moment, par exemple pour répondre à une évolution imprévue de la conjoncture économique. Je m'engage en contrepartie à être extrêmement attentif à cette question des niches fiscales et sociales, nouvelles ou existantes. Je m'engage à les rationaliser, en lien étroit avec la représentation nationale.
Un mot enfin aux parlementaires alsaciens et mosellans, que je sais vigilants à cet égard : l'exception d'inconstitutionnalité ne saurait déboucher sur une remise en cause du droit local, qui fait partie de notre histoire juridique.
Au cours des débats, nous avons pris la mesure de ce qui nous rapproche, mais aussi de ce qui nous distingue. Je le redis avec force : toutes les opinions, quel que soit le banc d'où elles émanent, sont respectables. Mais aujourd'hui, il faut avoir le courage de se rassembler autour de l'essentiel. C'est-à-dire la revalorisation du Parlement. (On le conteste à gauche)
On peut vouloir voter contre ce texte au motif qu'il n'apporterait pas toute satisfaction ; ce serait regrettable mais compréhensible. En revanche, on ne peut pas dire qu'il ne renforcerait pas les pouvoirs du Parlement ! (Murmures improbateurs à gauche)
Le Gouvernement a été constamment à l'écoute de vos propositions. Il ne vous aura pas échappé que le texte que nous vous proposons de soumettre au Congrès est parfois assez éloigné de notre projet de loi initial ! L'opposition a, elle aussi été entendue (exclamations ironiques à gauche) : sa suggestion d'introduire dans la Constitution un mécanisme aussi novateur que le référendum d'initiative populaire a été retenue. L'Assemblée nationale a enrichi le texte avec deux dispositions qui lui tenaient à coeur, la référence aux commissions d'enquête parlementaire et la faculté pour soixante députés ou sénateurs de saisir la Cour de justice des communautés européennes. Il faut aller au bout de cette démarche constructive.
L'objectif que nous poursuivons est limpide : donner des droits nouveaux au Parlement afin de moderniser notre démocratie. Au regard de cet objectif, il vous revient de répondre à des questions simples : vais-je me saisir de ces droits ou vais-je y renoncer ? Vais-je contribuer à un compromis historique où vais-je me réfugier dans des objections politiques ? (Exclamations à gauche)
Chacun est maître de sa réponse, mais chacun doit bien en mesurer les conséquences. Dire « non » à ce projet, ce sera dire « oui » au statu quo, et cela pour de longues années car les révisions constitutionnelles d'une telle ampleur sont rares. Dire « non », ce sera choisir l'immobilisme institutionnel plutôt que le renouveau politique. J'ai la conviction que la majorité se sent en mesure d'assumer ce renouveau qui revivifie les équilibres de la Ve République. Et je souhaite que l'opposition puisse trouver la force de se rallier à ce mouvement de modernité qui transcende les clivages. La gauche réclame depuis longtemps une rénovation de nos institutions, et la voici maintenant hésitante et circonspecte. (Protestations à gauche)
Rejeter ce projet parce que telle ou telle clause n'y figure pas ou au nom d'un autre projet, c'est renoncer à un progrès immédiat et réel de notre démocratie. L'opposition est face à ses responsabilités, et il lui revient d'échapper à la contradiction. On ne peut, d'un côté, réclamer un meilleur équilibre des pouvoirs et, de l'autre, renoncer à cette réforme. On ne peut, d'un côté, dénoncer la prétendue hyperprésidence et, de l'autre, repousser cette réforme qui tempère les pouvoirs de l'exécutif et renforce ceux du Parlement et des citoyens. (Applaudissements sur les bancs UMP ; protestations à gauche)
M. David Assouline. - C'est faux !
M. François Fillon, Premier ministre. - Il faut être cohérent et ne pas perdre de vue l'essentiel. L'essentiel, c'est que le Président de la République propose de donner plus de souffle à notre démocratie. Il le fait de façon pragmatique, audacieuse et sincère. L'enjeu est suffisamment élevé pour se rassembler et aller de l'avant. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois. - A lire certains commentaires, le Sénat aurait « détricoté » le travail de l'Assemblée nationale. Certes, le « passage » au Sénat, qui nous a cependant occupés plus de 56 heures en séance publique et dont les observateurs de bonne foi ont reconnu la qualité, a apporté nombre de modifications substantielles au texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture. Toutefois, le Sénat s'est efforcé de conduire un travail équilibré. Ayant approuvé pour une large part le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, il a cherché à conforter les droits du Parlement dans le respect des principes du bicamérisme et à renforcer les droits et les libertés.
Je note d'ailleurs que, sur certains points, il est revenu à une rédaction plus proche du texte initial : sur sept articles supprimés, cinq étaient des articles additionnels introduits par l'Assemblée nationale. Pour l'essentiel, il a complété et modifié les articles du projet de loi, en n'introduisant que peu de dispositions nouvelles. L'Assemblée nationale a largement tenu compte des apports du Sénat sur trois points importants : les dispositions relatives au Sénat, l'organisation du Conseil supérieur de la magistrature, l'institution du Défenseur des droits. Les divergences apparues en première lecture entre les deux assemblées, ont, en deuxième lecture, permis aux députés de trouver des formules équilibrées pour conforter les droits du Parlement, en intégrant les préoccupations exprimées par le Sénat. C'est le cas des avis du Parlement sur les nominations effectuées par le chef de l'État, de la possibilité de voter des résolutions, des délais entre le dépôt et la transmission d'un texte et son examen en séance publique, du droit de grâce. C'est pourquoi votre commission estime que le Sénat a eu satisfaction sur les sujets auxquels il attachait une particulière importance.
En deuxième lecture, il y a eu lieu de faire le bilan de cette réforme ambitieuse dont l'objectif principal est de renforcer les droits du Parlement et d'offrir une meilleure garantie des droits et des libertés.
On peut se réjouir que soit confortées l'expression du pluralisme et la participation des partis et des groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. Il nous semble aussi que la place des langues régionales, qui laisse intacts les principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français, n'empêche pas d'apporter une reconnaissance à l'exceptionnelle richesse du patrimoine linguistique de la métropole et ces collectivités territoriales d'outre-mer...
M. Gaston Flosse. - Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - ...sans remettre en cause la place du français, langue de la République. L'Assemblée nationale a aussi suivi le Sénat en confirmant la participation de la République au développement de la francophonie.
En ce qui concerne l'extension du domaine de la loi, qui a suscité beaucoup de débats, l'Assemblée nationale a approuvé globalement la démarche du Sénat, tant en ce qui concerne la définition des règles concernant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias, que pour la représentation des Français établis hors de France. Elle a également approuvé la fixation par la loi des conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales, à quoi le président Puech tenait beaucoup.
A l'inverse, l'Assemblée nationale, et c'est heureux, n'a pas repris les dispositions sur la non rétroactivité de la loi, pas plus que celles concernant la répartition du contentieux entre les ordres juridictionnels, que nous avions écartées.
Il a fallu rester ferme pour que soit reconnu le bicamérisme pour l'avis sur les nominations effectuées par le Président de la République. Certains semblent considérer que le suffrage indirect ne vaudrait pas le direct ; je les renvoie à leurs manuels de droit constitutionnel ! Nous n'étions pas particulièrement favorables à la possibilité pour les présidents des assemblées d'opposer l'irrecevabilité fondée sur la méconnaissance du domaine de la loi, mais ce ne sera qu'une faculté et il appartiendra à chaque Assemblée de définir elle-même les modalités de mise en oeuvre de cette disposition. Je suis curieux de voir si cette mesure a des chances de prospérer vraiment... Le Gouvernement a déjà cette prérogative et l'utilise très peu.
Une des plus importantes modifications des règles de fonctionnement des assemblées est la discussion en séance publique sur le texte de la commission. En regrettant que le dispositif proposé par l'Assemblée nationale ne présente pas les mêmes garanties que celles retenues par le Sénat en première lecture, nous souhaitons que ces délais minimums puissent être aménagés, selon la taille et la nature des textes, dans le dialogue entre le Gouvernement et les assemblées lors de l'établissement de l'ordre du jour. C'est particulièrement vrai pour ceux qui feront l'objet d'une procédure accélérée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - C'est déjà ce qui se fait.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - S'agissant des modalités de répartition de l'ordre du jour, le partage par moitié entre le Gouvernement et les assemblées nous avait paru sans doute plus vendable aux médias, à tel point que certains députés nous ont reproché d'avoir prévu une répartition de deux tiers/un tiers. L'opposition du Gouvernement à l'amendement du Sénat, ainsi que le reconnaît le rapporteur de l'Assemblée nationale, ne faisait apparaître qu'avec plus de force sa crainte que le partage égalitaire proposé par la rédaction initiale ne soit, dans les faits, très défavorable au Parlement. C'est bien pourquoi on peut accepter qu'une semaine par mois soit réservée au contrôle et aux initiatives législatives. Il est un peu dommage qu'en définitive, en dehors de la séance mensuelle réservée aux groupes minoritaires, on se soit arrêté à mi-chemin et que la Constitution ne prévoie pas un programme législatif, pour donner une grande lisibilité au travail parlementaire.
Si le Sénat avait fait part de son inquiétude devant la limitation de la possibilité d'engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte, l'encadrement proposé ne devrait pas remettre en cause l'efficacité de l'exécutif` garantie par d'autres dispositions. Certains sont allés jusqu'à nous dire que cela ne regardait pas les sénateurs, devant qui le 49-3 ne peut pas être invoqué !
M. Josselin de Rohan. - Choquant et ridicule.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je passerai rapidement sur la consécration des commissions d'enquête dans la Constitution ; c'est une nouvelle prérogative accordée aux groupes parlementaires.
Le rôle de la Cour des comptes est, entre autres, « d'exprimer son opinion sur la sincérité des comptes de l'État et de la sécurité sociale ». Je regrette que nos collègues Arthuis et Marini (Mme Bricq : « ils n'étaient pas les seuls ! ») n'aient pas été suivis par les députés ; la suppression de cette mention mérite pour le moins que le Gouvernement confirme bien cette mission de la Cour. C'était évident ; on l'écrit, cela reste évident ; on le retire, cela perd de son évidence.
L'Assemblée nationale a enfin souhaité maintenir le cadre actuel du Conseil constitutionnel, mais je suis sûr que nous reviendrons un jour sur cette question.
Enfin, les questions européennes ! Hormis le problème lexical, le fait d'appeler comité ou commission l'actuelle délégation ne retire rien aux compétences des commissions permanentes visées à l'article 43 de la Constitution. En revanche, le Sénat était quasi unanime pour revenir au texte du Gouvernement en ce qui concerne les modalités de ratification des traités d'adhésion à l'Union européenne, pour éviter qu'un pays ami soit stigmatisé dans notre Constitution.
Avec la rédaction adoptée en seconde lecture par l'Assemblée nationale, les nouvelles adhésions ne seront pas automatiquement soumises à référendum, si elles ne remettent pas en cause les grands équilibres institutionnels de l'Union. La volonté du Sénat a été respectée, et c'est là un exemple de l'utilité du bicamérisme.
Compte tenu des avancées du dialogue entre l'Assemblée nationale et le Sénat, faut-il le poursuivre ou bien accepter le compromis équilibré auquel nous sommes parvenus, qui tient compte des préoccupations des députés comme des perspectives dégagées par le Sénat en première lecture ? Si l'on en reste là, ce sera la plus importante réforme de nos institutions engagée depuis cinquante ans. Sans remettre en cause l'apport fondamental de la Constitution de 1958, à savoir la stabilité institutionnelle qui permet de ne pas entraver l'action du Gouvernement, cette réforme corrige le « parlementarisme rationalisé » qui avait fini par asphyxier le Parlement. La volonté du Président de la République et du Gouvernement de renforcer les pouvoirs du Parlement ne peut qu'être approuvée.
La navette parlementaire a conforté cette volonté et modernisé notre démocratie en ouvrant de nouveaux droits aux citoyens. Je pense à l'exception d'inconstitutionnalité qui avait été tentée par deux fois sans succès, mais aussi à la création d'un Défenseur des droits, ou au référendum d'initiative parlementaire soutenu par les citoyens.
Bien entendu, on peut conditionner le vote de cette réforme à de nombreux préalables, pour s'éviter de l'approuver. Elle est pourtant garante de la pérennité de notre Constitution. Ne faut-il pas saisir cette opportunité d'une véritable modernisation de nos institutions ? La réponse de votre commission des lois est, vous l'avez compris, positive. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Catherine Troendle. - (Applaudissements à droite) Ce projet de loi a donné lieu à un long débat et à un travail parlementaire dense. La navette a témoigné de l'esprit d'ouverture et de la volonté de chacun d'aboutir à une révision d'une ampleur inégalée depuis près d'un demi-siècle. Certains voudraient voir semé d'embûches le chemin menant au Congrès. Nous n'en croyons rien : au contraire, l'intensité de nos débats prouve le caractère historique de ce texte que nous voulons voir aboutir à Versailles.
Le texte initial a évolué de façon positive tout en respectant deux postulats de base : la nécessité de conserver les acquis de la Ve République et la nécessité d'en moderniser le fonctionnement.
Notre assemblée a été au rendez-vous de cette opportunité exceptionnelle et elle a permis de véritables avancées démocratiques sur ce projet de loi ambitieux et novateur. Elle l'a enrichi, conformément à l'esprit constructif qui l'anime. Après avoir affirmé nos convictions en première lecture, nous abordons la seconde avec l'esprit de responsabilité qui nous caractérise. Toute recherche de consensus implique que chacun fasse un pas vers l'autre. C'est ce que nous avons fait et un équilibre satisfaisant a été trouvé. Je tiens, à cet égard, à féliciter, au nom du groupe UMP, notre président rapporteur; qui n'a pas ménagé ses efforts pour rassembler toutes les sensibilités autour de ce texte. (Applaudissements à droite ; M. Charles Gautier ironise)
Les députés ont retenu des dispositions majeures que nous avions adoptées en première lecture. Je pense à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ou à la définition du statut de l'élu local. Je pense également au maintien des dispositions relatives au Sénat dans l'article 24 de la Constitution, notamment celle qui affirme le lien privilégié entre les élus locaux et le collège électoral sénatorial. Je pense, enfin, à la consécration de la francophonie dans notre loi fondamentale ou encore au renforcement du Défenseur des droits. Les députés ont également été convaincus par notre analyse sur l'attribution de droits spécifiques aux groupes minoritaires.
Notre majorité a prouvé son esprit d'ouverture en retenant 21 des propositions de l'opposition. Cela a été le cas au Sénat où nous avons confié au législateur le soin de fixer les règles relatives à la liberté, au pluralisme et à l'indépendance des médias. Toutes ces dispositions constituent la marque de fabrique de notre assemblée.
Pour l'adhésion de nouveaux États à l'Union européenne, l'amendement adopté à l'Assemblée nationale est incontestablement la voie de la sagesse. Il évite, comme nous le souhaitions, de retenir une disposition qui viserait indirectement dans notre Constitution un pays déterminé.
Là aussi, il s'agit d'une belle victoire pour le Sénat, qui montre tout l'intérêt du bicamérisme. Le Sénat est une chance pour nos institutions car il exerce, de façon constante, un contrôle vigilant de la législation relative aux droits des citoyens et aux libertés publiques. Le Sénat ne saurait être le clone de l'Assemblée nationale, il doit garder sa spécificité, poursuivre sa tâche de laboratoire d'idées, et apporter à nos institutions la réflexion dont elles ont besoin.
Le texte qui nous est soumis en seconde lecture respecte les trois objectifs de départ : l'encadrement du pouvoir présidentiel, le renforcement de ceux du Parlement et l'ouverture de nouveaux droits à nos concitoyens. Cette révision constitutionnelle est une chance historique pour le Parlement et pour la Ve République. Elle nous offre la possibilité de dessiner, conformément aux engagements du Président de la République, « une République exemplaire et une démocratie irréprochable ». Cela justifie que nous soyons capables, les uns et les autres, de nous retrouver dans l'intérêt du pays. A Versailles, nous pourrons donner un nouveau souffle à notre démocratie. Rassemblons-nous autour de cet objectif ! L'occasion est suffisamment rare et l'ambition suffisamment élevée pour choisir ensemble de s'engager en faveur de ce texte novateur et porteur de modernité. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)
Mme Éliane Assassi. - A moins d'une semaine du Congrès, le Sénat est obligé d'adopter conforme le texte des députés et de priver ainsi le Parlement d'une troisième lecture, laquelle n'aurait pas été un luxe compte tenu de l'importance de la présente réforme d'une part et, d'autre part, des divergences apparues au cours des débats non seulement entre l'Assemblée et le Sénat mais également au sein même de l'UMP. C'est là une bien curieuse conception du renforcement des droits du Parlement... D'autant que nous avons déjà eu affaire à un examen marathon de ce texte, en pleine session extraordinaire, marathon qui continue avec cette seconde lecture que vous voulez rapide : à preuve les deux petites heures consacrées à cette discussion générale. J'ai du mal à y voir un début de renforcement des droits du Parlement.
Votre projet de loi constitutionnelle, que vous essayez de vendre à tout prix comme tendant à restaurer les droits du Parlement et à brider l'exécutif, va exactement dans le sens inverse, vers une présidentialisation voire une hyper-présidentialisation de notre régime. Il y a tromperie sur la marchandise.
Le chef de l'État, le Gouvernement et l'UMP n'hésitent pas à communiquer abondamment sur les bienfaits de cette réforme et, afin d'atteindre les trois cinquièmes des voix au Congrès, ils manient la carotte et le bâton, tant à l'égard de la majorité parlementaire que de l'opposition, menaçant ceux qui voteraient contre cette réforme d'un redécoupage électoral défavorable. De son côté, M. Accoyer n'hésite pas à faire miroiter aux groupes minoritaires et d'opposition l'octroi de droits spécifiques comme la possibilité de créer des commissions d'enquête parlementaire et des missions d'information, ou un temps de parole égal entre majorité et opposition lors des questions au Gouvernement, ou des postes de présidents et de rapporteurs de commissions, ou même des moyens plus importants. Comment pouvez-vous affirmer que votre texte restaure les droits du Parlement alors qu'il propose de réduire le droit d'amendement et la séance publique ? Car derrière la valorisation du travail en commission se cache une réalité moins avouable. Ce travail ne doit pas se substituer à la séance publique laquelle doit rester le lieu naturel du débat d'idées, du débat politique, dans la plus grande transparence. Je suis fermement opposée à ce que, demain, la discussion en séance publique porte sur le texte tel qu'élaboré en commission et non plus sur le texte déposé par le Gouvernement. Ce n'est pas une avancée démocratique. Au contraire, cela renforce le bipartisme et le fait majoritaire puisque les petits groupes pèsent peu en commission par rapport aux groupes importants qui peuvent assurer une présence constante dans ces réunions. Le pluralisme ne sera donc plus garanti.
De plus, la transparence du débat parlementaire sera mise en cause puisque les débats en commission ne sont pas publics : pas de journalistes, pas de citoyens à l'écoute. C'est la porte grande ouverte au lobbying à l'instar de ce qui se passe dans les commissions du Parlement européen.
Vous portez enfin atteinte au droit d'amendement : outre que le fait majoritaire prévaudra dès l'examen en commission, votre article 18, qui dispose que le droit d'amendement « s'exerce en séance ou en commission », contourne la jurisprudence du Conseil constitutionnel, constante depuis les années 1990, qui garantit à chaque parlementaire le droit d'amender le texte en séance publique. Bref, vous étendez la procédure simplifiée, jusqu'ici réservée à l'examen de certaines conventions internationales, à tous les textes.
L'article 19, rétabli en seconde lecture par les députés, va dans le même sens : en inscrivant directement dans la Constitution les conditions de recevabilité des amendements, il va plus loin que la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui jugeait qu'un amendement, pour être recevable, ne doit pas être « dépourvu de tout lien avec le texte ».
Vous introduisez un véritable « 49-3 parlementaire » en prévoyant que la Conférence des Présidents, donc la majorité soumise au chef de l'État, fixera une durée maximale des débats sur chaque texte : c'est là un véritable couperet qui permettra, dès que la durée globale du débat aura été atteinte, d'arrêter la discussion. Sans compter que le « 49-3 », tel que vous le réécrivez, loin d'être mieux circonscrit, ne fait qu'entériner une pratique bien établie.
Les nouvelles modalités de fixation de l'ordre du jour mettent la Conférence des Présidents à la botte de l'exécutif. Il s'agit ni plus ni moins d'en finir avec le principe, proclamé par la révolution française, qui veut que les parlementaires fassent la loi : quinze jours serait dédiés à l'examen des projets de loi et à des débats thématiques, une semaine serait consacrée au contrôle, l'opposition disposerait d'une journée de séance par mois pour s'exprimer. Nous considérons, quant à nous, que le Parlement doit être entièrement maître de son ordre du jour et pouvoir décider du nombre de séances qu'il souhaite consacrer au travail législatif.
Est-ce ainsi que vous prétendez renforcer les droits du Parlement ? Où sont les avancées ? Que peut-on attendre de cette réforme ? Bipartisme renforcé ; démocratie bafouée, hyper présidentialisation du régime... Voilà un texte fait sur mesure pour un seul homme qui, non content de monopoliser les médias, veut venir s'adresser en personne, dans l'enceinte de la représentation nationale, aux représentants du peuple ! On s'achemine vers un régime présidentialiste à la française dont l'élection du Président de la République au suffrage universel, puis le quinquennat et l'inversion du calendrier ont déjà jeté les bases. Nous aurons, si ce texte est voté, un super-président appuyé par une majorité parlementaire toute dévouée.
On comprend mieux votre obstination à refuser tout changement du mode d'élection des sénateurs -ce qui permet de conserver la maîtrise du Sénat quelle que soit la réalité politique du pays pour faire passer les réformes les plus réactionnaires et les plus antisociales. On comprend mieux votre refus d'introduire une dose de proportionnelle dans le mode d'élection des députés.
Votre mot d'ordre : aller vite, en s'asseyant sans vergogne sur la démocratie. Renouer le lien entre les citoyens et leurs institutions ? La démocratie représentative a beau en être déjà au point mort, la procédure d'urgence et l'arsenal législatif qui va des ordonnances de l'article 38 jusqu'à l'article 40 en passant par le vote bloqué ne vous suffisent plus : il fallait réduire le nombre de lectures, réduire la durée du débat en séance publique, réduire le droit d'amendement, bref, réduire la minorité au silence.
Nous redisons ici notre attachement au débat en séance publique, qui permet de faire connaître à l'opinion publique les méfaits de tel ou tel texte. Ces débats publics vous gênent, et ce n'est pas un hasard si, depuis 2002, vous attendez la session extraordinaire de l'été, quand les Français sont en congés, pour porter tous vos mauvais coups.
La démocratie qui aurait dû être au coeur de la modernisation de nos institutions, ne sort pas renforcée de nos débats. C'est d'ailleurs pourquoi vous n'avez pas soumis votre texte au référendum et lui avez préféré la voie du Congrès. Nous nous opposons fermement à votre réforme et voterons contre ce texte, ici comme à Versailles. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Mercier. - Faut-il, sur ce texte qui nous revient en seconde lecture, continuer le dialogue avec l'Assemblée nationale, ou peut-on considérer qu'il peut être, en l'état, porté devant le Congrès ?
Sur bien des points, les choses ont avancé, et les positions du Sénat été suivies. Ce texte opère un rééquilibrage de nos institutions. Il renforce les droits du Parlement mais aussi des citoyens.
Nous nous réjouissons de l'introduction du droit de résolution, bien que l'amendement voté par les députés à l'initiative du Gouvernement me semble parfaitement superfétatoire : jamais une résolution n'a été le moyen de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. Mais il faut croire que le Parlement a été muselé depuis si longtemps que l'on a pu confondre droit d'interpellation et droit de résolution. Il est normal qu'un Parlement majeur puisse s'exprimer : le droit de résolution le lui permettra.
Nous sommes également sensibles à la rationalisation de l'article 49-3 -même si cela ne correspond pas à la position initialement retenue par le Sénat... Il est normal que cet article ne puisse être utilisé pour régler les relations entre Parlement et Gouvernement. Le rééquilibrage des institutions l'exige.
Nous sommes de même satisfaits de la confirmation du droit des groupes parlementaires, qui trouvent, avec ce texte, leur consécration constitutionnelle. Nous nous félicitons, sur ce point, de la suppression de l'obligation de se déclarer membre de la majorité ou de l'opposition.
Nous voyons aussi d'un bon oeil, en particulier au regard de la situation budgétaire du pays, les dispositions relatives à la discipline budgétaire et financière, qui favoriseront clarté et rigueur.
Nous regrettons, en revanche, que la possibilité pour les groupes parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel ait été supprimée par l'Assemblée nationale. Tout le monde dans ce pays pourra donc saisir le Conseil, sauf les groupes ! La voie de l'action est toujours préférable à celle de l'exception : il est regrettable de se priver ainsi d'un moyen de garantir le bon ordre juridique.
Notre satisfaction est grande de voir l'exception d'inconstitutionnalité inscrite dans la Constitution. Chacun est libre, en son âme et conscience, de décider de rejeter les dispositions de ce texte, y compris celles qui permettent au Parlement de fixer son ordre du jour et toutes celles qui assurent un rééquilibrage entre législatif et exécutif, mais a-t-on le droit de priver les Français du droit de recours en exception d'inconstitutionnalité, dont bénéficient les citoyens des autres pays démocratiques et qui manque à notre système juridique pour assurer la primauté du droit ? C'est là la seule question que j'ai envie de me poser à Versailles.
Il y a tellement longtemps que nous attendions la possibilité pour chaque Français de pouvoir invoquer l'inconstitutionnalité de la loi qu'on lui oppose ! Cette disposition est pour nous essentielle.
L'amendement à l'article premier voté par l'Assemblée nationale nous semble important. J'en ai moi-même rédigé le texte sur la vitrine présentant la loi constitutionnelle de 1958.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Heureux présage !
M. Michel Mercier. - Sa formulation pourrait nécessiter parfois des adaptations. « On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment », assurait Machiavel. Il avait tort. La formulation de l'amendement aurait pu être meilleure. La première version l'était, mais j'ai essayé en la reprenant de trouver un accord.
« La loi garantit les expressions, pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ». Pétition de principe ? Non, car il faut retenir le principe d'interprétation des textes constitutionnels présenté par François Luchaire en un article fameux, que M. le secrétaire d'État relira quand il sera en formation permanente à la région Ile-de-France : il faut toujours interpréter une disposition pour qu'elle produise un effet utile. Or, exprimer le pluralisme des opinions, cela peut être monter sur une chaise dans le jardin du Luxembourg. Le pluriel implique forcément un vote, sinon, cela ne marche pas. C'est pourquoi je suis heureux que le Président de la République l'ait accepté...
M. Jean-Pierre Sueur. - Amendement présidentiel...
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Et le Parlement ?
M. Michel Mercier. - Une fois la réforme votée, elle n'appartient plus à ses auteurs, mais à ceux qui la mettent en oeuvre : (approbations à droite) regardez comment la Constitution de 1958 a admirablement convenu à François Mitterrand et à ses gouvernements !
La loi garantit, et non plus favorise, le pluralisme des opinions, cela veut dire que nous restons fidèles à la tradition qui veut que la Constitution ne fixe pas le régime électoral, mais qu'il ne peut pas y avoir de loi électorale qui ne mette pas en oeuvre le pluralisme -nous sommes partisans d'un peu de proportionnelle dans toutes les élections. (Sur plusieurs bancs socialistes : « Y en a pas ! »)
La participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique, cela veut dire que leur contribution à la vie de la Nation ne s'apprécie pas suivant leur importance numérique mais parce qu'ils défendent des idées et que tous ont le droit d'être traités de façon équitable. Cela vaut pour le Sénat, pour le Conseil constitutionnel...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - A vie !
M. Michel Mercier. - Je sais bien que le juge constitutionnel se reconnaît peu de pouvoirs en cas de référendum et un peu plus en cas de Congrès, mais il nous appartient de prouver par notre vote que nous voulons la reconnaissance de la plénitude de ce principe. Cet amendement représente en effet la quintessence de notre politique et, avec la reconnaissance du droit des citoyens d'invoquer l'exception d'inconstitutionnalité, il justifie que nous suivions la recommandation du président de la commission des lois. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La recommandation de la commission !
M. Bernard Frimat. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Lundi prochain, nous connaîtrons l'épilogue du feuilleton de la révision constitutionnelle commencé il y a un an par le discours d'Épinal. Quelle que soit l'issue, le Congrès marquera une occasion gâchée. Si le Gouvernement en avait eu la volonté, il en aurait été différemment, mais il a refusé le dialogue constructif avec l'opposition pour favoriser un monologue interne à l'UMP et la quête inlassable et par tous les moyens des voix nécessaires.
Que s'est-il passé depuis que le Sénat a adopté le texte en première lecture dans la nuit du mercredi 25 juin ? Quand on le reconstitue, le fil des événements est édifiant quant à votre conception de la modernisation des institutions. Vous inventez d'abord une nouvelle forme de commission mixte paritaire, qui réunit l'UMP de l'Assemblée nationale et du Sénat sous la houlette de l'Élysée et de ses conseillers, pour un compromis forcément historique. Députés et sénateurs UMP seront invités à manifester leur accord à défaut d'enthousiasme. Mais il vous faut plusieurs tentatives pour ôter les cailloux de l'adhésion de la Turquie des godillots de la majorité grâce à un habillage compliqué mais toujours uniquement dirigé contre ce pays. Cette première étape franchie, il reste au président de la commission des lois de l'Assemblée nationale à amender le texte issu des travaux du Sénat et de le rendre conforme à cet accord.
Voilà, à quelques détails près, les conditions dans lesquelles nous sommes invités à l'adopter conforme. Le refus de tous les amendements, quel que soit leur contenu, illustre à la perfection ce que signifie pour vous la revalorisation des travaux du Parlement. (Applaudissements à gauche) A ce prix, la route de Versailles sera ouverte.
Je voudrais néanmoins attirer votre attention sur deux détails. La nouvelle rédaction de l'article premier est a priori sympathique puisqu'elle a rendu M. Mercier heureux à sa sortie de l'Élysée mais, malgré ses explications un peu compliquées...
M. Michel Mercier. - Juridiques !
M. Bernard Frimat. - ...j'attends toujours de découvrir les progrès qu'elle apporte à la démocratie pour déterminer si ce bonheur est individuel ou collectif.
La constitutionnalisation des commissions d'enquête, ensuite, car ce point précis serait d'une importance capitale, décisive pour la modernisation des institutions. Vous aurez à coeur de nous expliquer tous les tenants et aboutissants de cette évolution.
Les joueurs de tambour médiatique de l'UMP continueront leur fanfare : comment les socialistes peuvent-ils refuser ce monument sarkozien édifié avec ouverture d'esprit ? C'est pourtant ce que nous ferons lundi prochain car quelques avancées secondaires ne peuvent suffire à masquer des reculs sur des points essentiels.
Le recul le plus symbolique concerne le Sénat. Lors de notre entrevue à Matignon, nous avions clairement indiqué l'importance que nous attachions à la suppression du verrou qui bloque toute évolution démocratique du collège des électeurs sénatoriaux. Les conclusions du comité Balladur étaient sans équivoque à cet égard : « Le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République en fonction de leur population ». Il s'agissait ainsi de mettre fin à une situation qui « favorise à l'excès la représentation des zones faiblement peuplées au détriment des zones urbaines ».
Le Gouvernement avait accepté cet impératif démocratique et, dans l'exposé des motifs, il disait sa volonté de surmonter les contraintes de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui « a eu pour effet d'interdire toute évolution de la composition du collège électoral sénatorial dans le sens d'un équilibre plus juste, en termes démographiques, entre petites, moyennes et grandes communes ».
Vous-même, monsieur Karoutchi, avez attiré notre attention sur l'article 34 qui obligeait à mettre en place le nouveau collège électoral dès 2011. Ces bonnes intentions gouvernementales, que l'Assemblée nationale avaient d'ailleurs adoptées, se sont envolées. Toute référence à la prise en compte de la population dans la composition du collège électoral sénatorial a disparu.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il n'en est nul besoin puisque tel est déjà le cas !
M. Bernard Frimat. - Les verrous sont plus que jamais tirés et leur fonctionnement a été soigneusement vérifié. Peu importe que les citoyens accordent dans toutes les collectivités locales une large majorité aux formations politiques de gauche : l'assemblée qui est censée les représenter doit, en tout état de cause, rester de droite, même au mépris du suffrage universel. Il faut beaucoup d'aveuglement pour voir une avancée démocratique là où il n'y a qu'un déni de démocratie. (Applaudissements socialistes et sur divers bancs CRC) En cédant aux injonctions des sénateurs UMP, le Gouvernement a renoncé à renforcer la légitimité et la représentativité du Sénat. C'est pourquoi notre rapporteur estime que « le Sénat a ainsi eu satisfaction sur les sujets auxquels il attachait une particulière importance ».
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Pas que sur ce point !
M. Bernard Frimat. - L'essentiel est atteint pour la majorité du Sénat : elle a sauvé son mode de reproduction et ses pouvoirs de blocage.
Certes, vous ne pouvez toujours pas inscrire dans la Constitution que les assemblées parlementaires doivent rester de droite mais, avec cette révision, vous tentez d'en créer les conditions. Au Sénat, le statu quo suffit, à l'Assemblée nationale le suffrage universel direct rend l'exercice plus délicat. Toutefois, en limitant le nombre de députés au niveau actuel, en prévoyant des sièges pour représenter les Français établis hors de France et en imposant un nombre minimum de deux députés par département, vous minorez la représentation des départements les plus urbains, souvent favorables aux formations de gauche.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Eh oui !
M. Bernard Frimat. - Le talent incontesté de M. Marleix dans le découpage des circonscriptions fera le reste.
Une alternance quasi impossible au Sénat, une alternance de plus en plus difficile à l'Assemblée nationale, une révision constitutionnelle par la voie du Congrès interdite à la gauche par le maintien du droit de véto du Sénat. A qui ferez-vous croire que ce paysage institutionnel soit le fait d'une démocratie irréprochable ? Celle-ci ne peut se limiter à quelques améliorations techniques des travaux parlementaires. Pour certaines d'entre elles, il n'était d'ailleurs nul besoin de réviser la Constitution pour les mettre en oeuvre. Le Gouvernement étant seul maître de l'ordre du jour, il lui est donc loisible d'accorder aux parlementaires les délais d'examen nécessaires à des travaux de qualité. De même, il n'était pas besoin de réviser la Constitution pour éviter un recours abusif à la procédure d'urgence.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Absolument !
M. Bernard Frimat. - Le partage de l'ordre du jour et la limitation de l'urgence, même rebaptisée procédure accélérée, sont des avancées plus apparentes que réelles.
Quant aux nouveaux droits pour l'opposition qui devaient symboliser la revalorisation du Parlement, ils sont renvoyés ou plutôt relégués, sans aucune garantie, dans le règlement de chaque assemblée, ce qui signifie qu'ils dépendront exclusivement du bon plaisir de la majorité. Nous savons au Sénat ce que cela nous réserve.
Même la journée dont l'ordre du jour devait être concédé à l'opposition n'a pas survécu dans son intégralité. Le temps sera partagé avec les groupes minoritaires qui, certes, ne se revendiquent pas de la majorité mais la soutiennent le plus souvent. La portion congrue que vous réserviez à l'opposition était encore trop importante : vous l'avez donc diminuée et, si j'ai bien compris votre sens de l'humour, au nom de l'amélioration du pluralisme !
Pour couronner le tout, vous mettez en cause le droit d'amendement dont les conditions d'exercice seront fixées par le règlement des assemblées. Quelles garanties pour l'opposition ? Aucune. Rien dans ce projet de révision ne peut assurer à un parlementaire qu'il conservera, en séance publique, cette liberté d'expression individuelle caractéristique fondamentale d'un régime démocratique. Là encore, un droit qui devrait être imprescriptible dépendra du bon plaisir de la majorité de chaque assemblée. Si c'est ainsi que vous pensez entraîner notre adhésion, vous faites erreur.
De plus, des mesures que vous présentez comme des avancées démocratiques ne sont souvent que des trompe-l'oeil. Il en est ainsi du droit de véto négatif accordé pour les nominations relevant du Chef de l'État. Réunir une majorité des trois cinquièmes pour s'opposer à une nomination, c'est un droit formel sans réalité. Ce faux-semblant ne favorisera pas une démocratie respectueuse du pluralisme d'opinion : il laisse au contraire de beaux jours au clientélisme politique.
Même s'ils ne sont plus en discussion, car votés conformes, deux articles qui concernent respectivement les ministres et le Président de la République confortent notre refus de voter cette révision. Il n'est pas normal que les membres du Gouvernement, anciens parlementaires, profitent d'une révision constitutionnelle pour s'accorder le privilège d'assurer leur retour dans leur assemblée d'origine. Il est encore plus difficile d'admettre la rétroactivité de cette mesure. Le minimum de décence aurait été de ne l'appliquer qu'aux futurs ministres, mais vous avez sans doute voulu vérifier le bien-fondé du proverbe « charité bien ordonnée commence par soi-même ».
Votre recherche de nouveaux droits pour le Parlement emprunte curieusement la voie d'une extension des pouvoirs du Président. Cela semblait inutile au regard de l'omniprésidence actuelle, mais le Président de la République voulait tellement pouvoir s'adresser directement au Parlement ! Cette obsession explique sans doute en grande partie la révision constitutionnelle. Cela fait beaucoup d'efforts, peut-être vains d'ailleurs, pour que cette monocratie, pour reprendre le mot de M. Badinter, puisse s'exprimer dans le lieu le plus illustre de la monarchie.
Cette révision constitutionnelle aurait, enfin, pu être l'occasion de montrer le visage d'une France généreuse, accueillante, ouverte aux étrangers installés depuis plusieurs années dans notre pays.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Et voilà que ça recommence !
M. Bernard Frimat. - Alors que l'idée est maintenant acceptée par de nombreux Français, vous avez refusé d'accorder aux étrangers le droit de vote aux élections locales. Or, seule une révision constitutionnelle peut lever l'obstacle juridique qui l'interdit. Là encore, belle occasion gâchée.
Vous avez refusé le dialogue sur nos propositions. Il a été impossible pour nous d'obtenir, ne serait-ce que le début du commencement d'une réponse positive sur aucune d'entre elles. Vous avez délibérément choisi la voie de l'affrontement, recherché la victoire d'un camp sur un autre. Là où nous attendions des progrès pour la démocratie, nous trouvons des reculs et le développement de la monocratie. En conséquence, tous les sénateurs socialistes rejetteront lundi votre projet de révision. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Bravo !
M. Francis Grignon. - (Applaudissements à droite) A l'occasion de cette deuxième lecture, je veux dire mon attachement à la reconnaissance des langues régionales : à côté des enjeux culturels, les conséquences économiques seront loin d'être négligeables.
N'étant pas Alsacien de naissance, mais d'adoption depuis plus de quarante ans, j'ai appris à parler cette langue. C'est grâce à elle que j'ai pu appréhender l'histoire, la culture et la richesse de cette région dont je suis devenu sénateur. L'alsacien est issu de l'alémanique et du francique. Malheureusement, la pratique de ce dialecte diminue d'année en année. Actuellement, un adulte sur quatre le parle encore, mais les enfants le pratiquent de moins en moins si bien que l'alsacien devient progressivement la langue des anciens. Nous avons fait bien des efforts pour qu'il soit appris dès le plus jeune âge, mais il nous fallait un texte fondateur pour aller plus loin. C'est pourquoi je me réjouis de la réintroduction des langues régionales dans le titre XII de la Constitution relatif aux collectivités territoriales.
Au-delà des ouvertures culturelles évidentes que ce texte va permettre, nous pourrons ainsi définitivement permettre à nos jeunes d'être bilingues français-allemand dès l'école primaire, car c'est grâce à l'allemand que nous sauverons notre dialecte. A partir de diverses expériences en primaire, nous nous sommes aperçus que nos jeunes étaient facilement devenus trilingues au collège.
Dans un monde en pleine globalisation des échanges et des cultures, nous serons plus performants si nous comprenons l'autre plutôt que si nous l'ignorons. C'est pourquoi grâce à nos langues régionales, nous habituerons nos enfants à cette gymnastique de l'esprit qui leur permettra d'apprendre plus rapidement d'autres langues.
Nous sommes donc bien loin de porter atteinte à la place du français dans la sphère publique depuis 1539 avec l'ordonnance de Villers-Cotterêts, ni de vouloir éclipser en région la langue de Molière, source inépuisable de créativité et de richesse culturelle.
Notre assemblée, qui représente les territoires, ne peut que se réjouir de l'adoption par l'Assemblée nationale de cet amendement. Enfin, cette solution de compromis évite que les langues régionales soient mentionnées dans notre Constitution en aval du français qui reste à sa juste place, mais elle permet de prendre en compte notre richesse et notre diversité que nous devons considérer comme des atouts et non comme des handicaps pour nos enfants qui pourront ainsi mieux évoluer dans un environnement économique et culturel qui, demain, sera européen, voire mondial. (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nous voici à l'épilogue de la réforme des institutions : depuis plusieurs mois, cette perspective était séduisante. Les conclusions du comité Balladur présageaient un débat serein, constructif, marqué par le souci de laisser plus de place au Parlement, et donc à l'opposition. La prise en compte de la population des collectivités territoriales dans l'élection des sénateurs, le non-cumul des mandats de membre du Gouvernement et d'élu local, la publicité des débats des commissions, autant de propositions qui auraient permis de donner plus de pouvoirs au Parlement, plus de droits aux citoyens et de mieux encadrer le pouvoir exécutif.
Plusieurs propositions qui ne figuraient pas dans le rapport du comité Balladur méritaient également d'être examinées, dans le cadre d'une révision constitutionnelle présentée comme la plus importante depuis 1958 : je pense par exemple au droit de vote des étrangers non communautaires.
Mais une série de péripéties ont fait de cette réforme un non-événement, une mascarade politique. L'irrédentisme de la majorité sénatoriale a empêché toute ouverture : le Sénat fut à cette occasion la caricature de lui-même. Tous les citoyens que j'ai rencontrés depuis le début de la discussion du projet de loi m'ont témoigné leur déception devant l'inertie, le manque d'audace du Parlement, et singulièrement du Sénat. Toutes les propositions véritablement réformatrices ont été balayées.
La majorité sénatoriale et celle de l'Assemblée nationale se sont réunies pour convenir, entre elles, d'un texte acceptable : on a ainsi assisté à la création d'une sorte de CMP de la majorité parlementaire, excluant l'opposition. Or, si la notion de démocratie parlementaire a un sens, elle signifie que la loi doit être débattue et votée dans l'enceinte du Parlement, et non dans les bureaux de l'UMP ou de Matignon.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - Que fait-on en ce moment ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. - On demande au Sénat un vote conforme : le débat ne sert à rien, notre assemblée est réduite au rang de chambre d'enregistrement. C'est une page d'histoire que nous n'avons pas voulu écrire.
En première lecture déjà, le Sénat a fait preuve de sa timidité. Il a supprimé la référence aux langues régionales, introduite par les députés. L'amendement introduisant le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales, auquel certains sénateurs de la majorité s'étaient montrés favorables, a été rejeté, de peu : encore une occasion manquée de redonner à notre pays un élan démocratique. Aujourd'hui nous voudrions avoir une seconde chance, mais nous n'avons droit qu'à un simulacre de débat.
Plutôt que laisser croire à un véritable échange, pourquoi le Gouvernement ne recourt-il pas au 44-3 ? Car c'est bien à un vote bloqué que nous sommes contraints : aucun amendement n'a été retenu, ni même déposé par la commission des lois. Pourquoi refuser une troisième lecture ?
M. Patrice Gélard. - Parce que nous sommes la majorité !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le Congrès doit à tout prix se réunir le 21 juillet prochain : ainsi en a décidé le prince. On nous demande de voter cette réforme sans prendre le temps de la réflexion : dans ces conditions, on comprend que ce texte manque d'envergure.
Mises à part quelques avancées timides, qui tiennent en cinq articles, les Français devront se contenter de mesures insignifiantes. Il s'agit d'une réforme de convenance, qui répond au désir de briller, au souci d'affichage médiatique du Président de la République, et aux voeux de la majorité. Ce texte permet aux ministres actuels de retrouver leur siège de parlementaire, au mépris du principe de non-rétroactivité. Le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Warsmann, avait pourtant souhaité inscrire dans la Constitution ce principe qui découle de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, en y inscrivant que « la loi dispose pour l'avenir, sauf motif déterminant d'intérêt général ». Quel est le motif déterminant d'intérêt général qui justifie que les ministres actuels puissent retrouver leur siège parlementaire ? II n'y en a pas : le seul intérêt de cette mesure est d'offrir aux ministres un parachute doré. N'oublions pas que nous sommes ici pour servir la France, non pour nous servir ! La commission des lois du Sénat avait pourtant adopté une position sage, en refusant toute rétroactivité de l'article 10 du projet de loi ; mais la majorité sénatoriale est contrainte de céder aux injonctions du Gouvernement. Loin de donner de nouveaux droits, le Gouvernement ne fait que se servir.
Ce texte ne présente aucune avancée qui justifierait notre adhésion. Aucun geste à l'égard des étrangers non communautaires, qui ne se sont pas vu reconnaître le droit de vote aux élections municipales : ne serait-ce pourtant pas le meilleur moyen pour favoriser l'intégration ? Aucun geste à l'égard de l'opposition sénatoriale, condamnée à demeurer éternellement l'opposition, puisque le mode d'élection des sénateurs reste inchangé. Aucun geste à l'égard des petits partis, puisqu'on a refusé d'introduire une dose de proportionnelle aux élections législatives ; le groupe centriste avait pourtant les moyens d'imposer cette réforme, car il pouvait empêcher l'adoption du projet de loi au Congrès, mais il a renoncé : vous portez la responsabilité de cet échec, et les Français s'en souviendront !
Vous l'avez compris : les sénateurs Verts voteront contre ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. David Assouline. - Depuis quelques jours, une certaine fébrilité s'est emparée des chefs de la majorité, qui reprennent tous en choeur le couplet du président de l'Assemblée nationale dans la presse de ce matin : le rejet du projet de loi constitutionnelle « ne serait pas bon pour l'exécutif », mais il serait « encore plus calamiteux pour l'opposition, qui irait en sens contraire de ce que veut l'opinion ». On assiste aussi à certains manoeuvres politiciennes visant à débaucher tel ou tel parlementaire de l'opposition. Mais ce qui serait réellement calamiteux pour nos institutions, ce serait de laisser croire que ce projet marque un véritable progrès démocratique.
Les Français attendent d'une révision de la Constitution qu'elle interdise au chef de l'État d'abuser sans cesse de son pouvoir au profit de son clan. Or aucune disposition, dans ce texte, ne vient encadrer la pratique du pouvoir présidentiel ni empêcher sa dérive vers la monocratie. Posons des questions tout à fait concrètes. Si le projet est voté, les pouvoirs seront-ils rééquilibrés ? Cette réforme empêchera-t-elle le Président de la République, garant du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, de décrédibiliser l'armée, de dévaluer le droit de grève ou d'annoncer le contrôle direct du pouvoir exécutif sur la télévision publique ? Non ! Incitera-t-elle le Chef de l'État à reconnaître le rôle du Premier ministre, et à ne plus réunir sans lui les ministres à l'Élysée ? Non ! Le rôle du Parlement sera-t-il réévalué, comme on l'annonce ? La Constitution interdira-t-elle au pouvoir exécutif d'abuser de la procédure d'urgence, rebaptisée « procédure accélérée », comme il l'a fait depuis juin 2007 ? Non !
On nous dit que la parole des citoyens sera mieux entendue. Mais les millions d'étrangers extracommunautaires qui vivent régulièrement en France et paient des impôts pourront-ils enfin voter aux élections locales ? Non ! On nous jure que l'article 34, complété par l'amendement que j'ai défendu au nom des socialistes contre l'avis de la Garde des sceaux, garantira pleinement « la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ». Mais cette disposition suffira-t-elle à dissuader un ministre d'État, ministre de l'intérieur et candidat à l'élection présidentielle d'obtenir la révocation du directeur de la rédaction d'un des principaux magazines français ou de donner son avis sur le recrutement d'un journaliste politique chargé de suivre son propre parti ? Non ! Interdira-t-elle à des conglomérats industriels de détenir des intérêts dans les médias, tout en étant par ailleurs clients ou fournisseurs de l'État, comme c'est le cas des groupes Dassault, Lagardère et Bouygues ? Non ! Empêchera-t-elle un grand groupe économique comme LVMH de contrôler directement le principal journal d'information économique ? Non ! Incitera-t-elle le Chef de l'État à ne pas partir en vacances aux frais d'un riche homme d'affaires, Vincent Bolloré, propriétaire de la société d'études d'opinion CSA, de la chaîne de télévision Direct 8 et de plusieurs journaux gratuits, et actionnaire principal de la SFP, prestataire de France Télévisions ? Non ! (Protestations à droite)
M. Louis Grillot. - Ça vole bas !
M. David Assouline. - Cette réforme empêchera-t-elle les parlementaires de l'UMP de relayer les intérêts des lobbies proches de l'Élysée, comme ils l'ont fait à l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation de l'économie, avec l'amendement Lefebvre relevant à 8 % le seuil d'audience permettant de détenir plus de 49 % du capital d'une chaîne de télévision hertzienne terrestre, ce qui permettra au groupe Bouygues de mettre la main sur le capital de Télévision Monte-Carlo ? Non ! Garantira-t-elle la liberté d'enquêter et d'écrire des journalistes, au moment où le Gouvernement et la majorité souhaitent remettre en cause leur droit d'auteur et le principe du secret des sources ? Non ! Empêchera-t-elle le Président de la République de confondre le service public de l'audiovisuel avec une télévision d'État dont il nommerait les dirigeants, ou de remettre en cause le financement de France Télévisions pour assurer aux télévisions privées la totalité du marché publicitaire ? Non ! Obligera-t-elle le CSA à décompter du temps de parole du Gouvernement sur les antennes de radio et de télévision celui du Président de la République, devenu le véritable chef de la majorité ? Non !
Ce projet de révision n'est donc qu'un faux-semblant. S'il est adopté, il ne fera qu'élargir le fossé entre les Français et leurs institutions, et alimenter la défiance de nos concitoyens envers les responsables politiques. Sous couvert de modernisation des institutions, il accélérera la présidentialisation monocratique du régime et l'emprise du fait majoritaire sur notre vie démocratique.
J'appelle donc solennellement le Sénat à revoir la copie de l'Assemblée, notamment en rendant opérants les principes de liberté, d'indépendance et de pluralisme des médias, comme le proposent nos amendements.
Je conclurai en citant Victor Hugo, à l'Assemblée nationale, en 1848 : « La liberté de la presse est la garantie de la liberté des assemblées. Les minorités trouvent dans la presse libre l'appui qui leur est souvent refusé dans les délibérations intérieures. (...) Ne souffrez pas les empiétements du pouvoir ; ne laissez pas se faire autour de vous cette espèce de calme faux qui n'est pas le calme, que vous prenez pour l'ordre et qui n'est pas l'ordre ; faites attention à cette vérité que Cromwell n'ignorait pas, et que Bonaparte savait aussi : le silence autour des assemblées, c'est bientôt le silence dans les assemblées. » (Applaudissements à gauche)
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux, ministre de la justice. - Je remercie l'ensemble des orateurs. Vous avez voulu être au rendez-vous d'une réforme qui peut changer en profondeur le fonctionnement de notre démocratie. Vous avez conforté, par la qualité de vos interventions, notre conviction commune que cette revalorisation du Parlement sera une avancée décisive. (Marques d'étonnement amusé à gauche) Vous avez choisi le langage de la responsabilité.
L'article 89 de la Constitution exige un vote conforme des deux chambres avant la convocation du Congrès. A cette fin, le Sénat a travaillé main dans la main avec l'Assemblée nationale, en amont de cette seconde lecture, pour que le texte proposé remplisse les exigences que vous aviez définies à l'issue de la première lecture. Cela a été possible grâce à l'excellent travail de la commission des lois, et en particulier de votre rapporteur, le président Hyest, qui a montré tout à la fois une détermination sans faille, une remarquable capacité de conviction et un grand esprit de responsabilité.
Mme Catherine Tasca. - Et une grande souplesse !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Le premier principe de cette réforme, c'est le renforcement de notre Ve République. Je veux, après Mme Troendle, rendre hommage à la vision du général de Gaulle, dont la Constitution s'est révélée durable et forte. Elle ne sera pas dénaturée. Ce projet s'inscrit dans le cadre de la Ve République : le Président de la République reste élu par le peuple, le Gouvernement reste responsable devant le Parlement, le Sénat conserve une mission spécifique.
Mais le second principe de cette réforme, c'est l'adaptation de notre loi fondamentale aux évolutions de nos institutions et de la société. En effet, monsieur Mercier, l'élection présidentielle au suffrage universel et le passage au quinquennat ont accentué la prédominance de l'exécutif dans nos institutions. Il n'est pas question d'accentuer cette prédominance, comme le prétend Mme Boumediene-Thiery. En revanche, il nous faut moderniser notre démocratie, en contrôlant davantage le pouvoir exécutif, en renforçant le Parlement et en accordant des droits nouveaux aux citoyens.
Vous dites vouloir moderniser et revaloriser les pouvoirs du Parlement. Je vous propose de passer des mots aux actes, en tentant d'échapper à la surenchère, qui est souvent l'antichambre de l'immobilisme. Monsieur Frimat, ceux qui prétendent vouloir tout changer sont parfois ceux qui, en réalité, se préparent à ne rien changer ! (Exclamation sur les bancs socialistes, marques d'approbation à droite)
J'aurais aimé que MM. Frimat et Assouline reconnaissent les aspects qu'ils ont eux-mêmes jugés positifs : possibilité de voter des résolutions, partage de l'ordre du jour, référendum d'initiative populaire, inscription dans l'article 34, grâce à un amendement de M. Assouline, des principes de liberté, de pluralisme et d'indépendance des médias, reconnaissance de droits spécifiques aux partis et aux groupes minoritaires, et notamment à l'opposition. Alors, au-delà des postures, passons ensemble aux actes ! (On dénonce l'imposture à gauche)
M. Hyest l'a rappelé : s'il faut revaloriser le Parlement, c'est pour mieux contrôler le Gouvernement, améliorer la qualité de la loi et renforcer l'efficacité de nos politiques publiques. Les outils sont nombreux : discussion sur le texte issu de la commission, délais minimaux d'examen des textes, ratification expresse des ordonnances, plus grande maîtrise par le Parlement de son ordre du jour, contrôle des opérations militaires extérieures, principe de sincérité des comptes des administrations publiques, cher à Alain Lambert.
Cette réforme, c'est aussi de nouveaux droits pour les citoyens : l'exception d'inconstitutionnalité, attendue depuis longtemps, comme l'a rappelé M. Mercier, l'institution du Défenseur des droits ou encore la saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature.
Voilà le projet ambitieux et équilibré que nous vous proposons. Le Parlement en débat depuis deux mois, et y a consacré une centaine d'heures en séance publique ; l'Assemblée nationale puis le Sénat ont apporté des améliorations substantielles au texte initial. Je vois dans la qualité des travaux parlementaires une preuve supplémentaire du bien-fondé de notre projet. Mme Troendle et M. Mercier ont souligné ces apports du Parlement, notamment la définition du statut de l'élu local ou l'inscription dans la Constitution de la « garantie des expressions pluralistes des opinions et de la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ». Le Gouvernement, ouvert au dialogue, a accepté de très nombreux amendements, y compris de l'opposition. J'invite néanmoins chacun au bon sens et à la responsabilité : aller plus loin, ce serait ruiner l'équilibre du texte ; aller moins loin, ce serait en ruiner l'ambition. Madame Assassi, la surenchère est une posture facile et confortable, mais elle débouche sur une impasse !
Grâce au travail remarquable des deux assemblées, nous sommes arrivés à un équilibre susceptible de recueillir l'approbation du Congrès. Le compromis n'est pas un chemin honteux, bien au contraire. Gouvernement, Assemblée, Sénat, chacun a fait un pas : sur le droit pour les assemblées de voter des résolutions, la composition de la commission chargée de donner un avis sur les nominations, les langues régionales, chères à M. Grignon, le droit de grâce, la répartition des compétences entre juge judiciaire et administratif, la ratification des traités d'élargissement de l'Union, l'encadrement de l'article 49-3. Sur tous ces sujets, nous avons su, par le dialogue, nous retrouver sur un texte raisonnable.
Pour conclure, je veux souligner, avec solennité, le caractère exceptionnel du texte qui nous occupe. A chacun de peser ses responsabilités. Ceux qui diront « non » aux droits nouveaux accordés au Parlement devront motiver leur refus. (Sourires ironiques à gauche) Ceux qui le feront au nom du statu quo devront expliquer pourquoi ils ont si peu confiance en leur assemblée ; ceux qui le feront au nom du changement, pourquoi ils n'ont pas saisi l'opportunité de faire un pas en cette direction.
La Constitution n'est la propriété d'aucun camp, elle appartient à la France. Pour être adoptée, cette réforme doit trouver une majorité capable de se rassembler. Ainsi, le succès pourra être revendiqué par chacun et cette belle avancée sera l'oeuvre de tous, dans le seul intérêt de la Nation. Le Parlement jouera pleinement son rôle, les citoyens auront des droits nouveaux, l'état de droit progressera : nous aurons franchi une étape majeure dans la modernisation de notre vie politique.
La discussion générale est close
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°146, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation des institutions de la Vème République (n° 459, 2007-2008).
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le Sénat va se prononcer avant même que la commission n'ait examiné notre motion. Il est vrai qu'en première lecture, le rapporteur nous avait répondu avec ironie qu'une exception d'irrecevabilité ne pouvait être opposée à une révision constitutionnelle.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cela paraît en effet paradoxal...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il y a pourtant des précédents : en 1992, Philippe Seguin avait défendu à l'Assemblée nationale, au nom du groupe RPR, une exception d'irrecevabilité sur le projet de loi constitutionnelle préalable au traité de Maastricht, qui, loin d'être critiquée, a été votée par l'ensemble de la droite, dont MM. Fillon, Mazeaud et Jean-Louis Debré ! Notre assemblée, à commencer par M. Poncelet, n'avait pas non plus jugé inconcevable de voter pour une telle motion. Auriez-vous la mémoire courte ?
En première lecture, nous avions dénoncé l'atteinte portée au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. De fait, la suppression par les sénateurs de l'alinéa en cause, introduit en première lecture par l'Assemblée, a été maintenue en deuxième lecture par les députés : les uns et les autres ont perçu que, sous couvert de sécurité juridique, cette disposition ne visait qu'à permettre l'adoption de lois qui hier encore ne passaient pas la censure constitutionnelle !
Nous avons l'expérience de la loi relative à la rétention de sûreté : vous l'aviez voulue rétroactive, ce que le Conseil Constitutionnel a censuré.
La venue du Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès est hautement symbolique de la dérive de nos institutions depuis 1962. Notre République se caractérise par un pouvoir exécutif à la tête hypertrophiée. Or ce projet de loi aggrave le déséquilibre. La déclaration du Président de la République devant le Congrès « pourra » donner lieu à un débat - celui-ci ne faisant même pas l'objet d'un vote. Vous minimisez cette nouveauté, pourtant raison majeure de la réforme aux dires de M. Pasqua. Vous n'en parlez plus ! En première lecture, plusieurs députés UMP et centristes avaient dénoncé le basculement vers un régime présidentiel. Certes, d'aucuns dépensent beaucoup d'énergie pour expliquer qu'il n'en est rien. Je songe à Mme la Garde des sceaux, à M. Accoyer. Quelques constitutionnalistes repentis, que je croyais indéfectiblement attachés à la séparation des pouvoirs et au régime parlementaire, se gardent désormais de mentionner la venue du Président devant le Parlement. Mais vous ne parviendrez pas à nous convaincre avec le texte lui-même.
Ce discours d'un tribun, d'un monarque, qui assène la parole présidentielle aux parlementaires sans que ceux-ci puissent répondre ni exprimer leur opinion par un vote, renforce le Président de la République et affaiblit le Premier ministre et le Parlement. Ne sont remis en cause ni le droit de dissolution, ni l'attribution des pleins pouvoirs de l'article 16. Et les aménagements à la marge de cet article 16 n'y changent rien. C'est la confusion des pouvoirs, comme dans aucune autre démocratie. Un Président de la République avec des pouvoirs propres très importants, chef de l'exécutif sans responsabilité politique, chef de la majorité et chef de parti. La fonction d'arbitrage disparaît ! Quinquennat et inversion du calendrier portaient en germe cette évolution. Mais, même pour leurs partisans, dont nous n'étions pas, elle devait s'accompagner d'une réorganisation réelle des pouvoirs -la suppression du droit de dissolution- avec l'attribution de pouvoirs autonomes au Parlement. La disparition du rôle d'arbitre du Président a été soulevée, lors des auditions de la commission des lois, notamment par Mme Zoller et M. Colliard.
Le deuxième motif d'inconstitutionnalité concerne l'article 35 du projet de loi. Il prévoit la modification du titre XV de la Constitution à compter de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Malgré le « non » du peuple irlandais la veille même de l'examen du texte, le Gouvernement et la majorité se sont résolument accrochés à cet article. Il faut reconnaître que le Président de la République, devant le Parlement européen, a promis de tout faire pour pousser les Irlandais à se dédire. « Il ne s'agit pas de forcer la main aux Irlandais (...). Mais il faut avoir le courage de leur dire qu'il faut respecter ceux qui ont ratifié, et que l'Europe ne peut pas s'arrêter à cause d'eux. » Comment pouvez-vous nier l'expression du peuple irlandais, même si vous avez osé le faire pour le peuple français en méprisant son « non » de 2005 ? Le processus de ratification du traité de Lisbonne est remis en cause. La révision sur ce point relève presque de la provocation, puisque l'article 35 se trouve dépourvu de fondement. En outre, vous ne pouvez subordonner l'entrée en vigueur d'une révision constitutionnelle à l'entrée en vigueur d'un traité, liée à la décision d'autorités étrangères : cela reviendrait à associer ces dernières à l'exercice du pouvoir constituant dérivé ! De fait, en conditionnant la révision constitutionnelle à la ratification du traité de Lisbonne, vous procédez à une délégation inconstitutionnelle du pouvoir constituant.
Ces deux motifs suffisent à justifier l'adoption de la motion d'irrecevabilité, à quoi j'ajouterai l'atteinte au droit d'amendement, qui ne pourra désormais s'appliquer qu'en séance ou en commission...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Comme maintenant !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - ...selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. Le Sénat avait tenté de minimiser l'atteinte, en ne faisant plus référence aux limites fixées dans les règlements et en laissant libres les assemblées de fixer les conditions d'exercice. Mais l'Assemblée nationale a réintégré la notion de « limites » et renvoie à une loi organique pour fixer un cadre commun aux deux assemblées. Les députés ont également rétabli la disposition à l'article 19 selon laquelle, « sans préjudice des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 19 janvier 2006, considère que le droit d'amendement « doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture » et qu'il « ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et dans le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité ainsi que par la nécessité, pour un amendement, de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte ». La rédaction est en retrait par rapport à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, M. Hyest, l'a relevé, ce qui ne l'empêche pas de proposer le vote conforme !
J'ajoute que la constitutionnalisation, à l'article 11, de ce qui relève des politiques publiques soumises au Parlement -à savoir l'équilibre des comptes- me paraît irrecevable. Les décisions du Parlement s'en trouvent corsetées. Les choix de politique économique et sociale ne peuvent être gravés dans le marbre : je vous rappelle que notre peuple a refusé le traité constitutionnel ! C'est pourquoi on ne saurait parler, à l'instar du rapporteur, de « formules équilibrées pour conforter les droits du Parlement ». Ce texte opère une confusion des pouvoirs sans précédent et remet en cause le vote des Irlandais ; il ne renforce pas les droits du Parlement. Nous ne sommes pas dupes ! Il serait regrettable que la séparation des pouvoirs soit violée. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission n'a pas examiné l'exception mais sachant qu'elle propose un vote conforme sur l'ensemble du texte...
Il me semble paradoxal d'opposer l'exception d'irrecevabilité dans le cas d'une révision constitutionnelle. J'ai souvenir d'un orateur qui avait parlé pendant quatre heures et demi contre le traité de Maastricht. Ce n'était pas une exception d'irrecevabilité mais un discours d'opposition.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Etes-vous opposé aux exceptions d'irrecevabilité ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - A l'utilisation qui en est faite !
A vous entendre, on pourrait penser que la présence des ministres au banc méconnaît la séparation des pouvoirs. Ce n'est pas parce que le Président de la République vient une ou deux fois par an devant le Congrès que la séparation des pouvoirs est compromise ! Dans nombre de démocraties parlementaires, le Premier ministre est constamment devant le Parlement.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Avis défavorable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Tout cela est un peu troublant : le Premier ministre a expliqué sa position mais il est parti avant d'écouter la nôtre.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Mme la Garde des sceaux est là.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Mme la ministre a répondu sans avoir entendu les orateurs ! M. le premier ministre avait fait le contraire. Est-ce là votre nouvelle conception des choses ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. - Dramatique ! Est-ce tout ce que vous avez à dire ?
La motion n°146 est mise aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 234 |
Nombre de suffrages exprimés | 233 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 117 |
Pour l'adoption | 23 |
Contre | 210 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. - Motion n°92, présentée par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation des institutions de la Ve République (n° 459, 2007-2008).
M. Jean-Pierre Sueur. - Il y a quelquefois des situations qui confinent à l'absurde, dans lesquelles on produit des actes de langage en contradiction avec ce que l'on est censé vouloir dire. Nous en sommes là, comme l'ont brillamment montré nos collègues. On nous parle de renforcer le rôle du Parlement et voilà que nous sommes dans un rituel très formel : nous allons nous rendre en commission et tourner consciencieusement les pages des amendements et l'on nous dira imperturbablement qu'on y est défavorable. Après quoi nous passerons quelques heures à défendre nos amendements, dont aucun, quoi qu'il contienne, n'aura la moindre chance d'être adopté puisque tout a déjà été décidé. Et cela, à propos d'un texte qui a « pour fonction », nous dit M. Mercier, de revaloriser le rôle du Parlement ! Ce spectacle est le contraire même de cette vitalité du Parlement, que nous pourrions souhaiter.
Parlons vrai ! Sur la question du Sénat, si importante pour nous, vous n'avez fourni aucun argument sérieux. Cela ne relève pas de la Constitution ? Mais il était prévu d'en dire quelques mots et vous avez bien veillé à tout verrouiller de manière qu'une des chambres du Parlement ait une majorité inamovible. Délaissons les artifices de la rhétorique et de la casuistique : nous savons bien que vous vous accrochez pour que rien ne change sur cette question importante. Accepter l'alternance politique dans les deux chambres aurait valu tous les discours. Mais le Sénat est conservateur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - « De la République », disait Clemenceau !
M. Jean-Pierre Sueur. - A l'époque. Aujourd'hui, vous voulez conserver...
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Moi, non !
M. Jean-Pierre Sueur. - ...l'état des choses.
S'agissant de cette autre mesure à laquelle nous sommes très attachés, le droit pour les étrangers installés depuis longtemps de s'exprimer dans les scrutins locaux, le Président de la République lui-même a dit y être favorable. Vous le refusez, et la France sera bientôt, en la matière, lanterne rouge de l'Europe.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. - Un grand nombre de pays...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Très peu.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - Et sous réserve de réciprocité !
M. Christian Cointat. - Et ce n'est pas ce qu'ils ont fait de mieux !
M. Jean-Pierre Sueur. - Pour ce qui est du droit d'amendement, ce sera la première fois dans l'histoire de la République que ce droit sera subordonné au règlement de chaque assemblée, c'est-à-dire à la majorité de celle-ci. Il est grave que le droit d'amendement soit ainsi subordonné à quoi que ce soit.
Songez, à propos des nominations, qu'il y a une grande différence entre le véto négatif et un avis positif. En refusant celui-ci, vous faites perdre sa substance à cette disposition. Cela se répercute sur le Conseil supérieur de la magistrature puisque le mode de nomination a quelque chose à voir avec la nature même de cette institution. Tant pour la parité, que vous refusez, que pour la manière dont sont nommés les magistrats du parquet, nous n'avons trouvé aucune des avancées que nous voulions.
Le Défenseur des droits ? Je répète ma question, à laquelle nous n'avons pas encore eu de réponse : quelles seront ses attributions ?
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - Ce sera dans la loi organique !
M. Jean-Pierre Sueur. - Mme la ministre a peut-être quelques idées ? Ce Défenseur du droit se substituera-t-il au médiateur ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Entre autres !
M. Jean-Pierre Sueur. - Englobera-t-il la Halde ? La commission nationale de déontologie et de sécurité sera-t-elle absorbée ? Et, à terme, le contrôleur général des lieux de détention ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - On a dit que non.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Là-dessus, j'ai répondu.
M. Jean-Pierre Sueur. - Dans l'immédiat, mais à terme ? Et quid du Défenseur des enfants ? De la Cnil ? Bref, nous ne percevons toujours pas les contours de ses prérogatives.
Quelle plaisanterie que cette disposition sur l'ordre du jour ! Dans un grand nombre de parlements, il existe un espace pour l'initiative parlementaire et pour l'opposition. Chez nous, ce sera un jour par mois !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est mieux qu'avant !
M. Jean-Pierre Sueur. - A partager entre l'opposition et les groupes minoritaires qui votent certains textes de la majorité.
M. Michel Mercier. - Et quand vous deviendrez majoritaires, nous resterons minoritaires !
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous avons, dans cette maison, l'habitude de dialoguer ; je vous écoute et vous entends.
Donc, il y aura un jour par mois pour, premièrement, l'opposition et, deuxièmement, les groupes minoritaires. Donc, nous aurons une demi-journée par mois et on nous dit que c'est merveilleux !
Derrière ces discours, se profile une bien piètre réalité, une réalité indéfendable : une demi-journée par mois pour les divers groupes d'opposition !
Nous avions demandé que chaque groupe parlementaire puisse avoir l'initiative d'une ou deux commissions d'enquête par an. On est loin du compte : on ne donne aucun droit à l'opposition. Notre groupe, par exemple, avait demandé une commission d'enquête sur les rapports entre l'exécutif et les propriétaires d'organes de presse ou de chaînes télévisées qui vivent pour l'essentiel de commandes publiques : sujet pertinent et d'actualité... La décision continuera à dépendre du bon vouloir de la majorité sénatoriale.
Où est le progrès en matière de droit de contrôle ?
En matière de résolutions lisons ce qu'ont adopté les députés : « Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l'ordre du jour les propositions et résolutions dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet seraient de nature à mettre en cause ses responsabilités » !
M. Christian Cointat. - Il y a la motion de censure à cette fin !
M. Jean-Pierre Sueur. - Autrement dit, beaucoup de manques et de faux-semblants dans ce texte.
Nous souhaitions une réforme qui donne tous ses droits au Parlement. Il serait sage de réfléchir encore avant de voter un texte aussi ambigu et conservateur. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Même avis défavorable que pour la motion précédente : le texte est équilibré et il apporte des avancées sur les droits des citoyens et les pouvoirs du Parlement.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis.
M. Jean-Pierre Sueur. - Le Gouvernement n'a rien à dire ? Même pas trois phrases !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous n'avez cessé de répéter que les pouvoirs du Parlement étaient renforcés. Il n'en est rien et la méthode Coué ne suffit pas ! Je suis d'accord avec ce qu'a dit Jean-Pierre Sueur sur les commissions d'enquête. De même le partage de l'ordre du jour est un leurre. On brouille les pistes en mettant en avant que le Gouvernement n'en aura la maîtrise que quinze jours par mois, parce que, finalement, l'opposition et les groupes minoritaires -qui la plupart du temps votent pour la majorité- n'auront l'initiative qu'une demi-journée par mois ! Il n'y a pas de changement. Nous voterons cette motion.
M. Pierre-Yves Collombat. - Nous voterons cette question préalable car la réflexion n'est pas parvenue à son terme. Pour rééquilibrer les institutions en faveur du Parlement, il y avait deux voies. La première était de modifier la loi électorale car le « parlementarisme rationalisé » associé à une Constitution qui donne tous les pouvoirs à l'exécutif, n'en laisse aucun à l'opposition parlementaire. On pouvait le faire, timidement, en introduisant un peu de proportionnelle, comme l'a proposé le comité Balladur.
La seconde voie était d'aller vers un vrai régime présidentiel, comme celui des États-Unis où le Congrès a un véritable pouvoir législatif. La possibilité donnée au Président de la République de s'exprimer devant notre Congrès le consacrera comme chef de la majorité et, comme nous l'a dit Mme Zoller en commission, nous allons non pas vers un régime présidentiel mais vers « un régime consulaire ». Avec ce texte on ne renforce pas les pouvoirs du Parlement, mais comme l'explique Dominique Rousseau dans Libération ce matin, on diminue ceux du Premier ministre et on renforce la majorité présidentielle.
M. Michel Mercier. - Une question importante, même si elle n'est pas préalable : une fois la réforme votée, que fait-on ? Considère-t-on que le travail est fini ou bien que tout reste à faire ? Le Gouvernement a dit dans l'exposé des motifs qu'il veut un Parlement renforcé et davantage représentatif. Comment renforcer les pouvoirs du Parlement sans le rendre plus représentatif ? Et le rendre plus représentatif, c'est introduire un peu de proportionnelle à l'Assemblée nationale et réformer le corps électoral du Sénat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Vous êtes d'accord avec nous mais vous votez toujours avec eux !
M. Michel Mercier. - Il m'interrompt parce que son groupe ne lui donne pas assez la parole.
Tout n'est pas réglé.
Le Sénat renouvelé aura, en octobre, à se poser la question. Nous ne pouvions pas réformer le mode de scrutin sénatorial à deux mois du prochain renouvellement.
Pas plus que les membres de mon groupe je n'ai peur du peuple. Nous sommes tous des élus locaux : nous ne pouvons pas ne pas prendre en compte les résultats des élections locales. Il est vrai que les résultats des élections sénatoriales sont amplifiés par la loi électorale : pour être plus forts et plus représentatifs, il faudra modifier le corps électoral du Sénat.
La motion n°92 est mise aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 207 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - La commission des lois doit se réunir pour examiner les amendements.
Dépôt de rapport
M. le président. - J'ai reçu de M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, en application de l'article 48 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques.
Acte est donné du dépôt de ce rapport. Il a été transmis à la commission des finances.
La séance est suspendue à 19 h 5.
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Modernisation des institutions de la Ve République (Deuxième lecture - Suite)
M. le président. - Nous poursuivons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation des institutions de la Ve République.
Discussion des articles
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le quatrième alinéa de l'article 3 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également électeurs et éligibles aux élections municipales, dans les conditions fixées par une loi organique, les citoyens étrangers majeurs des deux sexes résidant en France et jouissant de leurs droits civils et politiques. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint, ni participer à l'élection des sénateurs. ».
II. Dans la première phrase de l'article 88-3 de la Constitution, le mot : « seuls » est supprimé.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - En première lecture, la Haute assemblée a refusé d'accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidents non communautaires. En entendant d'éminents collègues de la majorité se prononcer en faveur de ce droit de vote, j'ai eu le sentiment que le Sénat n'était pas loin de l'adopter. Des étrangers résident en France depuis parfois des décennies, ils y travaillent, paient leurs impôts, acceptent les devoirs de notre société : pourquoi leur refuser de choisir leurs élus locaux, comme le reste de la population ? En leur accordant ce droit, nous démontrerions que la France ne tourne pas le dos aux étrangers une fois qu'elle n'a plus besoin de leurs bras, nous rendrions justice à des dizaines de milliers d'étrangers pour qui cette question est loin d'être secondaire, nous effectuerions notre devoir de mémoire ! Mes chers collègues, de l'audace !
M. le président. - Amendement n°93, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'avant-dernier alinéa de l'article 3 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le droit de vote et d'éligibilité pour l'élection des conseils des collectivités territoriales est accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France, dans les conditions déterminées par une loi organique. »
M. Bernard Frimat. - Je forme le voeu qu'après la caricature d'examen de ces amendements en commission (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, s'exclame), alors que la majorité n'en a pas déposé un seul... (Exclamations à droite et au centre)
M. Alain Lambert. - Si, j'en ai déposé !
M. Bernard Frimat. - Oui, mais à titre individuel ! Je souhaite donc que notre débat, malgré ces circonstances, ne soit pas expéditif, même s'il paraîtra long à ceux qui ont choisi de rester spectateurs.
En première lecture, le Sénat a discuté longuement du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales : le seul fait d'en débattre sereinement, fut une avancée. Nous revenons avec notre proposition, sans trop d'espoir, pour en marquer l'importance. Plusieurs collègues de la majorité, en particulier M. Fauchon, se sont prononcés en faveur de ce droit de vote. Les opinions évoluent, vous ne pourrez rester longtemps bloqués au statu quo. Le Président de la République lui-même, avant d'être élu, s'est prononcé pour ce droit de vote, à titre personnel -et ses opinions personnelles sont si nombreuses à avoir obtenu force de loi, qu'on peut garder de l'espoir ici !
Mais le droit de vote des étrangers exige au préalable une réforme de la Constitution : ne gâchons pas cette occasion ! Les votations citoyennes sont plus nombreuses, les élections locales sont incontournables, pourquoi en exclure les étrangers ? Donnons-leur, à tous ces résidents qui participent à notre société, une perspective satisfaisante, plutôt que de leur opposer une constante fin de non-recevoir !
M. le président. - Amendement n°82, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le titre XII de la Constitution, il est inséré un titre XII bis ainsi rédigé :
« TITRE XII BIS
« DU DROIT DE VOTE DES ETRANGERS AUX ELECTIONS MUNICIPALES
« Art. ... - Le droit de votre et d'éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
Mme Éliane Assassi. - De très nombreuses personnalités se sont prononcées pour le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales : le Président de la République pendant la campagne, certains de nos collègues de la majorité, et encore M. Hortefeux le 9 juillet, sous condition de réciprocité. Vous êtes donc pour, sous condition de réciprocité ? Chiche ! Engageons le débat avec les peuples et les États concernés ! De quoi avez-vous peur ? D'adresser un signal fort à toute cette partie de nos concitoyens, qui sont encore écartés du droit de vote ? D'être un tant soit peu positifs, quand la politique d'immigration de la France et de l'Europe se résume à des seuils coercitifs ? Quand le Parlement européen adopte une directive qui allonge à dix-huit mois la durée de rétention, qui fixe à cinq ans l'interdiction du territoire, qui organise le renvoi des étrangers en pays de transit, sur fond de centre de rétention ingérables ?
Nous vous proposons de mettre fin à cette inégalité flagrante entre des citoyens qui habitent les mêmes territoires mais qui n'y ont pas les mêmes droits ! Ne nous dites pas que les étrangers peuvent demander la nationalité française pour voter ! D'abord, parce que vous ne le demandez pas aux étrangers non communautaires...
Voix à droite. - C'est vrai !
Mme Éliane Assassi. - Ensuite, parce qu'il n'est pas si facile, contrairement à ce que vous dites, d'obtenir la nationalité française !
M. le président. - Amendement n°94, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 72-4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art.... - Le droit de vote et d'éligibilité pour l'élection des conseils des collectivités territoriales est accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
M. Bernard Frimat. - Je l'ai défendu.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Puisque Mme Assassi nous demande de ne pas répéter nos arguments, j'irai vite. En première lecture nous avons, effectivement, débattu longuement du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales. Mais le droit de vote est lié à la nationalité et la situation des ressortissants de l'Union européenne n'est pas la même : il y a la citoyenneté européenne, et la réciprocité !
Le droit de vote des étrangers n'est pas l'objet de cette révision constitutionnelle, je ne peux donc que renouveler l'avis défavorable de la commission sur les amendements qui proposent d'établir ce droit.
Monsieur Frimat, nos débats en commission n'ont rien eu de caricaturaux ! J'ai donné mon avis sur tous les amendements, vous me proposiez même un vote bloqué !
M. Bernard Frimat. - Je ne vous ai pas mis en cause vous, personnellement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La caricature, ce serait de recommencer notre débat de première lecture !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Ce sujet est délicat et controversé. Le Président de la République, pendant la campagne, a déclaré qu'un consensus était nécessaire pour décider d'accorder d'un tel droit.
Il s'agit ensuite d'obtenir une réciprocité qui n'est pas garantie mais qu'ont obtenue les pays européens qui l'ont demandée.
Vous ne voulez pas qu'on vous réponde qu'ils n'ont qu'à demander la nationalité française mais cette demande est l'occasion de s'assurer de l'adhésion aux valeurs de la République. (Mme Eliane Assassi proteste) C'est une réalité ! Des dégâts locaux importants peuvent conduire à des dégâts nationaux importants. Avis défavorable à tous ces amendements.
M. David Assouline. - Oui, nous avons eu ce débat et nous l'aurons de nouveau. J'attends de vous de la cohérence : ou bien le Président de la République a tranché le débat et s'est fait une opinion favorable, et la réciprocité ne pose pas de problème, ou bien il juge qu'il n'y a pas consensus. Or dès que vous ajoutez les voix de ceux qui se sont prononcés pour ce droit de vote quand il figurait dans notre programme, et celles de vos électeurs qui l'approuvent, on constate qu'une majorité des Français est favorable. Si vous n'en voulez pas, c'est parce que vous privilégiez l'alliance de la frange la plus droitière de l'UMP avec le Front national, parce que vous préférez associer deux mouvements qui ne devraient rien avoir à faire ensemble.
Sur le fond, le débat a été tranché lorsque les ressortissants communautaires ont reçu le droit de vote aux élections locales. Ils votent et n'ont pas la nationalité française...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La citoyenneté européenne !
M. David Assouline. - Cela n'existe pas. Il est incohérent de rester ainsi recroquevillés et hostiles à toute évolution !
M. Gérard Longuet. - On l'a connu meilleur....
M. Charles Josselin. - Bien des arguments ont déjà été échangés et je n'évoquerai que l'inclusion citoyenne et sociale. Beaucoup d'élus, ici, pratiquent la coopération décentralisée, laquelle trouve souvent son moteur dans la présence d'une forte communauté de migrants. J'ai rencontré le désir de dizaines d'organisations de migrants de participer plus à la vie locale. Pourquoi refuser sans argumenter le droit de vote aux élections locales ? Il en est de même pour le refus de visa, qui n'a plus aujourd'hui besoin de motivation. Quant à la réciprocité, elle n'est pas un bon argument, car l'inclusion sociale et citoyenne des Français établis dans ces pays n'a rien à voir avec celle de leurs migrants en France. Et s'il fallait un consensus pour réformer, on ne le ferait guère. Ce n'est qu'une mauvaise défense et un signe négatif adressé à des personnes qui attendent au contraire un geste positif, surtout à l'heure de l'Union pour la Méditerranée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il faut avouer que l'on s'interroge sur ces dégâts locaux qui finissent par provoquer des dégâts nationaux... La citoyenneté européenne n'est qu'une vue de l'esprit, et qui nierait qu'il n'y a pas photo, comme on dit, entre l'Allemand arrivé hier, et qui peut voter, et le Tunisien qui est mon voisin depuis vingt ans et qui est, lui, privé de ce droit ? La France est un pays d'immigration ancienne mais vous voulez continuer à l'ignorer. Il y a eu des Italiens et des Espagnols qui souvent sont devenus français...
M. Gérard Longuet. - Des Portugais, des Polonais...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Et des migrants venus de l'autre côté de la Méditerranée ! Or dans la tradition de 1789, dont nous sommes issus, vote celui qui le souhaite, est citoyen qui le demande, et cela a quelque chose à voir avec le droit du sol. Quand on habite quelque part depuis dix ans, on peut vouloir voter. Demander la nationalité française ? Mais vous savez très bien que certains pays ne reconnaissent pas la double nationalité et que cela peut peser sur les décisions. Quant à la réciprocité, que la France accomplisse le geste, on verra bien le résultat. S'agissant enfin du consensus, le débat est surtout au sein de l'UMP car une majorité de Français est favorable au vote des étrangers non communautaires aux élections locales.
M. Jean-René Lecerf. - Je comprends bien Mme Assassi quand elle nous explique que tous les étrangers qui habitent en France ne demandent pas tous la nationalité française et j'entends aussi la Garde des sceaux quand elle évoque la nécessaire adhésion aux valeurs républicaines. Mais, madame, il faut que le Gouvernement assouplisse les conditions mises à la naturalisation. Je suis en ce moment le cas de deux ressortissants russes particulièrement diplômés et qui ne peuvent obtenir que des contrats aidés. Ils déposent une demande de naturalisation : on leur a demandé de renouveler leur passeport, ce qui n'est pas aisé quand on a quitté le pays pour échapper à des persécutions. Quand ils y sont parvenus, on leur a réclamé leurs certificats de naissance. Dès qu'ils les ont obtenus, il a fallu produire ceux de leurs parents, mais comment faire quand le père est né dans une région dévastée par la guerre ? Il faut, je le répète, considérablement assouplir les conditions d'obtention de la nationalité française. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite et sur les bancs socialistes)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Nous félicitons notre collègue Lecerf car il va certainement voter avec nous.
M. Jean-René Lecerf. - Certainement pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Justement, non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Il a bien montré que, même quand toutes les conditions sont réunies pour que la naturalisation ait lieu, elle ne se fait pourtant pas.
Vous dites vouloir améliorer la démocratie, le Parlement et donc le Sénat. Or, le Sénat va mal : en commission, des pouvoirs sont systématiquement donnés alors que le Règlement est très strict en ce domaine. J'ai, à de nombreuses reprises, dénoncé ce système illégal, mais en vain. Les absences injustifiées en commission peuvent théoriquement donner lieu à des retenues sur indemnités, mais cette disposition n'a jamais été appliquée. En séance publique, c'est le contraire : si les absents ont tort en commission, ils ont raison dans l'hémicycle puisqu'ils votent lors des scrutins publics.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - Et pourtant vous en avez demandé un !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Bref, la majorité du Sénat bafoue son propre Règlement. D'ailleurs, personne d'entre vous n'en demande la modification.
M. René Garrec. - Si, le doyen Gélard !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Depuis quelques temps déjà, l'opinion publique souhaite accorder le droit de vote aux étrangers. Vous répondez : qu'ils demandent leur naturalisation. Mais certains, comme les Espagnols ou les Italiens d'avant Maastricht, peuvent très bien vouloir la conserver.
M. René Garrec. - C'est leur droit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Bref, je perçois chez vous une immense hypocrisie : alors que le Président de la République nous a donné raison, vous vous abritez derrière de fausses raisons pour refuser cette avancée.
M. Christian Cointat. - Nous avons déjà eu un débat extrêmement intéressant sur ces questions en première lecture et je ne vois pas l'utilité de le reprendre ce soir. Nos sensibilités divergent sur ces importantes questions. Je voudrais simplement revenir sur les propos de M. Josselin qui, visiblement, ne connaît pas bien les Français établis hors de France. (Exclamations socialistes)
M. Charles Josselin. - C'est la meilleure !
M. Christian Cointat. - Vous semblez dire que ces Français sont des personnes aisées. Or, c'est loin d'être vrai : nombreux sont ceux qui vivent dans des conditions modestes.
M. Charles Josselin. - Ce sont la plupart du temps des binationaux.
M. Christian Cointat. - Nos ressortissants ne comprendraient pas que l'on puisse accorder le droit de vote à des étrangers en France sans réciprocité pour eux. (Exclamations à gauche)
Je ne suis pas opposé à l'extension de la notion de citoyenneté, mais dans la réciprocité. Il faut examiner les problèmes tels qu'ils sont, ce qui permet de progresser et de trouver des solutions, au lieu de lancer de grandes idées qui se révèlent fausses et donc inexploitables. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je vais finir par demander la clôture du débat !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - La DGF et la DGE ne sont-elles pas calculées en fonction du nombre d'habitants et non en fonction du nombre de Français ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cela n'a rien à voir et c'est tout à fait normal.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Une ville de 100 000 habitants compte 53 conseillers municipaux. Si seuls les 70 000 Français étaient pris en compte, il ne devrait plus y avoir que 43 élus !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mais oui !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Pourquoi les étrangers seraient-ils comptabilisés pour les dotations, pour les nombres de conseillers municipaux, et pas pour les élections ?
M. Gérard Longuet. - Parce que les élus gèrent les habitants et pas les citoyens !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nous sommes là confrontés à un réel déni de justice !
S'agissant de la réciprocité prônée par M. Cointat, le Gouvernement a-t-il déjà demandé aux autres pays d'accepter que nos ressortissants votent à leurs élections ? Ne faudrait-il pas commencer par là ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nos débats en première lecture avaient permis de trancher ces questions. Nous pouvons toujours recommencer en deuxième lecture, mais telle n'est pas la tradition.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Supprimez donc les deuxièmes lectures !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je ne vous interromps pas, même lorsque ce que vous dites me fait sursauter.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Et vous, donc !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - J'espère que je vais encore continuer longtemps à avoir cet effet sur vous !
En dehors des étrangers, il y a d'autres habitants qui ne sont pas citoyens : les enfants. Il est normal que les dotations correspondent aux charges que supportent les communes. Mais si vous voulez vraiment réduire le nombre de conseillers municipaux et le calculer comme vous le dites, je vous invite à déposer une proposition de loi : il serait intéressant de voir qui la votera.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Vous avez parlé d'hypocrisie, monsieur le sénateur. Je trouve, pour ma part, qu'elle est de votre côté. Pendant des années, vous n'avez jamais tenu vos promesses. Le Président de la République, lui, a pris des engagements et a décidé de les tenir.
M. Jean-Marc Todeschini. - Surtout sur le pouvoir d'achat !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Et le droit de vote des étrangers ne faisait pas partie des engagements. Vous êtes sénateur depuis extrêmement longtemps, monsieur Dreyfus-Schmidt : pourquoi ne pas avoir pesé de tout votre poids pour que le droit de vote aux étrangers soit accordé lorsque la gauche était au pouvoir ? (Exclamations socialistes)
M. David Assouline. - Parce que le Sénat a toujours été à droite !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - L'amalgame que vous faites entre citoyenneté et immigration conduit au communautarisme. C'est d'ailleurs ce que vous avez favorisé lorsque vous étiez au pouvoir. (Même mouvement)
Lorsque je vois des femmes qui n'ont jamais eu accès aux droits élémentaires...
Mme Éliane Assassi. - Qu'est-ce que cela a à voir ?
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - ...comment leur donner la nationalité française ? Il faut d'abord qu'elles apprennent notre langue, nos valeurs républicaines, grâce au contrat d'intégration.
M. Jean-Marc Todeschini. - C'est de la provocation !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Non, c'est un simple rappel de nos valeurs fondatrices, que vous avez depuis longtemps perdues de vue, ce qui a mené au communautarisme ! (Applaudissements à droite tandis qu'on s'exclame à gauche)
On m'a interrogé sur les difficultés que rencontre quelqu'un qui souhaite acquérir la citoyenneté française. Mais nous sommes bien obligés de vérifier les pièces d'état civil, compte tenu de l'existence de filières de fraude ! Et depuis quelques années, il est plus facile d'être naturalisé puisque le délai d'instruction a été ramené à dix-huit mois.
M. David Assouline. - C'est une moyenne !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Oui, c'est une moyenne, que trouvez-vous à y redire ? Ce délai est parfois ramené à un an, et les dossiers sont traités selon des critères très clairs : la situation s'est donc nettement améliorée.
M. Jean-Marc Todeschini. - C'est faux !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Près de 80 000 personnes se sont vu accorder la nationalité française en 2006, soit davantage que les années précédentes. Nous menons une politique d'intégration fondée sur l'apprentissage de la langue française et des valeurs de la République : telle est la formation à la citoyenneté que nous favorisons. Nous voulons faire partager ce socle commun de connaissances et de valeurs à tous ceux qui souhaitent devenir français, sans rejeter personne. (Applaudissements à droite)
A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°93 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 303 |
Nombre de suffrages exprimés | 299 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 150 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 172 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°13 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s82 et 94.
Article premier
L'article 4 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le second alinéa, les mots : « au dernier alinéa de l'article 3 » sont remplacés par les mots : « au second alinéa de l'article 1er » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »
M. Alain Lambert. - Je prends la parole à ce moment de la discussion pour expliquer l'objet des différents amendements que j'ai déposés, et que je défendrai avec plus ou moins de zèle selon les réponses qui me seront faites.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Montrez votre zèle avant, nous répondrons après !
M. Alain Lambert. - J'ai lu avec intérêt les réponses faites à mes amendements en première lecture : j'y ai décelé toujours de l'ironie, souvent de la condescendance, et parfois du mépris, de votre part, monsieur le rapporteur, et de la part du Gouvernement. Mais je ne m'en plains pas, car cela me permet de m'expliquer ce soir devant vous, sans nulle rancoeur.
Nous sommes réunis pour discuter d'une révision de la Constitution. Je ne suis pas sûr, d'abord, que cette révision soit indispensable : cela me soulage de pouvoir le dire !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Tant mieux !
M. Alain Lambert. - Ensuite, il faut que nous nous accordions sur la nature d'une Constitution. Son rôle est de définir la forme du gouvernement d'un pays. Mais elle ne doit pas seulement organiser les relations entre les personnes vivantes, mais aussi entre les générations successives, notamment dans le domaine financier. On m'a dit qu'il était presque indécent, sauf à tomber dans des calculs d'épicerie, de mentionner les finances publiques dans la Constitution, texte sacré qui serait réservé aux juristes. A cela je réponds que l'activité de la Nation doit produire des fruits, dont une partie est prélevée par l'État, puis dépensée, afin de permettre la bonne marche de la Nation. Il n'est nullement incongru de parler de finances publiques dans la Constitution : l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution de 1958, ne dispose-t-il pas que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée » ? On me dit que mes amendements sont sympathiques, mais que leurs dispositions relèvent plutôt de la loi organique ; j'ai donc déposé de nouveaux amendements qui renvoient à la loi organique la détermination des conditions d'application des principes généraux qu'ils énoncent.
La démocratie est en péril, non seulement quand les représentants du peuple se détournent de l'intérêt public, mais aussi quand ils gardent les yeux rivés sur l'intérêt immédiat, et sont aveugles au moyen et au long terme. Ce soir je voudrais parler au nom de ceux qui, aujourd'hui, viennent de naître ou qui vont naître, et dont les intérêts doivent être préservés : car leurs conditions de vie dépendent directement des décisions que nous prenons aujourd'hui.
La solidarité entre les générations est un principe implicitement reconnu par le Préambule de la Constitution de 1946, auquel le préambule de 1958 fait aussi référence : « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement », « garantit à tous [...] la sécurité matérielle », et « proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales ».
Il est donc bien question, dans la Constitution, des conditions matérielles de la vie de la Nation. Mes propositions ne diffèrent en rien, dans leur principe, des dispositions de la Charte de l'environnement, qui affirme que « les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ». Tous les amendements que j'ai déposés sont inspirés par cette même pensée.
M. le président. - Amendement n°95, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit le second alinéa du 2° de cet article :
« La loi garantit, la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation dans le respect du pluralisme, ainsi que des droits aux partis et groupements politiques qui ne participent pas de la majorité dans chacune des assemblées parlementaires. »
M. Bernard Frimat. - A lire la rédaction actuelle de l'article premier, que le Sénat se prépare à adopter, on mesure le chemin parcouru. Je vous rappelle la teneur de cet article dans le projet de loi initial du Gouvernement : « Des droits particuliers peuvent être reconnus par la loi aux partis et groupements politiques qui n'ont pas déclaré soutenir le Gouvernement. ». Si je comprends le français, il s'agissait des droits de l'opposition. Mais chemin faisant, on a peu à peu vidé cet article de son contenu. (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, proteste) On est d'abord passé de la garantie des droits de l'opposition au « respect du pluralisme », formule qui avait la faveur de M. Hyest. Puis on a préféré la rédaction selon laquelle « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions » -ce qui ne fait qu'avaliser la jurisprudence du Conseil constitutionnel- « et la participation équitable des partis à la vie démocratique de la Nation » : l'introduction de l'adjectif « équitable », cher à M. Mercier, n'a fait l'objet d'aucun débat à l'Assemblé nationale.
Nous ne voulons pas d'un statut : c'est bon pour les espèces menacées qu'on enferme dans des réserves. Nous voulons des droits.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est la même chose !
M. Bernard Frimat. - C'était d'ailleurs une des recommandations du comité Balladur, et on lit dans l'exposé des motifs du projet de loi : « Les droits nouveaux reconnus au Parlement ne produiront tous leurs effets que si l'opposition dispose de garanties renforcées ». Mais telle n'a pas été votre volonté. Pour satisfaire une fraction, au sens allemand du terme -une Fraktion, un parti- ou au sens français -les trois cinquièmes nécessaires à l'adoption du projet- vous avez relégué dans les règlements des assemblées les dispositions relatives aux droits de l'opposition. Or nous connaissons tous ici la Stufentheorie de Carré de Malberg : mentionner les droits de l'opposition dans le règlement des assemblées plutôt que dans la Constitution, c'est redescendre plusieurs marches dans la hiérarchie des normes et arriver aux derniers degrés.
Nous ne sommes pas opposés à ce que les groupes aient des droits, même si le qualificatif de minoritaire a une définition mathématique plus que politique. Notre amendement se rapproche de la volonté initiale du Gouvernement, mais, manifestement, sa volonté finale ne correspond plus aux conclusions du comité Balladur...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Votre amendement est largement satisfait. (M. Frimat le conteste) Pourquoi ne pas admettre que le texte a évolué, qu'il y a eu dialogue entre les deux assemblées. Certains auraient voulu que l'on ne reconnaisse pas l'existence des groupes. Pour ma part, je voulais inscrire dans la Constitution la garantie du pluralisme ; vous n'étiez d'ailleurs pas contre. Nous avons abouti à une formulation qui correspond exactement à ce souhait. L'article 24 prévoit que le Règlement de chaque assemblée garantit les droits des groupes parlementaires, qui sont le fondement du parlementarisme.
M. David Assouline. - C'est surtout l'opposition qu'il faut respecter !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ce sont tous les groupes, dont certains ne sont ni dans la majorité, ni dans l'opposition ! Certains prônent le bipartisme, qui, ailleurs, ne choque personne, mais notre système doit aussi être respecté, qui apporte ses garanties. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Cet article a évolué entre les deux lectures, et votre amendement est largement satisfait. Avis défavorable.
M. Bernard Frimat. - Je pense être le mieux placé pour savoir si mon amendement est satisfait ou non !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je vous ai donné mon avis.
M. Bernard Frimat. - Nous demandons que la norme la plus haute reconnaisse les droits de l'opposition ; vous répondez que l'une des normes les plus basses pourra reconnaître les droits des groupes ! Admettons que nos opinions diffèrent, mais faites-moi au moins la grâce de considérer que je suis capable d'une lueur de compréhension, et ne nous faites pas prendre des vessies pour des lanternes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le Sénat avait accordé aux groupes parlementaires la faculté de saisir le Conseil constitutionnel -quel époustouflant progrès... Or ce droit a été jugé tellement exorbitant par l'Assemblée nationale qu'elle l'a refusé ! En réalité, vous ne voulez pas reconnaître l'opposition, tout simplement.
L'amendement n°95 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°35, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les médias concourent, par leur pluralisme, à la libre information des citoyens. La loi garantit leur indépendance aussi bien vis-à-vis de l'État que des intérêts économiques de leurs actionnaires. Elle les protège des conflits d'intérêt et interdit les concentrations excessives. »
M. Ivan Renar. - Dans notre société, les médias forgent largement l'opinion publique. En ce sens, ils constituent un réel pouvoir, voire un contre-pouvoir. Encore faut-il que leur indépendance soit garantie. De la troublante proximité du Chef de l'État avec certains grands groupes de presse, jusqu'à son intervention directe pour critiquer les programmes du service public de la télévision, en passant par sa décision d'amputer ses ressources au profit de ses concurrents privés, les mauvais exemples abondent.
Dans ces conditions malsaines pour la démocratie, il faut préciser, parmi les grands principes républicains définis à l'article premier, que la loi garantit une totale indépendance des médias, vis-à-vis de l'État mais également vis-à-vis des entreprises et de leurs actionnaires. Comme disait Jacques Prévert, « quand la vérité n'est pas libre, la liberté n'est pas vraie » !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le Sénat a adopté en première lecture un amendement inscrivant à l'article 34 de la Constitution que la loi fixe les règles concernant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias. L'Assemblée nationale a ajouté, à l'article premier du projet de loi, que la loi garantit l'expression pluraliste des opinions. C'est suffisant : avis défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n°35 n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°96, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art.... - Les moyens de communication, écrite, audiovisuelle, radiophonique et numérique concourent, par leur pluralisme, à la libre expression et la libre communication des pensées et des opinions. La loi garantit leur indépendance et met en place les règles limitant les concentrations, assurant la transparence des entreprises de communication et les relations entre les propriétaires de ces entreprises et l'État. »
M. David Assouline. - Lors de la première lecture, le Gouvernement a repoussé cet amendement au motif que la jurisprudence du Conseil constitutionnel suffisait. Dans sa décision du 11 octobre 1984, le juge constitutionnel a en effet fait du pluralisme des quotidiens d'information politique et générale un objectif de valeur constitutionnelle ; dans sa décision du 18 septembre 1986, il a étendu cette exigence aux services de télévision et de radio, estimant que le respect du pluralisme de l'expression des différents courants politiques et socioculturels constituait l'« une des conditions de la démocratie ».
Mais les médias ont profondément évolué depuis, avec la multiplication des supports et des modes d'accès à l'information. Le régime anti-concentration applicable aux services de télévision et de radio a été régulièrement revu à la baisse. Dernière évolution en date, un amendement de M. Lefebvre, ancien conseiller du Président de la République, au projet de loi de modernisation de l'économie, était destiné à permettre à certains opérateurs de chaînes diffusées en TNT, comme Bolloré ou M6, de continuer de détenir 100 % des parts de leur société alors que les chaînes en question atteignent ou dépassent le seuil de 2,5 % d'audience !
La multiplication des acteurs de l'audiovisuel et de la presse qui ont pour source essentielle de revenus la commande publique, l'évolution des rapports entre le pouvoir politique et les grands groupes de presse, les projets du Chef de l'État pour mieux contrôler le service public de l'audiovisuel, avec la nomination du président de France Télévisions en conseil des ministres, signifient une mise sous contrôle politique de la télévision publique.
Je me félicite que le Sénat, malgré l'avis négatif du Gouvernement, ait adopté un amendement socialiste qui consacre le principe de l'indépendance des médias. Mais étant donné le contexte actuel, il faut lui donner un contenu concret.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ce qui dans votre amendement relève de la Constitution y figure déjà. Quant au reste, inutile d'en rajouter. Défavorable. Nous avons déjà vu cela en première lecture.
M. David Assouline. - La Constitution prévoit deux lectures.
M. Pierre-Yves Collombat. - Si vous voulez faire acte de modernité, c'est le moment ! Le conseil national de la Résistance a voulu installer le pluralisme. Mais aujourd'hui, les concentrations se reforment. Les déclarations de principe ne mangent pas de pain, mais limiter les concentrations a un sens, de même qu'instaurer la transparence des relations entre les partenaires au sein des groupes de presse. Si l'on souhaite une démocratie plus vivante, on ne peut faire l'impasse sur cette question. Cela vous déplaît parce que vous voulez un vote conforme pour aller lundi à Versailles, mais c'est ainsi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - J'ai un sentiment de déjà vu... (« Nous aussi ! » à droite) Il est vrai que je siège ici depuis « très très longtemps », madame la ministre. Vous étiez sans doute au berceau lorsque, auparavant, je suis devenu pour la première fois député.
A la Libération, la loi du 11 mai 1946 a organisé la dévolution des biens de presse ; il s'agissait d'éviter que les puissances d'argent acquièrent des moyens de communication tels...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ce n'était pas essentiellement cela !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - ...qu'ils puissent persuader et influencer les lecteurs comme ils le souhaitaient. Georges Fillioud en 1981 a fait voter une loi pour éviter les concentrations. Mais nous voilà aujourd'hui revenus à la situation que nous connaissons. Les Dassault, les Bouygues et d'une manière générale ceux qui ont de l'argent possèdent les moyens de communication. Le problème ressurgit, non réglé. Il faudrait arriver, tout de même, à séparer les puissances d'argent et les moyens de communication !
M. André Trillard. - Les puissances dites d'argent ne sont pas les seules à concentrer les pouvoirs dans la presse. Dans certaines régions, un seul titre regroupe l'ensemble de la presse quotidienne, hebdomadaire, et télévisuelle. (« Très bien ! » à droite)
L'amendement n°96 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°36 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
... - Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... - Les services de radio et de télévision doivent respecter, au sein de leurs programmes, une répartition des temps d'intervention entre le Président de la République et le gouvernement, pour un tiers du temps, les personnalités appartenant à la majorité parlementaire, pour un tiers du temps et les personnalités appartenant aux groupes parlementaires de l'opposition pour un tiers du temps.
« Par exception aux dispositions qui précèdent, lorsque le Président de la République et le gouvernement sont issus de majorités politiques d'orientations différentes, les interventions du Président de la République sont décomptées avec celles des personnalités appartenant à l'opposition parlementaire. »
M. Ivan Renar. - L'un de vos objectifs affichés est le rééquilibrage des institutions et le renforcement des pouvoirs du Parlement. Nous avons beaucoup discuté de la prise de parole du Président de la République devant les assemblées. Mais il y a aussi la manière dont elle est répercutée dans les médias.
Toutes les grandes démocraties ont pris des dispositions pour protéger la liberté de la presse. Imitons-les ! Chez nous, le Président de la République est tenu à l'écart du décompte des temps de parole politique dans les médias. Mais depuis que Nicolas Sarkozy a été élu, la façon dont il s'expose et investit le champ médiatique menace le pluralisme. Or le Conseil supérieur de l'audiovisuel se retranche derrière une disposition législative pour refuser d'intégrer son temps de parole. Notre amendement règle ce point.
M. le président. - Amendement identique n°97, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
M. David Assouline. - L'idée commence à faire son chemin d'inclure dans les « trois tiers » le temps de parole du Président de la République. La majorité le refusait jusqu'ici mordicus mais voici que le chef de l'État va faire un geste en ce sens prochainement...
M. Jean-Marc Todeschini. - Un geste pour Jack Lang !
M. David Assouline. - Nous préférons inscrire le principe dans la Constitution.
Curieuse façon, du reste, de revaloriser le Parlement : nous débattons, nous faisons la loi constitutionnelle, mais c'est le Président de la République qui, peut-être, va nous octroyer une liberté de plus ! Belle revalorisation.
M. Christian Cointat. - C'est parce qu'elle n'est pas encore faite !
M. David Assouline. - Depuis 1989, on applique la règle des trois tiers, héritée d'une directive de l'ORTF visant à assurer un équilibre entre ceux qui gouvernent, ceux qui approuvent et ceux qui critiquent. Le CSA s'est toujours refusé à comptabiliser le temps de parole du Président de la République. Le Conseil d'État a confirmé cette position en mai 2005, à l'occasion de la campagne sur le référendum européen. Il a estimé que le Président ne s'exprime pas au nom d'un groupement politique.
Depuis un an, le CSA a engagé une réflexion... qui n'a pas encore abouti. Cette situation n'est plus tenable sous le règne de la république sarkozyste, marquée par l'agitation médiatique permanente du Chef de l'État. Il est urgent de résoudre le problème -d'autant qu'il y aura désormais, en plus, ce grand show médiatique versaillais. La présidentialisation est accentuée par la réforme constitutionnelle. Le Président n'est plus comme à l'origine un arbitre. L'hypermédiatisation règne : pas une heure sans que le Président n'apparaisse à l'antenne, sans parler de ses liens personnels. Que les participations à des commémorations ne soient pas comptabilisées, bien sûr ! (Marques d'impatience à droite)
M. Éric Doligé. - Temps de parole dépassé ! Il vous sera décompté.
M. David Assouline. - Mais ce qui relève de l'action gouvernementale doit l'être. Cette avancée démocratique est nécessaire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Tout cela n'a aucun lien avec notre débat : nous n'allons pas écrire cela dans la Constitution !
M. Philippe Richert. - Évidemment pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Dans une loi, éventuellement. Défavorable. Vous tenez les mêmes propos qu'en première lecture.
M. David Assouline. - Non ! J'ai réécrit !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Alors nous progressons... Vous n'avez en fait pas supporté de voir le Chef de l'État dans les médias hier. Mais il n'était pas seul ! Il y avait beaucoup d'invités...
M. Jean-Marc Todeschini. - Même Jack Lang !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Compte tenu de l'ampleur de ces manifestations...
M. Jean-Pierre Sueur. - Quel rapport avec la Constitution ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je parle de ce qu'on reproche au Président de la République. Les critiques permanentes qui lui sont adressées sont excessives, ne serait-ce qu'au regard de la dignité de la fonction. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Oui, le mot « agitation » est malvenu à propos du Président de la République, sur ce sujet, M. Assouline est expert...
M. David Assouline. - Parce que vous acceptez tous les mots que lui emploie ?
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Le Président de la République peut lui aussi prendre des initiatives pour modifier la Constitution, c'est l'article 89.
Je m'associe à ce qu'a dit le rapporteur : une telle disposition n'a pas sa place dans la Constitution. En outre, ce que vous proposez n'est pas satisfaisant : le Président de la République n'a pas la même place que le Gouvernement ou les autres acteurs politiques. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements qui ont déjà été longuement débattus en première lecture.
Les amendements identiques n°s36 rectifié et 97 ne sont pas adoptés.
présidence de M. Christian Poncelet
Article 3 bis
L'article 11 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « ou sociale » sont remplacés par les mots : «, sociale ou environnementale » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
« Si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum.
« Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin. » ;
3° Dans le dernier alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition ».
M. le président. - Amendement n°37, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Dans la première phrase du deuxième alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :
un cinquième
par les mots :
un dixième
et les mots :
un dixième des
par les mots :
un million d'
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Notre amendement vise à rendre obligatoire le recours au référendum pour l'adoption de tout projet de loi qui contiendrait des dispositions précédemment rejetées par le peuple, consulté par référendum. Il tient compte du cas spécifique des traités internationaux. Afin d'éviter un contournement de la disposition constitutionnelle envisagée, il prévoit l'organisation obligatoire d'un référendum pour autoriser la ratification d'un traité contenant des stipulations qui figuraient déjà dans un précédent traité rejeté par référendum. C'était le cas du traité de Lisbonne, qui aurait dû faire l'objet d'un référendum puisqu'il reprenait les dispositions du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Nous avions alors dénoncé le refus du Président de la République de recourir au référendum sur ce traité ; ce refus constituait un déni de démocratie. Nous avions fait valoir que ce que le peuple avait défait en 2005, seul le peuple pouvait le refaire ou le défaire à nouveau. Aucun argument sérieux n'avait pu être opposé à ce principe fondamental. Certes, le peuple peut changer d'avis sur la politique européenne, sur le contenu du traité, comme sur d'autres.
Notre amendement est motivé par le souci de respecter la parole du peuple : dès lors qu'il a clairement signifié son refus d'un projet de loi par référendum, il n'est pas acceptable qu'un nouveau projet de loi, contenant des dispositions similaires au précédent, puisse être adopté par voie parlementaire. Le parallélisme des formes et le respect de l'expression directe de la souveraineté nationale exigent donc d'encadrer le pouvoir législatif du Parlement sur les sujets ayant précédemment fait l'objet d'une consultation populaire.
Ce qui fonde la légitimité de la démocratie parlementaire, c'est l'élection par le peuple au suffrage universel : les citoyens délèguent leur souveraineté à leurs représentants, ils ne leur donnent pas la totalité de leur pouvoir. Il est donc injustifiable d'opposer la légitimité parlementaire à la légitimité populaire, la première n'existant que par délégation de la seconde.
Notre amendement doit éviter un nouveau déni de démocratie qui n'honore pas les représentants du peuple. Vouloir se soustraire à l'expression du peuple par le biais de l'expression du Parlement ne renforce en rien le rôle de celui-ci. Au contraire, cela revient à creuser encore plus le fossé existant entre le peuple, d'un côté, et ses institutions et représentants, de l'autre. Nous tenons à garantir le respect de l'expression directe de la souveraineté nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est seulement sur l'amendement n°37 que je dois donner l'avis de la commission ? Il me semble que vous venez de défendre le n°39.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Non, je défendrai aussi les suivants !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'amendement a déjà été présenté en première lecture ; la commission garde les mêmes raisons de s'y opposer.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°37 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°38, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Rédiger comme suit le troisième alinéa du 2° de cet article :
« Les modalités de sa présentation sont déterminées par une loi organique.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Les conditions d'exercice du droit d'initiative législative instauré par cet article sont trop restrictives. Nous rejetons donc l'ajout d'un contrôle de constitutionnalité qui met une nouvelle fois en cause la souveraineté populaire.
Vous voulez « éviter toute dérive démagogique » mais où est-elle, la démagogie, où est le populisme, sinon dans votre volonté d'opposer ceux qui ont un travail à ceux qui n'en ont pas, le public et le privé ? Le Premier ministre a beau dire, la « bataille idéologique » est loin d'être gagnée par la droite et d'être définitivement close : les luttes populaires persistent.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous ne partageons pas vos craintes et préventions à propos du contrôle de constitutionnalité, qui nous paraît une garantie essentielle.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis défavorable.
L'amendement n°38 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°39, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
4° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le référendum a conclu au rejet d'un projet de loi, tout nouveau projet de loi contenant des dispositions analogues ou autorisant la ratification d'un traité contenant des dispositions similaires à celles du traité ayant fait l'objet de la consultation, doit être soumis au référendum. »
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Je l'ai défendu.
Repoussé par la commission et par le Gouvernement, l'amendement n°39 n'est pas adopté.
L'article 3 bis est adopté.
Article 4
L'article 13 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés. »
M. le président. - Amendement n°40, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :
« L'ensemble des emplois pourvus par le Président de la République est soumis à avis conforme d'une commission constituée des membres des deux assemblées du Parlement à la proportionnelle des groupes parlementaires, tels que mentionnés à l'article 51-1. Ces nominations doivent être approuvées à la majorité des trois cinquièmes. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Oui, nous redéposons cet amendement en seconde lecture car nous considérons qu'il touche au point essentiel de cette révision constitutionnelle : le renforcement au Parlement du fait majoritaire au seul service du Président de la République et de son pouvoir personnel. Cet article 4 à lui seul est porteur de la manipulation à laquelle nous assistons depuis des mois : cette révision renforcerait les pouvoirs du Parlement au détriment de ceux du chef de l'État. Tout au contraire, le Président de la République renforce sa mainmise sur les institutions par l'intermédiaire de la majorité parlementaire que l'on sait à sa dévotion, notamment depuis l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier qui soumet totalement les élections législatives au scrutin présidentiel.
Sur la nomination de personnalités, nous avons assisté, depuis les travaux du comité Balladur, à un véritable tour de passe-passe. D'une majorité devant approuver les nominations, c'est-à-dire avec l'accord de l'opposition, nous sommes parvenus à une majorité des trois cinquièmes pouvant refuser des nominations, c'est-à-dire cette fois-ci, avec l'accord de la majorité.
La polémique autour de l'annonce de la nomination, dans le futur, du président de France Télévisions par le Président de la République, est tout à fait symbolique : où sont les garde-fous ? Où est le contrôle démocratique ? Que devient la transparence ? Instaurer un veto aux mains de la majorité présidentielle pour contrecarrer toute opposition à une nomination montre bien que nous sommes, et j'espère me tromper, à la veille d'un basculement institutionnel dont la République et le peuple seront les premières victimes.
M. le président. - Amendement n°98, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après les mots :
avis public
rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet article :
d'une commission, désignée en début de législature, constituée paritairement de membres des deux assemblées du Parlement, à la proportionnelle des groupes parlementaires. Cette commission statue à la majorité des trois cinquièmes. »
M. Jean-Pierre Sueur. - Leurre, trompe-l'oeil, faux-semblant...
Le comité Balladur avait proposé quelque chose de très intéressant : qu'il faille recueillir l'avis des parlementaires pour les nominations de personnalités. Cela supposait qu'un accord soit recherché entre majorité et opposition. Cela peut fonctionner, nous l'avons vu en commission des lois à propos de la nomination du contrôleur des lieux de détention.
Je ne vois donc pas quelles raisons vous pouvez avoir de vous opposer à cet amendement. Sans doute votre commission mixte pseudo-paritaire UMP/UMP (sourires) en a-t-elle décidé ainsi... Donc vous inversez les choses et l'avis de l'opposition n'est plus requis de la même manière tandis que la majorité garde les prérogatives qui sont les siennes.
Quand le Président de la République annonce qu'il va désigner le président de France Télévisions ou qu'il va faire disparaître la publicité sur les chaînes publiques, on est bien dans un système monocratique. Nos amendements se justifient d'autant. On a tout à l'heure reproché à l'un de nos collègues ses propos critiques sur le Président de la République. Nous respectons tous l'éminence de la fonction, mais chacun a le droit de s'exprimer. N'a-t-on pas entendu, naguère, des propos irrévérencieux à l'encontre de François Mitterrand ?
M. Éric Doligé. - Jamais !
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous avez la mémoire courte.
Un président du Sénat n'a-t-il pas parlé de « forfaiture », sans cesser pour autant d'occuper ses fonctions ? Le coup d'État permanent a-t-il empêché l'ancien sénateur François Mitterrand de devenir Président de la République ? Cessez donc de pousser des cris d'orfraie au seul motif que nous usons de notre droit d'expression !
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Dans la deuxième phrase du second alinéa de cet article, remplacer les mots :
au moins trois cinquièmes
par les mots :
la majorité simple
Mme Alima Boumediene-Thiery. - La mise en place d'un contrôle parlementaire des nominations doit permettre une véritable prise en compte de l'opposition. N'est-ce pas l'objectif de ce texte ? Or, exiger que la commission compétente puisse s'opposer aux trois cinquièmes suppose qu'à elle seule, l'opposition ne puisse valablement s'opposer à une nomination. A défaut d'un vote positif à la majorité qualifiée, il convient de ramener le véto parlementaire, inapplicable en l'état, à la majorité simple des suffrages exprimés, faute de quoi le contrôle parlementaire sur les nominations restera une pure chimère.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission est opposée à la mise en place d'un avis conforme. Elle considère qu'une commission spécialisée risque d'entraîner une forte politisation des nominations : défavorable à l'amendement n°40. Elle estime qu'une majorité positive des trois cinquièmes rendrait difficile les nominations, tandis qu'un avis négatif, même consultatif, aura un fort effet dissuasif : défavorable à l'amendement n°98. Même avis, enfin, sur l'amendement n°9. L'expérience du contrôleur général des lieux privatifs de liberté est suffisamment parlante.
M. Jean-Pierre Sueur. - Précisément : c'était un vote positif !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il sera très difficile de passer outre un avis négatif.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements. Il s'agit d'encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République, non de le transférer au Parlement : tel serait le résultat en cas d'avis conforme à la majorité simple. J'ajoute que soumettre l'ensemble des nominations à l'avis de la commission n'aurait pas de sens : les directeurs d'administration centrale, les préfets, les recteurs sont directement liés à l'exécutif.
M. David Assouline. - Je souscris aux propos de M. Sueur. Nous avons subi, en première lecture, les mêmes pressions sur la même question. Est-il donc désormais interdit de mettre en cause l'action du Président de la République ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - On ne dit pas cela.
M. David Assouline. - Que ne réagissez-vous quand, de façon répétée et concertée, le Premier ministre, le porte-parole de l'UMP traitent une personnalité de l'opposition, candidate à la Présidence de la République, de poubelle, d'égout et autres propos du même tonneau ? Il y a donc deux poids deux mesures ? Nous ne versons pas, quant à nous, dans ce type d'insultes, mais nous revendiquons le droit de caractériser clairement un adversaire politique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - La position prise par la commission des lois et le Gouvernement est proprement honteuse ! L'idée de départ, intéressante, consistait à prévoir que pour certaines nominations, un avis conforme à la majorité qualifiée du Parlement était requis. Et voilà que vous la dénaturez en la retournant : il faudra une majorité qualifiée pour rejeter une nomination et l'avis ne sera plus que consultatif. C'est une honte ! C'est la démocratie du semblant ! J'avais demandé, en commission, un vote sur l'amendement n°98 : 19 voix contre, 16 pour. (MM. Hyest et Gélard le contestent) Nous étions pourtant majoritaires, mais une fois de plus, les poches des sénateurs de la majorité présents étaient truffées de délégations de vote. Pas les nôtres. (MM. Hyest et Gélard le contestent) C'est une honte pour la démocratie !
M. Pierre-Yves Collombat. - Nos collègues de la majorité et des groupes qui ne lui appartiennent pas mais votent comme elle (sourires) savent-ils bien ce qu'ils vont voter ? Le Président de la République pourra nommer qui il veut pour peu que 40 % de la majorité le soutienne. Sacrée modernisation ! Et notre assemblée sera de surcroît réduite à un rôle subalterne, puisque nous sommes moins nombreux que les députés.
L'amendement n°40 n'est pas adopté.
L'amendement n°98 n'est pas adopté.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
Article 6
L'article 17 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 17. - Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. »
M. le président. - Amendement n°99, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Bernard Frimat. - Nous revenons à la position adoptée en première lecture par le Sénat. Elle n'était d'ailleurs pas, au départ, celle du groupe socialiste, mais nous nous étions ralliés à la position défendue par M. Alfonsi, dont l'amendement avait été adopté contre l'avis de la commission des lois et du Gouvernement.
L'actuel Président de la République n'utilise pas le droit de grâce collective, nul ne saurait le lui reprocher puisque ce droit, par nature, est discrétionnaire. Cependant, en quoi est-ce moderniser nos institutions, que de lier les successeurs de l'actuel Président de la République, à sa pratique du droit de grâce, ou d'obliger par la suite à une nouvelle révision pour rétablir le droit de grâce collective ? Qui peut garantir que les conditions ne seront plus jamais réunies, pour qu'une grâce collective paraisse dans l'intérêt de la Nation ?
M. le président. - Amendement n°41, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 17 de la Constitution par les mots et une phrase ainsi rédigée :
après avis des bureaux du Sénat, de l'Assemblée Nationale et du Conseil supérieur de la magistrature. Sa décision est contresignée par le Premier ministre et le Garde des sceaux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous sommes plutôt défavorables au droit de grâce collective, qui est utilisé comme un moyen détourné de désengorger les prisons, donc de reporter davantage la réforme pénitentiaire, véritable arlésienne de notre vie politique ! Cependant, nous souhaitons encadrer le droit de grâce individuelle, par une procédure d'avis. La procédure serait trop lourde ? N'oublions pas que la grâce est un ultime recours. Ensuite, la commité Balladur a déjà proposé qu'une commission donne son avis. En première lecture, M. Hyest précisait même qu'un tel avis éclairerait la décision du Président de la République ! Quant au droit de grâce collective, il mérite mieux que de servir surtout à désengorger nos prisons...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - En première lecture, la commission avait souhaité supprimer la grâce collective, nous avons poursuivi le débat avec nos collègues députés, qui ont supprimé la grâce collective et maintenu la grâce individuelle, que personne ne songe sérieusement à supprimer. Cependant, il n'est pas nécessaire de constitutionnaliser l'intervention d'une commission qui donnera son avis sur les grâces, la Constitution n'a pas besoin de tous ces ajouts que nos collègues nous proposent trop souvent !
Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Le Gouvernement souhaitait supprimer la grâce collective et l'intervention d'une commission, le débat parlementaire est allé dans ce sens : avis défavorable à l'amendement n°99, de même qu'à l'amendement n°61.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - La grâce collective aussi peut avoir ses vertus ! Souvenons-nous de Victor Hugo...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Elle peut consister en une somme de grâces individuelles !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Et la grâce collective peut avoir aussi pour raison de soulager un peu nos prisons surchargées !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - Il y a les lois d'amnistie !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - La grâce individuelle est indispensable : comme avocat, j'ai plusieurs fois obtenu la grâce de condamnés étrangers qui, sans elle, aurait été contraints de retourner dans leur pays d'origine où ils n'avaient quasiment jamais vécu !
L'amendement n°99 n'est pas adopté.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Nous sommes parfois en désaccord avec nos collègues du groupe CRC : c'est le cas sur l'amendement n°41.
L'amendement n°41 n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°100, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, le mot : « parlementaire » est remplacé par le mot : « électif ».
M. Richard Yung. - Nous proposons d'interdire le cumul des fonctions ministérielles avec tout mandat électif.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Hors sujet !
M. Richard Yung. - Le comité Balladur a proposé que les ministres se consacrent exclusivement à leurs fonctions, et la lettre de mission du Premier ministre allait dans le même sens. Mme la Garde des sceaux a indiqué qu'il n'était pas souhaitable de distinguer les communes selon leur taille, car les maires des petites villes sont souvent très sollicités. Résultat : on ne fait rien !
L'ancien Président de la République, M. Chirac, qui était un orfèvre en la matière puisqu'il il a cumulé toutes les fonctions et mandats qui pouvaient l'être... (Exclamations à droite)
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - D'autres ont fait mieux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous voulez dire qu'il n'était pas le seul : c'est vrai !
M. Josselin de Rohan. - M. Chirac est un ancien Président de la République, alors que M. Hollande, lui, est député, et il cumule !
M. Richard Yung. - M. Chirac, donc, a conservé en 2002 la règle appliquée par M. Jospin, de non-cumul des fonctions ministérielles avec des mandats électifs : 14 ministres sur 29 ont quitté alors leurs fonctions exécutives locales.
En 2005, M. Sarkozy refusait, lui, d'abandonner la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine, alors qu'il devenait ministre. Une fois à la Présidence de la République, son message n'a pas changé : 21 ministres ont participé aux municipales de cette années, dont 11 comme têtes de listes !
Inscrire cette interdiction dans la Constitution est une urgente évidence, compte tenu des responsabilités qui pèsent sur les élus locaux. L'incompatibilité qui existe entre les fonctions de ministre et de parlementaire devrait être étendue à tous les mandats locaux. Robert Badinter disait que quand on est ministre de la République, ce qui est un honneur, on doit tout son temps à la France et qu'on ne peut se consacrer à mi-temps à telle ou telle fraction du territoire national. Enfin, avec la réforme, les ministres seraient plus présents au Parlement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le sujet a déjà été évoqué en première lecture et l'avis reste défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°100 n'est pas adopté.
Article 9
L'article 24 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 24. - Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques.
« Il comprend l'Assemblée nationale et le Sénat.
« Les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct.
« Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République.
« Les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat. »
M. Richard Yung. - Le dernier paragraphe de cet article prévoit l'élection de députés représentant les Français établis hors de France. Je voudrais le commenter à la lumière des débats du 8 juillet à l'Assemblée nationale. En première lecture, j'avais, avec les autres sénateurs des Français de l'étranger, défendu cette disposition parce qu'elle est conforme à notre conception d'une pleine citoyenneté de nos compatriotes éloignés de la métropole et qui ne sont aujourd'hui représentés qu'au Sénat. Notre idéal est d'évoluer vers une représentation complète, il ne se satisfait pas d'une demi-citoyenneté. Des centaines de milliers de Français attendent cette reconnaissance de leur participation à la vie de la Nation et cette idée, soutenue par les principaux partis politiques, par tous les candidats aux présidentielles et par l'Assemblée des Français établis hors de France, a été accueillie favorablement par la Haute assemblée. Il s'est néanmoins trouvé à l'Assemblée nationale un groupe de députés, de la majorité mais aussi -cela me blesse- de l'opposition, pour en proposer la suppression. Je veux répondre à leurs arguments erronés, faibles et parfois méprisants.
Affirmer que les Français expatriés sont inscrits sur les listes électorales en métropole, c'est ignorer que 600 000 inscrits sur les listes électorales ne peuvent voter en France. Beaucoup, installés depuis longtemps à l'étranger ne se font pas renouveler leur inscription et les 200 000 qui restent inscrits sur des listes communales, peinent à voter par procuration.
Les députés sont censés représenter toute la Nation. Pourquoi en excepter 2,5 millions de Français et déléguer leur représentation aux députés de Corrèze, de Gironde, d'Isère ou du Val-de-Marne ? Une fois élus par les Français de l'étranger, les nouveaux députés représenteront aussi l'ensemble de la Nation. Refuser cette représentation parlementaire n'est pas sans rappeler que le colonialisme témoignait jadis aux indigènes...
L'absence de représentants à l'Assemblée nationale est un handicap pour les Français de l'étranger car personne n'y relaie leurs préoccupations qui restent mal comprises -on l'a vu avec la suppression du droit de vote aux élections européennes.
Le fond du problème tient aux modalités -le diable se cache dans les détails. Parce que vous voulez inscrire le nombre de députés dans le marbre de la Constitution, il faudra faire place aux députés des Français de l'étranger, ce qui jette le soupçon sur toute l'opération.
M. le président. - Amendement n°42, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :
et contrôle l'utilisation des fonds publics par les entreprises privées
M. Robert Bret. - L'argent public est une denrée assez rare pour que le Parlement, expression de la souveraineté populaire, en suive l'emploi de près. Si l'investigation ne pose guère de problème pour les missions budgétaires même si l'inadaptation des critères de performance justifie notre opposition à la Lolf, il n'en va pas de même pour la dépense fiscale. La mission travail et emploi regroupe 13 milliards d'euros à comparer aux 30 milliards d'allègements de charges des entreprises. Pendant que d'aucuns glosent sur les allocations indues des chômeurs, des milliards tombent dans l'escarcelle des entreprises et pour quel résultat ? Les exonérations de cotisations sociales servent votre politique d'aide aux entreprises contre la mondialisation et la concurrence déloyale mais au final, elles profitent à la distribution qui creuse le déficit extérieur, bénéficie de la mondialisation et supprime des emplois... Il faut un contrôle parlementaire de l'argent public et cela vaut aussi pour les exonérations de taxe professionnelle et d'impôt sur les sociétés : combien cela coûte-t-il et pour quelles contreparties ; le jeu en vaut-il la chandelle et ne faut-il pas réaffecter l'argent public ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Assisté de la Cour des comptes, le Parlement peut déjà exercer ce contrôle. Avis défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis. Je vous renvoie à l'article 24 dans lequel l'analyse que vous demandez peut parfaitement s'exercer. Quant à cette disposition, elle n'a pas sa place ici.
L'amendement n°42 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°43, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
I. - Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution, supprimer les mots :
, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept,
II. - Dans le quatrième alinéa du même article, supprimer les mots :
, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit,
M. Robert Bret. - Le débat sur le nombre de parlementaires n'est pas arithmétique mais politique. Le Gouvernement prépare dans le plus grand secret une réforme des modes de scrutin, qui s'accompagnera d'un redécoupage des circonscriptions. M. Sarkozy peut être tenté de rattraper ainsi le terrain perdu au niveau local mais revalorise-t-on les droits du Parlement en limitant ses effectifs, surtout au moment où l'on doit prévoir l'élection de députés des Français de l'étranger ? Déjà les pressions s'exerceraient : le vote de la réforme en échange d'un meilleur découpage. Cette disposition favorise les manoeuvres.
M. le président. - Amendement n°101, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution, supprimer les mots :
, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept,
M. Bernard Frimat. - Je présenterai simultanément l'amendement n°102.
M. le président. - Amendement n°102, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution, supprimer les mots :
, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit,
M. Bernard Frimat. - Ces deux amendements vont dans le même sens : nous restons hostiles à ce que la Constitution fixe le nombre de parlementaires, ce qui alourdira les nécessaires adaptations aux évolutions démographiques. Les chiffres retenus n'ont d'autre justification que d'être ceux d'aujourd'hui. Comment le Sénat aurait-il pu mener son auto-réforme ?
Enfin, à partir du moment où l'on bloque le nombre de députés à 577 et que l'on prévoit que certains d'entre eux représenteront les Français de l'étranger, comment envisager sereinement le prochain redécoupage des circonscriptions électorales ? Une fois de plus, ce seront les circonscriptions les plus urbaines qui en feront les frais. Ce redécoupage va se faire dans un climat de suspicion généralisé et d'opacité totale.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous avons eu ce débat en première lecture. Le plafond est vertueux, il correspond à un maximum : le nombre de députés et de sénateurs pourra être inférieur, ce qui rencontre, je crois, l'approbation de nos concitoyens. Comparés aux autres démocraties, nous sommes dans la fourchette haute. Avis défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - L'inscription d'un nombre maximal ne figurait pas dans le texte initial. L'Assemblée nationale a décidé de fixer un plafond et le Sénat a fait de même, chacun pour ce qui le concerne. Une quinzaine de pays ont pris la même décision et, que je sache, ils respectent le rôle du Parlement.
M. Frimat s'inquiète du redécoupage à venir. Mais c'est le Conseil constitutionnel lui-même qui nous demande d'y procéder : il faut dire que la dernière opération date de 1986. A l'époque, la France comptait 58 millions d'habitants. Aujourd'hui, nous sommes 64 millions. Un parlementaire représentait donc 100 000 habitants et il en représentera environ 115 000. Une commission indépendante procèdera au redécoupage, mais nous n'en sommes pas encore là.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Inscrire le nombre de députés et de sénateurs dans la Constitution présente des inconvénients et des avantages. C'est un nombre maximum et nous comptons déjà trop de députés et trop de sénateurs.
Grace au plafond, il sera possible de réduire le nombre de parlementaires.
M. Gérard Longuet. - Exact.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Aux États-Unis, il n'y a que cent sénateurs.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est ce qu'il nous faudrait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - En même temps si l'on inscrit ce maximum dans la Constitution, on risque de ne pas descendre en dessous. Pour le reste, M. Pasqua était passé maitre dans l'art du redécoupage. Je crains qu'aujourd'hui vous n'ayez les mêmes qualités et les mêmes défauts pour y procéder...
L'amendement n°43 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s101 et 102.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par deux phrases ainsi rédigées :
Un dixième d'entre eux au moins sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle intégrale, dans les conditions prévues par une loi organique. Cette disposition est applicable à compter de la quatorzième législature.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - L'injection d'une dose de proportionnelle aux élections législatives permettrait la représentation pluraliste des opinions.
M. Patrice Gélard. - C'est du domaine de la loi !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - M. Mercier tenait une pépite : s'il l'avait voulu, la proportionnelle aurait pu figurer dans la Constitution. Mais vous vous évertuez à nous dire que le mode de scrutin ne doit pas y figurer.
Pourtant, le scrutin majoritaire ne garantit pas l'égalité du suffrage. (M. Hyest le conteste) II empêche le pluralisme, dans la mesure où il favorise les grands partis au détriment des petits.
Alors que l'Assemblée nationale est dominée par le bipartisme et que nous en voyons les effets néfastes, pourquoi refuser une meilleure représentation des opinions ? En adoptant cet amendement, nous nous alignerions sur de nombreux pays européens qui ont adopté la proportionnelle.
M. le président. - Amendement n°103, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
Un dixième d'entre eux sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans les conditions prévues par une loi.
M. Pierre-Yves Collombat. - En instillant une dose de proportionnelle, nous desserrerions l'étau qui enserre la majorité parlementaire et présidentielle. Ainsi, la Constitution respirerait un peu mieux. En outre, cette mesure permettrait à l'opinion publique d'être mieux représentée. Nous ne faisons d'ailleurs que reprendre une des propositions du comité Vedel.
Vous nous répondez que cette mesure ne doit pas figurer dans la Constitution. Est-ce plus inutile que de fixer un nombre maximum de parlementaires ? (Mme Borvo Cohen-Seat rit) Et que dire de certains articles de la Charte de l'environnement qui sont franchement bizarres ? Il serait en revanche nécessaire de prévoir que le mode de représentation rende le mieux compte possible de la société française.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Vous faites les questions et les réponses : le mode de scrutin n'a pas à figurer dans la Constitution. Cela a d'ailleurs permis à certaines époques de modifier les modes de scrutins. En outre, il n'est pas de tradition républicaine qu'une assemblée se penche sur le mode de scrutin de l'autre.
M. Robert del Picchia. - Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'avis est donc défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - En 1958, il y a eu un vrai débat entre les constituants pour savoir s'il fallait inscrire le mode de scrutin dans la Constitution. De Guy Mollet à Michel Debré, tous y ont été opposés. Depuis lors, notre vie politique n'en a pas pâti. Sous François Mitterrand, la proportionnelle a été adoptée sans révision constitutionnelle.
Si l'on inscrivait le mode de scrutin dans la Constitution, il faudrait une révision constitutionnelle pour le modifier, c'est-à-dire une procédure lente et lourde. C'est pourquoi les Constituants de 1958 ne l'ont pas voulu, non plus que les gouvernements successifs de gauche comme de droite. Avis défavorable.
M. Pierre-Yves Collombat. - Les arguments de la commission et du Gouvernement ne me paraissent pas convaincants. En 1958, il n'était pas prévu que le Président de la République soit élu au suffrage universel ! D'ailleurs la Constitution précise bien le nombre de députés et de sénateurs, pourquoi pas le mode de scrutin ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cela n'a rien à voir !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - M. le ministre nous dit qu'on ne doit pas inscrire le mode de scrutin dans la Constitution. Les Anglais n'ont pas de Constitution, mais tout se passe comme s'ils en avaient une, et qu'elle fixait à tout jamais un mode de scrutin majoritaire à un seul tour. Le résultat, c'est qu'un des deux grands partis obtient parfois la majorité à la chambre tout en ayant obtenu moins de voix que l'autre.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cela n'est arrivé qu'une fois.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Je voulais surtout dire qu'une dose de proportionnelle ne suffit pas : je suis favorable à la proportionnelle intégrale.
M. René Garrec. - Comme avant 1958 !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est le système des petits arrangements !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Olivier Duhamel avait proposé d'instaurer la proportionnelle pour l'élection des sénateurs.
M. Henri de Raincourt. - Ce n'est pas une référence !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - La proportionnelle pose problème lorsque le Gouvernement est responsable devant la chambre, mais il ne l'est pas devant le Sénat. On répondait à M. Duhamel que l'opinion publique ne comprendrait pas que la chambre élue à la proportionnelle n'ait pas le dernier mot dans la procédure parlementaire ; il répondait qu'ainsi l'Assemblée serait contrainte de tenir compte de l'opinion du Sénat. L'idée est intéressante.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Intéressante, en effet !
M. Gérard Longuet. - Minoritaire au sein de mon groupe, je suis favorable à la proportionnelle, et j'ai eu la tentation de voter votre amendement. Mais j'ai changé d'avis en vous entendant car vous ne traitez que du mode d'élection d'une assemblée, et non de l'autre. Le mode de scrutin que je préconise, à la suite de Raymond Marcellin et d'Edouard Balladur, c'est le scrutin majoritaire à un seul tour. Soit nous traitons de la question du mode de scrutin dans sa totalité, soit nous n'en traitons pas. Et ce n'est pas l'objet de la présente discussion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je partage les vues de mes collègues socialistes. J'entends M. le ministre nous dire que les Constituants de 1958 n'ont pas eu l'intention d'inscrire le mode de scrutin dans la Constitution ; mais nous révisons cette Constitution, et nous pouvons bien décider le contraire.
En réalité, vous ne voulez pas aborder ce problème. Le Président de la République s'était engagé pendant la campagne présidentielle à introduire une dose de proportionnelle à l'Assemblée nationale. Le comité Balladur avait repris cette proposition, et formulé le voeu que le Sénat représente les collectivités territoriales « en fonction » de leur population : on eût ainsi inscrit dans la Constitution, non le mode de scrutin, mais un principe démocratique normal, selon lequel les assemblées représentent leurs électeurs. Mais la majorité sénatoriale n'a pas voulu de cette dernière mesure, qui menaçait sa prééminence. Il est inutile de dissimuler vos intentions derrière des arguments spécieux : vous ne voulez pas modifier des modes de scrutin qui vous sont favorables.
L'amendement n°12 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°103.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Compléter la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :
en fonction de leur population
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Lors de la première lecture, la majorité sénatoriale a traité nos propositions sur la représentativité du Sénat avec un esprit de provocation et une condescendance qui m'ont choquée. (Exclamations à droite et sur le banc de la commission) Le président de la commission des lois a lui-même avoué avoir poussé le bouchon un peu trop loin.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est ce que m'a fait dire la presse !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mais on en reste au statu quo. Par manque de volonté politique, et dans le souci de préserver les privilèges de la droite française, on maintient inchangée une situation intolérable. Le Sénat ne doit pas être la chambre des territoires pauvres en démographie, mais le reflet exact de la population, dans un souci de justice électorale. Comment expliquer que 60 % des Français vivent dans des communes administrées par la gauche et que cela ne se reflète pas au Sénat ?
Nous nous serions contentés de la proposition initiale du projet de loi ; mais depuis, le texte a subi des coupes qui l'ont complètement dénaturé. Cet amendement a pour objet d'inscrire, conformément aux propositions du comité Balladur, que le Sénat représente les collectivités territoriales en fonction de leur population. Tant que cela ne sera pas le cas, le Sénat demeurera un verrou empêchant l'adoption de toute grande réforme.
M. le président. - Amendement identique n°44, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :
en fonction de leur population
M. Robert Bret. - Cet article 9 est important, car c'est de lui que dépend la position du Sénat dans cette révision constitutionnelle. En première lecture, la majorité sénatoriale a multiplié les gestes de mauvaise humeur. La question du mode de scrutin sénatorial était particulièrement délicate. Si la commission des lois nous propose un vote conforme, c'est qu'elle entend préserver avant tout l'intérêt supérieur de la majorité sénatoriale : conserver à droite le Sénat, même si régions, départements et communes sont majoritairement à gauche. Est-il acceptable qu'une chambre du Parlement, disposant de pouvoirs presque équivalents à ceux de la chambre élue au suffrage universel direct, soit désignée par un collège de moins de 150 000 grands électeurs ? Les sénateurs de Saint-Barthélémy et Saint-Martin sont même élus, respectivement, par dix et dix-neuf grands électeurs...
Le comité Balladur proposait que le Sénat représente les collectivités territoriales « en fonction » de leur population ; le Gouvernement avait déjà reculé, en proposant dans le projet de loi initial qu'il les représente « en tenant compte » de leur population. Mais il a fini par capituler devant la majorité sénatoriale.
Cet article 9 est la clé du succès du vote conforme. Cela doit être dit et su. M. Sarkozy renforce les droits du Parlement en préservant un Sénat d'un autre temps, seule chambre en Europe à disposer d'autant de pouvoir tout en étant élue par un nombre aussi faible d'électeurs.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est faux !
M. Robert Bret. - Notre amendement reprend donc la proposition du comité Balladur.
M. le président. - Amendement identique n°104, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Compléter la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :
en fonction de leur population
M. Bernard Frimat. - Notre amendement est identique à celui de nos collègues Verts et communistes.
M. Alain Lambert. - C'est un jour de chance !
M. Bernard Frimat. - Nous avons abouti au consensus, que le Gouvernement recherche aussi. Nous demandons un scrutin public sur ce texte, car il s'agit d'un point central de cette révision. J'ai expliqué cet après-midi comment le Gouvernement avait reculé, devant les exigences de la majorité sénatoriale. Vous constitutionnalisez ainsi la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui empêche toute évolution du mode d'élection des sénateurs. J'ai entendu M. Mercier annoncer le dépôt d'une proposition de loi à l'automne. Nous verrons bien.
Vous refusez, on comprend pourquoi. Vous avez sauvegardé les privilèges. Dormez braves gens, le Sénat veille sur vous, rien ne changera ! Votez comme bon vous semble aux élections locales, le Sénat restera de droite !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous avons abondamment débattu de ces questions. Avis défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis.
A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°14, identique aux amendements n°s44 et 104, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 299 |
Nombre de suffrages exprimés | 298 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 150 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 173 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°105, présenté par M. Yung et Mme Cerisier-ben Guiga.
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par une phrase rédigée :
Les députés représentant les Français établis hors de France sont élus au scrutin proportionnel de liste à un tour dans le cadre de deux circonscriptions comprenant le même nombre de sièges.
M. Richard Yung. - Le ministre nous a indiqué que les députés des Français de l'étranger seraient élus par scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Vous aviez pourtant ici l'occasion d'introduire une petite part de proportionnelle à l'Assemblée nationale...
Le scrutin uninominal à deux tours n'est pas applicable dans bon nombre de pays étrangers, pour des raisons d'organisation matérielle, ne serait-ce que parce que La Poste ne permet pas de tenir les deux tours de l'élection à une semaine d'intervalle ! Il y a sans doute un plan B ! Vous allez nous rétorquer que le mode de scrutin ne relève pas de la Constitution, mais cet amendement d'appel vise néanmoins à obtenir des éclaircissements de la part du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - M. Yung connaît la réponse : cela ne relève pas de la Constitution. Nous ne nous occupons pas du mode d'élection des députés, qu'ils ne s'occupent pas du nôtre ! Le principe d'une représentation des Français de l'étranger a été souhaité par le Président de la République et l'Assemblée des Français de l'étranger, et par vous-mêmes. Avis défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Je n'ai jamais parlé de scrutin majoritaire uninominal à deux tours pour les députés des Français de l'étranger. Il s'agira sans doute d'un scrutin majoritaire, mais le système exact qui devrait faire l'objet d'une loi organique, n'est pas encore défini. Il devrait y avoir entre dix et douze sièges. Défavorable, car cette question ne relève pas de la Constitution. Je vous en dirai plus dès que j'en saurai plus !
M. Richard Yung. - Ce n'est pas très rassurant, mais je retire mon amendement.
L'amendement n°105 est retiré.
M. Robert del Picchia. - Nous avons assez parlé des députés des Français de l'étranger !
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« Le mandat de membre de l'Assemblée nationale ou du Sénat est incompatible avec l'exercice de tout mandat de maire dans une commune de plus de 20 000 habitants, de fonction de président de conseil général ou de conseil régional ainsi que de toute fonction exécutive locale. Cette disposition est applicable à compter de la quatorzième législature en ce qui concerne l'Assemblée nationale, et à compter du second renouvellement partiel suivant l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° du de modernisation des institutions de la Ve République en ce qui concerne le Sénat. »
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le cumul des mandats est un grand mal français, qui nuit à la bonne marche de notre démocratie. Une partie des membres de notre assemblée exercent plusieurs mandats.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ils font bien leur boulot !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le cumul est une gangrène, un souffle au coeur. Assez d'hypocrisie : si les parlementaires souhaitent cumuler les mandats, ils doivent les exercer pleinement. Sinon, ils donneront l'impression de ne cumuler que les indemnités ! On ne peut être à la fois maire d'une grande ville et parlementaire impliqué, sauf à avoir un don surnaturel !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - Mais ça existe !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Il faut au moins limiter le cumul pour mettre fin aux abus. Ce serait aussi une manière de démocratiser nos assemblées et de rendre toute sa dignité à la fonction de législateur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ne rouvrons pas ce débat. Les décisions qui ont été déjà prises sont équilibrées. Avis défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis. Le débat a eu lieu.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
L'amendement n°28 n'est pas soutenu, non plus que l'amendement n°29
M. le président. - Amendement n°46, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« Le mode de scrutin proportionnel assure une juste représentation du peuple. »
M. Robert Bret. - La question du mode de scrutin contribue au divorce entre les Français et leurs institutions. Nos concitoyens ne se sentent pas bien représentés : moyenne d'âge de 60 ans, 18 % de femmes, 1 % d'ouvriers, surreprésentation des professions libérales et des hauts fonctionnaires, absence de diversité dans l'origine. Accroître la participation des citoyens à l'exercice de leur souveraineté suppose de démocratiser leur représentation. Seule la proportionnelle permet une juste représentation du corps électoral.
On nous objecte qu'une telle assemblée serait ingouvernable, faisant perdurer l'idée que le peuple serait incapable de faire des choix électoraux conformes à l'intérêt général. On reconnaît là votre méfiance envers le peuple !
La déformation systématique de la représentation populaire rompt le lien démocratique entre vote et représentation. Ce n'est pas la proportionnelle qui a provoqué les crises, mais l'inadéquation d'un système politique et des choix des élites contre la volonté du peuple, les promesses non tenues.
La souveraineté appartient au peuple, ce qui signifie qu'il est le seul à même de dénouer une crise politique. Toute autre solution, fût-elle choisie au nom de l'efficacité, comporte le risque de dérives dangereuses. Un scrutin à la proportionnelle donnerait au Parlement une véritable représentativité ; aucune fraction du peuple ne se sentirait mise à l'écart. Il y a urgence. Or votre projet accentue le bipartisme. Vous inscrivez dans la Constitution le nombre de sénateurs et de députés et vous refuseriez cet amendement ?
M. le président. - Amendement n°47, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les modes de scrutin pour l'élection du Parlement respectent la diversité politique de la Nation. Ils garantissent le pluralisme et l'équité de sa représentation parlementaire. »
M. Robert Bret. - Repli ! Cette proposition a été portée par les membres du Nouveau Centre à l'Assemblée nationale jusqu'en seconde lecture. Mais oui, monsieur Mercier ! Pour nos collègues, il n'y a pas de revalorisation du Parlement sans prise en compte de la diversité d'opinions. Celle-ci mérite d'être élevée au niveau constitutionnel. Je partage l'idée que l'introduction d'une part de proportionnelle à chaque échelon électoral ne serait pas contraire à la stabilité des majorités. Il est temps de combler le fossé entre les élus et la population : voyez l'abstention massive aux élections municipales et cantonales.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Défavorable. Comme en première lecture, le groupe CRC montre sa passion pour la proportionnelle, mais cette question n'a pas sa place dans la Constitution. S'agissant du n°47, j'admire que nos collègues CRC s'inspirent du Nouveau Centre... Que dit M. Mercier de cette évolution ?
M. Michel Mercier. - C'est pour cela que je n'y suis pas !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Défavorable au n°46 : depuis 1958, le mode de scrutin n'a jamais figuré dans la Constitution. Les sénateurs CRC vont puiser aux meilleures sources, mais défavorable également au n°47.
L'amendement n°46 n'est pas adopté, non plus que le n°47.
L'article 9 est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 24 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Nul ne peut être élu plus de trois fois à un mandat parlementaire. Cette disposition est applicable aux parlementaires élus à compter de la quatorzième législature en ce qui concerne l'Assemblée nationale, et à compter du second renouvellement partiel suivant l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° du de modernisation des institutions de la Ve République en ce qui concerne le Sénat. »
Mme Alima Boumediene-Thiery. - La limitation du nombre de mandats dans le temps est la meilleure manière d'améliorer la représentativité des assemblées. Le cumul freine le renouvellement et irrite la population. Dix-huit ans de présence ici, n'est-ce pas suffisant ? Pour nos concitoyens, s'accrocher au pouvoir, c'est s'accrocher à des privilèges et cela discrédite la politique. Nous aspirons à des assemblées rajeunies, féminisées, diversifiées.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Laissons un peu de liberté aux électeurs ! Et les parlementaires qui ont effectué trois mandats n'ont pas démérité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Je voterai contre l'amendement. Non que je me sente visé, bien que siégeant ici « depuis très longtemps », comme l'a dit la Garde des sceaux, mais la date d'entrée en application éventuelle est trop éloignée pour me concerner.
Mais en 1970, lorsqu'Alain Savary, alors secrétaire du Nouveau parti socialiste, avait interrogé les militants, ces derniers avaient répondu clairement que l'on ne pouvait, en démocratie, limiter le suffrage universel et je crois que la vox populi a raison.
M. Christian Cointat. - Ce sujet ne relève pas de la Constitution mais il faudra y réfléchir. Si l'on refuse de toucher au nombre de mandats, un élu pourra les enchaîner indéfiniment si le peuple le décide. On limite le nombre de mandats pour le Président de la République, pourquoi pas pour les autres ?
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 25 de la Constitution, après les mots : « conditions d'éligibilité, », sont insérés les mots : « notamment la limite d'âge à partir de laquelle un parlementaire ne peut plus se présenter à une élection, ».
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je ne nie pas le mérite de ceux qui siègent jusqu'à un âge avancé, mais le Parlement a besoin d'un nouvel élan démocratique. En première lecture, certains collègues m'ont fait savoir discrètement qu'ils m'approuvaient.
C'est que près de 88 sénateurs ont plus de 70 ans, une vingtaine plus de 80, certains ont plus de 90 ans. Ils sont élus depuis 20, 30, 40 voire 50 ans ! (M. Nicolas Alfonsi s'exclame) La longévité politique a ses vertus mais elle freine le renouvellement. Il existe bien un âge minimum pour se présenter au Sénat ; pourquoi pas un âge plafond pour y demeurer ?
Je ne vise pas ici les élections locales mais seulement les élections nationales. (« Pourquoi ? » à droite) Nous voulons des assemblées rajeunies, féminisées, métissées.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Je ne comprends pas tout : pourquoi les mandats nationaux seulement ? Le député devra partir mais pas le maire d'une ville d'un million d'habitants ? Au sein de tous les partis, je crois, on a adopté des règles sur l'âge limite : elles ne sont jamais respectées.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Vous connaissez ces vers de Corneille :
« Quoiqu'un grison fasse effroi,
Il vaut bien qu'on le courtise. » (Sourires)
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 16 juillet à 10 heures.
La séance est levée à 1 heure.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mercredi 16 juillet 2008
Séance publique
A DIX HEURES
1. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation budgétaire.
A QUINZE HEURES ET LE SOIR
2. Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 459, 2007-2008), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation des institutions de la Ve République.
Rapport (n° 463, 2007-2008) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
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DÉPÔTS
La Présidence a reçu de :
- M. le Premier ministre :
. un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ;
. un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ;
- M. Bruno Retailleau :
. une proposition de loi organique visant à permettre le retour à l'équilibre budgétaire ;
. une proposition de loi organique visant à faire évoluer les sanctions consécutives à une erreur matérielle dans la gestion des comptes de campagne lors des élections législatives ;
- M. Alain Gournac, un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (n° 448, 2007-2008) ;
- M. Alain Vasselle, un rapport d'information fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales sur le système de santé aux Pays-Bas ;
- M. Philippe Dallier, un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l'établissement public d'aménagement de la défense (Epad) ;
- MM. Jean François-Poncet et Claude Belot, un rapport d'information fait au nom de la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire sur le nouvel espace rural français.