Modernisation des institutions de la Ve République (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République. Nous en étions parvenus à l'article 13 bis

Discussion des articles (Suite)

Article 13 bis

Le deuxième alinéa de l'article 38 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. »

L'amendement n°86 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°195, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 38 de la Constitution est abrogé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Dommage que l'amendement précédent n'ait pas été défendu car il posait la question pertinente du devenir des ordonnances non ratifiées mais cependant appliquées !

De 2002 à 2006, il y a eu plus de lois d'habilitation qu'entre 1984 et 2003. Rares sont maintenant les textes d'importance sur lesquels le Parlement n'habilite pas le Gouvernement à légiférer par ordonnances et l'article 38 est symptomatique de la volonté de donner à l'exécutif les moyens de neutraliser le législatif. C'est la constitutionnalisation des décrets-lois ! Du fait de ces dérives, le Parlement est maintenant quasi privé de son droit de légiférer et les domaines juridiques concernés sont divers, tout comme le sont les origines des demandes d'habilitation, lesquelles peuvent émaner d'un amendement gouvernemental mais aussi d'un amendement parlementaire, alors même que l'article 38 n'autorise cette initiative qu'au seul Gouvernement. Enfin, le juge constitutionnel oblige le Gouvernement à définir les finalités de l'habilitation au nombre des justifications de cette procédure et à la justifier, mais il n'est pas très exigeant puisqu'il compte l'urgence, urgence qui peut résulter de la nécessité de surmonter l'encombrement de l'ordre du jour parlementaire.

M. le président.  - Amendement n°70 rectifié, présenté par MM. Portelli, Gélard, Lecerf, Mme Henneron, MM. Béteille et de Richemont.

I. - Au début de cet article, ajouter deux paragraphes ainsi rédigés :

... - Dans le premier alinéa de l'article 38 de la Constitution, les mots : « pendant un délai limité » sont remplacés par les mots : « pendant un délai d'habilitation qui ne peut être supérieur à six mois ». 

... - A la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 38 de la Constitution, les mots : « avant la date fixée par la loi d'habilitation » sont remplacés par les mots : « avant l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article ».

II. - Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Le projet de loi de ratification est inscrit par priorité à l'ordre du jour des assemblées.

M. Jean-René Lecerf.  - Nous encadrons le recours du Gouvernement aux ordonnances, en vue de prévenir les abus de l'intervention de ce dernier dans le domaine de la loi : l'action du Gouvernement serait enfermée dans un délai maximum de six mois entre la loi d'habilitation et la loi de ratification. Toutefois, cette sévérité serait atténuée par la priorité d'inscription à l'ordre du jour dont bénéficieraient les projets de loi de ratification.

M. le président.  - Amendement n°462 rectifié, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant le premier alinéa de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le premier alinéa de l'article 38 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Une telle autorisation est exclue dès lors que les mesures envisagées sont relatives aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».

M. Bernard Frimat.  - L'apport des députés est un progrès, mais insuffisant. Ce qui caractérise notre actuel travail parlementaire, c'est le dessaisissement et l'urgence. Dessaisissement parce que le champ des ordonnances s'élargit de plus en plus tandis que l'encombrement législatif et la mauvaise organisation de l'ordre du jour aggravent nos conditions de travail.

Si l'on veut revaloriser le Parlement, le recours à l'article 38 doit redevenir exceptionnel. Il faut limiter le champ d'intervention des ordonnances en excluant le recours à cette facilité lorsqu'elles concernent la protection des droits et libertés des citoyens. L'article 34 est suffisamment clair et cet amendement renforcerait notre droit positif.

M. le président.  - Amendement n°196, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le premier alinéa de l'article 38 de la Constitution, est complété par les mots : « qui ne concernent pas les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Amendement de repli, qui va dans le sens ce celui de M. Frimat. L'année 2003 a marqué un tournant dans l'utilisation de l'article 38 de la Constitution : le champ des habilitations est désormais très vaste et les domaines juridiques concernés sont très divers. Ainsi, la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ne contient pas moins de 32 articles habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans les domaines les plus divers. La nouvelle loi de simplification du droit de décembre 2004 l'autorise à le faire dans des domaines aussi divers que les relations des usagers avec les administrations, le droit des sociétés, la santé et la protection sociale, la filiation, l'urbanisme et la construction, la concurrence, l'agriculture ou encore l'environnement. Le nombre d'articles d'habilitation figurant dans ce dernier texte s'élève à soixante.

Ce champ d'application étendu de l'article 38 est renforcé au profit du pouvoir exécutif par des pratiques douteuses sur la prorogation des délais d'habilitation et donc de dessaisissement du Parlement. Ainsi, la prorogation du délai initial d'habilitation peut se faire par une modification de l'article d'habilitation initiale.

Face à ces dérives, nous proposons, par cet amendement de repli, que l'article 38 de la Constitution ne puisse s'appliquer aux libertés publiques.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par MM. Virapoullé et Lecerf.

Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

I. - Dans la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 38 de la Constitution, après les mots : « dès leur publication », sont insérés les mots : « avec valeur de loi ».

M. Jean-René Lecerf.  - Cet amendement simplifie le régime juridique des ordonnances de l'article 38. Dès lors que le Parlement délègue au Gouvernement la compétence de faire la loi, les actes pris par ce dernier doivent avoir valeur de loi. Cela assurerait la cohérence du contrôle de constitutionnalité réformé par ce projet de loi constitutionnelle en confiant le contrôle de tous les actes à valeur de loi au Conseil constitutionnel. L'Assemblée nationale a déjà confié au Conseil constitutionnel le contrôle par voie d'exception des lois antérieures à 1958 relevant auparavant du Conseil d'État par la voie du contrôle de caducité.

Dès lors qu'il existe un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception, rien ne justifie plus de donner provisoirement aux ordonnances le caractère d'actes administratifs pour permettre le contrôle du Conseil d'État pendant la période de temps, très variable, qui précède la ratification. Cette unification du contrôle de constitutionnalité serait, selon M. Virapoullé, source de sécurité juridique.

M. le président.  - Amendement n°197, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article 38 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les actes de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative et ayant fait l'objet d'un vote d'une résolution prévue à l'article 88-4 ne peuvent être transposés en droit interne par voie d'ordonnance. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - S'agissant des actes de l'Union européenne, le recours aux ordonnances a principalement pour but de transposer en droit interne des directives européennes. Le Gouvernement justifie le recours aux ordonnances en la matière en faisant valoir que cela permet à la France de respecter les délais de transposition.

En réalité, on le constate avec les textes européens d'ordre réglementaire, le retard est dû à l'administration, non au Parlement ! Le Conseil d'État, dans une étude de 2007 relative à l'insertion des textes communautaires en droit français, a suggéré trois voies d'amélioration : anticiper, adapter, simplifier. Anticiper avec une participation en amont à l'élaboration de la norme européenne, adapter grâce au concours du Parlement, simplifier notamment les nombreux régimes consultatifs. La représentation nationale doit être mieux associée au processus de transposition et l'amendement prévoit qu'en cas de vote d'une résolution, le Parlement ne peut plus être dessaisi lors de la transposition.

M. le président.  - Amendement n°414, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article 38 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La saisine de la juridiction administrative d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'ordonnance suspend le délai de ratification et fait obstacle à celle-ci jusqu'à l'adoption d'une décision définitive. En cas de rejet, le délai recommence, pour la partie non écoulée, à compter du prononcé de la décision. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est exposé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois.  - La constance de Mme Borvo n'a d'égale que la mienne... Défavorable à l'amendement n°195. L'unification des délais introduit une rigidité ; quant à la faculté d'inscription par priorité, elle contredit notre réécriture de l'article 48 de la Constitution -nous y reviendrons à l'article 22. Retrait du n°70 rectifié, donc. Sur le n°462 rectifié, le contrôle du champ de l'habilitation appartient au Parlement et dans la pratique, les libertés publiques ne font pas l'objet d'une délégation des pouvoirs législatifs à l'exécutif : quel est l'avis du Gouvernement ?

La commission comprend le souci de sécurité juridique qui anime les auteurs du n°61, mais le juge constitutionnel deviendrait alors le juge d'actes de l'exécutif ; et le champ du contrôle se réduirait, le Conseil constitutionnel jugeant seulement de la conformité à la Constitution, non aux lois. Même problème avec le n°196. Qu'en pense le Gouvernement ? Défavorable au n°197 : le passage par le Parlement est bien sûr préférable mais, précisément, nous avons prévu des procédures simplifiées. Et pourquoi limiter le dispositif aux textes qui ont fait l'objet d'une résolution ? J'ajoute que le recours aux ordonnances peut être utile pour combler un retard. Enfin, le Parlement ayant plus de temps pour examiner les textes, il n'y aura plus de problèmes. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Défavorable, ainsi qu'au n°414.

La ratification expresse introduite par l'Assemblée nationale est une heureuse initiative. Elle correspond à l'esprit des institutions de la Ve République. C'est le Conseil constitutionnel qui a, en 1972, rejeté toute ratification implicite -ce qui a fait le bonheur des auteurs de droit public, sinon des étudiants...

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux, ministre de la justice.  - Défavorable au n°195. Il est toujours préférable que le Parlement examine les textes, mais parfois il y a urgence ! A l'occasion de l'examen de la loi d'habilitation, le Parlement apprécie au cas par cas. Les amendements n°s196 et 462 rectifié rigidifient la procédure. Aucune atteinte n'est à redouter, car le Conseil constitutionnel examine toujours en profondeur les lois d'habilitation et le Gouvernement doit indiquer précisément ses orientations. Quant au n°197, voter une résolution ne signifie pas vouloir examiner le texte de transposition. Les délais suggérés par l'amendement n°61 sont trop rigides, notamment lorsqu'il s'agit de codification, car la commission de la codification et le Conseil d'État sont alors consultés. Rien n'empêche le législateur de fixer un délai dans la loi d'habilitation. Retrait ou rejet.

Avant ratification, l'ordonnance a valeur réglementaire et seule l'intervention du Parlement lui confère une portée législative : il serait dangereux d'en décider autrement ! Aujourd'hui, des dispositions contraires à la législation en vigueur sont illégales tant que le Parlement ne les a pas faites siennes. Je souligne aussi que les ordonnances non ratifiées peuvent être contestées devant le juge administratif par toute personne intéressée. Si une ordonnance a immédiatement valeur législative, le Conseil constitutionnel sera saisi par voie d'exception et ensuite, seule une application causant litige pourra susciter un recours devant le juge. Retrait ou rejet du n°197.

Enfin, le n°414 n'est pas une bonne idée. Le législateur a déjà toute latitude pour refuser de ratifier ou pour modifier le texte. Il s'agit d'un processus souvent long et il ne faudrait pas faire obstacle à une ratification en cours. Défavorable.

M. Michel Charasse.  - Il serait irréaliste de supprimer l'article 38 : cela nous ramènerait tout droit à la IVe République et aux décrets-lois ! Or ceux-ci n'ont jamais été encadrés, au contraire de la procédure de l'article 38, d'autant que le Conseil constitutionnel en a renforcé les exigences.

Pour porter atteinte aux principes fondamentaux, il faudrait que la loi d'habilitation autorise à le faire. (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, approuve) Si tel était le cas, elle risquerait d'être annulée par le Conseil constitutionnel. En outre, les ordonnances sont soumises au Conseil d'État.

Les problèmes ne résident pas là mais dans deux difficultés que l'amendement de l'Assemblée nationale n'a pas résolues. Tout d'abord, le Gouvernement est le seul à apprécier l'urgence, qui est le plus souvent seulement justifiée par la volonté de mettre en oeuvre un programme. Ensuite, depuis 1958, une stricte interprétation de l'article 38 fait que dès lors que le projet de loi de ratification a été déposé, rien n'oblige à l'examiner. Ainsi, des dizaines d'ordonnances n'ont jamais été ratifiées (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve), ou par petits morceaux, en catimini.

Je ne comprends pas l'enthousiasme du rapporteur pour cet amendement. Une ratification partielle vaut-elle pour l'ensemble de l'ordonnance ? On ne peut la ratifier partiellement...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ni par petits bouts.

M. Michel Charasse.  - En revanche, on peut continuer à ne pas ratifier du tout certaines ordonnances.

Pour conclure sur une note optimiste, je rappelle que la procédure soulage l'ordre du jour du Parlement, mais aussi certains parlementaires qui ne souhaitent pas voter les lois de ratification sur certains sujets tels l'alcoolisme, en 1960, ou Natura 2000. (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, approuve) Comme l'écrit César à Marius dans Fanny, « Et là où ça sera trop profond, laisse un peu mesurer les autres. » (Sourires)

L'amendement n°195 n'est pas adopté.

M. Jean-René Lecerf.  - Je vais retirer l'amendement n°70 rectifié, mais la situation n'est pas satisfaisante. Le rapporteur et Mme la ministre estiment qu'un délai de six mois pour la période d'habilitation est trop court, mais si l'on ne fixe pas de délai, il y a effectivement peu de chance pour qu'on le respecte. D'autant plus qu'il suffit que le projet de loi de ratification soit déposé pour que les ordonnances conservent ad aeternam leur caractère administratif.

Mme Nicole Bricq.  - Maintenez votre amendement !

M. Jean-René Lecerf.  - Même si l'ordonnance peut être attaquée par le biais du recours pour excès de pouvoir, elle ne pourra l'être par voie d'action que dans les deux mois et, ensuite, seulement par voie d'exception. Cet amendement a certes des défauts, mais je regrette qu'une situation d'insécurité juridique perdure.

L'amendement n°70 rectifié est retiré.

M. Jean-Pierre Bel.  - La loi n'est plus le mode normal de législation : elle est remplacée par l'ordonnance. La moitié des ordonnances prises depuis 1958 l'ont été depuis 2002. La proportion d'ordonnances intervenant dans le domaine de la loi, qui était de 56 % en 2004, s'est élevée à 63 % en 2005.

Le projet de révision de la Constitution ne traite pas ce problème. Le dessaisissement du Parlement s'accroît avec la diversification de l'objet des ordonnances autorisée par les lois de simplification du droit de 2003 et 2004. En outre, la durée de l'habilitation a été étendue à un an et celle-ci demeure valable si le Gouvernement change. Il y a là un dysfonctionnement du système de production de normes, qui crée un profond malaise. Le temps du Parlement n'est plus le temps du Gouvernement. Par ailleurs, s'il y a encombrement chronique de l'ordre du jour, qui en est responsable, sinon le Gouvernement ?

La systématisation du recours aux ordonnances reflète le dérèglement du système. Nous avons exposé au Gouvernement et au comité Balladur notre volonté d'encadrer cette procédure en l'interdisant pour certains domaines, telles les libertés publiques, en limitant la durée de l'habilitation à un an et en fixant dans la loi d'habilitation un délai pour sa ratification. Quant à la transposition des directives européennes, elle pourrait être effectuée par ordonnances sauf quand ces textes concernent les services publics ou les entreprises nationales.

Mme Nicole Bricq.  - Le Gouvernement a tort de s'opposer à notre amendement ainsi qu'à celui de M. Portelli présenté par M. Lecerf. Le groupe socialiste estime que la procédure des ordonnances est parfois nécessaire mais il s'oppose à son emploi abusif. Ainsi, le projet de loi de modernisation de l'économie que nous allons examiner la semaine prochaine prévoit sept habilitations pour légiférer par ordonnances. Ce texte nous est en outre soumis en urgence.

Je regrette que M. Lecerf ait retiré son amendement car les parlementaires peuvent agir à bon escient pour encadrer le recours aux ordonnances. Toutefois, le dialogue qui s'engage avec le Gouvernement dans ce but exclut les parlementaires de l'opposition. Par notre amendement, qui vise à limiter le champ de l'habilitation, nous voulions rappeler au Gouvernement qu'il a abusé de cette procédure, surtout depuis le début de la nouvelle législature, et que cela nuit aux droits de l'opposition.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il faut nuancer les chiffres.

Mme Nicole Bricq.  - Je n'ai donné qu'un exemple !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Parmi ces ordonnances, beaucoup ont été prises pour la codification. Contestez-vous le recours aux ordonnances dans ce domaine ? Dans ce cas, il faut créer des procédures simplifiées.

Ensuite, nous avons accompli en gros effort pour l'application des textes dans les DOM-TOM, pour laquelle nous avons toujours du retard. J'ai été le rapporteur d'un de ces textes, qui ne comptait pas moins de trois cents articles !

Nous avons également rattrapé notre énorme retard dans la transposition des directives européennes.

Mme Nicole Bricq.  - Les gouvernements précédents l'avaient aussi fait, ce n'est pas une question de gauche ou de droite.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Voulez-vous des exemples de textes qui n'avaient pas été transposés ?

Du fait de ce travail, le nombre d'ordonnances a augmenté, de même que celui des ratifications explicites. Si nous ne pouvons utiliser les ordonnances pour la codification, la transposition des directives et l'application des textes à l'outre-mer, il faudra trouver d'autres procédures. Il faudrait ôter des chiffres que vous avez cités ceux qui concernent ces textes.

Je n'approuve pas systématiquement le recours aux ordonnances, et nous l'avons refusé pour certains sujets fondamentaux. Ainsi, pour la prescription en matière civile -vous n'étiez pas encore Garde des sceaux, madame la ministre- et, encore mieux, nous avons rédigé une proposition de loi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Quoi qu'en dise le rapporteur, le service juridique du Sénat nous apprend que le nombre de lois comprenant des mesures d'habilitation déposées entre 2002 et 2006 dépasse celui de celles enregistrées entre 1984 et 2003, période durant laquelle il y a pourtant eu un travail de codification et de textes techniques.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il y en a eu beaucoup moins.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - En fait, la dérive s'accentue. Je suis contre cette procédure mais, en tout état de cause, il faut l'encadrer.

Les textes fondamentaux ne devraient pas être pris par ordonnance.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ils ne le sont pas.

L'amendement n°462 rectifié n'est pas adopté, non plus que le n°196.

L'amendement n°61 est retiré.

L'amendement n°197 n'est pas adopté, non plus que le n°414.

M. Michel Charasse.  - Je voudrais rappeler qu'au printemps 1982, le gouvernement Mauroy a fait adopter un train d'ordonnances dans lesquelles figurait une disposition obligeant les collectivités territoriales à payer les indemnités de chômage des personnes qu'elles licencient. Cette ordonnance n'a jamais été ratifiée.

M. Bernard Frimat.  - C'est bien pourquoi nous approuvons le progrès, si léger soit-il, que représente cet article.

Je dois constater que cette semaine commence comme a fini la précédente : par une manifestation, certes courtoise et souriante, de la fermeture du Gouvernement. La majorité n'étant pas radicalement hostile à notre amendement, le rapporteur s'en était remis à l'avis du Gouvernement, mais celui-ci nous a expliqué très gentiment que notre amendement était inutile et ne servait à rien. Il devrait méditer ce que dit Cyrano avant de mourir : « Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès. Non ! Non, c'est bien plus beau lorsque c'est inutile ». Merci, madame la Garde des sceaux de rendre hommage à notre travail mais cette semaine confirme la volonté de fermeture du Gouvernement, même sur des points mineurs. Nous le signalerons régulièrement, même si M. Karoutchi essaye, en regardant la voûte céleste, d'y trouver l'inspiration. (Sourires)

L'article 13 bis est adopté.

Article 14

L'article 39 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Dans la dernière phrase du dernier alinéa, les mots : « et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France » sont supprimés ;

2° Il est ajouté trois alinéas ainsi rédigés :

« Les projets de loi sont élaborés dans des conditions fixées par une loi organique.

« Ils ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour tant que les Conférences des Présidents constatent conjointement que les règles fixées par la loi organique sont méconnues.

« Dans les conditions prévues par la loi, le président d'une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d'État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l'un des membres de cette assemblée. »

M. le président.  - Amendement n°199, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Avant le 1° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Dans la première phrase du dernier alinéa, après le mot : « avis » est inséré le mot : « public » ;

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les avis du Conseil d'État doivent être rendus publics afin d'éclairer les débats parlementaires.

Lors du débat sénatorial sur la réforme portuaire, le groupe CRC avait demandé, dans un rappel au Règlement, que nous soit communiqué l'avis du Conseil d'État comme engagement en avait été pris devant la commission des affaires économiques. Il ne s'agissait que de précisions rédactionnelles pour lesquelles cet avis d'expert était évidemment précieux. Le ministre s'était engagé à nous le faire parvenir. Plusieurs jours après la fin des débats, nous avons reçu un document de quelques lignes qui n'était ni daté ni signé.

L'adoption de notre amendement éviterait aux ministres d'avoir à se déjuger...

M. le président.  - Amendement identique n°280 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe UC-UDF

Mme Anne-Marie Payet.  - La règle du secret n'est mentionnée ni dans la Constitution, ni dans l'ordonnance du 22 juillet 1945, ni dans le décret du 30 juillet 1963.

Le secret relève davantage de la tradition et peut trouver un fondement juridique dans l'obligation de discrétion et de secret professionnel faite aux fonctionnaires. S'il peut se justifier par le fait que le Gouvernement est le destinataire de ce cet avis, il n'en est pas de même pour le maintien de cette obligation s'agissant des parlementaires. Devant ceux-ci, le Gouvernement se prévaut fréquemment des avis du Conseil d'État sans en donner la teneur ou ne la faisant connaître que partiellement. Enfin, et c'est le plus regrettable, le contenu de l'avis est très souvent reproduit dans la presse.

M. le président.  - Amendement n°466, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant le 1° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Les avis du conseil d'État sur les projets de loi sont rendus publics après leur adoption en conseil des ministres. »

M. Yannick Bodin.  - Il ne s'agit pas de remettre en cause la fonction de conseiller du Gouvernement dévolue au Conseil d'État, ni de porter atteinte au secret des délibérations du Gouvernement, libre de s'écarter de l'avis du Conseil d'État. Il s'agit de donner aux parlementaires les moyens de connaître au mieux les intentions du Gouvernement. Il s'agit aussi, puisque ces avis font systématiquement l'objet de fuites, de mettre fin au caractère aléatoire de leur confidentialité. Notre amendement va dans le sens de ce que préconisait le comité Balladur. Il s'agit de faire en sorte que nous ayons, plutôt que des rumeurs, des informations vraies.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On va vraiment mettre beaucoup de choses dans la Constitution ! Les avis du Conseil d'État, généralement, l'opposition les a avant nous...Le conseil, c'est une chose ; la décision, c'en est une autre, qui relève du Gouvernement. Je ne suis pas sûr que les avis du Conseil d'État doivent être publiés ; je suis sûr qu'une telle disposition n'a pas sa place dans la Constitution.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Pour améliorer la qualité de la législation, il est bon que les propositions de loi puissent aussi, désormais, être soumises au Conseil d'État. Maintenant, vous allez encore dire que je ferme la porte, mais le conseil appartient à celui qui le demande -en l'occurrence, le Gouvernement. Pensez aussi que, si les avis du Conseil d'État devaient être publics, c'est sa liberté d'appréciation qui s'en trouverait bridée.

Il n'est pas souhaitable non plus que l'avis soit public après la présentation du projet de loi en Conseil des ministres. Avis défavorable aux trois amendements.

M. Pierre Fauchon.  - Je crois inutile, voire dangereux, de publier l'avis du Conseil d'État. Le processus législatif est déjà assez complexe pour se passer d'un risque supplémentaire de polémique ! L'avis du Conseil d'État ne regarde que le Gouvernement (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame), cet avis est privé : le Gouvernement en fait ce qu'il veut, car cet avis n'est pas un élément de la procédure législative.

M. Michel Charasse.  - Depuis le début de la IIIe République, l'avis du Conseil d'État est réservé au Gouvernement, tout comme l'avis que nous allons prévoir pour les propositions de loi sera réservé au Parlement : celui qui a demandé l'avis décide de le rendre public ou non, c'est la règle.

Les avis du Conseil d'État ne sont pas toujours ce qu'on croit, je le sais pour les avoir consultés pendant quatorze ans à l'Élysée : ils sont essentiellement juridiques et tiennent souvent, même sur des sujets très importants, sur quelques lignes seulement ; ils peuvent comporter une note d'opportunité, de quelques lignes aussi, généralement des observations de bon sens qui ne vont pas chercher loin mais qui sont parfois désagréables à entendre pour le Gouvernement.

Je comprends le souci d'améliorer le travail parlementaire, mais je ne crois pas que la publication des avis du Conseil d'État y contribue. Car, une fois passées deux ou trois polémiques liées à des avis, ou bien le Conseil d'État s'arrangera pour ne plus rien dire qui gêne le Gouvernement, ou bien le Gouvernement interdira au Conseil d'État tout avis en opportunité, en cantonnant les avis aux seuls aspects juridiques. Quant à rendre les avis contraignants, c'est une autre affaire car ils feraient alors partie des travaux préparatoires de la loi.

En revanche, on pourrait imaginer que le Gouvernement doive dire le sens général de l'avis du Conseil d'État, par exemple si l'avis est favorable, ou défavorable. Mais chacun doit pouvoir s'entourer de l'avis qu'il souhaite, et en disposer. Ou bien, un jour, chacun de nous pourrait devoir rendre public l'avis de son attaché parlementaire...

M. Yannick Bodin.  - Nous regrettons la position du Gouvernement et de la commission, mais nous n'en sommes pas pour autant désespérés puisque les avis, peu ou prou, sont publiés dans la presse elle-même. Il nous paraissait plus sain de prévoir leur publicité dans la Constitution ! Quant à dire qu'une porte encore se ferme, madame le Garde des sceaux, il y a déjà plusieurs jours que nous n'en voyons plus s'ouvrir.

M. Jean-René Lecerf.  - Je voterai pour la publicité des avis du Conseil d'État. Lorsque je suis devenu parlementaire, j'avais la naïveté de croire que ces avis étaient réservés au Gouvernement. Mais j'ai découvert, dans la pratique, qu'ils étaient accessibles à nombre de mes collègues, anciens ministres ou conseillers d'État, et je remercie plus particulièrement l'un d'entre eux, qui a bien voulu me mettre dans le secret lorsque j'en ai eu besoin, notamment comme rapporteur. Avec l'expérience, je sais maintenant à qui m'adresser, dans des organes de presse même, pour lire ces avis. Tout cela n'est pas convenable : il me paraît plus sage que les avis soient publiés ! (Marques d'approbation sur de nombreux bancs)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - M. Lecerf a tout dit ! Le Parlement vote la loi, qu'elle soit d'origine gouvernementale ou parlementaire ; qu'au moins il connaisse la position du Conseil d'État sur les textes qu'il adopte ! Il n'y a pas d'un côté le Gouvernement et de l'autre le Parlement, pour le conseil, mais une seule loi, celle que le Parlement adopte.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il est parfois préférable de ne pas connaître cet avis !

L'amendement n°280 rectifié est retiré.

L'amendement n°199 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°466.

M. le président.  - Amendement n°45 rectifié bis, présenté par M. Cointat, Mmes Garriaud-Maylam, Kammermann et M. Ferrand.

Supprimer le 1° de cet article.

M. Christian Cointat.  - La suppression de toute référence, dans l'article 39 de la Constitution, aux Français de l'étranger, est venue d'un amendement de la gauche à l'Assemblée nationale, qui voulait enlever toute priorité au Sénat dans l'examen des textes : nos collègues députés ne l'ont pas voulu pour les textes relatifs aux collectivités locales, mais ils l'ont accepté pour les Français de l'étranger. Pourtant, il paraît normal que nos collègues députés, qui ont le dernier mot, prennent d'abord l'avis de l'assemblée qui est la plus compétente pour les collectivités locales et pour les Français de l'étranger !

La Ve République prend en compte tous les Français, y compris ceux qui sont établis à l'étranger, et le Sénat, qui représente les collectivités territoriales, représente aussi cette collectivité de fait que forment les Français établis hors de France. La création de députés spécifiques ne change rien à cette situation : les Français établis hors de France constituent toujours une collectivité de fait qui glissera vers une collectivité de droit. Tel est le problème de fond. Nos collègues députés l'ont bien compris, en reconnaissant que Saint-Barthélemy et Saint-Martin doivent avoir des sénateurs spécifiques en tant que collectivités, mais pas de députés spécifiques à part entière, puisque la circonscription actuelle, incluant une partie de la Guadeloupe, pourrait être maintenue.

Nous regrettons que, pour des raisons de susceptibilité, nos collègues députés aient traité différemment les Français de l'étranger, qui forment pourtant une collectivité à part entière, forte de 2,3 millions d'individus et qui serait ainsi la seule à ne pas bénéficier de l'organisation décentralisée de la République, que nous avons constitutionnalisée en 2003. Pour éviter ce traitement différencié, nous rétablissons l'alinéa supprimé par nos collègues députés : ce faisant, nous rétablissons la rédaction.

M. le président.  - Amendement n°463, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le 1° de cet article :

1° La seconde phrase du second alinéa est supprimée.

M. Richard Yung.  - Je partage largement, même si tel n'est pas le cas de tout mon groupe, les positions de M. Cointat sur la spécificité des Français de l'étranger. Cependant, si nous devions suivre le vote de l'Assemblée nationale, je propose d'aller plus loin, en supprimant la totalité de la phrase. La priorité législative accordée au Sénat sur les textes « ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales » obscurcit les règles de la procédure et déséquilibre les institutions. Car la priorité ici accordée ne peut être conçue comme le pendant de celle dont bénéficie l'Assemblée nationale sur les projets de lois de finances et les projets de lois de financement de la sécurité sociale : elle n'a pas la même légitimité et la définition en est insuffisante. Comme sous la IIIe et la IVe Républiques pour les textes financiers, la ligne de partage manque de netteté.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La passion de M. Cointat pour les représentants des Français établis hors de France lui fait honneur, mais ne le conduit-elle pas à échafauder des théories par trop originales sur l'existence de collectivités de fait sans territoire ? Je rappelle qu'il s'il était normal, en 2003, d'introduire une priorité sur les textes concernant les Français de l'étranger, puisque ceux-ci n'étaient représentés qu'au Sénat, dès lors que l'on crée des députés pour les représenter -mais peut-être le regrettez-vous ?...-, cette priorité ne se justifie plus. Telle est la conséquence logique qu'a tirée l'Assemblée nationale. Il est normal, en revanche, de modifier, ainsi que nous l'avons fait à votre initiative, l'article 34 de la Constitution pour réintégrer, dans notre texte fondamental, la mention des instances représentatives des Français établis hors de France, dès lors qu'elle doit disparaître de l'article 39. La commission souhaite donc le retrait de votre amendement, faute de quoi elle y serait défavorable. Défavorable, enfin, à l'amendement n°463. Le Sénat reste représentant des collectivités territoriales : il n'y a pas de raison de revenir sur ce que nous avions voté en 2003.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Nous vous avons suivi, monsieur Cointat, sur la nécessité de maintenir la mention, dans notre Constitution, des instances représentatives des Français établis hors de France, qui contribuent à maintenir le lien entre nos compatriotes vivant à l'étranger et leur pays. Mais nous ne pouvons vous suivre, pour les raisons qu'a exposées le rapporteur, sur cet amendement, dont nous souhaiterions le retrait. Avis défavorable à l'amendement n°463. L'article 24 de notre Constitution dispose bien que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». La priorité qui lui est accordée se justifie pleinement.

M. Christian Cointat.  - Je ne regrette pas que le chef de l'État se soit penché avec attention sur la situation des Français établis hors de France et ait pensé qu'il serait bon de faire épauler les sénateurs qui les représentent par d'autres parlementaires. Ce ne peut être une erreur puisque cela vient du Président de la République. (Rires à gauche) Méfions-nous cependant de ne pas faire du meilleur le pire. J'avais déposé cet amendement pour que reste assurée l'égalité de traitement entre collectivités de droit et collectivités de fait. Mais puisque vous avez fait preuve de votre bonne volonté en me suivant sur la mention, à l'article 34, des instances représentatives des Français établis hors de France, je le retire.

L'amendement n°45 rectifié bis est retiré.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Même si je suis l'avis du Gouvernement, je comprends la position de M. Cointat : c'est un recul pour le Sénat, et l'on est en droit de le regretter. Pourquoi, en 2003, avions-nous institué une double priorité ? Parce que la qualité des travaux législatifs du Sénat permet d'orienter les débats vers plus de tempérance et de modernité. On l'a vu sur les OGM. Sur les textes complexes, le Sénat sait faire prévaloir une vision d'avenir. Je regrette ce recul. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Frimat.  - Je comprends la passion de M. Cointat. Il nous arrive de la partager. Dès lors que les Français de l'étranger sont pleinement citoyens, je ne peux le suivre sur la notion de collectivité de fait. Faudra-t-il un jour créer des conseils généraux, des conseils régionaux des Français établis hors de France ? Cela n'a pas de sens.

Quant à notre amendement, ce n'est pas une mauvaise manière que nous entendons faire à la majorité. Mais la priorité accordée au Sénat est plus relative que réelle. Souvenons-nous, monsieur Raffarin, du projet de loi relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales, qui s'était conclu par un amendement de M. Fréville expliquant que les dotations de l'État entraient dans la notion d'autonomie financière... : il avait été déposé en premier lieu à l'Assemblée nationale. Il était pourtant bien postérieur à la modification de 2003, et le Conseil constitutionnel ne l'a pas, pour autant, invalidé.

Un texte peut être déposé indifféremment dans l'une ou l'autre chambre : c'est la responsabilité du Gouvernement, et je la lui laisse bien volontiers, quelle que soit son orientation politique. Sans revenir sur un débat récurrent, force est de constater que le Sénat assure de moins en moins bien la représentation des collectivités territoriales : la priorité ne se justifie plus.

M. Robert del Picchia.  - Les archives du Sénat sont là pour nous éclairer. Nous avions autrefois des sénateurs représentant les anciennes colonies. Quand le constituant a réécrit l'article 24, il a fait table rase du passé en disposant que le Sénat représente les collectivités territoriales. Quelqu'un s'est alors inquiété des Français de l'étranger et le Garde des sceaux de l'époque a proposé d'ajouter des sénateurs représentant les Français de l'étranger. Non pas que l'intention fût d'écarter l'Assemblée nationale, mais se posait alors la question du suffrage universel.

Voilà pourquoi, maintenant que les Français de l'étranger peuvent voter au suffrage universel dans des centres, il est possible qu'ils aient des députés. Quant au Gouvernement, je pense qu'en raison de la qualité du travail du Sénat, que vient de souligner M. Raffarin, il continuera à déposer devant le Sénat les textes les concernant, en tout cas je le souhaite.

M. Bernard Frimat.  - On appelle cela une autocritique...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je soutiendrai l'amendement socialiste car le Sénat représente de moins en moins bien les collectivités territoriales. Je vous invite d'ailleurs à ne pas pousser le paradoxe trop loin : d'un côté, les Français de l'étranger n'existent que par leur nombre, de l'autre la représentation des collectivités est indépendante de leur population, ce qui est complètement contradictoire.

M. Richard Yung.  - Nous sentons bien que nous nous heurtons à un grand scepticisme, voire à une hostilité, mais la tendance est bien à une évolution vers une collectivité des Français de l'étranger et l'on peut imaginer qu'un jour, même si nous n'avons pas de territoire, l'Assemblée des Français de l'étranger dispose de pouvoirs similaires à ceux d'un conseil général. (M. Christian Cointat applaudit)

L'amendement n°463 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme Nathalie Goulet, MM. Fortassin et Alfonsi.

Supprimer les deuxième et troisième alinéas du 2° de cet article.

M. Michel Charasse.  - Je ne comprends pas ce que ces alinéas veulent dire. Une loi organique organiserait le travail gouvernemental dont le Premier ministre est aujourd'hui le maître : il en décide comme il lui plaît et convoque les comités interministériels. Va-t-on publier les notes interministérielles ou les avis du Conseil d'État ? Cela ne peut que ralentir et compliquer le fonctionnement des ministères et de Matignon. Le système prévu est bien complexe. Quand la Conférence des Présidents constatera-t-elle que la procédure n'a pas été respectée, en première lecture ou à tout moment ; lui faudra-t-il solliciter la Conférence des Présidents de l'autre assemblée et croyez-vous que la France, confrontée à des difficultés graves et urgentes, a le temps de s'amuser ainsi ?

M. le président.  - Amendement identique n°464, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Bernard Frimat.  - Voilà qu'on invente une loi pour régler l'élaboration des projets de loi par le Gouvernement et que, quand elle n'aura pas été respectée, les projets ne pourront être inscrits à l'ordre du jour. Voilà qui, pour reprendre ce qu'on nous rétorque depuis le début du débat, n'a pas à figurer dans la Constitution. Je sais bien que l'initiative vient de M. Copé, qu'elle est donc inestimable dans la perspective de la majorité des trois cinquièmes. J'ajoute aussi que je n'ai rien contre les études d'impact, mais que se serait-il passé si le Gouvernement avait présenté une étude scientifique avec le récent projet sur les OGM ? On aurait voulu en avoir une autre et souhaité que le Parlement dispose d'une capacité d'expertise autonome.

Ne peut-on échapper au délire législatif que pour tomber dans le délire constitutionnel ? Malgré son intelligence, la rédaction de la commission des lois ne règle rien sur le fond. Nous ne refusons pas les études d'impact, mais nous ne souhaitons pas donner des guides au Gouvernement...

M. Michel Charasse.  - Très bien !

M. Bernard Frimat.  - Il arrive un moment où l'on doit fermer les usines à gaz.

M. le président.  - Amendement n°112, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Rédiger comme suit les deuxième et troisième alinéas du 2° de cet article :

« La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique.

« Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour si la Conférence des Présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. 

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'article reprenant exactement une proposition du comité Balladur, c'est parmi ses membres qu'il convient d'en rechercher l'auteur. Vous semblez sceptique sur l'article, mais la commission des lois considère qu'il faut préciser que les règles de la loi organique ne concernent que le Gouvernement. Aussi convient-il de viser les modalités de présentation.

Ainsi que le recommandait le comité Balladur, les projets seront accompagnés d'une analyse des effets que l'on en attend, ce qui est plus large qu'une étude d'impact. La loi organique détaillera le type d'informations que le Gouvernement sera tenu de fournir, chaque assemblée les appréciant ensuite, les validant ou les complétant.

Il n'est pas nécessaire que les Conférences des Présidents des deux assemblées se concertent : celle de l'assemblée saisie appréciera.

M. Michel Charasse.  - C'est votre amendement, pas le texte.

M. Charles Pasqua.  - Il apporte une précision importante.

M. le président.  - Amendement n°320, présenté par M. Marini.

Compléter le deuxième alinéa du 2° de cet article par les mots :

d'initiative parlementaire

M. Philippe Marini.  - En lisant l'article, certes plus rapidement que le rapporteur, je me suis interrogé : ne risque-t-il pas de se retourner contre le Parlement ? J'ai compris qu'il s'agit de prescrire au Gouvernement des modalités de préparation des textes, mais l'article 14 soumet de facto une large part de la procédure législative au Conseil d'État : en amont, parce que le projet de loi organique lui sera soumis ; en aval, parce que la jurisprudence du Conseil constitutionnel tend à s'aligner sur celle du Conseil d'État.

Or, le Conseil d'État n'est guère enclin à étendre la marge de manoeuvre du législateur. L'imprécision de l'alinéa comporte donc une menace pour le Parlement.

La loi organique relative aux lois de finances, d'origine parlementaire et adoptée à l'issue de débats entre deux Chambres d'orientations politiques opposées, a permis d'établir des règles du jeu qui font aujourd'hui l'unanimité.

La rédaction proposée par la commission des lois devrait lever mes inquiétudes, mais je souhaitais que son analyse éclaire notre discussion.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous voulons préciser la portée des deux alinéas. Ainsi, les documents complémentaires concernent exclusivement la présentation des projets de loi par le Gouvernement, non leur élaboration. On peut penser à une étude d'impact, mais aussi à une disposition interprétative accompagnant un projet de loi de ratification. Votre commission estime que les adjonctions de l'Assemblée nationale sont inutiles. Les objections formulées par M. Charasse sont largement satisfaites par la commission.

Rien ne s'oppose à ce que la loi organique dont il s'agit soit d'origine parlementaire, mais on ne peut guère l'imposer dans la Constitution. Au demeurant, les dispositions organiques ne pourront entrer en vigueur qu'après notre vote, si bien que nous déterminerons ce qui devra accompagner la présentation de tout projet de loi.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - L'amendement présenté par la commission cible mieux l'objectif poursuivi, qui s'applique exclusivement à la présentation des textes. Le Gouvernement accepte donc cette rédaction, qui pourrait cependant être améliorée afin de lever le blocage induit par un désaccord entre le Gouvernement et la Conférence des Présidents saisie.

M. Charasse propose de supprimer tout encadrement supplémentaire. J'y suis défavorable, car l'expérience montre que seule une loi organique peut contribuer à une meilleure législation. J'observe que la concertation pourra se poursuivre comme il est actuellement de tradition.

Le Gouvernement souhaite que cette loi organique soit élaborée en étroite concertation avec le Parlement, mais pas inscrire dans la Constitution qu'elle sera forcément d'initiative parlementaire.

Avis favorable à l'amendement n°112, qui clarifie l'intention du Constituant, et défavorable aux autres amendements.

M. Michel Charasse.  - En principe, chaque texte doit déjà faire l'objet au moins d'une étude d'impact diligentée par le ministre du budget, ce qui ne lui évite pas de se faire rétamer dans tous les arbitrages à Matignon, surtout lorsque l'étude débouche sur une conclusion abominable. Au fond, l'étude d'impact est un texte acariâtre écrit par un grincheux qui a systématiquement tort, pour doucher les enthousiasmes dispendieux.

Les études d'impact seront-elles expurgées ?

M. Charles Pasqua.  - Oui ! Il faut le préciser.

M. Michel Charasse.  - Je pense que oui, ce qui limitera leur intérêt.

Avant de retirer mon amendement, je voudrais savoir qui arbitrera un désaccord entre le Gouvernement et la Conférence des Présidents saisie. Que fera-t-on dans ce cas ? On passera outre ? On changera d'assemblée ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Oui.

M. Michel Charasse.  - On ne va quand même pas bloquer la vie gouvernementale en raison d'une chicaya sur une disposition en tête d'épingle de la loi organique !

D'autre part, cette loi organique s'appliquera nécessairement à la Conférence des Présidents du Sénat. Peut-on dès lors estimer qu'elle sera relative au Sénat au sens de l'article 46, alinéa 4, de la Constitution, ce qui suppose l'accord de notre assemblée ?

L'amendement n°21 rectifié bis est retiré.

M. Bernard Frimat.  - L'amendement proposé par la commission lève certaines ambiguïtés du texte, mais le carcan inutile demeure.

Plutôt que de multiplier les documents d'accompagnement, il vaudrait mieux concentrer le travail législatif sur l'essentiel, en supprimant les lois qui nous encombrent alors qu'elles sont exclusivement destinées à gérer l'opinion publique.

Un gouvernement peut préparer et présenter des textes législatifs dans des conditions satisfaisantes.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je répondrai d'abord à la seconde question posée par M. Charasse : et c'est oui !

M. Philippe Marini.  - Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Quant à la première question, j'estime qu'une commission devrait pouvoir déclarer qu'elle n'est pas en mesure de rapporter un projet de loi.

Au demeurant, l'étude d'impact n'est pas exclusivement financière : elle peut aussi comporter un bilan de la législation. A ce propos, j'estime que nous devrions développer l'évaluation des lois.

M. Michel Charasse.  - Il faut quand même un arbitre !

L'amendement n°464 n'est pas adopté.

L'amendement n°112 est adopté.

L'amendement n°320 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf.

Supprimer le dernier alinéa du 2° de cet article.

M. Jean-René Lecerf.  - Le Conseil d'État est d'abord le conseiller du Gouvernement ; il n'a pas vocation à être celui du Parlement. De surcroît, il risquerait de devenir progressivement une nouvelle chambre dont les avis seraient incontournables. Autant nous sommes partisans du bicamérisme, autant nous serions opposés à un multicamérisme. Il faut laisser le Parlement libre de choisir ses experts en fonction des textes qui lui sont soumis ; le Conseil d'État ne doit avoir aucun monopole, ni aucune priorité en la matière.

M. le président.  - Amendement identique n°465, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Bernard Frimat.  - Jean-René Lecerf l'a excellemment défendu. Le Conseil d'État est le conseiller du Gouvernement. Qu'il le reste ! On nous a même dit qu'il devait le conseiller suffisamment discrètement pour que le Parlement n'en soit pas averti. Et maintenant, on nous propose qu'il conseille le Parlement ! Aucune explication n'a été fournie sur les modalités de cette saisine. Qui nous garantit que ce ne sera pas une nouvelle façon de ralentir la procédure ? Le Conseil d'État -grand est son talent- a déjà suffisamment tendance à fonctionner comme une chambre. Si nous voulons des conseils, prenons-les auprès de qui nous voulons !

M. le président.  - Amendement n°198 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

I. - Dans le dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :

peut soumettre

par les mots :

soumet

II. - Compléter le même alinéa par les mots :

appartenant à un groupe parlementaire soutenant le Gouvernement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je veux expliquer la raison de cet amendement que je vais retirer. Ces dernières années, on a vu de nombreuses propositions de loi téléguidées, que le Gouvernement faisait présenter par des membres de sa majorité pour leur éviter le passage en Conseil d'État : la proposition de loi Clément, par exemple, sur la récidive, en 2005, la proposition Ollier remettant en cause les 35 heures, en 2005, la proposition de loi Arthuis sur la Banque de France, en 2006, la proposition Mercier sur le contrôle comptable du RMI, en 2008. Ce ne sont que les derniers exemples : à chaque fois, le Gouvernement s'est abrité derrière sa majorité. Mais cela me gêne aussi qu'on puisse décider quelles propositions de loi pourront passer, ou non, devant le Conseil d'État.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Pour une fois, vous avez raison !

L'amendement n°198 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°281 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe UC-UDF.

Compléter le dernier alinéa du 2° de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Ces avis sont publics.

Mme Anne-Marie Payet.  - Amendement de coordination qui rend public les avis du Conseil d'État lorsqu'il est saisi d'une proposition de loi.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'expertise du Conseil d'État est hors de pair. Cependant, j'ai apprécié la remarque de Mme Borvo Cohen-Seat : il est arrivé - rarement- (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'indigne) que des propositions de loi soient inspirées. Mais, par exemple, celle de Pascal Clément était bien d'origine parlementaire.

La commission estime possible de consulter le Conseil d'État lorsqu'une proposition de loi pose problème. Cela avait d'ailleurs été proposé en juillet 2002 par le groupe de travail sénatorial présidé par M. Hoeffel. C'est une bonne idée. Avis défavorable aux amendements de suppression.

Madame Payet, il est inutile d'inscrire la publicité des avis dans la Constitution, elle va de soi. Retrait.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Cette possibilité d'examen par le Conseil d'État donnera au Parlement une expertise complémentaire qui ne pourra qu'améliorer encore la qualité de son travail législatif. On ne doit pas y voir une marque de défiance à l'égard du Parlement puisqu'il ne s'agira que d'une simple possibilité. Avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Gérard Longuet.  - Une fois n'est pas coutume, je ne suis pas d'accord avec la Garde des sceaux sur l'amendement 87 : cette initiative, généreuse, créerait trois catégories de propositions de loi. Celles de première classe, qui auront recueilli un avis favorable du Conseil d'État, celles de deuxième classe pour lesquelles l'avis aura été défavorable...

M. Michel Charasse.  - La carte famille nombreuse !

M. Gérard Longuet. - ....et les propositions de troisième classe qui n'auraient même pas été soumises au Conseil. Je crains que celui-ci soit horriblement gêné de se mêler ainsi de nos travaux. Ne le mettons pas dans l'embarras !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Je suis tout à fait opposé, alors qu'on donne au Parlement de nouveaux pouvoirs, à ce qu'il ait le même conseiller que le Gouvernement. C'est contraire à l'esprit de cette réforme et cela rendrait notre démarche législative ambigüe. Madame la Garde des sceaux, la qualité législative du Sénat ne fait pas du passage par le Conseil d'État une voie déterminante.

M. Bernard Frimat.  - J'ai entendu M. Longuet annoncer qu'il voterait l'amendement 87. Dans un esprit d'ouverture, je retire le mien et me rallie à celui de M. Lecerf. (Rires)

L'amendement n°465 est retiré.

L'amendement n°87 est adopté.

L'amendement n°281 rectifié devient sans objet.

L'article 14, modifié, est adopté.

M. le président.  - Les articles additionnels après l'article 14 ont été examinés par priorité le 19 juin au soir.

Article 15

Dans le premier alinéa de l'articl  41 de la Constitution, après les mots : « le Gouvernement », sont insérés les mots : « ou le président de l'assemblée saisie ».

M. le président.  - Amendement n°113, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Supprimer cet article.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cette prérogative doit être réservée au Gouvernement. Je n'ai jamais vu le Gouvernement appliquer cette disposition, qui comporte au demeurant une consultation compliquée.

M. le président.  - Amendement identique n°468, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Bernard Frimat.  - Nous sommes déjà là dans les prémices du débat sur le droit d'amendement. Il existe un article 40 que nous avons failli -à quinze voix près et si les absents n'étaient pas venus au secours des présents- supprimer. Cet article 40 est une disqualification financière aux mains du Gouvernement.

Or, on s'apprête à en inventer une autre -qui existe aujourd'hui, mais uniquement dans les mains du Gouvernement. Cette irrecevabilité pour empiètement sur le domaine du règlement, le Gouvernement serait bien inspiré de se l'appliquer à lui-même au lieu d'encombrer les textes législatifs de dispositions qui n'ont rien à y faire.

Le même pouvoir est ici donné aux présidents des deux assemblées -qui le délégueront sans doute aux présidents des commissions. Nous sommes hostiles à tout enfermement du droit d'amendement. Il se trouve que nous sommes en accord avec le rapporteur : nous assumons le voisinage avec la commission des lois sur ce point précis !

M. le président.  - Amendement n°201, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 41 de la Constitution est abrogé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je suis plus radicale et je pense que l'article 41, couplé avec les articles 40, 44-3, 49-3 et la prééminence de l'exécutif, remet en cause le droit d'amendement, socle de la démocratie parlementaire.

Ce pouvoir arbitraire donné au Gouvernement est fondé sur un déséquilibre, au profit du règlement et au détriment de la loi. Empiètement sur le domaine réglementaire ? C'est un comble ! Le Parlement subit une double peine : écarté de tout un domaine qui devrait être le sien, il est sanctionné quand il s'y avance !

M. le président.  - Amendement n°373, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le second alinéa du même article est ainsi rédigé :

« En cas de désaccord sur la décision opposant la recevabilité, le Gouvernement, le Président de l'assemblée intéressée ainsi que soixante parlementaires de cette même assemblée, peuvent saisir le Conseil constitutionnel, qui statue dans un délai de huit jours. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La philosophie de l'article 15 est louable mais illusoire. Seule la majorité, exécutif et présidents des assemblées, pourra invoquer l'article 41. Mieux vaudrait étendre la procédure afin que le partage entre domaine de la loi et domaine du règlement soit mieux respecté, par l'opposition mais aussi par la majorité, et même par le Gouvernement. Si vous prétendez revaloriser le Parlement, donnez latitude à l'opposition d'invoquer cet article !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le n°468 est satisfait par celui de la commission. Défavorable au n°201, nous voulons conserver l'article 41 ; retrait ou rejet du n°373.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.  - Le comité Balladur avait recommandé cette disposition. La procédure est rarement mise en oeuvre mais elle est parfois utile. Elle a ainsi permis en 2005 de faire obstacle à la discussion de 15 000 amendements à la loi postale : le droit d'amendement était manifestement dévoyé.

Il y a égalité des armes puisque les présidents des assemblées pourraient invoquer l'article 41 à l'encontre du Gouvernement. J'ajoute qu'il s'agit d'une faculté, nullement un contrôle systématique comme dans le cas de l'article 40. Sagesse, cependant, sur les amendements n°s113 et 468.

M. Bernard Frimat.  - Nous allons sans doute retirer le n°468.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Alors que nous faisons des efforts désespérés pour aller vers vous !

Défavorable aux n°s201 et 373.

M. Michel Charasse.  - Du temps où j'étais secrétaire du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, j'avais interrogé sur cette question le président Michel Debré, qui m'avait répondu par une note écrite, que j'ai bien sûr conservée : « L'empiètement est toujours possible si le Gouvernement renonce à défendre son domaine ! » Quelle meilleure source que l'auteur lui-même ?

Je rappelle aussi que le Conseil constitutionnel déclasse maintenant par anticipation, sans attendre d'être saisi par le Premier ministre -il l'a fait par exemple pour de nombreux articles de la loi Fillon sur l'école.

Le ministre dit : l'article 41 s'appliquera au Gouvernement. Ce n'est pas sûr et la jurisprudence n'a pas encore tranché. Lorsque le président Poher avait saisi le Conseil constitutionnel en 1983 sur une question de principe d'égalité devant l'impôt, le Conseil avait annulé une disposition du projet de loi de finances en se fondant sur la violation des articles 40 de la Constitution et 42 de la loi organique : mais il avait annulé la partie de l'article issu du Parlement, non celle issue du Gouvernement.

Ce que dit M. Karoutchi est donc très important : à part l'article 40, qui ne s'applique qu'aux initiatives parlementaires, tout le reste, y compris sans doute les lois organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, pourra être opposé à la fois au Parlement et au Gouvernement.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Le ministre adopte une position nuancée et s'en remet à la sagesse. Mais le comité Balladur a lui-même proposé cette importante modification. Lorsque je présidais la commission des affaires sociales, je voyais souvent arriver, en fin de discussion ou en deuxième lecture, des amendements du Gouvernement qui étaient de nature réglementaire. Nous n'avions pas les moyens de nous y opposer.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il fallait les rejeter !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - L'article 15 est donc bienvenu et je voterai contre l'amendement de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Une opposition entre l'assemblée parlementaire et le Gouvernement engage une procédure lourde, avec renvoi devant le Conseil constitutionnel. C'est arrivé une fois seulement.

Nous avons appris le partage entre la loi et le règlement, nous l'avons oublié. Tant pis ! Le Conseil constitutionnel déclasse ! Enfin, je veux répondre à M. Fourcade que tout ce qui est issu du comité Balladur n'est pas parfait.

M. Michel Charasse.  - Le comité n'était pas écrasé sous le nombre des praticiens !

Les amendements n°s113 et 468 sont adoptés.

Les amendements n°s201 et 373 deviennent sans objet.

L'article 15 est supprimé.

Article 16

M. le président.  - Amendement n°202, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Article phare de la revalorisation des pouvoirs du Parlement ! En réalité, c'est un retour aux IIIe et IVRépubliques... à cela près qu'alors, le Gouvernement n'avait pas le droit d'amendement.

M. Hyest ne voit que des avantages à la nouvelle formule : il évoque les nombreux amendements rédactionnels. Mais ce ne sont pas ceux-là qui prennent du temps !

Le deuxième argument développé par le Gouvernement et le rapporteur nous gêne davantage : la discussion du texte de la commission en séance publique valoriserait le travail des commissions, le débat en séance publique se concentrant alors sur les options de fond. A nos yeux, une telle disposition remettrait en cause un des acquis démocratiques du débat parlementaire. D'autant que l'article 15 renforce les conditions d'irrecevabilité des amendements et que l'article 18 limite considérablement le droit d'amendement des parlementaires. Ces dispositions ne visent qu'à réduire la durée des débats en séance publique, lieu du véritable débat démocratique et transparent où tous les groupes et tous les sénateurs peuvent défendre leurs positions. Si le travail législatif se fait en commission, le pluralisme reculera car seuls les groupes importants peuvent assurer une présence forte et régulière au sein des commissions. Pareille procédure ne peut que renforcer le fait majoritaire. En outre, les réunions en commission n'étant pas publiques, l'action des lobbies sera facilitée. Nous n'aurons plus qu'un simulacre de débat.

M. le président.  - Amendement n°203, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 42 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La discussion en séance, en première lecture d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir devant la première assemblée qu'à l'expiration d'un délai de deux mois après son dépôt. Elle ne peut intervenir devant la seconde assemblée saisie qu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de sa transmission. »

Mme Éliane Assassi.  - L'article 16 réduit les pouvoirs du Parlement et nous refusons la nouvelle procédure d'examen des textes. A la place, nous proposons d'allonger les délais prévus entre le dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi sur le bureau d'une des deux assemblées et son examen en commission puis en séance publique.

Prenons un exemple récent, celui du projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d'emploi qui sera examiné dans les jours à venir par notre assemblée : le Gouvernement l'a déposé sur le bureau du Sénat le 11 juin, le rapport a été examiné le 18 juin par la commission et nous devrions en débattre en séance le 24 ou le 25 juin. Bien souvent la commission doit, du fait des délais, commencer ses auditions avant d'avoir le texte définitif -ce fut le cas pour celui relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique. La qualité du travail des parlementaires en pâtit, mais nos protestations restent vaines.

Si nous reconnaissons la légère avancée qu'apporte ce projet de loi sur ce point, les dispositions prévues ne sont pas assez rigoureuses. Certes, les députés ont porté à six semaines -au lieu d'un mois- le délai minimum entre le dépôt et l'examen devant la première assemblée saisie, et à trois semaines -au lieu de deux- pour la seconde assemblée. Les commissions ne disposeront pas de suffisamment de temps pour examiner les projets de loi et auditionner les personnes qualifiées : nous proposons donc de reprendre -une fois n'est pas coutume !- les propositions du comité Balladur et de prévoir que les délais minimaux avant la discussion en séance d'un projet de loi soient de deux mois pour la première assemblée et d'un mois pour la seconde.

Cela ne signifie pas que nous voulons profiter d'un plus grand délai de réflexion en commission pour réduire les débats en séance publique, bien au contraire. Nous ne souhaitons pas que l'ensemble des parlementaires soient privés de débats, de confrontations d'idées et de la présentation des diverses propositions.

M. le président.  - Amendement n°398 rectifié, présenté par MM. About, Détraigne, Mme Payet et M. Merceron.

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, après les mots :

article 43

insérer les mots :

siégeant à huis clos

Mme Anne-Marie Payet.  - Si la discussion en séance publique s'effectue désormais sur le texte voté par la commission, le travail de celle-ci doit s'effectuer dans la plus grande rigueur et avec sérénité. Il est préférable qu'elle siège à huis clos.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par M. Charasse, Mme Nathalie Goulet et M. Fortassin.

Rédiger comme suit le début du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution :

« Toutefois, la discussion en séance des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale, des projets de loi relatifs aux ressources fiscales et sociales, des projets visés aux articles 35, 36 et 53 ainsi que des projets relatifs à la sécurité intérieure et extérieure porte, en première lecture...

M. Michel Charasse.  - Le premier alinéa proposé pour l'article 42 de la Constitution constitue un des éléments prévus par ce texte pour empêcher de gouverner le Gouvernement de la France : on n'accroît pas véritablement les pouvoirs du Parlement, mais seulement ses capacités à freiner ou à bloquer l'action du Gouvernement -ce qui n'est pas de nature à améliorer l'image du Parlement dans l'opinion publique.

Pour éviter cette évolution, nous proposons d'élargir la liste des textes examinés dans la version présentée par le Gouvernement, en y incluant ceux relatifs aux ressources fiscales et sociales, à l'état d'urgence ou de guerre, à la sécurité intérieure et extérieure.

M. le président.  - Amendement n°469, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution.

M. Richard Yung.  - A l'inverse de Michel Charasse, nous souhaitons supprimer le deuxième alinéa prévu pour l'article 42. Nous estimons que les délais limités pour l'adoption du budget de l'État et de la sécurité sociale devraient conduire le Gouvernement à déposer ces textes suffisamment tôt pour permettre leur examen par les commissions. Il n'est pas logique de prévoir que l'examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ne se fasse pas sur la base du texte adopté en commission car ainsi la première prérogative du Parlement -le vote de la loi de finances- échapperait à la modernisation de la procédure.

M. le président.  - Amendement n°114, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, remplacer les mots :

six semaines

par les mots :

deux mois

et les mots :

trois semaines

par les mots :

cinq semaines

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce texte fixe pour la première fois des délais minimaux entre le dépôt ou la transmission d'un texte et son examen en séance publique conformément à une proposition du comité Balladur. Ces délais, déjà nécessaires actuellement, deviendront indispensables lorsque le débat en séance publique s'engagera sur le texte adopté par la commission. Celle-ci se réunit généralement durant la semaine précédant l'examen en séance publique. Après la révision, cette réunion devrait intervenir au moins deux semaines avant, afin de donner au Gouvernement et à tous les parlementaires le temps de prendre connaissance des conclusions de la commission et de préparer leurs amendements.

Les délais prévus par le projet de loi, même rallongés par l'Assemblée nationale, me paraissent trop courts, en particulier pour la seconde assemblée saisie, car la lecture devant la première assemblée peut beaucoup modifier le texte. C'est le cas, par exemple, de la loi de modernisation de l'économie que nous allons examiner.

Notre amendement propose un délai de deux mois après le dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi avant la discussion devant la première assemblée saisie et de cinq semaines pour la seconde assemblée.

M. le président.  - Amendement n°115, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, supprimer les mots : 

si la procédure accélérée a été déclarée dans les conditions prévues à l'article 45. Elles ne s'appliquent pas non plus

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ces délais minimaux ne s'appliqueraient pas dans la procédure accélérée, qui remplace la procédure d'urgence. L'examen du texte est limité à une seule lecture devant chaque assemblée : les délais doivent donc permettre un examen attentif des dispositions prévues. En outre, parfois l'urgence est déclarée, mais le texte n'est transmis à la seconde assemblée que six mois plus tard !

M. le président.  - Amendement n°116, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution par les mots :

ainsi qu'aux projets et propositions de loi pour lesquels le Gouvernement estime, après consultation de la Conférence des présidents de l'assemblée concernée, qu'ils répondent à une situation urgente

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cet amendement constitue une soupape de sécurité pour éviter des blocages injustifiés. En cas d'urgence véritable, les délais seraient levés. Le Gouvernement devrait cependant, au préalable, consulter la Conférence des Présidents de l'assemblée concernée.

Par rapport au projet initial, la seconde assemblée saisie ne bénéficiait que de la moitié du temps dont disposait la première : ce ne serait plus le cas ; dans la procédure accélérée, on gagne sur le temps économisé par l'absence de navette pour donner plus de temps à l'examen par la commission ; enfin, lorsqu'il y aura véritablement urgence, le Gouvernement ne sera plus contraint par des délais.

M. le président.  - Amendement n°403, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

I. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, remplacer les mots :

six semaines

par les mots :

deux mois

II. - Dans la seconde phrase du même alinéa, remplacer les mots :

de trois semaines

par les mots :

d'un mois

Mme Éliane Assassi.  - L'argumentation est semblable à celle de la commission pour l'amendement n°114.

M. le président.  - Amendement n°470, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, remplacer les mots :

six semaines

par les mots :

huit semaines

Amendement n°471, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, remplacer les mots :

trois semaines

par les mots :

cinq semaines

M. Bernard Frimat.  - Cette discussion, quoique sympathique, a un côté surréaliste. Nous ne faisons pratiquement que travailler en urgence !

L'exercice est curieux : on s'acharne à inscrire dans la Constitution des délais qui seraient respectés tout naturellement dans une pratique apaisée du parlementarisme. Et l'on agit de cette manière déraisonnable parce que le Gouvernement, comme ses prédécesseurs, abuse de la procédure d'urgence, quitte, d'ailleurs, à attendre un an ou plus pour publier les décrets !

Le débat en commission ? Il faudra savoir exactement comment il sera organisé, si le Gouvernement y sera présent, ce qu'il en ira du droit d'amendement en séance publique, de quelles facilités de travail nous disposerons.

Cet article 16 aurait tout d'un serment d'ivrogne si le Gouvernement ne constitutionnalisait pas ses engagements. On demande à la Constitution de contraindre le Gouvernement à faire ce qu'il devrait faire sans contrainte de cette nature.

Mon amendement n°471 est satisfait par celui de la commission ; quant au n°470, je le transforme en sous-amendement à l'amendement n°114 de la commission : mieux vaut parler en semaines qu'en mois, c'est plus conforme au rythme du travail parlementaire.

Si nous sommes peu nombreux sur les bancs socialistes, si, en particulier, notre président de groupe n'est pas là, c'est que, l'Assemblée nationale ne siégeant pas, nous avons à cette heure notre journée parlementaire, à laquelle M. Bel ne pouvait éviter de se rendre. Nous avons accepté néanmoins de siéger aujourd'hui, sous amicale pression, mais nous aimerions que l'article 18 puisse être discuté devant une représentation parlementaire plus large.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - J'ai déjà défendu l'amendement n°115.

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par M. Charasse, Mme Nathalie Goulet et M. Fortassin.

Rédiger comme suit la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution :

Elles ne s'appliquent pas non plus aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, aux projets relatifs aux états de crise et aux autres projets visés au deuxième alinéa du présent article.

M. Michel Charasse.  - Amendement de conséquence.

L'amendement n°311 rectifié n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement n°472, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

A la fin de la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, supprimer les mots :

et aux projets relatifs aux états de crise

M. Bernard Frimat.  - La notion d'état de crise est bien trop floue. De quoi parle-t-on ? L'état d'urgence ? Vous n'avez pas voulu l'inscrire dans la Constitution, en vous contentant de la jurisprudence du Conseil d'État. De l'état financier de la France ? Des conséquences du « non » irlandais ? Du déficit de la sécurité sociale ? De nos relations avec l'Afrique ? De la crise des valeurs ? De la crise morale ? De la crise de la foi ? Vous me répondrez qu'au point où vous en êtes, vous avez déjà tellement truffé la Constitution de termes sans valeur juridique que... Mais si ce n'est pas le Parlement qui donne des définitions précises, c'est le Conseil constitutionnel qui le fera.

M. Michel Charasse.  - Et mai 68 ?

M. Bernard Frimat.  - Cela revient donc à un abandon de compétences par le Parlement.

Vous rappelez-vous que, naguère, il y eut, après le gouvernement Raffarin, un gouvernement Villepin ? La majorité a tendance à faire oublier qu'elle est au pouvoir depuis 2002... Lors de la crise des banlieues, il fit déclarer l'état d'urgence...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cet article 16 est de la plus haute importance, il est peut-être le plus important de tout le projet de loi. Il ne limitera en rien le droit d'amendement, au contraire. Je souhaite donc le retrait des amendements n°s202 et 203 : notre rédaction est plus favorable à la seconde chambre saisie.

L'amendement n°398 rectifié est retiré.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je suis désolé de ne pas accepter l'amendement de M. Charasse, mais il n'est indispensable ni pour les conventions internationales -à propos desquelles on vote un article unique- ni pour les déclarations de guerre ou d'état de siège, qui font l'objet d'une simple autorisation. Quant à la sécurité, intérieure ou extérieure, c'est une notion bien trop large. Retrait donc de l'amendement n°22 rectifié et du n°23 rectifié.

Défavorable à l'amendement n°469 : je ne vois pas comment cela pourrait se terminer. Nous avons tout de même réussi à conserver l'article 40.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - De quinze voix !

M. Michel Charasse.  - Il n'y en avait eu qu'une pour la République !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'amendement n°403 est pour partie satisfait et, pour le reste, le nôtre est plus adéquat. Retrait.

Favorable au sous-amendement n°470 rectifié ; retrait de l'amendement n°471, qui est satisfait ; défavorable au n°472 : mieux vaut conserver la formule « état de crise ». De toute façon, quand il y a vraiment urgence, on lève les délais, c'est ce que j'ai prévu dans mon amendement, qui nous fait un texte déjà bien différent de celui de l'Assemblée nationale.

Pour gagner du temps, je demande la priorité sur l'amendement de la commission.

La priorité, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Cet article est essentiel, il représente une avancée, même Mme Borvo Cohen-Seat le reconnaît, quand elle parle de « petite avancée ». Une avancée, même petite, vaut mieux que l'immobilité et, en l'occurrence, l'examen du texte de la commission lui-même en séance publique représente une véritable révolution dans les relations entre le Gouvernement et le Parlement. La « charge du débat » reviendra désormais au Gouvernement, il devra amender pour revenir à son texte, ça change beaucoup les choses !

Mme Isabelle Debré et M. Pierre Fauchon.  - C'est vrai !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Les délais, ensuite. Il n'y en a pas aujourd'hui, le Gouvernement proposait un mois pour la première assemblée saisie, deux semaines pour la seconde ; les députés ont porté ces délais à six semaines, puis trois pour la seconde ; vous augmentez encore, à huit semaines, puis quatre. Je comprends votre souci, en m'estimant heureux qu'il n'y ait pas une troisième chambre car elle aurait probablement proposé dix semaines ! (Sourires)

M. Michel Charasse.  - Il y en avait quatre sous la Quatrième !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Cependant, je ne suis pas favorable à un tel allongement, même si je crois qu'une solution équilibrée sera trouvée lors de la navette. Avis défavorable aux amendements qui allongent les délais.

M. Bernard Frimat.  - Je reconnais bien là M. Karoutchi, ouvert, tout en rondeur dans le débat, mais défavorable à tous les amendements : ouvert, heureux, et défavorable ! Cependant, nous parlons ici de la qualité du travail parlementaire. Nos collègues députés pensent que six semaines leur conviennent, pourquoi ne pas les croire ? Au lieu de demander huit semaines pour la première assemblée saisie, peut-être pourrions-nous en rester à six semaines : nous gagnerions deux semaines, monsieur le ministre. Qui sommes-nous pour dire aux députés qu'ils doivent prendre plus de temps pour comprendre le texte dont ils sont saisis ?

Cependant, les textes nous arrivent souvent très « augmentés » par la première assemblée. Voyez, par exemple, la loi de modernisation de l'économie que nous allons examiner bientôt : nos collègues députés en ont presque triplé le nombre d'articles ! On peut certes écrire un rapport en un jour et M. Hyest n'a pas disposé de plus de huit jours pour examiner ce que le Gouvernement présente comme la plus grande réforme constitutionnelle de la Ve République ; mais pour un examen sérieux de textes qui arrivent transformés devant la seconde assemblée saisie, pourquoi ne pas prévoir quatre ou cinq semaines ? Je le suggère à M. Hyest car, au train où vont les choses, la deuxième lecture de ce texte ne sera qu'une formalité : le Gouvernement va faire des concessions très ciblées pour obtenir la majorité des trois cinquièmes, nous ne serons pas invités aux échanges et ensuite, tout sera bouclé ! C'est pourquoi je suggère à notre rapporteur de changer sa position en acceptant dès maintenant d'allonger le délai pour la seconde assemblée saisie car les députés n'auront probablement guère le temps de se pencher sur cette question !

Le sous-amendement n°470 rectifié est adopté.

M. Michel Charasse.  - La commission nous propose d'allonger les délais, mais a-t-on au moins étudié l'impact de cette mesure sur nos travaux parlementaires ? Avec de tels délais, on pourra s'estimer heureux si, en neuf mois de session, on adopte dix lois ! Et il ne faudra pas venir se plaindre, lors des questions au Gouvernement, que tel ou tel projet ne voit pas le jour ! (M. Roger Romani applaudit)

En revanche, l'amendement n°116 me paraît très utile pour faire face à une situation d'urgence. Un exemple : le 22 mars 1978, le conseil du FMI décidait d'augmenter les quote-part des États membres, décision notifiée à ces derniers le 1er avril 1978, avec un mois pour l'approuver, faute de quoi ils perdaient les droits de vote supplémentaires attachées à ces contributions ; l'Assemblée nationale a été saisie après la mi-avril, la loi a été adoptée très rapidement ; le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 avril, dans l'après-midi, il a rendu sa décision le 29 avril, juste à temps pour que la loi soit promulguée le 30 et que la France obtienne au FMI les voix supplémentaires auxquelles elle avait droit.

Avec ce texte, une telle célérité ne serait plus possible !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Si, avec l'amendement n°116 !

M. Michel Charasse.  - Oui, et c'est bien pourquoi je le voterai : de grâce, ne lions pas les mains de la France ! (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Les délais invitent à la définition d'un programme législatif.

M. Michel Charasse.  - Et quand la rue et les médias dictent l'ordre du jour ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Justement, il ne faut pas qu'ils dictent l'agenda législatif !

M. Michel Charasse.  - C'est un voeu pieux !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission des lois ne souhaite pas gêner l'action gouvernementale. La procédure accélérée, puisqu'il n'y aura qu'une seule lecture, exige des délais accrus, pour que le travail parlementaire se déroule dans de bonnes conditions. Mais il fallait une soupape de sécurité, que l'Assemblée nationale n'a pas prévue, en cas d'urgence : c'est ce que nous proposons. Ensuite, pour les délais, l'Assemblée nationale n'oubliera pas qu'elle aussi peut-être saisie en second, la Constitution le prévoit dans quelques cas, comme pour les textes concernant les collectivités locales, et nous pourrons certainement nous accorder sur les délais.

M. Pierre Fauchon.  - Les délais n'ont pas d'influence sur le nombre de lois qui seront votées ; on peut réduire la vitesse de tous les trains en France sans avoir à en modifier le nombre. Il y aura certes une période transitoire, au cours de laquelle on ressentira un certain vide, mais elle sera vite franchie. J'ajoute que le dispositif retenu par la commission nous met en sécurité.

Mais nous sommes à un moment important de la réforme, il faut le dire. Que la discussion ait lieu sur le texte de la commission représente un changement profond et témoigne du fait que le Gouvernement reconnaît le travail du Parlement et lui laisse assumer ses responsabilités. Cette confiance mérite d'être saluée. Elle devrait contribuer puissamment au rééquilibrage de nos institutions. C'est juste politiquement, c'est juste moralement.

L'amendement n°114, sous-amendé, est adopté.

L'amendement n°115 est adopté, ainsi que l'amendement n°116.

Les amendements n°s202, 203 et 22 rectifié deviennent sans objet.

L'amendement n°469 n'est pas adopté.

Les amendements n°s403, 471, 23 rectifié, et 472 deviennent sans objet.

L'article 16, modifié, est adopté, le groupe CRC votant contre.

Article 17

Dans le second alinéa de l'article 43 de la Constitution, le mot : « six » est remplacé par le mot : « huit ».

M. le président.  - Amendement n°117, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 43 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 43.- Les projets et propositions de loi sont envoyés pour examen à l'une des commissions permanentes dont le nombre est limité à huit dans chaque assemblée.

« A la demande du Gouvernement ou de l'assemblée qui en est saisie, les projets ou propositions de loi sont envoyés pour examen à des commissions spécialement désignées à cet effet. »

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cet amendement vise à mieux prendre en compte la réalité de nos pratiques, en inversant l'ordre des deux alinéas de cet article pour mettre en valeur le rôle de nos commissions permanentes. Ce sont elles, et non les commissions spéciales, qui ont depuis quarante ans, compétence de principe sur l'examen des textes.

M. le président.  - Amendement n°367, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Dans cet article, remplacer le mot :

huit 

par le mot :

dix

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous proposons de porter à dix le nombre des commissions permanentes.

M. Michel Charasse.  - Il va en falloir des chauffeurs !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il ne s'agit bien évidemment que d'un plafond. Il serait dommageable de se priver de la possibilité de désengorger certaines commissions, trop souvent surchargées : le rythme qu'a dû soutenir la commission des lois ces dernières semaine l'atteste.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On aime travailler ! Sérieusement, nous savons tous pourquoi le comité consultatif constitutionnel a souhaité, en 1958, limiter le nombre des commissions, nous savons ce qu'en pensait le général de Gaulle, qui y voyait le spectre des lobbies. Ce n'est qu'un plafond, dites-vous, mais on sait ce qu'il en est des plafonds, on finit toujours par les atteindre.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Favorable à l'amendement n°117 du rapporteur, défavorable au n°367.

M. Bernard Frimat.  - Nous avons, au sein du Sénat, six commissions permanentes, trois offices, six délégations, soit pas moins de quinze structures. Si toutefois ce texte venait à être adopté...

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Vous nous y aiderez !

M. Bernard Frimat.  - ...il faudra bien qu'on en vienne à s'interroger sur cette coexistence de structures de natures diverses. La délégation pour l'Union européenne, transformée en commission par l'Assemblée nationale, ne serait au Sénat qu'un comité. Je ne pense pas, eu égard au caractère transversal de son travail, que M. Hyest le compte parmi les deux commissions supplémentaires ? (M. le rapporteur le confirme)

Passer de six à huit commissions ne peut se concevoir que si l'on ne les dépeuple pas, ce faisant, à l'excès. Nous voterons le passage à huit, mais attention à ne pas multiplier les structures. Je vous rappelle qu'il existe, dans cette maison, un office qui ne réunit que des groupes de la majorité, et dont les travaux, par voie de conséquence, n'engagent qu'elle...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce n'est qu'un observatoire...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je ne suis pas favorable à l'augmentation du nombre des commissions. Je rappelle à la majorité que c'est une commission des affaires étrangères réduite à quatre membres qui a émis un avis défavorable sur le projet de loi constitutionnelle... Au nom des groupes peu nombreux, je suis contre la création de nouvelles commissions.

L'amendement n°117 est adopté et devient l'article 17.

L'amendement n°367 n'est pas adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par M. Charasse, Mme Nathalie Goulet, MM. Fortassin et Marsin.

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 43 de la Constitution est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La loi fixe les modalités de création et de fonctionnement des commissions parlementaires d'enquête qui peuvent être créées dans chaque assemblée, notamment leur composition, leurs pouvoirs et leur durée. Elle fixe également les règles relatives aux délégations parlementaires permanentes.

« Les commissions chargées de vérifier et d'apurer les comptes des assemblées sont instituées et organisées par le règlement de chaque assemblée. »

M. Michel Charasse.  - Michel Debré a reconnu lui-même que, dans la précipitation qui a marqué l'élaboration des institutions de la Ve République, plusieurs dispositions essentielles pour les assemblées ont été oubliées dans la Constitution et ont dû être inscrites dans une ordonnance du 17 novembre 1958 dont le Conseil constitutionnel a indiqué que, si elle n'est pas organique, sa valeur est supérieure à celle d'une loi ordinaire, puisqu'elle repose sur de grands principes fondamentaux.

Parmi les oublis qu'il regrettait, Michel Debré a souvent cité les commissions d'enquête et de contrôle qui, essentielles au contrôle parlementaire, ne figurent pourtant que dans l'ordonnance du 17 novembre 1958.

Je vous propose donc d'inscrire les commissions d'enquête -le Parlement a depuis longtemps renoncé à l'appellation imprécise de « contrôle »- dans la Constitution.

En vertu du principe d'autonomie des assemblées parlementaires, je propose également la création, dans chaque assemblée, d'une commission chargée de vérifier et d'apurer les comptes, afin d'éviter certaines incertitudes qui ne devraient au reste pas exister si certains ne s'ingéniaient pas à les créer...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous avons souhaité, au cours de ce débat, poursuivre la réflexion sur la question de la reconnaissance constitutionnelle des commissions d'enquête, et des droits qui devraient en découler pour les groupes minoritaires : ne préjugeons pas de ses résultats. Défavorable.

M. Michel Charasse.  - Il est donc bien de penser aux commissions d'enquête, mais il n'est pas temps d'en parler ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On en parlera avant la fin du débat.

M. Michel Charasse.  - Et de l'autorisation comptable ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Des engagements ont été pris, tant par le rapporteur que par le Gouvernement, qui devraient vous incliner au retrait.

M. Michel Charasse.  - Si la navette n'est pas close, je retire mon amendement.

L'amendement n°24 rectifié est retiré.

Article 18

Le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Avec les articles 7, 16 et 22, cet article constitue l'un des piliers de ce texte marqué par la présidentialisation. Nous avons dit dans la discussion générale que le renforcement du travail en commission s'opèrerait au détriment de la transparence et du pluralisme en séance publique, à mesure qu'on limite le droit d'amendement. Le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Warsmann, écrit que la distinction entre amendements examinés en séance publique ou débattus en séance publique facilitera le recours à des procédures simplifiées d'adoption des textes, permettra d'organiser les débats à l'avance et de prévoir des dates de dépôt des amendements compatibles avec leur examen approfondi, en cohérence avec les pouvoirs nouveaux donnés aux commissions.

M. Warsmann se réfère directement aux travaux du comité Balladur, dont la principale proposition est de confier à la Conférence des Présidents de chaque assemblée la charge de programmer une durée d'examen des textes à l'issue de laquelle la discussion serait close et l'on passerait au vote. C'est ce que j'appelle le 49-3 parlementaire, aux mains de la majorité. Le comité Balladur est d'ailleurs franc, qui y voit le moyen de lutter contre « l'obstruction » parlementaire. Mais cela suppose la constitutionnalisation de la Conférence des Présidents.

Le ministre martèle que le texte est une « révolution ». Certes, mais une révolution conservatrice et antidémocratique! L'article 18 confirme-t-il la volonté affichée de revaloriser les assemblées ? Mais qui peut croire que limiter le débat démocratique renforce le Parlement ? Pouvez-vous, monsieur le rapporteur, donner votre sentiment sur la limitation du droit d'amendement et sur le 49-3 parlementaire ? Votre rapport ne l'évoque pas précisément...

Nous alertons les parlementaires au sujet de la confiscation d'une de leurs prérogatives essentielles et nous ne renoncerons pas à faire apparaître la réalité de ce que le Gouvernement ne cesse de présenter comme un renforcement des droits du Parlement. Je ne suis plus la seule à le dire, et plusieurs constitutionnalistes ont fini par s'inquiéter pour le droit d'amendement.

M. Richard Yung.  - On doit d'abord souligner le caractère byzantin de la disposition. On commence par dire que le droit d'amendement s'exerce en séance publique ou en commission, puis que les différents régimes sont déterminés par le règlement de chaque assemblée et l'on ajoute que cela se fait dans le cadre défini par une loi organique. Cela s'emboîte comme des poupées russes -un jeu parfois douloureux. Un tel système peut porter préjudice aux droits des membres du Parlement.

Il s'agirait, dit-on, d'un simple aménagement, destiné à améliorer la qualité des débats, mais nous craignons une mise en cause de l'exercice effectif du droit d'amendement.

Avec cette modification de l'article 44, un amendement rejeté en commission ne pourrait plus être défendu en séance publique ; les débats seraient abrégés pour gagner du temps en séance plénière. Quelle publicité les débats en commission auront-ils, comment le gouvernement sera-t-il représenté, et à quelles pressions les membres de la majorité seront-ils soumis ? Le droit d'amendement ne sera-t-il pas limité par l'attribution d'un temps global à chaque groupe pour la discussion des articles et la discussion générale ? Nous sommes très prudents et sceptiques sur un texte qui n'offre guère de garanties.

M. Bernard Frimat.  - Avec l'article 18, l'on touche à l'un des points essentiels du texte et aux droits élémentaires du Parlement : le droit d'amendement, qui est au coeur de l'exercice même de la fonction de parlementaire ; qu'il appartienne à la majorité ou à l'opposition, c'est sa liberté individuelle. En défendant des amendements à titre individuel tout à l'heure, MM. Yung et Cointat ont disposé de cette liberté complète. Il faut donc être très prudent et n'y toucher qu'avec beaucoup de garanties.

Le Conseil constitutionnel a déjà été amené à freiner le Sénat dans ses tentatives de simplification : impossible de toucher au droit d'amendement ! Mais en révisant la Constitution, vous levez la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le rapporteur nous répondra avec talent, mais la succession des rédactions ne laisse pas d'inquiéter. Le débat sur l'article 18 a été très important à l'Assemblée nationale. Nos collègues ont été amenés à demander une suspension de séance à l'issue de laquelle le président Accoyer est revenu en séance à une heure très tardive pour expliquer les garanties qui sont supposées accompagner cette réforme.

La Constitution garantit aujourd'hui le droit d'amendement, mais cette garantie s'est dégradée à l'Assemblée nationale, laquelle a renvoyé à la loi organique et voilà que la commission des lois renvoie au règlement interne de chaque assemblée. Dès lors, un doute plane. Quels amendements pourra-t-on déposer en séance plénière ? Nous n'avons de garantie sur rien. « Faites-nous confiance », répète le ministre..., mais nous n'avons pas l'intention de nous laisser endormir car plus tard, il sera trop tard. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 18.

Nous avons apporté la démonstration que l'on peut débattre durant une semaine sans suspension de séance, sans amendements par milliers mais, je vous en donne acte, l'obstruction et la flibuste, nous savons faire -et le ferons si nécessaire.

M. André Dulait.  - Hélas !

M. le président.  - Amendement n°204, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'article 18 va de pair avec la discussion en séance publique du texte de la commission.

Avec l'article 18, la Conférence des Présidents détiendra la clé permettant de gérer les débats, alors que le fait majoritaire est hypertrophié au sein de cette instance : aujourd'hui, l'opposition sénatoriale y est représentée par quatre personnes sur dix-huit, alors que malgré le caractère injuste du scrutin, elle regroupe 40 % des sénateurs.

Il est possible depuis longtemps d'examiner des textes en procédure simplifiée, à condition qu'ils soient de moindre importance. Surtout, les groupes disposent d'un droit de veto sur l'application de cette procédure.

Le Conseil constitutionnel autorise les parlementaires à déposer en séance publique tout amendement repoussé en commission, ce que l'article 18 exclurait à l'avenir.

M. le président.  - Amendement identique n°473, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Bernard Frimat.  - Il a déjà été défendu.

M. le président.  - Amendement n°207, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

Dans le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, après le mot : « ont », sont insérés les mots : « à tout moment du débat ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - En acceptant cette proposition, qui prend l'article 18 à contre-pied, le Gouvernement démontrerait qu'il ne souhaite pas brider les parlementaires, lui qui dispose d'un droit d'amendement permanent.

L'évolution du débat peut légitimement inciter à déposer de nouveaux amendements.

Limiter le droit d'amendement constitue-t-il une fin en soi ? Non ! Le comité Balladur et le Gouvernement ont invoqué l'obstruction, comme si un Parlement démocratique ne pouvait pas refuser un projet de loi !

Regretteriez-vous la Constitution du 22 frimaire an VIII ou la Charte Constitutionnelle de 1814 qui disposait que, pour être discuté, tout amendement devait avoir été consenti par le roi ou bien encore la Constitution de 1852, instituant le Second Empire, qui conditionnait la discussion des amendements à leur adoption par le Conseil d'État... ?

M. le président.  - Amendement n°206, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

Après le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l'adoption est soit justifiée par des exigences de caractère Constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement. »

Mme Odette Terrade.  - Le comité Balladur a proposé de limiter les excès du droit d'amendement reconnu au Gouvernement.

M. le président.  - Amendement n°205, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

Le troisième alinéa de l'article 44 de la Constitution est supprimé.

Mme Odette Terrade.  - Nous voulons supprimer le vote bloqué. Tout comme le recours au 49-3, il représente une arme contre ce que le Gouvernement appelle l'obstruction.

Or, nous n'avons jamais déposé des milliers d'amendements. Les chiffres les plus impressionnants concernent l'Assemblée nationale, mais il s'agit d'effets d'annonce puisque les débats n'y sont pas plus longs qu'au Sénat, où le nombre d'amendements est incomparablement plus faible. En effet, le Règlement de l'Assemblée nationale permet de les repousser par centaines en un seul vote. Concrètement, le dépôt massif d'amendements joue surtout un rôle d'alerte.

Les conditions d'un débat législatif démocratique ne sont pas réunies ; elles ne le seront pas demain. Le Gouvernement prétend vouloir conforter le Parlement. Est-ce pour cela que l'ordre du jour de la session extraordinaire comporte des sujets aussi graves que la mise à mort des 35 heures, les restrictions au droit de grève à l'école et la chasse aux chômeurs ?

Comment exiger de l'opposition qu'elle adopte une attitude raisonnable, alors que le Gouvernement impose à marche forcée des réformes dont les Français ne veulent pas ? Il y a un droit de résistance et d'insurrection parlementaires ! Quand la limite est franchie, les représentants du peuple peuvent dire que cela suffit. La volonté de faire adopter des lois dans la précipitation légitime une réaction démocratique, aujourd'hui à la merci de cet article 44, alinéa 3, de la Constitution.

M. le président.  - Amendement n°49 rectifié, présenté par MM. Cointat, Duvernois, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann.

Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

« Ce droit s'exerce en séance ou en commission. La discussion des amendements peut être organisée conformément au règlement de chaque Assemblée. »

M. Christian Cointat.  - Il est naturel que le règlement de chaque assemblée organise les débats qui s'y déroulent.

Mon amendement est proche de celui déposé par la commission.

L'amendement 49 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°118, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :

« Ce droit s'exerce en séance ou en commission. Le règlement de chaque assemblée fixe les conditions dans lesquelles s'exerce le droit d'amendement de ses membres. »

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le mot « conditions » peut aussi désigner des limites.

La référence à une loi organique contrevient à l'autonomie des assemblées parlementaires. J'observe à ce propos que l'article 24 du projet de loi évite d'encadrer la compétence du règlement de chaque assemblée. La rédaction de la commission ne s'appliquera pas à l'exercice par le Gouvernement de son droit d'amendement.

Jusqu'à présent, les tentatives d'organiser des débats simplifiés sont restées infructueuses. Je le déplore. En 1990, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition de notre règlement qui interdisait de reprendre en séance publique un amendement repoussé en commission.

Naturellement, les débats simplifiés ne sauraient porter sur un texte très important. En outre, les droits de l'opposition devront être respectés.

Nous voulons mieux organiser les débats, notamment en matière technique. Je pense, par exemple, au récent projet de loi portant sur l'adaptation du droit des sociétés aux réalités communautaires. Il faut améliorer la discussion des lois en séance publique, en la réservant aux sujets qui le justifient.

En commission, dont la publicité des débats sera organisée, le droit d'amendement sera respecté. Nous sommes loin de la procédure italienne chargeant la commission compétente de rédiger un texte après un simple examen d'ensemble en séance publique !

M. le président.  - Sous-amendement n°338 à l'amendement n°118 de M. Hyest, au nom de la commission des lois, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Rédiger comme suit le second alinéa de l'amendement n°118 :

« Ce droit s'exerce en commission ou en séance dans les conditions fixées par le règlement de chaque assemblée. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le règlement doit fixer les conditions d'exercice du droit d'amendement des parlementaires mais aussi du Gouvernement.

M. le président.  - Sous-amendement n°514 à l'amendement n°118 de M. Hyest, au nom de la commission des lois, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter la première phrase du second alinéa de l'amendement n°18 par les mots :

, dans le respect des prérogatives des groupes parlementaires

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il faut rappeler l'existence des groupes parlementaires, au Gouvernement et à la majorité qui imposent un pouvoir renforcé de la Conférence des Présidents dans l'organisation du débat législatif.

M. le président.  - Sous-amendement n°508 à l'amendement n°118 de M. Hyest , au nom de la commission des lois, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter le second alinéa de l'amendement n°118, par les mots :

et du Gouvernement

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le droit d'amendement est essentiel dans le travail législatif. On ne comprendrait pas que pour ses amendements le Gouvernement ne respecte pas les conditions imposées aux parlementaires par le règlement de chaque assemblée.

L'amendement n°378 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°474, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi ou une proposition de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l'adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. »

M. Bernard Frimat.  - On dénonce souvent l'abus du recours au droit d'amendement par les parlementaires. C'est aussi le fait du Gouvernement qui alourdit souvent ses propres projets par des amendements apparus au dernier moment et portant articles additionnels. Il vient d'ailleurs souvent à cette occasion nous demander de ne surtout pas déposer un recours devant le Conseil constitutionnel, ce qui peut parfois nous donner des idées... La qualité des cavaliers du Gouvernement fait l'admiration de tous mais notre souci d'égalité nous impose de les interdire aussi.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements de suppression d'un article dont l'amendement de la commission améliore la rédaction. Cette suppression empêcherait le débat simplifié que nous recherchons.

Avis défavorable au n°207 : la fixation d'un délai pour le dépôt d'un amendement est nécessaire au bon déroulement d'un débat. Comment pourrait-on l'organiser si chacun pouvait déposer son amendement à tout instant ?

Avis défavorable au n°206 : inutile de traiter du droit d'amendement du Gouvernement.

Avis défavorable au n°205 : le vote bloqué garantit l'efficacité de l'exécutif ; c'est un des apports de la Constitution de 1958.

Je vais demander la priorité pour mon amendement 118.

M. Bernard Frimat.  - Inutile !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Alors que les explications de vote ne s'éternisent pas !

Avis défavorable au n°338 qui réécrit complètement l'amendement de la commission. Le règlement des assemblées n'a pas vocation à règlementer le droit d'amendement du Gouvernement.

La commission n'a pu se prononcer sur le n°514. A titre personnel, j'y suis défavorable : le droit d'amendement est un droit individuel, pas un droit collectif des groupes.

Avis défavorable au n°508 pour les raisons invoquées au sujet du n°338.

Enfin l'amendement n°474 est proche du n°206 : même avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - C'est un article clé. Je rassure M. Frimat qui s'interrogeait sur la possibilité, pour un amendement repoussé en commission, d'être présenté en séance publique. Oui, ce sera possible.

Avis défavorable, bien entendu aux deux amendements de suppression puisque le Gouvernement a présenté cet article. Le principe, c'est de rechercher la clarté du débat législatif. Les deux pratiques envisagées avaient été préconisées par le comité Balladur. Il s'agit d'une part, pour les textes de moindre importance, d'adopter en commission les amendements et d'y engager l'essentiel du débat. La séance serait alors consacrée à une ratification des positions de la commission, ce qui suppose de modifier l'article 44 de la Constitution. Il s'agit d'autre part, monsieur Frimat, de reprendre l'idée exprimée par M. Bel dans l'article 26, alinéa 2, de sa proposition de loi constitutionnelle de 2007, à savoir des durées programmées de débat : « Le Gouvernement peut, après avis de la Conférence des Présidents de l'assemblée saisie, fixer un délai pour l'examen du projet de loi. A l'expiration de ce délai, qui ne peut être inférieur à une semaine, l'assemblée se prononce par un seul vote sur les dispositions qu'elle n'a pas encore votées, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement ».

Ces durées doivent être généreuses consensuelles, cela va dans le sens d'une meilleure organisation de nos travaux et n'impose absolument pas de modification de la Constitution. La preuve, c'est que l'Assemblée nationale a prévu jusqu'en 1969 une telle procédure, validée par le Conseil constitutionnel.

Avis défavorable au n°207 contradictoire avec le deuxième alinéa de l'article 44 de la Constitution qui permet au Gouvernement de s'opposer, après l'ouverture du débat, à tout amendement qui n'aurait pas été présenté auparavant.

Avis défavorable au n°206 : il est vrai que le comité Balladur avait proposé cette disposition, mais il peut être opportun d'ajouter en cours de discussion d'un projet de loi des dispositions qui apparaissent utiles. Il ne s'agit pas de détourner l'article 39, notamment l'avis du Conseil d'État, ni de permettre le dépôt de cavaliers.

Avis défavorable au n°205 : le vote bloqué doit bien entendu être utilisé avec parcimonie -ce qui est le cas- mais il est utile.

Avis favorable au n°118 qui enlève la notion de limites, sujette à mauvaises interprétations et inutile pour atteindre les deux objectifs que j'ai mentionnés. Le droit d'amendement s'exercera librement, monsieur Frimat, en commission ou en séance. Si les groupes s'organisent, il n'y a aucune raison pour que les amendements ne puissent être défendus en séance.

La suggestion du Conseil d'État visait à régler la présentation des amendements du Gouvernement, à rien de plus et surtout pas à limiter le droit d'amendement ! Si la commission juge le dispositif inutile, le Gouvernement se range à son avis éclairé. Sa rédaction, conforme à la tradition parlementaire, nous convient.

Défavorable aux sous-amendements n°338 et 508 : le Gouvernement n'interfère pas dans le règlement des assemblées, qu'à l'inverse celles-ci puissent contraindre le Gouvernement serait un paradoxe !

J'ajoute, madame Borvo, que les droits liés aux groupes seront inscrits à l'article 51-1 nouveau de la Constitution. Enfin, défavorable au n°474.

M. Bernard Frimat.  - Merci à notre rapporteur d'avoir retiré sa priorité, qui nous donne la possibilité de nous exprimer par scrutin public sur ces amendements.

Le rapport mentionne un droit d'amendement « s'exerçant en séance publique ou en commission », il indique que « l'auteur d'un amendement rejeté en commission ne serait plus fondé à le soumettre de nouveau devant la formation plénière de son assemblée ». Enfin, il précise que « les efforts pour développer de tels dispositifs sont restés jusqu'à présent infructueux. » Voilà qui a au moins le mérite de la clarté.

M. Hyest a interrompu son raisonnement quand il a réalisé qu'il avançait dans une impasse : par exemple, s'agissant de lois comportant des éléments de nomenclature, revoter sur ces points reviendrait à remettre en cause le travail de la commission.

M. Karoutchi se fait un plaisir de rappeler la proposition de loi de M. Bel : je félicite ses collaborateurs de lui avoir fourni l'argument, mais s'il lisait le texte, il constaterait que M. Bel propose la suppression de l'article 49-3 ! L'obstruction passe parfois par des rafales d'amendements : nous avons tous, à droite comme à gauche, pratiqué la chose. Nous pouvons nous mettre d'accord sur un délai : en cas d'impossibilité de le tenir, ou en cas de blocage institutionnel, le Gouvernement peut demander un vote mais il y aura eu préalablement un débat pour rechercher un consensus en Conférence des Présidents. Ne travestissez pas la proposition Bel en n'en retenant qu'une partie !

Le rapporteur ayant déposé un amendement, qui sera sans doute adopté, l'article 18 reste en navette. Nous y reviendrons donc mais j'y insiste : le droit d'amendement ne peut être ni restreint, ni renvoyé au seul règlement des assemblées. La majorité se rend en permanence coupable d'abus de position dominante ! Ce n'est pas acceptable !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il n'y aura plus de loi organique : alors comment fixera-t-on les règles du droit d'amendement pour le Gouvernement ?

M. Bernard Frimat.  - Le Gouvernement a tous les droits !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il n'existe pas de règle pour les amendements du Gouvernement. Je maintiens mon sous-amendement car vous n'avez rien modifié, l'exécutif conserve toute possibilité d'arrêter le débat. Vous ne faites qu'ajouter un article 49 3 parlementaire, majoritaire plus précisément. Renforcer les pouvoirs du Parlement ? Allons donc ! Cette révision vise à conforter l'hyper-présidentialisme. Le nouvel article 49-3 est un moyen d'autorégulation par la majorité. Je demanderai un scrutin public, afin de concrétiser dés à présent les droits des groupes.

M. le président.  - Sous-amendement n°518 à l'amendement n° 118 de M. Hyest, au nom de la commission des lois, présenté par M. Charasse.

Dans la première phrase du second alinéa de l'article 18, remplacer les mots :

en séance ou en commission

par les mots :

en séance et en commission

M. Michel Charasse.  - M. Frimat attire notre attention sur un passage du rapport ! Pour moi, il allait de soi que le droit d'amendement s'exerce en commission et en séance publique ! Que signifie ce « ou » ? Est-ce fromage ou dessert ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Exactement ! C'est ce que je vous avais dit !

M. Michel Charasse.  - Je n'ai pas réalisé la situation avant de lire l'amendement de notre rapporteur.

Il suffira néanmoins, je vous le signale, qu'un seul auteur signe un amendement : l'un de ses amis de groupe le présentera à nouveau en séance publique. Le système ne marchera pas, il entraînera moult chicaneries. Le droit d'amendement est absolu et s'exerce en tout lieu dans cette maison !

Si les règlements prévoient un « ou », cela n'empêchera pas le Conseil constitutionnel de les accepter. Et ce serait une grave perte. Les membres d'une commission seraient privés d'intervenir en séance publique.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Non ! Pas du tout !

M. Michel Charasse.  - Alors acceptez d'écrire « et » afin de dissiper toute ambiguïté.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je demanderai la priorité pour l'amendement de la commission car je ne veux pas répondre aux explications de vote pour chaque amendement.

Monsieur Charasse, il s'agira de débats en commission, après que la Conférence des Présidents aura accepté la procédure simplifiée sur des sujets techniques. Dans ce cas, il n'est pas nécessaire de reprendre tous les amendements, qui seront présentés en séance ou en commission -contrairement aux débats compliqués, pour lesquels le droit d'amendement existera en séance et en commission. Ou alors vous refusez la procédure simplifiée et la modernisation du Parlement, mais je ne pense pas que tel soit votre point de vue.

Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Michel Charasse.  - Le rapport de la commission était trop succinct sur ce point, mais vos explications m'ont convaincu.

Le sous-amendement n°518 est retiré.

A la demande du groupe socialiste, les amendements identiques nos204 et 473 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 126
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je demande la priorité sur l'amendement de la commission des lois.

La priorité, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

Le sous-amendement n°338 n'est pas adopté.

A la demande du groupe CRC, le sous-amendement n°514 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages exprimés 160
Pour l'adoption 118
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

Le sous-amendement n°508 n'est pas adopté.

M. Pierre Fauchon.  - Mon groupe considère que la pleine liberté de débattre publiquement est un élément essentiel du pouvoir législatif, mais nous désirons depuis longtemps qu'une procédure simplifiée permette, sur certaines questions, d'avoir, en commission, des débats plus riches et plus sereins. Le rapporteur en a très bien expliqué dans son rapport l'enjeu et les modalités. On peut espérer que son usage en sera raisonnable, d'autant plus qu'il ne sera pas facile d'organiser des débats publics en commission. Je souhaite bien du courage aux questeurs... (Sourires)

C'est toutefois souhaitable, pour restaurer la qualité de nos débats sur les grandes questions en séance publique. Il faudra aussi que notre règlement prévoie des mesures permettant de décourager les manoeuvres dilatoires. Certes, nous avons eu, depuis quelques jours, des débats excellents mais je fais une exception pour la soirée que nous avons consacrée aux questions préalables !

Mon groupe votera cet amendement.

L'amendement n°118 est adopté.

Les amendements nos207, 206 et 205 deviennent sans objet.

L'amendement n°474 n'est pas adopté.

L'article 18, modifié, est adopté.

La séance est suspendue à 19 h 45.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 21 h 50.

M. le président.  - L'article 33 est appelé par priorité, comme convenu vendredi.

Article 33

Dans l'article 88-5 de la Constitution, après les mots : « Communautés européennes », sont insérés les mots : «, lorsque la population de cet État représente plus de cinq pour cent de la population de l'Union, ».

M. Jacques Blanc.  - Je souhaite bien marquer combien je juge inacceptable la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. Bien sûr, je préside le groupe d'amitié France-Turquie, je ne cache donc pas mes sentiments par rapport à ce grand pays qui se réforme énergiquement et que les Français connaissent si mal, mais là n'est pas la question. Ce qu'il s'agit de savoir, c'est si l'on inscrit dans la Constitution des règles qui s'appliquent à tous ou si l'on fait des cas d'espèce. Je ne fais pas une plaidoirie pour la Turquie, un pays que j'aime et que je défends, un pays qui accepte les lourdes procédures que lui impose l'Union européenne, pour une perspective d'intégration d'ici dix, quinze ans ou davantage ; je refuse qu'on montre du doigt un pays, un grand pays ami qui participe activement au projet d'Euro-Méditerranée, cher au Président de la République -j'étais aujourd'hui à Marseille.

J'ai été tenté de déposer un amendement demandant qu'il soit statué selon les mêmes règles que pour tous les traités internationaux, et puis je me suis rallié à la position défendue par le président de la commission de la défense et par le président de la délégation pour l'Europe. Il s'agit de faire en sorte, comme le proposait le comité Balladur, que tout élargissement se fasse selon la même procédure générale. C'est le principe même de la Ve République : le Président de la République doit pouvoir choisir entre la voie du Congrès et la voie référendaire. Ce principe doit être respecté. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - De fait, la rédaction de l'article 33 qu'a adoptée l'Assemblée nationale est irrecevable, scandaleuse, indigne, injurieuse pour la Turquie. Qu'on soit pour ou contre l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, la procédure doit être la même que pour tous les autres pays candidats. Pourquoi les Turcs seraient-ils les seuls à être nécessairement soumis à la voie référendaire ? N'y a-t-il pas là quelque chose de raciste ? Le Gouvernement et sa majorité ont refusé que le traité de Lisbonne soit soumis à référendum et il faudrait l'imposer pour la Turquie ! Une telle volte-face est indigne de la France. Notre Constitution a l'universalité et l'équité comme principes fondamentaux ; nous les piétinerions en ne visant qu'un seul pays.

Nous voterons la suppression de cette rédaction au profit de celle, peut-être retouchée, de l'article 89.

M. Bernard Frimat.  - Pour que les négociations soient engagées avec la Turquie, il a fallu l'unanimité des États membres... Il reviendra à la prochaine présidence française de prendre la responsabilité de les continuer. Engagement a été pris, on ne va pas revenir dessus. Je ne suis pas membre du groupe d'amitié avec la Turquie ; j'admets que l'on soit contre l'adhésion de la Turquie, mais pas qu'on se cache derrière une rédaction hypocrite.

Nous avons déjà débattu de ce problème en février 2005, à l'occasion d'une précédente révision constitutionnelle ; nous avions alors voté contre ce dessaisissement du Parlement, que vous acceptiez. Il est bon que, trois ans et demi après, vous reconnaissiez la justesse de ce que défendaient alors les groupes CRC et socialiste.

Il importe que les choses soient dites clairement : la rédaction de l'Assemblée nationale est insupportable parce qu'elle vise un pays précis sans avoir le courage de l'assumer.

M. le président.  - Amendement n°241, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Bernard Vera.  - Nous avions souligné, en 2005, le caractère étroitement politicien de la disposition qui fut adoptée alors.

Ces dispositions avaient été adoptées pour rassurer une partie de la majorité hostile à l'entrée de la Turquie dans l'Union, ce texte y revient en prévoyant que les Français se prononceront sur toute nouvelle adhésion à l'Union, par référendum ou par un vote des trois cinquièmes du Congrès. L'Assemblée nationale, cependant, rend le référendum obligatoire pour la seule Turquie, par une rédaction toute d'hypocrisie qui démontre la duplicité du Président de la République, farouche opposant à l'entrée de la Turquie dans l'Union.

Nous supprimons ce traitement discriminatoire et scandaleux, tout en considérant que le peuple devrait se prononcer sur toute nouvelle adhésion à l'Union.

M. le président.  - Amendement n°242, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

Dans l'article 88-5 de la Constitution, les mots : « à l'adhésion d'un État » sont supprimés.

M. Bernard Vera.  - Depuis le référendum du 29 mai 2005, où les Français ont rejeté l'Europe libérale du Traité constitutionnel, les dirigeants européens continuent dans cette voie libérale, mais en contournant les peuples. Le choix français d'une ratification du traité de Lisbonne illustre un manque de courage politique, mais aussi la volonté de ne pas expliquer au peuple le contenu de ce traité, de l'extraire du débat public. Le recours au référendum paraît pourtant aller de soi : l'article 11 dispose que le Président de la République peut soumettre à référendum la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. C'est bien le cas avec le traité de Lisbonne. En fait, vingt-six États ont choisi la voie parlementaire, seul le gouvernement irlandais a dû recourir au référendum, la Constitution irlandaise l'y obligeant. Le « non » irlandais est édifiant : quand le peuple se prononce directement sur l'Europe libérale, il la refuse ! La ratification parlementaire dénature le rôle du Parlement et la démocratie représentative, nous proposons que tout traité européen fasse l'objet d'un référendum.

M. le président.  - Les six amendements suivants sont identiques.

Amendement n°142, présenté par M. de Rohan, au nom de la commission des affaires étrangères, et amendement n°133 présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 88-5 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 88-5. - Tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne et aux Communautés européennes est adopté selon la procédure prévue aux deuxième et troisième alinéas de l'article 89. »

Par accord entre les deux commissions, les amendements seront défendus par M. de Rohan.

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Nous souhaitons revenir à la rédaction initiale, avec une ratification soit référendaire, soit parlementaire, le choix de la procédure étant laissé au Président de la République. La précision apportée par l'Assemblée nationale est discriminatoire et offensante pour ce pays ami et allié qu'est la Turquie, ce barrage supplémentaire est également inutile, les précautions étant particulièrement nombreuses pour l'adhésion de la Turquie. Nous voulons aussi qu'on cesse de lier les mains du Président de la République.

Je crois indispensable d'améliorer nos relations avec la Turquie, qui sont profondément détériorées. (Applaudissements à droite) Nous devons donner à ce grand pays un témoignage de notre amitié. Son rôle dans les relations internationales est très positif : si des contacts sont noués entre la Syrie et Israël, c'est grâce à la Turquie ! (Approbation à droite)

Mme Nicole Bricq.  - C'est exact !

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis.  - Si demain, au Proche-Orient, une solution équilibrée est trouvée, la Turquie y jouera un rôle important. Ce soir, nous avons l'occasion de lui témoigner notre amitié et notre refus de tout traitement discriminatoire ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - Amendement identique n°292 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe UC-UDF.

M. Pierre Fauchon.  - En 2005, dans l'émotion référendaire, un dispositif très fâcheux a été adopté, qu'il n'y a aucune raison de maintenir parce qu'il est d'une hypocrisie consternante et qu'il méconnaît la logique européenne même : la représentation est pondérée au Parlement européen, mais pas dans les autres instances décisionnelles, et un petit pays comme le Luxembourg a tout autant ses chances d'avoir un commissaire qu'un grand pays de l'Union ! Le seuil des 5 % est offensant pour la Turquie !

J'appartiens moi aussi au groupe d'amitié France-Turquie, je voyage dans ce pays, j'y ai des relations, je trouve admirable le chemin parcouru et je mesure ce que l'expérience kémaliste a emprunté à la France !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Tout à fait !

M. Pierre Fauchon.  - En moins d'un siècle, le pays est passé d'une situation presque tribale à la modernité. Il se plie aujourd'hui aux conditions que nous lui fixons pour l'adhésion, nous regardons de près ses institutions, sans que les nôtres soient parfaites pour autant ! La Turquie élabore une conciliation originale et courageuse entre islam et laïcité, question cruciale pour toute l'Europe. Cela mérite mieux que de la défiance, voire du mépris ! Au reste, avec Platon et quelques autres, je crois plus sage de consulter les représentants du peuple, que le peuple lui-même ! (Applaudissements à droite)

L'amendement n°395 n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement identique n°396 rectifié, présenté par MM. Haenel, de Raincourt, Courtois, Dulait, Jacques Blanc, Alduy, Pierre André, Balarello, Beaumont, Bécot, Bernard-Reymond, Besse, Béteille, Bourdin, Mme Bout, MM. Braye, de Broissia, Brun, Buffet, Cambon, Cantegrit, Carle, Cazalet, César, Chauveau, Cléach, Couderc, Mme Debré, MM. del Picchia, Demuynck, Doligé, Doublet, Mme Bernadette Dupont, MM. Duvernois, Émin, Emorine, Etienne, Faure, Ferrand, Fouché, Fourcade, Gaillard, Garrec, Mmes Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jacques Gautier, Gélard, Gérard, Girod, Gournac, Grignon, Gruillot, Guené, Guerry, Mmes Henneron, Hermange, MM. Houel, Huré, Juilhard, Mmes Keller, Lamure, MM. Gérard Larcher, Leclerc, Le Grand, Leroy, Loueckhote, du Luart, Mmes Malovry, Mélot, M. Milon, Mmes Panis, Papon, MM. Pierre, Pinton, Portelli, Puech, Raffarin, Revet, de Richemont, Richert, Romani, Mme Rozier, MM. Saugey, Sido, Mme Sittler, M. Trillard, Mme Troendle, MM. Trucy, Valade, Vasselle et Vial.

M. Hubert Haenel.  - Pourquoi revenir au texte initial ? Le débat ne porte pas sur l'adhésion turque, qui n'aura pas lieu avant une quinzaine d'années, si elle a lieu, et nul ne sait où en seront alors l'Europe et la Turquie. Le débat porte d'abord sur ce principe : peut-on insérer dans notre Constitution, un dispositif visant un pays précis ?

Une constitution républicaine n'est pas faite pour régler les cas particuliers. J'ajoute que retenir un critère démographique pour le déclenchement d'un référendum me paraît bien mal fondé. Cela peut laisser entendre que l'importance politique d'une adhésion se mesure uniquement à l'aune de sa population. Mais n'était-ce pas faire un choix politique lourd que d'approuver l'adhésion de Chypre, pays divisé, qui compte pourtant moins de 900 000 habitants ? Et si un jour nous nous prononçons sur l'adhésion du Kosovo, notre choix politique aura-t-il moins d'importance du fait que ce pays compte moins de 2 millions d'habitants ?

Pensons aussi aux incidences diplomatiques d'un tel choix. Les Turcs le ressentent comme une discrimination, voire comme une humiliation. Sur les 27 États membres de l'Union, 21 ont une population qui représente moins de 5 % de l'ensemble. Ne serait-ce pas une maladresse à leur égard que de leur laisser penser, à la veille de la présidence française, qu'en deçà de ce seuil, on ne compte pas ?

Le référendum, enfin, est inutile. Une adhésion ne se fait pas à la sauvette. Il faut l'accord des parlements nationaux, du Parlement européen, de chaque État membre. Le texte initial du Gouvernement retenait la procédure la plus solennelle de notre Constitution. Si l'opinion publique est divisée, il y aura référendum, soit à l'initiative du chef de l'État, soit par la voie nouvelle de l'initiative populaire. Ne modifions pas la Constitution pour y introduire une discrimination. Tenons-nous en au texte du Gouvernement. (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - Amendement identique n°493, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Que cet amendement soit identique à cinq autres n'est pas sans signification. Mais n'est-ce pas la formule mise en oeuvre en février 2005, et contre laquelle nous avions, alors, voté, qui crée tous les problèmes ? Tout le monde savait alors qu'il n'y avait pas de sens à imposer une procédure référendaire pour tout élargissement. Mais la disposition fut adoptée, il est vrai, sans doute davantage pour des raisons de politique intérieure que pour des motifs tenant à la construction européenne.

M. Frimat a rappelé qu'en décembre 2004 et en octobre 2005 -qui était alors Président de la République, et qui Premier ministre ?- les chefs d'État et de gouvernement européens ont décidé à l'unanimité d'ouvrir des négociations avec la Turquie. Quand on ouvre une négociation, c'est bien qu'on a l'idée d'aboutir ! Le contraire serait incongru ! La France s'est engagée dans ce processus dont je rappelle qu'il appartiendra au chef de l'État, à compter du 1er juillet, de le poursuivre. Il serait absurde d'humilier un pays si important pour la paix dans le monde et le dialogue entre les peuples. Dans les revues de la presse turque, il apparaît que ces 5 % ont déjà fait beaucoup de mal à l'image de la France.

M. Pierre Fauchon.  - C'est plus que son image qui est en cause.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Évitons d'adopter une mesure discriminatoire envers un peuple ami.

M. Henri de Richemont.  - Bravo !

M. le président.  - Amendement n°154, présenté par M. Lecerf.

Après le mot :

lorsque

rédiger comme suit la fin de cet article :

le territoire de cet État est situé, dans sa totalité ou pour partie, hors du continent européen, ».

M. Jean-René Lecerf.  - J'assume avec sérénité une position minoritaire dans cette assemblée. Le rapport de la commission des lois cite les propos tenus par le Président de la République, Jacques Chirac, qui, lors du sommet franco-allemand du 1er octobre 2004, prenait l'engagement, avant toute adhésion de la Turquie ou d'un autre pays, d'interroger les Français par voie de référendum.

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis.  - Ce n'est pas autre chose qui a été inscrit dans la Constitution.

M. Jean-René Lecerf.  - Nous avons donc voté la révision du 1er mars 2005. Changer d'avis quelques années plus tard ne me paraît pas la meilleure manière de réconcilier les peuples des États du vieux continent avec l'idée d'Europe.

Si je ne suis pas favorable à l'introduction d'un pourcentage, j'estime en revanche que la notion d'Europe est complexe. Lorsque j'étais à l'école primaire, on m'a appris qu'elle était bordée par l'Arctique, au nord, par la Méditerranée, au sud, et je ne sais si je dois ajouter, d'ouest en est, de l'Atlantique à l'Oural. (On ironise à gauche) Bref, ce ne serait pas une procédure stigmatisante, puisqu'au reste elle ne viserait pas un seul État, que de prévoir une clause territoriale.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°241 : supprimer l'article nous ferait revenir au texte actuel de la Constitution. Or, la commission souhaite revenir au texte initial du Gouvernement, qui prévoit une procédure calquée sur celle de l'article 89. Même avis sur l'amendement n°242. Il n'est pas souhaitable de renvoyer au référendum, au-delà des traités d'adhésion, tout traité européen. L'alternative doit exister et le choix revenir au chef de l'État.

On ne peut pas citer un pays dans la Constitution.

M. Michel Charasse.  - La Nouvelle Calédonie ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est une collectivité d'outre-mer, la question est différente ! Par souci de cohérence juridique, par respect pour les États tiers, la commission des lois et la commission des affaires étrangères souhaitent un retour au texte du Gouvernement, fidèle à l'article 3 de notre Constitution qui dispose que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » J'ajoute que l'introduction d'un référendum d'initiative parlementaire et populaire devrait rassurer les inquiets.

La commission est donc favorable aux amendements n°s142, 292 rectifié, 396 rectifié et 493. Elle ne peut être favorable, monsieur Lecerf, à votre amendement n°154. Il me pose problème car, honnêtement, je ne sais pas où se situent les limites du continent européen. (M. Jean Arthuis approuve)

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Depuis la révision du 1er mars 2005, notre Constitution impose l'organisation d'un référendum avant tout nouvel élargissement. Mais il est vite apparu que cette obligation était excessive. Qu'arriverait-il en cas d'adhésion échelonnée des Balkans, par exemple ?

Le texte proposé par le Gouvernement laissait le choix au Président de la République. Dans l'hypothèse où il retenait un vote du Congrès, la majorité des trois cinquièmes laissait une faculté de blocage par 40 % des parlementaires. Un nombre important de députés a cependant considéré que la matière était trop grave pour ne pas prendre l'avis du peuple français.

L'instauration d'un seuil de population a paru le meilleur moyen, c'est le consensus qui s'est dégagé autour d'un compromis : le seuil de 5 % entraînant une modification substantielle des équilibres au sein de l'Union, les Français seraient consultés sur les élargissements les plus importants.

Cet amendement a suscité des controverses. Nous sommes à l'écoute de tous. Les amendements 133, 142, 292 rectifié et 396 rectifié proposent d'en revenir au texte initial ; le Gouvernement en prend acte. Il y a donc trois possibilités : en rester au texte actuel, comme le propose le groupe CRC, retenir le seuil adopté à l'Assemblée nationale ou en revenir à l'article 89, comme le suggèrent les amendements identiques. Confiant en la capacité du Parlement à faire émerger une solution au cours de la navette, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse sur ces amendements. Il est en revanche défavorable à l'amendement n°154 qui revient à la situation antérieure...

M. Jean-René Lecerf.  - Pas exactement !

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - ...Sa formulation est stigmatisante ; elle ne conviendrait d'ailleurs pas à un pays qui, comme la France, comprend des territoires hors d'Europe. Avis défavorable aussi à l'amendement n°242 qui imposerait un référendum pour tout texte relatif à l'Union, quel qu'en soit le contenu, quelle qu'en soit l'importance.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est hors de question de stigmatiser d'une façon quelconque la Turquie, nous l'avions dit lors du vote de la révision de 2005 et nous n'avons pas changé d'avis. Mais avec le débat sur la constitution européenne et le rejet du traité de Lisbonne par l'Irlande, on a souventes fois vu les parlements accepter ce que les citoyens refusent quand on les consulte, non que ceux-ci ne souhaitent pas l'Europe mais parce qu'ils n'approuvent pas la façon dont elle se construit. Quand l'Europe vit une grave crise démocratique et traverse des difficultés économiques, ce serait envoyer un mauvais signal que d'interdire à nos concitoyens de se prononcer sur les traités.

L'amendement n°241 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°242.

M. Bruno Retailleau.  - Permettez-moi d'apporter mon soutien à M. Lecerf, qui a agi bien courageusement, et de faire entendre une voix discordante, même si je juge que le Sénat a bien travaillé sur la révision constitutionnelle. Je préfère en effet la formulation impulsée par le président Chirac il y a trois ans. Il est temps, quand nous atteignons une trentaine de pays membres, de dire quels États ont ou non vocation à entrer dans l'Union. L'Assemblée nationale a décidé d'une autre formulation, qui exprime un compromis entre ceux qui ne souhaitent pas que les Français soient trop souvent consultés et ceux qui pensent qu'on ne peut plus continuer à écarter leur consentement sur un processus d'élargissement qui se développe sans cesse.

J'ai entendu trois types de critiques contre la suppression, et d'abord que ce serait stigmatisant -« une injure » a dit M. Jouyet. La Turquie est certes un grand pays, elle est membre de l'Otan, a joué un rôle important durant la guerre froide et continue à jouer un rôle important dans les relations entre la Syrie et Israël, mais l'appartenance à l'Otan n'est pas un critère d'adhésion à l'Union. Surtout, on souhaite que le peuple ait à se prononcer : en quoi une consultation obligatoire est-elle une injure ?

Le référendum conduirait ensuite, dit-on, à une dépossession du Parlement et du Président de la République. L'article 3 de la Constitution dispose que la souveraineté appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ou par la voie du référendum. Nul ne peut se sentir dépossédé : nous ne sommes pas les propriétaires mais une voie d'expression de la souveraineté ! La Constitution de la Ve République fait coexister trois légitimités, le référendum, la représentation nationale et le Président de la République. C'est une richesse, pas une amputation !

Enfin, le verrou référendaire n'aurait pas sa place dans la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Pour tout le monde !

M. Bruno Retailleau.  - A trente États, la question des frontières devient celle du projet européen, celle du projet de la France. Nous sommes bien placés pour le savoir, avec le thon rouge comme avec les produits pétroliers ou encore avec cette directive que nous transposons la semaine prochaine et qui oblige à réformer les commissions départementales d'urbanisme commercial, l'Europe imprègne notre vie...

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Bruno Retailleau.  - Pourquoi refuser à nos concitoyens la possibilité de se prononcer et un seul homme peut-il en décider ? Pourquoi ce qui était bon il y a trois ans ne l'est-il plus aujourd'hui ?

J'aimerais voter la révision constitutionnelle, mais sans le verrou référendaire, inévitablement, plusieurs collègues et moi ne le pourrions pas.

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis.  - J'entends dire que nous supprimerions la possibilité pour le peuple français de se prononcer par référendum. Nous n'avons jamais dit cela et ce n'est ni notre intention, ni celle du Président de la République qui a annoncé qu'il soumettrait l'adhésion de la Turquie à l'ensemble des Français. Nous voulons maintenir la possibilité de choix entre le référendum et la voie parlementaire, qui peut être suffisante pour des pays comme le Kosovo ou la Serbie. Ne dites-pas que nous privons le peuple de la possibilité de s'exprimer alors que ce droit existe. (Applaudissements à droite)

M. Robert del Picchia.  - M. de Rohan vient de dire excellemment ce que je voulais répondre à M. Retailleau. Rapporteur pour la Délégation pour l'Union européenne sur le suivi de l'adhésion de la Turquie, j'y ai effectué plusieurs voyages avec le président Haenel. Nous avons pu voir l'évolution vers l'adhésion. Il ne s'agit pas ici d'un débat sur l'adhésion de la Turquie, ce n'est absolument pas la question.

Le problème ne se pose pas. Dans dix à quinze ans, on verra si la Turquie souhaite ou non adhérer à l'Union européenne, dont nous ignorons au demeurant ce qu'elle sera devenue.

Il y a trois semaines, j'ai rendu visite en délégation au président turc. Sur son bureau, se trouvait le texte adopté par l'Assemblée nationale. Il nous a dit que les députés, au lieu d'inscrire ces 5 %, auraient pu aussi bien dire qu'un référendum serait obligatoire pour tous les pays dont le nom commence par la lettre T et s'achève par la lettre E.

M. Michel Charasse.  - Comme la Tunisie.

M. Robert del Picchia.  - Certains disent qu'il faut revenir sur le vote des députés pour ne pas perturber nos relations avec la Turquie. Mais le mal est déjà fait ! Nos entreprises ne réussissent plus à obtenir de contrats en Turquie, même en s'associant avec d'autres. Pour les Turcs, ce n'est même plus de la discrimination, c'est presque une injure !

Supprimons ce critère de 5 % qui ne rime à rien.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Le président Chirac n'a jamais caché sa position à propos de la Turquie. Il a toujours dit clairement ce qu'il en pensait et il a catégoriquement refusé d'opposer son veto au processus d'adhésion.

Simplement, il a consulté l'ensemble des familles politiques. S'est alors dégagé le sentiment qu'il fallait recourir au suffrage populaire pour l'adhésion, mais le président Chirac n'a pas voulu instituer de procédure spécifique pour un pays. D'où le référendum pour tout élargissement.

Attaché à ce que tous les candidats relèvent de la même procédure, afin d'éviter toute discrimination, je voterai l'amendement présenté par la commission des affaires étrangères, bien que le dispositif introduit en 2005 me paraisse plus protecteur. L'article 3 valorise le choix du Président de la République. M. Sarkozy a dit qu'un référendum aurait lieu sur cette question s'il était à la tête de l'État lorsqu'elle se poserait. Chaque candidat à la prochaine élection présidentielle fera connaître son choix, ce qui permettra aux électeurs de se prononcer. (Applaudissements à droite)

M. Nicolas Alfonsi.  - Ces révisions constitutionnelles successives et rapprochées démontrent qu'il ne faut modifier la loi fondamentale qu'avec précaution. Nous allons supprimer une disposition qui sera demeurée virtuelle !

Je partage largement l'opinion exprimée par M. Retailleau à propos de tout élargissement. On peut y être hostile, notamment s'il s'agit de la Turquie. Lorsque le général de Gaulle a déclaré, en 1963, que la Turquie avait une vocation européenne, on est peut-être allé un peu vite en besogne lorsque on en a déduit que son adhésion était en vue, alors même que le général de Gaulle était réservé envers les Britanniques.

Pour les personnes réservées envers l'adhésion de la Turquie, la difficulté tient à ce que le crédit de la France compte autant que leurs réserves.

On peut regretter la progression insidieuse du processus d'adhésion. Nous en sommes au cinquième chapitre ou au sixième sur 33 ou 36. Mais à la fin de l'entonnoir, il faudra trancher, ce qui fera peser une énorme responsabilité sur le Président de la République. On peut douter qu'il opte pour le référendum.

Le président Hyest a évoqué le référendum populaire. C'est l'une des deux procédures référendaires envisageables.

Ne nous mettons pas dans la situation de deux promis dont l'un refuse le mariage quand le maire lui pose la question après quinze ans de fiançailles !

M. Pierre Laffitte.  - L'amendement n°395 n'a pas pu être défendu, mais le groupe du RDSE soutient la position de la commission, notamment pour les raisons exposées par M. Raffarin : tout reste possible.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - La difficulté de notre choix tient à la résonance de notre vote.

Nous voulons tous éviter la mise au pilori de la Turquie, indécente dans un texte constitutionnel. Je voterai donc l'amendement de la commission, bien que je sois hostile à cette adhésion,...

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis.  - Ce n'est pas la question.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - ...car le processus doit se dérouler normalement.

Je voterai l'amendement parce que je suis conscient du préjudice économique et financier que le texte de l'Assemblée nationale inflige à nos entreprises, donc à l'emploi et à notre balance des paiements. On met des années pour rattraper les erreurs commises en adoptant des positions excessivement tranchées.

J'observe également que l'article 3 bis créé un référendum d'initiative parlementaire, qui pourra toujours être utilisé.

Enfin, il serait absurde d'adopter une disposition discriminatoire envers un grand pays partenaire alors que le Président de la République tentera de lancer en juillet l'Union pour la Méditerranée.

Évitons tout amalgame entre l'adhésion de la Turquie et la révision constitutionnelle, car nous voulons seulement préserver les intérêts de notre pays et de la construction européenne. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Jean Arthuis.  - Je voterai le rétablissement de l'article 33 dans la rédaction initiale du Gouvernement, mais je veux formuler trois observations.

Nous ne devons modifier la Constitution qu'avec circonspection. Évitons de le faire pour régler des questions passionnelles dans des circonstances particulières. Gardons-nous de la tentation de modifier la loi fondamentale chaque année, au risque de nous contredire.

Aujourd'hui, on s'interroge sur l'entrée de la Turquie, mais ce pays est membre de l'Union douanière européenne depuis 1995. Les biens et services circulent donc librement avec la France et les autres États membres. Les délocalisations industrielles au profit de la Turquie sont apparues dès la fin des années 1990. Au sein de l'Union douanière européenne, la Turquie est le seul pays où l'on produise des téléviseurs !

Si nous voulons que le processus soit conforme à nos voeux, construisons une Europe politique ! (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre et à droite)

M. le président.  - La Turquie participe à la demi-finale de la coupe d'Europe. (Sur plusieurs bancs, on rappelle que c'est également le cas de la Russie)

A la demande de la commission des lois, l'amendement n°133, identique aux amendements n°s142, 292 rectifié, 396 rectifié et 493, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 304
Majorité absolue des suffrages exprimés 153
Pour l'adoption 297
Contre 7

Le Sénat a adopté. (Applaudissements)

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°337, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Avant l'ouverture du débat, les amendements du Gouvernement sont déposés après avis du Conseil d'État. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il faut encadrer le droit d'amendement du Gouvernement en posant le principe d'un avis obligatoire du Conseil d'État sur tout amendement déposé avant l'ouverture des débats. Parfois, des amendements nous sont proposés à quelques jours seulement d'un débat, ce qui rend leur examen difficile. J'ai souvenir que trois jours avant d'examiner les textes sur les OGM et sur la responsabilité environnementale, le Gouvernement a présenté trois amendements transposant trois directives. Il faut donc réorganiser ce droit d'amendement du Gouvernement qui n'est encore soumis à aucune vraie règle, alors que celui des parlementaires est régi par les règlements intérieurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cette obligation entraînerait une procédure très lourde. Il appartient à la commission saisie au fond d'apprécier le bien-fondé des amendements du Gouvernement. De plus, vous avez repoussé l'avis préalable du Conseil d'État sur les propositions de loi. Avis défavorable.

L'amendement n°337, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°336, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet ou une proposition de loi, de dispositions nouvelles dépourvues de tout lien avec une des dispositions du texte en discussion. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement vise les cavaliers du Gouvernement. L'objet de cette réforme est, paraît-il, de donner davantage de pouvoirs au Parlement, les règles qu'on lui applique doivent donc s'imposer aussi au Gouvernement. Or, jusqu'à présent, régnait une troublante tolérance. Le Gouvernement doit, lui aussi, respecter la règle du lien avec le texte. Nous reprenons ici la définition du « cavalier » donnée par le Conseil constitutionnel pour le Parlement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous avons supprimé le dispositif du lien direct ou indirect. La jurisprudence du Conseil constitutionnel s'applique au Gouvernement comme au Parlement. S'il y a un cavalier -et parfois, c'est Reichshoffen-, le Conseil constitutionnel donnera son avis. Il n'y a pas lieu de le mettre dans la Constitution.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Même avis, même si je n'aurais pas fait la comparaison avec Reichshoffen....

L'amendement n°336 n'est pas adopté.

L'amendement n°211 est retiré.

Article 19

L'article 45 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Après les mots : « ou, si le Gouvernement a déclaré l'urgence », sont insérés les mots : « sans que les Conférences des Présidents des deux assemblées s'y soient conjointement opposées » ;

b) Après le mot : « ministre », sont insérés les mots : « ou, pour une proposition de loi, le Président de l'assemblée dont elle émane, ».

M. le président.  - Amendement n°208, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

Les trois derniers alinéas de l'article 45 de la Constitution sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque par suite d'un désaccord entre les deux assemblées un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après trois lectures par chaque assemblée, le Gouvernement demande à l'Assemblée Nationale de statuer définitivement. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'article 19, qui modifie l'article 45 de la Constitution comporte trois dispositions. La première prévoit que, sous réserve de l'application des articles 40, relatif à l'irrecevabilité financière, et 41, relatif à l'irrecevabilité pour méconnaissance de la répartition entre compétence législative et réglementaire, « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». C'est une disposition hypocrite car elle laisse croire qu'elle accroît le droit d'amendement. Or, vous avez refusé de supprimer l'article 40 de la Constitution et l'article 15 du projet de loi a durci les conditions de recevabilité des amendements, en octroyant au président de l'assemblée saisie le droit d'opposer à un amendement l'irrecevabilité fondée sur une méconnaissance du domaine de la loi.

La deuxième disposition hypocrite de cet article concerne la possibilité pour la Conférence des Présidents des deux assemblées de s'opposer conjointement à la déclaration d'urgence. Mais si l'opposition avait un quelconque poids en Conférence des Présidents, cela se saurait. C'est évidemment la majorité qui impose sa volonté en Conférence des Présidents, et elle se pliera aux desiderata du Gouvernement s'agissant de la déclaration d'urgence.

Enfin, la dernière disposition présente le grave inconvénient de limiter le débat en séance publique -ce à quoi nous nous opposons- et donne au président la possibilité de convoquer une CMP. Or, ces commissions mixtes se caractérisent par l'absence de transparence, de pluralisme. Nous ne pouvons admettre que cette procédure antidémocratique soit étendue.

M. le président.  - Amendement n°119, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Supprimer le 1° de cet article.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission des lois s'est interrogée sur la possibilité pour tout amendement d'être recevable en première lecture, qu'il ait un lien direct ou indirect avec le texte, alors que la jurisprudence du Conseil constitutionnel dispose que l'amendement « ne doit pas être dépourvu de tout lien » avec le texte.

M. le président.  - Amendement identique n°282 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Biwer, Fauchon, Mme Férat, MM. Soulage, Deneux, Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. Nogrix, Jean-Léonce Dupont et Dubois.

M. Pierre Fauchon.  - Il vient d'être défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°402, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous venons de parler de la recevabilité des amendements lorsque nous avons débattu de l'article 15 qui crée une nouvelle possibilité d'opposer l'irrecevabilité des amendements. Certes, les arguments contre cet article sont venus de tous les bancs. Mais si l'opposition à l'article 15 a été consensuelle, les raisons de cette opposition n'ont pas le même fondement. Le rapporteur préférait renvoyer le Gouvernement à ses responsabilités et considérait que c'était à lui d'assurer le respect de sa compétence réglementaire. Nous y voyions plutôt une nouvelle et grave remise en cause du droit d'amendement et c'est pourquoi nous avions souhaité aller plus loin et abroger l'article 41 de la Constitution afin de supprimer toute possibilité pour le Gouvernement d'opposer l'irrecevabilité à un amendement qui empiéterait sur le domaine réglementaire, faculté que nous jugions totalement arbitraire.

L'article 15 a été supprimé. Quant à l'article 19, nous redoutons les effets pervers et proposons la suppression comme la commission.

M. le président.  - Amendement n°475, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rédiger comme suit le second alinéa du 1° de cet article :

« Tout amendement est recevable dès lorsqu'il présente un lien avec le texte déposé ou transmis. »

M. Thierry Repentin.  - Le droit d'amendement doit s'exercer pleinement à chaque lecture, avec une exigence de clarté et de sincérité. L'amendement ne doit pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte en discussion. C'est tout !

L'article 45-1 stipule bien que toute adjonction ou modification après la première lecture doit être en relation directe avec les dispositions restant en discussion. Mais la jurisprudence dite de l'entonnoir, qui n'autorise que les amendements en relation directe avec les dispositions restant en discussion, a conduit à une restriction du droit d'amendement. Il convient de rejeter cette jurisprudence et d'aménager les modalités d'exercice de ce droit. La rédaction du nouvel article 44 le rend aléatoire. C'est pourquoi nous voulons ici réaffirmer ce droit, qui est la prérogative par excellence des parlementaires. En particulier, un amendement traitant d'un point qui n'a pas été abordé lors des précédentes lectures doit être soumis à la discussion.

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par MM. Virapoullé et Lecerf.

Dans le second alinéa du 1° de cet article, après les mots :

de l'application des articles

insérer la référence :

34,

M. Jean-René Lecerf.  - Coordination. Nous entendons éviter toute ambiguïté : l'étendue du droit d'amendement est conditionnée également par la définition du domaine des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, par les lois organiques qui y sont relatives, et ce en application de l'article 34 de la Constitution.

M. le président.  - Amendement n°359, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Après les mots :

dès lors qu'il

rédiger comme suit la fin du second alinéa du 1° de cet article :

n'est pas dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé ou transmis. » ;

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - C'est à présent le tour des cavaliers parlementaires ! Le rapporteur à l'Assemblée nationale a « allégé » les conditions de recevabilité, mais il faut envisager la réforme dans son ensemble et elle porte de bien mauvais coups au droit d'amendement : loi organique qui aménagera l'exercice de ce droit selon des conditions et critères que nous ignorons encore ; maintien de l'article 40 ; possibilité offerte désormais aux présidents des assemblées de prononcer l'opposabilité sur le fondement de l'article 41.

Le cadeau est donc empoisonné : d'une possibilité ouverte, on en arrive à une constitutionnalisation de l'irrecevabilité. Le Conseil constitutionnel, au moins, a eu la franchise d'une formulation négative !

M. le président.  - Amendement n°476, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le a) du 2° de cet article.

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Nous ne sommes pas favorables à l'urgence. Certes, la procédure peut avoir son utilité. Mais elle est employée pour régler l'ordre du jour plus que par une nécessité propre au texte. Seules 20 % des lois adoptées en urgence entre 2002 et 2007 sont devenues immédiatement applicables, contre 46 % pour les autres !

Nous sommes hostiles à cette nouvelle disposition constitutionnelle car nous pensons que la procédure doit aller à son terme. Nous vantons les mérites du bicamérisme, c'est-à-dire de la navette, c'est-à-dire de la réunion d'une CMP. Et lorsque la procédure d'urgence est nécessaire, ce doit être selon des modalités bien définies... et justes ! Actuellement, les deux assemblées sont de même couleur politique, il n'y a donc aucune difficulté pour que les Conférences des Présidents établissent conjointement la nécessité de l'urgence ; mais sous un gouvernement de gauche et une majorité de gauche à l'Assemblée nationale, la disposition ne sera pas applicable, en raison du refus de la Conférence des Présidents du Sénat. Il y a là une véritable discrimination au plan de l'application pratique.

M. le président.  - Amendement n°120, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Dans le a) du 2° de cet article, remplacer les mots :

déclaré l'urgence

par les mots :

décidé la procédure accélérée

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Amendement de coordination.

M. le président.  - Amendement n°209, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après les mots :

sans que

rédiger comme suit la fin du a du 2° de cet article :

la Conférence des Présidents d'une assemblée ou un groupe parlementaire s'y soient opposés » ;

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Sous les gouvernements Raffarin et Villepin, l'urgence a été déclarée 52 fois. Or les textes concernés sont en moyenne entrés en vigueur moins rapidement que les autres ! Il y a urgence à examiner, mais pas urgence à appliquer... ce qui montre bien que la procédure répond à des considérations politiciennes.

La possibilité pour les Conférences des Présidents de s'opposer à l'urgence sera en pratique inopérante : M. Peyronnet a bien montré que la disposition offre en réalité un droit de veto au Sénat à l'encontre des majorités gouvernementales de gauche.

M. le président.  - Amendement n°210, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après les mots :

sans que

rédiger comme suit la fin du a du 2° de cet article :

les présidents de groupe parlementaire des deux assemblées s'y soient opposés en Conférence des Présidents » ;

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Même chose. Les groupes parlementaires aussi doivent pouvoir s'opposer à une déclaration d'urgence qui ne repose pas sur des critères consensuels.

M. le président.  - Amendement n°121, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Après les mots :

proposition de loi,

rédiger comme suit la fin du b du 2° de cet article :

les présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'Assemblée nationale pourrait convoquer une CMP sur une proposition de loi dans les mêmes conditions que le Premier ministre actuellement. Cela présente quelque inconvénient pour le Sénat : en cas d'échec de la CMP, le Gouvernement pourrait demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement. Mieux vaut une initiative conjointe des deux présidents.

M. le président.  - Amendement n°326, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Compléter le 2° de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le Gouvernement ne peut décider la procédure accélérée sur un texte si, devant l'une ou l'autre des assemblées, est examiné un texte pour lequel celle-ci a été décidée. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous voulons éviter d'enchaîner les textes en urgence comme nous le faisons depuis quelques mois.

M. le président.  - Amendement n°330 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La réunion d'une commission mixte paritaire ne peut intervenir si un projet ou une proposition de loi a été rejeté devant l'Assemblée nationale par l'adoption d'une motion de procédure conformément au règlement de cette assemblée. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La procédure parlementaire comporte une faille, apparue clairement lors du vote du projet de loi relatif aux OGM à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement a la faculté de convoquer une CMP après deux lectures, si un désaccord subsiste entre les deux assemblées. Le 13 mai dernier, l'Assemblée a rejeté le projet sur les OGM en adoptant une motion de procédure ; le règlement de la chambre prévoit qu'alors, le texte tombe. Il n'y a pas eu deux lectures chez les députés. Et pourtant le Gouvernement a convoqué une CMP pour entériner le projet de loi ! Cette manoeuvre visait à court-circuiter le débat et faire adopter ce que les députés de la majorité, par leur brillante et courageuse absence, avaient fait rejeter.

M. le président.  - Amendement n°478, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Le texte élaboré par la commission mixte est soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux assemblées. Aucun amendement n'est recevable. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous attachons une importance particulière à cet amendement, car notre Constitution comporte une singularité : aucun amendement parlementaire n'est recevable lors de l'examen du texte issu de la commission mixte paritaire. Seul le Gouvernement peut le modifier. C'est aberrant, car l'accord obtenu en commission mixte émane des représentants des deux assemblées, ce qui donne au texte une forte légitimité.

En outre, à ce stade, le vote est bloqué : soit on accepte le texte dans son ensemble, soit on le rejette. Le Parlement est privé de toute marge d'appréciation.

Nous proposons donc qu'aucun amendement, pas même émanant du Gouvernement, ne soit accepté sur le texte de la commission mixte paritaire.

M. le président.  - Amendement n°477, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement ne peut pas déclarer l'urgence plus de cinq fois par session ordinaire. »

M. Bernard Frimat.  - Nous souhaitons limiter le recours à la procédure accélérée. D'après nos observations, il n'y a que cinq textes par session qui méritent vraiment d'être examinées en urgence.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Bernard Frimat.  - M. Collombat n'a pas souhaité prendre part au vote sur l'article 33. C'est par mégarde que son carton a été glissé dans l'urne.

M. le président.  - Je vous en donne acte.

Discussion des articles (Suite)

Article 19 (Suite)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°208 : cette disposition supprimerait la possibilité de recourir à la procédure accélérée.

Les amendements n°s282 rectifié et 402 sont satisfaits par l'amendement identique n°119 de la commission.

La rédaction de l'amendement n°475 est moins favorable que celle adoptée par l'Assemblée nationale, et la commission souhaite s'en tenir à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. La règle de l'entonnoir est indispensable et nous ne souhaitons pas la supprimer. Avis défavorable.

La référence à l'article 34 que l'amendement n°62 souhaite ajouter n'est pas nécessaire ; en outre, cette précision devient sans objet si l'amendement de la commission est adopté.

Avis défavorable à l'amendement n°359 : si la commission partage sur le fond la position exposée, il n'est pas utile d'ajouter cette précision dans la Constitution car la jurisprudence du Conseil constitutionnel est bien établie.

Avis défavorable à l'amendement n°475 : si la possibilité pour les Conférences des Présidents des deux assemblées de s'opposer à la déclaration d'urgence n'a pas une portée considérable, il est utile de la conserver car elle accorde au Parlement une faculté d'initiative supplémentaire.

Contrairement à l'intention de ses auteurs, exprimée dans l'objet, l'amendement n°209 donnerait au Sénat un droit de veto. En outre, accorder cette faculté à un groupe parlementaire empêcherait tout recours à cette procédure. Avis défavorable ainsi que, pour la même raison, à l'amendement n°210.

Avis défavorable à l'amendement n°326 : il faut laisser de la souplesse dans la décision de mettre en oeuvre la procédure accélérée. En outre, la commission a prévu, dans l'amendement n°115, que les délais minimaux prévus à l'article 42 s'appliquent dans ce cas.

Avis défavorable à l'amendement n°330 rectifié, qui aurait pour conséquence d'empêcher la réunion d'une commission mixte paritaire en cas de désaccord entre les deux assemblées. Dans la pratique, cela reviendrait à accorder au Sénat un droit de veto quand la majorité est différente dans les deux assemblées. Peut-être est-ce l'intention des auteurs de l'amendement ? Quelle horreur ! (Sourires)

Avis défavorable à l'amendement n°478 : le droit d'amendement accordé au seul Gouvernement est une contrepartie de l'absence de celui-ci en commission mixte paritaire. Et le Conseil constitutionnel veille... De plus, l'assemblée saisie peut refuser l'amendement du Gouvernement.

L'amendement n°477 propose de limiter numériquement le recours à la procédure accélérée. Cette disposition serait trop rigide, mais il faut encourager le Gouvernement à faire un usage modéré de cette procédure. Les amendements de la commission à l'article 16 imposent le respect des délais minimaux prévus par l'article 42 de la Constitution. Retrait ou avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Avis défavorable à l'amendement n°208 : la suppression de la commission mixte paritaire, qui vise la conciliation et non l'opacité, n'est pas souhaitable dans le cadre du bicamérisme. De même, il est d'autant moins justifié de supprimer la procédure accélérée que les Conférences des Présidents pourront désormais s'y opposer.

Sagesse pour les amendements identiques nos119, 282 et 402. Nous comprenons la crainte que la rédaction proposée aboutisse à une réduction du droit d'amendement ou, au contraire, à une ouverture excessive, mais nous la considérons comme infondée. La précision apportée par le texte consolide la pratique actuelle, en l'ouvrant même un peu plus : c'est un message que le constituant adresse au Conseil constitutionnel.

Avis défavorable à l'amendement n°475 : il propose de mettre fin à la jurisprudence de l'entonnoir qui permet d'organiser correctement les débats.

Avis défavorable à l'amendement n°62 : on ne peut mettre sur le même plan la référence à l'article 34, qui précise le champ d'application de la loi, et les articles 40 et 41, qui indiquent les règles s'appliquant à l'irrecevabilité des amendements.

Avis défavorable à l'amendement n°359, sous réserve de l'avis de sagesse donné aux amendements nos119, 282 et 402, ainsi qu'à l'amendement n°476.

Avis favorable à l'amendement n°120.

Avis défavorable aux amendements nos209 et 210 : le Gouvernement a choisi de donner le droit de veto conjointement aux Conférences des Présidents des deux assemblées.

Avis favorable à l'amendement n°121, qui donne conjointement aux présidents des deux assemblées la possibilité de réunir une commission mixte paritaire pour une proposition de loi.

Avis défavorable à l'amendement n°326, qui encadre le recours à la procédure accélérée.

Avis défavorable à l'amendement n°330 rectifié, qui empêche la réunion d'une commission mixte paritaire si un texte a été rejeté devant l'Assemblée nationale par une motion de procédure.

Avis défavorable à l'amendement n°478 : le Gouvernement tient à faire valoir son point de vue sur un texte examiné en commission mixte paritaire, donc, par définition, hors de sa présence.

Avis défavorable à l'amendement n°477 : l'urgence correspond le plus souvent à des circonstances imprévues. Le Gouvernement ne peut quantifier à l'avance le nombre de fois où il lui faudra recourir à cette procédure.

L'amendement n°208 n'est pas adopté.

L'amendement n°119 est adopté.

L'amendement n°475 devient sans objet, ainsi que les amendements n°s62 et 359.

L'amendement n°476 n'est pas adopté.

L'amendement n°120 est adopté.

L'amendement n°209 n'est pas adopté, non plus que le n°210.

L'amendement n°121 est adopté.

L'amendement n°326 n'est pas adopté, non plus que le n°330 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je tiens à défendre notre amendement n°478. Je me rappelle que, le 30 juillet 2004, nous débattions du texte adopté en commission mixte paritaire pour une loi de santé publique. Sénateurs et députés étaient tombés d'accord pour prévoir le versement d'une taxe de 5 % sur les publicités télévisées vantant les produits sucrés. Et voilà que le ministre de la santé présente un amendement ramenant cette taxe à 1,5 %, à la grande satisfaction, peut-on supposer, d'un certain nombre d'entités concernées. Du fait du vote bloqué, la majorité a donc dû voter à contrecoeur cet amendement gouvernemental dont elle ne voulait pas ! Et ce n'était pas sur un détail technique ou un aménagement rédactionnel, c'était sur un acte politique lourd.

M. Bernard Frimat.  - Voilà qui est convaincant.

M. Thierry Repentin.  - En matière d'amendement, il y a deux poids et deux mesures, puisque le Gouvernement peut, à tout moment, y compris au tout dernier, déposer des amendements.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Évidemment !

M. Thierry Repentin.  - M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État nous parlent d'une « jurisprudence constante du Conseil constitutionnel », mais elle n'a que deux ans, cette jurisprudence de l'entonnoir !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'était appliqué avant.

M. Thierry Repentin.  - Sans doute la commission des lois se consacre-t-elle à de grands textes et à de grands principes, mais nous autres sommes confrontés au concret. Je pense à trois textes -la loi sur le développement des territoires ruraux, la loi sur la cohésion sociale et l'engagement national pour le logement- à l'occasion desquels s'est produit le même phénomène : en réponse à des amendements, le ministre s'est engagé à approfondir la réflexion durant la navette et à accepter des amendements en deuxième lecture. La réflexion collective a progressé.

La disposition que vous voulez faire adopter ne gênera pas les hommes politiques de premier plan, ceux que l'on voit régulièrement à la télévision et qui s'exprimeront sur la Turquie, les langues régionales ou le droit de vote des étrangers ; mais pour les autres, les obscurs, les sans grade qui effectuent un travail approfondi sur des sujets précis et concrets, elle représente un net recul, auquel je ne pourrai pas ne pas penser quand il s'agira d'aller à Versailles.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Personne ne remet en cause la deuxième lecture ! L'entonnoir doit seulement servir contre ces amendements que d'aucuns représentent en deuxième lecture alors qu'ils ont été repoussés lors de la première. Rien n'interdit de présenter des amendements comme ceux dont vient de parler M. Repentin.

Ne vous y trompez pas, la commission des lois examine aussi des textes très concrets, comme les durées de prescription.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Même s'il ne représente à nos yeux qu'un repli, cet amendement n°478 est tout à fait justifié.

M. Jean-René Lecerf.  - Il ne faudrait pas que l'entonnoir devienne une mini-urgence nous empêchant de délibérer en deuxième lecture sur certains amendements. Alors que j'étais rapporteur du projet de loi sur la prévention de la délinquance, j'ai dû constater que, de manière assez inexplicable, le Conseil constitutionnel retoquait un amendement de deuxième lecture au nom de la doctrine de l'entonnoir et en acceptait un autre. Ce caractère aléatoire de la jurisprudence est assez irritant. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur certains bancs du centre et de la droite)

L'amendement n°478 n'est pas adopté, non plus que le n°477.

L'article19, modifié, est adopté.

Article 20

Le deuxième alinéa de l'article 46 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Le projet ou la proposition ne peut, en première lecture, être soumis à la délibération et au vote des assemblées qu'à l'expiration des délais fixés au troisième alinéa de l'article 42. Toutefois, si la procédure accélérée a été déclarée dans les conditions prévues à l'article 45, le projet ou la proposition peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie à l'expiration d'un délai de quinze jours après son dépôt. »

M. le président.  - Amendement n°212, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

I. - Supprimer la seconde phrase du second alinéa de cet article.

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le troisième alinéa de l'article 46 de la Constitution est supprimé.

Mme Éliane Assassi.  - Nous sommes contre la procédure accélérée, a fortiori dans le cas des lois organiques, comme nous sommes contre les CMP pour ces lois. Le poids de l'exécutif est excessif : c'est le Premier ministre qui décide aussi bien de convoquer une commission mixte paritaire que de recourir à la procédure accélérée.

La réforme constitutionnelle était censée accroître les pouvoirs du Parlement, c'est l'inverse avec le texte proposé ici par le gouvernement. Nous supprimons l'urgence et la CMP pour les lois organiques.

M. le président.  - Amendement n°122 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa de cet article :

Toutefois, s'il répond à une situation urgente, le projet ou la proposition ne peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l'expiration d'un délai de quinze jours après son dépôt.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous appliquons aux lois organiques les mêmes délais que ceux des lois ordinaires et nous prévoyons un délai minimal de quinze jours entre le dépôt et l'examen par la première assemblée saisie lorsque le projet de loi ou la proposition de loi organiques répond à une situation d'urgence.

L'amendement n°25 rectifié est retiré.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Retrait, sinon rejet de l'amendement n°212 : la procédure accélérée peut être utile dans les cas d'urgence.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Défavorable à l'amendement n°212. Favorable à l'amendement n°122 rectifié.

L'amendement n°212 n'est pas adopté.

L'amendement n°122 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°213, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'avant-dernier alinéa de l'article 46 de la Constitution est supprimé.

Mme Éliane Assassi.  - Nous supprimons le droit de veto du Sénat sur les lois organiques le concernant, non seulement parce que la faible représentativité démocratique du Sénat rend peu légitime un tel droit, mais aussi parce qu'une interprétation large est faite des règles relatives au Sénat. Le dernier mot doit revenir aux députés, élus au suffrage universel direct.

M. le président.  - Amendement identique n°479, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Bernard Frimat.  - La notion de règle relative au Sénat est interprétée largement, effectivement, et finit par englober toutes les règles relatives aux parlementaires, par exemple sur le cumul des mandats. Actuellement, un élu peut encore cumuler trois mandats, pour autant qu'il soit maire d'une commune de moins de 3 500 habitants.

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis.  - Certains sont assis près de vous !

M. Bernard Frimat.  - Ce n'est pas le problème ! Monsieur de Rohan, vous avez toujours voté contre la limitation du cumul des mandats, et cette limitation s'est toujours faite contre vous. Il n'y a encore pas si longtemps, avant la limitation des cumuls, cela ne vous choquait en rien qu'un seul élu puisse être à la fois parlementaire européen, président de conseil régional, président de conseil général, sénateur et maire ! Aujourd'hui, vous vous servez du veto pour bloquer toute évolution. Ce veto est de plus en plus insupportable à nos concitoyens, à mesure que grandit le décalage entre la réalité du suffrage universel au niveau des collectivités locales et la faible représentativité du Sénat. Nous supprimons le veto !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis très défavorable. Aucune des deux assemblées ne doit régir l'autre ; les députés ont le dernier mot sur les lois organiques les concernant, il est normal que nous l'ayons sur celles qui nous concernent : c'est notre plus sûr moyen de protéger le bicamérisme ! (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit ; approbations à droite)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Les deux assemblées sont indépendantes l'une de l'autre, aucune ne peut s'imposer à l'autre.

Les amendements identiques n°s213 et 479 ne sont pas adoptés.

L'article 20, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°214, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le premier alinéa de l'article 47 de la Constitution, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le Parlement conduit la politique économique et sociale du pays. Il décide de la politique budgétaire. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Vous défendez un système qui n'est pas le nôtre : avis défavorable.

L'amendement n°214, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°50 rectifié, présenté par MM. Cointat, Duvernois, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann.

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le cinquième alinéa de l'article 47 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Tout acte, quelle qu'en soit la nature, ayant pour objet ou pour effet de rendre des crédits prévus par les lois de finances indisponibles, est subordonné à l'avis des commissions compétentes de chaque Assemblée. »

M. Christian Cointat.  - Chaque automne, le Parlement passe de nombreux jours et de nombreuses nuits à voter le budget et il est frustrant, chaque année, de voir que le Gouvernement, conseillé par quelques hauts fonctionnaires, gèle ensuite telle ou telle part de crédits, d'un trait de plume. En devenant parlementaire, je croyais que le budget représentait un arbitrage politique du Gouvernement et que le vote exprimait une adhésion de la majorité au Gouvernement. Mais à quoi servons-nous ? Monsieur le ministre, ou bien le vote est un acte politique de soutien au Gouvernement, ou bien c'est un acte comptable. Mais le moins que le Gouvernement puisse faire, c'est de venir devant les commissions des finances et leur présenter pour avis tout projet de gel budgétaire. Le Parlement a droit à un minimum de considération !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Les excès des mesures de régulation ont été dénoncés par la Cour des comptes. Mais la Lolf, à l'article 14, a prévu une information du Parlement sur les mesures de régulation budgétaire ; c'est là sa place plus que dans la Constitution. Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - La Lolf prévoit effectivement une information préalable. Mais cet amendement modifie sensiblement la répartition des compétences entre le Parlement et le Gouvernement. Avis défavorable.

M. Michel Charasse.  - En matière de lois de finances, sous le régime de 1958, c'est l'équilibre qui doit être impérativement respecté. La dépense est autorisée, elle n'est pas imposée. Si l'on considère qu'elle doit être exécutée, l'équilibre peut être compromis. En l'état actuel de nos finances publiques, il ne me paraît pas de notre intérêt d'ouvrir pareille brèche. J'ajoute, parce que j'ai le plus grand respect pour les compétences de M. Cointat, que je m'étonne de le voir proposer de modifier par la Constitution un article de la loi organique. (M. le rapporteur approuve)

M. Christian Cointat.  - Je ne me faisais pas d'illusion sur le destin de cet amendement, mais comprenez que j'ai été saisi d'un accès de mauvaise humeur budgétaire : reconnait-on, oui ou non, la valeur du travail du Parlement ? Je suis d'accord avec M. Charasse, l'objectif d'équilibre est premier. Mais je vous rappelle qu'il est de grandes démocraties où le budget est exécutoire. Quand on voit geler, en janvier ou février, 20 % des crédits, qui bien souvent sont ensuite débloqués en novembre, on se demande comment les politiques peuvent être menées. Si le Gouvernement prenait au moins l'avis des commissions compétentes, peut-être cela l'inclinerait-il à la sagesse.

L'amendement n°50 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°379 rectifié, présenté par MM. Lambert, du Luart et Marini.

Avant l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le cinquième alinéa de l'article 47 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Au début de la discussion générale en première lecture devant chaque assemblée, le ministre chargé du budget et le chef de l'administration en charge de la préparation du projet de loi de finances prêtent serment du respect par le projet de loi de finances du principe de sincérité. »

M. Michel Charasse.  - M. Lambert, ne pouvant assister à nos débats, m'avait demandé de cosigner ses amendements, afin qu'ils puissent être défendus.

Celui-ci vise à « obliger l'État à respecter sa parole », comme le préconise le Président de la République dans son ouvrage Témoignage publié en juillet 2006. Il est nécessaire que les principaux responsables, politique et administratif, s'engagent à ce que tout ait été accompli pour garantir la sincérité du projet de loi de finances, au sens de la loi organique relative aux lois de finances, laquelle s'apprécie « en fonction des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Ces responsables ne peuvent s'engager que sur le projet mais pas sur la loi dont le contenu dépend de la discussion parlementaire. Il va toutefois de soi que la sincérité doit également être respectée dans l'attitude du Gouvernement au long du débat budgétaire. Moyennant quoi M. Lambert prévoit une prestation de serment. (Rires à gauche ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe)

M. Thierry Repentin.  - Sur la Constitution ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est extrêmement sensible à cette volonté de revenir à un épisode fondateur de notre histoire parlementaire (rires), mais je ne suis pas sûr que celui qu'il nous propose ait une portée historique aussi forte. Et pourquoi seuls le ministre du budget et le directeur de son administration devraient-ils assumer la responsabilité d'un acte collégial ? C'est pourquoi je préfèrerais voir retirer cet amendement.

M. Michel Charasse.  - Je rappelle que l'auteur du budget est le Premier ministre. Pour cette raison, il me semble préférable de retirer l'amendement.

L'amendement n°379 rectifié est retiré.

Article 21

I. - Le dernier alinéa des articles 47 et 47-1 de la Constitution est supprimé.

II. - Après l'article 47-1 de la Constitution, il est inséré un article 47-2 ainsi rédigé :

« Art. 47-2. - La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l'information des citoyens. »

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme Nathalie Goulet, MM. Fortassin et André Boyer.

I.- Rédiger comme suit le début de la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour l'article 47-2 de la Constitution :

Dans les conditions prévues par les lois organiques et les lois et règlements, la Cour des comptes, juridiction indépendante, assiste...

II.- Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article 47-2 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :

« La Cour des comptes ne peut porter, dans ses actes, aucune appréciation d'opportunité sur les politiques publiques et les comptes qui lui sont soumis. »

M. Michel Charasse. - Comme cet article, ajouté par l'Assemblée nationale, concerne la Cour des comptes, il me semble opportun de rappeler ici qu'il s'agit d'une juridiction indépendante, ainsi que le Conseil constitutionnel, dans sa décision relative à la dernière loi organique relative aux lois de finances, a jugé utile de le rappeler, après que nous nous étions arrogés le droit d'arrêter ses travaux. Le deuxième alinéa de l'amendement, auquel je tiens tout particulièrement, précise que la Cour ne peut porter d'appréciation en opportunité. (M. Jean-Patrick Courtois approuve)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Retrait. L'indépendance de la Cour des comptes est déjà reconnue par le Conseil constitutionnel. Il n'est pas nécessaire de rappeler dans la Constitution ce qui relève d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

La question de l'appréciation en opportunité est un vieux débat. Mais les observations de la Cour des comptes, si elles n'engagent pas le législateur, sont en revanche une source d'inspiration dont il serait regrettable de se passer. Défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - La définition des missions de la Cour des comptes du nouvel article 47-2 me paraît suffisante. Inutile d'introduire dans la Constitution ce qui relève de la loi organique et du code des juridictions financières. D'autant que, comme vous le mentionnez, le juge constitutionnel a déjà indiqué que la Cour des comptes est une juridiction indépendante.

Quant à l'appréciation que peut porter la haute juridiction, elle ne s'apparente pas à un simple exercice comptable et suppose une grande liberté d'analyse.

M. Michel Charasse.  - Je renonce au premier alinéa de mon amendement, mais sur une question qui touche à la répartition des pouvoirs, je serai inflexible. Nous nous sommes trop battus, ici même, sur le rapport de notre ancien collègue Oudin, pour que les chambres régionales des comptes cessent de s'immiscer dans les politiques locales pour accepter que la Cour des comptes fasse de même.

M. le président.  - Ce sera donc l'amendement n°26 rectifié ter.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°26 rectifié ter, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°303 rectifié, présenté par MM. Arthuis, Marini, Badré, de Montesquiou, Gaillard, Bourdin, Mme Keller, MM. Dallier, Dassault, Doligé, Ferrand, Girod, Christian Gaudin, Gouteyron, Jégou, Lambert, Longuet et Guené.

Avant la dernière phrase du texte proposé par le II de cet article pour l'article 47-2 de la Constitution, insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle exprime son opinion sur la sincérité des comptes de l'État et de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis.  - La reddition des comptes est une exigence fondamentale de la vie démocratique depuis la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances a mis en place un régime de certification des comptes. Cette démarche révolutionnaire conditionne la valeur de l'autorisation budgétaire et la bonne information du citoyen. Nous lui donnons un fondement dans la Constitution en y introduisant la notion essentielle de sincérité des comptes. Certains évoquent la règle d'or consistant à prohiber le déficit de fonctionnement. Encore faut-il que les comptes soient sincères.

M. le président.  - Amendement identique n°480, présenté par M. Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Nicole Bricq.  - Depuis deux ans, la Cour des comptes certifie les comptes de l'État, en émettant des réserves qu'elle peut lever selon les réponses que lui apporte le Gouvernement.

L'introduction du principe de sincérité est essentielle dès lors que le vote de la loi de règlement est amené à prendre de plus en plus d'importance. Examinant les comptes de 2006 et 2007, la Cour des comptes a estimé que « l'amélioration de la situation budgétaire n'est qu'apparente ; en réalité, les principaux équilibres se sont dégradés ». Nous avions raison en dénonçant l'insincérité des comptes dans la loi de finances initiale.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cet amendement m'a laissé perplexe. La Cour certifie les comptes...

Mme Nicole Bricq.  - Avec des réserves !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On ne lui demande pas une opinion, mais une affirmation. Avec modestie, je demande l'avis du Gouvernement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement comprend la philosophie des deux amendements. Le Conseil constitutionnel a déjà consacré le principe de sincérité. Est-il utile de le mettre noir sur blanc dans la Constitution ? Le Gouvernement n'est pas nécessairement défavorable à l'idée. Sagesse.

Les amendements identiques n°s303 rectifié et 480 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°217, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi la dernière phrase du texte proposé par cet article pour l'article 47-2 de la Constitution :

Elle assiste le Parlement dans sa mission d'évaluation des politiques publiques.

M. Bernard Vera.  - L'évaluation des politiques publiques par la Cour des comptes doit s'exercer prioritairement au service du Parlement. L'évaluation se fait aujourd'hui au travers d'indicateurs de performance dont la pertinence est sujette à caution et la Lolf n'a pas réglé la question, bien au contraire, ainsi que le montrent les changements de périmètres des politiques ministérielles. Il faut donc confier au Parlement l'évaluation des choix budgétaires.

M. le président.  - Amendement n°215, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 47-2 de la Constitution par les mots :

et au contrôle de l'utilisation des fonds publics par les entreprises publiques et privées

M. Bernard Vera.  - Le Parlement et la Cour des comptes contrôleront l'utilisation des fonds publics par les entreprises privées.

M. le président.  - Amendement n°216, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 47-2 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Les groupes parlementaires peuvent saisir la Cour des comptes.

M. Bernard Vera.  - Fidèles à notre philosophie, nous étendons le droit de saisine de la Cour des comptes aux groupes parlementaires constitués. L'expérience garantit a priori la qualité de ses observations et des documents qu'elle sera appelée à publier : son expertise alimentera les débats parlementaires.

M. le président.  - Amendement n°144 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, Dominati, Beaumont, Adnot, Béteille, Retailleau, Darniche et Mme Desmarescaux.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...- Après l'article 47-1 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Le Parlement est doté d'un office parlementaire d'évaluation et de contrôle des politiques publiques. Une loi fixe les modalités de son fonctionnement. »

M. Laurent Béteille.  - Il est nécessaire de renforcer les pouvoirs du Parlement en matière d'évaluation et de contrôle des politiques publiques. Je pourrais me référer au Président de la République ou à différents groupes de travail, tel que celui qu'animaient MM. Fabius et Migaud. Nous proposons une organisation différente : outre la Cour des comptes, le Parlement doit pouvoir aussi recourir aux organismes publics de contrôle, voire aux cabinets privés, d'où la proposition de créer un office parlementaire. Nous respectons ainsi la séparation des pouvoirs qui interdit de mettre la Cour des comptes sous le contrôle direct du Parlement. Resterons-nous l'un des seuls Parlements occidentaux à ne pas disposer d'un tel organisme ?

 M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'amendement n°215 élargit considérablement les compétences de la Cour des Comptes : elle contrôle les concours financiers de l'État, mais faut-il vérifier tous les comptes des entreprises ? Avis défavorable.

L'amendement n°217 est satisfait par le premier alinéa de l'article, sauf à interdire à la Cour des comptes d'assister le Gouvernement. Avis défavorable, ainsi qu'à l'amendement n°216 à la formulation imprécise et qui provoquerait une instrumentalisation peu souhaitable.

L'amendement n°144 rectifié bis me plaît beaucoup. En 1996, à la suite de la grande réforme qui allait améliorer les méthodes de travail du Parlement grâce à la session unique, nous avions créé un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

M. le président.  - Que l'on n'a pas eu le courage de supprimer, si bien que le président de la commission des finances a gardé le dossier sous le coude durant deux ans et que les médias évoquaient un désaccord... On l'a créé quand même et cela a été impraticable.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous évaluons les politiques publiques et l'avons écrit dans la Constitution. Il y faut des outils adaptés. Le concours de la Cour des comptes est extrêmement précieux, mais rien n'interdit de faire appel à d'autres. Pourquoi pas à des cabinets privés ? L'expérience faite en 1996 n'a pas abouti. Il doit y avoir des raisons. C'est qu'à l'exception de celui d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, il est extrêmement compliqué de faire vivre un office entre les deux Assemblées. Nous l'avons vu avec l'office d'évaluation des lois. Cela n'empêche pas de réfléchir à des solutions adaptées.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Avis défavorable à l'amendement n°215 : cela figure déjà dans le code des juridictions financières, la Cour des comptes contrôle les concours financiers de l'État. L'amendement n°216 ne relève pas de la Constitution ; les groupes politiques forment-ils le niveau le plus pertinent pour saisir la Cour ? S'agissant de l'amendement n°217, on ne peut empêcher la Cour des comptes d'assister aussi le Gouvernement.

Le Gouvernement comprend parfaitement la philosophie de l'amendement n°144 rectifié bis. Le Parlement concourt à l'évaluation des politiques publiques et la Cour des comptes, dont l'efficacité n'est plus à prouver, l'assiste. Le projet renforce la fonction d'audit du Parlement. Il semble que chaque chambre a surtout besoin d'un comité interne pour coordonner tous les contrôles effectués en son sein et à l'extérieur. La création d'un office parlementaire relève de la loi et celui, commun aux deux assemblées, qui a été créé en 1996, n'a pas connu un succès exemplaire. Retrait ?

L'amendement n°215 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s216 et 217.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - En commission, nous nous prononçons sur des sommes considérables que je ne peux vérifier. En comparaison, les parlementaires allemands ou américains ont à leur disposition les moyens d'expertise autrement plus étoffés.

La Cour des Comptes est une institution judiciaire. Au Parlement, seuls les membres de la commission des finances peuvent procéder à des inspections sur pièces et sur place. Je pouvais tout examiner parmi les établissements de l'éducation nationale lorsque j'étais inspecteur général mais, comme parlementaire, je peux tout juste poser quelques questions à un ambassadeur. C'est dire notre impuissance.

L'enjeu de cet amendement, c'est le travail parlementaire. Pourquoi ne pas regrouper les inspections ministérielles en un office parlementaire ?

Cet amendement est l'un des plus importants pour la démocratie ! Il permet de vérifier les dépenses.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'éventuelle création d'un office n'est pas un sujet constitutionnel. Au demeurant, on a déjà essayé. Il est mort de sa belle mort...

Ne mélangeons pas évaluation et contrôle. Les pouvoirs de la commission des finances sont spécifiques. On pourrait les étendre aux rapporteurs pour avis des autres commissions, mais avec une certaine prudence.

Si le Parlement souhaite qu'un cabinet d'audit réalise une expertise, rien ne l'interdit. Après tout, le Gouvernement s'est adressé à un grand cabinet spécialisé international pour préparer le projet de loi de modernisation de l'économie.

Avec cette révision constitutionnelle, le Parlement votera la loi, en mesurera les effets, contrôlera l'action du Gouvernement et évaluera les politiques publiques. Les principes relèvent de la Constitution, pas les moyens. Respectons la hiérarchie des normes. Je demande le retrait de l'amendement.

M. Jean Arthuis.  - Cette question est de première importance, puisque dorénavant le contrôle et l'évaluation formeront ensemble la seconde nature du Parlement.

La Cour des comptes est un organe juridictionnel qui s'oriente vers la certification.

Les parlementaires doivent s'investir dans le contrôle et l'évaluation. Les commissions des finances et des affaires sociales disposent de prérogatives particulières, mais nous essayons de systématiser les interventions conjointes des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis. La réforme constitutionnelle nous ouvre des perspectives. Rien n'empêche les membres de la commission des affaires étrangères de passer quelques jours dans une ambassade ou une caserne, ceux de la commission des affaires culturelles dans un établissement d'enseignement pour en étudier la gouvernance.

Les questeurs du Sénat n'ont jamais refusé les crédits nécessaires à la réalisation d'une étude extérieure. Cette question relève donc de l'organisation collective de chaque assemblée.

Enfin, les corps d'inspection ministérielle sont à la disposition des ministres pour des audits internes ; il n'est pas envisageable de les regrouper en un office à la disposition des parlementaires. Sur ce sujet, il ne faut pas modifier la Constitution.

M. Laurent Béteille.  - Sur le fond, je ne suis guère convaincu. La Cour des comptes, dont le rôle a été parfaitement décrit par M. Arthuis, ne peut satisfaire les besoins des parlementaires.

D'autre part, il ne suffit pas de rappeler une mauvaise expérience pour ne pas faire une nouvelle tentative. Parmi les arguments de la commission et du Gouvernement, un seul me paraît solide : l'objet de l'amendement n'est pas de nature constitutionnelle.

L'amendement n°144 rectifié bis est retiré.

L'article 21, modifié, est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 24 juin à 10 heures.

La séance est levée à minuit 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 24 juin 2008

Séance publique

A DIX HEURES, SEIZE HEURES ET LE SOIR

1. Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 365, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République.

Rapport (n° 387, 2007-2008) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.

Avis (n° 388, 2007-2008) de M. Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

2. Discussion du projet de loi (n° 390, 2007-2008) relatif aux droits et devoirs des demandeurs d'emploi (Urgence déclarée).

Rapport (n° 400, 2007-2008) de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- MM. Robert del Picchia et Hubert Haenel un rapport d'information fait au nom de la délégation pour l'Union européenne sur l'Union européenne et la Turquie à la veille de la présidence française.