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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Modernisation du marché du travail (CMP)

Modification à l'ordre du jour

Lutte contre les discriminations (CMP)

Rappel au règlement

Langues régionales ou minoritaires (Question orale avec débat)

Amélioration et simplification du droit de la chasse

Discussion générale

Discussion des articles

Article 2

Article 5

Article 8

Article 9

Article 11

Article 12

Article 16

Article 19

Articles additionnels

Interventions sur l'ensemble

OGM (CMP)

Contrôle comptable du revenu minimum d'insertion

Discussion générale

Question préalable

Discussion des articles

Article premier

Article 2

Article 3

Article 4

Article 5

Article 6

Interventions sur l'ensemble




SÉANCE

du mardi 13 mai 2008

78e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Christian Poncelet

La séance est ouverte à 16 h 5.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Modernisation du marché du travail (CMP)

M. le président.  - J'ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant modernisation du marché du travail. Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.

Modification à l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date de ce jour, M. le Secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement a modifié l'ordre d'examen des textes inscrits à l'ordre du jour prioritaire de notre séance du jeudi 15 mai après-midi.

L'ordre du jour de cette séance s'établira donc comme suit :

A 10 heures :

- projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes ;

- sept conventions internationales examinées selon la procédure simplifiée ;

A 15 heures :

- questions d'actualité au Gouvernement ;

- deuxième lecture du projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel et du projet de loi relatif aux archives ;

- conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Acte est donné de cette communication.

Lutte contre les discriminations (CMP)

M. le président.  - La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Bel.  - Après la catastrophe survenue en Birmanie, la manière dont le régime en place gère la situation suscite sur tous les bancs des inquiétudes et des interrogations. Nous souhaiterions que le ministre des affaires étrangères, soit lors d'une audition devant la commission, soit demain lors du débat sur la politique étrangère de la France, nous informe sur les actions entreprises par la France et l'Europe vis-à-vis de la Birmanie. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Le débat de demain étant d'ordre général, vous pourrez certainement interroger le ministre à cette occasion.

Langues régionales ou minoritaires (Question orale avec débat)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat de M. Nicolas Alfonsi à Mme la ministre de la culture et de la communication sur la sauvegarde et la transmission des langues régionales ou minoritaires.

M. Nicolas Alfonsi, auteur de la question.  - Le 7 mai 1999, la France a signé à Budapest la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui vise à protéger et à promouvoir les langues pratiquées traditionnellement par des groupes numériquement minoritaires et différentes de la langue officielle des États. Les États signataires doivent encourager l'emploi des langues régionales et minoritaires dans au moins trois domaines, dont l'enseignement, la culture, la justice, les services publics, les médias ou la vie économique et sociale. Or, le 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a déclaré que, en vertu des principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français, on ne peut reconnaître des droits collectifs à un groupe défini par une communauté d'origine, de culture, de langue ou de croyances. En outre, selon l'article 2 de la Constitution, « la langue de la République est le français » et les particuliers ne peuvent, dans leurs relations avec les administrations, se prévaloir d'un droit à l'usage d'une autre langue, ni y être contraints.

Cette jurisprudence peut sembler excessivement sévère, voire anachronique. Ces questions ne se posent pas aujourd'hui dans les mêmes termes que sous la Révolution française, lorsque la répression des patois pouvait, selon l'abbé Grégoire, être considérée comme une oeuvre de progrès. Toutefois, selon le Conseil constitutionnel, l'application de la Constitution ne doit pas conduire à méconnaître la liberté d'expression et de communication en matière d'enseignement, de recherche et de communication audiovisuelle. Et ne sont contraires à la Constitution, eu égard à leur nature, aucun des engagements souscrits par la France autres que ceux examinés dans sa décision. La plupart se bornent à reconnaître des pratiques déjà mises en oeuvre par la France en faveur des langues régionales.

Cette jurisprudence empêche la ratification de la charte, et le Sénat a déjà débattu à plusieurs reprises de cette situation. Lors de l'examen, le 29 janvier dernier, du projet de loi constitutionnelle permettant la ratification du traité de Lisbonne, un amendement à la Constitution, non adopté, proposait d'autoriser la ratification de la charte dans le respect de l'article 2 de la Constitution. Le garde des sceaux nous a alors indiqué que la question serait réexaminée lors de la révision constitutionnelle issue des travaux du comité Balladur, et le Premier ministre s'est engagé en ce sens à l'Assemblée nationale.

L'attachement du Sénat aux langues régionales parlées en France, qui font partie de notre patrimoine culturel, est légitime -tout particulièrement lorsqu'il s'agit de la langue corse. Mon groupe souhaite que le Gouvernement nous informe des mesures envisagées pour les sauvegarder, développer leur emploi et favoriser leur transmission.

Il est inutile de succomber aux images habituelles et de déclarer de nouveau que nous aimons le corse, l'alsacien ou le breton : même les plus ardents défenseurs des valeurs républicaines partagent notre objectif commun de sauvegarde. Mais il faut combattre des idées fausses. La vigueur d'une langue régionale n'est pas liée à l'existence d'un texte : si Lionel Jospin a donné un cadre légal à l'enseignement du corse, rien n'indique que la vigueur du breton soit moins assurée faute de loi. De même, ce ne sont pas les sanctions des instituteurs de la IIIe République qui ont réduit l'influence des langues régionales, mais la désertification rurale qui a conduit à leur dépérissement. Enfin, c'est la grande diversité de ces langues qui vont de l'oralité à un écrit plus ou moins élaboré qui rend difficile un traitement homogène.

Comment en sortir ? Michel Charasse avait suggéré de ratifier les seules dispositions de la Charte qui n'ont pas été déclarées contraires à la Constitution. La solution est séduisante mais il reste des doutes raisonnables sur la divisibilité de la Charte : peut-on autoriser de la ratifier par morceaux sans porter atteinte à son économie générale ? Le Conseil constitutionnel a entendu exercer son contrôle indépendamment de la déclaration interprétative de la France. L'autre voie qui vient à l'esprit est donc de procéder à la révision constitutionnelle nécessaire à la ratification, par exemple en garantissant dans la Constitution le respect des langues régionales.

Devons-nous en rester à un débat de principe et croyons-nous que le respect des langues régionales, qui font partie de notre patrimoine culturel, porte atteinte au principe d'égalité et à l'unité du peuple français ? Une troisième voie consiste à emprunter d'autres moyens qu'un instrument international et à renforcer le cadre légal en faveur des langues régionales. Mais le pire serait de considérer que la loi prévoit déjà tout ce qu'autorise la Constitution et de ne rien faire sinon codifier les textes existants.

Comment surmonter de tels obstacles ? En évitant l'intégrisme car il y a deux mille ans, César, invitant Cicéron pour le convaincre, lui aurait dit « Veni cum me » : adresserait-on des mots bien différents à un militant d'aujourd'hui ? Je pense avec émotion qu'un ancien peut disparaître en emportant le secret de sa langue. Aussi, à l'Assemblée de Corse, m'étais-je déclaré prêt à donner personnellement trois heures de cours de langue corse car c'est la meilleure méthode. On doit également se méfier des médias qui proposent des thèmes -encore qu'entre français et langue régionale, il soit difficile de dire quand on a affaire à un thème ou à une version : un inspecteur général avait préféré parler de traduction en langue corse d'un texte français... Pirandello estimait que la langue régionale exprime les sentiments et la langue nationale les concepts : c'est toute la difficulté de trouver les notions sur laquelle nous buttons sans cesse.

J'avais posé ma question le 18 avril ; elle a été publiée le 24 avril et le 30 avril, la Conférence des Présidents de l'Assemblée nationale a décidé d'inscrire un tel débat à l'ordre du jour du 7 mai. Je n'en tire pas un sentiment de grande vanité car cette décision traduit plutôt le souci de déminer le débat constitutionnel. Cependant, quand je vois le nombre de nos collègues venus défendre une langue régionale, je constate que notre débat n'est pas devenu sans objet et je pense à Georges Dumézil se félicitant d'avoir sauvé en Ouzbékistan une langue que ne parlait plus qu'une personne. Laissez-nous quelque espoir ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur la plupart des bancs socialistes)

M. Jean-Louis Carrère.  - Il y a près de dix ans, alors que la France s'engageait sur la voie de la ratification de la charte européenne des langues régionales, M. Cerquiglini, directeur de l'institut national de la langue française avait recensé soixante-quinze langues régionales, dont cinquante-cinq outre-mer, répondant à au moins trente-cinq des trente-neuf conditions de la Charte. C'est dire la richesse de notre patrimoine culturel et linguistique.

De nombreuses initiatives, plus ou moins bien soutenues par les pouvoirs publics, voient le jour ; treize langues régionales peuvent être présentées au baccalauréat en application de la loi du 11 janvier 1951. On pourrait s'interroger sur la baisse des programmes en langue régionale sur France 3, en perte de vitesse depuis que, sous un gouvernement de droite, les conseils régionaux sont passés à droite -cherchez l'erreur... Radio-France s'acquitte mieux de cette mission. Parmi les initiatives privées, la plus importante est TV Breiz, de Patrick Le Lay, l'ancien patron de TF 1.

En Aquitaine, où les diversités linguistiques constituent une réalité, le conseil régional s'emploie activement pour une politique publique volontaire et concertée. Nous avons deux langues régionales : l'occitan et le basque. Un institut occitan, installé dans l'agglomération paloise, fédère les partenaires intéressés, l'Amâssada, conseil de développement pour la langue occitane en Aquitaine, a permis de mettre en place un schéma linguistique. Pour la langue basque, qui me tient particulièrement à coeur, nous avons créé, avec le conseil régional, le conseil général des Pyrénées-Atlantiques, le Conseil des élus du Pays basque et le syndicat intercommunal de soutien à la langue basque, l'Office public pour la langue basque, groupement d'intérêt public basé à Bayonne et qui définit et met en oeuvre les politiques pour cette langue ; un institut culturel basque accompagne les projets individuels et collectifs.

Voilà ce qui se fait en Aquitaine pour nos deux langues régionales mais Mme Herviaux présentera sans doute des initiatives en Bretagne. Je n'arrive donc pas à comprendre pourquoi l'esprit jacobin nous interdit de mieux envisager l'intégration de cette richesse dans notre cadre républicain et laïque : toute tentative en ce sens a été vouée à l'échec.

En 1999, Lionel Jospin, sensible à la valorisation des langues et cultures de notre pays, choisit d'engager le processus de ratification de la Charte européenne des langues régionales adoptée en 1992 par le Conseil de l'Europe ; 39 de ses 98 engagements sont retenus en fonction de nos pratiques et des exigences juridiques et constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel, saisi par Jacques Chirac, décide le 15 juin 1999 que certaines dispositions, dont le droit imprescriptible à pratiquer une langue régionale dans la vie publique, sont anticonstitutionnelles parce qu'elles reconnaissent des droits spécifiques collectifs à des groupes linguistiques.

L'affaire des écoles Diwan est plus récente. En 2001, M. Lang, alors ministre de l'éducation nationale, signait avec le président de l'association Diwan un protocole d'accord afin d'intégrer ces écoles, et les 194 personnes y exerçant, dans le service public de l'éducation. Contestant cet accord, le Cnal, la FCPE et d'autres...

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Dont j'étais !

M. Jean-Louis Carrère.  - ...saisissaient le Conseil d'État en référé, qui leur donnait raison.

M. Jean-Louis Carrère.  - S'il suspendait l'intégration proposée, au motif que la méthode d'enseignement par immersion pratiquée réduisait l'enseignement en français en-deçà de ce que la loi autorisait, le Conseil d'État ne contestait pas la nécessité de sauvegarder le patrimoine que constituent les langues régionales.

Personne ne nie qu'il faille préserver ce patrimoine ; mais la France n'a toujours pas ratifié la Charte européenne, alors que sa ratification est depuis 1993 une des conditions d'adhésion à l'Union européenne.

Chacun ici connaît mon esprit laïc et républicain ; je pense qu'il est temps, cependant, de donner une base légale générale à toutes les expériences qui font vivre la diversité de notre patrimoine culturel. Il faut reconsidérer la question de la ratification de la Charte, en retenant d'autres engagements que ceux de 1999 et en étant plus attentif à leur conformité avec notre Constitution. Peut-être alors ferons-nous oeuvre utile. (Applaudissements à gauche, à l'exception de M. Mélenchon)

Mme Colette Mélot.  - La question de la sauvegarde des langues régionales a toujours suscité de vifs débats. La France est profondément attachée à deux principes, l'unité de la République, dont le français est la langue commune, et la préservation de son patrimoine, dont fait partie la diversité des pratiques linguistiques régionales. A mes yeux, ces deux principes sont conciliables.

Gardons-nous des excès. Certains partisans des langues régionales sont les acteurs plus ou moins conscients du communautarisme et du repli identitaire, au risque de l'affaiblissement de la République ; à l'inverse, pour les intégristes de la langue française, les langues régionales sont un fléau pour la République. Ces combats sectaires sont contraires à l'esprit de notre République et aux aspirations de nos concitoyens.

Lors de la révision constitutionnelle de janvier dernier, préalable à la ratification du traité de Lisbonne, des parlementaires de droite comme de gauche ont relancé le débat et demandé l'adhésion de la France à la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Or, le 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel avait jugé que certaines clauses de celle-ci « portaient atteinte aux principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français ». La question étant extérieure au débat sur la ratification du traité européen, les amendements n'ont pas eu de suite. Mais le Gouvernement s'était engagé à tenir rapidement un débat spécifique sur les langues régionales ; ce débat a eu lieu la semaine dernière à l'Assemblée nationale, et se tient au Sénat aujourd'hui. Nous nous en réjouissons.

La langue française est garante de l'unité de notre pays. Depuis la Révolution et surtout au XIXe siècle, les pouvoirs publics ont voulu que tous les citoyens apprennent le français. C'était la condition sine qua non pour construire une république égalitaire, offrant à chacun l'accès à l'instruction publique et la possibilité d'une progression sociale. Si l'objectif n'était pas de faire disparaître les langues régionales, l'hégémonie du français a provoqué leur marginalisation. Les moyens employés ont été douloureusement ressentis, ce qui explique en partie que le sujet soit si sensible. La première génération, ayant difficilement acquis le français sur les bancs de l'école, a voulu éviter cette épreuve à ses enfants en les éduquant en français. Les langues régionales ont commencé leur déclin.

Depuis 1992, notre Constitution dispose que « la langue de la République est le français ». Comment éviter autrement les conséquences qu'aurait l'emploi des langues régionales dans la vie publique, par exemple dans les procédures civiles ou pénales ? Et que dire de l'obligation de traduction des textes officiels qu'envisage la Charte européenne ?

La langue française rassemble depuis longtemps les peuples de France. « J'ai une patrie, la langue française », disait Camus. Mais rien n'empêche d'agir pour préserver les langues régionales. Il y a cent cinquante ans, au moins 90 % des communes du Var ou du Finistère étaient déclarées non francophones. Selon les enquêtes disponibles, les locuteurs de langues régionales représentent un dixième en moyenne de la population, auxquels il faut ajouter les 40 % qui les comprennent sans les parler. La transmission familiale n'étant plus guère assurée, l'enseignement est devenu la voie principale de sauvegarde de notre patrimoine linguistique.

Depuis la loi Deixonne de 1951, les langues régionales ont un statut. Les pouvoirs publics ont d'abord permis l'enseignement du breton, du basque, de l'occitan et du catalan, puis du corse en 1974, du tahitien en 1981, des langues mélanésiennes en 1992. Les textes permettent aujourd'hui aux collectivités locales intéressées de promouvoir un enseignement structuré en collaboration avec un État désormais perçu comme partenaire et non plus comme oppresseur. Plus de 400 000 élèves reçoivent un enseignement de langue régionale ; et les effectifs sont en constante augmentation.

Face à la mondialisation qui pourrait leur faire oublier leurs racines, les Français sont très attachés à la diversité de leurs cultures régionales ; ils ressentent leur sauvegarde comme une obligation vis-à-vis des générations futures. Nombreux sont ceux qui réveillent le monde d'hier par la langue, la chanson, la littérature ; des émissions en langue régionale soient diffusées sur les chaînes audiovisuelles publiques ; la signalisation routière se fait bilingue et l'on peut émettre des chèques libellés en langue régionale.

En 2001, la Délégation générale à la langue française et aux langues de France a reçu pour mission de préserver et de valoriser celles-ci. Il faut aller plus loin si nous voulons que le mouvement se poursuive : informer davantage les familles de la possibilité qu'elles ont de choisir un enseignement spécifique pour leurs enfants ; renforcer les effectifs de professeurs et mieux les informer de l'intérêt qu'ils peuvent avoir à se former dans une langue régionale ; améliorer la visibilité des langues régionales dans les médias.

Le Président de la République avait promis lors de sa campagne l'élaboration d'un texte de loi pour les sécuriser, estimant cette solution préférable à la ratification de la Charte européenne. Vous avez confirmé la semaine dernière, madame le ministre, l'existence d'un tel projet. Nous nous en réjouissons. Quels en sont le calendrier et les dispositions principales ?

La France a progressivement pris conscience de l'importance de son patrimoine linguistique. Riches de soixante-quinze langues, nous avons également la chance de tous parler le français, qui rayonne au-delà de nos frontières. Ce sont ces deux atouts qu'il nous appartient de sauvegarder. (Applaudissements à droite)

M. Gérard Le Cam.  - La question orale avec débat de M. Alfonsi nous permet d'exprimer le sentiment profond des représentants des collectivités locales que nous sommes à propos des langues dites régionales ou minoritaires.

Je dis d'emblée que ce débat n'a rien à voir avec le régionalisme et le communautarisme, notions qui sous-tendent des approches politiques que nous désapprouvons. L'existence des langues régionales est le produit de l'histoire, des guerres, des déplacements de populations, des invasions -ce qui, au passage, devrait nous conduire à reconsidérer une politique d'immigration fondée sur l'égoïsme et l'exclusion en lieu et place de l'accueil et de l'intégration.

Chaque citoyen français a une approche à la fois personnelle et collective du fait des langues régionales. Vous me permettrez d'évoquer ici la langue bretonne, mais ce que nous faisons en Bretagne pourrait inspirer d'autres régions. La langue bretonne est en danger, selon l'Unesco : trois locuteurs sur quatre ont plus de 50 ans, les locuteurs actifs représentent moins de 5 % de la population des départements bretons. Le processus historique de construction de la Nation française a confondu unité et uniformité...

Pourtant, 92 % des Bretons pensent qu'il faut préserver la langue bretonne. Les familles se tournent ainsi vers les écoles et les collectivités locales. Trois filières bilingues existent en Bretagne : l'enseignement public, depuis 1983, avec Div yezh, et l'enseignement privé, depuis 1990, avec Dihurr, proposent un enseignement bilingue à parité horaire ; et l'association Diwan...

M. Jean-Luc Mélenchon.  - C'est une secte !

M. Gérard Le Cam.  - ...pratique l'enseignement par immersion depuis 1977.

Ces enseignements se heurtent à des multiples difficultés, qui sont d'abord financières. La région Bretagne a consacré en 2005 4 500 000 euros à la promotion de la langue bretonne, répartis entre l'Office de la langue bretonne, l'édition, le théâtre, l'enseignement et la formation des adultes, l'enseignement bilingue et l'enseignement du breton -pour 30 % environ, les organisations culturelles, l'audiovisuel et le bilinguisme dans la vie publique.

De 2000 à 2006, l'État a consacré 3,2 millions au breton, soit douze fois moins que les départements ! M. Alfonsi a raison d'évoquer des obligations à la charge de l'État, dont l'engagement reste très relatif. Je cite Csaba Tabadji, député européen hongrois, président de l'intergroupe Minorités traditionnelles, régions constitutionnelles, langues régionales : « En France, les cultures et langues dites régionales, qui font partie intégrante des cultures et des langues européennes et de l'humanité, exclues de l'espace public par la législation, marginalisées, sont en voie de disparition rapide de la vie sociale malgré la résistance de l'auto-organisation souvent exemplaire des populations, avec le soutien de leurs élus, dans un cadre juridique, administratif et idéologique hostile. Après des décennies d'éradication, l'enseignement de ces langues reste très marginal et leur place dans les médias, notamment la radio et la télévision, est extrêmement réduite. »

La langue bretonne et le parler gallo contribuent à l'identité et à l'attractivité de la Bretagne, avec le sport -lutte bretonne ou gouren-, les jeux gallos ou bretons, la musique, les chants, la poésie, la littérature ou la danse, qui fait l'objet d'une appropriation populaire massive au sein des fest noz et des fest dei. L'apprentissage de la langue est plus difficile, mais il est la base de toute cette culture !

L'État doit être le garant des langues de France, aux côtés des régions qui sont les mieux placées pour relancer une pratique populaire et massive sans tomber dans l'élitisme ou le séparatisme. Pour réussir, il faut informer les familles, recruter les enseignants, valoriser la langue lors des examens et assurer une continuité dans le cursus scolaire. Les suppressions de postes et la politique de pôles dégradent une situation déjà chaotique... Ce débat doit être prolongé par une loi qui donne enfin aux langues et aux parlers une place dans notre République, avec un financement à la hauteur.

Je veux conclure en sonnant l'alarme sur la situation de la langue française, en France et dans le monde. Langue officielle de l'olympisme, de l'Union européenne, de l'Unesco, de l'ONU, le français, langue de la culture, de la démocratie et de la liberté, n'est plus défendu par nos propres représentants, même si je salue les efforts de TV 5 Monde et de RFI, qui font beaucoup pour la francophonie. Dans le même élan, j'appelle à soutenir notre belle langue française et nos belles langues régionales. (Applaudissements à gauche, à l'exception de M. Mélenchon)

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Je suis persuadé que tous ici vous vous sentez aussi patriotes que moi, aussi attaché que moi à l'unité et l'indivisibilité de la République française, et dignes continuateurs de l'ordonnance de Villers-Cotterêts, qui a établi le français comme langue du royaume, permettant à chacun de se défendre, de témoigner et d'attaquer en justice en étant entendu par les autres.

Pour moi, fier d'être jacobin (sourires), ne parlant que la langue française -et l'espagnol, langue de mes grands-parents- qui, si je devais apprendre une nouvelle langue, choisirais l'arabe, langue minoritaire la plus parlée dans ma région, il ne s'agit pas de savoir si l'on est pour ou contre les langues régionales, pour ou contre la diversité culturelle, mais si le cadre légal existant est adapté et si la France a besoin de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Je n'accepte pas la caricature qui voudrait faire croire que la République française réprime ou méprise les langues régionales. La France s'est dotée dès les années cinquante d'un cadre législatif très favorable, en avance sur beaucoup de pays d'Europe. La loi du 11 janvier 1951 du socialiste Maurice Deixonne a autorisé et favorisé l'apprentissage dans l'enseignement public du basque, du breton, du catalan et de l'occitan. Le corse a été ajouté en 1974, le tahitien en 1981 et quatre langues mélanésiennes en 1992. Depuis 1970, ces enseignements en langues régionales peuvent être pris en compte pour l'obtention du baccalauréat. La loi Toubon de 1994 a confirmé ce cadre. Enfin, depuis la loi Jospin du 22 janvier 2002, tous les élèves qui le souhaitent peuvent apprendre le corse à l'école, au collège et au lycée, trois heures par semaine.

L'État a aussi rendu possible, en lien avec les collectivités locales, les signalisations routières bilingues -ce qui évite que les panneaux en français ne soient recouverts de graffiti... De nombreuses régions multiplient les innovations pour favoriser ces langues.

Rien dans le cadre légal et réglementaire actuel ne bride la pratique et la transmission des langues régionales. Pas une voix en France ne s'y oppose ! Pas même la mienne !

M. Jean-Louis Carrère.  - La SNCF...

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Si le nombre de locuteurs diminue et que leur âge moyen s'élève, il faut en chercher la cause ailleurs que du côté de la République et de la loi.

Cette Charte est loin de faire l'unanimité en Europe. La France n'est pas un des « rares » pays européens à ne pas l'avoir ratifié : quatorze pays membres du Conseil de l'Europe ne l'ont pas signée du tout, dont la Belgique, le Portugal, la Grèce ou l'Irlande, qui ne sont pas réputés liberticides ! Et personne ici ne compte comparer le comportement de la République française à celui des pays baltes, qui prennent une revanche linguistique sur les russophones... Parmi ceux qui ont signé la Charte, dix pays ne l'ont pas ratifiée, comme l'Italie : cela ne peut être exclusivement attribué à leur mépris pour les langues minoritaires !

De nombreuses préconisations de la Charte sont déjà appliquées de fait en France, qu'il s'agisse de préconisations impératives -articles 7-1-f, 7-1-g, 7-2- ou optionnelles -articles 8-1-b, 8-1-c, 10-2-g. Nul besoin de ratifier la Charte pour en appliquer les dispositions qui ne sont pas contraires à la Constitution !

La définition des langues régionales et minoritaires donnée par cette Charte est par ailleurs discutable et confuse : elle exclut les langues des migrants, arabe, berbère ou autres, comme si les citoyens français concernés devaient les considérer comme des langues étrangères...

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Ça fait peur !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Plusieurs États qui ont ratifié la Charte ne reconnaissent pas les mêmes langues minoritaires, alors même qu'elles sont pratiquées sur leur territoire. Ainsi, le yiddish est reconnu comme langue minoritaire aux Pays-Bas, mais pas en Allemagne...

Une définition aussi floue de ce qu'est une langue régionale ou minoritaire est discriminatoire et aboutit à des reconstructions de l'histoire. La langue bretonne est celle qui résulte du dictionnaire dit unifié de 1942, qui se substitue aux cinq langues bretonnes existantes. Je n'évoquerai pas son auteur, collaborateur qui fut condamné à mort par contumace, ni les conditions dans lesquelles ce dictionnaire fut rédigé et financé à l'époque...

De même, lorsque j'étais ministre, j'étais prêt à prévoir un enseignement en créole, car cela facilitait l'apprentissage : au bout de trois ans, on n'avait toujours pas déterminé quel créole devait être enseigné ! On est amené à choisir, trier, discriminer à nouveau... Ce n'est pas pour rien que nos institutions écartent ce type de charte !

Je ne dis pas que les langues et les cultures régionales conduisent nécessairement à la sécession et au communautarisme, mais le risque existe. On ne crée pas de droits particuliers pour une catégorie particulière de citoyens du fait d'une situation particulière. Le fait de parler une langue différente ne peut pas instituer des droits particuliers pour ses locuteurs. Or la Charte oblige les États à « faciliter et encourager l'usage oral et écrit des langues régionales ou minoritaires dans la vie publique et dans la vie privée ». Le caractère laïc de notre République interdit que l'État fasse quelque recommandation que ce soit concernant la vie privée. La Charte engage les États à « prendre en considération les besoins et les voeux exprimés par les groupes pratiquant ces langues » : ce texte concerne manifestement des pays où une partie de la population parle exclusivement une autre langue, comme les minorités hongroises dans certains pays de l'Union, mais pas les Français ! Comment désigner des représentants des locuteurs ? Va-t-on les élire ? C'est totalement contraire à l'idée de l'égalité républicaine.

Que dire du droit à bénéficier de procédures judiciaires, administratives ou devant les services publics en langues régionales ? Témoigner, poursuivre en justice, conclure un contrat dans une langue autre que le français serait un recul par rapport à l'ordonnance de Villers-Cotterêts !

Le Conseil constitutionnel a eu raison de dire en 1999 qu'« en conférant des droits spécifiques à des groupes de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l'intérieur de territoires dans lesquels ces langues sont pratiquées, cette Charte porte atteinte aux principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français. »

On a vu les raisons de droit, les raisons philosophiques, les raisons républicaines.

Après Samuel Huntington et sa théorie du choc des civilisations, qui est aujourd'hui la théorie officielle d'un certain nombre de stratèges de la première puissance du monde et de quelques autres pays, on ne saurait méconnaître l'origine de cette charte en 1992. Sans doute, nombre de mes collègue l'ignorent : elle a été préparée, débattue et rédigée par plusieurs groupes de travail du Conseil de l'Europe, animés par des parlementaires autrichiens, flamands et allemands tyroliens qui ont en commun d'être issus de partis nationalistes ou d'extrême droite et de faire partie de l'Union fédéraliste des communautés ethniques européennes, soit, en allemand, Fuev. Cette organisation, dotée d'un statut consultatif au Conseil de l'Europe, se présente elle-même comme la continuatrice du Congrès des nationalités, instrument géopolitique du pouvoir allemand dans les années 1930. Un des principaux laboratoires de la Charte fut ainsi le groupe de travail officiel du Conseil de l'Europe obtenu par la Fuev sur « la protection des groupes ethniques », groupe d'étude également connu pour ses travaux sur le droit à l'identité, le Volkstum.

Pour toutes ces raisons, la République française n'a rien à gagner à modifier sa Constitution pour ratifier la Charte des langues régionales. Elle ne pourrait que se renier en le faisant. Elle doit, tout au contraire, continuer sa politique bienveillante et intégratrice qui fait que les cultures et les langues régionales ont toute leur place dès lors que la République est première chez elle. (Applaudissements sur divers bancs socialistes et centristes)

M. Raymond Couderc.  - Je me suis demandé, il y a quelques instants, si notre discussion portait sur la ratification de la Charte ou sur la place des langues régionales dans notre pays. (Sourires)

Je tiens, tout d'abord, à remercier le Gouvernement pour ce débat sur la place des langues régionales dans notre pays, sur lequel il s'était engagé en janvier lors de la discussion de la révision constitutionnelle avant la ratification du traité de Lisbonne.

Merci également à notre collègue Alfonsi d'avoir demandé au Gouvernement quelles suites il entendait apporter à la déclaration d'inconstitutionnalité par le Conseil constitutionnel de certaines clauses de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, signée à Budapest le 7 mai 1999.

Cette question méritait d'être posée, car la situation des langues régionales est très préoccupante dans notre pays. Elle est même catastrophique pour celles de ces langues qui n'ont pas la chance d'avoir une part significative de leur aire culturelle hors de France. C'est le cas du breton et de l'occitan que l'ONU a déclarées « langues en grand danger ». C'est pourquoi nous ne pouvons plus nous contenter du flou juridique actuel.

Ne pas défendre ces langues, ce serait causer la ruine d'une part importante de notre culture. Or, nous devons transmettre notre patrimoine linguistique et culturel et les langues régionales sont l'expression de cultures régionales riches et anciennes, qui sont constitutives du patrimoine de notre pays. Les étouffer, comme cela a pu être le cas par le passé, ce serait mutiler la France, ce serait la déposséder d'une partie de son héritage.

Je veux vous parler d'une langue qui m'est chère, l'occitan, d'autant que le Centre d'études occitanes est installé dans ma ville de Béziers. Cette langue n'a rien d'un patois, mot chargé de mépris. Non, sa sauvegarde est un enjeu majeur qui concerne la plus large aire culturelle des langues régionales : des vallées alpines italiennes jusqu'au Val d'Aran espagnol, en passant par la Provence, le Languedoc, la Gascogne, le Poitou et l'Auvergne. Les langues d'Oc ont longtemps été celles de la moitié de la France. Il s'agit d'une culture rayonnante. Il n'y a qu'à observer le foisonnement de l'oeuvre de Frédéric Mistral pour s'en convaincre, oeuvre qui a été couronnée par le prix Nobel de littérature en 1904.

La défense et la promotion des langues régionales sont une obligation internationale de la France. En effet, notre pays prône sur la scène internationale la nécessaire défense de la diversité culturelle dans le monde. Mais il ne suffit pas de le faire si l'on étouffe les langues historiques et autochtones sur son propre sol.

A l'image de ce qui a été fait sur la biodiversité, il faut mettre en oeuvre les politiques nécessaires à la sauvegarde de la diversité de l'esprit et de la culture.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - La France américanisée...

M. Raymond Couderc.  - La France a réussi à faire admettre la défense de la diversité culturelle au niveau mondial. Ce fut une belle victoire mais, de ce fait, elle est devenue comptable de la diversité culturelle dont elle a la responsabilité. Nos langues et cultures sont un patrimoine de l'humanité et nous en sommes responsables, au même titre que le Château de Versailles ou le Mont Saint-Michel.

L'État et les collectivités locales doivent davantage s'impliquer dans la défense de la diversité linguistique. Cependant, de nombreux blocages juridiques ne permettent pas d'attribuer un véritable statut aux langues régionales, nuisant ainsi à leur promotion et à leur diffusion. Ces langues sont souvent moins bien traitées que les langues étrangères, notamment dans l'enseignement. Contrairement à ce qu'en disent ses détracteurs, l'apprentissage des langues régionales ne se fait pas au détriment des langues étrangères : toutes les études de psychopédagogie démontrent en effet que l'apprentissage d'une langue régionale conduit au plurilinguisme. De même, les enfants doivent être éveillés aux langues régionales dès la maternelle et le primaire, au-delà de ce qui se fait déjà dans les calendretas dont je tiens à saluer le rôle dans la promotion et la diffusion de la langue occitane.

Afin de relever ce grand défi, les langues historiques de France ont besoin d'un véritable statut. Les langues qui constituent l'identité de la France doivent être reconnues et distinguées de l'ensemble de celles qui sont langues de l'immigration.

L'absence de statut juridique justifie de nombreux blocages. Ainsi, récemment, un recteur pourtant bien disposé à l'égard des langues régionales justifiait l'interdit de l'immersion en disant que si elle était accordée, il faudrait aussi la permettre pour le chinois, l'arabe et le turc. Mais le destin de ces langues ne se joue pas en France, contrairement à celui de l'occitan et des autres langues régionales !

Un grand nombre de blocages sont également issus de la rédaction de l'article 2 de notre Constitution. Depuis sa modification de 1992, il est dit que « la langue de la République est le français ». Il ne s'agit en rien de contester cette affirmation. La langue de la République est et doit rester le français, dans un souci d'unité territoriale. En revanche, je m'élève contre les seize années d'interprétations très restrictives de cet article par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État, comme le refus de la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires ou l'interdiction de l'enseignement bilingue en immersion. Ces décisions sont la marque d'une rigidité anachronique, alors que le pluralisme linguistique a été reconnu dans le monde comme une des sources majeures de la richesse des sociétés.

Le défi de la République n'est plus d'unifier un pays morcelé, pour le fondre dans une destinée commune comme cela était nécessaire lorsque les États-Nations achevaient leur construction en Europe. Non, le défi aujourd'hui est de promouvoir la diversité, sous toutes ses formes, afin que chacun puisse retrouver dans le socle commun de la Nation française les racines de son identité. On ne fédère pas en méprisant, on unit en associant, en assemblant.

Au moment où l'idée même de Nation semble remise en question, gageons que le respect des identités de chacun contribuera au renouveau de notre grande Nation. (Applaudissements à droite)

présidence de Mme Michèle André,vice-présidente

Mme Gélita Hoarau.  - Un sondage a démontré que 82 % de la population réunionnaise utilisaient le créole. C'est d'ailleurs cette langue qui a cimenté l'unité de cette île alors que des populations d'Europe, d'Asie et d'Afrique venaient toujours plus nombreuses s'y établir. Depuis, le créole s'est maintenu non sans avoir subi des évolutions, des transformations et des enrichissements multiples. Une précision : il n'existe pas une seule langue créole, chaque île possède sa langue créole. (M. Mélenchon le confirme) Ainsi, les Seychelles et l'île Maurice utilisent leur propre créole.

Cela n'a pas été sans mal car, comme le disait Aimé Césaire, la politique imposée aux esclaves et aux colonisés a été non seulement la domination et la sujétion, mais aussi la destruction des cultures : « Je parle de sociétés vidées d'elles-mêmes, de cultures piétinées, d'institutions minées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d'extraordinaires possibilités supprimées ».

Combien de fois n'a-t-on pas entendu dire que la langue créole, voire tel ou tel aspect de la culture de pays subissant la colonisation, étaient inférieurs à ceux de l'Occident ? Des ressortissants de contrées colonisées ont parfois repris à leur compte ces jugements définitifs, reniant ainsi leur propre identité culturelle.

A La Réunion, la chasse à la langue créole faisait partie de la politique officielle tant sur le plan administratif que dans l'éducation nationale.

Le mot d'ordre d'un vice-recteur n'était-il pas, il n'y a que trente ans : « Il faut fusiller le créole » ? Persister en ce sens susciterait une réprobation unanime tant il est admis aujourd'hui qu'il n'existe aucune échelle de valeur pouvant classer les cultures selon d'illusoires critères de supériorité. Chacun de nous sait trop bien où cela a conduit l'Europe dans les années 1940.

De plus, à l'heure où l'on tente de sauvegarder la biodiversité, comment admettre que la culture d'une société humaine puisse disparaître ? Trop de langues, trop de cultures ont déjà été anéanties. La diversité culturelle enrichissant le patrimoine de l'humanité, nous devons en sauvegarder et en valoriser toutes les expressions tant il est vrai que la culture unique précède la mort de toute culture.

A la Réunion, l'entrée du créole à l'école a toujours été un sujet de polémique et de déchirements. Certains estiment qu'il est un obstacle à l'apprentissage du français et doit donc être réprimé ; les autres considèrent que la prise en compte du vécu de l'enfant réunionnais dans tous ses aspects socioculturels -dont sa langue maternelle- contribue au contraire à son plein épanouissement et favorise ses apprentissages, notamment celui de la langue française. Ceux-là insistent donc sur les traumatismes que peut susciter la répression de la langue maternelle.

La loi organise maintenant l'enseignement et le développement de la langue et de la culture régionales. C'est une avancée indéniable qui fera évoluer les esprits. Mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Il y a quelques jours, un principal de collège a interdit à l'un de ses élèves de s'exprimer en créole à la télévision publique alors même que cette émission se faisait entièrement dans cette langue. La mise en application des textes se heurte encore trop souvent soit à l'inertie, soit à des réflexes passéistes, quand il ne s'agit pas tout simplement de mauvaise foi. Sans doute vous-même ne manquerez pas, madame la ministre, avec votre collègue de l'éducation nationale, de faire à ce sujet un point d'étape de manière à surmonter les pesanteurs et à encourager les initiatives entreprises.

Sans doute conviendrons-nous tous que la reconnaissance et la valorisation de la diversité culturelle ont besoin d'un souffle nouveau. En 1992, la planète a eu droit à son sommet à Rio ; la diversité culturelle n'en mérite pas moins. Il serait à l'honneur de la France d'en prendre l'initiative, Elle aura d'autant plus de légitimité à l'organiser, elle qui possède déjà une grande diversité, qu'elle aura pleinement reconnu les apports culturels spécifiques et uniques de toutes ses régions, et des DOM-TOM en particulier. (Applaudissements à gauche)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je souhaite, avant de vous livrer la position des Verts sur la question des langues régionales, remercier M. Alfonsi pour avoir pris l'initiative de cette question orale. Son engagement pour la promotion et la préservation des langues régionales lui fait honneur.

Les langues régionales ou dites minoritaires sont un élément fondamental de notre patrimoine culturel. Plus de 10 % des Français pratiquent l'une des 75 langues régionales existant au côté du français. Ces « langues de France », ainsi qualifiées par les lois du 4 août 1994 et du 1er août 2000, sont enseignées dans nos écoles et font l'objet d'une grande attention de la part des collectivités territoriales. Qui n'a jamais eu plaisir à voir les doubles signalisations à l'entrée des villes, faisant coexister la langue régionale du territoire avec le français ? II existe une demande sociale forte : comme tout patrimoine historique, les langues régionales doivent nous préoccuper au même titre que la disparition de nombreuses traditions locales.

Là est le débat : comment préserver ces langues vouées à s'éteindre ? Comment en favoriser une transmission de qualité et garantir la liberté d'en user dans des sphères autres que la vie privée ?

Plus de 400 000 élèves ont reçu un enseignement de langue régionale en 2005. Le service public de l'audiovisuel diffuse des programmes exclusivement en langue régionale. Il y a donc une pratique qu'il s'agit aujourd'hui de reconnaître de manière solennelle. La révision prochaine de la Constitution est une occasion à saisir.

Avant cela, permettez-moi de rappeler que les langues régionales n'ont jamais eu pour vocation de se substituer au français. Nul ne conteste que le français est langue officielle de la République. C'est tellement évident qu'il a fallu attendre 1992 pour que ce soit précisé dans la Constitution. Ce n'étaient pas les langues régionales que visait cette révision, mais les langues étrangères, comme l'anglais. Ce n'est d'ailleurs pas anodin que deux années plus tard, la loi Toubon soit venue renforcer ce que, madame la ministre, vous avez qualifié à tort de « processus d'unification de la langue française » devant l'Assemblée nationale. Cette reconnaissance officielle a eu pour conséquence un dommage collatéral : la minorisation des langues régionales.

Elles existaient avant cette modification de la Constitution et elles lui ont survécu. Elles transcendent la notion d'unité et d'indivisibilité du territoire en ce qu'elles prennent racine dans l'histoire la plus profonde de France. Malheureusement, ces langues ont été diabolisées : nombre d'entre vous leur prêtent le rôle de Cheval de Troie de la destruction de l'identité nationale et de l'unité de la République. En 1999, la gauche s'était engagée à donner à ces langues la place qu'elles méritent dans notre ordre juridique et social en signant la Charte des langues régionales et minoritaires du Conseil de l'Europe. Cette étape devait être suivie par la ratification de la Charte. Or nous nous retrouvons dans un piège absurde : d'un côté, nous nous engageons à la ratifier, de l'autre le Conseil constitutionnel déclare certaines de ses dispositions contraires à la Constitution.

Doit-on baisser les bras et renoncer à cette Charte à cause de cette incompatibilité avec la Constitution ? Cette Charte est pourtant le cadre juridique idoine pour permettre aux langues régionales de perdurer, de se développer et de prospérer dans le respect des principes qui fondent notre République. Plusieurs de ses dispositions sont déjà appliquées mais il faut aller plus loin. En ratifiant la charte, la France se conformerait aux conventions de l'Unesco pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Ces conventions, signées à l'initiative de notre pays, font obligation aux États de défendre la diversité culturelle et linguistique sur leur territoire. La ratification de la Charte s'inscrit également dans la logique du traité de Lisbonne, dont un article dispose que l'Union « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturelle européen ». L'Allemagne, l'Autriche, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Espagne, la Finlande l'ont déjà ratifiée. La ratification de la Charte serait un signe fort en faveur de la diversité et de la richesse culturelle de notre pays.

La majorité, et certains membres de l'opposition, opposent à cette ratification la Constitution. Dans sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a seulement émis des réserves d'incompatibilité de la Constitution avec plusieurs articles de la Charte, pas avec la totalité de celle-ci ! Habituellement, lorsque le Conseil constitutionnel est saisi de la compatibilité d'un traité avec la Constitution, il indique systématiquement que la Constitution doit être révisée si le texte est incompatible. Il ne l'a pas fait cette fois parce que réviser la Constitution pour la rendre compatible avec la Charte aurait pour effet de toucher aux principes d'unité et d'indivisibilité de la République, pour lesquels aucune révision n'est possible.

On peut sortir de ce piège de manière très simple. II suffit, dans le cadre d'un amendement révisant la Constitution, de préciser que la France peut ratifier la Charte dans le respect de l'article 2 de la Constitution et des réserves émises par le Conseil constitutionnel le 15 mai 1999. L'obstacle juridique serait levé et la Charte serait ainsi ratifiée. De cette ratification découlerait la reconnaissance, encadrée, des langues régionales et minoritaires dans le respect de la Constitution et de la forme républicaine de notre régime.

Certains disent redouter un communautarisme. Pourquoi la reconnaissance, encadrée, des langues régionales créerait-elle du communautarisme ? Ces langues sont transmises depuis des générations, cela n'empêche pas de parler français ! Ce dont il s'agit, c'est d'organiser la coexistence de la langue française avec les langues minoritaires, pas de substituer l'une à l'autre. Les langues régionales sont source d'enracinement et de cohésion sociale, l'unité de la République n'est pas menacée par elles : au contraire, elle est préservée dans sa diversité. L'identité française est également faite de ses différences, de ces enrichissements linguistiques. Le nier reviendrait à nier une bonne partie de notre patrimoine. Reconnaître cette diversité culturelle plutôt que la nier est le plus sûr moyen de préserver l'identité républicaine. Si nous voulons être tous égaux, commençons par admettre que nous sommes aussi tous différents.

Je terminerai sur un proverbe breton : « un peuple qui perd sa langue perd son âme ». (Mme Herviaux et M. Kergueris applaudissent)

M. Jean-Paul Alduy.  - Je ne m'adresserai pas à vous en catalan. Non que je sois incapable de m'exprimer dans cette langue parlée par 10 millions d'Européens, la huitième langue d'Europe. Certes, l'école de la République m'avait interdit l'accès à cette langue et, dans ma jeunesse, on écrivait sur les murs des préaux : « soyez propres : parlez français ! » mais, depuis lors, j'ai appris cette langue et conduit une politique active de reconquête de la culture et de l'identité de Perpignan la Catalane. Si je ne m'adresse pas à vous en catalan, c'est que je veux être compris par tous, que je veux respecter notre unité, forte de nos diversités. Je suis pour la catalanité qui enrichit et non pour le catalanisme qui dresse des frontières et réduit notre espace économique, social et culturel.

Le débat que nous avons aujourd'hui doit être abordé en termes sereins. Il ne doit être ni folklorisé ni caricaturé. Le fait de n'avoir pas, dès l'origine de notre République, dès la proclamation des Droits de l'Homme, considéré la protection de la langue et de la culture d'origine comme un droit fondamental, est, même si cela s'explique par la préoccupation de donner naissance à un État moderne et homogène, une erreur historique que n'ont pas faite d'autres pays européens. A l'heure où l'on défend la biodiversité comme une valeur cardinale, garante du respect des différences, cette exception apparait comme une crispation idéologique sans véritable fondement logique. En quoi l'existence d'une langue nationale serait-elle contradictoire avec la défense de la diversité culturelle de notre patrimoine ? En quoi les langues régionales et leur inscription dans un statut juridique clair menaceraient-elles les fondements et les principes de l'État ?

Les langues régionales ont une tradition, une syntaxe, une longue histoire. Lorsqu'on n'évolue pas dans une communauté où ces langues sont parlées, lorsqu'on ne les pratique pas, on a l'impression qu'il s'agit de survivances.

Or, elles sont au contraire au coeur de notre identité individuelle et collective L'article 2 de la Constitution n'a été modifié qu'en 1991 : encore l'a-t-il été pour faire barrage à la généralisation de l'anglais, en passe de devenir l'unique langue d'échanges au détriment de la francophonie. Justement, la francophonie inclut toutes les langues de France, c'est-à-dire aussi les langues régionales. Au passage, notons que la modification de cet article n'a eu aucun effet sur l'extension de la langue de Shakespeare...

Perpignan, ville duelle, plurielle, française et catalane. Cette claudication entre plusieurs identités, cette capacité à appréhender au moins deux langues nous donnent un rôle naturel de plate-forme entre le monde ibérique -et au-delà le Maghreb- et l'Europe du nord. Loin d'être un signe de repli identitaire, notre langue naturelle est ainsi devenue le gage d'une inscription dans l'Europe de demain, dans l'Euro-méditerranée, et le ciment d'un espace transfrontalier en voie d'émergence qui relie les villes de Gérone, Figueras, Perpignan et Narbonne. Toute la communication de Perpignan est bilingue, sans que cela pose le moindre problème aux habitants, quelle que soit leur origine. En tant que maire de Perpignan, en tant que vice-président du Haut conseil national des langues régionales de France, je pense qu'il est temps de donner à nos langues un droit de cité aux côtés de la langue de la République, sans se substituer à elle, bien entendu, dans tous les actes et sphères de la vie publique. Cela suppose l'existence parallèle d'un enseignement structuré : le bilinguisme favorise l'agilité intellectuelle et l'apprentissage d'autres langues. Ainsi le respect du passé peut-il, une fois encore, favoriser l'insertion dans la modernité.

La loi doit imposer non seulement le respect de ces langues mais aussi leur défense : le respect ne suffit plus. Il s'agit de défendre un droit, celui de pratiquer les langues qui nous ont faits ce que nous sommes. Parler catalan, basque, alsacien, occitan, breton ce n'est pas ringard, c'est posséder une identité multiple, une interculturalité qui sera, demain, le socle de nos sociétés. Les langues régionales, ce n'est pas la France d'hier, ce sont les racines de la France de demain. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Odette Herviaux.  - Je remercie M. Alfonsi d'avoir pris l'initiative de ce débat. Celui qui a eu lieu la semaine dernière à l'Assemblée nationale sur la question des langues régionales aurait pu être une étape importante dans le processus qui permettrait à notre pays de se conformer à ce qu'il préconise au niveau international. La France a bien signé en 2006 deux conventions de l'Unesco : la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003 qui stipule dans son article 2 que ce patrimoine se manifeste notamment dans les « traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel » et la convention internationale sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005 qui rappelle, dans ses considérants, que « la diversité linguistique est un élément fondamental de la diversité culturelle » et, dans ses objectifs à l'article 1, qu'il convient de « promouvoir le respect de la diversité des expressions culturelles et la prise de conscience de sa valeur aux niveaux local, national et international ». En revanche, dans le cadre du Conseil de l'Europe et de la Charte européenne des langues régionales, il semble que l'on ne veuille toujours pas s'engager davantage. Bien que la promotion des langues régionales soit un atout culturel, social et aussi économique, de nombreuses langues minoritaires régionales sont aujourd'hui en péril dans notre pays. Depuis la signature de la Charte en 1999, la situation n'a pas évolué et dans certains cas des blocages administratifs ont interdit le développement de ces langues : non ouverture de classes, non articulation entre l'école élémentaire et le collège, crédits en baisse.

Ce qui est en jeu, c'est la reconnaissance officielle de notre diversité culturelle et linguistique. Cette question est régulièrement traitée à l'échelle de l'Europe depuis une quinzaine d'années, et la reconnaissance de la pluralité culturelle au sein des États européens est vécue comme une avancée démocratique. Alors qu'elle s'apprête à prendre la présidence de l'Union, la France ne peut faire figure de mauvais élève. C'est pourquoi avec mes collègues du Finistère et des Côtes-d'Armor -seul département à consonance non française-, depuis six ans, à chacune des modifications constitutionnelles, nous avons proposé que la France s'engage dans cette voie et c'est dans cet esprit que nous avons déposé un amendement lors du débat sur la révision constitutionnelle en janvier dernier. La référence que nous devons avoir à l'esprit, c'est la signature par la France, en mai 1999, des articles de cette charte déclarés conformes à la Constitution, comme le gouvernement Jospin l'avait, à l'époque, proposé. A chaque fois, on nous a répondu que ce n'était pas le moment et que le Gouvernement allait prendre des initiatives. Nous attendons toujours et je souhaite que ce débat ne constitue pas un énième épisode de cet attentisme poli.

La signature de la Charte européenne serait le signe de la détermination de la puissance publique en ce sens. Il ne s'agit pas de remettre en cause notre langue nationale, cela va de soi. Lors de la défense de notre amendement, nous avons d'ailleurs souhaité qu'il réaffirme notre attachement à l'unité de la République et à la suprématie du français, garant de la cohésion nationale. Ce ne sont pas les classes bilingues qui mettront notre langue commune en danger mais plus certainement le manque de volonté de la défendre là où elle est réellement en péril comme dans les publications scientifiques, industrielles ou au sein des institutions européennes.

La reconnaissance de ces héritages culturels et linguistiques doit s'accompagner du refus de tout communautarisme. C'est au contraire un remède à l'humiliation, encore très fortement ressentie par certains, et qui pourrait favoriser le repli communautaire. La pratique de plusieurs langues, la maîtrise de plusieurs cultures, la valorisation d'un ancrage local favorisent l'épanouissement personnel, l'ouverture au monde et donc une intégration plus réussie dans le monde globalisé qui est le nôtre.

Le Conseil constitutionnel n'a déclaré contraire à la Constitution qu'une partie du préambule de la Charte, l'article 1-a-partie 5, l'article 1-b et l'article 7, paragraphes 1 et 4. Il a en outre déclaré que les autres dispositions se bornaient à reconnaître des pratiques déjà existantes en France. Il n'y a donc aucun inconvénient à ratifier cette Charte, et il n'y a nul besoin de modifier la Constitution pour cela, dès lors qu'on ne ratifiera pas les dispositions qui y ont été déclarées contraires. Il serait intéressant de mettre en place un groupe de travail commun aux commissions des lois et des affaires culturelles pour préciser les dispositions de la Charte applicables et leurs modalités de mise en oeuvre.

Sur la sauvegarde des langues régionales, les régions concernées sont déjà très offensives : à son niveau, dans la limite de ses compétences et de son budget, le Conseil régional de Bretagne a mis en oeuvre le « plan de politique linguistique » voté à l'unanimité en décembre 2004 : soutenir les filières d'enseignement et les formations pour adultes, développer l'usage des langues régionales dans les médias, soutenir l'édition et l'expression culturelle. Mais il y a urgence : les régions sont aujourd'hui confrontées aux limites de leurs moyens et de leurs compétences en la matière. Cette année, nous fêtons les trente ans de la Charte culturelle présentée par Valéry Giscard d'Estaing. Alors que l'Unesco annonce l'année internationale des langues, il est plus que jamais opportun de donner un nouvel élan au bilinguisme dans les régions françaises. Dans un courrier adressé mardi dernier au Premier ministre, le Président du Conseil régional de Bretagne a demandé un droit à l'expérimentation dans la Constitution afin de mettre en oeuvre une politique linguistique en adéquation avec les attentes. Le Sénat, représentant des collectivités locales devrait sur ce sujet adopter une position claire, réaliste et ambitieuse : ratification des dispositions de la Charte européenne compatibles avec la Constitution et, le cas échéant, soutien à la régionalisation par l'institution d'un droit à l'expérimentation en matière linguistique. C'est la condition pour redonner du contenu à une démocratie de proximité enracinée dans une histoire, ouverte sur le monde et porteuse d'une diversité culturelle reconnue et valorisée. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Gillot.  - Évoquer, au lendemain de sa mort, la mémoire d'Aimé Césaire semble de circonstance dans un débat sur les langues régionales minoritaires parce que s'il y a un mot qu'il a prononcé avec une foi laïque et citoyenne, c'est le mot : identité. C'est ce mot qui doit être au coeur de notre réflexion. C'est ce mot qui nous impose de faire preuve d'ouverture d'esprit, de responsabilité et de courage à une époque où les cultures sont prises entre la déferlante de la mondialisation et la volonté de perdurer, de s'affirmer et de rayonner. A cette demande légitime du respect des identités, une grande Nation comme la France ne peut répondre ni par la surdité législative, ni par la contorsion politique, ni par la cécité culturelle. De la Guadeloupe à la Martinique, de la Martinique à la Guyane, de la Guyane à la Réunion, de la Réunion à la Nouvelle-Calédonie, sans oublier les Comores, Tahiti et Wallis-et-Futuna, des langues chantent, pleurent, rient pour exprimer les héritages, les filiations, les domiciliations, les inflexions qui singularisent, ici ou là, la condition humaine. Dans l'hexagone même, le succès extraordinaire du film « Les Ch'tis » confirme la conscience des langues régionales et des langages du terroir.

Ce disant, je ne fais l'éloge d'aucun passéisme ni d'aucun folklorisme, c'est au présent et surtout à l'avenir que je pense. Les langues minoritaires ne sont ni résiduelles ni bâtardes.

Langues à part entière, elles méritent le respect de tous et, mieux encore, le respect de la Nation. La France ne disparaîtra pas d'avoir consacré, soutenu et développé le principe d'un pluralisme linguistique. Au contraire, elle s'enrichira en permettant à ses différentes composantes de valoriser des pans de cultures, des parts d'humanité, des éclats d'imaginaires. De ce terreau surgira l'identité d'une France plurielle et fortement unie. L'unité n'est pas l'uniformité ! Il ne s'agit de rien moins que de donner des fondements juridiques au multilinguisme français.

Je ne saurais, dans ce débat, occulter la question du créole. Malgré de notables avancées, on ne peut crier victoire car le créole est encore chichement enseigné et englué dans des suspicions coloniales. Il se trouve peu soutenu alors même que les expériences prouvent que l'enseignement du créole ne nuit en rien à l'enseignement du français. Plutôt que de nous enfermer dans une dichotomie opposant langue nationale et langue régionale, il faudrait favoriser l'une et l'autre dans le cadre d'une politique linguistique généreuse, cohérente et humaniste. Qu'Astérix ait été édité en créole est une fierté pour les créolophones, et un cadeau de la langue créole à tous les francophones !

Le refus de l'ouverture engendre les communautarismes, les frustrations et, parfois, les blessures. Aucune langue n'est petite pour ceux qui l'habitent ! Je formule donc le voeu que la Charte européennes des langues minoritaires soit ratifiée sous peine de rétrécir linguistiquement une France méritant mieux que des refus obstinés et des aveuglements culturels. Les langues aussi ont besoin de liberté, d'égalité et de fraternité ! (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.  - Monsieur Alfonsi, en évoquant la place des langues régionales dans notre société et les mesures à prendre pour la consolider, vous ouvrez un débat qui passionne nombre de nos concitoyens. Aborder le sujet des langues régionales, c'est toucher à l'idée que l'on se fait l'identité nationale et aux représentations que l'on y attache. La place de la langue dans notre société intéresse la vie publique, mais touche aussi à l'intime. Comme outil de communication, la langue se situe dans le registre du rapport à autrui ; mais elle est aussi rapport à soi-même, toute langue étant un marqueur d'identité.

Depuis dix ans, le sujet de la ratification de la Charte européennes des langues régionales et minoritaires est abordé de façon récurrente dans les assemblées. D'autre part, nos concitoyens attendent sur ce point des pouvoirs publics une réponse sans ambiguïté : il est légitime qu'ils l'obtiennent.

Promulgué en 1992, au lendemain de la chute du mur de Berlin, ce texte répondait au souci de protéger les minorités que le nouvel ordre des choses en Europe centrale risquait de bousculer. La situation est différente en France où se sont développés un enseignement des langues régionales et des expressions culturelles que soutiennent l'État et les collectivités locales. Les médias leur accordent également une large place. Les avancées sont donc bien réelles.

La France a signé la Charte en 1999 mais elle ne l'a pas ratifiée, le Conseil Constitutionnel ayant jugé qu'elle comportait des clauses anticonstitutionnelles. Notre position n'a pas changé. Pour des raisons pratiques et pour d'autres qui tiennent aux principes, le Gouvernement ne souhaite pas modifier la Constitution dans un sens qui permettrait la ratification de la Charte.

Le Conseil a estimé que la Charte conférait des droits spécifiques et imprescriptibles à des groupes de locuteurs à l'intérieur de territoires, ce qui porterait atteinte au principe constitutionnel d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français. Il a également considéré que les dispositions énoncées dans le Préambule de la Charte, ainsi que dans les parties I et II, n'étaient pas dépourvues de portée normative : elles sont contraires à l'article 2 de la Constitution énonçant que la langue de la république est le français en ce qu'elles tendent à donner le droit de pratiquer une autre langue que le français dans la vie privée, mais également la vie publique. Nos concitoyens et la représentation nationale sont attachés à ces principes que le Conseil constitutionnel a mis en avant : nous ne comptons pas y revenir. Pour ces motifs, le Président de la République a indiqué pendant la campagne électorale qu'il était défavorable à la ratification.

D'autres considérations confortent la décision du Gouvernement de ne pas ratifier la Charte. Il n'est pas souhaitable que l'administration nationale et territoriale doive s'exprimer dans une langue régionale, les fonctionnaires recrutés étant obligés de maîtriser cette langue. Le nombre de langues concernées entraîne également des difficultés pratiques : en 1999, quelques 79 langues ont été identifiées, dont 39 outre-mer, sous la dénomination de « langues de France ». Ont alors été dressées des listes impressionnantes qui reflètent la richesse du patrimoine linguistique de notre pays. Ces listes montrent cependant la difficulté que pose la fixation de la ligne de périmètre d'application de la Charte, d'autant plus que celle-ci n'indique pas de critère d'éligibilité. Le risque de dispersion de l'aide et des moyens est réel.

Autre difficulté, le coût que représenterait cette ratification. Lors de la signature de la Charte, la France a choisi de souscrire à trente-neufs engagements, dont celui de rendre accessibles dans les langues régionales et minoritaires les textes législatifs nationaux les plus importants. Un engagement semblable concernait les textes pris par les collectivités territoriales, ainsi que la toponymie. Tels qu'ils sont rédigés, ces engagements ne relèvent pas d'une obligation : c'est leur combinaison avec le Préambule qui leur donne un caractère obligatoire. Le refus de traduire pourrait ainsi être contesté devant les tribunaux sur le fondement du droit imprescriptible de parler une langue régionale.

On imagine aisément ce que pèserait pour les finances publiques l'obligation de traduction ! Cette obligation ne concernerait pas seulement les textes futurs, mais aussi notre stock législatif.

Le Gouvernement a également conscience que la question de la langue revêt dans notre histoire une dimension particulière depuis que l'ordonnance de Villers-Cotterêts a imposé aux parlements et tribunaux l'usage du français. La France, qui a le patrimoine linguistique le plus riche d'Europe, ne se trouve pas dans la même situation que les autres pays occidentaux ayant ratifiés la Charte.

Cependant, la France applique déjà largement ces trente-neuf mesures qui sont toutes conformes à notre cadre légal et complémentaire. Ainsi, plus de 400 000 élèves suivent un enseignement de langue régionale. Ces effectifs ont fortement progressé, puisqu'ils ont décuplé en dix ans et triplé au cours des cinq dernières années. L'Éducation nationale s'emploie à répondre à cette demande sociale en formant de nombreux enseignants.

Aux termes de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école dite « loi Fillon », l'enseignement des langues régionales s'inscrit dans un partenariat étroit avec les collectivités territoriales qui peuvent désormais signer des conventions. L'école se substitue ainsi aux familles, puisque seul un Français sur huit s'est vu transmettre par héritage une langue régionale, et que seul un tiers des Français concernés la transmet à son tour. Concernant les médias, le Gouvernement s'attache à élaborer et faire respecter une réglementation libérale qui assure la libre expression des langues régionales.

M. Jean-Louis Carrère.  - Pas trop à France 3 !

Mme Christine Albanel, ministre.  - Les dispositions qui restreignaient les aides à la presse hebdomadaire régionale ont été étendues aux langues régionales en usage en France. (M. Carrère le conteste) Aux termes de la loi du 1er août 2000 relative à la liberté de communication, les sociétés ayant des missions de service public dans le champ audiovisuel doivent mettre en valeur le patrimoine culturel et linguistique dans sa diversité. Les cahiers des charges de radio France, RFO et France 3 traduisent cette obligation. Les résultats sont inégaux, et le temps accordé aux langues régionales est certainement trop faible.

Mais chaque jour, particulièrement outre-mer, plusieurs centaines de programmes sont diffués dans une dizaine de langues régionales.

Enfin, dans le domaine de la culture, nous soutenons la création artistique en langue régionale. Le ministère de la culture encourage les secteurs où se forgent la modernité et les légitimités culturelles : le multimédia, le théâtre, le cinéma, mais aussi le livre, principal outil culturel. Les créateurs ne doivent pas être jugés selon la langue qu'ils choisissent, mais d'après la qualité de leurs oeuvres, et nous souhaitons inscrire la pluralité linguistique interne dans le débat général pour le plurilinguisme.

L'unité sur laquelle s'est construit notre pays n'appelle pas un seul modèle. Les langues régionales sont l'instrument et l'expression de la pluralité culturelle, sans lesquelles la France ne serait pas ce qu'elle est. L'identité française peut se dire en plusieurs langues ! Nous affirmons notre attachement à une France politiquement et culturellement plurielle.

Les dispositions législatives et réglementaires qui autorisent l'usage des langues régionales en France restent mal connues, et les marges de manoeuvre existantes sont insuffisamment exploitées. Ainsi, une collectivité territoriale peut publier les actes officiels qu'elle produit dans une langue régionale. Les dispositions qui régissent l'emploi des langues de France et les possibilités qu'offrent les textes sont disséminées. Un effort de formalisation et de codification s'impose : il nous faut un cadre de référence qui organise et mette en cohérence ce qui existe tout en offrant une perspective au développement actuel de la demande sociale et des mentalités.

Une loi donnera une forme institutionnelle au patrimoine linguistique de la nation en récapitulant les dispositions existantes et en ouvrant la voie à une avancée de la démocratie culturelle dans notre pays. Elle concernera l'enseignement, les médias, les services publics, ainsi que la signalisation et la toponymie. Originaire de l'Ariège et de Toulouse, j'aime, comme plusieurs orateurs, profiter des doubles noms indiquant les rues et les lieux. Ce texte, qui sécurisera l'usage des langues régionales, conformément au souhait du Président de la République, devrait voir le jour en 2009, et le Gouvernement compte sur la représentation nationale pour contribuer à l'améliorer.

Nous n'oublions pas pour autant que la langue française constitue le socle sur lequel se fonde l'accès au savoir, aux oeuvres, aux technologies, garant d'une intégration réussie. Elle est le lien le plus profond qui nous rassemble autour des valeurs de la République, pour citer le Premier ministre auquel je soumettrai prochainement une circulaire sur l'emploi du français dans les services publics. A la veille de la présidence française de l'Union européenne, le rappel de certains grands principes est indispensable. En maintenant la confiance qui relie nos concitoyens à la langue française, nous pourrons bâtir une politique audacieuse en faveur des langues régionales. Ainsi, nous ne connaîtrons jamais la situation catastrophique envisagée par Georges Dumézil, qu'a cité M. Alfonsi, où une langue n'est plus défendue que par une poignée de personnes. (Applaudissements à droite et au centre)

Amélioration et simplification du droit de la chasse

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Ladislas Poniatowski pour l'amélioration et la simplification du droit de la chasse.

Discussion générale

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques.  - Je commencerai en exprimant ma satisfaction de voir cette proposition de loi, déposée en février 2007 et cosignée par soixante-dix collègues, examinée aujourd'hui. Ce texte est le fruit d'un travail mené avec les acteurs du monde de la chasse, avant l'élection présidentielle, et qui se poursuivra, je l'espère, rapidement à l'Assemblée nationale.

Un rappel rassurera, mais décevra aussi sans doute certains de nos collègues : il n'est nullement question de rouvrir un débat sur les grands équilibres entre la chasse et la non-chasse, ou entre la chasse et les autres activités agricoles ou sylvicoles. Il s'agit simplement de proposer quelques améliorations ponctuelles, en restant à l'intérieur du cadre existant mis en place par la loi du 30 juillet 2003 et par la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux. Le temps des grandes polémiques est révolu. Les chasseurs sont désormais reconnus comme des acteurs responsables d'une gestion équilibrée des écosystèmes. Dans certaines régions, on s'inquiète même des conséquences d'un non-renouvellement des générations de chasseurs sur le développement durable des territoires. Il faut lever les obstacles qui empêchent les chasseurs ou leur fédération de jouer pleinement leur rôle.

Le texte initial visait à clarifier le droit existant en levant des ambiguïtés liées à l'interprétation de dispositions introduites en 2003, en 2005 ainsi que par la loi Voynet du 26 juillet 2000. Il s'agissait également de le simplifier, pour faciliter la vie quotidienne des acteurs de la chasse, et de régler le problème du nomadisme des permis nationaux et celui des dégâts de gibier liés aux territoires non chassés. La commission des affaires économiques a ajouté onze nouveaux articles de clarification et de simplification, et ajouté la question du sabotage des actions de chasse. Les vingt-deux articles ont été adoptés par la commission le 30 avril, à l'unanimité.

Au titre de la clarification, l'article premier précise que les schémas départementaux de gestion cynégétique, créés en 2000, doivent comprendre des mesures de sécurité, alors que le droit actuel laisse subsister une incertitude quant à l'articulation des règles prévues au niveau départemental et au niveau national, qui devaient être fixées par décret en Conseil d'État. L'article 2 supprime le renvoi à ce décret, qui n'est toujours pas paru. L'article 3 crée des sanctions spécifiques en cas de non-respect des schémas départementaux de gestion cynégétique afin d'affirmer la force obligatoire de ces derniers.

L'article 9 comble une lacune du droit actuel en prévoyant que les gardes particuliers et les agents de développement des fédérations de chasseurs agissant dans le cadre d'une convention de garderie pourront saisir le gibier tué illégalement. L'article 10 répare une erreur de transcription de la loi du 23 février 2005, qui prive de son effectivité une disposition relative aux infractions les plus graves au droit de la chasse en limitant l'augmentation des peines pour circonstances aggravantes à un type d'action répréhensible -la détention d'instruments ou d'engins de chasse interdits- alors que l'objectif était d'en viser cinq autres.

L'article 16 tranche les hésitations jurisprudentielles liées à l'interprétation de l'article L. 141-1 du code de l'environnement concernant l'agrément des fédérations au titre de la protection de l'environnement, en leur reconnaissant la qualité d'association agréée pour la protection de l'environnement. L'article 18 clarifie la volonté du législateur de 2005 d'autoriser les associations communales de chasse agréées à utiliser la délivrance de cartes de chasse temporaires comme moyen de financement.

Les dispositions de simplification du droit visent à faciliter la vie des chasseurs. Dès le stade de la première démarche, il est proposé, à l'article 4, d'abaisser le coût de la délivrance du permis pour les jeunes de 16 à 18 ans et, aux articles 5 et 6, de diminuer le coût de la validation annuelle pour les nouveaux chasseurs. Il s'agit de réduire de moitié la redevance payée à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, ce qui devrait représenter 450 000 euros et 0,6 % du total de la redevance, et de diminuer la cotisation fédérale due pour la première validation. Les pertes immédiates de recettes pour l'État du fait de l'article 4, évaluées à 95 000 euros, sont gagées sur une augmentation des droits sur les tabacs par le biais de l'article 22.

L'article 8 améliore les droits des chasseurs en cas de demande de restitution de permis après suspension.

Plusieurs articles allègent ou suppriment des formalités inutiles ou disproportionnées. L'article 13 aligne l'Alsace-Moselle sur le droit national pour le transport du gibier ; l'article 14 rétablit pour ces départements une ressource issue des terrains militaires pour les fonds d'indemnisation des dégâts de gibier, dont l'article 15 assouplit les financements complémentaires. Simplification encore avec l'article 19 qui supprime l'obligation de marquage des parties du gibier partagées sur le terrain à l'issue de la chasse. L'article 20 levait l'interdiction de détenir, transporter ou naturaliser certains animaux classés nuisibles mais avec le texte règlementaire paru au Journal officiel du dimanche 11 mai, la commission l'a supprimé. Enfin, l'article 21 libéralise l'utilisation du grand duc artificiel.

La proposition règle des problèmes lancinants. Le nomadisme des chasseurs d'abord, car certains vont faire valider leur permis national dans un département où cette validation est moins chère que dans leur département de résidence ou de chasse. A la compensation indirecte d'abord proposée, l'article 7 préfère la solution plus simple d'un prix unique.

S'agissant de l'indemnisation des dégâts de gibier résultant de sa prolifération sur des terrains dépourvus de plan de chasse, l'article 12 soumet le propriétaire contre lequel pourra se retourner le fonds d'indemnisation à une obligation de gestion, un plan de tir imposé par le préfet.

M. Gérard César.  - Normal !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Cela revient à reprendre ce qui s'applique aux objecteurs de conscience aux ACCA, qui n'existent que dans le tiers des communes.

Les commandos anti-chasse, qui ne cessent de se développer depuis 2006, reprennent les méthodes utilisées contre la chasse à courre pour la chasse au tir, ce qui entraîne des risques évident pour les hommes comme pour les chiens. Les auteurs de ces actes semblent éprouver un sentiment d'impunité, au point de recruter des saboteurs par petites annonces dans la presse locale.

M. Jean-Louis Carrère.  - Il n'y a pas d'impunité sous Sarkozy...

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Notre droit n'est pas adapté car le code pénal vise surtout les infractions les plus graves. C'est pourquoi, à titre subsidiaire, la proposition institue une peine contraventionnelle de cinquième classe, bénéficiant d'une procédure plus légère.

Cet article a été introduit avec l'accord des associations de protection de la nature et de défense des animaux car la commission a recherché le consensus, ainsi qu'en témoigne l'adoption à l'unanimité de la proposition. C'est ce souci qui m'a conduit à ne pas retenir certaines propositions que je souhaitais formuler, notamment sur les chasses professionnelles, dont pourra traiter la table ronde présidée par M. Bignon.

Bien que le temps des grandes polémiques soit révolu, ou plutôt parce qu'il est révolu, il faut favoriser tous les échanges. C'est pourquoi je regrette solennellement que l'État ait gâché des occasions en ne réunissant plus depuis 2005 l'Office national de la faune sauvage qui devait pourtant rendre son rapport triennal en octobre prochain. S'il vous plaît, monsieur le secrétaire d'État, soyez notre interprète auprès du Gouvernement pour que cela ne se reproduise plus.

Nous avons tant à gagner au dialogue ! C'est dans cet esprit que je vous soumets les conclusions de la commission des affaires économiques sur une proposition qui se veut modeste et pragmatique pour être efficace. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Je vous prie d'excuser M. Borloo retenu à l'Assemblée nationale par la deuxième lecture du projet sur les OGM.

M. Jean-Louis Carrère.  - Il a intérêt à y rester !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Au coeur de notre territoire comme des pratiques de ceux qui y vivent, la chasse prend toute sa part au développement durable. Elle s'inscrit dans le travail de notre ministère pour que la France relève les grands défis d'un mode changeant dans lequel inventer un nouveau vivre ensemble respectueux de l'environnement.

Je tiens à remercier M. Poniatowski, président de votre groupe d'étude chasse et pêche...

M. Jean-Louis Carrère.  - Qu'il n'a pas réuni !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - ...de son travail constant et de qualité, ainsi que pour son engagement en faveur de l'activité cynégétique, ainsi que M. Émorine et tous les membres de la commission des affaires économiques pour leur contribution.

Voilà plusieurs mois que la Haute assemblée n'avait pas examiné de dispositions relatives à la chasse. Le Président de la République avait invité à une pause dans la construction de telles lois mais en soulignant l'intérêt de simplifier des textes foisonnants.

Le Gouvernement souhaite engager activement un travail de fond dont le rythme de réformes, toutes urgentes, et la conduite du Grenelle de l'environnement avaient dicté la mise en attente. Il est maintenant grand temps de s'y atteler.

Une concertation avec tous les acteurs de la chasse, tous les usagers du monde rural et les associations de défense de la nature permettra de formuler des propositions pour le développement durable de l'activité cynégétique. La présidence du M. Jérôme Bignon et la présence de M. Ladislas Poniatowski sont des gages de succès et de qualité...

M. Jean-Louis Carrère.  - Et de pluralisme !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Ce travail, qui doit se dérouler jusqu'à l'été, traitera la connaissance de l'économie de la chasse afin de forger, grâce à ses propositions originales, des outils pour valoriser les territoires et les activités cynégétiques. La table ronde abordera les modalités de production d'une connaissance partagée et reconnue sur les ressources en gibier et traitera, monsieur le rapporteur, d'une relance de l'Observatoire national de la faune sauvage. Nous pourrons alors apaiser des débats douloureux, par exemple sur les dates de chasse, et envisager les évolutions et simplifications nécessaires. Les chasseurs pourront ainsi collaborer activement avec les agriculteurs, les propriétaires fonciers et les gestionnaires d'espaces naturels à une chasse responsable et durable. On sait en effet toutes les synergies entre le développement des terroirs cynégétiques et la qualité agro-environnementale des campagnes. Il reste encore à développer des partenariats.

En outre, nous souhaitons, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, rapprocher les agents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et ceux de l'Office national des eaux et des milieux aquatiques. L'unification de forces placées sous l'autorité des préfets permettra de réaffirmer la spécificité de la police de l'environnement, en liaison avec les autres forces de police, notamment la gendarmerie, et renforcera l'efficacité des offices.

Des propositions concrètes seront présentées dès cet été pour favoriser le développement d'une chasse responsable, tant sur le plan économique qu'écologique.

Le Gouvernement souhaite construire sans tabou, sur la période du quinquennat, un ambitieux programme autour des questions cynégétiques. La présente proposition de loi est une contribution importante à ce processus, une étape qui doit rester centrée sur la simplification des textes afin de ne pas présager des propositions consensuelles qui émergeront de la table ronde. Ici, comme en dehors de cet hémicycle, le Gouvernement sera à l'écoute de propositions ancrées dans les territoires, qui permettent de consolider les équilibres budgétaires et les institutions en charge du secteur. La chasse doit être comprise par tous, une chasse responsable, sécurisée, durable, qui contribue à entretenir les liens de proximité si précieux entre tous les acteurs, sur tous les territoires. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - Je connais bien cet hémicycle, je sais l'intérêt de M. Falco pour toutes les questions touchant à l'aménagement du territoire ; mais je regrette que sur pareil texte le ministre compétent ne soit pas présent.

M. Gérard César.  - M. Falco est compétent !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Et il chasse !

M. Jean-Louis Carrère.  - Ce n'est pas sa personne qui est en cause, mais son titre ! Un débat au Sénat sur la chasse aurait mérité un traitement à la hauteur des enjeux.

Le sujet est sensible et nous avons montré, ici, qu'on pouvait en débattre et trouver des points d'accord. Pour moi qui viens d'une région où les chasseurs sont aussi puissants que les fédérations qui les représentent, il est vraiment dommage qu'on mette en place une commission aussi peu pluraliste. Je sais qu'il existe une majorité parlementaire ; je sais aussi qu'il existe une majorité dans les collectivités locales. La chasse se pratique au plus près du terrain ; lorsque nous pouvons nous accorder, ne nous en privons pas. J'espère que cet appel sera entendu, nous avons su par le passé démontrer, en délégation à Bruxelles, que le pluralisme avait quelque vertu...

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - C'est vrai !

M. Jean-Louis Carrère.  - Si la proposition de loi de notre collègue suscite notre intérêt, le moment choisi pour en débattre nous semble curieux. Comme le nucléaire, la chasse a été exclue des discussions du Grenelle de l'environnement, en échange de la promesse qu'une large concertation serait engagée dès le début de 2008. Il apparaît que cette concertation peine à se mettre en place. Quelle urgence y a-t-il à débattre du texte de M. Poniatowski avant même qu'elle ait débuté ? Le Gouvernement nous dit pourtant qu'il veut construire un consensus autour du fonctionnement de l'ONCFS, de la préservation des espèces, des relations entre les acteurs ou de l'économie de la chasse.

L'enjeu économique est très important : 2 milliards d'euros par an. Parviendra-t-on à des propositions consensuelles sur les dates d'ouverture et de fermeture, qui empoisonnent la vie des parlementaires parce qu'elles empoisonnent celle des chasseurs ? Rien n'est moins sûr, si l'on en juge par les difficultés qu'éprouve le Gouvernement à passer aux actes d'après Grenelle. Si, de surcroît, la majorité se laisse aller à mettre de l'huile sur le feu, nous pouvons toujours attendre ! Et ce serait dommage.

Lors de la campagne présidentielle, le Président de la République a souhaité une pause sur la chasse, après trois textes en huit ans, tout en reconnaissant qu'une mise en cohérence et une simplification du droit étaient peut-être nécessaires. La proposition de loi met-elle en cohérence et simplifie-t-elle le droit ? Assurément oui. Est-elle pour autant consensuelle et sans danger ? Là, je dis : attention ! Sur les vingt-deux articles qu'elle comporte, quinze simplifient, en effet. Mais d'autres modifient le droit de telle sorte qu'ils peuvent apparaître comme des chiffons rouges agités devant les associations de protection de la nature -même si je sais que ce sont avant tout des propositions appelant à des solutions plus durables.

Réduire de moitié le prix du permis redonnera-t-il aux jeunes le goût de la chasse ? La pratique, on le sait, est le plus souvent familiale, notamment dans la région où j'ai le plaisir de m'y adonner. Peut-on encourager les jeunes comme on les attire en boîte de nuit avec des tarifs réduits ? On va à la chasse avec son père, ou un parent, qui paye d'ordinaire le permis. Nous ne proposerons cependant pas la suppression de cette disposition ; abaisser le prix du premier permis peut avoir des avantages.

Nous déposerons un amendement à l'article 12, qui nous paraît de l'espèce des chiffons rouges. Avec le texte, on reviendrait sur un droit des propriétaires, qui verraient leur responsabilité financière engagée s'ils refusaient un nouveau droit de chasser sur leurs terrains, et s'il était considéré que le gibier responsable des dégâts provenait de leurs fonds. Si, en 2000, la loi « chasse » avait permis à tout propriétaire de refuser la chasse chez lui, c'était pour donner suite à une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, qui avait estimé que loi Verdeille portait atteinte sur ce point au droit de propriété et à la liberté d'association. Prenons garde à ce que la proposition de loi n'expose pas la France à une nouvelle procédure et à une nouvelle condamnation. Nous proposerons de supprimer l'article, tout en restant ouvert à la discussion. Dans ma terre de rugby, on parle d'essai contre son camp. Attention, donc.

Nous amenderons aussi l'article 16 : il n'est pas admissible d'octroyer automatiquement à toutes les fédérations et à la fédération nationale l'agrément d'association de protection de la nature. Il paraît bien plus important de trouver des solutions aux imbroglios juridiques nés des recours intentés contre les décisions des préfets qui ont reconnu cette qualité à certaines fédérations.

Globalement, je tiens à saluer la teneur générale de ce texte, et en particulier deux dispositions importantes : la redistribution organisée d'une partie des recettes en faveur des fédérations où habitent les chasseurs, pour lutter contre le nomadisme et faire un peu de péréquation ; et la création d'un délit d'entrave à la chasse à l'article 11.

Cette proposition de loi envoie des signaux positifs aux chasseurs, qui ne sont pas responsables de tous les dégâts de gibiers, et ne peuvent assumer seuls des responsabilités en partie collectives. La chasse est un loisir reconnu en France pour son intérêt dans la gestion de la faune sauvage et des équilibres de la biodiversité.

A propos des dégâts de gibier... J'en parle devant un sénateur de la Gironde...

M. Gérard César.  - En effet, monsieur le sénateur des Landes ! (Sourires)

M. Jean-Louis Carrère.  - L'affaire du camp militaire du Poteau n'est toujours pas résolue, alors que Mme Alliot-Marie en avait été saisie au temps où elle était au ministère de la défense ; on ne peut y chasser les sangliers qui s'y réfugient et qui font, quand ils sortent, de gros dégâts dans les cultures de maïs alentour. Il faut clôturer complètement la zone afin de réguler le cheptel mais cela coûte trop cher.

Il faut trouver une solution juridique et financière.

Je sais que M. Poniatowski s'attache à ne pas provoquer, mais ce texte envoie néanmoins quelques mauvais signaux : il a doublé de volume en commission, preuve qu'il y a eu un vrai débat, mais au détriment de sa lisibilité. On a l'impression d'un bras de fer entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement ; j'aurais préféré un consensus. Tenter de passer en force, en foulant des engagements de concertation, n'est pas une bonne méthode vis-à-vis de l'opinion, qu'il faudra convaincre lors du vrai débat sur les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse.

A quelques nuances près, ce texte nous intéresse ; si le débat sur les amendements est satisfaisant, il aura notre soutien enthousiaste. Nous essayons de nous conduire en minorité responsable ; j'espère trouver le même état d'esprit sur les bancs de l'UMP lors de l'examen du texte portant réforme des institutions ! (Applaudissements à gauche, exclamations sur les bancs UMP)

M. Alain Vasselle.  - Chacun connaît la compétence, le talent, l'adresse, la diplomatie de Ladislas Poniatowski, rapporteur mais aussi unique signataire de cette proposition de loi.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est exact.

M. Alain Vasselle.  - En tant que vice-président du groupe d'étude sur la chasse, qu'il préside, je le félicite de son heureuse initiative. Ces sujets ont souvent été évoqués par notre groupe d'étude, que ce soit avec les fédérations de chasseurs ou les représentants du ministère -à l'époque de Mme Olin. Je ne désespère pas d'avoir un jour quelques contacts avec le gouvernement actuel... Je me réjouis de la tenue d'une table ronde, mais il serait pertinent d'y associer l'opposition, comme le souligne M. Carrère. Nous avons toujours trouvé un consensus sur les textes relatifs à la chasse. Notre groupe d'étude devra être informé régulièrement de l'état d'avancement de la table ronde afin de dégager une position consensuelle sur un futur texte. Tant de sujets nous divisent ; accepter de dépasser les clivages politiques sur un sujet comme la chasse ne peut être qu'heureux. Une récente proposition de loi du député Maxime Gremetz reprend d'ailleurs à la lettre près plusieurs mesures du texte de M. Poniatowski. (Sourires)

Les mesures de simplification et de clarification sont particulièrement heureuses. Il serait utile de mettre au point, avec les fédérations de chasseurs, les groupes d'étude et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) une action de communication à destination du grand public. Ceux qui critiquent la chasse ne la connaissent pas ; nos concitoyens doivent être éclairés, loin des médias qui dénigrent cette activité.

L'article 10 du texte porte sur les circonstances aggravantes des infractions au droit de la chasse, dont le fait de chasser sur le terrain d'autrui sans son consentement si ce terrain est attenant à une maison servant d'habitation et s'il est entouré d'une clôture continue. A contrario, il n'y aurait pas infraction si le terrain est nu et sans clôture ! Une telle disposition me parait anormale, voire anticonstitutionnelle, car elle introduit une inégalité entre propriétaires. Le Gouvernement peut-il apporter quelques précisions sur ce point ?

En 2005, j'avais déposé un amendement visant à interdire les clôtures sur les propriétés privées. En Sologne, région privilégiée en matière de faune sauvage, la multiplication des clôtures entrave la libre circulation des animaux, que l'État cherche pourtant à favoriser. La clôture des espaces crée un problème de pollution génétique et nuit à l'image des chasseurs en donnant le sentiment qu'ont été aménagés des parcs de chasse où l'on s'exerce au tir ! Face à ces comportements inacceptables, la réglementation n'est pas assez contraignante.

Cet amendement avait été retiré, à la demande du rapporteur, contre l'engagement du ministre, M. Lepeltier, de mener une réflexion de fond sur le sujet. Cette question sera-t-elle à l'ordre du jour de la table ronde ? J'ai déposé à nouveau un amendement d'appel...

Si nombre de propriétaires se sont résolus à clôturer, c'est pour éviter par exemple la visite de personnes qui viennent, sans vergogne, ramasser des champignons ! Ils ne peuvent assumer le coût d'une surveillance. A l'heure du Grenelle de l'environnement, je souhaite que l'on y réfléchisse dans le cadre de la table ronde.

S'agissant des dégâts des gibiers, le texte prévoit que « si le nombre d'animaux attribués n'est pas prélevé, le propriétaire peut voir sa responsabilité financière engagée ». On aurait pu aller plus loin. En tant qu'administrateur d'une fédération de chasseurs, j'ai été confronté au versement de droits importants car le quota de prélèvement n'était pas atteint. Résultat, les populations prolifèrent, causant de plus en plus de dégâts.

L'augmentation du prix des céréales vient alourdir le coût d'indemnisation des dégâts de gibier. Les propriétaires qui ne réalisent pas leurs droits devraient donc être davantage pénalisés.

Enfin, je me félicite que les fédérations se voient reconnaître les mêmes qualités que les associations dites écologiques. Si nous avons aujourd'hui des populations de petit gibier, comme le perdreau gris, le faisan, le lapin ou le lièvre, qui réapparaissent, c'est grâce à la gestion du territoire par les chasseurs. Sur ce point aussi, nous devrons communiquer ! Je me félicite de cette initiative, que je soutiendrai. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Gérard Le Cam.  - Cette proposition de loi permet de clarifier le droit de la chasse et elle résout les difficultés apparues à l'occasion de la loi relative au développement des territoires ruraux.

Dans la mesure où le décret en Conseil d'État attendu depuis huit ans n'a pas été pris, les schémas départementaux devront édicter les mesures de sécurité relative aux diverses actions de chasse. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, pour quelles raisons ce décret n'a pas été publié ? Pour notre part, nous aurions préféré un socle national de mesures de sécurité, socle complété par des mesures locales dans les schémas départementaux. Nous vous proposerons un amendement en ce sens d'autant que la portée juridique de ces schémas départementaux sera toute relative.

Le chapitre III relève d'une bonne intention : le droit de timbre des jeunes chasseurs et la redevance la première année de chasse seront abaissés. Les fédérations départementales pourront également diminuer la cotisation fédérale des nouveaux chasseurs. Ces mesures partent du constat que le renouvellement des générations de chasseurs est actuellement très loin d'être assuré. Ainsi, dans ma société communale de chasse, le plus jeune chasseur a 28 ans. Depuis douze ans, pas une seule recrue chez les jeunes pour une société qui compte environ quatre-vingts adhérents. L'avenir de la chasse est donc compromis mais, au-delà, c'est toute la gestion des équilibres agro-sylvo-cynégétiques et des nuisibles qui est en cause.

L'avenir de la chasse ne dépend pas des seules mesures financières, mais celles-ci demeurent trop modestes alors que l'État continue de peser sur le budget des fédérations départementales. L'article 7 combat le « nomadisme » que l'on aurait pu qualifier « d'opportunisme » des demandeurs du permis national. Sur ce point, il est essentiel de maintenir une péréquation équilibrée entre fédérations, au regard des efforts fournis par chacune pour réduire le montant des dégâts du gibier.

L'article 9 renforce le pouvoir des agents de développement des fédérations départementales qui pourront saisir le gibier tué en infraction avec le droit de la chasse en l'offrant à l'établissement de bienfaisance le plus proche. Cet article, sans doute nécessaire, met en évidence les évolutions en matière de garderie depuis la transformation des gardes fédéraux en gardes. Les nouvelles charges des fédérations et des sociétés de chasse en matière de garderie justifient la prise en charge intégrale par l'État du financement de son service de garderie dont les prérogatives dépassent d'ailleurs largement le domaine de la chasse.

L'article 11 décourage le sabotage des actions de chasse. Pourtant, le droit actuel devrait suffire. En réalité, il est difficile de prendre les saboteurs sur le fait et de prouver leurs intentions malfaisantes. Pouvez-vous nous dire comment la justice appréhende ces actions tant au pénal qu'au civil afin de nous faire une opinion plus précise sur ces délits ?

L'article 12 traite de l'indemnisation des dégâts du gibier qui pénalise les budgets fédéraux d'autant que le cours des céréales a considérablement augmenté. Il engage la responsabilité financière des propriétaires, y compris ceux sur lesquels la chasse n'est pas pratiquée. Nous approuvons cet article car les gibiers, notamment les sangliers, circulent et provoquent des dégâts importants. Un certain nombre d'initiatives départementales en matière de clôtures électrifiées et d'aménagements de cultures en forêt, montrent que le montant des indemnisations peut parfois diminuer de façon sensible.

L'article 15 élargit les contributions financières des chasseurs plutôt qu'il ne propose de solution novatrice en matière de dégâts de gibier.

A l'article 16, la fédération nationale et les fédérations départementales deviennent des associations agréées au titre de l'environnement. Ce n'est que justice car les chasseurs ont joué un rôle essentiel lors des crises dues à la rage et à la grippe aviaire. En outre, ils régulent les espèces nuisibles et ils aménagent l'espace.

Nous proposerons un amendement à l'article 19 pour maintenir le dispositif actuel de marquage des animaux tués pendant le transport de la venaison. En effet, la suppression de cette mesure faciliterait le braconnage de grand gibier. Il est en effet fréquent de rentrer avec un demi-chevreuil dans le coffre de sa voiture après une chasse domaniale où le partage se fait par rotation et il serait normal qu'il y ait un ticket portant le numéro du bracelet.

Les polémiques autour de la chasse se sont apaisées depuis quelques années. Pour autant, rien n'est réglé : le plus grand danger qui guette la chasse est la diminution du nombre de chasseurs. Nos détracteurs attendent patiemment le moment venu pour contre-attaquer. Je n'ose imaginer le coût d'une gestion administrée par les pouvoirs publics pour chasser les espèces nuisibles et pour indemniser les dégâts agricoles et forestiers.

La meilleure garantie pour la survie des espèces, c'est l'avenir des chasseurs, c'est le développement d'une chasse populaire intergénérationnelle et de proximité. Ce texte marque une première étape, mais d'autres devront suivre. (Applaudissements à gauche ; M. Poniatowski applaudit aussi)

M. Aymeri de Montesquiou.  - L'objectif de ce texte n'est pas de réformer une nouvelle fois l'organisation française de la chasse. La loi chasse du 30 juillet 2003 et la loi de développement des territoires ruraux du 23 février 2005 ont permis à cette activité d'entrer dans la modernité.

Nous avons des atouts : l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, des fédérations structurées, une chasse bénévole et démocratique, des structures scientifiques de gestion, des schémas de gestion cynégétique. Sur le terrain, le chasseur se révèle ainsi de plus en plus un acteur incontournable de l'aménagement du territoire et de la protection de la nature.

Des actions concrètes de gestion et de préservation sont menées par les fédérations départementales de chasseurs comme l'aménagement de zones de nidification, la création et restauration de mares et d'étangs, l'entretien de formations végétales, la gestion des niveaux d'eau, la restauration de marais asséchés... Près d'un chasseur français sur deux participe à des actions bénévoles sur le terrain pour aménager, restaurer et préserver les habitats. Grâce à eux, chaque année, des centaines de milliers de mètres cubes de déchets sont enlevés des milieux naturels.

Après avoir affronté une crise d'identité avec la montée en puissance de l'écologie politique qui l'a stigmatisée, la chasse peut aujourd'hui affirmer sans complexe ses valeurs et sa légitimité. Certains rêvent encore de la marginaliser mais ce sont des idéologues qui se sont eux-mêmes marginalisés. Les défenseurs de la nature pragmatiques reconnaissent le bien-fondé de la chasse en faveur de la faune et des habitats.

D'ailleurs, la chasse durable ne peut s'exercer que sur des territoires préservés. Le chasseur doit en effet assurer la pérennité des gibiers sans lesquels il ne pourrait plus pratiquer son activité, et la faune sauvage en profite.

Cette année, beaucoup d'agriculteurs ont clamé leur inquiétude face à l'apparition de zones de concentration et de prolifération du gibier. Lapins de garenne, renards, sangliers, prolifèrent dans l'hexagone, causant des dégâts dans les forêts, les cultures, mais aussi aux lisières des villes, et parfois même jusqu'au coeur des cités. On a même entendu, çà et là, que les chasseurs n'avaient pas fait ce qu'il fallait. Un comble ! Mais c'est aussi le signe d'un vieillissement et d'une diminution du nombre des chasseurs. C'est pourquoi je me réjouis de l'abaissement du coût du permis de chasse lors de sa délivrance pour les jeunes de 16 à 18 ans et à l'occasion de la première validation pour les nouveaux chasseurs. Ces mesures devraient augmenter l'attractivité de la chasse.

M. Jean-Louis Carrère.  - Je n'en suis pas persuadé...

M. Aymeri de Montesquiou.  - Enfin, je me félicite que l'article 16 confère aux fédérations de chasseurs la qualité d'association agréée pour la protection de l'environnement : le rôle des chasseurs en matière de développement et d'équilibre des milieux naturels est enfin reconnu. Le groupe du RDSE votera donc ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Boyer.  - Ces dernières années, la chasse n'a pas été oubliée : nous connaissons tous la place qu'elle occupe dans la vie sociale, écologique et économique de notre pays. Elle est un sport différent des autres. Les chasseurs sont désormais reconnus comme des acteurs à part entière de la gestion équilibrée des écosystèmes et plus largement du développement économique et écologique de nos territoires ruraux.

Cette proposition de loi poursuit un double objectif. Elle vise tout d'abord à compléter et préciser certaines dispositions des textes relatifs à la chasse et au développement des territoires ruraux. Ensuite, elle simplifie et adapte le cadre juridique des activités de chasse.

Trois points me semblent primordiaux Tout d'abord, s'agissant de l'agrément au titre de la protection de l'environnement, la loi relative au développement des territoires ruraux a reconnu la contribution des chasseurs à la gestion équilibrée des écosystèmes ainsi que leur participation au développement économique du milieu rural, avec, pour corollaire, la possibilité pour les fédérations de chasseurs d'être agrées au titre de la protection de l'environnement.

Toutefois, depuis l'adoption de cette loi, la possibilité pour les fédérations de chasseurs d'être agréées pour la protection de l'environnement a continué d'être contestée. Leur rôle dans la protection de la nature ne peut pourtant pas être nié. En tant qu'associations agréées au titre de protection de la nature, les fédérations portent devant les tribunaux les atteintes à l'environnement, mènent des opérations éducatives en milieu scolaire sur la connaissance de la faute sauvage, informent le grand public sur la faune et ses habitats et assurent un remarquable maillage du territoire.

Concernant l'indemnisation des dégâts de gibier, je tiens à assurer M. Poniatowski du soutien de notre groupe. Le but poursuivi est d'obtenir une participation des propriétaires de territoires non chassés à l'indemnisation des dégâts agricoles. Nous assistons en effet à la multiplication des dégâts de gibier, due à une double évolution inquiétante caractérisée par le vieillissement et la diminution du nombre des chasseurs et par l'apparition de zones de concentration et de prolifération du gibier. Actuellement, les dépenses totales d'indemnisation par campagne cynégétique sont de l'ordre de 22 à 23 millions. Les dégâts causés par le sanglier représentent 83 % du montant total des indemnisations versées aux agriculteurs. On dénombre 12 750 communes qui subissent des dégâts de sangliers. Toutefois 367 d'entre elles concentrent le quart de ces dégâts. Cette concentration montre que de simples mesures de gestion de l'espèce suffiraient à limiter grandement les dégâts agricoles.

Il importe donc que la responsabilité des propriétaires soit engagée, qu'il y ait un plan de chasse ou pas, si la prolifération du gros gibier y est responsable des dégâts agricoles. A l'heure actuelle, l'indemnisation des dégâts occasionnés aux cultures et aux récoltes est assurée par les fédérations départementales des chasseurs. Elle n'est possible que pour les dégâts occasionnés par les sangliers et les autres grands gibiers soumis à plan de chasse. Est exclue toute indemnisation des dégâts forestiers et des pertes indirectes. La Fédération peut obtenir le remboursement des frais engagés en se retournant contre le bénéficiaire du plan de chasse qui ne l'a pas appliqué ou contre les opposants de conscience aux associations communales de chasse agréées qui n'ont pas fait le nécessaire pour le gros gibier. En revanche, rien n'est prévu dans le cas d'un territoire non chassé dans une commune où n'existe pas d'association communale de chasses agréées. La proposition de loi rétablit l'équité de traitement puisque tous les territoires non chassés participeront désormais à l'indemnisation des dégâts agricoles.

J'en viens à la diminution du droit de timbre pour les jeunes chasseurs. L'érosion du nombre de validations de permis de chasse est un phénomène général en France, est lié à la diminution de la qualité cynégétique. A l'heure actuelle, 1 250 000 chasseurs font valider leur permis chaque année. Ils ont en moyenne 50 ans et résident à 90 % dans des communes de moins de 2 000 habitants. Il faut donc assurer un renouvellement générationnel des chasseurs et augmenter leur nombre, sachant que celui-ci a diminué de 40 % en vingt ans.

La chasse accompagnée, qui est pratiquée depuis quelques années déjà, permet de faire découvrir aux jeunes l'univers et la pratique de la chasse. Néanmoins, la proposition de diminuer le droit de timbre de 50 % pour les chasseurs de 16 à 18 ans est tout à fait pertinente. Le prix du timbre ne doit pas être rédhibitoire !

Il me reste à féliciter M. Poniatowski pour l'objectivité et le réalisme de sa proposition de loi. C'est le bon sens qui s'exprime. Les chasseurs sont des hommes de bon sens ; j'ai vu aussi votre passion. La chasse est un sport. Le sport, c'est la vie qui s'exprime. Vive le sport ! Vive la vie ! Vive la chasse ! (Sourires et applaudissements)

Mme Odette Herviaux.  - A l'heure des premiers textes d'application des promesses du Grenelle de l'environnement, cette proposition de loi est avant tout un texte technique qui ne soulève pas de problèmes politiques majeurs. On peut regretter une erreur sur la méthode : le Gouvernement, à travers les tables rondes sur la chasse durable qui auront lieu dans les prochaines semaines, organise la concertation après la décision législative. Plutôt qu'une nouvelle rupture de synchronisation entre le Gouvernement et sa majorité parlementaire, peut être faut-il y voir une simple volonté d'anticipation... (Sourires)

Il en va des élus comme des citoyens : en ce qui concerne la chasse, le ton est à l'apaisement, à la tolérance et à la cohabitation pacifiée ; c'est en tout cas ce que j'ai remarqué sur le terrain.

L'économie générale de la proposition de loi va dans le bon sens, celui d'une accessibilité maîtrisée du droit de chasser. C'est pour les chasseurs, les citoyens et les pouvoirs publics la garantie d'une reconnaissance de la chasse et de son rôle dans la protection de l'environnement à travers la régulation des espèces.

Favoriser l'accessibilité du droit de chasser, c'est tout d'abord permettre aux jeunes d'en bénéficier. Le renouvellement des générations et la formation au respect de l'environnement sont autant de conditions pour une chasse durable. Le chapitre II relatif au permis de chasser va dans le bon sens en diminuant le montant du timbre pour les 16-18 ans, en baissant les cotisations fédérales pour les nouveaux chasseurs et imposant un prix unique pour le permis national. D'autres mesures devront être aussi encouragées, qui sont déjà à l'oeuvre dans certaines fédérations, dont celle du Morbihan : remboursement de la première année, formation gratuite, développement de la chasse accompagnée...

La maîtrise du droit de chasser est garantie par le renforcement du dispositif légal relatif aux infractions et par la sécurisation des schémas de gestion cynégétique. Dans ce cadre, la reconnaissance des fédérations de chasseurs comme associations agréées au titre de la protection de l'environnement paraît utile et nécessaire. C'est l'objectif de l'article 16 de la proposition de loi.

Pour suivre régulièrement les assemblées générales de la fédération de mon département, je connais bien les efforts réalisés par ses chasseurs en faveur de l'environnement : mise en place de jachères faunistiques en partenariat avec les agriculteurs, de jachères fleuries en milieu urbanisé, gestion déléguée de zones protégées, comme des marais, avec vocation pédagogique sur la connaissance des oiseaux en partenariat avec les conseils général et régional et la ligue de protection des oiseaux. J'espère que ce n'est pas une exception mais il est possible que toutes les fédérations n'aillent pas aussi loin, c'est pourquoi nous pensons qu'il convient d'être plus strict sur la procédure d'agrément. C'est le sens de notre amendement, qui ne vise rien d'autre que l'égalité de traitement et la cohérence de l'action publique. Cette question mériterait davantage de réflexion. Comme l'écrit M. Poniatowski, « une telle modification dépasse largement le cadre d'une loi de simplification du droit de la chasse car elle touche à la question de la gouvernance de la protection de la nature et du développement durable ».

Sur un autre sujet majeur évoqué par cette proposition de loi, des débats complémentaires sont nécessaires : il s'agit de l'inclusion des territoires non chassés dans le champ d'indemnisation des dégâts du gibier. Avec l'augmentation du prix des produits agricoles, il faut certes trouver de nouveaux moyens de financement des dégâts causés par le gibier, mais pas pour autant se précipiter dans la mise en place de nouveaux dispositifs qui, comme le réclament les chasseurs, devront être négociés pour être viables. Notre amendement de suppression a plusieurs significations : dire qu'il faut intégrer cette problématique dans le cadre des futures tables rondes, redire notre attachement à distinguer petits et grands propriétaires, affirmer notre soutien au développement des associations communales de chasse agréée. Il s'agit là d'un enjeu majeur pour les fédérations de chasseurs afin de pérenniser les territoires de chasse, de favoriser une gestion collective et responsable des espèces, bref de rendre durable la chasse.

Cette proposition de loi comporte des avancées techniques attendues ; beaucoup de sujets méritent cependant une attention plus grande et des débats plus approfondis. Sous réserve des remarques que nous avons émises, nous l'approuverons. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Je félicite l'ensemble des participants à cette discussion pour leur sens des responsabilités et pour leur profonde connaissance des problèmes de la chasse. Je veux dire à mon ami Carrère que, comme l'a fait ressortir la discussion générale, les chasseurs sont des acteurs de l'aménagement du territoire. Le fait que le secrétaire d'État chargé de cet aménagement soit ici présent est une façon de reconnaître et de respecter ce rôle de la chasse. Avec une discussion si riche, nous allons pousser tous ensemble pour marquer un essai avant la conférence que vous attendez avec impatience.

A ce sujet, je veux rassurer nombre d'entre vous : le président Bignon a invité tous les élus qui le souhaiteraient, au-delà des appartenances politiques, à siéger à la table ronde, laquelle comprendra des représentants des chasseurs, des représentants des gestionnaires de l'environnement, des élus et des scientifiques. Je suis certain qu'elle aboutira à des résolutions novatrices. L'examen de cette proposition de loi aujourd'hui n'est ni prématurée ni précipitée, c'est une ouverture qui présage bien de cette table ronde. Elle traitera de tous les problèmes -territoires, gibiers, clôtures- qui vous préoccupent et y apportera des réponses. Il y aura d'ici l'été six réunions qui permettront d'aller au fond des choses. Les participants feront preuve de la même ouverture d'esprit et du même sens des responsabilités que vous ; ils prouveront ainsi que des gens raisonnables peuvent élaborer un texte qui répond à l'intérêt général. (Applaudissements à droite et au centre)

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

Article 2

L'article L. 424-16 du même code est abrogé.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Gérard Le Cam.  - Un socle national de normes de sécurité doit s'imposer pour toutes les opérations de chasse quelles que soient les circonstances locales.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Retrait ou rejet parce que les articles 1 et 2 sont indissociables. Ils traitent tous deux d'un sujet qui, je le sais est cher à M. Le Cam : la sécurité. Les deux-tiers des départements ont déjà adopté leur schéma départemental cynégétique. Nous avions prévu que toutes les fédérations départementales y prévoient leurs mesures de sécurité. Mais le texte n'était pas clair, si bien que certaines l'ont fait, d'autres non. C'est pourquoi l'article premier prévoit que chaque schéma départemental doit définir ses mesures de sécurité, tandis que l'article 2 supprime le décret en Conseil d'État qui n'est jamais sorti, parce que la chasse en Bretagne, ce n'est pas la chasse dans les Landes ou dans l'Oise ; chaque territoire ayant sa spécificité et ses pratiques propres, il était difficile de rédiger un décret national commun. De toutes façons, le préfet aura la possibilité d'approuver ou non les schémas départementaux et de prendre toute mesure de sécurité qu'il jugera nécessaire.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Les accidents de chasse provoquent une trentaine de morts par an. C'est beaucoup trop. Le gouvernement précédent avait pris une initiative mais le décret n'est jamais sorti. Je ne vois pas de contradiction entre l'existence de règles nationales et leurs traductions locales et je m'engage à publier le fameux décret avant la fin de cette année. Sagesse.

M. Gérard Le Cam.  - Compte tenu de cet engagement, je retire mon amendement qui est partiellement satisfait.

L'amendement n°5 est retiré.

Les articles 2, 3 et 4 sont successivement adoptés.

Article 5

Après le septième alinéa de l'article L. 423-21-1 du code de l'environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un chasseur valide pour la première fois son permis de chasser lors de la saison cynégétique qui suit l'obtention du titre permanent dudit permis, le montant de ces redevances est diminué de moitié. »

Mme la présidente.  - Amendement n°8 présenté par le Gouvernement.

- - I - Compléter cet article par un II ainsi rédigé :

            II. Le huitième alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :

            « La diminution du montant des redevances qui en résulte est compensée par l'augmentation des redevances applicables aux chasseurs n'appartenant pas à la catégorie des bénéficiaires de la diminution, selon une répartition fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la chasse et du budget. »

II - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention :

            I. -

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - La réduction de moitié des redevances cynégétiques en faveur des chasseurs validant leur permis pour la première fois, vise à favoriser l'attractivité de la chasse et constitue une initiative intéressante. Toutefois, il faut en relativiser l'impact au regard des dépenses cynégétiques annuelles du chasseur individuel, de l'ordre de 1 500 euros. Il n'est pas établi qu'une incitation financière mobilise suffisamment de nouveaux chasseurs, alors que la formation et l'accompagnement des jeunes et leur accès à des territoires de chasse sont prioritaires.

De plus, cette mesure entraîne une perte de recettes de l'ordre de 500 000 euros pour l'Office national dont le budget est déjà fragilisé par les nombreux contentieux en cours. Elle n'est pas supportable actuellement et il n'est pas envisageable pour l'État de s'y substituer en créant les recettes permettant de financer une disposition qui découle de priorités et de choix internes au monde de la chasse.

C'est pourquoi le Gouvernement privilégie, comme dans de nombreux autres domaines, y compris d'ailleurs en matière de chasse avec la chasse accompagnée, la notion de solidarité intergénérationnelle. Il propose de compenser la diminution des recettes afférentes à la mesure en faveur des nouveaux chasseurs par l'augmentation correspondante des redevances acquittées par les chasseurs qui ne valident pas leur permis pour la première fois. Cette compensation correspondrait, au demeurant, à moins de 40 centimes d'euros en plus sur la redevance de ces chasseurs.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Tout à fait défavorable. Il faut stopper l'érosion du nombre de chasseurs -tous les intervenants l'ont dit- pour réguler le gibier ou pour limiter ses dégâts. Les articles 3, 4 et 5 visent à réaliser ce qu'ont réussi les pêcheurs qui, depuis trois ans sont des dizaines de milliers en plus.

Ces résultats ont été obtenus grâce à une baisse des cotisations ou des timbres semblable à celle que prévoit ce texte.

L'article 4 propose une diminution du coût du timbre pour le jeune chasseur : l'effort est demandé à l'État ; l'article 5 réduit la redevance : l'effort est demandé à l'ONCFS ; l'article 6 équilibre les charges avec une contribution des fédérations de chasseurs : l'effort est donc demandé aux fédérations.

Chacun doit donc faire un effort. Or avec cet amendement, monsieur le ministre, vous chargez la barque des chasseurs, vous leur mettez tout sur le dos. Nous en avons déjà débattu lors de l'examen des lois de 2002 et 2003. Près de 75 % du budget de l'ONCFS est à la charge des chasseurs contre 25 % pour l'État. Or, ce devrait être l'inverse : l'État devrait financer toutes les missions régaliennes de l'office et les chasseurs supporter seulement ses missions cynégétiques. Nous sommes entrés dans un bon cycle avec Mme Bachelot, il ne faudrait pas produire l'effet contraire en 2008. Et il ne s'agit que d'une diminution de 0,6 % des recettes de l'office. Je sais que l'État contribue à son budget pour un montant de 25 millions d'euros mais j'espère que cet effort sera prolongé dans les années à venir.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté ainsi que les articles 6 et 7.

Article 8

L'article L. 428-17 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est entendu à cet effet par le juge. »

Mme la présidente.  - Amendement n°10 présenté par le Gouvernement.

Dans cet article, remplacer les mots :

Il est entendu

par les mots :

Il peut être entendu

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Nous ne voulons pas obliger le juge à entendre le chasseur qui souhaite obtenir la restitution de son permis. Le requérant adresse une requête motivée au juge, qui apprécie sur pièces le bien-fondé de la demande et peut ainsi écarter les demandes abusives ou dilatoires. En outre, une telle obligation ferait peser une charge très lourde sur les tribunaux d'instance et irait à l'encontre de la simplification des procédures judiciaires souhaitée par le Gouvernement.

Le chasseur sera entendu sur l'infraction lors de l'audience pénale. En cas de demande de restitution provisoire -droit nouveau donné au chasseur-, le Gouvernement préfère donner au juge la faculté d'entendre le requérant plutôt que de l'y obliger, et préserver ainsi sa libre appréciation.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Avis favorable. Notre intention était de donner au chasseur la possibilité d'être entendu par le juge et de respecter l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'amendement n°10 est adopté.

L'article 8, modifié, est adopté.

Article 9

L'article L. 428-21 du même code est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ils sont habilités à procéder à la saisie du gibier tué à l'occasion des infractions qu'ils constatent et ils en font don à l'établissement de bienfaisance le plus proche, ou le détruisent. » ;

2° Dans la seconde phrase du dernier alinéa, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « trois ».

Mme la présidente.  - Amendement n°11 présenté par le Gouvernement.

I - Compléter cet article par un II ainsi rédigé :

            II - Le second alinéa de l'article L. 428-31 du même code est complété par les mots : « ou, en cas d'impossibilité, détruit ».

II - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention :

I. -

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - L'article 9 consolide la possibilité de saisir le gibier tué dans le cadre d'une infraction en l'étendant aux gardes particuliers et aux agents de développement. Si, pour des raisons sanitaires ou en cas de saturation des demandes locales, le gibier saisi ne peut être livré à un établissement de bienfaisance proche, il peut être détruit.

Cet amendement permet d'accorder également cette possibilité aux gardes de l'ONCFS et aux agents visés par l'article L. 428-20.

M. Ladislas Poniatowski.  - Avis favorable.

Il y a une bizarrerie dans notre droit : quand un braconnier se fait prendre sur le fait, une fois le procès-verbal établi, il peut repartir avec son gibier sur le dos ; tout juste s'il ne peut pas demander au garde de l'aider à le charger dans le coffre de sa voiture ! Grâce à cet article et à l'amendement qui le complète, le gibier pourra être saisi.

M. Jean-Louis Carrère.  - Pauvre Raboliot !

M. Alain Vasselle.  - Il faudrait peut-être, monsieur le ministre, assouplir les règles sanitaires : il est dommage d'enterrer du gibier alors que l'on pourrait le donner à certains établissements pour les repas de leurs résidents, ce qui améliorerait en outre l'image de la chasse.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Monsieur Vasselle, dans certains villages où l'on porte le gibier aux maisons de retraite ou aux foyers ruraux, il y a saturation : le sanglier finit par lasser. Il faut laisser la possibilité aux gardes de trouver un équilibre entre les dons de gibier et les destructions.

L'amendement n°11 est adopté.

L'article 9, modifié, est adopté.

Mme la présidente.  - L'article 10 a fait l'objet d'un erratum publié ce matin dans le feuilleton.

L'article 10 est adopté.

Article 11

Dans la sous-section III du chapitre 8 du titre II du livre IV du même code, est inséré un article L. 428-3-1 ainsi rédigé :

« Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait d'entraver ou d'empêcher le déroulement normal d'une action de chasse. »

Mme la présidente. - Amendement n°12 présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Malgré les difficultés juridiques et techniques que présente l'article 11, le Gouvernement pourrait y être favorable car les entraves aux actions de chasse légale sont inadmissibles. Toutefois, un examen approfondi de cette disposition par la chancellerie s'impose avant présentation du texte à l'Assemblée nationale.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Les chasseurs sont très sensibles à ce que l'on nomme en anglais hunt sabotage car ces actions sont en pleine expansion : on n'en a compté que deux durant la saison de chasse 2006-2007, il y en a eu douze lors de la dernière saison, et d'autres affaires sont en cours d'examen suite à des plaintes déposées par la Fédération de la vénerie et les fédérations départementales, et parfois aussi par la fédération nationale. Les associations de protection de l'environnement, les écologistes et les associations de protection des animaux ne sont nullement hostiles à la création d'un délit d'entrave. Je suis conscient des problèmes juridiques qui peuvent se poser, mais j'espère qu'il s'agit bien de l'examen par le garde des sceaux avant présentation du texte à l'Assemblée, et pas de la mission d'un groupe de travail qui siégerait pendant des mois !

Je souhaite faire passer un message clair à ces personnes cagoulées, qui ne respectent pas les lois et sont responsables de la mort de chiens. Les associations de protection de la nature et des animaux nous demandent d'être aussi sévères vis-à-vis de ces personnes qu'avec les braconniers. Il s'agit de créer un délit pour que les juges puissent se prononcer sur ces affaires. Et je souhaite d'autant plus que cet article soit respecté que les sanctions prévues ne sont pas aussi graves que celles introduites dans la loi sur les OGM.

Je n'allais pas plus loin, car je me limitais à une contravention de cinquième classe. Je suis néanmoins d'accord pour que la question soit examinée à l'Assemblée nationale.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Nous en prenons l'engagement : nous sollicitons un délai pour consulter la chancellerie.

L'amendement n°12 est adopté ; l'article 11 est supprimé.

Article 12

Après l'article L. 425-12 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 425-12-1. - Le préfet, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, attribue un plan de tir au propriétaire d'un territoire ne procédant pas ou ne faisant pas procéder à la régulation des espèces présentes sur son fond qui causent des dégâts.

« Si le nombre d'animaux attribués n'est pas prélevé, le propriétaire peut voir sa responsabilité financière engagée en application de l'article L.425-11. »

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste.

Supprimer cet article.

M. Jean-Louis Carrère.  - Nous sommes d'accord pour indemniser les dégâts provoqués par le grand gibier mais il serait dangereux de contourner le fondement philosophique de l'acquis de conscience de la loi de 2000 en présumant les propriétaires objecteurs responsables des dégâts. On ne peut faire payer les propriétaires de fonds sans avoir exploré une autre solution -la procédure de la battue administrative est extrêmement lourde. Prenons avec la navette le temps de trouver une solution plus consensuelle.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - La richesse du débat m'incite à m'en remettre à l'avis du rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Une des raisons pour lesquelles ces textes sont adoptés à une large majorité est, comme l'a dit M. Carrère, que je ne suis pas un provocateur. La première version était cosignée par soixante-dix parlementaires même si, en la déposant trop vite, j'en suis apparu comme le seul auteur, et les onze articles techniques sont issus du dialogue avec les parties prenantes. Or, quand j'ai auditionné les associations de défense de l'environnement, celles-ci n'ont pas contesté le délit d'entrave à la chasse mais cet article sur l'indemnisation, car elles souhaitaient un système complémentaire.

Les sangliers, en effet, se réfugient sur des terrains militaires ou privés dont les propriétaires ne paient pas de cotisation et qui n'effectuent de régulation, de sorte que, quand des dégâts sont commis, ce sont les chasseurs qui doivent régler l'indemnisation : ils en ont assez. Ce sujet complexe doit être débattu. Tous ceux qui sont concernés seront présents dans le groupe de travail présidé par M. Jérôme Bignon, auprès duquel je serai actif. Le ministre a déjà rassuré M. Carrère sur la pluridisciplinarité. C'est dans cet esprit que je réponds à l'attente qui vient d'être exprimée et que je retire cet article.

L'article 12 est retiré ; l'amendement n°1 rectifié bis devient sans objet.

Les articles 13, 14 et 15 rectifié sont adoptés.

Article 16

I. Après le deuxième alinéa de l'article L. 421-14 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elle a la qualité d'association agréée de protection de l'environnement en application de l'article L. 141-1 du code de l'environnement. »

II. L'article L. 421-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elles ont la qualité d'association agréée de protection de l'environnement en application de l'article L. 141-1 du code de l'environnement. »

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste.

Rédiger comme suit cet article :

Après le premier alinéa de l'article L. 141-1 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La fédération nationale et les fédérations départementales de chasseurs sont éligibles à l'agrément mentionné au premier alinéa. »

M. Jean-Louis Carrère.  - La rédaction actuelle est difficilement admissible : le législateur ne doit pas imiter le fait du prince et imposer l'agrément des fédérations. Sans doute l'article 141-1 est-il ambigu mais, si je partage le constat du rapporteur, je préfère que nous soyons inattaquables et que notre rédaction éclaire les juges.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Quand l'agrément accordé à une fédération de chasse est contesté, les juges interprètent différemment la loi. Le but de cet amendement était donc de leur adresser ce message : oui, les fédérations sont éligibles à l'agrément. Peut-être suis-je allé trop loin en rendant celui-ci automatique et, puisque vous avez corrigé votre amendement pour proposer une rédaction qui me convient tout à fait, j'y suis favorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Une très large majorité des fédérations a reçu son agrément : 81 en bénéficient déjà. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

L'amendement n°2 rectifié bis est adopté et devient l'article 16.

L'article 17 est adopté ainsi que l'article 18.

Article 19

Pendant, la période où la chasse est ouverte, le transport d'une partie du gibier mort soumis au plan de chasse est autorisé sans formalité par les titulaires d'un permis de chasser valide.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Gérard Le Cam.  - Même s'il est fastidieux, le marquage du gibier en fin de partie de chasse permet de lutter contre le braconnage.

Cela dit, la pratique pourrait sans doute être simplifiée.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - La commission tient à cet article 19, qui ne concerne pas, je le précise, le gibier commercialisé, mais seulement celui qu'on partage entre soi à la fin d'une chasse. C'est un petit plaisir que tous les chasseurs connaissent... Je dis au passage à MM. Vasselle et Beaumont que, dans les chasses en enclos fermé, dispensées de plan de chasse, le gibier peut être partagé sans que les morceaux, les cuissots, les épaules soient marqués ; il pourra y avoir contestation lors d'un contrôle, si on ne peut prouver que le gibier a été tiré en milieu clos... Et je conseille à ceux qui, en fin de chasse, veulent repartir avec la tête de l'animal de la marquer avant de la porter au taxidermiste, pour éviter des ennuis à celui-ci...

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Je ne suivrai pas le rapporteur. Le Gouvernement souhaite que les dispositions actuelles permettant la traçabilité soient conservées, d'autant qu'elles permettent le contrôle a posteriori du braconnage.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Par définition, le braconnier qui, soit dit en passant, garde le plus souvent l'animal entier, n'aura pas de ticket ! Un peu moins d'administration, monsieur le ministre, un peu moins de fonctionnarisation, pour que la chasse reste un plaisir et un sport !

M. Jean-Louis Carrère.  - Je suis partagé. Je suis attaché à la traçabilité, mais marquer les pièces d'un cerf qu'on aura partagé à trente, distribuer autant de tickets, quelle complexité ! Il faut trouver des solutions applicables. L'initiative du rapporteur est frappée au coin du bon sens.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - La commission retire l'article 20.

L'article 20 est retiré.

L'article 21 est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Beaumont, Billard, Jacques Blanc et Cazalet.

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Le 1 de l'article 199 sexdecies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...) L'emploi d'un garde particulier visé par les articles L. 428-21 et L. 437-13 du code de l'environnement, L. 231-1 du code forestier, 29 et 29-1 du code de procédure pénale. »

II - Le I n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III - Les pertes de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Alain Vasselle.  - J'ai déjà évoqué cet amendement lors de la discussion générale, un amendement dont le président de la commission m'a dit qu'il n'était guère populaire, sans doute parce qu'il concernait les propriétaires privés... Le sujet mérite cependant réflexion, car les agents de l'ONCFS et les moyens des fédérations ne suffisent pas à couvrir tout le territoire ; on est bien content qu'il y ait des propriétaires privés pour réguler les espèces... Or il y a de moins en moins de gardes particuliers ; en de nombreux endroits, des volontaires, qu'on indemniserait à cette fin, pourraient être bien utiles. Il faudra y revenir.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Je songe aux emplois de gardiennage de propriété, aux jardiniers qui pourraient bénéficier de la disposition que vous proposez... Et tel qu'il est rédigé, votre amendement ne s'appliquerait qu'aux propriétaires qui chassent eux-mêmes sur leur propriété.

La commission doute que l'argument relatif à la création d'emplois séduise le Gouvernement, dont elle attend l'avis pour se prononcer.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Il est difficile au Gouvernement d'émettre un avis éclairé sur cette proposition, car il ne dispose pas d'évaluations fiables du nombre de gardes particuliers employés. L'effet incitatif reste en outre à démontrer. Le sujet doit être mis en perspective. Je veux toutefois saluer le travail de ces gardes qui, grâce aux particuliers qui les emploient, prennent en main une gestion des milieux que la population rurale n'a plus les moyens d'assurer.

Il y a sans doute là un gisement d'emplois, mais bien au-delà de la chasse. La portée de l'amendement est trop générale, qui concernerait toutes les catégories de gardes particuliers. Avis défavorable, étant entendu que le sujet sera abordé par la table ronde.

M. Alain Vasselle.  - Je retire l'amendement, en remerciant le rapporteur pour ses propos diplomatiques (sourires) et le ministre pour son ouverture. Ses services sauront sans nul doute procéder aux évaluations nécessaires avant de pousser la réflexion plus avant.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par M. Beaumont.

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa du II de l'article L. 424-3 du code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le grand gibier lâché par ces établissements est identifié par individu. »

M. René Beaumont.  - La pratique des chasses commerciales au grand et très grand gibier se répand. Elle est trop souvent l'occasion de dérapages et pose des problèmes éthiques, sanitaires et d'équité.

Chasser un « cochonglier », croisement d'un cochon et d'un sanglier, animal hybride, ventru et sans vitesse, est-ce encore chasser ? Est-ce même du tir ? C'est pour le chasseur que je suis dénaturer la chasse.

Le vétérinaire que je suis aussi sait que les concentrations d'animaux dans un espace restreint sont propices aux épidémies. Il y a en Côte-d'Or, dans la vallée d'Ouche, une grande chasse en enclos ; les animaux, tuberculeux, ont transmis leur maladie à deux élevages bovins voisins, dont le bétail a dû être abattu à deux reprises en six ans.

Se pose également un problème d'équité et de justice : si le gibier est res nullius, n'appartient à personne, un animal qui sort d'un enclos a un propriétaire, lequel est responsable des dégâts et des accidents que peut causer ce prétendu gibier.

L'identification obligatoire des animaux assainirait les pratiques des chasses commerciales de mauvaise qualité. C'est un amendement d'appel, j'en conviens, mais la question est importante, pour des raisons à la fois éthiques, sanitaires et juridiques.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - J'avais un temps envisagé de traiter des chasses commerciales dans la proposition de loi, mais le sujet relève du groupe de travail. La possibilité pour certains de chasser en dehors des périodes réglementaires perturbe à la fois les chasseurs et les non-chasseurs. Je veillerai à ce que le groupe de travail se penche sur cette question, qui dépasse le seul problème des chasses commerciales.

M. René Beaumont.  - C'était un amendement d'appel ; il a été entendu, je le retire.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Ce sujet trouvera sa place dans les débats de la table ronde sur la gestion de territoires comme sur l'économie de la chasse.

L'amendement n°7 est retiré.

L'article 22 est adopté, le Gouvernement s'en remettant à la sagesse du Sénat.

Interventions sur l'ensemble

M. Yannick Texier.  - Le groupe UMP apporte son entier soutien à l'initiative de notre collègue Poniatowski. Ces dispositions confortent la législation en vigueur, qui a contribué à ancrer la chasse dans la vie de nos territoires. Nous souhaitons en particulier abaisser le coût du permis de chasser, en homogénéiser la délivrance, faciliter la garderie de territoires et améliorer l'indemnisation des dégâts de gibier. S'agissant des dispositions d'ordre réglementaire, nous souhaitons que les textes utiles soient pris dans les meilleurs délais.

Le groupe UMP votera ce texte, complémentaire des tables rondes en cours d'organisation, qui entend conforter une pratique responsable des activités cynégétiques, dans le cadre d'une gestion collective équilibrée de notre environnement.

M. Gérard Le Cam.  - Le groupe communiste s'abstiendra. Nous partageons l'esprit d'un grand nombre d'articles, mais ce texte reste au milieu du gué. Je me réjouis d'avoir entendu M. Poniatowski évoquer le financement de l'ONCFS par rapport aux fédérations départementales, mais, compte tenu du contexte budgétaire actuel, nous risquons d'attendre encore longtemps... Abstention bienveillante !

M. Jean-Louis Carrère.  - Je salue l'état d'esprit qui a présidé à la préparation de ce texte, la qualité des discussions en commission, la qualité de l'écoute et l'accueil qui a été fait à nos amendements, que nous avions modifiés pour les rendre recevables. Après la loi de 2005, votée à l'unanimité, ce texte sera utile. Je regrette simplement que nous le votions avant la table ronde...

Nous avons d'autres demandes, à commencer par la fixation des dates d'ouverture de la chasse, qui est essentielle pour préserver le climat de confiance créé avec le monde de la chasse ; la commission qui en sera chargée devra être pluraliste. Ces avancées sont positives : le groupe socialiste votera ce texte.

Les conclusions de la commission sont adoptées.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Je remercie le rapporteur, le président de la commission et les sénateurs de tous les bancs pour la qualité de la discussion et les avancées qui ont été faites. La tenue d'une table ronde est un engagement du Président de la République ; les représentants de l'écologie, des territoires, des professionnels et des élus fourniront, j'en suis sûr, des travaux très intéressants, qui permettront de renforcer l'aménagement du territoire. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 20 h 40.

présidence de Mme Michèle André,vice-présidente

La séance reprend à 22 h 45.

OGM (CMP)

Mme la présidente.  - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés. Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.

Contrôle comptable du revenu minimum d'insertion

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion (RMI).

Discussion générale

M. Auguste Cazalet, rapporteur de la commission des finances.  - (M. Doligé applaudit) Le 26 mars dernier, nous avions renvoyé en commission cette proposition venue de notre collègue, M. Mercier, pour effectuer des investigations sur place et sur pièces. J'ai entendu depuis des représentants de l'association des départements de France, des caisses de la mutualité sociale agricole (MSA), je me suis déplacé dans les départements du Rhône, de la Sarthe et du Vaucluse, je remercie chacun de nos interlocuteurs.

Nos auditions le confirment : les départements, seuls pilotes, depuis la loi du 18 décembre 2003, de la réinsertion sociale des bénéficiaires du RMI, ne disposent pas des informations nécessaires à leur mission. Les départements et la MSA doivent gérer un dispositif de masse sans se tromper sur l'appréciation des parcours individuels, il leur faut compter sur un échange d'informations permanent et fiable avec, en particulier, les caisses d'allocations familiales. La complexité sera plus forte encore pour la gestion du revenu de solidarité active (RSA), qui agrègera un plus grand nombre d'informations. La clarification de l'organisation entre les organismes prescripteurs et les départements est en fait un préalable à la généralisation du RSA, prévue l'an prochain.

C'est pourquoi, tout en allant dans le sens de M. Mercier, votre commission vous propose d'adopter six articles.

Le premier améliore l'information des conseils généraux sur l'acompte qui leur est demandé par les organismes payeurs au titre du RMI et de la prime forfaitaire : ces organismes, dès le 1er janvier prochain, devront présenter au département le détail des versements nominatifs aux allocataires, en précisant l'objet de la prestation et la nature de chaque versement.

Le deuxième article, qui ne figurait pas dans le texte initial, rend l'information du conseil général obligatoire lorsque l'allocation, après avoir été suspendue, est de nouveau versée : une telle information n'est pas systématique aujourd'hui.

Le troisième article précise les informations que l'organisme payeur transmet au conseil général sur les paiements indus. Les indus seront transférés au département seulement lorsque le droit au RMI ou à la prime forfaitaire aura cessé, c'est-à-dire après quatre mois d'absence de recouvrement, contre trois mois aujourd'hui. L'organisme payeur communiquera le nom du bénéficiaire du paiement indu, les sommes concernées ainsi que le motif précis justifiant du caractère indu de ce versement. Certains départements bénéficient de cette information, d'autres pas : la qualité des informations doit être garantie, quels que soient les territoires.

Le quatrième article autorise les conseils généraux qui le souhaitent à proposer une modification de la convention passée avec l'organisme payeur, que ce soit par un avenant ou en renouvelant la convention.

Ces conventions ou avenants pourront comporter les modalités d'échanges de données entre les partenaires, notamment au regard des obligations de détail de l'acompte mensuel posées par l'article premier, les modalités d'information du président du conseil général lors de la reprise des versements après une période de suspension de l'allocation, le degré de précision du motif des indus transférés au département et, enfin, les engagements de qualité de service et de contrôle, pris par l'organisme payeur, notamment en vue de limiter les paiements indus.

L'article 5 précise les règles applicables en matière de confrontation des données des organismes payeurs avec celles dont disposent les organismes d'indemnisation du chômage et l'administration fiscale, mais également avec les Urssaf. Il s'agit de renforcer le contrôle par croisement de données avec ces organismes, en augmentant leur fréquence, d'améliorer l'information dont les présidents de conseils généraux disposent à l'issue de ces croisements et de prévoir la transmission mensuelle aux services du conseil général de la liste nominative des contrôles effectués par les CAF, en précisant la nature du contrôle effectué. Ces informations sont, en effet, nécessaires pour assurer une bonne coordination entre les contrôles exercés par les CAF et la politique de suivi des allocataires dont le département a la charge.

Comme la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions requiert très vraisemblablement des adaptations des systèmes d'information, leur entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2009, afin de laisser aux organismes concernés le temps nécessaire pour les mettre en oeuvre.

Le dernier article précise les dates d'entrée en vigueur de certaines dispositions. En outre, les dispositions de cette proposition de loi s'appliqueront au revenu de solidarité active...

M. Guy Fischer.  - Ah !

M. Auguste Cazalet, rapporteur.  - ...une fois que celui-ci sera généralisé à l'ensemble des départements.

Au total, ce texte est équilibré et de nature à résoudre certaines difficultés actuelles. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.  - C'est avec plaisir que je vous retrouve sur cet important sujet. Les travaux engagés il y trois mois à l'initiative de M. Mercier nous ont permis d'approfondir un certain nombre de points, comme le rappelait à l'instant M. le rapporteur.

Le contrôle comptable du RMI n'est pas un sujet simple mais la proposition de loi de la commission des finances pose la question essentielle de la justification de la dépense adressée par les organismes chargés de payer le RMI aux conseils régionaux. Il y a là bien sûr un enjeu de comptabilité publique et de justification de la dépense mais surtout de gouvernance et de pilotage du RMI. Pour ce faire, l'échange de données entre les organismes payeurs et les conseils généraux doit être rapide, cohérent et sincère. C'est de cette façon que l'accès aux droits sera assuré, que les dispositifs d'accompagnement seront mobilisés et que les risques de fraude seront maîtrisés.

Grâce au travail du rapporteur, nous avons examiné, conseil général par conseil général, ce qui se passait, ce qui vous a permis de faire évoluer le texte initial sans en dénaturer l'esprit.

Tout d'abord, cet état des lieux me permet de me féliciter de l'implication des CAF qui, par le versement des prestations, permettent à leurs bénéficiaires de vivre, voire de survivre, même s'il n'est pas question de parler d'assistance. En outre, les documents transmis par les CAF sont conformes aux prescriptions légales, réglementaires et conventionnelles. Certaines caisses vont même au-delà. Par ailleurs, un certain nombre de partenariats se sont noués au fil des ans entre les CAF et les conseils généraux. A l'occasion d'un récent déplacement dans l'Hérault et dans les Bouches-du-Rhône, j'ai constaté que le travail entre les CAF et les conseils généraux a permis de réduire les délais de traitement des dossiers : les demandeurs du RMI ont ainsi eu plus rapidement accès à leurs droits. De tels partenariats sont de plus en plus fréquents.

Pour que de bonnes pratiques s'instaurent, le pilotage doit être renforcé sous l'égide du conseil général et les compétences de l'organisme tuteur doivent être au service de l'insertion des allocataires. C'est d'ailleurs ce que nous voulons faire avec le RSA.

Nous disposons encore de marges de progression pour améliorer le pilotage du dispositif. Si la réforme de 2003 a unifié les compétences dévolues aux conseils généraux, le législateur n'en a sans doute pas tiré toutes les conséquences. Après quatre années de pratique, il n'est pas inutile d'évaluer les nouveaux besoins.

Les mesures que vous proposez sont fondées sur l'idée qu'il est possible d'améliorer la justification de la dépense, de mieux informer le département lors de la reprise des versements après une décision de suspension de droit, de renforcer les informations en matière d'indus, de préciser le contenu des conventions de gestion passées entre la CAF et le conseil général afin que le tableau de bord dont dispose ce dernier soit le plus précis possible.

Pourtant, nous ne partons pas de rien : les relations entre les départements et les organismes payeurs sont organisées par des textes qui fixent les principes généraux des conventions. La Cnaf et la CMSA ont d'ailleurs élaboré une convention type qui sert de base aux négociations entre les conseils généraux et les CAF. Sur les échanges de données, un groupe de travail réunissant les CAF et les conseils généraux a été mis en place et le département du Rhône y participe. Chaque mois, un tableau de bord sophistiqué est ainsi disponible. En outre, des croisements de fichiers ont lieu avec les Assedic et l'ANPE et un bilan des contrôles est transmis à chaque conseil général. Il est vrai que les départements sont en droit d'avoir un haut niveau d'exigence compte tenu des sommes engagées au titre du RMI, à savoir près de 6 milliards en 2007.

Lors de mon audition en commission, certains d'entre vous se sont émus de l'absence de mise en commun des fichiers des CAF, ce qui permettait des demandes doubles, triples dans plusieurs départements. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, car un répertoire national « prestations familiales » est en place depuis le 1er janvier.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Enfin !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - L'article premier prévoit que les éléments transmis par les organismes débiteurs à l'appui de la facture mensuelle doivent comprendre des informations individuelles permettant de reconstituer le montant global de l'acompte demandé. Cette disposition, voulue par M. Mercier, me paraît de bon sens. J'ai effectivement constaté les difficultés techniques qui avaient jusqu'à présent lieu lors de mon déplacement dans le Rhône.

En ce qui concerne les 12 % liés aux contrats aidés, Mme Lagarde s'est engagée à verser aux conseils généraux le montant qui leur permet de donner un complément de rémunération aux bénéficiaires du RMI qui retrouvent un emploi. Tous les départements qui ont envoyé une facture ont été remboursés. Dès que votre facture nous parviendra, monsieur Mercier, nous vous rembourserons ces 12 %.

M. Roland du Luart.  - Il en sera de même pour les autres départements ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Nous avons dressé un tableau précis, département par département.

Nous sommes désireux d'avancer dans la transparence, la régularité, le caractère complet et significatif de l'information. Je souhaite aussi qu'on intègre le travail des CAF afin que celles-ci soient en mesure, lors de l'entrée en vigueur du RSA, de disposer d'un système informatique cohérent. Quoi qu'il arrive, nous nous engageons à ce que les informations dont les conseils généraux ont besoin leur soient transmises par les CAF. Nous verrons si le calendrier retenu précédera la réforme ou se coordonnera avec elle. J'ai pris contact en ce sens avec la Cnaf, pour que soient installés des comités de pilotage conjoints entre CAF et conseils généraux. Il faut que ceux qui mettent en oeuvre le RMI puissent croiser leurs efforts. Le Président de la République a d'ailleurs décidé d'accorder 1,5 milliard, en plus des 6 actuels, à cette politique sociale.

En 2008, nous devrons prendre en compte les importantes évolutions dans la population des allocataires du RMI ; nous mettrons fin à un système de travail gratuit dont nous déplorons la persistance en France. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Éric Doligé.  - Je me doutais qu'il me serait difficile d'intervenir après que le rapporteur et le ministre ont dressé un tableau aussi complet : pour l'essentiel, la messe est dite. Il ne me reste que quelques précisions à apporter.

Cette proposition de loi est exemplaire : d'abord présentée ici, elle a été renvoyée en commission pour qu'on lui apporte les quelques améliorations dont elle pouvait avoir besoin. Je remercie le rapporteur pour son admirable travail, ainsi que M. Mercier pour son obstination, lui qui souhaitait depuis longtemps qu'on aborde ce sujet.

Il est beaucoup demandé aux collectivités territoriales, jusque dans le moindre détail ; le principe de l'engagement d'une dépense publique uniquement sur justificatif du service fait est un des éléments de notre credo. Avant ce texte, le RMI faisait partie des rares exceptions à cette règle. Nous ne sommes pas demandeurs de contraintes supplémentaires mais nous ne pouvons nous contenter d'approximations et du bon vouloir de nos partenaires.

Une des plaies de notre pays est la multiplication des règles dans lesquelles on enserre l'activité. Avec les revenus de compensation, on est allé très loin dans la complexité ! Il est vrai qu'à l'origine, chacun d'entre eux avait sa propre cible, mais on a construit ainsi un empilement dans lequel on ne se retrouve plus. Espérons que les choses ne seront pas encore aggravées avec le RSA...

Les collectivités territoriales doivent la plus grande transparence sur leurs actes mais elles ne peuvent l'exiger de ceux qui doivent leur fournir les éléments indispensables à leur gestion. Il n'y a pas si longtemps, un maire ne pouvait même pas avoir la liste des chômeurs de sa commune ! Que faire, en matière de RMI, si la CAF et la MSA ne sont pas coopérantes ? Il est vrai que ne sont en jeu que 6 milliards !

Cette proposition de loi vient donc à point nommé. Globalement, ce qu'elle met en place fonctionne ; j'en suis le témoin, moi qui, le 31 mars, ai signé avec la CAF et avec la MSA deux conventions qui s'inspirent de la même logique. Mon regret est que nous soyons contraints d'en passer par un texte législatif pour que les partenaires des collectivités territoriales soient obligés de leur communiquer les informations qui leur sont naturellement dues. Nous constations sans surprise la persistance de freins qui résultent de jeux de pouvoir que la décentralisation n'a pas arrangés. Il devrait pourtant aller de soi que tout transfert de compétence doit s'accompagner d'un transfert de l'information nécessaire à son exercice. Quatre ans après la dernière loi de décentralisation, nous découvrons toujours les scories des informations cachées. M. Cazalet a bien éclairé cela dans la conclusion de son rapport. Comment, en effet, mettre en place un nouveau système si le précédent n'est pas bien rodé ?

M. Guy Fischer.  - Tout à fait d'accord !

M. Éric Doligé.  - On se précipite pour généraliser un nouveau dispositif alors que l'expérimentation n'est pas arrivée à son terme. Les départements volontaires pour expérimenter le RSA se posent de vraies questions : sur le financement, sur la possibilité d'absorber grandeur nature cette réforme au milieu de celles qui sont en cours, comme la protection juridique des majeurs. Ils s'interrogent aussi sur les risques que ferait courir l'élargissement à une clientèle très importante du travail très fin d'accompagnement qui est accompli dans le cadre du RMI. Mieux vaudrait sans doute régler les problèmes en amont qu'en aval...

Les conventions sur le RMI devront être signées avec les CAF dans les six mois après promulgation de la loi. Cela nous mène au début de 2009, moment de la mise en place du RSA. Le montage promet d'être complexe, d'autant qu'en raison de leurs relations conflictuelles, CAF et conseils généraux n'ont pas partout accordé leurs logiciels.

Au point où nous en sommes, il serait intéressant de valider les chiffres correspondant aux systèmes existants et de travailler dans une transparence financière totale. Nous avons hélas le sentiment qu'il serait incongru de parler chiffres en matière sociale, alors même que l'époque est à la revue générale des politiques publiques.

Le groupe UMP appuie en totalité cette proposition de loi.

M. Guy Fischer.  - Mais ?

M. Éric Doligé.  - Je vous invite à bien la mettre en place avant de nous précipiter vers d'autres dispositifs encore en expérimentation. Nous aurons enfin un outil de gestion et de transparence, qu'il serait bon d'utiliser aussi dans bien d'autres domaines liés à des transferts. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bernard Vera.  - Un premier examen de cette proposition de loi ayant conduit à un renvoi à la commission des finances, nous avons devant nous un texte profondément remanié, en tout cas dans son architecture globale. Au lieu de trois articles tenant de la déclaration d'intention et déconnectés de toute disposition législative existante, nous avons désormais six articles que la commission s'est efforcée de raccrocher au code de l'action sociale et des familles, pour lui donner une apparence techniquement plus présentable. Cela justifie l'une des critiques que nous formulions le 26 mars dernier : l'impréparation et la légèreté du texte soumis à discussion. Cette proposition de loi est étroitement circonstanciée et, pour une bonne part, ne relève aucunement du législatif -malgré les apparences offertes par les conclusions de la commission- mais beaucoup plus du réglementaire, voire même du champ strictement conventionnel.

Il s'agit de créer les conditions d'une coopération entre l'organisme payeur du revenu minimum d'insertion, c'est-à-dire la Caisse d'allocations familiales de chaque département, et l'autorité publique responsable de la mise en oeuvre de cette allocation, c'est-à-dire, aujourd'hui, le Conseil général. L'article 18 de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation du revenu minimum d'insertion stipule dans son article L.262--0 : « Le service de l'allocation est assuré dans chaque département par les caisses d'allocations familiales et, pour leurs ressortissants, par les caisses de mutualité sociale agricole, avec lesquelles le département passe, à cet effet, convention. Ces conventions, dont les règles générales sont déterminées par décret, fixent les conditions dans lesquelles le service de l'allocation est assuré et les compétences sont déléguées ».

De telles conventions ont donc un caractère purement interinstitutionnel et seul le cadre général dans lequel elles sont mises en oeuvre relève du législatif. La motivation de notre collègue Mercier, président d'un Conseil général attribuant environ vingt-sept mille allocations de RMI, est donc strictement liée à son expérience locale concrète. Si les services du département du Rhône peinent à suivre la situation des Rmistes, il y a bien un moyen de résoudre une partie de ses difficultés, c'est de mettre à disposition des services et de la population concernés les moyens matériels et humains permettant une plus grande traçabilité des dossiers d'aide sociale, et d'assurer un meilleur suivi de chaque allocataire. La même remarque vaut d'ailleurs pour les organismes prestataires d'allocations familiales qui connaissent les mêmes difficultés d'instruction et de suivi des demandes. Dans d'autres départements, comme l'a montré la discussion en commission, la question ne se pose pas dans les termes utilisés par notre collègue Mercier et le suivi des allocataires, l'évolution de leur parcours, qui est aussi un parcours d'insertion, se déroulent dans des conditions plus satisfaisantes. C'est précisément parce que le RMI a été transféré aux départements que les pratiques s'avèrent différentes dans divers points du territoire, et ce que nous avions craint lors de la discussion de la loi de 2003 se trouve aujourd'hui confirmé. Mon ami Roland Muzeau avait alors souligné : « Le risque existe que le transfert du RMI n'aboutisse à faire dépendre ce dernier des politiques de chaque département, avec les inégalités que cela entraînerait entre les départements riches et les départements pauvres (...) avec le risque du glissement progressif d'un dispositif universel vers une aide sociale départementale, donc facultative, et, à terme, pouvant être remise en cause ».

Or, c'est bien vers cela que tend la présente proposition de loi, même revue et corrigée par la commission des finances : il s'agit de masquer les carences de fonctionnement d'administrations locales manquant des moyens nécessaires pour répondre aux besoins, et de faire porter le lourd chapeau du coût de la gestion du RMI aux allocataires eux-mêmes, au motif de pourchasser une fraude particulièrement faible. Le chargé de mission « lutte contre la fraude » de la Caisse nationale d'allocations familiales l'estime à 35 millions d'euros par an sur 60 milliards de prestations servies, soit 0,05 % environ. Ce n'est pas en entretenant la suspicion autour des allocataires de revenus sociaux que vous réglerez le douloureux problème de la compensation intégrale des charges transférées aux départements au titre du RMI. Pour cela, il existe un autre moyen : rendre à l'État la pleine et entière responsabilité d'un des éléments importants de sa politique sociale.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Comme avant, c'était impeccable...

M. Bernard Vera.  - Nous confirmerons donc dans la discussion notre opposition à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Georges Othily.  - Créé à l'initiative de Michel Rocard en 1988, le RMI est aujourd'hui le symbole de la solidarité de la Nation à l'égard des plus démunis, mais aussi, malheureusement, le symbole des difficultés d'intégration de nombre de nos compatriotes. La proposition de loi de notre collègue Mercier met en lumière deux difficultés auxquelles nos conseils généraux sont aujourd'hui confrontés. D'abord, la décentralisation du RMI a accru la charge globale des dépenses médico-sociales alors que la compensation de l'État n'est pas encore suffisante. Ensuite, ce texte met en évidence les différences de traitement entre allocataires, selon la taille du département, son tissu social, et les bonnes relations qu'il entretient avec les services de l'État. Les départements d'outre-mer souffrent davantage du poids financier du RMI en raison de leur retard économique et social. Par exemple, le RMI représentait, en 2006, 38 % des dépenses de fonctionnement du Conseil général de la Guyane contre 17 % dans l'ensemble de la France.

Au regard de l'enjeu financier, les conseils généraux sont donc en droit de demander des comptes sur les sommes qu'ils versent. Cela vaut notamment pour la répétition des indus, que le rapporteur estime à 300 millions d'euros par an. L'amélioration du contrôle comptable du RMI suppose une meilleure transparence de sa gestion. Comme le souligne Michel Mercier, dont les rapports successifs sur ce sujet font autorité, les départements n'ont pas aujourd'hui connaissance de la réalité de leurs dépenses de RMI. La transmission des informations entre les CAF, les MSA et les conseils généraux n'est pas optimale, notamment en raison du manque d'interopérabilité des systèmes de gestion des indus. Il est donc légitime, voire indispensable, que le législateur cherche à améliorer le contrôle de l'utilisation des deniers publics. La mise en place d'instruments de lutte contre la fraude plus efficaces est un impératif. A cet égard, l'obligation de fourniture de documents justificatifs par les organismes payeurs, et de signature d'une convention entre ces organismes et les départements, constituerait une avancée positive. Ce besoin d'information des départements et de recoupement de fichiers se fait particulièrement sentir en Guyane, où la pression financière du RMI est parmi les plus importantes de France. La valeur moyenne de RMI par habitant n'excède pas 80 euros dans l'ensemble des départements de moins de 250 000 habitants. Elle atteint 445 euros en Guyane. Depuis 2003, le montant total des RMI versés en Guyane a crû de 28 % alors que dans le même temps les financements de l'État ont tardé à compenser ces charges. Certes, la création en 2006 du Fonds de mobilisation départemental pour l'insertion a permis de couvrir partiellement le différentiel restant dû par le Conseil général, soit 52 millions en quatre ans. Mais ce fonds s'éteindra à la fin de l'année, alors que les besoins continuent de croître et qu'il reste près de 24 millions à trouver.

De surcroît, la Guyane se trouve dans une situation démographique très particulière. Sur une population de 191 000 habitants, on compte plus de 30 % d'étrangers selon l'Insee, en grande majorité hors CEE, sans même compter les milliers de clandestins par nature non recensés. Le taux de croissance de la population dépasse les 3,4 % par an, ce qui classerait la Guyane dans les dix premiers pays du monde. La part d'étrangers hors CEE touchant cette allocation dépasse les 45 %, plus que dans tous les autres départements français. Cette manne financière, loin de remplir son rôle d'insertion sociale, alimente au contraire des flux d'immigration en provenance du Brésil, du Surinam, du Guyana ou des Antilles voisines. Les allocations versées ne font le plus souvent que transiter sur le territoire guyanais, pour être aussitôt transférées vers les pays d'origine de ces bénéficiaires. Doit-on en conclure que la solidarité nationale a vocation à se substituer à l'aide au développement de la France à nos voisins ? L'aide sociale aux Guyanais et aux étrangers régulièrement installés pourra-t-elle longtemps subsister dans ces conditions ?

Vous comprendrez donc l'intérêt des élus guyanais pour cette proposition de loi. Toutefois, le dispositif proposé par notre commission pose certaines questions dans le cas de la Guyane, et plus largement de l'outre-mer. Qu'en sera-t-il, ainsi, de l'Agence départementale d'insertion, qui en Guyane a accès aux fichiers Fileas pour les contrats d'insertion ? Doit-on lui transposer l'action et les compétences des comités locaux d'insertion ?

Ce flou juridique mériterait d'être clarifié.

Les articles 3 et 5 prennent eux aussi un relief particulier en Guyane, vu le nombre d'étrangers et le type de foyers bénéficiaires, qui laissent supposer un nombre important de fraudes. Le département a engagé un processus de recouvrement des indus -700 000 euros en 2007- et déposé un certain nombre de plaintes. Il se heurte toutefois à des difficultés légales que le présent texte ne résoudrait qu'en partie. Il semble nécessaire d'élargir les confrontations avec les fichiers de la CNRACL et de l'Ircantec. Trop souvent, la CAF refuse la confrontation avec ce dernier organisme alors que sa mission, bien que concernant les agents non titulaires, est identique à celle du premier. L'argument du refus d'agrément de la Cnil ne se vérifie pas. Enfin, la nature des relations entre les employeurs et les services fiscaux ne permet pas toujours d'identifier à temps un fraudeur. Cette lacune doit être résolue.

La proposition de loi de notre collègue Mercier, complétée par notre commission, va incontestablement dans le bon sens. Je salue le travail de notre rapporteur, qui a souhaité disposer de temps pour approfondir son analyse. Il serait sans doute utile, à terme, d'aller plus loin pour les départements d'outre-mer. Depuis la décentralisation du RMI en 2003 et le retrait total de l'État, les missions des agences d'insertion n'ont jamais été adaptées aux nouveaux dispositifs. Les relations entre les différentes instances méritent d'être clarifiées, et des moyens juridiques nouveaux doivent mettre fin à l'inapplicabilité des règles issues des derniers transferts de compétences.

Pour l'heure, la majorité du groupe RDSE suivra les conclusions de notre rapporteur. (Applaudissements au centre)

M. Michel Mercier.  - Je souhaiterais expliquer pourquoi j'ai souhaité que le Sénat débatte de cette proposition de loi.

Lorsque la gestion du RMI a été confiée aux départements, le Rhône, que j'ai l'honneur d'administrer, a souhaité que cette gestion y soit exemplaire. Il ne s'agissait pas seulement de donner 376 euros chaque mois à ceux qui n'ont rien et de se satisfaire d'avoir fait ainsi le bien des pauvres. Nous voulions connaître tous les bénéficiaires et que le plus grand nombre puisse quitter rapidement ce système. A l'époque du transfert, nous avons identifié et rencontré chaque allocataire -six mille d'entre eux étaient alors inconnus de l'administration. Nous avons attribué à chacun un référent : ce n'est pas exceptionnel, mais ce n'est pas mal ! Nous avons suivi jusqu'à 29 000 bénéficiaires pour 32 000 allocataires. Ensuite, nous avons employé tous les moyens pour aider ces personnes à s'en sortir. Ainsi, sur les deux dernières années, nous sommes passés de 27 à 22 000 allocataires, soit une baisse non négligeable de 18 %.

Nous avons voulu mieux connaître les bénéficiaires pour les aider et justifier de l'emploi de l'allocation vis-à-vis de l'ensemble de la population. Nous souhaitons savoir qui reçoit le RMI. Monsieur le haut-commissaire, vous affirmez que nous disposons des documents suffisants, mais voici ce que, chaque mois, nous recevons dans le Rhône : deux feuilles. (M. Mercier les montre à M. Martin Hirsch, haut-commissaire) Il n'y a qu'une ligne à lire : demande de versement d'acompte à la CAF de Lyon par le département du Rhône pour avril 2008, montant net du RMI comptabilisé pour février 2008, 9 309 030 euros. Une annexe comptable détaille l'allocation de base du RMI, en déduit une avance et une prime d'intéressement -c'est la loi Borloo-, y ajoute les frais de tutelle du RMI, les indus transférés, les remises de dettes et annulations de créances. Les chiffres sont très précis.

Je ne demande aucune modification informatique, mais je souhaiterais savoir comment la CAF réussit à nous demander un chiffre si précis. Elle additionne des allocations versées : c'est cela que je voudrais connaître. Aux départements, ensuite, de vérifier que ceux qui reçoivent ces allocations sont bien ceux qui figurent sur leurs listes. Je ne demande pas plus : ce n'est pas porter atteinte à l'intégrité ou mettre en doute le savoir-faire des CAF ! Celles-ci ne peuvent demander que ce qu'elles ont payé. Pourquoi ne veulent-elles pas nous le dire ?

La proposition de loi, améliorée par le rapporteur, va plus loin que ce que je demande. Je ne souhaite pas que soit modifié le système informatique, je désire simplement pouvoir vérifier que ce sont bien les personnes figurant sur les listes qui reçoivent effectivement l'allocation, afin de suivre les versements et de mettre au jour les différences éventuelles. Comment pouvons-nous gérer vingt deux mille dossiers sans nous assurer qu'il s'agit bien des bénéficiaires ? Monsieur le haut-commissaire, si on ne nous donne pas ces renseignements, comment savoir si nous pourrons faire mieux avec le RSA ? Si on estime que les départements n'ont pas à recevoir ces informations, ne leur confiez pas le RSA, nous ne sommes pas demandeurs ! Que l'État reprenne cette compétence et l'assume avec les CAF. Nous avons essayé de faire pour le mieux, mais puisque vous trouvez que ce n'est pas bien... (M. le ministre le dénie)

Nous n'avons pas parlé de la compensation par l'État des sommes versées par le département, soit 12,5 % pour les contrats que vous règlerez dès que nous vous enverrons la note. Monsieur le haut-commissaire, je remercie vos services qui, cette semaine, ont fait preuve de diligence et nous ont contactés. Quel dommage que vous ne leur ayez pas demandé de le faire plus tôt : quand vous le voulez, vous pouvez ! (Sourires)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - C'est gratuit ! (Sourires)

M. Georges Othily.  - Cela fait quatre ans qu'on le demande.

M. Michel Mercier.  - De même, si vous le vouliez, vous pourriez nous dire qui sont les bénéficiaires de ces sommes. Nous ne demandons rien d'autre : ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit. Nous ne voulons pas nous donner bonne conscience en nous contentant de verser moins de 400 euros à ceux qui n'ont rien. Il serait bien de personnaliser le RSA et le RMI, de connaître ces personnes pour les aider. Nous avons le droit d'être informés.

Je ne sais si cette proposition de loi sera adoptée et, le cas échéant, si elle sera appliquée -elle ne serait pas la première à ne pas l'être. Elle a en tout cas posé de vrais problèmes, et n'aura peut-être servi qu'à obtenir le versement des 12,5 % -c'est peu au regard des milliards d'euros non compensés depuis 2004...

M. Guy Fischer.  - 2,3 milliards !

M. Michel Mercier.  - ...mais non négligeable cependant. Le gain serait petit, mais pas tout à fait nul ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Michel Moreigne.  - Nous voici amenés à rediscuter des relations entre les conseils généraux et les organismes payeurs, CAF et MSA, dans le cadre de la gestion comptable du revenu minimum d'insertion.

Monsieur le rapporteur, vous vous êtes assuré sur place des difficultés rencontrées par les départements -je regrette que le conseil général de la Creuse n'ait pas retenu votre attention, mais les indus y sont moins conséquents que dans le Rhône ! (Sourires)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - C'est un département bien tenu !

M. Michel Moreigne.  - Vous reconnaissez la réalité des difficultés entre les organismes payeurs et les conseils généraux, que M. Mercier vient de nous expliquer, mais le nouveau texte ne règle pas le problème principal : la dette de l'État en matière de RMI. Comme l'a reconnu le président de la commission, l'objet de ce texte est uniquement « de permettre aux départements de disposer des instruments de pilotage adéquats ». Il ne comporte aucune disposition relative au financement, ce que je déplore. (M. Arthuis, président de la commission, le regrette)

Comme l'écrit le rapporteur, on ne peut nier les difficultés des conseils généraux dans la gestion du RMI avec les organismes payeurs. Les indus pèsent sur leur budget. S'il est important de les limiter, nous traitons d'une population extrêmement fragile, de sorte que le taux de recouvrement reste très faible : même avec le seuil de 77 euros, le conseil général accorde des remises gracieuses. Dès lors, les conseils généraux ne s'adonnent pas à la chasse aux pauvres mais s'efforcent à une gestion plus efficace de l'aide sociale qui relève de leur responsabilité pleine et entière.

Mieux vaut prévenir que guérir. On peut mieux contrôler et harmoniser les données. Le rapporteur propose des solutions à cet effet, ce qui satisfera les départements demandeurs de plus d'informations, mais le caractère trimestriel de ce système déclaratif est source de difficultés. Une déclaration mensuelle serait plus efficace et le haut-commissaire a, en commission, dénoncé le caractère archaïque du système actuel. Il faudra donc renforcer les moyens des caisses d'allocations familiales.

Actuellement, les organismes payeurs ne fournissent aucun justificatif lors de la demande d'acompte, présentée avec un décalage de deux mois : aucun contrôle n'est possible. L'article premier y pallie en organisant une transmission mensuelle d'informations et une confrontation annuelle avec les fichiers de l'administration fiscale. Cela répond à une demande des départements qui pourront définir conventionnellement les modalités de ces transmissions, mais le rapporteur signale que ces changements ne pourront intervenir qu'après adaptation des moyens informatiques de la plupart des caisses d'allocations familiales -un surcoût qu'elles compenseront. Est-il excessif de prétendre qu'un décret aurait pu régler la question ?

M. Guy Fischer.  - Hé non !

M. Michel Moreigne.  - Je regrette que le texte ne traite que du pilotage du RMI et non de son financement. Or le déficit atteint 2,5 milliards. Il s'élève à 1,5 million pour la Creuse, soit 4 points de fiscalité pour ce département qui est l'un des moins riches : l'État ne respecte pas sa parole ! Que faire face à la montée en puissance du dispositif qui porte la dépense à 6 milliards, quand on ne nous transfère qu'une ressource atone ? Certes, l'État avait consenti un geste de 500 millions mais cela s'arrête cette année même alors que la généralisation du RSA va, je le redoute, aggraver la situation.

J'ai bien noté que l'État allait régler les contrats d'avenir aux départements qui en présenteront la demande -votre annonce sera bientôt suivie d'effet.

Je rends hommage aux conseils généraux, qui ont fortement investi pour remplir leur mission, sans toujours recevoir le soutien de l'État, qui n'a pas transféré tout le personnel qui traitait le RMI avant 2004. La mission chargée d'évaluer les effectifs avant la loi de décentralisation a rendu son rapport, qui souligne la sous-évaluation des personnels : 84,5 équivalents temps plein auraient disparu en 2003. La compensation financière représente 3 millions d'euros par an, soit 12 millions pour la période 2004-2007. Il faut y rajouter 145 équivalents temps plein demeurés vacants depuis 2004 : il y a urgence à les compenser. J'en ai rêvé mais ce rêve se réalisera-t-il ?

Si le texte répond à la demande de disposer de nouveaux moyens de pilotage du RMI, il ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt des accords financiers. S'il est souhaitable de fluidifier les relations avec les organismes payeurs avant la généralisation du RSA, ne laissons pas croire que tous les maux seraient le fait des allocataires du RMI -ce serait se contenter de bien peu et j'aurais préféré qu'on demande avec la même vigueur que l'État respecte ses engagements et règle ses dettes financières.

Au terme de ce réquisitoire volontairement mesuré, on comprendra notre abstention sur ce texte qui règle un petit problème mais non l'essentiel.

M. Alain Fouché.  - Il faut resituer le RMI dans le contexte de sa mise en place par le gouvernement Rocard pour lutter contre la pauvreté. Le nombre de ses bénéficiaires a crû au point que l'on a dû rappeler que ce revenu minimum visait à une insertion, que ce n'était ni une allocation ni une prestation sociale mais un engagement réciproque entre la collectivité et un individu en fonction de ses besoins, de ses espoirs et de ses possibilités. C'est un droit accessible à tous ceux qui remplissent les conditions de revenu et c'est un contrat, avec une contrepartie en matière d'insertion. Voilà la logique dans laquelle la loi de décembre 2003 a confié aux départements une entière responsabilité pour la politique d'insertion sociale et dans laquelle le RSA sera généralisé, les premières expérimentations ayant montré qu'il offrait à ses bénéficiaires une sortie vers le haut, c'est-à-dire sur le marché du travail.

Si l'insertion ne doit pas être opposée à l'assistance, les moyens indûment attribués à la seconde font nécessairement défaut à la première. C'est dire que la proposition de loi de M. Mercier mérite d'être approuvée. Mon département consacre 40 millions d'euros au RMI ; les indus représentaient en 2007 1 200 000 euros, à comparer aux 400 000 euros que nous consacrons à l'expérimentation du RSA. La question du contrôle des indus est majeure, non seulement pour des raisons financières, mais aussi parce qu'il y va de l'équité.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Bien sûr !

M. Alain Fouché.  - Les conclusions de la commission des finances, dont je salue le rapporteur, amélioreront les relations entre les organismes payeurs et permettront aux départements de mieux gérer le RMI. Chacun ici sait que ces relations varient d'un département à l'autre et que certaines conventions mettent déjà en pratique les dispositions de la proposition de loi ; il était donc opportun de ne pas imposer de renégociation mais d'ouvrir la possibilité aux conseils généraux qui le souhaitent de le faire.

On parle beaucoup de désengagement de l'État -c'est un argument classique, sous tous les gouvernements. Cette proposition de loi s'inscrit dans la démarche du Gouvernement comme dans celle des collectivités locales, qui entendent soutenir tous ceux qui ont un besoin d'insertion. (Applaudissements au centre et à droite)

La discussion générale est close.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°8, présentée par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la Commission des Finances (n° 320, 2007-2008) sur la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion (n° 212, 2007-2008).

M. Guy Fischer.  - Il s'est toujours trouvé, depuis la création du RMI, des membres de la majorité pour tenter de limiter les droits des allocataires au motif de leur coût pour les finances publiques. Certains, dès 1988, plaidaient pour le transfert du RMI aux départements et peu après pour sa transformation en RMA, un dispositif qui subordonne le versement de l'allocation à l'exercice, même réduit, d'une activité professionnelle. Le bilan du RMA, aujourd'hui, est bien maigre ; se substituant à d'autres contrats aidés, il n'est guère satisfaisant, sauf pour les employeurs qui peuvent, en bénéficiant d'une aide importante, réduire les coûts salariaux. Les associations unanimes le considéraient comme trop rigide et trop précaire. « Un mauvais CES », disait même M. Hirsch, alors président d'Emmaüs.

Puis on a vu apparaître le RSA, aux caractéristiques somme toute assez proches -j'approuve d'ailleurs une partie de l'argumentation de M. Doligé sur la mise en oeuvre de ce dispositif. J'ai été le seul à m'y opposer lors de sa création dans la loi Tepa en juillet 2007, jugeant que les conditions du remplacement du RMI devaient être discutées plus avant. Certains avaient même suggéré qu'on supprimât les droits connexes, ce qui m'avait mis en colère... Si aujourd'hui d'éminents présidents de conseil général tirent la sonnette d'alarme... Les auditions de la mission commune d'information sur la précarité et l'exclusion me confortent en tout cas dans mon analyse : on ne peut imposer la généralisation du RSA sans être allé au terme de son expérimentation et sans en avoir tiré les conséquences.

Le postulat idéologique de la proposition de loi est connu. Les allocataires du RMI et des minima sociaux se complairaient dans l'assistanat et refuseraient les parcours d'insertion que la société leur trace si généreusement. On sait d'ailleurs que le Président de la République a confié à M. Hirsch la mission de substituer le RSA à tous les minima sociaux... Ce qui rejoint le discours invariable de M. Woerth sur la fraude, alors que celle-ci, aux dires du directeur général de la Cnaf, est infinitésimale. Mais l'argument est profitable, sur le plan de la communication ; nous refusons cette manière de stigmatiser les gens.

On veut aujourd'hui montrer qu'il n'est pas facile de bénéficier des largesses de la solidarité nationale ; en renforçant les contrôles -qui peut être contre la rigueur ?-, on fait d'une pierre deux coups : on dissuade certains de solliciter une allocation à laquelle ils pourraient prétendre. En attendant d'autres textes qui mettront en extinction certains minima sociaux, ou en limiteront la portée... avant d'en confier la gestion intégrale aux départements -voir le rapport Mercier-de Raincourt, la réforme avortée de l'API ou le projet de transfert de l'ASS aux départements.

C'est dans ce contexte idéologique que vient devant nous cette proposition de loi. Il ne fait décidément pas bon être chômeur ou allocataire du RMI dans la France de M. Sarkozy ! Quiconque est au RMI risque d'être soumis à des contrôles de plus en plus tatillons, contraint d'accepter tout et n'importe quoi au fil d'un parcours d'insertion qui s'arrêtera vite au RSA devenu espace de précarité renforcé. Derrière certains discours sur le RSA et sa généralisation se profile un plan de sous-emploi massif qui cantonnerait des centaines de milliers de personnes dans des segments d'activité précis, l'aide à domicile, l'aide aux personnes âgées, le travail de nuit et du dimanche, là où le secteur marchand n'est rentable que si sont réduites à son profit conditions d'emploi et rémunérations.

La situation des chômeurs n'est guère plus enviable. Après la fusion ANPE-Assedic, après la loi de modernisation du marché du travail vient l'heure de vérité des projets gouvernementaux et la notion « d'offre raisonnable d'emploi », véritable machine à exclure, trappe à déqualification et à sous-rémunération. Vous n'acceptez pas deux de ces offres ? Vous n'êtes plus indemnisé. Derrière le discours du Président de la République abondamment repris par M. Wauquiez, il y a cette illusion populiste : si les gens ne trouvent pas d'emploi, c'est qu'ils ne font pas suffisamment d'effort. Encore faudrait-il que les secteurs souffrant d'un déficit de main-d'oeuvre commencent par embaucher leurs intérimaires ! Selon l'enquête « Besoins de main-d'oeuvre 2008 », le BTP va embaucher 136 000 personnes cette année ; mais les entreprises du secteur, arbitrant en faveur des heures supplémentaires à la mode Tepa, ont d'abord supprimé plus de neuf mille postes d'intérimaires !

Sait-on, en outre, que la moitié des chômeurs ne sont pas indemnisés par l'assurance chômage ?

Le chômage est la principale angoisse de nos concitoyens. La peur de l'exclusion explique la paix armée sur le front social : les chômeurs que l'on vilipende jouent leur rôle, puisqu'ils servent à faire accepter aux actifs l'abandon de leurs acquis !

Le régime d'assurance chômage ignore les droits de la moitié des personnes qui pourraient y prétendre ! Le document remis par le Gouvernement aux organisations syndicales est clair : le potentiel indemnisable est constitué de l'ensemble des demandeurs d'emploi, indemnisés ou non, inscrits en catégories 1, 2, 3, 6, 7 et 8, auquel s'ajoutent les dispensés de recherche d'emploi indemnisés. Je vous épargne les chiffres... (M. le président de la commission apprécie) -même si je vous sais très rigoureux en la matière !

Ce déséquilibre explique l'excédent de ressources de l'Unedic, que le Gouvernement entend consacrer au financement du régime de retraite par répartition -sans remettre en question le gel de la contribution des entreprises au financement de l'assurance vieillesse ! Un dispositif d'assurance chômage qui n'offre pas un revenu de remplacement aux privés d'emploi est une escroquerie, une rupture du principe de solidarité entre actifs et chômeurs, fondement du système assurantiel !

Le vrai chiffre du chômage n'est pas le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie 1, mais le nombre des chômeurs potentiellement indemnisables. Je rappelle que 30 % des Rmistes ne sont pas inscrits à l'ANPE...

Ne vous en déplaise, la chasse aux pauvres, aux « assistés » est ouverte, et M. Mercier apporte sa pierre à l'édifice, même si sa contribution est modeste. Le véritable problème du département du Rhône, c'est qu'une part importante de la population vit dans le plus grand dénuement, tentant de survivre entre l'inflation et la détérioration de la qualité de l'emploi. Notre département compte certes 27 000 Rmistes, mais aussi 370 000 foyers non imposables à l'impôt sur le revenu, dont plus de 215 000 déclarent des revenus annuels inférieurs à 7 500 euros, monsieur Mercier -le tiers des foyers de Vénissieux, mais aussi 30 % des résidents du premier arrondissement de Lyon, 25 % dans le deuxième arrondissement, et même près du tiers des contribuables de Thizy ! Comment font-ils pour vivre avec si peu ?

J'ai déposé en janvier 2006 une proposition de loi prévoyant que l'État -qui doit 50 millions aux départements au titre du RMI- reprenne la gestion du RMI. L'action de l'État est en effet présumée équitable, et permet une prise en charge collective neutre et objective. Agir en direction des plus modestes doit être son devoir premier !

S'agissant du RSA, de nombreuses questions demeurent sans réponse. Dans un département qui compte 30 000 Rmistes, le nombre de bénéficiaires ne risque-t-il pas de doubler ?

Cette proposition de loi traite d'un problème mineur. M. Mercier, avec qui je vis depuis vingt-six ans dans le Rhône (sourires), s'est toujours vanté d'avoir la gestion la plus rigoureuse. Je dirais plutôt la plus chiche ! Cette question aurait pu être réglée autrement. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Auguste Cazalet, rapporteur.  - La commission des finances s'est beaucoup investie dans cette proposition de loi. J'ai rencontré une trentaine de personnes et effectué trois déplacements. Le texte présenté par la commission est équilibré et répond aux attentes des conseils généraux. Il ne concerne pas le financement du transfert du RMI aux départements mais renforce les outils de pilotage. Il n'est aucunement question de remettre en cause le droit au RMI ! Avis défavorable à la motion.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Je répondrai à tous les intervenants, car je sais le Sénat attentif à ces sujets. En dévidant la pelote, on en vient à des questions profondes, qui seront abordées dans les mois à venir.

M. Doligé a rappelé la complexité de l'enchevêtrement des minima sociaux. La France détient le record d'Europe : neuf minima sociaux !

M. Guy Fischer.  - Vous oubliez les DOM-TOM !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Dix, alors ! D'où un nombre trop élevé d'allocataires. La simplification ne se fera pas au détriment des personnes : vos inquiétudes seront prises en compte, et la réforme sera satisfaisante.

M. Vera a insisté sur le partage entre domaine législatif et domaine réglementaire.

La lutte contre la fraude ne vise pas à pénaliser les personnes en difficulté, qui sont au contraire demandeuses de règles simples leur permettant de jouir de tous leurs droits. Dans certains départements, des allocataires du RMI ne bénéficient pas de la CMU pour un problème de connexion entre fichiers !

Je pense, comme la plupart d'entre vous, qu'une meilleure information servira l'intérêt des allocataires, tout en faisant mieux connaître l'utilisation des fonds publics.

M. Othily a souligné les spécificités de la Guyane et de l'outre-mer, le Gouvernement y est très attentif. Le revenu de retour à l'activité est propre à l'outre-mer et nous continuons d'avancer sur le sujet avec M. Jégo.

M. Mercier a paru sous-entendre que nous n'aurions pas confiance dans les conseils généraux, c'est mal nous connaître... et méconnaître mon amour pour le département du Rhône ! Nous travaillons depuis un an avec les départements volontaires, qui assument le choix politique de la solidarité, et c'est avec eux que nous définissons une intervention sur mesure : le niveau de chômage, le nombre d'allocataires, le travail saisonnier, la pauvreté varient selon les départements ; nous nous adaptons aux configurations départementales pour conforter les atouts et les outils des solidarités.

M. Moreigne nous a tenu une comptabilité des transferts de personnels entre l'État et les départements aussi précise que celle des meilleurs rapports de l'Igas. Mais nous travaillons avec l'ADF dans un climat de confiance, sur des bases nouvelles, et c'est de cette façon que nous avançons !

M. Fouché a rappelé que la Vienne fut l'un des premiers départements à se lancer dans l'expérimentation du RSA : c'est une preuve supplémentaire de ce que les nouvelles politiques de solidarité, passent par ces départements impliqués directement dans des politiques innovantes.

La question préalable revient à présenter le RSA comme un recul, alors qu'il représente un progrès social indéniable. Qui défendrait un système où le travail peut n'être pas payé ? Où quelqu'un travaillerait quelques heures, dans l'aide à la personne par exemple, sans percevoir un seul euro de plus, à cause du jeu des allocations ? Où le travail précaire et le temps partiel ne pénaliseraient pas l'employeur, mais seulement ceux qui travaillent dans des conditions précaires ou à temps partiel ?

Les chèques qui sont signés grâce au RSA apportent une aide très concrète, de 100, 150 ou même 250 euros par mois et par personne, une somme méritée qui correspond exactement au travail rémunéré. C'est l'esprit du législateur, qui a refusé d'opposer le RMI, que nous voulons étendre en Europe même, et la dignité par le travail, revendication des associations qui luttent contre la pauvreté !

C'est pourquoi, avec une information plus rigoureuse sur le RMI, avec la mise en place du RSA, nous ne faisons pas la chasse aux pauvres, monsieur Fischer, mais à la pauvreté ! Voilà à quoi nous nous engageons, voilà à quoi vous nous aiderez en adoptant ce texte ! (Applaudissements à droite et au centre)

La motion n°8 n'est pas adoptée.

Discussion des articles

Article premier

Après l'article L. 262-30 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 262-30-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 262-30-1 - Lorsque les organismes payeurs mentionnés à l'article L. 262-30 transmettent au président du conseil général une demande de versement d'acompte au titre du revenu minimum d'insertion et de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11, ils joignent à cette demande les montants nominatifs, bénéficiaire par bénéficiaire, des versements dont la somme est égale au montant global de l'acompte, en précisant l'objet de la prestation et la nature de chaque versement. ».

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Guy Fischer.  - Nous allons tenter encore de vous convaincre, même si c'est sans beaucoup d'espoir... Cet article, que vous ne nous proposeriez pas d'insérer dans le code de l'action sociale et de la famille si M. Mercier avait travaillé davantage (sourires), ces quelques lignes changent-elles quelque chose ? Je ne le crois pas, d'autant qu'elles relèvent du domaine règlementaire, voire conventionnel, et qu'elles procèdent des bonnes relations entre le conseil général et la CAF !

La prévention des indus, dont notre commission paraît se soucier, n'est qu'un moyen d'entretenir la suspicion envers les allocataires du RMI ! Qui ne touchent en moyenne, soit dit en passant, qu'une allocation différentielle de 450 euros par mois.

Pour prévenir les indus, les conseils généraux ont plutôt besoin de renforts humains et matériels, qui soient compensés par l'État ! N'oublions pas que l'État doit aux départements la coquette somme de 2,3 à 2,5 milliards ; voilà qui aiderait les conseils généraux à prévenir les indus de RMI et les CAF à mieux suivre les allocataires ! Au lieu de quoi, le Gouvernement compense toujours moins de charges, pousse les organismes sociaux à toujours plus de productivité ! Mieux vaut supprimer cet article.

M. Auguste Cazalet, rapporteur.  - Les conseils généraux ont besoin d'une information plus précise pour mieux suivre les allocataires et prévenir les indus : avis défavorable.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Même avis.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

Article 2

Après l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 262-24-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 262-24-1 - Lorsque, à la suite d'une suspension de l'allocation, l'organisme payeur procède à une reprise de son versement et, le cas échéant, à des régularisations relatives à la période de suspension, il en informe le président du conseil général en précisant le nom de l'allocataire concerné et en explicitant le motif de la reprise du versement de l'allocation. ».

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Bernard Vera.  - Une bonne coopération entre les institutions suffit à régler les problèmes de reprise de droit ; pourquoi ajouter une obligation qui fait prendre des risques sur les données personnelles des allocataires ? La réglementation actuelle fait déjà obligation à l'allocataire d'informer le conseil général de tout changement relatif à sa situation résidentielle, à ses revenus et à ceux des personnes composant son foyer. En cas d'information manquante, le président du conseil général peut ne verser que la moitié de l'allocation.

Il n'y a donc aucune raison de voter cet article, à moins que vous ne suspectiez les allocataires du RMI.

M. Auguste Cazalet, rapporteur.  - Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

L'amendement n°3, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 3

L'article L. 262-41 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Art. L. 262-41 - Tout paiement indu d'allocation ou de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 est récupéré par l'organisme payeur mentionné à l'article L. 262-30.

« Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d'aide sociale dans les conditions définies à l'article L. 262-39.

« Sauf si l'allocataire opte pour le remboursement de l'indu en une seule fois ou si un échéancier a été établi avec son accord, l'organisme payeur mentionné au premier alinéa procède au recouvrement de tout paiement indu d'allocation ou de prime forfaitaire par retenue sur le montant des allocations ou des primes forfaitaires à échoir, dans la limite de 20 % de ces allocations ou primes forfaitaires.

« Lorsque le droit à l'allocation ou à la prime forfaitaire a cessé, le président du conseil général constate l'indu et transmet au payeur départemental le titre de recettes correspondant pour le recouvrement.

« L'organisme payeur transmet chaque mois au président du conseil général la liste des indus ainsi constatés faisant apparaître le nom de l'allocataire, l'objet de la prestation, le montant initial de l'indu ainsi que le solde restant à recouvrer. Il explicite également le motif du caractère indu du paiement.

« Dans le cas où le droit à l'allocation ou à la prime forfaitaire a cessé, le remboursement doit être fait en une seule fois ou selon un échéancier établi par le payeur départemental. Toutefois, si le débiteur est à nouveau bénéficiaire du revenu minimum d'insertion ou de la prime forfaitaire, le payeur départemental peut procéder au recouvrement du titre de recettes par précompte sur les allocations ou primes forfaitaires à échoir, dans les conditions et limites prévues au troisième alinéa.

« La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf manoeuvre frauduleuse ou fausse déclaration. ».

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Guy Fischer.  - Il s'agit, une fois de plus, de stigmatiser les allocataires de minima sociaux qui seraient par trop enclins à tirer parti de leur situation pour vivre aux dépens de la collectivité. Au demeurant, cet article n'est jamais que la transposition de l'article R 262-73 du code de l'action sociale et des familles dans sa partie législative. Bref, il n'apporte rien !

Mais, monsieur le président du conseil général du Rhône, la même rigueur est-elle de mise quand les fonds publics sont utilisés pour aider les entreprises, qu'il s'agisse des remboursements de TVA, des allégements de cotisations sociales ou de taxe professionnelle ?

M. Michel Mercier.  - Ce n'est pas de ma compétence !

M. Guy Fischer.  - L'État, quant à lui, ne compense pas intégralement la charge transférée aux départements au titre de la décentralisation du RMI, charge qui croît tous les ans.

Et pourquoi ne pas évaluer l'impact des contrats vendanges sur les coûts supportés par les entreprises viticoles ? Certes, les allocataires du RMI ont touché une allocation relativement importante mais à quel prix !

L'amendement n°4, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 4

A la demande du président du conseil général, afin de renforcer la connaissance de la réalité des droits et de la situation des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles, la convention mentionnée à l'article L. 262-30 du même code est remplacée par une nouvelle convention ou fait l'objet d'un avenant, passés entre le conseil général et l'organisme payeur, afin d'y inclure :

1°) les modalités d'échanges de données entre les parties, notamment pour l'application de l'article L. 262-30-1 du code de l'action sociale et des familles ;

2°) les modalités de mise en oeuvre de l'article L. 262-24-1 du même code ;

3°) le degré de précision du motif des paiements indus constatés par le conseil général en application de l'article L. 262-41 du même code ;

4°) les engagements de qualité de service et de contrôle, pris par l'organisme payeur, notamment en vue de limiter les paiements indus.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Bernard Vera.  - Nous voici arrivés aux échanges d'information. Les dispositions de cet article figurent, comme celles des articles précédents, dans le code de l'action sociale et des familles à l'article R 262 78 qui prévoit que « Les caisses d'allocation familiales et de mutualité sociale agricole transmettent mensuellement au département les données de gestion nominatives, financières et de pilotage statistique utiles à l'actualisation de leurs fichiers sociaux, telles qu'elles les transmettaient au représentant de l'État dans le département antérieurement au 31 décembre 2003 ». Peut-on être plus clair ?

En outre, la diffusion de ces informations met en cause la protection des données personnelles des allocataires du RMI. Je ne sais pourquoi vous voulez aller au-delà du cadre réglementaire en vigueur, mais cette traque aux allocataires qui va s'ouvrir dès demain est parfaitement discutable sur le plan de la protection des données personnelles.

M. Auguste Cazalet, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Même avis.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Contrairement à ce que vous venez de dire, monsieur Vera, cet article ne transpose pas le code de l'action sociale et des familles. En outre, vous avez évoqué le pilotage exercé par l'État : ce n'était pas du pilotage ! C'est la vertu de la gestion locale d'avoir permis un véritable pilotage de la gestion du RMI. Voilà ce qui justifie le rejet de votre amendement.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Article 5

L'article L. 262-33 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les organismes payeurs mentionnés à l'article L. 262-30 procèdent chaque mois à la confrontation de leurs données avec celles dont disposent les organismes d'indemnisation du chômage et les organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. Ils procèdent, à l'occasion de la première liquidation de l'allocation et chaque année, à la confrontation de leurs données avec celles dont dispose l'administration des impôts. Ils transmettent chaque mois au président du conseil général la liste nominative des allocataires dont la situation a été modifiée à la suite de ces échanges de données. ».

2° Au quatrième alinéa, les mots : « à ceux-ci » sont remplacés par les mots : « au président du conseil général, au président de la commission locale d'insertion définie à l'article L. 263-10 ».

3° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les organismes payeurs transmettent chaque mois au président du conseil général et au président de la commission locale d'insertion définie à l'article L. 263-10 la liste de l'ensemble des allocataires ayant fait l'objet d'un contrôle, en détaillant la nature du contrôle et son issue. ».

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Guy Fischer.  - Nous en arrivons au croisement des fichiers.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Eh oui !

M. Guy Fischer.  - La Cnil vient de repousser les passeports biométriques voulus par le Gouvernement mais ce dernier a décidé de passer outre. Que se passera-t-il pour le RMI ? En voulant instaurer le croisement des fichiers, vous stigmatisez les allocataires du RMI et vous laissez croire qu'ils sont des fraudeurs en puissance. Pourtant, ils ne vivent pas grassement aux dépens des collectivités. Et que ferez-vous de toutes ces informations ? Avec le croisement, vous disposerez de millions de données.

M. Hirsch a dit qu'il ne fallait stigmatiser personne et que le but était de lutter contre la pauvreté et non contre les pauvres. Et c'est bien ce que font les travailleurs sociaux qui ne veulent laisser personne sur le bord du chemin. Je tiens d'ailleurs à saluer leur engagement sans faille. Ce ne sont pas des professionnels de la combine et de la fraude ! En outre, tous ceux qui connaissent vraiment cette question savent que ce sont les plus pauvres qui ne bénéficient pas des aides car ils ne connaissent pas les droits auxquels ils pourraient prétendre. Ainsi, 30 % des allocataires du RMI ne sont pas inscrits à l'ANPE.

Alors, ne croyez-vous qu'il serait préférable de traiter de ces questions autrement que dans une loi ?

M. Auguste Cazalet, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Loin de vouloir stigmatiser qui que ce soit, je veux m'employer, au contraire, à déstigmatiser. Je viens de recevoir ma déclaration d'impôt sur le revenu préremplie ; je ne vois pas pourquoi les allocataires du RMI seraient les seuls à devoir remplir à la main leurs déclarations !

Vous avez dit que 30 % de ces allocataires n'étaient pas inscrits à l'ANPE : ce sont en fait 60 % qui ne le sont pas ! Avec l'instauration du RSA, nous voulons que le service public de l'emploi soit mobilisé pour venir en aide à ces personnes, quel que soit leur passé et leur origine.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

Article 6

I. Les dispositions des articles 1er et 5 de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2009.

II. Les dispositions de la présente loi s'appliquent au revenu de solidarité active à compter de sa mise en oeuvre dans l'ensemble des départements.

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Bernard Vera.  - Cette proposition de loi sera donc appliquée le 1er janvier prochain ; se posera ensuite la question de la mise en place du RSA qui est en cours d'expérimentation.

Il s'agit aujourd'hui d'étendre la mise en oeuvre de ce dispositif et de conditionner de plus en plus étroitement allocation de minima sociaux et exercice d'une activité professionnelle, même réduite. Cette généralisation pose un certain nombre de problèmes dont le moindre n'est pas celui de son financement. Tout à sa logique de réduction de la dépense publique, le Gouvernement entend en effet, peu de temps après avoir ouvert les vannes des cadeaux fiscaux aux plus riches, procéder par redéploiement pour réaliser ce financement. On a envisagé de financer cette dépense nouvelle par utilisation de la prime pour l'emploi, prime dont on envisageait il y a peu d'assurer le versement mensuel à ses bénéficiaires. Cette partie de la PPE versée aux foyers imposables correspond peu ou prou au montant estimé de la généralisation du RSA...

Nous aurions dès lors un partage de l'effort de solidarité ainsi réparti : à la base, un RSA généralisé et transformé en stock de main-d'oeuvre peu coûteuse, puis des salariés modestes, aux rémunérations réduites, ne pouvant escompter majorer leur rémunération qu'au travers de l'acceptation d'horaires de travail alourdis par des heures supplémentaires, ensuite des salariés modestes et moyens qui n'auraient que des rémunérations faibles et qui seraient, eux aussi, invités à user et abuser des heures supplémentaires. Sans compter qu'on les inciterait en outre à la pluriactivité, comme prévoit de le développer la loi de modernisation de l'économie.

S'il en va bien ainsi, nous serions loin de la fonction socialement utile du RSA et beaucoup plus près d'un plein sous-emploi.

L'amendement n°1 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par M. Paul Blanc.

A la fin du I de cet article, remplacer les mots :

le 1er janvier 2009

par les mots :

le 1er juillet 2009

M. Paul Blanc.  - Ce changement de date devrait satisfaire à la fois M. Doligé et M. Fischer !

M. Auguste Cazalet, rapporteur.  - Je demande à M. Blanc de se rallier au texte de la commission. Entre Pyrénéens, accordons-nous sur un équilibre !

Défavorable à l'amendement n°7.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Le RSA sera financé par la somme des éléments existants, à laquelle seront ajoutés 1,5 milliard d'euros.

M. Guy Fischer.  - Vous n'avez pas convaincu les présidents de conseils généraux !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Nous discutons avec eux.

Défavorable à l'amendement n°7. Sur le n°9, j'ai cru comprendre qu'il y avait eu un accord entre M. Blanc et la commission...

M. Paul Blanc.  - Je voulais faire avancer les choses, mais si la commission les voit de cet oeil...

L'amendement n°9 est retiré.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Charles Guené.  - Le 26 mars dernier, lors du premier examen de cette proposition de loi, le groupe UMP avait approuvé la volonté de notre rapporteur d'apporter une expertise supplémentaire avant de présenter ses conclusions définitives. M. Cazalet a très bien su mettre à profit le délai que le Sénat lui a accordé pour procéder à plusieurs contrôles sur pièces et sur place et confirmer que les informations dont disposent les conseils généraux pour piloter les dépenses liées au revenu minimum d'insertion sont globalement insuffisantes. Ses observations recoupent parfaitement celles faites par les sénateurs UMP dans plusieurs départements et confortent la démarche engagée par M. Mercier.

Les dispositions législatives que nous allons adopter sur proposition de notre commission des finances sont nécessaires pour permettre aux départements d'assurer pleinement la mission que leur a attribué la loi du 18 décembre 2003. Sans remettre en cause la qualité du travail des caisses d'allocations familiales et des caisses de mutualité sociale agricole, elles clarifient leurs relations avec les conseils généraux, dans un souci de transparence, de synergie et de bonne gestion des deniers publics. Elles complètent l'information des conseils généraux sur l'acompte qui leur est demandé par les organismes payeurs au titre du RMI, sur la suspension et la reprise des versements et sur les paiements indus. Elles offrent aux conseils généraux qui le souhaitent la possibilité de demander une modification de la convention passée avec les organismes payeurs afin de renforcer les échanges d'information et apportent des précisons utiles sur les règles applicables en matière de croisement des données de ces organismes avec celles dont disposent les organismes d'indemnisation du chômage, l'administration fiscale et les Urssaf, tout en accordant le délai nécessaire à l'adaptation des systèmes d'information.

Cette clarification en matière de RMI nous paraît d'autant plus nécessaire que se profile la généralisation du revenu de solidarité active en 2009. Nous devons mieux gérer l'existant pour mieux construire l'avenir, avec pragmatisme, en conjuguant cohérence d'ensemble et prise en compte des spécificités locales. Le dispositif proposé ce soir évite l'écueil de la rigidité tout en traçant un cap clair, celui de la bonne gestion et du bon contrôle des prestations.

Les conseils généraux sont en droit de demander des comptes sur une charge qui leur a été confiée dans le cadre de la décentralisation et représente un poste important de leurs dépenses. Les élus locaux, et à travers eux les contribuables, doivent pouvoir contrôler la réalité des dépenses engagées et leur bonne affectation, aux bons bénéficiaires. Il s'agit à la fois de transparence, de bonne gouvernance et de justice sociale.

Notre commission des finances s'inscrit clairement dans cette perspective et c'est dans cet esprit constructif que le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Guy Fischer.  - Cette discussion était intéressante ; elle soulevait nombre de problèmes réels, qui auraient pu se résoudre par la voie réglementaire, même si les sommes en jeu sont importantes.

La généralisation du RSA en 2009 sera une erreur. On aura un affichage politique, mais les présidents de conseils généraux seront partagés : la diminution du nombre d'allocataires du RMI ne fait pas diminuer à proportion les sommes versées. Le problème de la compensation par l'État reste entier ; la dette de 2,5 milliards doit être apurée.

Qu'advient-il de ceux qui sont revenus au travail ? Au bout de six mois, que se passe-t-il ? Un retour à la précarité ? L'allocation médiane est autour de 800 euros... Vous parlez de 1 035, je demande à voir ! Aux Minguettes, on est autour de 450 euros.

Ces préoccupations justifient notre opposition à ce texte.

M. Michel Moreigne.  - Pour les raisons exposées lors de la discussion générale, et pour la priorité qu'il accorde au règlement de la dette de l'État envers les conseils généraux, le groupe socialiste s'abstiendra.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Ce texte constitue un vrai progrès. Ne lui demandons pas autre chose que son objet, ne lui demandons pas de régler le problème des compensations et de solder le reliquat. Son objet, c'est de donner aux conseils généraux un instrument de pilotage de l'attribution du RMI. Hier, l'État pilotait à distance et ne contrôlait rien. Grâce à ce texte les ambigüités seront levées dans les rapports entre conseils généraux et caisses d'allocations familiales et le partenariat sera possible.

Ce texte crée aussi les conditions de gérer au mieux le RSA, belle idée qui mettra fin à des situations scandaleuses et injustes où un Rmiste pouvait hésiter à reprendre un travail pour ne pas perdre son maigre revenu.

Je remercie Michel Mercier pour cette proposition de loi, ainsi que le rapporteur qui s'y est repris à deux fois pour parfaire ce texte que, je l'espère, le Sénat votera avec confiance. Avec ces conclusions de la commission, nous avons l'illustration de ce que seront les textes qui viendront en séance publique si la réforme constitutionnelle aboutit.

La proposition de loi est adoptée.

Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 14 mai 2008 à 16 heures.

La séance est levée à 1 h 35.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 14 mai 2008

Séance publique

A SEIZE HEURES

1. Débat à l'initiative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la politique étrangère de la France.

LE SOIR

2. Discussion du projet de loi (n° 270, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d'un dispositif d'accompagnement à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté et l'ordonnance n° 2007-465 du 29 mars 2007 relative au personnel militaire modifiant et complétant la partie législative du code de la défense et le code civil, et portant diverses dispositions relatives à la défense.

Rapport (n° 317, 2007-2008) de M. André Dulait, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de Mme Muguette Dini, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.