Modernisation des institutions de la Ve République (Deuxième lecture - Suite)
M. le président. - Nous poursuivons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation des institutions de la Ve République.
Discussion des articles
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le quatrième alinéa de l'article 3 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également électeurs et éligibles aux élections municipales, dans les conditions fixées par une loi organique, les citoyens étrangers majeurs des deux sexes résidant en France et jouissant de leurs droits civils et politiques. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint, ni participer à l'élection des sénateurs. ».
II. Dans la première phrase de l'article 88-3 de la Constitution, le mot : « seuls » est supprimé.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - En première lecture, la Haute assemblée a refusé d'accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidents non communautaires. En entendant d'éminents collègues de la majorité se prononcer en faveur de ce droit de vote, j'ai eu le sentiment que le Sénat n'était pas loin de l'adopter. Des étrangers résident en France depuis parfois des décennies, ils y travaillent, paient leurs impôts, acceptent les devoirs de notre société : pourquoi leur refuser de choisir leurs élus locaux, comme le reste de la population ? En leur accordant ce droit, nous démontrerions que la France ne tourne pas le dos aux étrangers une fois qu'elle n'a plus besoin de leurs bras, nous rendrions justice à des dizaines de milliers d'étrangers pour qui cette question est loin d'être secondaire, nous effectuerions notre devoir de mémoire ! Mes chers collègues, de l'audace !
M. le président. - Amendement n°93, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'avant-dernier alinéa de l'article 3 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le droit de vote et d'éligibilité pour l'élection des conseils des collectivités territoriales est accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France, dans les conditions déterminées par une loi organique. »
M. Bernard Frimat. - Je forme le voeu qu'après la caricature d'examen de ces amendements en commission (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, s'exclame), alors que la majorité n'en a pas déposé un seul... (Exclamations à droite et au centre)
M. Alain Lambert. - Si, j'en ai déposé !
M. Bernard Frimat. - Oui, mais à titre individuel ! Je souhaite donc que notre débat, malgré ces circonstances, ne soit pas expéditif, même s'il paraîtra long à ceux qui ont choisi de rester spectateurs.
En première lecture, le Sénat a discuté longuement du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales : le seul fait d'en débattre sereinement, fut une avancée. Nous revenons avec notre proposition, sans trop d'espoir, pour en marquer l'importance. Plusieurs collègues de la majorité, en particulier M. Fauchon, se sont prononcés en faveur de ce droit de vote. Les opinions évoluent, vous ne pourrez rester longtemps bloqués au statu quo. Le Président de la République lui-même, avant d'être élu, s'est prononcé pour ce droit de vote, à titre personnel -et ses opinions personnelles sont si nombreuses à avoir obtenu force de loi, qu'on peut garder de l'espoir ici !
Mais le droit de vote des étrangers exige au préalable une réforme de la Constitution : ne gâchons pas cette occasion ! Les votations citoyennes sont plus nombreuses, les élections locales sont incontournables, pourquoi en exclure les étrangers ? Donnons-leur, à tous ces résidents qui participent à notre société, une perspective satisfaisante, plutôt que de leur opposer une constante fin de non-recevoir !
M. le président. - Amendement n°82, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le titre XII de la Constitution, il est inséré un titre XII bis ainsi rédigé :
« TITRE XII BIS
« DU DROIT DE VOTE DES ETRANGERS AUX ELECTIONS MUNICIPALES
« Art. ... - Le droit de votre et d'éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
Mme Éliane Assassi. - De très nombreuses personnalités se sont prononcées pour le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales : le Président de la République pendant la campagne, certains de nos collègues de la majorité, et encore M. Hortefeux le 9 juillet, sous condition de réciprocité. Vous êtes donc pour, sous condition de réciprocité ? Chiche ! Engageons le débat avec les peuples et les États concernés ! De quoi avez-vous peur ? D'adresser un signal fort à toute cette partie de nos concitoyens, qui sont encore écartés du droit de vote ? D'être un tant soit peu positifs, quand la politique d'immigration de la France et de l'Europe se résume à des seuils coercitifs ? Quand le Parlement européen adopte une directive qui allonge à dix-huit mois la durée de rétention, qui fixe à cinq ans l'interdiction du territoire, qui organise le renvoi des étrangers en pays de transit, sur fond de centre de rétention ingérables ?
Nous vous proposons de mettre fin à cette inégalité flagrante entre des citoyens qui habitent les mêmes territoires mais qui n'y ont pas les mêmes droits ! Ne nous dites pas que les étrangers peuvent demander la nationalité française pour voter ! D'abord, parce que vous ne le demandez pas aux étrangers non communautaires...
Voix à droite. - C'est vrai !
Mme Éliane Assassi. - Ensuite, parce qu'il n'est pas si facile, contrairement à ce que vous dites, d'obtenir la nationalité française !
M. le président. - Amendement n°94, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 72-4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art.... - Le droit de vote et d'éligibilité pour l'élection des conseils des collectivités territoriales est accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
M. Bernard Frimat. - Je l'ai défendu.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Puisque Mme Assassi nous demande de ne pas répéter nos arguments, j'irai vite. En première lecture nous avons, effectivement, débattu longuement du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales. Mais le droit de vote est lié à la nationalité et la situation des ressortissants de l'Union européenne n'est pas la même : il y a la citoyenneté européenne, et la réciprocité !
Le droit de vote des étrangers n'est pas l'objet de cette révision constitutionnelle, je ne peux donc que renouveler l'avis défavorable de la commission sur les amendements qui proposent d'établir ce droit.
Monsieur Frimat, nos débats en commission n'ont rien eu de caricaturaux ! J'ai donné mon avis sur tous les amendements, vous me proposiez même un vote bloqué !
M. Bernard Frimat. - Je ne vous ai pas mis en cause vous, personnellement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La caricature, ce serait de recommencer notre débat de première lecture !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Ce sujet est délicat et controversé. Le Président de la République, pendant la campagne, a déclaré qu'un consensus était nécessaire pour décider d'accorder d'un tel droit.
Il s'agit ensuite d'obtenir une réciprocité qui n'est pas garantie mais qu'ont obtenue les pays européens qui l'ont demandée.
Vous ne voulez pas qu'on vous réponde qu'ils n'ont qu'à demander la nationalité française mais cette demande est l'occasion de s'assurer de l'adhésion aux valeurs de la République. (Mme Eliane Assassi proteste) C'est une réalité ! Des dégâts locaux importants peuvent conduire à des dégâts nationaux importants. Avis défavorable à tous ces amendements.
M. David Assouline. - Oui, nous avons eu ce débat et nous l'aurons de nouveau. J'attends de vous de la cohérence : ou bien le Président de la République a tranché le débat et s'est fait une opinion favorable, et la réciprocité ne pose pas de problème, ou bien il juge qu'il n'y a pas consensus. Or dès que vous ajoutez les voix de ceux qui se sont prononcés pour ce droit de vote quand il figurait dans notre programme, et celles de vos électeurs qui l'approuvent, on constate qu'une majorité des Français est favorable. Si vous n'en voulez pas, c'est parce que vous privilégiez l'alliance de la frange la plus droitière de l'UMP avec le Front national, parce que vous préférez associer deux mouvements qui ne devraient rien avoir à faire ensemble.
Sur le fond, le débat a été tranché lorsque les ressortissants communautaires ont reçu le droit de vote aux élections locales. Ils votent et n'ont pas la nationalité française...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La citoyenneté européenne !
M. David Assouline. - Cela n'existe pas. Il est incohérent de rester ainsi recroquevillés et hostiles à toute évolution !
M. Gérard Longuet. - On l'a connu meilleur....
M. Charles Josselin. - Bien des arguments ont déjà été échangés et je n'évoquerai que l'inclusion citoyenne et sociale. Beaucoup d'élus, ici, pratiquent la coopération décentralisée, laquelle trouve souvent son moteur dans la présence d'une forte communauté de migrants. J'ai rencontré le désir de dizaines d'organisations de migrants de participer plus à la vie locale. Pourquoi refuser sans argumenter le droit de vote aux élections locales ? Il en est de même pour le refus de visa, qui n'a plus aujourd'hui besoin de motivation. Quant à la réciprocité, elle n'est pas un bon argument, car l'inclusion sociale et citoyenne des Français établis dans ces pays n'a rien à voir avec celle de leurs migrants en France. Et s'il fallait un consensus pour réformer, on ne le ferait guère. Ce n'est qu'une mauvaise défense et un signe négatif adressé à des personnes qui attendent au contraire un geste positif, surtout à l'heure de l'Union pour la Méditerranée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il faut avouer que l'on s'interroge sur ces dégâts locaux qui finissent par provoquer des dégâts nationaux... La citoyenneté européenne n'est qu'une vue de l'esprit, et qui nierait qu'il n'y a pas photo, comme on dit, entre l'Allemand arrivé hier, et qui peut voter, et le Tunisien qui est mon voisin depuis vingt ans et qui est, lui, privé de ce droit ? La France est un pays d'immigration ancienne mais vous voulez continuer à l'ignorer. Il y a eu des Italiens et des Espagnols qui souvent sont devenus français...
M. Gérard Longuet. - Des Portugais, des Polonais...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Et des migrants venus de l'autre côté de la Méditerranée ! Or dans la tradition de 1789, dont nous sommes issus, vote celui qui le souhaite, est citoyen qui le demande, et cela a quelque chose à voir avec le droit du sol. Quand on habite quelque part depuis dix ans, on peut vouloir voter. Demander la nationalité française ? Mais vous savez très bien que certains pays ne reconnaissent pas la double nationalité et que cela peut peser sur les décisions. Quant à la réciprocité, que la France accomplisse le geste, on verra bien le résultat. S'agissant enfin du consensus, le débat est surtout au sein de l'UMP car une majorité de Français est favorable au vote des étrangers non communautaires aux élections locales.
M. Jean-René Lecerf. - Je comprends bien Mme Assassi quand elle nous explique que tous les étrangers qui habitent en France ne demandent pas tous la nationalité française et j'entends aussi la Garde des sceaux quand elle évoque la nécessaire adhésion aux valeurs républicaines. Mais, madame, il faut que le Gouvernement assouplisse les conditions mises à la naturalisation. Je suis en ce moment le cas de deux ressortissants russes particulièrement diplômés et qui ne peuvent obtenir que des contrats aidés. Ils déposent une demande de naturalisation : on leur a demandé de renouveler leur passeport, ce qui n'est pas aisé quand on a quitté le pays pour échapper à des persécutions. Quand ils y sont parvenus, on leur a réclamé leurs certificats de naissance. Dès qu'ils les ont obtenus, il a fallu produire ceux de leurs parents, mais comment faire quand le père est né dans une région dévastée par la guerre ? Il faut, je le répète, considérablement assouplir les conditions d'obtention de la nationalité française. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite et sur les bancs socialistes)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Nous félicitons notre collègue Lecerf car il va certainement voter avec nous.
M. Jean-René Lecerf. - Certainement pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Justement, non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Il a bien montré que, même quand toutes les conditions sont réunies pour que la naturalisation ait lieu, elle ne se fait pourtant pas.
Vous dites vouloir améliorer la démocratie, le Parlement et donc le Sénat. Or, le Sénat va mal : en commission, des pouvoirs sont systématiquement donnés alors que le Règlement est très strict en ce domaine. J'ai, à de nombreuses reprises, dénoncé ce système illégal, mais en vain. Les absences injustifiées en commission peuvent théoriquement donner lieu à des retenues sur indemnités, mais cette disposition n'a jamais été appliquée. En séance publique, c'est le contraire : si les absents ont tort en commission, ils ont raison dans l'hémicycle puisqu'ils votent lors des scrutins publics.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - Et pourtant vous en avez demandé un !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Bref, la majorité du Sénat bafoue son propre Règlement. D'ailleurs, personne d'entre vous n'en demande la modification.
M. René Garrec. - Si, le doyen Gélard !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Depuis quelques temps déjà, l'opinion publique souhaite accorder le droit de vote aux étrangers. Vous répondez : qu'ils demandent leur naturalisation. Mais certains, comme les Espagnols ou les Italiens d'avant Maastricht, peuvent très bien vouloir la conserver.
M. René Garrec. - C'est leur droit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Bref, je perçois chez vous une immense hypocrisie : alors que le Président de la République nous a donné raison, vous vous abritez derrière de fausses raisons pour refuser cette avancée.
M. Christian Cointat. - Nous avons déjà eu un débat extrêmement intéressant sur ces questions en première lecture et je ne vois pas l'utilité de le reprendre ce soir. Nos sensibilités divergent sur ces importantes questions. Je voudrais simplement revenir sur les propos de M. Josselin qui, visiblement, ne connaît pas bien les Français établis hors de France. (Exclamations socialistes)
M. Charles Josselin. - C'est la meilleure !
M. Christian Cointat. - Vous semblez dire que ces Français sont des personnes aisées. Or, c'est loin d'être vrai : nombreux sont ceux qui vivent dans des conditions modestes.
M. Charles Josselin. - Ce sont la plupart du temps des binationaux.
M. Christian Cointat. - Nos ressortissants ne comprendraient pas que l'on puisse accorder le droit de vote à des étrangers en France sans réciprocité pour eux. (Exclamations à gauche)
Je ne suis pas opposé à l'extension de la notion de citoyenneté, mais dans la réciprocité. Il faut examiner les problèmes tels qu'ils sont, ce qui permet de progresser et de trouver des solutions, au lieu de lancer de grandes idées qui se révèlent fausses et donc inexploitables. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je vais finir par demander la clôture du débat !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - La DGF et la DGE ne sont-elles pas calculées en fonction du nombre d'habitants et non en fonction du nombre de Français ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cela n'a rien à voir et c'est tout à fait normal.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Une ville de 100 000 habitants compte 53 conseillers municipaux. Si seuls les 70 000 Français étaient pris en compte, il ne devrait plus y avoir que 43 élus !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mais oui !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Pourquoi les étrangers seraient-ils comptabilisés pour les dotations, pour les nombres de conseillers municipaux, et pas pour les élections ?
M. Gérard Longuet. - Parce que les élus gèrent les habitants et pas les citoyens !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nous sommes là confrontés à un réel déni de justice !
S'agissant de la réciprocité prônée par M. Cointat, le Gouvernement a-t-il déjà demandé aux autres pays d'accepter que nos ressortissants votent à leurs élections ? Ne faudrait-il pas commencer par là ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nos débats en première lecture avaient permis de trancher ces questions. Nous pouvons toujours recommencer en deuxième lecture, mais telle n'est pas la tradition.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Supprimez donc les deuxièmes lectures !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je ne vous interromps pas, même lorsque ce que vous dites me fait sursauter.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Et vous, donc !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - J'espère que je vais encore continuer longtemps à avoir cet effet sur vous !
En dehors des étrangers, il y a d'autres habitants qui ne sont pas citoyens : les enfants. Il est normal que les dotations correspondent aux charges que supportent les communes. Mais si vous voulez vraiment réduire le nombre de conseillers municipaux et le calculer comme vous le dites, je vous invite à déposer une proposition de loi : il serait intéressant de voir qui la votera.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Vous avez parlé d'hypocrisie, monsieur le sénateur. Je trouve, pour ma part, qu'elle est de votre côté. Pendant des années, vous n'avez jamais tenu vos promesses. Le Président de la République, lui, a pris des engagements et a décidé de les tenir.
M. Jean-Marc Todeschini. - Surtout sur le pouvoir d'achat !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Et le droit de vote des étrangers ne faisait pas partie des engagements. Vous êtes sénateur depuis extrêmement longtemps, monsieur Dreyfus-Schmidt : pourquoi ne pas avoir pesé de tout votre poids pour que le droit de vote aux étrangers soit accordé lorsque la gauche était au pouvoir ? (Exclamations socialistes)
M. David Assouline. - Parce que le Sénat a toujours été à droite !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - L'amalgame que vous faites entre citoyenneté et immigration conduit au communautarisme. C'est d'ailleurs ce que vous avez favorisé lorsque vous étiez au pouvoir. (Même mouvement)
Lorsque je vois des femmes qui n'ont jamais eu accès aux droits élémentaires...
Mme Éliane Assassi. - Qu'est-ce que cela a à voir ?
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - ...comment leur donner la nationalité française ? Il faut d'abord qu'elles apprennent notre langue, nos valeurs républicaines, grâce au contrat d'intégration.
M. Jean-Marc Todeschini. - C'est de la provocation !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Non, c'est un simple rappel de nos valeurs fondatrices, que vous avez depuis longtemps perdues de vue, ce qui a mené au communautarisme ! (Applaudissements à droite tandis qu'on s'exclame à gauche)
On m'a interrogé sur les difficultés que rencontre quelqu'un qui souhaite acquérir la citoyenneté française. Mais nous sommes bien obligés de vérifier les pièces d'état civil, compte tenu de l'existence de filières de fraude ! Et depuis quelques années, il est plus facile d'être naturalisé puisque le délai d'instruction a été ramené à dix-huit mois.
M. David Assouline. - C'est une moyenne !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Oui, c'est une moyenne, que trouvez-vous à y redire ? Ce délai est parfois ramené à un an, et les dossiers sont traités selon des critères très clairs : la situation s'est donc nettement améliorée.
M. Jean-Marc Todeschini. - C'est faux !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Près de 80 000 personnes se sont vu accorder la nationalité française en 2006, soit davantage que les années précédentes. Nous menons une politique d'intégration fondée sur l'apprentissage de la langue française et des valeurs de la République : telle est la formation à la citoyenneté que nous favorisons. Nous voulons faire partager ce socle commun de connaissances et de valeurs à tous ceux qui souhaitent devenir français, sans rejeter personne. (Applaudissements à droite)
A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°93 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 303 |
Nombre de suffrages exprimés | 299 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 150 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 172 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°13 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s82 et 94.
Article premier
L'article 4 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le second alinéa, les mots : « au dernier alinéa de l'article 3 » sont remplacés par les mots : « au second alinéa de l'article 1er » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »
M. Alain Lambert. - Je prends la parole à ce moment de la discussion pour expliquer l'objet des différents amendements que j'ai déposés, et que je défendrai avec plus ou moins de zèle selon les réponses qui me seront faites.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Montrez votre zèle avant, nous répondrons après !
M. Alain Lambert. - J'ai lu avec intérêt les réponses faites à mes amendements en première lecture : j'y ai décelé toujours de l'ironie, souvent de la condescendance, et parfois du mépris, de votre part, monsieur le rapporteur, et de la part du Gouvernement. Mais je ne m'en plains pas, car cela me permet de m'expliquer ce soir devant vous, sans nulle rancoeur.
Nous sommes réunis pour discuter d'une révision de la Constitution. Je ne suis pas sûr, d'abord, que cette révision soit indispensable : cela me soulage de pouvoir le dire !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Tant mieux !
M. Alain Lambert. - Ensuite, il faut que nous nous accordions sur la nature d'une Constitution. Son rôle est de définir la forme du gouvernement d'un pays. Mais elle ne doit pas seulement organiser les relations entre les personnes vivantes, mais aussi entre les générations successives, notamment dans le domaine financier. On m'a dit qu'il était presque indécent, sauf à tomber dans des calculs d'épicerie, de mentionner les finances publiques dans la Constitution, texte sacré qui serait réservé aux juristes. A cela je réponds que l'activité de la Nation doit produire des fruits, dont une partie est prélevée par l'État, puis dépensée, afin de permettre la bonne marche de la Nation. Il n'est nullement incongru de parler de finances publiques dans la Constitution : l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution de 1958, ne dispose-t-il pas que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée » ? On me dit que mes amendements sont sympathiques, mais que leurs dispositions relèvent plutôt de la loi organique ; j'ai donc déposé de nouveaux amendements qui renvoient à la loi organique la détermination des conditions d'application des principes généraux qu'ils énoncent.
La démocratie est en péril, non seulement quand les représentants du peuple se détournent de l'intérêt public, mais aussi quand ils gardent les yeux rivés sur l'intérêt immédiat, et sont aveugles au moyen et au long terme. Ce soir je voudrais parler au nom de ceux qui, aujourd'hui, viennent de naître ou qui vont naître, et dont les intérêts doivent être préservés : car leurs conditions de vie dépendent directement des décisions que nous prenons aujourd'hui.
La solidarité entre les générations est un principe implicitement reconnu par le Préambule de la Constitution de 1946, auquel le préambule de 1958 fait aussi référence : « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement », « garantit à tous [...] la sécurité matérielle », et « proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales ».
Il est donc bien question, dans la Constitution, des conditions matérielles de la vie de la Nation. Mes propositions ne diffèrent en rien, dans leur principe, des dispositions de la Charte de l'environnement, qui affirme que « les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ». Tous les amendements que j'ai déposés sont inspirés par cette même pensée.
M. le président. - Amendement n°95, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit le second alinéa du 2° de cet article :
« La loi garantit, la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation dans le respect du pluralisme, ainsi que des droits aux partis et groupements politiques qui ne participent pas de la majorité dans chacune des assemblées parlementaires. »
M. Bernard Frimat. - A lire la rédaction actuelle de l'article premier, que le Sénat se prépare à adopter, on mesure le chemin parcouru. Je vous rappelle la teneur de cet article dans le projet de loi initial du Gouvernement : « Des droits particuliers peuvent être reconnus par la loi aux partis et groupements politiques qui n'ont pas déclaré soutenir le Gouvernement. ». Si je comprends le français, il s'agissait des droits de l'opposition. Mais chemin faisant, on a peu à peu vidé cet article de son contenu. (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, proteste) On est d'abord passé de la garantie des droits de l'opposition au « respect du pluralisme », formule qui avait la faveur de M. Hyest. Puis on a préféré la rédaction selon laquelle « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions » -ce qui ne fait qu'avaliser la jurisprudence du Conseil constitutionnel- « et la participation équitable des partis à la vie démocratique de la Nation » : l'introduction de l'adjectif « équitable », cher à M. Mercier, n'a fait l'objet d'aucun débat à l'Assemblé nationale.
Nous ne voulons pas d'un statut : c'est bon pour les espèces menacées qu'on enferme dans des réserves. Nous voulons des droits.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est la même chose !
M. Bernard Frimat. - C'était d'ailleurs une des recommandations du comité Balladur, et on lit dans l'exposé des motifs du projet de loi : « Les droits nouveaux reconnus au Parlement ne produiront tous leurs effets que si l'opposition dispose de garanties renforcées ». Mais telle n'a pas été votre volonté. Pour satisfaire une fraction, au sens allemand du terme -une Fraktion, un parti- ou au sens français -les trois cinquièmes nécessaires à l'adoption du projet- vous avez relégué dans les règlements des assemblées les dispositions relatives aux droits de l'opposition. Or nous connaissons tous ici la Stufentheorie de Carré de Malberg : mentionner les droits de l'opposition dans le règlement des assemblées plutôt que dans la Constitution, c'est redescendre plusieurs marches dans la hiérarchie des normes et arriver aux derniers degrés.
Nous ne sommes pas opposés à ce que les groupes aient des droits, même si le qualificatif de minoritaire a une définition mathématique plus que politique. Notre amendement se rapproche de la volonté initiale du Gouvernement, mais, manifestement, sa volonté finale ne correspond plus aux conclusions du comité Balladur...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Votre amendement est largement satisfait. (M. Frimat le conteste) Pourquoi ne pas admettre que le texte a évolué, qu'il y a eu dialogue entre les deux assemblées. Certains auraient voulu que l'on ne reconnaisse pas l'existence des groupes. Pour ma part, je voulais inscrire dans la Constitution la garantie du pluralisme ; vous n'étiez d'ailleurs pas contre. Nous avons abouti à une formulation qui correspond exactement à ce souhait. L'article 24 prévoit que le Règlement de chaque assemblée garantit les droits des groupes parlementaires, qui sont le fondement du parlementarisme.
M. David Assouline. - C'est surtout l'opposition qu'il faut respecter !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ce sont tous les groupes, dont certains ne sont ni dans la majorité, ni dans l'opposition ! Certains prônent le bipartisme, qui, ailleurs, ne choque personne, mais notre système doit aussi être respecté, qui apporte ses garanties. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Cet article a évolué entre les deux lectures, et votre amendement est largement satisfait. Avis défavorable.
M. Bernard Frimat. - Je pense être le mieux placé pour savoir si mon amendement est satisfait ou non !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je vous ai donné mon avis.
M. Bernard Frimat. - Nous demandons que la norme la plus haute reconnaisse les droits de l'opposition ; vous répondez que l'une des normes les plus basses pourra reconnaître les droits des groupes ! Admettons que nos opinions diffèrent, mais faites-moi au moins la grâce de considérer que je suis capable d'une lueur de compréhension, et ne nous faites pas prendre des vessies pour des lanternes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le Sénat avait accordé aux groupes parlementaires la faculté de saisir le Conseil constitutionnel -quel époustouflant progrès... Or ce droit a été jugé tellement exorbitant par l'Assemblée nationale qu'elle l'a refusé ! En réalité, vous ne voulez pas reconnaître l'opposition, tout simplement.
L'amendement n°95 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°35, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les médias concourent, par leur pluralisme, à la libre information des citoyens. La loi garantit leur indépendance aussi bien vis-à-vis de l'État que des intérêts économiques de leurs actionnaires. Elle les protège des conflits d'intérêt et interdit les concentrations excessives. »
M. Ivan Renar. - Dans notre société, les médias forgent largement l'opinion publique. En ce sens, ils constituent un réel pouvoir, voire un contre-pouvoir. Encore faut-il que leur indépendance soit garantie. De la troublante proximité du Chef de l'État avec certains grands groupes de presse, jusqu'à son intervention directe pour critiquer les programmes du service public de la télévision, en passant par sa décision d'amputer ses ressources au profit de ses concurrents privés, les mauvais exemples abondent.
Dans ces conditions malsaines pour la démocratie, il faut préciser, parmi les grands principes républicains définis à l'article premier, que la loi garantit une totale indépendance des médias, vis-à-vis de l'État mais également vis-à-vis des entreprises et de leurs actionnaires. Comme disait Jacques Prévert, « quand la vérité n'est pas libre, la liberté n'est pas vraie » !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le Sénat a adopté en première lecture un amendement inscrivant à l'article 34 de la Constitution que la loi fixe les règles concernant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias. L'Assemblée nationale a ajouté, à l'article premier du projet de loi, que la loi garantit l'expression pluraliste des opinions. C'est suffisant : avis défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n°35 n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°96, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art.... - Les moyens de communication, écrite, audiovisuelle, radiophonique et numérique concourent, par leur pluralisme, à la libre expression et la libre communication des pensées et des opinions. La loi garantit leur indépendance et met en place les règles limitant les concentrations, assurant la transparence des entreprises de communication et les relations entre les propriétaires de ces entreprises et l'État. »
M. David Assouline. - Lors de la première lecture, le Gouvernement a repoussé cet amendement au motif que la jurisprudence du Conseil constitutionnel suffisait. Dans sa décision du 11 octobre 1984, le juge constitutionnel a en effet fait du pluralisme des quotidiens d'information politique et générale un objectif de valeur constitutionnelle ; dans sa décision du 18 septembre 1986, il a étendu cette exigence aux services de télévision et de radio, estimant que le respect du pluralisme de l'expression des différents courants politiques et socioculturels constituait l'« une des conditions de la démocratie ».
Mais les médias ont profondément évolué depuis, avec la multiplication des supports et des modes d'accès à l'information. Le régime anti-concentration applicable aux services de télévision et de radio a été régulièrement revu à la baisse. Dernière évolution en date, un amendement de M. Lefebvre, ancien conseiller du Président de la République, au projet de loi de modernisation de l'économie, était destiné à permettre à certains opérateurs de chaînes diffusées en TNT, comme Bolloré ou M6, de continuer de détenir 100 % des parts de leur société alors que les chaînes en question atteignent ou dépassent le seuil de 2,5 % d'audience !
La multiplication des acteurs de l'audiovisuel et de la presse qui ont pour source essentielle de revenus la commande publique, l'évolution des rapports entre le pouvoir politique et les grands groupes de presse, les projets du Chef de l'État pour mieux contrôler le service public de l'audiovisuel, avec la nomination du président de France Télévisions en conseil des ministres, signifient une mise sous contrôle politique de la télévision publique.
Je me félicite que le Sénat, malgré l'avis négatif du Gouvernement, ait adopté un amendement socialiste qui consacre le principe de l'indépendance des médias. Mais étant donné le contexte actuel, il faut lui donner un contenu concret.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ce qui dans votre amendement relève de la Constitution y figure déjà. Quant au reste, inutile d'en rajouter. Défavorable. Nous avons déjà vu cela en première lecture.
M. David Assouline. - La Constitution prévoit deux lectures.
M. Pierre-Yves Collombat. - Si vous voulez faire acte de modernité, c'est le moment ! Le conseil national de la Résistance a voulu installer le pluralisme. Mais aujourd'hui, les concentrations se reforment. Les déclarations de principe ne mangent pas de pain, mais limiter les concentrations a un sens, de même qu'instaurer la transparence des relations entre les partenaires au sein des groupes de presse. Si l'on souhaite une démocratie plus vivante, on ne peut faire l'impasse sur cette question. Cela vous déplaît parce que vous voulez un vote conforme pour aller lundi à Versailles, mais c'est ainsi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - J'ai un sentiment de déjà vu... (« Nous aussi ! » à droite) Il est vrai que je siège ici depuis « très très longtemps », madame la ministre. Vous étiez sans doute au berceau lorsque, auparavant, je suis devenu pour la première fois député.
A la Libération, la loi du 11 mai 1946 a organisé la dévolution des biens de presse ; il s'agissait d'éviter que les puissances d'argent acquièrent des moyens de communication tels...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ce n'était pas essentiellement cela !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - ...qu'ils puissent persuader et influencer les lecteurs comme ils le souhaitaient. Georges Fillioud en 1981 a fait voter une loi pour éviter les concentrations. Mais nous voilà aujourd'hui revenus à la situation que nous connaissons. Les Dassault, les Bouygues et d'une manière générale ceux qui ont de l'argent possèdent les moyens de communication. Le problème ressurgit, non réglé. Il faudrait arriver, tout de même, à séparer les puissances d'argent et les moyens de communication !
M. André Trillard. - Les puissances dites d'argent ne sont pas les seules à concentrer les pouvoirs dans la presse. Dans certaines régions, un seul titre regroupe l'ensemble de la presse quotidienne, hebdomadaire, et télévisuelle. (« Très bien ! » à droite)
L'amendement n°96 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°36 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
... - Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... - Les services de radio et de télévision doivent respecter, au sein de leurs programmes, une répartition des temps d'intervention entre le Président de la République et le gouvernement, pour un tiers du temps, les personnalités appartenant à la majorité parlementaire, pour un tiers du temps et les personnalités appartenant aux groupes parlementaires de l'opposition pour un tiers du temps.
« Par exception aux dispositions qui précèdent, lorsque le Président de la République et le gouvernement sont issus de majorités politiques d'orientations différentes, les interventions du Président de la République sont décomptées avec celles des personnalités appartenant à l'opposition parlementaire. »
M. Ivan Renar. - L'un de vos objectifs affichés est le rééquilibrage des institutions et le renforcement des pouvoirs du Parlement. Nous avons beaucoup discuté de la prise de parole du Président de la République devant les assemblées. Mais il y a aussi la manière dont elle est répercutée dans les médias.
Toutes les grandes démocraties ont pris des dispositions pour protéger la liberté de la presse. Imitons-les ! Chez nous, le Président de la République est tenu à l'écart du décompte des temps de parole politique dans les médias. Mais depuis que Nicolas Sarkozy a été élu, la façon dont il s'expose et investit le champ médiatique menace le pluralisme. Or le Conseil supérieur de l'audiovisuel se retranche derrière une disposition législative pour refuser d'intégrer son temps de parole. Notre amendement règle ce point.
M. le président. - Amendement identique n°97, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
M. David Assouline. - L'idée commence à faire son chemin d'inclure dans les « trois tiers » le temps de parole du Président de la République. La majorité le refusait jusqu'ici mordicus mais voici que le chef de l'État va faire un geste en ce sens prochainement...
M. Jean-Marc Todeschini. - Un geste pour Jack Lang !
M. David Assouline. - Nous préférons inscrire le principe dans la Constitution.
Curieuse façon, du reste, de revaloriser le Parlement : nous débattons, nous faisons la loi constitutionnelle, mais c'est le Président de la République qui, peut-être, va nous octroyer une liberté de plus ! Belle revalorisation.
M. Christian Cointat. - C'est parce qu'elle n'est pas encore faite !
M. David Assouline. - Depuis 1989, on applique la règle des trois tiers, héritée d'une directive de l'ORTF visant à assurer un équilibre entre ceux qui gouvernent, ceux qui approuvent et ceux qui critiquent. Le CSA s'est toujours refusé à comptabiliser le temps de parole du Président de la République. Le Conseil d'État a confirmé cette position en mai 2005, à l'occasion de la campagne sur le référendum européen. Il a estimé que le Président ne s'exprime pas au nom d'un groupement politique.
Depuis un an, le CSA a engagé une réflexion... qui n'a pas encore abouti. Cette situation n'est plus tenable sous le règne de la république sarkozyste, marquée par l'agitation médiatique permanente du Chef de l'État. Il est urgent de résoudre le problème -d'autant qu'il y aura désormais, en plus, ce grand show médiatique versaillais. La présidentialisation est accentuée par la réforme constitutionnelle. Le Président n'est plus comme à l'origine un arbitre. L'hypermédiatisation règne : pas une heure sans que le Président n'apparaisse à l'antenne, sans parler de ses liens personnels. Que les participations à des commémorations ne soient pas comptabilisées, bien sûr ! (Marques d'impatience à droite)
M. Éric Doligé. - Temps de parole dépassé ! Il vous sera décompté.
M. David Assouline. - Mais ce qui relève de l'action gouvernementale doit l'être. Cette avancée démocratique est nécessaire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Tout cela n'a aucun lien avec notre débat : nous n'allons pas écrire cela dans la Constitution !
M. Philippe Richert. - Évidemment pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Dans une loi, éventuellement. Défavorable. Vous tenez les mêmes propos qu'en première lecture.
M. David Assouline. - Non ! J'ai réécrit !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Alors nous progressons... Vous n'avez en fait pas supporté de voir le Chef de l'État dans les médias hier. Mais il n'était pas seul ! Il y avait beaucoup d'invités...
M. Jean-Marc Todeschini. - Même Jack Lang !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Compte tenu de l'ampleur de ces manifestations...
M. Jean-Pierre Sueur. - Quel rapport avec la Constitution ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je parle de ce qu'on reproche au Président de la République. Les critiques permanentes qui lui sont adressées sont excessives, ne serait-ce qu'au regard de la dignité de la fonction. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Oui, le mot « agitation » est malvenu à propos du Président de la République, sur ce sujet, M. Assouline est expert...
M. David Assouline. - Parce que vous acceptez tous les mots que lui emploie ?
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Le Président de la République peut lui aussi prendre des initiatives pour modifier la Constitution, c'est l'article 89.
Je m'associe à ce qu'a dit le rapporteur : une telle disposition n'a pas sa place dans la Constitution. En outre, ce que vous proposez n'est pas satisfaisant : le Président de la République n'a pas la même place que le Gouvernement ou les autres acteurs politiques. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements qui ont déjà été longuement débattus en première lecture.
Les amendements identiques n°s36 rectifié et 97 ne sont pas adoptés.
présidence de M. Christian Poncelet
Article 3 bis
L'article 11 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « ou sociale » sont remplacés par les mots : «, sociale ou environnementale » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
« Si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum.
« Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin. » ;
3° Dans le dernier alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition ».
M. le président. - Amendement n°37, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Dans la première phrase du deuxième alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :
un cinquième
par les mots :
un dixième
et les mots :
un dixième des
par les mots :
un million d'
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Notre amendement vise à rendre obligatoire le recours au référendum pour l'adoption de tout projet de loi qui contiendrait des dispositions précédemment rejetées par le peuple, consulté par référendum. Il tient compte du cas spécifique des traités internationaux. Afin d'éviter un contournement de la disposition constitutionnelle envisagée, il prévoit l'organisation obligatoire d'un référendum pour autoriser la ratification d'un traité contenant des stipulations qui figuraient déjà dans un précédent traité rejeté par référendum. C'était le cas du traité de Lisbonne, qui aurait dû faire l'objet d'un référendum puisqu'il reprenait les dispositions du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Nous avions alors dénoncé le refus du Président de la République de recourir au référendum sur ce traité ; ce refus constituait un déni de démocratie. Nous avions fait valoir que ce que le peuple avait défait en 2005, seul le peuple pouvait le refaire ou le défaire à nouveau. Aucun argument sérieux n'avait pu être opposé à ce principe fondamental. Certes, le peuple peut changer d'avis sur la politique européenne, sur le contenu du traité, comme sur d'autres.
Notre amendement est motivé par le souci de respecter la parole du peuple : dès lors qu'il a clairement signifié son refus d'un projet de loi par référendum, il n'est pas acceptable qu'un nouveau projet de loi, contenant des dispositions similaires au précédent, puisse être adopté par voie parlementaire. Le parallélisme des formes et le respect de l'expression directe de la souveraineté nationale exigent donc d'encadrer le pouvoir législatif du Parlement sur les sujets ayant précédemment fait l'objet d'une consultation populaire.
Ce qui fonde la légitimité de la démocratie parlementaire, c'est l'élection par le peuple au suffrage universel : les citoyens délèguent leur souveraineté à leurs représentants, ils ne leur donnent pas la totalité de leur pouvoir. Il est donc injustifiable d'opposer la légitimité parlementaire à la légitimité populaire, la première n'existant que par délégation de la seconde.
Notre amendement doit éviter un nouveau déni de démocratie qui n'honore pas les représentants du peuple. Vouloir se soustraire à l'expression du peuple par le biais de l'expression du Parlement ne renforce en rien le rôle de celui-ci. Au contraire, cela revient à creuser encore plus le fossé existant entre le peuple, d'un côté, et ses institutions et représentants, de l'autre. Nous tenons à garantir le respect de l'expression directe de la souveraineté nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est seulement sur l'amendement n°37 que je dois donner l'avis de la commission ? Il me semble que vous venez de défendre le n°39.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Non, je défendrai aussi les suivants !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'amendement a déjà été présenté en première lecture ; la commission garde les mêmes raisons de s'y opposer.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°37 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°38, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Rédiger comme suit le troisième alinéa du 2° de cet article :
« Les modalités de sa présentation sont déterminées par une loi organique.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Les conditions d'exercice du droit d'initiative législative instauré par cet article sont trop restrictives. Nous rejetons donc l'ajout d'un contrôle de constitutionnalité qui met une nouvelle fois en cause la souveraineté populaire.
Vous voulez « éviter toute dérive démagogique » mais où est-elle, la démagogie, où est le populisme, sinon dans votre volonté d'opposer ceux qui ont un travail à ceux qui n'en ont pas, le public et le privé ? Le Premier ministre a beau dire, la « bataille idéologique » est loin d'être gagnée par la droite et d'être définitivement close : les luttes populaires persistent.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous ne partageons pas vos craintes et préventions à propos du contrôle de constitutionnalité, qui nous paraît une garantie essentielle.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis défavorable.
L'amendement n°38 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°39, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
4° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le référendum a conclu au rejet d'un projet de loi, tout nouveau projet de loi contenant des dispositions analogues ou autorisant la ratification d'un traité contenant des dispositions similaires à celles du traité ayant fait l'objet de la consultation, doit être soumis au référendum. »
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Je l'ai défendu.
Repoussé par la commission et par le Gouvernement, l'amendement n°39 n'est pas adopté.
L'article 3 bis est adopté.
Article 4
L'article 13 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés. »
M. le président. - Amendement n°40, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :
« L'ensemble des emplois pourvus par le Président de la République est soumis à avis conforme d'une commission constituée des membres des deux assemblées du Parlement à la proportionnelle des groupes parlementaires, tels que mentionnés à l'article 51-1. Ces nominations doivent être approuvées à la majorité des trois cinquièmes. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Oui, nous redéposons cet amendement en seconde lecture car nous considérons qu'il touche au point essentiel de cette révision constitutionnelle : le renforcement au Parlement du fait majoritaire au seul service du Président de la République et de son pouvoir personnel. Cet article 4 à lui seul est porteur de la manipulation à laquelle nous assistons depuis des mois : cette révision renforcerait les pouvoirs du Parlement au détriment de ceux du chef de l'État. Tout au contraire, le Président de la République renforce sa mainmise sur les institutions par l'intermédiaire de la majorité parlementaire que l'on sait à sa dévotion, notamment depuis l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier qui soumet totalement les élections législatives au scrutin présidentiel.
Sur la nomination de personnalités, nous avons assisté, depuis les travaux du comité Balladur, à un véritable tour de passe-passe. D'une majorité devant approuver les nominations, c'est-à-dire avec l'accord de l'opposition, nous sommes parvenus à une majorité des trois cinquièmes pouvant refuser des nominations, c'est-à-dire cette fois-ci, avec l'accord de la majorité.
La polémique autour de l'annonce de la nomination, dans le futur, du président de France Télévisions par le Président de la République, est tout à fait symbolique : où sont les garde-fous ? Où est le contrôle démocratique ? Que devient la transparence ? Instaurer un veto aux mains de la majorité présidentielle pour contrecarrer toute opposition à une nomination montre bien que nous sommes, et j'espère me tromper, à la veille d'un basculement institutionnel dont la République et le peuple seront les premières victimes.
M. le président. - Amendement n°98, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après les mots :
avis public
rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet article :
d'une commission, désignée en début de législature, constituée paritairement de membres des deux assemblées du Parlement, à la proportionnelle des groupes parlementaires. Cette commission statue à la majorité des trois cinquièmes. »
M. Jean-Pierre Sueur. - Leurre, trompe-l'oeil, faux-semblant...
Le comité Balladur avait proposé quelque chose de très intéressant : qu'il faille recueillir l'avis des parlementaires pour les nominations de personnalités. Cela supposait qu'un accord soit recherché entre majorité et opposition. Cela peut fonctionner, nous l'avons vu en commission des lois à propos de la nomination du contrôleur des lieux de détention.
Je ne vois donc pas quelles raisons vous pouvez avoir de vous opposer à cet amendement. Sans doute votre commission mixte pseudo-paritaire UMP/UMP (sourires) en a-t-elle décidé ainsi... Donc vous inversez les choses et l'avis de l'opposition n'est plus requis de la même manière tandis que la majorité garde les prérogatives qui sont les siennes.
Quand le Président de la République annonce qu'il va désigner le président de France Télévisions ou qu'il va faire disparaître la publicité sur les chaînes publiques, on est bien dans un système monocratique. Nos amendements se justifient d'autant. On a tout à l'heure reproché à l'un de nos collègues ses propos critiques sur le Président de la République. Nous respectons tous l'éminence de la fonction, mais chacun a le droit de s'exprimer. N'a-t-on pas entendu, naguère, des propos irrévérencieux à l'encontre de François Mitterrand ?
M. Éric Doligé. - Jamais !
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous avez la mémoire courte.
Un président du Sénat n'a-t-il pas parlé de « forfaiture », sans cesser pour autant d'occuper ses fonctions ? Le coup d'État permanent a-t-il empêché l'ancien sénateur François Mitterrand de devenir Président de la République ? Cessez donc de pousser des cris d'orfraie au seul motif que nous usons de notre droit d'expression !
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Dans la deuxième phrase du second alinéa de cet article, remplacer les mots :
au moins trois cinquièmes
par les mots :
la majorité simple
Mme Alima Boumediene-Thiery. - La mise en place d'un contrôle parlementaire des nominations doit permettre une véritable prise en compte de l'opposition. N'est-ce pas l'objectif de ce texte ? Or, exiger que la commission compétente puisse s'opposer aux trois cinquièmes suppose qu'à elle seule, l'opposition ne puisse valablement s'opposer à une nomination. A défaut d'un vote positif à la majorité qualifiée, il convient de ramener le véto parlementaire, inapplicable en l'état, à la majorité simple des suffrages exprimés, faute de quoi le contrôle parlementaire sur les nominations restera une pure chimère.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission est opposée à la mise en place d'un avis conforme. Elle considère qu'une commission spécialisée risque d'entraîner une forte politisation des nominations : défavorable à l'amendement n°40. Elle estime qu'une majorité positive des trois cinquièmes rendrait difficile les nominations, tandis qu'un avis négatif, même consultatif, aura un fort effet dissuasif : défavorable à l'amendement n°98. Même avis, enfin, sur l'amendement n°9. L'expérience du contrôleur général des lieux privatifs de liberté est suffisamment parlante.
M. Jean-Pierre Sueur. - Précisément : c'était un vote positif !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il sera très difficile de passer outre un avis négatif.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements. Il s'agit d'encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République, non de le transférer au Parlement : tel serait le résultat en cas d'avis conforme à la majorité simple. J'ajoute que soumettre l'ensemble des nominations à l'avis de la commission n'aurait pas de sens : les directeurs d'administration centrale, les préfets, les recteurs sont directement liés à l'exécutif.
M. David Assouline. - Je souscris aux propos de M. Sueur. Nous avons subi, en première lecture, les mêmes pressions sur la même question. Est-il donc désormais interdit de mettre en cause l'action du Président de la République ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - On ne dit pas cela.
M. David Assouline. - Que ne réagissez-vous quand, de façon répétée et concertée, le Premier ministre, le porte-parole de l'UMP traitent une personnalité de l'opposition, candidate à la Présidence de la République, de poubelle, d'égout et autres propos du même tonneau ? Il y a donc deux poids deux mesures ? Nous ne versons pas, quant à nous, dans ce type d'insultes, mais nous revendiquons le droit de caractériser clairement un adversaire politique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - La position prise par la commission des lois et le Gouvernement est proprement honteuse ! L'idée de départ, intéressante, consistait à prévoir que pour certaines nominations, un avis conforme à la majorité qualifiée du Parlement était requis. Et voilà que vous la dénaturez en la retournant : il faudra une majorité qualifiée pour rejeter une nomination et l'avis ne sera plus que consultatif. C'est une honte ! C'est la démocratie du semblant ! J'avais demandé, en commission, un vote sur l'amendement n°98 : 19 voix contre, 16 pour. (MM. Hyest et Gélard le contestent) Nous étions pourtant majoritaires, mais une fois de plus, les poches des sénateurs de la majorité présents étaient truffées de délégations de vote. Pas les nôtres. (MM. Hyest et Gélard le contestent) C'est une honte pour la démocratie !
M. Pierre-Yves Collombat. - Nos collègues de la majorité et des groupes qui ne lui appartiennent pas mais votent comme elle (sourires) savent-ils bien ce qu'ils vont voter ? Le Président de la République pourra nommer qui il veut pour peu que 40 % de la majorité le soutienne. Sacrée modernisation ! Et notre assemblée sera de surcroît réduite à un rôle subalterne, puisque nous sommes moins nombreux que les députés.
L'amendement n°40 n'est pas adopté.
L'amendement n°98 n'est pas adopté.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
Article 6
L'article 17 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 17. - Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. »
M. le président. - Amendement n°99, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Bernard Frimat. - Nous revenons à la position adoptée en première lecture par le Sénat. Elle n'était d'ailleurs pas, au départ, celle du groupe socialiste, mais nous nous étions ralliés à la position défendue par M. Alfonsi, dont l'amendement avait été adopté contre l'avis de la commission des lois et du Gouvernement.
L'actuel Président de la République n'utilise pas le droit de grâce collective, nul ne saurait le lui reprocher puisque ce droit, par nature, est discrétionnaire. Cependant, en quoi est-ce moderniser nos institutions, que de lier les successeurs de l'actuel Président de la République, à sa pratique du droit de grâce, ou d'obliger par la suite à une nouvelle révision pour rétablir le droit de grâce collective ? Qui peut garantir que les conditions ne seront plus jamais réunies, pour qu'une grâce collective paraisse dans l'intérêt de la Nation ?
M. le président. - Amendement n°41, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 17 de la Constitution par les mots et une phrase ainsi rédigée :
après avis des bureaux du Sénat, de l'Assemblée Nationale et du Conseil supérieur de la magistrature. Sa décision est contresignée par le Premier ministre et le Garde des sceaux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous sommes plutôt défavorables au droit de grâce collective, qui est utilisé comme un moyen détourné de désengorger les prisons, donc de reporter davantage la réforme pénitentiaire, véritable arlésienne de notre vie politique ! Cependant, nous souhaitons encadrer le droit de grâce individuelle, par une procédure d'avis. La procédure serait trop lourde ? N'oublions pas que la grâce est un ultime recours. Ensuite, la commité Balladur a déjà proposé qu'une commission donne son avis. En première lecture, M. Hyest précisait même qu'un tel avis éclairerait la décision du Président de la République ! Quant au droit de grâce collective, il mérite mieux que de servir surtout à désengorger nos prisons...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - En première lecture, la commission avait souhaité supprimer la grâce collective, nous avons poursuivi le débat avec nos collègues députés, qui ont supprimé la grâce collective et maintenu la grâce individuelle, que personne ne songe sérieusement à supprimer. Cependant, il n'est pas nécessaire de constitutionnaliser l'intervention d'une commission qui donnera son avis sur les grâces, la Constitution n'a pas besoin de tous ces ajouts que nos collègues nous proposent trop souvent !
Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Le Gouvernement souhaitait supprimer la grâce collective et l'intervention d'une commission, le débat parlementaire est allé dans ce sens : avis défavorable à l'amendement n°99, de même qu'à l'amendement n°61.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - La grâce collective aussi peut avoir ses vertus ! Souvenons-nous de Victor Hugo...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Elle peut consister en une somme de grâces individuelles !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Et la grâce collective peut avoir aussi pour raison de soulager un peu nos prisons surchargées !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - Il y a les lois d'amnistie !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - La grâce individuelle est indispensable : comme avocat, j'ai plusieurs fois obtenu la grâce de condamnés étrangers qui, sans elle, aurait été contraints de retourner dans leur pays d'origine où ils n'avaient quasiment jamais vécu !
L'amendement n°99 n'est pas adopté.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Nous sommes parfois en désaccord avec nos collègues du groupe CRC : c'est le cas sur l'amendement n°41.
L'amendement n°41 n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°100, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, le mot : « parlementaire » est remplacé par le mot : « électif ».
M. Richard Yung. - Nous proposons d'interdire le cumul des fonctions ministérielles avec tout mandat électif.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Hors sujet !
M. Richard Yung. - Le comité Balladur a proposé que les ministres se consacrent exclusivement à leurs fonctions, et la lettre de mission du Premier ministre allait dans le même sens. Mme la Garde des sceaux a indiqué qu'il n'était pas souhaitable de distinguer les communes selon leur taille, car les maires des petites villes sont souvent très sollicités. Résultat : on ne fait rien !
L'ancien Président de la République, M. Chirac, qui était un orfèvre en la matière puisqu'il il a cumulé toutes les fonctions et mandats qui pouvaient l'être... (Exclamations à droite)
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - D'autres ont fait mieux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous voulez dire qu'il n'était pas le seul : c'est vrai !
M. Josselin de Rohan. - M. Chirac est un ancien Président de la République, alors que M. Hollande, lui, est député, et il cumule !
M. Richard Yung. - M. Chirac, donc, a conservé en 2002 la règle appliquée par M. Jospin, de non-cumul des fonctions ministérielles avec des mandats électifs : 14 ministres sur 29 ont quitté alors leurs fonctions exécutives locales.
En 2005, M. Sarkozy refusait, lui, d'abandonner la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine, alors qu'il devenait ministre. Une fois à la Présidence de la République, son message n'a pas changé : 21 ministres ont participé aux municipales de cette années, dont 11 comme têtes de listes !
Inscrire cette interdiction dans la Constitution est une urgente évidence, compte tenu des responsabilités qui pèsent sur les élus locaux. L'incompatibilité qui existe entre les fonctions de ministre et de parlementaire devrait être étendue à tous les mandats locaux. Robert Badinter disait que quand on est ministre de la République, ce qui est un honneur, on doit tout son temps à la France et qu'on ne peut se consacrer à mi-temps à telle ou telle fraction du territoire national. Enfin, avec la réforme, les ministres seraient plus présents au Parlement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le sujet a déjà été évoqué en première lecture et l'avis reste défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°100 n'est pas adopté.
Article 9
L'article 24 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 24. - Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques.
« Il comprend l'Assemblée nationale et le Sénat.
« Les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct.
« Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République.
« Les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat. »
M. Richard Yung. - Le dernier paragraphe de cet article prévoit l'élection de députés représentant les Français établis hors de France. Je voudrais le commenter à la lumière des débats du 8 juillet à l'Assemblée nationale. En première lecture, j'avais, avec les autres sénateurs des Français de l'étranger, défendu cette disposition parce qu'elle est conforme à notre conception d'une pleine citoyenneté de nos compatriotes éloignés de la métropole et qui ne sont aujourd'hui représentés qu'au Sénat. Notre idéal est d'évoluer vers une représentation complète, il ne se satisfait pas d'une demi-citoyenneté. Des centaines de milliers de Français attendent cette reconnaissance de leur participation à la vie de la Nation et cette idée, soutenue par les principaux partis politiques, par tous les candidats aux présidentielles et par l'Assemblée des Français établis hors de France, a été accueillie favorablement par la Haute assemblée. Il s'est néanmoins trouvé à l'Assemblée nationale un groupe de députés, de la majorité mais aussi -cela me blesse- de l'opposition, pour en proposer la suppression. Je veux répondre à leurs arguments erronés, faibles et parfois méprisants.
Affirmer que les Français expatriés sont inscrits sur les listes électorales en métropole, c'est ignorer que 600 000 inscrits sur les listes électorales ne peuvent voter en France. Beaucoup, installés depuis longtemps à l'étranger ne se font pas renouveler leur inscription et les 200 000 qui restent inscrits sur des listes communales, peinent à voter par procuration.
Les députés sont censés représenter toute la Nation. Pourquoi en excepter 2,5 millions de Français et déléguer leur représentation aux députés de Corrèze, de Gironde, d'Isère ou du Val-de-Marne ? Une fois élus par les Français de l'étranger, les nouveaux députés représenteront aussi l'ensemble de la Nation. Refuser cette représentation parlementaire n'est pas sans rappeler que le colonialisme témoignait jadis aux indigènes...
L'absence de représentants à l'Assemblée nationale est un handicap pour les Français de l'étranger car personne n'y relaie leurs préoccupations qui restent mal comprises -on l'a vu avec la suppression du droit de vote aux élections européennes.
Le fond du problème tient aux modalités -le diable se cache dans les détails. Parce que vous voulez inscrire le nombre de députés dans le marbre de la Constitution, il faudra faire place aux députés des Français de l'étranger, ce qui jette le soupçon sur toute l'opération.
M. le président. - Amendement n°42, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :
et contrôle l'utilisation des fonds publics par les entreprises privées
M. Robert Bret. - L'argent public est une denrée assez rare pour que le Parlement, expression de la souveraineté populaire, en suive l'emploi de près. Si l'investigation ne pose guère de problème pour les missions budgétaires même si l'inadaptation des critères de performance justifie notre opposition à la Lolf, il n'en va pas de même pour la dépense fiscale. La mission travail et emploi regroupe 13 milliards d'euros à comparer aux 30 milliards d'allègements de charges des entreprises. Pendant que d'aucuns glosent sur les allocations indues des chômeurs, des milliards tombent dans l'escarcelle des entreprises et pour quel résultat ? Les exonérations de cotisations sociales servent votre politique d'aide aux entreprises contre la mondialisation et la concurrence déloyale mais au final, elles profitent à la distribution qui creuse le déficit extérieur, bénéficie de la mondialisation et supprime des emplois... Il faut un contrôle parlementaire de l'argent public et cela vaut aussi pour les exonérations de taxe professionnelle et d'impôt sur les sociétés : combien cela coûte-t-il et pour quelles contreparties ; le jeu en vaut-il la chandelle et ne faut-il pas réaffecter l'argent public ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Assisté de la Cour des comptes, le Parlement peut déjà exercer ce contrôle. Avis défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis. Je vous renvoie à l'article 24 dans lequel l'analyse que vous demandez peut parfaitement s'exercer. Quant à cette disposition, elle n'a pas sa place ici.
L'amendement n°42 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°43, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
I. - Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution, supprimer les mots :
, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept,
II. - Dans le quatrième alinéa du même article, supprimer les mots :
, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit,
M. Robert Bret. - Le débat sur le nombre de parlementaires n'est pas arithmétique mais politique. Le Gouvernement prépare dans le plus grand secret une réforme des modes de scrutin, qui s'accompagnera d'un redécoupage des circonscriptions. M. Sarkozy peut être tenté de rattraper ainsi le terrain perdu au niveau local mais revalorise-t-on les droits du Parlement en limitant ses effectifs, surtout au moment où l'on doit prévoir l'élection de députés des Français de l'étranger ? Déjà les pressions s'exerceraient : le vote de la réforme en échange d'un meilleur découpage. Cette disposition favorise les manoeuvres.
M. le président. - Amendement n°101, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution, supprimer les mots :
, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept,
M. Bernard Frimat. - Je présenterai simultanément l'amendement n°102.
M. le président. - Amendement n°102, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution, supprimer les mots :
, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit,
M. Bernard Frimat. - Ces deux amendements vont dans le même sens : nous restons hostiles à ce que la Constitution fixe le nombre de parlementaires, ce qui alourdira les nécessaires adaptations aux évolutions démographiques. Les chiffres retenus n'ont d'autre justification que d'être ceux d'aujourd'hui. Comment le Sénat aurait-il pu mener son auto-réforme ?
Enfin, à partir du moment où l'on bloque le nombre de députés à 577 et que l'on prévoit que certains d'entre eux représenteront les Français de l'étranger, comment envisager sereinement le prochain redécoupage des circonscriptions électorales ? Une fois de plus, ce seront les circonscriptions les plus urbaines qui en feront les frais. Ce redécoupage va se faire dans un climat de suspicion généralisé et d'opacité totale.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous avons eu ce débat en première lecture. Le plafond est vertueux, il correspond à un maximum : le nombre de députés et de sénateurs pourra être inférieur, ce qui rencontre, je crois, l'approbation de nos concitoyens. Comparés aux autres démocraties, nous sommes dans la fourchette haute. Avis défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - L'inscription d'un nombre maximal ne figurait pas dans le texte initial. L'Assemblée nationale a décidé de fixer un plafond et le Sénat a fait de même, chacun pour ce qui le concerne. Une quinzaine de pays ont pris la même décision et, que je sache, ils respectent le rôle du Parlement.
M. Frimat s'inquiète du redécoupage à venir. Mais c'est le Conseil constitutionnel lui-même qui nous demande d'y procéder : il faut dire que la dernière opération date de 1986. A l'époque, la France comptait 58 millions d'habitants. Aujourd'hui, nous sommes 64 millions. Un parlementaire représentait donc 100 000 habitants et il en représentera environ 115 000. Une commission indépendante procèdera au redécoupage, mais nous n'en sommes pas encore là.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Inscrire le nombre de députés et de sénateurs dans la Constitution présente des inconvénients et des avantages. C'est un nombre maximum et nous comptons déjà trop de députés et trop de sénateurs.
Grace au plafond, il sera possible de réduire le nombre de parlementaires.
M. Gérard Longuet. - Exact.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Aux États-Unis, il n'y a que cent sénateurs.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est ce qu'il nous faudrait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - En même temps si l'on inscrit ce maximum dans la Constitution, on risque de ne pas descendre en dessous. Pour le reste, M. Pasqua était passé maitre dans l'art du redécoupage. Je crains qu'aujourd'hui vous n'ayez les mêmes qualités et les mêmes défauts pour y procéder...
L'amendement n°43 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s101 et 102.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par deux phrases ainsi rédigées :
Un dixième d'entre eux au moins sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle intégrale, dans les conditions prévues par une loi organique. Cette disposition est applicable à compter de la quatorzième législature.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - L'injection d'une dose de proportionnelle aux élections législatives permettrait la représentation pluraliste des opinions.
M. Patrice Gélard. - C'est du domaine de la loi !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - M. Mercier tenait une pépite : s'il l'avait voulu, la proportionnelle aurait pu figurer dans la Constitution. Mais vous vous évertuez à nous dire que le mode de scrutin ne doit pas y figurer.
Pourtant, le scrutin majoritaire ne garantit pas l'égalité du suffrage. (M. Hyest le conteste) II empêche le pluralisme, dans la mesure où il favorise les grands partis au détriment des petits.
Alors que l'Assemblée nationale est dominée par le bipartisme et que nous en voyons les effets néfastes, pourquoi refuser une meilleure représentation des opinions ? En adoptant cet amendement, nous nous alignerions sur de nombreux pays européens qui ont adopté la proportionnelle.
M. le président. - Amendement n°103, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
Un dixième d'entre eux sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans les conditions prévues par une loi.
M. Pierre-Yves Collombat. - En instillant une dose de proportionnelle, nous desserrerions l'étau qui enserre la majorité parlementaire et présidentielle. Ainsi, la Constitution respirerait un peu mieux. En outre, cette mesure permettrait à l'opinion publique d'être mieux représentée. Nous ne faisons d'ailleurs que reprendre une des propositions du comité Vedel.
Vous nous répondez que cette mesure ne doit pas figurer dans la Constitution. Est-ce plus inutile que de fixer un nombre maximum de parlementaires ? (Mme Borvo Cohen-Seat rit) Et que dire de certains articles de la Charte de l'environnement qui sont franchement bizarres ? Il serait en revanche nécessaire de prévoir que le mode de représentation rende le mieux compte possible de la société française.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Vous faites les questions et les réponses : le mode de scrutin n'a pas à figurer dans la Constitution. Cela a d'ailleurs permis à certaines époques de modifier les modes de scrutins. En outre, il n'est pas de tradition républicaine qu'une assemblée se penche sur le mode de scrutin de l'autre.
M. Robert del Picchia. - Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'avis est donc défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - En 1958, il y a eu un vrai débat entre les constituants pour savoir s'il fallait inscrire le mode de scrutin dans la Constitution. De Guy Mollet à Michel Debré, tous y ont été opposés. Depuis lors, notre vie politique n'en a pas pâti. Sous François Mitterrand, la proportionnelle a été adoptée sans révision constitutionnelle.
Si l'on inscrivait le mode de scrutin dans la Constitution, il faudrait une révision constitutionnelle pour le modifier, c'est-à-dire une procédure lente et lourde. C'est pourquoi les Constituants de 1958 ne l'ont pas voulu, non plus que les gouvernements successifs de gauche comme de droite. Avis défavorable.
M. Pierre-Yves Collombat. - Les arguments de la commission et du Gouvernement ne me paraissent pas convaincants. En 1958, il n'était pas prévu que le Président de la République soit élu au suffrage universel ! D'ailleurs la Constitution précise bien le nombre de députés et de sénateurs, pourquoi pas le mode de scrutin ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cela n'a rien à voir !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - M. le ministre nous dit qu'on ne doit pas inscrire le mode de scrutin dans la Constitution. Les Anglais n'ont pas de Constitution, mais tout se passe comme s'ils en avaient une, et qu'elle fixait à tout jamais un mode de scrutin majoritaire à un seul tour. Le résultat, c'est qu'un des deux grands partis obtient parfois la majorité à la chambre tout en ayant obtenu moins de voix que l'autre.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cela n'est arrivé qu'une fois.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Je voulais surtout dire qu'une dose de proportionnelle ne suffit pas : je suis favorable à la proportionnelle intégrale.
M. René Garrec. - Comme avant 1958 !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est le système des petits arrangements !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Olivier Duhamel avait proposé d'instaurer la proportionnelle pour l'élection des sénateurs.
M. Henri de Raincourt. - Ce n'est pas une référence !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - La proportionnelle pose problème lorsque le Gouvernement est responsable devant la chambre, mais il ne l'est pas devant le Sénat. On répondait à M. Duhamel que l'opinion publique ne comprendrait pas que la chambre élue à la proportionnelle n'ait pas le dernier mot dans la procédure parlementaire ; il répondait qu'ainsi l'Assemblée serait contrainte de tenir compte de l'opinion du Sénat. L'idée est intéressante.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Intéressante, en effet !
M. Gérard Longuet. - Minoritaire au sein de mon groupe, je suis favorable à la proportionnelle, et j'ai eu la tentation de voter votre amendement. Mais j'ai changé d'avis en vous entendant car vous ne traitez que du mode d'élection d'une assemblée, et non de l'autre. Le mode de scrutin que je préconise, à la suite de Raymond Marcellin et d'Edouard Balladur, c'est le scrutin majoritaire à un seul tour. Soit nous traitons de la question du mode de scrutin dans sa totalité, soit nous n'en traitons pas. Et ce n'est pas l'objet de la présente discussion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je partage les vues de mes collègues socialistes. J'entends M. le ministre nous dire que les Constituants de 1958 n'ont pas eu l'intention d'inscrire le mode de scrutin dans la Constitution ; mais nous révisons cette Constitution, et nous pouvons bien décider le contraire.
En réalité, vous ne voulez pas aborder ce problème. Le Président de la République s'était engagé pendant la campagne présidentielle à introduire une dose de proportionnelle à l'Assemblée nationale. Le comité Balladur avait repris cette proposition, et formulé le voeu que le Sénat représente les collectivités territoriales « en fonction » de leur population : on eût ainsi inscrit dans la Constitution, non le mode de scrutin, mais un principe démocratique normal, selon lequel les assemblées représentent leurs électeurs. Mais la majorité sénatoriale n'a pas voulu de cette dernière mesure, qui menaçait sa prééminence. Il est inutile de dissimuler vos intentions derrière des arguments spécieux : vous ne voulez pas modifier des modes de scrutin qui vous sont favorables.
L'amendement n°12 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°103.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Compléter la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :
en fonction de leur population
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Lors de la première lecture, la majorité sénatoriale a traité nos propositions sur la représentativité du Sénat avec un esprit de provocation et une condescendance qui m'ont choquée. (Exclamations à droite et sur le banc de la commission) Le président de la commission des lois a lui-même avoué avoir poussé le bouchon un peu trop loin.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est ce que m'a fait dire la presse !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mais on en reste au statu quo. Par manque de volonté politique, et dans le souci de préserver les privilèges de la droite française, on maintient inchangée une situation intolérable. Le Sénat ne doit pas être la chambre des territoires pauvres en démographie, mais le reflet exact de la population, dans un souci de justice électorale. Comment expliquer que 60 % des Français vivent dans des communes administrées par la gauche et que cela ne se reflète pas au Sénat ?
Nous nous serions contentés de la proposition initiale du projet de loi ; mais depuis, le texte a subi des coupes qui l'ont complètement dénaturé. Cet amendement a pour objet d'inscrire, conformément aux propositions du comité Balladur, que le Sénat représente les collectivités territoriales en fonction de leur population. Tant que cela ne sera pas le cas, le Sénat demeurera un verrou empêchant l'adoption de toute grande réforme.
M. le président. - Amendement identique n°44, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :
en fonction de leur population
M. Robert Bret. - Cet article 9 est important, car c'est de lui que dépend la position du Sénat dans cette révision constitutionnelle. En première lecture, la majorité sénatoriale a multiplié les gestes de mauvaise humeur. La question du mode de scrutin sénatorial était particulièrement délicate. Si la commission des lois nous propose un vote conforme, c'est qu'elle entend préserver avant tout l'intérêt supérieur de la majorité sénatoriale : conserver à droite le Sénat, même si régions, départements et communes sont majoritairement à gauche. Est-il acceptable qu'une chambre du Parlement, disposant de pouvoirs presque équivalents à ceux de la chambre élue au suffrage universel direct, soit désignée par un collège de moins de 150 000 grands électeurs ? Les sénateurs de Saint-Barthélémy et Saint-Martin sont même élus, respectivement, par dix et dix-neuf grands électeurs...
Le comité Balladur proposait que le Sénat représente les collectivités territoriales « en fonction » de leur population ; le Gouvernement avait déjà reculé, en proposant dans le projet de loi initial qu'il les représente « en tenant compte » de leur population. Mais il a fini par capituler devant la majorité sénatoriale.
Cet article 9 est la clé du succès du vote conforme. Cela doit être dit et su. M. Sarkozy renforce les droits du Parlement en préservant un Sénat d'un autre temps, seule chambre en Europe à disposer d'autant de pouvoir tout en étant élue par un nombre aussi faible d'électeurs.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est faux !
M. Robert Bret. - Notre amendement reprend donc la proposition du comité Balladur.
M. le président. - Amendement identique n°104, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Compléter la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :
en fonction de leur population
M. Bernard Frimat. - Notre amendement est identique à celui de nos collègues Verts et communistes.
M. Alain Lambert. - C'est un jour de chance !
M. Bernard Frimat. - Nous avons abouti au consensus, que le Gouvernement recherche aussi. Nous demandons un scrutin public sur ce texte, car il s'agit d'un point central de cette révision. J'ai expliqué cet après-midi comment le Gouvernement avait reculé, devant les exigences de la majorité sénatoriale. Vous constitutionnalisez ainsi la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui empêche toute évolution du mode d'élection des sénateurs. J'ai entendu M. Mercier annoncer le dépôt d'une proposition de loi à l'automne. Nous verrons bien.
Vous refusez, on comprend pourquoi. Vous avez sauvegardé les privilèges. Dormez braves gens, le Sénat veille sur vous, rien ne changera ! Votez comme bon vous semble aux élections locales, le Sénat restera de droite !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous avons abondamment débattu de ces questions. Avis défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis.
A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°14, identique aux amendements n°s44 et 104, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 299 |
Nombre de suffrages exprimés | 298 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 150 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 173 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°105, présenté par M. Yung et Mme Cerisier-ben Guiga.
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par une phrase rédigée :
Les députés représentant les Français établis hors de France sont élus au scrutin proportionnel de liste à un tour dans le cadre de deux circonscriptions comprenant le même nombre de sièges.
M. Richard Yung. - Le ministre nous a indiqué que les députés des Français de l'étranger seraient élus par scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Vous aviez pourtant ici l'occasion d'introduire une petite part de proportionnelle à l'Assemblée nationale...
Le scrutin uninominal à deux tours n'est pas applicable dans bon nombre de pays étrangers, pour des raisons d'organisation matérielle, ne serait-ce que parce que La Poste ne permet pas de tenir les deux tours de l'élection à une semaine d'intervalle ! Il y a sans doute un plan B ! Vous allez nous rétorquer que le mode de scrutin ne relève pas de la Constitution, mais cet amendement d'appel vise néanmoins à obtenir des éclaircissements de la part du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - M. Yung connaît la réponse : cela ne relève pas de la Constitution. Nous ne nous occupons pas du mode d'élection des députés, qu'ils ne s'occupent pas du nôtre ! Le principe d'une représentation des Français de l'étranger a été souhaité par le Président de la République et l'Assemblée des Français de l'étranger, et par vous-mêmes. Avis défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Je n'ai jamais parlé de scrutin majoritaire uninominal à deux tours pour les députés des Français de l'étranger. Il s'agira sans doute d'un scrutin majoritaire, mais le système exact qui devrait faire l'objet d'une loi organique, n'est pas encore défini. Il devrait y avoir entre dix et douze sièges. Défavorable, car cette question ne relève pas de la Constitution. Je vous en dirai plus dès que j'en saurai plus !
M. Richard Yung. - Ce n'est pas très rassurant, mais je retire mon amendement.
L'amendement n°105 est retiré.
M. Robert del Picchia. - Nous avons assez parlé des députés des Français de l'étranger !
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« Le mandat de membre de l'Assemblée nationale ou du Sénat est incompatible avec l'exercice de tout mandat de maire dans une commune de plus de 20 000 habitants, de fonction de président de conseil général ou de conseil régional ainsi que de toute fonction exécutive locale. Cette disposition est applicable à compter de la quatorzième législature en ce qui concerne l'Assemblée nationale, et à compter du second renouvellement partiel suivant l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° du de modernisation des institutions de la Ve République en ce qui concerne le Sénat. »
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le cumul des mandats est un grand mal français, qui nuit à la bonne marche de notre démocratie. Une partie des membres de notre assemblée exercent plusieurs mandats.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ils font bien leur boulot !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le cumul est une gangrène, un souffle au coeur. Assez d'hypocrisie : si les parlementaires souhaitent cumuler les mandats, ils doivent les exercer pleinement. Sinon, ils donneront l'impression de ne cumuler que les indemnités ! On ne peut être à la fois maire d'une grande ville et parlementaire impliqué, sauf à avoir un don surnaturel !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - Mais ça existe !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Il faut au moins limiter le cumul pour mettre fin aux abus. Ce serait aussi une manière de démocratiser nos assemblées et de rendre toute sa dignité à la fonction de législateur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ne rouvrons pas ce débat. Les décisions qui ont été déjà prises sont équilibrées. Avis défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis. Le débat a eu lieu.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
L'amendement n°28 n'est pas soutenu, non plus que l'amendement n°29
M. le président. - Amendement n°46, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« Le mode de scrutin proportionnel assure une juste représentation du peuple. »
M. Robert Bret. - La question du mode de scrutin contribue au divorce entre les Français et leurs institutions. Nos concitoyens ne se sentent pas bien représentés : moyenne d'âge de 60 ans, 18 % de femmes, 1 % d'ouvriers, surreprésentation des professions libérales et des hauts fonctionnaires, absence de diversité dans l'origine. Accroître la participation des citoyens à l'exercice de leur souveraineté suppose de démocratiser leur représentation. Seule la proportionnelle permet une juste représentation du corps électoral.
On nous objecte qu'une telle assemblée serait ingouvernable, faisant perdurer l'idée que le peuple serait incapable de faire des choix électoraux conformes à l'intérêt général. On reconnaît là votre méfiance envers le peuple !
La déformation systématique de la représentation populaire rompt le lien démocratique entre vote et représentation. Ce n'est pas la proportionnelle qui a provoqué les crises, mais l'inadéquation d'un système politique et des choix des élites contre la volonté du peuple, les promesses non tenues.
La souveraineté appartient au peuple, ce qui signifie qu'il est le seul à même de dénouer une crise politique. Toute autre solution, fût-elle choisie au nom de l'efficacité, comporte le risque de dérives dangereuses. Un scrutin à la proportionnelle donnerait au Parlement une véritable représentativité ; aucune fraction du peuple ne se sentirait mise à l'écart. Il y a urgence. Or votre projet accentue le bipartisme. Vous inscrivez dans la Constitution le nombre de sénateurs et de députés et vous refuseriez cet amendement ?
M. le président. - Amendement n°47, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les modes de scrutin pour l'élection du Parlement respectent la diversité politique de la Nation. Ils garantissent le pluralisme et l'équité de sa représentation parlementaire. »
M. Robert Bret. - Repli ! Cette proposition a été portée par les membres du Nouveau Centre à l'Assemblée nationale jusqu'en seconde lecture. Mais oui, monsieur Mercier ! Pour nos collègues, il n'y a pas de revalorisation du Parlement sans prise en compte de la diversité d'opinions. Celle-ci mérite d'être élevée au niveau constitutionnel. Je partage l'idée que l'introduction d'une part de proportionnelle à chaque échelon électoral ne serait pas contraire à la stabilité des majorités. Il est temps de combler le fossé entre les élus et la population : voyez l'abstention massive aux élections municipales et cantonales.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Défavorable. Comme en première lecture, le groupe CRC montre sa passion pour la proportionnelle, mais cette question n'a pas sa place dans la Constitution. S'agissant du n°47, j'admire que nos collègues CRC s'inspirent du Nouveau Centre... Que dit M. Mercier de cette évolution ?
M. Michel Mercier. - C'est pour cela que je n'y suis pas !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Défavorable au n°46 : depuis 1958, le mode de scrutin n'a jamais figuré dans la Constitution. Les sénateurs CRC vont puiser aux meilleures sources, mais défavorable également au n°47.
L'amendement n°46 n'est pas adopté, non plus que le n°47.
L'article 9 est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 24 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Nul ne peut être élu plus de trois fois à un mandat parlementaire. Cette disposition est applicable aux parlementaires élus à compter de la quatorzième législature en ce qui concerne l'Assemblée nationale, et à compter du second renouvellement partiel suivant l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° du de modernisation des institutions de la Ve République en ce qui concerne le Sénat. »
Mme Alima Boumediene-Thiery. - La limitation du nombre de mandats dans le temps est la meilleure manière d'améliorer la représentativité des assemblées. Le cumul freine le renouvellement et irrite la population. Dix-huit ans de présence ici, n'est-ce pas suffisant ? Pour nos concitoyens, s'accrocher au pouvoir, c'est s'accrocher à des privilèges et cela discrédite la politique. Nous aspirons à des assemblées rajeunies, féminisées, diversifiées.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Laissons un peu de liberté aux électeurs ! Et les parlementaires qui ont effectué trois mandats n'ont pas démérité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Je voterai contre l'amendement. Non que je me sente visé, bien que siégeant ici « depuis très longtemps », comme l'a dit la Garde des sceaux, mais la date d'entrée en application éventuelle est trop éloignée pour me concerner.
Mais en 1970, lorsqu'Alain Savary, alors secrétaire du Nouveau parti socialiste, avait interrogé les militants, ces derniers avaient répondu clairement que l'on ne pouvait, en démocratie, limiter le suffrage universel et je crois que la vox populi a raison.
M. Christian Cointat. - Ce sujet ne relève pas de la Constitution mais il faudra y réfléchir. Si l'on refuse de toucher au nombre de mandats, un élu pourra les enchaîner indéfiniment si le peuple le décide. On limite le nombre de mandats pour le Président de la République, pourquoi pas pour les autres ?
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 25 de la Constitution, après les mots : « conditions d'éligibilité, », sont insérés les mots : « notamment la limite d'âge à partir de laquelle un parlementaire ne peut plus se présenter à une élection, ».
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je ne nie pas le mérite de ceux qui siègent jusqu'à un âge avancé, mais le Parlement a besoin d'un nouvel élan démocratique. En première lecture, certains collègues m'ont fait savoir discrètement qu'ils m'approuvaient.
C'est que près de 88 sénateurs ont plus de 70 ans, une vingtaine plus de 80, certains ont plus de 90 ans. Ils sont élus depuis 20, 30, 40 voire 50 ans ! (M. Nicolas Alfonsi s'exclame) La longévité politique a ses vertus mais elle freine le renouvellement. Il existe bien un âge minimum pour se présenter au Sénat ; pourquoi pas un âge plafond pour y demeurer ?
Je ne vise pas ici les élections locales mais seulement les élections nationales. (« Pourquoi ? » à droite) Nous voulons des assemblées rajeunies, féminisées, métissées.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Je ne comprends pas tout : pourquoi les mandats nationaux seulement ? Le député devra partir mais pas le maire d'une ville d'un million d'habitants ? Au sein de tous les partis, je crois, on a adopté des règles sur l'âge limite : elles ne sont jamais respectées.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Vous connaissez ces vers de Corneille :
« Quoiqu'un grison fasse effroi,
Il vaut bien qu'on le courtise. » (Sourires)
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 16 juillet à 10 heures.
La séance est levée à 1 heure.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mercredi 16 juillet 2008
Séance publique
A DIX HEURES
1. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation budgétaire.
A QUINZE HEURES ET LE SOIR
2. Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 459, 2007-2008), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation des institutions de la Ve République.
Rapport (n° 463, 2007-2008) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
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DÉPÔTS
La Présidence a reçu de :
- M. le Premier ministre :
. un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ;
. un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ;
- M. Bruno Retailleau :
. une proposition de loi organique visant à permettre le retour à l'équilibre budgétaire ;
. une proposition de loi organique visant à faire évoluer les sanctions consécutives à une erreur matérielle dans la gestion des comptes de campagne lors des élections législatives ;
- M. Alain Gournac, un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (n° 448, 2007-2008) ;
- M. Alain Vasselle, un rapport d'information fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales sur le système de santé aux Pays-Bas ;
- M. Philippe Dallier, un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l'établissement public d'aménagement de la défense (Epad) ;
- MM. Jean François-Poncet et Claude Belot, un rapport d'information fait au nom de la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire sur le nouvel espace rural français.