Droits et devoirs des demandeurs d'emploi (Urgence)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi.
Discussion générale
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. - (Applaudissements à droite et au centre) Ce texte participe de l'engagement présidentiel pour le plein emploi, objectif central de l'action gouvernementale, premier combat pour le pouvoir d'achat, tant il est vrai qu'un emploi retrouvé, c'est un revenu supplémentaire dans le foyer, pour la famille. Nous voulons rétablir la relation dynamique au travail, nos résultats sont déjà bons : le taux de chômage s'établit à 7,2 %, au plus bas depuis vingt-cinq ans, le taux d'emploi atteint 65 % et l'année 2007 a été historique pour la création nette d'emplois. Ces bonnes nouvelles, cependant, ne suffisent pas et nous devons redoubler d'efforts pour atteindre le plein emploi en 2012. Plusieurs dispositions importantes ont été prises avec la loi relative au travail, à l'emploi et au pouvoir d'achat (Tepa), d'autres le seront prochainement avec la loi de modernisation de l'économie (LME).
Un deuxième levier réside dans le fonctionnement même du service public de l'emploi : il est bon que des emplois soient créés, mais il faut aussi les pourvoir et accompagner les demandeurs d'emplois dans leur recherche d'emploi. Car, si notre pays compte 1,9 million de chômeurs, nous enregistrons également des centaines de milliers d'emplois -approximativement 500 000- qui ne sont pas pourvus. Un service public de l'emploi efficace, qui prenne en compte la situation individuelle de chaque chômeur, peut faire la différence. Nous devons mieux adapter notre service public de l'emploi au marché du travail, faire du sur mesure pour accompagner chaque chômeur individuellement, en fonction de son parcours personnel : en un mot, moderniser notre service public de l'emploi.
Plusieurs chantiers importants ont été ouverts. L'accord interprofessionnel du 11 janvier 2008 améliore la sécurisation des parcours professionnels. La loi du 13 février 2008, que Mme Procaccia a brillamment rapportée, a lancé la fusion de l'ANPE et des Assedic. Avec Mme Lagarde, nous voulons aller plus loin pour améliorer le service rendu aux usagers du service public de l'emploi. Nous avons mis en place l'accompagnement personnalisé des séniors : à partir de 55 ans, chaque demandeur d'emploi bénéficie d'un suivi personnalisé par un conseiller, car nous savons combien il est plus difficile de retrouver un emploi après cet âge. Enfin, la réforme de la formation professionnelle est en marche, les négociations sont en cours.
Ces actions ont pour point commun de redéfinir la colonne vertébrale du service public de l'emploi, montée dans les années 1960 pour faire face au chômage de masse et qui a été maintenue depuis lors, avec ses défauts, en particulier son incapacité à pouvoir faire du sur mesure tel que l'exige le marché du travail aujourd'hui. Ce texte vise à dessiner les contours d'un service public de l'emploi moderne, où les droits et les devoirs des demandeurs d'emplois soient clairement définis. Tous les pays européens ont emprunté ce chemin, nous ne l'avons pas fait plus tôt par manque de courage politique : le temps est venu d'y engager notre pays et nous le faisons, en reprenant nombre d'idées formulées par les partenaires sociaux.
L'équilibre des droits et des devoirs des demandeurs d'emploi, ne doit pas être un tabou. Les demandeurs d'emploi ont droit à un service public de l'emploi efficace, qui les accompagne individuellement dans la recherche d'emploi, en mobilisant les fonds nécessaires à cet accompagnement personnalisé. Mais le demandeur d'emploi a aussi des devoirs, c'est tout l'objet de ce texte.
Ce sujet a été trop longtemps délaissé, tout comme la fusion de l'ANPE et des Assedic. Les partenaires sociaux, saisis en juin dernier par le Premier ministre, ne sont pas parvenus à trouver un accord, après avoir déjà échoué lors des négociations sur de précédentes conventions d'assurance chômage depuis 2000. Il apparaît qu'on ne peut demander aux partenaires sociaux de définir les devoirs des demandeurs d'emploi. Aussi le Gouvernement prend-il ses responsabilités, en définissant l'équilibre des droits et devoirs des demandeurs d'emplois, ainsi que la notion d'offre raisonnable d'emploi. Après une concertation approfondie avec les partenaires sociaux, nous sommes parvenus à un projet équilibré, qui prend en compte les réalités du marché du travail.
Nos concitoyens ont compris l'enjeu et plus de 60 % sont favorables à l'idée de définir plus clairement l'offre d'emploi raisonnable.
La réforme se fonde sur trois principes généraux. D'abord l'approche personnalisée : la procédure est aujourd'hui purement administrative, calcul des droits à l'indemnisation aux Assedic, puis entretien plus ou moins formel à l'ANPE. A aucun moment, dans les premiers entretiens, alors que chaque jour compte, on ne définit les engagements du service public, ni le champ dans lequel le demandeur d'emploi inscrit sa recherche. L'approche personnalisée est indispensable, car la situation d'un cadre célibataire de 30 ans en région parisienne n'a rien à voir avec celle d'une mère de famille de 50 ans qui élève des enfants et vit dans sa maison à la campagne. Il importe de prendre le temps pour définir le cadre de la recherche, en fonction des qualifications, de l'âge, de la situation familiale et géographique, et de préciser ce que sera pour l'intéressé une offre raisonnable d'emploi.
Ensuite, un bon équilibre entre les droits et les devoirs ; l'engagement est réciproque, il ne pèse pas uniquement sur le demandeur. Ce dernier est en droit d'attendre plus d'efficacité et de disponibilité. Dire cela n'est pas caricaturer les agents, qui ont accompli un énorme travail pour améliorer les choses. Mais la structure administrative et son mode de fonctionnement étaient source d'inertie. La fusion Assedic-Unedic a rendu possible la présente réforme. Et le service public de l'emploi rendra désormais des comptes, y compris devant la commission des affaires sociales si vous le souhaitez, afin que vous puissiez apprécier l'évolution année après année. Les agents s'engagent sur la formation, la fréquence des entretiens, le champ géographique... Le demandeur, quant à lui, doit accepter une offre d'emploi raisonnable. Tout cela est finalisé dans le projet professionnel qui responsabilise les deux parties. On passe d'une logique administrative à une logique personnalisée.
Enfin, l'offre d'emploi raisonnable ne doit plus être arbitraire. Aujourd'hui, elle ne répond à aucun critère objectif -contrairement aux autres motifs de radiation, bien définis. Elle donne lieu à interprétations variables. Il faut prendre la peine de préciser des critères objectifs.
Vous n'aimez pas la loi bavarde, nous non plus ! Le texte se veut clair et simple : une traduction efficace des principes que je viens d'énoncer. L'article premier est consacré au projet professionnel. Le demandeur indique ce qu'il considère comme une offre d'emploi raisonnable, qu'il s'engage à accepter. Il s'engage aussi à ne pas refuser plus de deux offres raisonnables, sachant que les critères évoluent dans le temps. En effet, chaque jour qui passe est un mauvais jour, qui rend plus difficile le retour à l'emploi : il faut absolument se fixer d'aboutir avant un an car après, le demandeur bascule dans le chômage de longue durée.
M. Jean-Claude Carle. - Oui.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Il faut instiller du dynamisme dans la recherche d'emploi. Les trois premiers mois, l'offre raisonnable est celle qui correspond au projet personnalisé. Ensuite, c'est celle qui correspond aux compétences de la personne et garantit 95 % du salaire antérieur, car le compteur tourne et ce ne serait pas un service à rendre à l'intéressé que de le laisser s'endormir dans sa recherche. (M. Jean Desessard s'indigne) Après le choc du licenciement, on ne se remobilise pas tout de suite...
M. Guy Fischer. - Et les entreprises ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - J'y viendrai. Après six mois, les critères deviennent 85 % du salaire antérieur et trente kilomètres ou une heure de transports en commun depuis le domicile. Nous n'avons pas souhaité prévoir une plus grande distance, au contraire de ce qu'ont fait des pays considérés comme des modèles sociaux -je pense à la Suède- car nous avons pris en compte le prix élevé du carburant. Notez que ce temps et cette distance sont la réalité quotidienne de 70 % des actifs en France.
Après un an, l'offre raisonnable d'emploi est celle qui assure une rémunération supérieure ou égale à l'indemnisation : c'est le bon sens, il faut une sortie par le haut.
Vous m'interrogerez sur les obligations des entreprises. Nous entendons veiller à ce que les offres soient effectives et correspondent aux données du bassin d'emploi. Les entreprises seront tenues de répondre aux candidatures, le silence est décourageant. Et, pour éviter tout dumping social, les salaires proposés devront correspondre à ceux pratiqués localement.
Temps partiel, intérim, CDD ou CDI : aucune obligation n'est prévue dans la loi, car tout dépend de la situation personnelle du demandeur d'emploi. C'est tout le sens de la personnalisation du projet.
L'article 2 traite des conséquences de deux refus : la suspension provisoire des allocations, la radiation durant deux mois. Nous l'assumons. Certes, les demandeurs d'emploi sont d'abord des victimes qui vivent une situation difficile. Mais il y a aussi une toute petite minorité qui profite du système ; et ce n'est pas parce que c'est une toute petite minorité qu'il ne faut rien faire.
M. Jean Desessard. - Cela vaut pour les patrons !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Et ceux qui font tout pour retrouver sont découragés de voir que d'autres refusent ce qu'ils voudraient bien obtenir. Tous les pays européens se sont engagés sur cette voie, amélioration du service public et de l'accompagnement, équilibre des droits et devoirs de chacun.
Je remercie les sénateurs de tous les bancs qui ont beaucoup travaillé, au premier rang desquels M. Leclerc, dont la grande expertise a fourni améliorations nombreuses et éclaircissements précieux. Les échanges en commission ont été constructifs et ne nous ont pas enfermés les uns et les autres dans les caricatures.
Au-delà, j'attire votre attention sur ce que doit être l'évolution de nos politiques sociales au regard des défis du XXIe siècle. Nous avons trop souvent laissé se développer des politiques en apparence très généreuses, mais qui ne prenaient pas en compte les réalités individuelles : administratives et anonymes à l'excès, régies par une logique d'indemnisation plutôt que d'accompagnement, elles restaient le plus souvent inefficaces. Nous devons repenser cette approche. Si nous voulons que nos politiques sociales restent généreuses et acceptables pour l'ensemble des citoyens, nous devons nous employer à mieux clarifier les droits et les devoirs des demandeurs d'emploi et faire du sur mesure en les adaptant au parcours de chacun. A nous de les faire évoluer : ce projet y participe. (Applaudissements à droite et au centre)