Contrôle comptable du revenu minimum d'insertion
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion (RMI).
Discussion générale
M. Auguste Cazalet, rapporteur de la commission des finances. - (M. Doligé applaudit) Le 26 mars dernier, nous avions renvoyé en commission cette proposition venue de notre collègue, M. Mercier, pour effectuer des investigations sur place et sur pièces. J'ai entendu depuis des représentants de l'association des départements de France, des caisses de la mutualité sociale agricole (MSA), je me suis déplacé dans les départements du Rhône, de la Sarthe et du Vaucluse, je remercie chacun de nos interlocuteurs.
Nos auditions le confirment : les départements, seuls pilotes, depuis la loi du 18 décembre 2003, de la réinsertion sociale des bénéficiaires du RMI, ne disposent pas des informations nécessaires à leur mission. Les départements et la MSA doivent gérer un dispositif de masse sans se tromper sur l'appréciation des parcours individuels, il leur faut compter sur un échange d'informations permanent et fiable avec, en particulier, les caisses d'allocations familiales. La complexité sera plus forte encore pour la gestion du revenu de solidarité active (RSA), qui agrègera un plus grand nombre d'informations. La clarification de l'organisation entre les organismes prescripteurs et les départements est en fait un préalable à la généralisation du RSA, prévue l'an prochain.
C'est pourquoi, tout en allant dans le sens de M. Mercier, votre commission vous propose d'adopter six articles.
Le premier améliore l'information des conseils généraux sur l'acompte qui leur est demandé par les organismes payeurs au titre du RMI et de la prime forfaitaire : ces organismes, dès le 1er janvier prochain, devront présenter au département le détail des versements nominatifs aux allocataires, en précisant l'objet de la prestation et la nature de chaque versement.
Le deuxième article, qui ne figurait pas dans le texte initial, rend l'information du conseil général obligatoire lorsque l'allocation, après avoir été suspendue, est de nouveau versée : une telle information n'est pas systématique aujourd'hui.
Le troisième article précise les informations que l'organisme payeur transmet au conseil général sur les paiements indus. Les indus seront transférés au département seulement lorsque le droit au RMI ou à la prime forfaitaire aura cessé, c'est-à-dire après quatre mois d'absence de recouvrement, contre trois mois aujourd'hui. L'organisme payeur communiquera le nom du bénéficiaire du paiement indu, les sommes concernées ainsi que le motif précis justifiant du caractère indu de ce versement. Certains départements bénéficient de cette information, d'autres pas : la qualité des informations doit être garantie, quels que soient les territoires.
Le quatrième article autorise les conseils généraux qui le souhaitent à proposer une modification de la convention passée avec l'organisme payeur, que ce soit par un avenant ou en renouvelant la convention.
Ces conventions ou avenants pourront comporter les modalités d'échanges de données entre les partenaires, notamment au regard des obligations de détail de l'acompte mensuel posées par l'article premier, les modalités d'information du président du conseil général lors de la reprise des versements après une période de suspension de l'allocation, le degré de précision du motif des indus transférés au département et, enfin, les engagements de qualité de service et de contrôle, pris par l'organisme payeur, notamment en vue de limiter les paiements indus.
L'article 5 précise les règles applicables en matière de confrontation des données des organismes payeurs avec celles dont disposent les organismes d'indemnisation du chômage et l'administration fiscale, mais également avec les Urssaf. Il s'agit de renforcer le contrôle par croisement de données avec ces organismes, en augmentant leur fréquence, d'améliorer l'information dont les présidents de conseils généraux disposent à l'issue de ces croisements et de prévoir la transmission mensuelle aux services du conseil général de la liste nominative des contrôles effectués par les CAF, en précisant la nature du contrôle effectué. Ces informations sont, en effet, nécessaires pour assurer une bonne coordination entre les contrôles exercés par les CAF et la politique de suivi des allocataires dont le département a la charge.
Comme la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions requiert très vraisemblablement des adaptations des systèmes d'information, leur entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2009, afin de laisser aux organismes concernés le temps nécessaire pour les mettre en oeuvre.
Le dernier article précise les dates d'entrée en vigueur de certaines dispositions. En outre, les dispositions de cette proposition de loi s'appliqueront au revenu de solidarité active...
M. Guy Fischer. - Ah !
M. Auguste Cazalet, rapporteur. - ...une fois que celui-ci sera généralisé à l'ensemble des départements.
Au total, ce texte est équilibré et de nature à résoudre certaines difficultés actuelles. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. - C'est avec plaisir que je vous retrouve sur cet important sujet. Les travaux engagés il y trois mois à l'initiative de M. Mercier nous ont permis d'approfondir un certain nombre de points, comme le rappelait à l'instant M. le rapporteur.
Le contrôle comptable du RMI n'est pas un sujet simple mais la proposition de loi de la commission des finances pose la question essentielle de la justification de la dépense adressée par les organismes chargés de payer le RMI aux conseils régionaux. Il y a là bien sûr un enjeu de comptabilité publique et de justification de la dépense mais surtout de gouvernance et de pilotage du RMI. Pour ce faire, l'échange de données entre les organismes payeurs et les conseils généraux doit être rapide, cohérent et sincère. C'est de cette façon que l'accès aux droits sera assuré, que les dispositifs d'accompagnement seront mobilisés et que les risques de fraude seront maîtrisés.
Grâce au travail du rapporteur, nous avons examiné, conseil général par conseil général, ce qui se passait, ce qui vous a permis de faire évoluer le texte initial sans en dénaturer l'esprit.
Tout d'abord, cet état des lieux me permet de me féliciter de l'implication des CAF qui, par le versement des prestations, permettent à leurs bénéficiaires de vivre, voire de survivre, même s'il n'est pas question de parler d'assistance. En outre, les documents transmis par les CAF sont conformes aux prescriptions légales, réglementaires et conventionnelles. Certaines caisses vont même au-delà. Par ailleurs, un certain nombre de partenariats se sont noués au fil des ans entre les CAF et les conseils généraux. A l'occasion d'un récent déplacement dans l'Hérault et dans les Bouches-du-Rhône, j'ai constaté que le travail entre les CAF et les conseils généraux a permis de réduire les délais de traitement des dossiers : les demandeurs du RMI ont ainsi eu plus rapidement accès à leurs droits. De tels partenariats sont de plus en plus fréquents.
Pour que de bonnes pratiques s'instaurent, le pilotage doit être renforcé sous l'égide du conseil général et les compétences de l'organisme tuteur doivent être au service de l'insertion des allocataires. C'est d'ailleurs ce que nous voulons faire avec le RSA.
Nous disposons encore de marges de progression pour améliorer le pilotage du dispositif. Si la réforme de 2003 a unifié les compétences dévolues aux conseils généraux, le législateur n'en a sans doute pas tiré toutes les conséquences. Après quatre années de pratique, il n'est pas inutile d'évaluer les nouveaux besoins.
Les mesures que vous proposez sont fondées sur l'idée qu'il est possible d'améliorer la justification de la dépense, de mieux informer le département lors de la reprise des versements après une décision de suspension de droit, de renforcer les informations en matière d'indus, de préciser le contenu des conventions de gestion passées entre la CAF et le conseil général afin que le tableau de bord dont dispose ce dernier soit le plus précis possible.
Pourtant, nous ne partons pas de rien : les relations entre les départements et les organismes payeurs sont organisées par des textes qui fixent les principes généraux des conventions. La Cnaf et la CMSA ont d'ailleurs élaboré une convention type qui sert de base aux négociations entre les conseils généraux et les CAF. Sur les échanges de données, un groupe de travail réunissant les CAF et les conseils généraux a été mis en place et le département du Rhône y participe. Chaque mois, un tableau de bord sophistiqué est ainsi disponible. En outre, des croisements de fichiers ont lieu avec les Assedic et l'ANPE et un bilan des contrôles est transmis à chaque conseil général. Il est vrai que les départements sont en droit d'avoir un haut niveau d'exigence compte tenu des sommes engagées au titre du RMI, à savoir près de 6 milliards en 2007.
Lors de mon audition en commission, certains d'entre vous se sont émus de l'absence de mise en commun des fichiers des CAF, ce qui permettait des demandes doubles, triples dans plusieurs départements. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, car un répertoire national « prestations familiales » est en place depuis le 1er janvier.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Enfin !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - L'article premier prévoit que les éléments transmis par les organismes débiteurs à l'appui de la facture mensuelle doivent comprendre des informations individuelles permettant de reconstituer le montant global de l'acompte demandé. Cette disposition, voulue par M. Mercier, me paraît de bon sens. J'ai effectivement constaté les difficultés techniques qui avaient jusqu'à présent lieu lors de mon déplacement dans le Rhône.
En ce qui concerne les 12 % liés aux contrats aidés, Mme Lagarde s'est engagée à verser aux conseils généraux le montant qui leur permet de donner un complément de rémunération aux bénéficiaires du RMI qui retrouvent un emploi. Tous les départements qui ont envoyé une facture ont été remboursés. Dès que votre facture nous parviendra, monsieur Mercier, nous vous rembourserons ces 12 %.
M. Roland du Luart. - Il en sera de même pour les autres départements ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Nous avons dressé un tableau précis, département par département.
Nous sommes désireux d'avancer dans la transparence, la régularité, le caractère complet et significatif de l'information. Je souhaite aussi qu'on intègre le travail des CAF afin que celles-ci soient en mesure, lors de l'entrée en vigueur du RSA, de disposer d'un système informatique cohérent. Quoi qu'il arrive, nous nous engageons à ce que les informations dont les conseils généraux ont besoin leur soient transmises par les CAF. Nous verrons si le calendrier retenu précédera la réforme ou se coordonnera avec elle. J'ai pris contact en ce sens avec la Cnaf, pour que soient installés des comités de pilotage conjoints entre CAF et conseils généraux. Il faut que ceux qui mettent en oeuvre le RMI puissent croiser leurs efforts. Le Président de la République a d'ailleurs décidé d'accorder 1,5 milliard, en plus des 6 actuels, à cette politique sociale.
En 2008, nous devrons prendre en compte les importantes évolutions dans la population des allocataires du RMI ; nous mettrons fin à un système de travail gratuit dont nous déplorons la persistance en France. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Éric Doligé. - Je me doutais qu'il me serait difficile d'intervenir après que le rapporteur et le ministre ont dressé un tableau aussi complet : pour l'essentiel, la messe est dite. Il ne me reste que quelques précisions à apporter.
Cette proposition de loi est exemplaire : d'abord présentée ici, elle a été renvoyée en commission pour qu'on lui apporte les quelques améliorations dont elle pouvait avoir besoin. Je remercie le rapporteur pour son admirable travail, ainsi que M. Mercier pour son obstination, lui qui souhaitait depuis longtemps qu'on aborde ce sujet.
Il est beaucoup demandé aux collectivités territoriales, jusque dans le moindre détail ; le principe de l'engagement d'une dépense publique uniquement sur justificatif du service fait est un des éléments de notre credo. Avant ce texte, le RMI faisait partie des rares exceptions à cette règle. Nous ne sommes pas demandeurs de contraintes supplémentaires mais nous ne pouvons nous contenter d'approximations et du bon vouloir de nos partenaires.
Une des plaies de notre pays est la multiplication des règles dans lesquelles on enserre l'activité. Avec les revenus de compensation, on est allé très loin dans la complexité ! Il est vrai qu'à l'origine, chacun d'entre eux avait sa propre cible, mais on a construit ainsi un empilement dans lequel on ne se retrouve plus. Espérons que les choses ne seront pas encore aggravées avec le RSA...
Les collectivités territoriales doivent la plus grande transparence sur leurs actes mais elles ne peuvent l'exiger de ceux qui doivent leur fournir les éléments indispensables à leur gestion. Il n'y a pas si longtemps, un maire ne pouvait même pas avoir la liste des chômeurs de sa commune ! Que faire, en matière de RMI, si la CAF et la MSA ne sont pas coopérantes ? Il est vrai que ne sont en jeu que 6 milliards !
Cette proposition de loi vient donc à point nommé. Globalement, ce qu'elle met en place fonctionne ; j'en suis le témoin, moi qui, le 31 mars, ai signé avec la CAF et avec la MSA deux conventions qui s'inspirent de la même logique. Mon regret est que nous soyons contraints d'en passer par un texte législatif pour que les partenaires des collectivités territoriales soient obligés de leur communiquer les informations qui leur sont naturellement dues. Nous constations sans surprise la persistance de freins qui résultent de jeux de pouvoir que la décentralisation n'a pas arrangés. Il devrait pourtant aller de soi que tout transfert de compétence doit s'accompagner d'un transfert de l'information nécessaire à son exercice. Quatre ans après la dernière loi de décentralisation, nous découvrons toujours les scories des informations cachées. M. Cazalet a bien éclairé cela dans la conclusion de son rapport. Comment, en effet, mettre en place un nouveau système si le précédent n'est pas bien rodé ?
M. Guy Fischer. - Tout à fait d'accord !
M. Éric Doligé. - On se précipite pour généraliser un nouveau dispositif alors que l'expérimentation n'est pas arrivée à son terme. Les départements volontaires pour expérimenter le RSA se posent de vraies questions : sur le financement, sur la possibilité d'absorber grandeur nature cette réforme au milieu de celles qui sont en cours, comme la protection juridique des majeurs. Ils s'interrogent aussi sur les risques que ferait courir l'élargissement à une clientèle très importante du travail très fin d'accompagnement qui est accompli dans le cadre du RMI. Mieux vaudrait sans doute régler les problèmes en amont qu'en aval...
Les conventions sur le RMI devront être signées avec les CAF dans les six mois après promulgation de la loi. Cela nous mène au début de 2009, moment de la mise en place du RSA. Le montage promet d'être complexe, d'autant qu'en raison de leurs relations conflictuelles, CAF et conseils généraux n'ont pas partout accordé leurs logiciels.
Au point où nous en sommes, il serait intéressant de valider les chiffres correspondant aux systèmes existants et de travailler dans une transparence financière totale. Nous avons hélas le sentiment qu'il serait incongru de parler chiffres en matière sociale, alors même que l'époque est à la revue générale des politiques publiques.
Le groupe UMP appuie en totalité cette proposition de loi.
M. Guy Fischer. - Mais ?
M. Éric Doligé. - Je vous invite à bien la mettre en place avant de nous précipiter vers d'autres dispositifs encore en expérimentation. Nous aurons enfin un outil de gestion et de transparence, qu'il serait bon d'utiliser aussi dans bien d'autres domaines liés à des transferts. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Bernard Vera. - Un premier examen de cette proposition de loi ayant conduit à un renvoi à la commission des finances, nous avons devant nous un texte profondément remanié, en tout cas dans son architecture globale. Au lieu de trois articles tenant de la déclaration d'intention et déconnectés de toute disposition législative existante, nous avons désormais six articles que la commission s'est efforcée de raccrocher au code de l'action sociale et des familles, pour lui donner une apparence techniquement plus présentable. Cela justifie l'une des critiques que nous formulions le 26 mars dernier : l'impréparation et la légèreté du texte soumis à discussion. Cette proposition de loi est étroitement circonstanciée et, pour une bonne part, ne relève aucunement du législatif -malgré les apparences offertes par les conclusions de la commission- mais beaucoup plus du réglementaire, voire même du champ strictement conventionnel.
Il s'agit de créer les conditions d'une coopération entre l'organisme payeur du revenu minimum d'insertion, c'est-à-dire la Caisse d'allocations familiales de chaque département, et l'autorité publique responsable de la mise en oeuvre de cette allocation, c'est-à-dire, aujourd'hui, le Conseil général. L'article 18 de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation du revenu minimum d'insertion stipule dans son article L.262--0 : « Le service de l'allocation est assuré dans chaque département par les caisses d'allocations familiales et, pour leurs ressortissants, par les caisses de mutualité sociale agricole, avec lesquelles le département passe, à cet effet, convention. Ces conventions, dont les règles générales sont déterminées par décret, fixent les conditions dans lesquelles le service de l'allocation est assuré et les compétences sont déléguées ».
De telles conventions ont donc un caractère purement interinstitutionnel et seul le cadre général dans lequel elles sont mises en oeuvre relève du législatif. La motivation de notre collègue Mercier, président d'un Conseil général attribuant environ vingt-sept mille allocations de RMI, est donc strictement liée à son expérience locale concrète. Si les services du département du Rhône peinent à suivre la situation des Rmistes, il y a bien un moyen de résoudre une partie de ses difficultés, c'est de mettre à disposition des services et de la population concernés les moyens matériels et humains permettant une plus grande traçabilité des dossiers d'aide sociale, et d'assurer un meilleur suivi de chaque allocataire. La même remarque vaut d'ailleurs pour les organismes prestataires d'allocations familiales qui connaissent les mêmes difficultés d'instruction et de suivi des demandes. Dans d'autres départements, comme l'a montré la discussion en commission, la question ne se pose pas dans les termes utilisés par notre collègue Mercier et le suivi des allocataires, l'évolution de leur parcours, qui est aussi un parcours d'insertion, se déroulent dans des conditions plus satisfaisantes. C'est précisément parce que le RMI a été transféré aux départements que les pratiques s'avèrent différentes dans divers points du territoire, et ce que nous avions craint lors de la discussion de la loi de 2003 se trouve aujourd'hui confirmé. Mon ami Roland Muzeau avait alors souligné : « Le risque existe que le transfert du RMI n'aboutisse à faire dépendre ce dernier des politiques de chaque département, avec les inégalités que cela entraînerait entre les départements riches et les départements pauvres (...) avec le risque du glissement progressif d'un dispositif universel vers une aide sociale départementale, donc facultative, et, à terme, pouvant être remise en cause ».
Or, c'est bien vers cela que tend la présente proposition de loi, même revue et corrigée par la commission des finances : il s'agit de masquer les carences de fonctionnement d'administrations locales manquant des moyens nécessaires pour répondre aux besoins, et de faire porter le lourd chapeau du coût de la gestion du RMI aux allocataires eux-mêmes, au motif de pourchasser une fraude particulièrement faible. Le chargé de mission « lutte contre la fraude » de la Caisse nationale d'allocations familiales l'estime à 35 millions d'euros par an sur 60 milliards de prestations servies, soit 0,05 % environ. Ce n'est pas en entretenant la suspicion autour des allocataires de revenus sociaux que vous réglerez le douloureux problème de la compensation intégrale des charges transférées aux départements au titre du RMI. Pour cela, il existe un autre moyen : rendre à l'État la pleine et entière responsabilité d'un des éléments importants de sa politique sociale.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Comme avant, c'était impeccable...
M. Bernard Vera. - Nous confirmerons donc dans la discussion notre opposition à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Georges Othily. - Créé à l'initiative de Michel Rocard en 1988, le RMI est aujourd'hui le symbole de la solidarité de la Nation à l'égard des plus démunis, mais aussi, malheureusement, le symbole des difficultés d'intégration de nombre de nos compatriotes. La proposition de loi de notre collègue Mercier met en lumière deux difficultés auxquelles nos conseils généraux sont aujourd'hui confrontés. D'abord, la décentralisation du RMI a accru la charge globale des dépenses médico-sociales alors que la compensation de l'État n'est pas encore suffisante. Ensuite, ce texte met en évidence les différences de traitement entre allocataires, selon la taille du département, son tissu social, et les bonnes relations qu'il entretient avec les services de l'État. Les départements d'outre-mer souffrent davantage du poids financier du RMI en raison de leur retard économique et social. Par exemple, le RMI représentait, en 2006, 38 % des dépenses de fonctionnement du Conseil général de la Guyane contre 17 % dans l'ensemble de la France.
Au regard de l'enjeu financier, les conseils généraux sont donc en droit de demander des comptes sur les sommes qu'ils versent. Cela vaut notamment pour la répétition des indus, que le rapporteur estime à 300 millions d'euros par an. L'amélioration du contrôle comptable du RMI suppose une meilleure transparence de sa gestion. Comme le souligne Michel Mercier, dont les rapports successifs sur ce sujet font autorité, les départements n'ont pas aujourd'hui connaissance de la réalité de leurs dépenses de RMI. La transmission des informations entre les CAF, les MSA et les conseils généraux n'est pas optimale, notamment en raison du manque d'interopérabilité des systèmes de gestion des indus. Il est donc légitime, voire indispensable, que le législateur cherche à améliorer le contrôle de l'utilisation des deniers publics. La mise en place d'instruments de lutte contre la fraude plus efficaces est un impératif. A cet égard, l'obligation de fourniture de documents justificatifs par les organismes payeurs, et de signature d'une convention entre ces organismes et les départements, constituerait une avancée positive. Ce besoin d'information des départements et de recoupement de fichiers se fait particulièrement sentir en Guyane, où la pression financière du RMI est parmi les plus importantes de France. La valeur moyenne de RMI par habitant n'excède pas 80 euros dans l'ensemble des départements de moins de 250 000 habitants. Elle atteint 445 euros en Guyane. Depuis 2003, le montant total des RMI versés en Guyane a crû de 28 % alors que dans le même temps les financements de l'État ont tardé à compenser ces charges. Certes, la création en 2006 du Fonds de mobilisation départemental pour l'insertion a permis de couvrir partiellement le différentiel restant dû par le Conseil général, soit 52 millions en quatre ans. Mais ce fonds s'éteindra à la fin de l'année, alors que les besoins continuent de croître et qu'il reste près de 24 millions à trouver.
De surcroît, la Guyane se trouve dans une situation démographique très particulière. Sur une population de 191 000 habitants, on compte plus de 30 % d'étrangers selon l'Insee, en grande majorité hors CEE, sans même compter les milliers de clandestins par nature non recensés. Le taux de croissance de la population dépasse les 3,4 % par an, ce qui classerait la Guyane dans les dix premiers pays du monde. La part d'étrangers hors CEE touchant cette allocation dépasse les 45 %, plus que dans tous les autres départements français. Cette manne financière, loin de remplir son rôle d'insertion sociale, alimente au contraire des flux d'immigration en provenance du Brésil, du Surinam, du Guyana ou des Antilles voisines. Les allocations versées ne font le plus souvent que transiter sur le territoire guyanais, pour être aussitôt transférées vers les pays d'origine de ces bénéficiaires. Doit-on en conclure que la solidarité nationale a vocation à se substituer à l'aide au développement de la France à nos voisins ? L'aide sociale aux Guyanais et aux étrangers régulièrement installés pourra-t-elle longtemps subsister dans ces conditions ?
Vous comprendrez donc l'intérêt des élus guyanais pour cette proposition de loi. Toutefois, le dispositif proposé par notre commission pose certaines questions dans le cas de la Guyane, et plus largement de l'outre-mer. Qu'en sera-t-il, ainsi, de l'Agence départementale d'insertion, qui en Guyane a accès aux fichiers Fileas pour les contrats d'insertion ? Doit-on lui transposer l'action et les compétences des comités locaux d'insertion ?
Ce flou juridique mériterait d'être clarifié.
Les articles 3 et 5 prennent eux aussi un relief particulier en Guyane, vu le nombre d'étrangers et le type de foyers bénéficiaires, qui laissent supposer un nombre important de fraudes. Le département a engagé un processus de recouvrement des indus -700 000 euros en 2007- et déposé un certain nombre de plaintes. Il se heurte toutefois à des difficultés légales que le présent texte ne résoudrait qu'en partie. Il semble nécessaire d'élargir les confrontations avec les fichiers de la CNRACL et de l'Ircantec. Trop souvent, la CAF refuse la confrontation avec ce dernier organisme alors que sa mission, bien que concernant les agents non titulaires, est identique à celle du premier. L'argument du refus d'agrément de la Cnil ne se vérifie pas. Enfin, la nature des relations entre les employeurs et les services fiscaux ne permet pas toujours d'identifier à temps un fraudeur. Cette lacune doit être résolue.
La proposition de loi de notre collègue Mercier, complétée par notre commission, va incontestablement dans le bon sens. Je salue le travail de notre rapporteur, qui a souhaité disposer de temps pour approfondir son analyse. Il serait sans doute utile, à terme, d'aller plus loin pour les départements d'outre-mer. Depuis la décentralisation du RMI en 2003 et le retrait total de l'État, les missions des agences d'insertion n'ont jamais été adaptées aux nouveaux dispositifs. Les relations entre les différentes instances méritent d'être clarifiées, et des moyens juridiques nouveaux doivent mettre fin à l'inapplicabilité des règles issues des derniers transferts de compétences.
Pour l'heure, la majorité du groupe RDSE suivra les conclusions de notre rapporteur. (Applaudissements au centre)
M. Michel Mercier. - Je souhaiterais expliquer pourquoi j'ai souhaité que le Sénat débatte de cette proposition de loi.
Lorsque la gestion du RMI a été confiée aux départements, le Rhône, que j'ai l'honneur d'administrer, a souhaité que cette gestion y soit exemplaire. Il ne s'agissait pas seulement de donner 376 euros chaque mois à ceux qui n'ont rien et de se satisfaire d'avoir fait ainsi le bien des pauvres. Nous voulions connaître tous les bénéficiaires et que le plus grand nombre puisse quitter rapidement ce système. A l'époque du transfert, nous avons identifié et rencontré chaque allocataire -six mille d'entre eux étaient alors inconnus de l'administration. Nous avons attribué à chacun un référent : ce n'est pas exceptionnel, mais ce n'est pas mal ! Nous avons suivi jusqu'à 29 000 bénéficiaires pour 32 000 allocataires. Ensuite, nous avons employé tous les moyens pour aider ces personnes à s'en sortir. Ainsi, sur les deux dernières années, nous sommes passés de 27 à 22 000 allocataires, soit une baisse non négligeable de 18 %.
Nous avons voulu mieux connaître les bénéficiaires pour les aider et justifier de l'emploi de l'allocation vis-à-vis de l'ensemble de la population. Nous souhaitons savoir qui reçoit le RMI. Monsieur le haut-commissaire, vous affirmez que nous disposons des documents suffisants, mais voici ce que, chaque mois, nous recevons dans le Rhône : deux feuilles. (M. Mercier les montre à M. Martin Hirsch, haut-commissaire) Il n'y a qu'une ligne à lire : demande de versement d'acompte à la CAF de Lyon par le département du Rhône pour avril 2008, montant net du RMI comptabilisé pour février 2008, 9 309 030 euros. Une annexe comptable détaille l'allocation de base du RMI, en déduit une avance et une prime d'intéressement -c'est la loi Borloo-, y ajoute les frais de tutelle du RMI, les indus transférés, les remises de dettes et annulations de créances. Les chiffres sont très précis.
Je ne demande aucune modification informatique, mais je souhaiterais savoir comment la CAF réussit à nous demander un chiffre si précis. Elle additionne des allocations versées : c'est cela que je voudrais connaître. Aux départements, ensuite, de vérifier que ceux qui reçoivent ces allocations sont bien ceux qui figurent sur leurs listes. Je ne demande pas plus : ce n'est pas porter atteinte à l'intégrité ou mettre en doute le savoir-faire des CAF ! Celles-ci ne peuvent demander que ce qu'elles ont payé. Pourquoi ne veulent-elles pas nous le dire ?
La proposition de loi, améliorée par le rapporteur, va plus loin que ce que je demande. Je ne souhaite pas que soit modifié le système informatique, je désire simplement pouvoir vérifier que ce sont bien les personnes figurant sur les listes qui reçoivent effectivement l'allocation, afin de suivre les versements et de mettre au jour les différences éventuelles. Comment pouvons-nous gérer vingt deux mille dossiers sans nous assurer qu'il s'agit bien des bénéficiaires ? Monsieur le haut-commissaire, si on ne nous donne pas ces renseignements, comment savoir si nous pourrons faire mieux avec le RSA ? Si on estime que les départements n'ont pas à recevoir ces informations, ne leur confiez pas le RSA, nous ne sommes pas demandeurs ! Que l'État reprenne cette compétence et l'assume avec les CAF. Nous avons essayé de faire pour le mieux, mais puisque vous trouvez que ce n'est pas bien... (M. le ministre le dénie)
Nous n'avons pas parlé de la compensation par l'État des sommes versées par le département, soit 12,5 % pour les contrats que vous règlerez dès que nous vous enverrons la note. Monsieur le haut-commissaire, je remercie vos services qui, cette semaine, ont fait preuve de diligence et nous ont contactés. Quel dommage que vous ne leur ayez pas demandé de le faire plus tôt : quand vous le voulez, vous pouvez ! (Sourires)
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - C'est gratuit ! (Sourires)
M. Georges Othily. - Cela fait quatre ans qu'on le demande.
M. Michel Mercier. - De même, si vous le vouliez, vous pourriez nous dire qui sont les bénéficiaires de ces sommes. Nous ne demandons rien d'autre : ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit. Nous ne voulons pas nous donner bonne conscience en nous contentant de verser moins de 400 euros à ceux qui n'ont rien. Il serait bien de personnaliser le RSA et le RMI, de connaître ces personnes pour les aider. Nous avons le droit d'être informés.
Je ne sais si cette proposition de loi sera adoptée et, le cas échéant, si elle sera appliquée -elle ne serait pas la première à ne pas l'être. Elle a en tout cas posé de vrais problèmes, et n'aura peut-être servi qu'à obtenir le versement des 12,5 % -c'est peu au regard des milliards d'euros non compensés depuis 2004...
M. Guy Fischer. - 2,3 milliards !
M. Michel Mercier. - ...mais non négligeable cependant. Le gain serait petit, mais pas tout à fait nul ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Michel Moreigne. - Nous voici amenés à rediscuter des relations entre les conseils généraux et les organismes payeurs, CAF et MSA, dans le cadre de la gestion comptable du revenu minimum d'insertion.
Monsieur le rapporteur, vous vous êtes assuré sur place des difficultés rencontrées par les départements -je regrette que le conseil général de la Creuse n'ait pas retenu votre attention, mais les indus y sont moins conséquents que dans le Rhône ! (Sourires)
M. Jean Arthuis, président de la commission. - C'est un département bien tenu !
M. Michel Moreigne. - Vous reconnaissez la réalité des difficultés entre les organismes payeurs et les conseils généraux, que M. Mercier vient de nous expliquer, mais le nouveau texte ne règle pas le problème principal : la dette de l'État en matière de RMI. Comme l'a reconnu le président de la commission, l'objet de ce texte est uniquement « de permettre aux départements de disposer des instruments de pilotage adéquats ». Il ne comporte aucune disposition relative au financement, ce que je déplore. (M. Arthuis, président de la commission, le regrette)
Comme l'écrit le rapporteur, on ne peut nier les difficultés des conseils généraux dans la gestion du RMI avec les organismes payeurs. Les indus pèsent sur leur budget. S'il est important de les limiter, nous traitons d'une population extrêmement fragile, de sorte que le taux de recouvrement reste très faible : même avec le seuil de 77 euros, le conseil général accorde des remises gracieuses. Dès lors, les conseils généraux ne s'adonnent pas à la chasse aux pauvres mais s'efforcent à une gestion plus efficace de l'aide sociale qui relève de leur responsabilité pleine et entière.
Mieux vaut prévenir que guérir. On peut mieux contrôler et harmoniser les données. Le rapporteur propose des solutions à cet effet, ce qui satisfera les départements demandeurs de plus d'informations, mais le caractère trimestriel de ce système déclaratif est source de difficultés. Une déclaration mensuelle serait plus efficace et le haut-commissaire a, en commission, dénoncé le caractère archaïque du système actuel. Il faudra donc renforcer les moyens des caisses d'allocations familiales.
Actuellement, les organismes payeurs ne fournissent aucun justificatif lors de la demande d'acompte, présentée avec un décalage de deux mois : aucun contrôle n'est possible. L'article premier y pallie en organisant une transmission mensuelle d'informations et une confrontation annuelle avec les fichiers de l'administration fiscale. Cela répond à une demande des départements qui pourront définir conventionnellement les modalités de ces transmissions, mais le rapporteur signale que ces changements ne pourront intervenir qu'après adaptation des moyens informatiques de la plupart des caisses d'allocations familiales -un surcoût qu'elles compenseront. Est-il excessif de prétendre qu'un décret aurait pu régler la question ?
M. Guy Fischer. - Hé non !
M. Michel Moreigne. - Je regrette que le texte ne traite que du pilotage du RMI et non de son financement. Or le déficit atteint 2,5 milliards. Il s'élève à 1,5 million pour la Creuse, soit 4 points de fiscalité pour ce département qui est l'un des moins riches : l'État ne respecte pas sa parole ! Que faire face à la montée en puissance du dispositif qui porte la dépense à 6 milliards, quand on ne nous transfère qu'une ressource atone ? Certes, l'État avait consenti un geste de 500 millions mais cela s'arrête cette année même alors que la généralisation du RSA va, je le redoute, aggraver la situation.
J'ai bien noté que l'État allait régler les contrats d'avenir aux départements qui en présenteront la demande -votre annonce sera bientôt suivie d'effet.
Je rends hommage aux conseils généraux, qui ont fortement investi pour remplir leur mission, sans toujours recevoir le soutien de l'État, qui n'a pas transféré tout le personnel qui traitait le RMI avant 2004. La mission chargée d'évaluer les effectifs avant la loi de décentralisation a rendu son rapport, qui souligne la sous-évaluation des personnels : 84,5 équivalents temps plein auraient disparu en 2003. La compensation financière représente 3 millions d'euros par an, soit 12 millions pour la période 2004-2007. Il faut y rajouter 145 équivalents temps plein demeurés vacants depuis 2004 : il y a urgence à les compenser. J'en ai rêvé mais ce rêve se réalisera-t-il ?
Si le texte répond à la demande de disposer de nouveaux moyens de pilotage du RMI, il ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt des accords financiers. S'il est souhaitable de fluidifier les relations avec les organismes payeurs avant la généralisation du RSA, ne laissons pas croire que tous les maux seraient le fait des allocataires du RMI -ce serait se contenter de bien peu et j'aurais préféré qu'on demande avec la même vigueur que l'État respecte ses engagements et règle ses dettes financières.
Au terme de ce réquisitoire volontairement mesuré, on comprendra notre abstention sur ce texte qui règle un petit problème mais non l'essentiel.
M. Alain Fouché. - Il faut resituer le RMI dans le contexte de sa mise en place par le gouvernement Rocard pour lutter contre la pauvreté. Le nombre de ses bénéficiaires a crû au point que l'on a dû rappeler que ce revenu minimum visait à une insertion, que ce n'était ni une allocation ni une prestation sociale mais un engagement réciproque entre la collectivité et un individu en fonction de ses besoins, de ses espoirs et de ses possibilités. C'est un droit accessible à tous ceux qui remplissent les conditions de revenu et c'est un contrat, avec une contrepartie en matière d'insertion. Voilà la logique dans laquelle la loi de décembre 2003 a confié aux départements une entière responsabilité pour la politique d'insertion sociale et dans laquelle le RSA sera généralisé, les premières expérimentations ayant montré qu'il offrait à ses bénéficiaires une sortie vers le haut, c'est-à-dire sur le marché du travail.
Si l'insertion ne doit pas être opposée à l'assistance, les moyens indûment attribués à la seconde font nécessairement défaut à la première. C'est dire que la proposition de loi de M. Mercier mérite d'être approuvée. Mon département consacre 40 millions d'euros au RMI ; les indus représentaient en 2007 1 200 000 euros, à comparer aux 400 000 euros que nous consacrons à l'expérimentation du RSA. La question du contrôle des indus est majeure, non seulement pour des raisons financières, mais aussi parce qu'il y va de l'équité.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Bien sûr !
M. Alain Fouché. - Les conclusions de la commission des finances, dont je salue le rapporteur, amélioreront les relations entre les organismes payeurs et permettront aux départements de mieux gérer le RMI. Chacun ici sait que ces relations varient d'un département à l'autre et que certaines conventions mettent déjà en pratique les dispositions de la proposition de loi ; il était donc opportun de ne pas imposer de renégociation mais d'ouvrir la possibilité aux conseils généraux qui le souhaitent de le faire.
On parle beaucoup de désengagement de l'État -c'est un argument classique, sous tous les gouvernements. Cette proposition de loi s'inscrit dans la démarche du Gouvernement comme dans celle des collectivités locales, qui entendent soutenir tous ceux qui ont un besoin d'insertion. (Applaudissements au centre et à droite)
La discussion générale est close.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°8, présentée par M. Fischer et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la Commission des Finances (n° 320, 2007-2008) sur la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion (n° 212, 2007-2008).
M. Guy Fischer. - Il s'est toujours trouvé, depuis la création du RMI, des membres de la majorité pour tenter de limiter les droits des allocataires au motif de leur coût pour les finances publiques. Certains, dès 1988, plaidaient pour le transfert du RMI aux départements et peu après pour sa transformation en RMA, un dispositif qui subordonne le versement de l'allocation à l'exercice, même réduit, d'une activité professionnelle. Le bilan du RMA, aujourd'hui, est bien maigre ; se substituant à d'autres contrats aidés, il n'est guère satisfaisant, sauf pour les employeurs qui peuvent, en bénéficiant d'une aide importante, réduire les coûts salariaux. Les associations unanimes le considéraient comme trop rigide et trop précaire. « Un mauvais CES », disait même M. Hirsch, alors président d'Emmaüs.
Puis on a vu apparaître le RSA, aux caractéristiques somme toute assez proches -j'approuve d'ailleurs une partie de l'argumentation de M. Doligé sur la mise en oeuvre de ce dispositif. J'ai été le seul à m'y opposer lors de sa création dans la loi Tepa en juillet 2007, jugeant que les conditions du remplacement du RMI devaient être discutées plus avant. Certains avaient même suggéré qu'on supprimât les droits connexes, ce qui m'avait mis en colère... Si aujourd'hui d'éminents présidents de conseil général tirent la sonnette d'alarme... Les auditions de la mission commune d'information sur la précarité et l'exclusion me confortent en tout cas dans mon analyse : on ne peut imposer la généralisation du RSA sans être allé au terme de son expérimentation et sans en avoir tiré les conséquences.
Le postulat idéologique de la proposition de loi est connu. Les allocataires du RMI et des minima sociaux se complairaient dans l'assistanat et refuseraient les parcours d'insertion que la société leur trace si généreusement. On sait d'ailleurs que le Président de la République a confié à M. Hirsch la mission de substituer le RSA à tous les minima sociaux... Ce qui rejoint le discours invariable de M. Woerth sur la fraude, alors que celle-ci, aux dires du directeur général de la Cnaf, est infinitésimale. Mais l'argument est profitable, sur le plan de la communication ; nous refusons cette manière de stigmatiser les gens.
On veut aujourd'hui montrer qu'il n'est pas facile de bénéficier des largesses de la solidarité nationale ; en renforçant les contrôles -qui peut être contre la rigueur ?-, on fait d'une pierre deux coups : on dissuade certains de solliciter une allocation à laquelle ils pourraient prétendre. En attendant d'autres textes qui mettront en extinction certains minima sociaux, ou en limiteront la portée... avant d'en confier la gestion intégrale aux départements -voir le rapport Mercier-de Raincourt, la réforme avortée de l'API ou le projet de transfert de l'ASS aux départements.
C'est dans ce contexte idéologique que vient devant nous cette proposition de loi. Il ne fait décidément pas bon être chômeur ou allocataire du RMI dans la France de M. Sarkozy ! Quiconque est au RMI risque d'être soumis à des contrôles de plus en plus tatillons, contraint d'accepter tout et n'importe quoi au fil d'un parcours d'insertion qui s'arrêtera vite au RSA devenu espace de précarité renforcé. Derrière certains discours sur le RSA et sa généralisation se profile un plan de sous-emploi massif qui cantonnerait des centaines de milliers de personnes dans des segments d'activité précis, l'aide à domicile, l'aide aux personnes âgées, le travail de nuit et du dimanche, là où le secteur marchand n'est rentable que si sont réduites à son profit conditions d'emploi et rémunérations.
La situation des chômeurs n'est guère plus enviable. Après la fusion ANPE-Assedic, après la loi de modernisation du marché du travail vient l'heure de vérité des projets gouvernementaux et la notion « d'offre raisonnable d'emploi », véritable machine à exclure, trappe à déqualification et à sous-rémunération. Vous n'acceptez pas deux de ces offres ? Vous n'êtes plus indemnisé. Derrière le discours du Président de la République abondamment repris par M. Wauquiez, il y a cette illusion populiste : si les gens ne trouvent pas d'emploi, c'est qu'ils ne font pas suffisamment d'effort. Encore faudrait-il que les secteurs souffrant d'un déficit de main-d'oeuvre commencent par embaucher leurs intérimaires ! Selon l'enquête « Besoins de main-d'oeuvre 2008 », le BTP va embaucher 136 000 personnes cette année ; mais les entreprises du secteur, arbitrant en faveur des heures supplémentaires à la mode Tepa, ont d'abord supprimé plus de neuf mille postes d'intérimaires !
Sait-on, en outre, que la moitié des chômeurs ne sont pas indemnisés par l'assurance chômage ?
Le chômage est la principale angoisse de nos concitoyens. La peur de l'exclusion explique la paix armée sur le front social : les chômeurs que l'on vilipende jouent leur rôle, puisqu'ils servent à faire accepter aux actifs l'abandon de leurs acquis !
Le régime d'assurance chômage ignore les droits de la moitié des personnes qui pourraient y prétendre ! Le document remis par le Gouvernement aux organisations syndicales est clair : le potentiel indemnisable est constitué de l'ensemble des demandeurs d'emploi, indemnisés ou non, inscrits en catégories 1, 2, 3, 6, 7 et 8, auquel s'ajoutent les dispensés de recherche d'emploi indemnisés. Je vous épargne les chiffres... (M. le président de la commission apprécie) -même si je vous sais très rigoureux en la matière !
Ce déséquilibre explique l'excédent de ressources de l'Unedic, que le Gouvernement entend consacrer au financement du régime de retraite par répartition -sans remettre en question le gel de la contribution des entreprises au financement de l'assurance vieillesse ! Un dispositif d'assurance chômage qui n'offre pas un revenu de remplacement aux privés d'emploi est une escroquerie, une rupture du principe de solidarité entre actifs et chômeurs, fondement du système assurantiel !
Le vrai chiffre du chômage n'est pas le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie 1, mais le nombre des chômeurs potentiellement indemnisables. Je rappelle que 30 % des Rmistes ne sont pas inscrits à l'ANPE...
Ne vous en déplaise, la chasse aux pauvres, aux « assistés » est ouverte, et M. Mercier apporte sa pierre à l'édifice, même si sa contribution est modeste. Le véritable problème du département du Rhône, c'est qu'une part importante de la population vit dans le plus grand dénuement, tentant de survivre entre l'inflation et la détérioration de la qualité de l'emploi. Notre département compte certes 27 000 Rmistes, mais aussi 370 000 foyers non imposables à l'impôt sur le revenu, dont plus de 215 000 déclarent des revenus annuels inférieurs à 7 500 euros, monsieur Mercier -le tiers des foyers de Vénissieux, mais aussi 30 % des résidents du premier arrondissement de Lyon, 25 % dans le deuxième arrondissement, et même près du tiers des contribuables de Thizy ! Comment font-ils pour vivre avec si peu ?
J'ai déposé en janvier 2006 une proposition de loi prévoyant que l'État -qui doit 50 millions aux départements au titre du RMI- reprenne la gestion du RMI. L'action de l'État est en effet présumée équitable, et permet une prise en charge collective neutre et objective. Agir en direction des plus modestes doit être son devoir premier !
S'agissant du RSA, de nombreuses questions demeurent sans réponse. Dans un département qui compte 30 000 Rmistes, le nombre de bénéficiaires ne risque-t-il pas de doubler ?
Cette proposition de loi traite d'un problème mineur. M. Mercier, avec qui je vis depuis vingt-six ans dans le Rhône (sourires), s'est toujours vanté d'avoir la gestion la plus rigoureuse. Je dirais plutôt la plus chiche ! Cette question aurait pu être réglée autrement. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Auguste Cazalet, rapporteur. - La commission des finances s'est beaucoup investie dans cette proposition de loi. J'ai rencontré une trentaine de personnes et effectué trois déplacements. Le texte présenté par la commission est équilibré et répond aux attentes des conseils généraux. Il ne concerne pas le financement du transfert du RMI aux départements mais renforce les outils de pilotage. Il n'est aucunement question de remettre en cause le droit au RMI ! Avis défavorable à la motion.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Je répondrai à tous les intervenants, car je sais le Sénat attentif à ces sujets. En dévidant la pelote, on en vient à des questions profondes, qui seront abordées dans les mois à venir.
M. Doligé a rappelé la complexité de l'enchevêtrement des minima sociaux. La France détient le record d'Europe : neuf minima sociaux !
M. Guy Fischer. - Vous oubliez les DOM-TOM !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Dix, alors ! D'où un nombre trop élevé d'allocataires. La simplification ne se fera pas au détriment des personnes : vos inquiétudes seront prises en compte, et la réforme sera satisfaisante.
M. Vera a insisté sur le partage entre domaine législatif et domaine réglementaire.
La lutte contre la fraude ne vise pas à pénaliser les personnes en difficulté, qui sont au contraire demandeuses de règles simples leur permettant de jouir de tous leurs droits. Dans certains départements, des allocataires du RMI ne bénéficient pas de la CMU pour un problème de connexion entre fichiers !
Je pense, comme la plupart d'entre vous, qu'une meilleure information servira l'intérêt des allocataires, tout en faisant mieux connaître l'utilisation des fonds publics.
M. Othily a souligné les spécificités de la Guyane et de l'outre-mer, le Gouvernement y est très attentif. Le revenu de retour à l'activité est propre à l'outre-mer et nous continuons d'avancer sur le sujet avec M. Jégo.
M. Mercier a paru sous-entendre que nous n'aurions pas confiance dans les conseils généraux, c'est mal nous connaître... et méconnaître mon amour pour le département du Rhône ! Nous travaillons depuis un an avec les départements volontaires, qui assument le choix politique de la solidarité, et c'est avec eux que nous définissons une intervention sur mesure : le niveau de chômage, le nombre d'allocataires, le travail saisonnier, la pauvreté varient selon les départements ; nous nous adaptons aux configurations départementales pour conforter les atouts et les outils des solidarités.
M. Moreigne nous a tenu une comptabilité des transferts de personnels entre l'État et les départements aussi précise que celle des meilleurs rapports de l'Igas. Mais nous travaillons avec l'ADF dans un climat de confiance, sur des bases nouvelles, et c'est de cette façon que nous avançons !
M. Fouché a rappelé que la Vienne fut l'un des premiers départements à se lancer dans l'expérimentation du RSA : c'est une preuve supplémentaire de ce que les nouvelles politiques de solidarité, passent par ces départements impliqués directement dans des politiques innovantes.
La question préalable revient à présenter le RSA comme un recul, alors qu'il représente un progrès social indéniable. Qui défendrait un système où le travail peut n'être pas payé ? Où quelqu'un travaillerait quelques heures, dans l'aide à la personne par exemple, sans percevoir un seul euro de plus, à cause du jeu des allocations ? Où le travail précaire et le temps partiel ne pénaliseraient pas l'employeur, mais seulement ceux qui travaillent dans des conditions précaires ou à temps partiel ?
Les chèques qui sont signés grâce au RSA apportent une aide très concrète, de 100, 150 ou même 250 euros par mois et par personne, une somme méritée qui correspond exactement au travail rémunéré. C'est l'esprit du législateur, qui a refusé d'opposer le RMI, que nous voulons étendre en Europe même, et la dignité par le travail, revendication des associations qui luttent contre la pauvreté !
C'est pourquoi, avec une information plus rigoureuse sur le RMI, avec la mise en place du RSA, nous ne faisons pas la chasse aux pauvres, monsieur Fischer, mais à la pauvreté ! Voilà à quoi nous nous engageons, voilà à quoi vous nous aiderez en adoptant ce texte ! (Applaudissements à droite et au centre)
La motion n°8 n'est pas adoptée.
Discussion des articles
Article premier
Après l'article L. 262-30 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 262-30-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 262-30-1 - Lorsque les organismes payeurs mentionnés à l'article L. 262-30 transmettent au président du conseil général une demande de versement d'acompte au titre du revenu minimum d'insertion et de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11, ils joignent à cette demande les montants nominatifs, bénéficiaire par bénéficiaire, des versements dont la somme est égale au montant global de l'acompte, en précisant l'objet de la prestation et la nature de chaque versement. ».
Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
M. Guy Fischer. - Nous allons tenter encore de vous convaincre, même si c'est sans beaucoup d'espoir... Cet article, que vous ne nous proposeriez pas d'insérer dans le code de l'action sociale et de la famille si M. Mercier avait travaillé davantage (sourires), ces quelques lignes changent-elles quelque chose ? Je ne le crois pas, d'autant qu'elles relèvent du domaine règlementaire, voire conventionnel, et qu'elles procèdent des bonnes relations entre le conseil général et la CAF !
La prévention des indus, dont notre commission paraît se soucier, n'est qu'un moyen d'entretenir la suspicion envers les allocataires du RMI ! Qui ne touchent en moyenne, soit dit en passant, qu'une allocation différentielle de 450 euros par mois.
Pour prévenir les indus, les conseils généraux ont plutôt besoin de renforts humains et matériels, qui soient compensés par l'État ! N'oublions pas que l'État doit aux départements la coquette somme de 2,3 à 2,5 milliards ; voilà qui aiderait les conseils généraux à prévenir les indus de RMI et les CAF à mieux suivre les allocataires ! Au lieu de quoi, le Gouvernement compense toujours moins de charges, pousse les organismes sociaux à toujours plus de productivité ! Mieux vaut supprimer cet article.
M. Auguste Cazalet, rapporteur. - Les conseils généraux ont besoin d'une information plus précise pour mieux suivre les allocataires et prévenir les indus : avis défavorable.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Même avis.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
Article 2
Après l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 262-24-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 262-24-1 - Lorsque, à la suite d'une suspension de l'allocation, l'organisme payeur procède à une reprise de son versement et, le cas échéant, à des régularisations relatives à la période de suspension, il en informe le président du conseil général en précisant le nom de l'allocataire concerné et en explicitant le motif de la reprise du versement de l'allocation. ».
Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
M. Bernard Vera. - Une bonne coopération entre les institutions suffit à régler les problèmes de reprise de droit ; pourquoi ajouter une obligation qui fait prendre des risques sur les données personnelles des allocataires ? La réglementation actuelle fait déjà obligation à l'allocataire d'informer le conseil général de tout changement relatif à sa situation résidentielle, à ses revenus et à ceux des personnes composant son foyer. En cas d'information manquante, le président du conseil général peut ne verser que la moitié de l'allocation.
Il n'y a donc aucune raison de voter cet article, à moins que vous ne suspectiez les allocataires du RMI.
M. Auguste Cazalet, rapporteur. - Pour les mêmes raisons, avis défavorable.
L'amendement n°3, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Article 3
L'article L. 262-41 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Art. L. 262-41 - Tout paiement indu d'allocation ou de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 est récupéré par l'organisme payeur mentionné à l'article L. 262-30.
« Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d'aide sociale dans les conditions définies à l'article L. 262-39.
« Sauf si l'allocataire opte pour le remboursement de l'indu en une seule fois ou si un échéancier a été établi avec son accord, l'organisme payeur mentionné au premier alinéa procède au recouvrement de tout paiement indu d'allocation ou de prime forfaitaire par retenue sur le montant des allocations ou des primes forfaitaires à échoir, dans la limite de 20 % de ces allocations ou primes forfaitaires.
« Lorsque le droit à l'allocation ou à la prime forfaitaire a cessé, le président du conseil général constate l'indu et transmet au payeur départemental le titre de recettes correspondant pour le recouvrement.
« L'organisme payeur transmet chaque mois au président du conseil général la liste des indus ainsi constatés faisant apparaître le nom de l'allocataire, l'objet de la prestation, le montant initial de l'indu ainsi que le solde restant à recouvrer. Il explicite également le motif du caractère indu du paiement.
« Dans le cas où le droit à l'allocation ou à la prime forfaitaire a cessé, le remboursement doit être fait en une seule fois ou selon un échéancier établi par le payeur départemental. Toutefois, si le débiteur est à nouveau bénéficiaire du revenu minimum d'insertion ou de la prime forfaitaire, le payeur départemental peut procéder au recouvrement du titre de recettes par précompte sur les allocations ou primes forfaitaires à échoir, dans les conditions et limites prévues au troisième alinéa.
« La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf manoeuvre frauduleuse ou fausse déclaration. ».
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
M. Guy Fischer. - Il s'agit, une fois de plus, de stigmatiser les allocataires de minima sociaux qui seraient par trop enclins à tirer parti de leur situation pour vivre aux dépens de la collectivité. Au demeurant, cet article n'est jamais que la transposition de l'article R 262-73 du code de l'action sociale et des familles dans sa partie législative. Bref, il n'apporte rien !
Mais, monsieur le président du conseil général du Rhône, la même rigueur est-elle de mise quand les fonds publics sont utilisés pour aider les entreprises, qu'il s'agisse des remboursements de TVA, des allégements de cotisations sociales ou de taxe professionnelle ?
M. Michel Mercier. - Ce n'est pas de ma compétence !
M. Guy Fischer. - L'État, quant à lui, ne compense pas intégralement la charge transférée aux départements au titre de la décentralisation du RMI, charge qui croît tous les ans.
Et pourquoi ne pas évaluer l'impact des contrats vendanges sur les coûts supportés par les entreprises viticoles ? Certes, les allocataires du RMI ont touché une allocation relativement importante mais à quel prix !
L'amendement n°4, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Article 4
A la demande du président du conseil général, afin de renforcer la connaissance de la réalité des droits et de la situation des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles, la convention mentionnée à l'article L. 262-30 du même code est remplacée par une nouvelle convention ou fait l'objet d'un avenant, passés entre le conseil général et l'organisme payeur, afin d'y inclure :
1°) les modalités d'échanges de données entre les parties, notamment pour l'application de l'article L. 262-30-1 du code de l'action sociale et des familles ;
2°) les modalités de mise en oeuvre de l'article L. 262-24-1 du même code ;
3°) le degré de précision du motif des paiements indus constatés par le conseil général en application de l'article L. 262-41 du même code ;
4°) les engagements de qualité de service et de contrôle, pris par l'organisme payeur, notamment en vue de limiter les paiements indus.
Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
M. Bernard Vera. - Nous voici arrivés aux échanges d'information. Les dispositions de cet article figurent, comme celles des articles précédents, dans le code de l'action sociale et des familles à l'article R 262 78 qui prévoit que « Les caisses d'allocation familiales et de mutualité sociale agricole transmettent mensuellement au département les données de gestion nominatives, financières et de pilotage statistique utiles à l'actualisation de leurs fichiers sociaux, telles qu'elles les transmettaient au représentant de l'État dans le département antérieurement au 31 décembre 2003 ». Peut-on être plus clair ?
En outre, la diffusion de ces informations met en cause la protection des données personnelles des allocataires du RMI. Je ne sais pourquoi vous voulez aller au-delà du cadre réglementaire en vigueur, mais cette traque aux allocataires qui va s'ouvrir dès demain est parfaitement discutable sur le plan de la protection des données personnelles.
M. Auguste Cazalet, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Même avis.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Contrairement à ce que vous venez de dire, monsieur Vera, cet article ne transpose pas le code de l'action sociale et des familles. En outre, vous avez évoqué le pilotage exercé par l'État : ce n'était pas du pilotage ! C'est la vertu de la gestion locale d'avoir permis un véritable pilotage de la gestion du RMI. Voilà ce qui justifie le rejet de votre amendement.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
Article 5
L'article L. 262-33 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les organismes payeurs mentionnés à l'article L. 262-30 procèdent chaque mois à la confrontation de leurs données avec celles dont disposent les organismes d'indemnisation du chômage et les organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. Ils procèdent, à l'occasion de la première liquidation de l'allocation et chaque année, à la confrontation de leurs données avec celles dont dispose l'administration des impôts. Ils transmettent chaque mois au président du conseil général la liste nominative des allocataires dont la situation a été modifiée à la suite de ces échanges de données. ».
2° Au quatrième alinéa, les mots : « à ceux-ci » sont remplacés par les mots : « au président du conseil général, au président de la commission locale d'insertion définie à l'article L. 263-10 ».
3° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les organismes payeurs transmettent chaque mois au président du conseil général et au président de la commission locale d'insertion définie à l'article L. 263-10 la liste de l'ensemble des allocataires ayant fait l'objet d'un contrôle, en détaillant la nature du contrôle et son issue. ».
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
M. Guy Fischer. - Nous en arrivons au croisement des fichiers.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Eh oui !
M. Guy Fischer. - La Cnil vient de repousser les passeports biométriques voulus par le Gouvernement mais ce dernier a décidé de passer outre. Que se passera-t-il pour le RMI ? En voulant instaurer le croisement des fichiers, vous stigmatisez les allocataires du RMI et vous laissez croire qu'ils sont des fraudeurs en puissance. Pourtant, ils ne vivent pas grassement aux dépens des collectivités. Et que ferez-vous de toutes ces informations ? Avec le croisement, vous disposerez de millions de données.
M. Hirsch a dit qu'il ne fallait stigmatiser personne et que le but était de lutter contre la pauvreté et non contre les pauvres. Et c'est bien ce que font les travailleurs sociaux qui ne veulent laisser personne sur le bord du chemin. Je tiens d'ailleurs à saluer leur engagement sans faille. Ce ne sont pas des professionnels de la combine et de la fraude ! En outre, tous ceux qui connaissent vraiment cette question savent que ce sont les plus pauvres qui ne bénéficient pas des aides car ils ne connaissent pas les droits auxquels ils pourraient prétendre. Ainsi, 30 % des allocataires du RMI ne sont pas inscrits à l'ANPE.
Alors, ne croyez-vous qu'il serait préférable de traiter de ces questions autrement que dans une loi ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Loin de vouloir stigmatiser qui que ce soit, je veux m'employer, au contraire, à déstigmatiser. Je viens de recevoir ma déclaration d'impôt sur le revenu préremplie ; je ne vois pas pourquoi les allocataires du RMI seraient les seuls à devoir remplir à la main leurs déclarations !
Vous avez dit que 30 % de ces allocataires n'étaient pas inscrits à l'ANPE : ce sont en fait 60 % qui ne le sont pas ! Avec l'instauration du RSA, nous voulons que le service public de l'emploi soit mobilisé pour venir en aide à ces personnes, quel que soit leur passé et leur origine.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
Article 6
I. Les dispositions des articles 1er et 5 de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2009.
II. Les dispositions de la présente loi s'appliquent au revenu de solidarité active à compter de sa mise en oeuvre dans l'ensemble des départements.
Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
M. Bernard Vera. - Cette proposition de loi sera donc appliquée le 1er janvier prochain ; se posera ensuite la question de la mise en place du RSA qui est en cours d'expérimentation.
Il s'agit aujourd'hui d'étendre la mise en oeuvre de ce dispositif et de conditionner de plus en plus étroitement allocation de minima sociaux et exercice d'une activité professionnelle, même réduite. Cette généralisation pose un certain nombre de problèmes dont le moindre n'est pas celui de son financement. Tout à sa logique de réduction de la dépense publique, le Gouvernement entend en effet, peu de temps après avoir ouvert les vannes des cadeaux fiscaux aux plus riches, procéder par redéploiement pour réaliser ce financement. On a envisagé de financer cette dépense nouvelle par utilisation de la prime pour l'emploi, prime dont on envisageait il y a peu d'assurer le versement mensuel à ses bénéficiaires. Cette partie de la PPE versée aux foyers imposables correspond peu ou prou au montant estimé de la généralisation du RSA...
Nous aurions dès lors un partage de l'effort de solidarité ainsi réparti : à la base, un RSA généralisé et transformé en stock de main-d'oeuvre peu coûteuse, puis des salariés modestes, aux rémunérations réduites, ne pouvant escompter majorer leur rémunération qu'au travers de l'acceptation d'horaires de travail alourdis par des heures supplémentaires, ensuite des salariés modestes et moyens qui n'auraient que des rémunérations faibles et qui seraient, eux aussi, invités à user et abuser des heures supplémentaires. Sans compter qu'on les inciterait en outre à la pluriactivité, comme prévoit de le développer la loi de modernisation de l'économie.
S'il en va bien ainsi, nous serions loin de la fonction socialement utile du RSA et beaucoup plus près d'un plein sous-emploi.
L'amendement n°1 rectifié bis n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par M. Paul Blanc.
A la fin du I de cet article, remplacer les mots :
le 1er janvier 2009
par les mots :
le 1er juillet 2009
M. Paul Blanc. - Ce changement de date devrait satisfaire à la fois M. Doligé et M. Fischer !
M. Auguste Cazalet, rapporteur. - Je demande à M. Blanc de se rallier au texte de la commission. Entre Pyrénéens, accordons-nous sur un équilibre !
Défavorable à l'amendement n°7.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Le RSA sera financé par la somme des éléments existants, à laquelle seront ajoutés 1,5 milliard d'euros.
M. Guy Fischer. - Vous n'avez pas convaincu les présidents de conseils généraux !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Nous discutons avec eux.
Défavorable à l'amendement n°7. Sur le n°9, j'ai cru comprendre qu'il y avait eu un accord entre M. Blanc et la commission...
M. Paul Blanc. - Je voulais faire avancer les choses, mais si la commission les voit de cet oeil...
L'amendement n°9 est retiré.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Charles Guené. - Le 26 mars dernier, lors du premier examen de cette proposition de loi, le groupe UMP avait approuvé la volonté de notre rapporteur d'apporter une expertise supplémentaire avant de présenter ses conclusions définitives. M. Cazalet a très bien su mettre à profit le délai que le Sénat lui a accordé pour procéder à plusieurs contrôles sur pièces et sur place et confirmer que les informations dont disposent les conseils généraux pour piloter les dépenses liées au revenu minimum d'insertion sont globalement insuffisantes. Ses observations recoupent parfaitement celles faites par les sénateurs UMP dans plusieurs départements et confortent la démarche engagée par M. Mercier.
Les dispositions législatives que nous allons adopter sur proposition de notre commission des finances sont nécessaires pour permettre aux départements d'assurer pleinement la mission que leur a attribué la loi du 18 décembre 2003. Sans remettre en cause la qualité du travail des caisses d'allocations familiales et des caisses de mutualité sociale agricole, elles clarifient leurs relations avec les conseils généraux, dans un souci de transparence, de synergie et de bonne gestion des deniers publics. Elles complètent l'information des conseils généraux sur l'acompte qui leur est demandé par les organismes payeurs au titre du RMI, sur la suspension et la reprise des versements et sur les paiements indus. Elles offrent aux conseils généraux qui le souhaitent la possibilité de demander une modification de la convention passée avec les organismes payeurs afin de renforcer les échanges d'information et apportent des précisons utiles sur les règles applicables en matière de croisement des données de ces organismes avec celles dont disposent les organismes d'indemnisation du chômage, l'administration fiscale et les Urssaf, tout en accordant le délai nécessaire à l'adaptation des systèmes d'information.
Cette clarification en matière de RMI nous paraît d'autant plus nécessaire que se profile la généralisation du revenu de solidarité active en 2009. Nous devons mieux gérer l'existant pour mieux construire l'avenir, avec pragmatisme, en conjuguant cohérence d'ensemble et prise en compte des spécificités locales. Le dispositif proposé ce soir évite l'écueil de la rigidité tout en traçant un cap clair, celui de la bonne gestion et du bon contrôle des prestations.
Les conseils généraux sont en droit de demander des comptes sur une charge qui leur a été confiée dans le cadre de la décentralisation et représente un poste important de leurs dépenses. Les élus locaux, et à travers eux les contribuables, doivent pouvoir contrôler la réalité des dépenses engagées et leur bonne affectation, aux bons bénéficiaires. Il s'agit à la fois de transparence, de bonne gouvernance et de justice sociale.
Notre commission des finances s'inscrit clairement dans cette perspective et c'est dans cet esprit constructif que le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Guy Fischer. - Cette discussion était intéressante ; elle soulevait nombre de problèmes réels, qui auraient pu se résoudre par la voie réglementaire, même si les sommes en jeu sont importantes.
La généralisation du RSA en 2009 sera une erreur. On aura un affichage politique, mais les présidents de conseils généraux seront partagés : la diminution du nombre d'allocataires du RMI ne fait pas diminuer à proportion les sommes versées. Le problème de la compensation par l'État reste entier ; la dette de 2,5 milliards doit être apurée.
Qu'advient-il de ceux qui sont revenus au travail ? Au bout de six mois, que se passe-t-il ? Un retour à la précarité ? L'allocation médiane est autour de 800 euros... Vous parlez de 1 035, je demande à voir ! Aux Minguettes, on est autour de 450 euros.
Ces préoccupations justifient notre opposition à ce texte.
M. Michel Moreigne. - Pour les raisons exposées lors de la discussion générale, et pour la priorité qu'il accorde au règlement de la dette de l'État envers les conseils généraux, le groupe socialiste s'abstiendra.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Ce texte constitue un vrai progrès. Ne lui demandons pas autre chose que son objet, ne lui demandons pas de régler le problème des compensations et de solder le reliquat. Son objet, c'est de donner aux conseils généraux un instrument de pilotage de l'attribution du RMI. Hier, l'État pilotait à distance et ne contrôlait rien. Grâce à ce texte les ambigüités seront levées dans les rapports entre conseils généraux et caisses d'allocations familiales et le partenariat sera possible.
Ce texte crée aussi les conditions de gérer au mieux le RSA, belle idée qui mettra fin à des situations scandaleuses et injustes où un Rmiste pouvait hésiter à reprendre un travail pour ne pas perdre son maigre revenu.
Je remercie Michel Mercier pour cette proposition de loi, ainsi que le rapporteur qui s'y est repris à deux fois pour parfaire ce texte que, je l'espère, le Sénat votera avec confiance. Avec ces conclusions de la commission, nous avons l'illustration de ce que seront les textes qui viendront en séance publique si la réforme constitutionnelle aboutit.
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 14 mai 2008 à 16 heures.
La séance est levée à 1 h 35.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mercredi 14 mai 2008
Séance publique
A SEIZE HEURES
1. Débat à l'initiative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la politique étrangère de la France.
LE SOIR
2. Discussion du projet de loi (n° 270, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d'un dispositif d'accompagnement à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté et l'ordonnance n° 2007-465 du 29 mars 2007 relative au personnel militaire modifiant et complétant la partie législative du code de la défense et le code civil, et portant diverses dispositions relatives à la défense.
Rapport (n° 317, 2007-2008) de M. André Dulait, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
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DÉPÔTS
La Présidence a reçu de Mme Muguette Dini, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.