Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
Rétention de sûreté (Conclusions de la CMP)
Organismes extraparlementaires (Nominations)
Organismes génétiquement modifiés (Urgence - Suite)
Discussion des articles (Suite)
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité
Devenir du site Arcelor-Mittal de Gandrange
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie
Salariés de la grande distribution
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports
Évaluation des politiques publiques
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité
Préjudice écologique et collectivités locales
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie
Hommage à une délégation parlementaire du Qatar
Organismes génétiquement modifiés (Urgence - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Discussion de l'article unique
SÉANCE
du jeudi 7 février 2008
62e séance de la session ordinaire 2007-2008
présidence de M. Philippe Richert,vice-président
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation de plusieurs sénateurs appelés à siéger au sein d'organismes extraparlementaires.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose les candidatures de MM. Jean-Léonce Dupont et Philippe Adnot pour siéger respectivement comme membre titulaire et comme membre suppléant au sein du comité de suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universitaires et la candidature de M. Ambroise Dupont pour siéger au sein de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Rétention de sûreté (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
Discussion générale
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. - La commission mixte paritaire, réunie le 4 février, a très largement repris le texte adopté par le Sénat, sous réserve de quelques modifications.
Constatant que l'élargissement progressif du champ d'application de la rétention de sûreté à la suite des amendements adoptés à l'Assemblée nationale avait conduit à une formulation complexe, nous avions réécrit l'article premier de manière beaucoup plus concise. Dans la mesure où le code pénal prévoit déjà que l'âge de la victime est une circonstance aggravante, et ne distingue pas les victimes mineures de plus de 15 ans des victimes majeures, il avait été jugé suffisant de faire référence à la seule nature de l'infraction commise. La CMP a souhaité rétablir cette distinction et rendre applicable la rétention de sûreté sans qu'aucune circonstance aggravante n'accompagne l'un des crimes visés dans toutes les hypothèses où la victime est mineure, y compris entre 15 et 18 ans.
La CMP a précisé, sur proposition du rapporteur de l'Assemblée nationale, que la rétention de sûreté concernait les personnes présentant une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive « parce qu'elles souffrent » d'un trouble grave de la personnalité. Je m'interroge sur l'utilité de cette modification, doutant -c'est un euphémisme- que la référence à cette souffrance permette de considérer la présente loi comme une loi pénale plus douce...
Toujours à l'article premier, la prise en charge « médicale, sociale, psychologique », plus concise, a été préférée à la prise en charge « médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique ».
Enfin, M. Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a proposé de modifier l'article 723-38 du code de procédure pénale afin que le placement sous surveillance électronique mobile puisse être prolongé dans le cadre de la surveillance de sûreté, notion introduite par le Sénat.
À l'article 6, nous avions adopté, contre l'avis du Gouvernement, deux amendements revenant au droit en vigueur. Il nous semblait en effet paradoxal de limiter le recrutement de médecins coordinateurs aux seuls psychiatres dès lors qu'existe la garantie d'une formation appropriée. D'autre part, nous nous étions opposés à la suppression de la faculté de recourir à un psychologue à la place du médecin traitant, faculté proposée par la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale et autorisée par la loi du 2 décembre 2005. Le décret d'application sur les conditions de diplôme n'ayant jamais été publié, la CMP propose de préciser que les psychologues concernés doivent remplir une condition d'exercice de leur activité depuis au moins cinq ans.
La CMP a disjoint de l'article 12 un paragraphe, introduit par le Sénat, prévoyant que la libération conditionnelle d'une personne condamnée à la perpétuité ne pourrait intervenir qu'après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, sans limitation de durée. Cette mesure est rendue immédiatement applicable, tout comme le dispositif de la surveillance de sûreté, y compris quand celle-ci succède à un suivi socio-judiciaire.
Les principaux apports du Sénat ont donc été intégralement respectés, qu'il s'agisse du caractère juridictionnel de l'instance dont relève la rétention de sûreté, de la définition de la surveillance de sûreté et, surtout, de la place éminente faite à l'évaluation. En imposant une évaluation pluridisciplinaire d'au moins six semaines des personnes condamnées dans l'année qui suit la condamnation définitive, en permettant au juge d'application des peines de définir un parcours d'exécution de la peine individualisé, en se préoccupant dès l'incarcération des soins, de la formation ou de la capacité à reprendre un emploi, nous favorisons la réinsertion et donc la lutte contre la récidive. De même, l'évaluation pluridisciplinaire en fin de peine permettra d'appréhender la dangerosité dans des conditions de fiabilité dignes de notre démocratie. Nous avons ouvert une piste qu'il faudra explorer plus avant lors du prochain examen du projet de loi pénitentiaire.
Enfin, si je n'ai pas abordé la question de la rétroactivité, c'est que, les deux assemblées ayant décidé l'application immédiate de la réforme, le problème ne se posait pas devant la CMP. Je ne vais pas rouvrir le débat de la distinction entre la peine et la mesure de sûreté, ni celui de la subtilité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui semble assimiler le suivi socio-judiciaire à la première et la surveillance judiciaire à la seconde. Reste qu'une clarification s'impose dans ce domaine.
Dans cette attente, je vous demande d'adopter ce projet de loi dans le texte qui vous est proposé par la CMP. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. - Je salue le travail accompli par la commission mixte paritaire. Je remercie le président Hyest, qui a cerné tous les enjeux de ce texte, et je salue le travail accompli par votre rapporteur, M. Lecerf. Le texte qui vous est proposé aujourd'hui est équilibré et consensuel. Les dispositions relatives à la nouvelle procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental n'ont pas fait l'objet de modifications substantielles. De même, la commission mixte paritaire a repris pour l'essentiel le texte que vous aviez adopté sur le volet sanitaire.
L'essentiel de nos débats a porté sur la rétention de sûreté, qui existe depuis de longues années dans d'autres démocraties, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Belgique ou le Canada. Je crois que le texte issu de la CMP répond aux préoccupations qui ont été exprimées.
L'Assemblée nationale a précisé que sont visées les personnes qui présentent une grande dangerosité parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité. Les faits pour lesquels elles ont été condamnées démontrent leur dangerosité et la nécessité de suivre des soins. La CMP a également intégré les garanties apportées par le Sénat pour que ce dispositif reste un dispositif d'exception. Vous avez souhaité que les soins soient assurés dès le début de la détention : le texte de la CMP reprend le principe d'un examen systématique dans le centre national d'observation pour définir un parcours adapté.
Vous avez souhaité que l'examen de dangerosité à la fin de la peine soit renforcé : un examen de six semaines sera réalisé au centre national d'observation pour déterminer si la dangerosité a persisté. Sur tous les bancs, vous entendez que la rétention de sûreté ne soit pas un simple enfermement, une relégation sociale. La rédaction du projet traduit cette exigence, suivi médical et psychologique adapté, formation et éducation... Le rôle des centres médico-socio-judiciaires de sûreté est de donner le plus de chances possibles aux personnes détenues de remédier à leurs troubles pour réduire leur dangerosité. L'offre de soins est large : prise en charge médico-sociale renforcée, traitement antihormonal avec le consentement de l'intéressé, psychothérapie individuelle ou de groupe, structuration sociale par le travail et la formation et accompagnement socio-éducatif.
M. Portelli demandait la création d'un véritable centre Pinel en France, comme celui du Canada. Le centre médico-socio-judiciaire qui sera installé dans l'hôpital de Fresnes est destiné à mieux traiter les criminels dangereux qui souffrent de troubles graves de la personnalité. Les garanties prévues par le Sénat pour l'application de la rétention de sûreté aux tueurs et aux violeurs en série qui sortiront de prison dans les années à venir ont été reprises. Soyons clairs : les Français ne pourraient comprendre que l'on attende quinze ans avant d'appliquer ce dispositif à des psychopathes qui refusent de se soigner ! Nous l'avons dit, la rétention de sûreté est une mesure de sûreté, non une peine. Elle est donc immédiatement applicable. La Cour constitutionnelle allemande en a expressément jugé ainsi dans une décision du 5 février 2004. Vous avez posé deux conditions : la rétention de sûreté n'est envisagée que si une assignation à domicile sous surveillance électronique mobile ne suffit pas ; les personnes actuellement incarcérées qui pourraient être concernées devront, lors de l'entrée en vigueur de la loi, être averties par la chambre de l'instruction. Elles pourront ainsi s'engager dans une démarche de soins.
Nous sommes parvenus à un texte qui respecte nos principes constitutionnels fondamentaux et les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme. Le Gouvernement veillera à la stricte application de toutes les garanties que le Sénat a introduites. Ce texte vise à protéger nos concitoyens de criminels particulièrement dangereux. Il est attendu. Je vous demande de l'adopter dans l'intérêt des Français. (Applaudissements à droite)
M. Hugues Portelli. - La commission mixte paritaire a fait du bon travail. Nous pouvons être fiers de la contribution du Sénat : la quasi-totalité de nos modifications ont été retenues. Ce consensus montre également que la majorité est soudée derrière le Gouvernement pour soutenir ce texte équilibré, utile et conforme au droit, pénal ou constitutionnel. Je remercie la ministre pour le dialogue qu'elle a su instaurer et pour son ouverture d'esprit.
Ce projet de loi est nécessaire car il vise à protéger d'éventuelles victimes contre des personnes que la justice a reconnues inamendables. (Exclamations à gauche) Sénateurs et députés se sont accordés sur une application immédiate de la rétention, même pour les personnes déjà condamnées. La jurisprudence récente du Conseil constitutionnel reconnaît la constitutionnalité de la rétroactivité des mesures de sûreté dès lors qu'elles présentent -et nous y avons veillé ici- un caractère préventif.
La CMP a également approuvé la définition que nous voulions plus précise des centres socio-médico-judiciaires ; ils auront pour mission d'assurer un suivi médical, éducatif et psychologique adapté. Ce qui inclut des groupes de paroles et des thérapies comportementales et cognitives.
La procédure respecte strictement le principe du contradictoire et les droits de la défense. La rétention de sûreté s'appliquera « à titre exceptionnel » après décision de la chambre d'instruction, qui devra constater « une probabilité très élevée » de récidive et « des troubles graves de la personnalité ». Les criminels visés sont ceux reconnus coupables d'infractions particulièrement graves commises sur tous mineurs, sans distinction d'âge, ainsi que les auteurs de crimes commis sur des victimes majeures avec des circonstances aggravantes.
S'agissant de la nouvelle procédure liée à l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, la CMP n'a pas apporté de modifications substantielles. Ce deuxième axe du projet de loi apporte une réponse humaine à des familles endeuillées, privées de la reconnaissance de leur statut de victimes. Il aide aussi le coupable à prendre conscience, quand son état mental le lui permet, de la gravité de ses actes afin qu'il puisse éventuellement engager une démarche thérapeutique.
Le texte élaboré par la CMP respecte le travail des sénateurs et c'est sans réserve que le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Robert Badinter. - Je veux tout d'abord saluer les efforts constructifs de M. le rapporteur pour tenter d'apporter quelque tempérament à un projet de loi désastreux, qui engage la justice dans une mauvaise voie et n'apporte pas de bonnes réponses au problème des criminels qui souffrent de graves troubles de la personnalité de nature à provoquer une récidive. Mme la ministre affirme que « le projet de loi comble une faille dans notre législation » : il ouvre bien plutôt une brèche dans notre justice pénale et cette brèche ira s'élargissant, dans la législation de fait divers qui prévaut aujourd'hui.
Notre justice a toujours sanctionné la commission d'infractions criminelles -parfois excessivement. (Sourires entendus) Je pense non seulement à la peine de mort, qui a heureusement disparu dans la majorité des États, mais à la relégation des condamnés -en Guyane jusqu'en 1939 puis en maison centrale jusqu'à la suppression de la mesure en 1970. Son succédané, la tutelle pénale, a été à son tour supprimée en 1981 par Alain Peyrefitte.
Sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel, que je ne veux pas pour ma part anticiper ni prédire, vous allez introduire dans notre droit pénal la rétention de sûreté, cet enfermement pour un an reconductible indéfiniment, qui peut donc être perpétuel, dans des établissements fermés, gardés par du personnel de l'administration pénitentiaire -à laquelle je rends hommage. Bref, quelle que soit la finalité proclamée, la rétention de sûreté est bien la continuation de l'emprisonnement dans un autre lieu.
Il ne s'agit pas de malades mentaux souffrant de troubles psychiatriques les rendant dangereux, mais de condamnés, qui n'ont pas été déclarés irresponsables par la justice mais dont les expertises décèlent la dangerosité criminologique.
On demandera donc aux magistrats de maintenir en détention des condamnés non plus pour les infractions qu'ils ont commises mais pour des crimes virtuels qu'ils seraient susceptibles de commettre.
À la justice pénale fondée sur la preuve de la culpabilité établie dans le respect des règles de droit et de la présomption d'innocence succède une justice de dangerosité fondée sur des prémonitions et pouvant prononcer, par décisions successives, une détention à durée illimitée malgré l'absence de toute infraction. À une justice de liberté fondée sur la culpabilité prouvée succède une justice -car la décision sera bien juridictionnelle- de sûreté basée sur la dangerosité estimée de l'auteur potentiel d'un crime virtuel. C'est une véritable révolution dans notre justice pénale !
J'affirme que cette brèche dans les principes ne peut que s'élargir sous la force de l'émotion suscitée par les crimes les plus graves.
Vous avez présenté ce texte après l'affaire Évrard, pourtant unique en trente ans. J'aurais préféré une commission d'enquête... Mais le projet d'origine tendait à mettre hors de la cité exclusivement les pédophiles prédateurs qui s'en prennent aux enfants de moins de 15 ans. Or, puisque la dangerosité ne dépend pas des victimes, au demeurant toutes dignes d'intérêt et de compassion, votre texte s'est élargi au cours de son trajet législatif. Ainsi, par la force des choses, l'Assemblée nationale l'a étendu aux auteurs de tous les crimes les plus graves commis contre des personnes physiques.
Je dis que l'extension de cette justice nouvelle fondée sur la dangerosité est inéluctable dès lors que la dangerosité s'apprécie au regard de la personnalité de l'auteur et que l'opinion publique est mobilisée par le second acte. À chaque fois qu'un crime soulève l'émotion du public, le pire est d'entretenir l'opinion dans l'illusion de l'impunité zéro. Il y aura toujours des crimes atroces car ils sont dans la nature de l'espèce humaine. À chaque fois, vous étendrez le champ de la détention de sûreté pour prévenir la commission d'un second crime par l'auteur du premier.
Prenons un exemple simple, celui d'une personne condamnée à cinq ans et commettant un crime atroce à sa sortie de prison. L'opinion publique demandera pourquoi on n'a pas procédé à la rétention de sûreté. On lui répondra qu'elle n'était pas applicable dans le cas d'espèce. Résultat : des amendements élargiront la mesure aux personnes condamnées à cinq ans de réclusion. Et l'on observera une extension analogue lorsque l'opinion publique sera émue parce qu'un multirécidiviste coupable de simples violences à personnes commettra un crime bien plus grave après sa libération.
Ainsi, de fait divers en fait divers, d'émotion en émotion, d'amendement en amendement, nous aurons créé une nouvelle justice qui aura changé de fondement. Après des siècles, nous voyons aujourd'hui l'avènement d'une justice préventive. Derrière toutes les précautions, au-delà de toute discussion juridique, c'est le triomphe d'une école de pensée conduisant à l'élimination sociale des individus estimés dangereux, tout le contraire d'une société de liberté puisque responsabilité et liberté ne peuvent être dissociées dans le domaine pénal.
Il faut penser aussi à la condition de ceux qui sont retenus, ou plutôt détenus, bien que ce thème ne paraisse pas beaucoup intéresser. Vous savez comme moi que les crimes sexuels sont ceux dont le taux de récidive est le plus bas : 1,3 % contre 1,6 % à 1,9 % pour les homicides. Vous voulez prévenir la réitération des actes criminels. Mais au nom de quoi maintenir en détention ceux qui n'auraient pas réitéré ? Au nom d'un diagnostic ? Que reste-t-il alors de la présomption d'innocence ?
Nous avons soutenu quelques pas en avant proposés par le rapporteur mais à la vérité, tout le système doit être repensé. Notre code pénal, à la rédaction duquel M. Hyest a largement contribué, n'est pas satisfaisant. (M. le président de la commission des lois acquiesce) Nous pouvons beaucoup apprendre des exemples hollandais et belge, à condition de ne pas cumuler la sanction et le traitement trop tardif de la dangerosité.
Pour ces crimes, une mise en observation dans des centres multidisciplinaires doit avoir lieu dès le stade de l'instruction, qui est longue. En Hollande, il y a cinquante spécialistes pour observer trente sujets pendant huit semaines. Si des troubles graves sont mis en évidence, il y a deux voies. Lorsqu'ils sont susceptibles de mettre en danger autrui ou la personne elle-même, le traitement s'impose dans un lieu fermé mais dans les conditions que nous avons observées en Belgique : sous la direction exclusive de médecins hospitaliers spécialisés et de leurs assistants multidisciplinaires. Bien sûr, on ne peut en connaître par avance la durée puisque nous sommes dans la prise en charge thérapeutique, non dans la décision judiciaire avec toutes ses exigences que l'on ne peut abolir ! L'autre voie est constituée par une détention accompagnée d'un traitement.
Madame le garde des sceaux, vous êtes depuis peu place Vendôme, je ne vous reproche donc pas le drame de notre situation pénitentiaire, mais la priorité absolue est constituée par la loi pénitentiaire. Il fallait commencer par là ! Il ne fallait pas mettre la charrue avant les boeufs. Dans notre conception de l'enfermement, il ne doit pas rester le temps mort qu'il est trop souvent. Vous avez visité des centres de détention et des centrales, vous savez que nous ne disposons pas des moyens en personnel -ô combien dévoué- pour prendre en charge des malades mentaux qui se comptent par milliers. Vous savez que nous ne pouvons pas conduire de traitement sélectif dès le départ.
Le seul aspect positif de ce triste débat est l'idée inscrite dans un amendement qu'il faut établir un projet individuel dès le début de la peine. Si on ne le fait pas, il sera impossible, une quinzaine d'années plus tard, d'améliorer un homme comme Evrard. Après un diagnostic à la hollandaise, il faut opter soit pour un traitement psychologique et social, voire psychiatrique, soit pour une voie judiciaire qui ne soit pas du temps perdu. Si une surveillance reste nécessaire à l'issue de la détention, à quoi bon toutes les lois que nous votons pour combattre la récidive ? À quoi bon l'injonction de soins ? À quoi bon le fichier ? À quoi bon même la surveillance de sûreté si toutes ces procédures ne bénéficient pas des moyens nécessaires ?
Nous ne manquons pas de textes mais de moyens, d'où ces cache-misères législatifs !
Si j'excepte l'usine à gaz née du talent créatif de M. Portelli, le plus saisissant de tout le débat a été le moment où le président About nous a rappelé en termes sensibles mais précis la situation de détresse de l'institution pénitentiaire, son manque terrible de psychiatres, l'insuffisance à tous les niveaux de personnel compétent, et l'inapplication du suivi socio-judiciaire voté en 1998... faute de médecins coordonateurs.
Pour répondre à la vive émotion publique née d'une affaire odieuse, vous avez bâti dans la hâte un texte que nous n'avons pas eu le temps d'examiner. Vous ne mesurez pas les conséquences profondes et dangereuses de cette révolution : je plains les magistrats qui auront à la mettre en oeuvre et ceux qui en seront l'objet.
C'est dans la voie ouverte par le rapporteur qu'il fallait aller en veillant à ce que dans une justice de liberté, l'acte précis violant la loi ou le contrôle judiciaire fasse l'objet des sanctions prévues. Vous avez préféré la voie de la rétention de sûreté, je le regrette, nous n'avons pas fini d'en payer les conséquences. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Je salue la présence dans l'hémicycle de M. Pillet, qui succède à M. Vinçon, et souhaite la bienvenue à notre nouveau collègue. (Applaudissements)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le président Badinter a tout dit mais j'irai, avec moins de talent, dans le même sens car nous ne pouvons que dire ce que nous pensons. Hélas !, on n'en a pas fini avec les débats sur notre système pénal. Le rapporteur a consenti beaucoup d'efforts, il a beaucoup écouté et entendu mais la majorité de la majorité sénatoriale est restée sur une autre planète et le texte, que la commission mixte paritaire a entériné, reste ce qu'il était : pour la première fois, le Parlement s'apprête à voter une loi prévoyant qu'un condamné pourra, à l'issue de sa condamnation, être de nouveau placé en rétention pour une durée indéfiniment renouvelable.
Cette loi, comme les précédentes, est intervenue à la suite d'un fait divers. Veut-on ainsi exorciser les démons de notre société ? De fait divers en fait divers, cette logique est sans fin et il y aura toujours des personnes plus zélées ! Le champ du projet a déjà été considérablement élargi mais demain, mettra-t-on en rétention de sûreté des personnes condamnées pour terrorisme ou criminalité en bande organisée et abaissera-t-on le seuil de la peine ? La société craindra toujours une récidive et si cette crainte n'est pas supportable, il faudra reléguer de plus en plus de gens.
Notre échelle des peines est la plus sévère d'Europe et nous avons les outils pour lutter contre la récidive. Les lois s'empilent pourtant, sans que le Gouvernement s'embarrasse d'en dresser le bilan. On manque de moyens pour appliquer le suivi socio-judiciaire, on recourt peu à l'aménagement des peines qui a pourtant prouvé son efficacité.
La rétention de sûreté, cette relégation pour dangerosité est, ainsi que l'a déclaré à titre personnel le président du comité consultatif national d'éthique un substitut à la peine de mort que vous ne pouvez rétablir. Ce texte véritablement inquiétant rompt le lien entre le fait punissable et la sanction. La justice ne sera plus confiée à ces tribunaux mais à des experts, des psychiatres qui devront dire si une personne commettra à nouveau un crime : on confond diagnostic et pronostic alors que les troubles de la personnalité sont si difficiles à définir et qu'il n'y a pas de définition communément admise de la dangerosité. Aucun expert ne prendra donc la responsabilité d'exclure une récidive.
Le projet témoigne d'un cruel manque de moyens. Attendre vingt ans pour traiter un détenu revient à avouer que la prison est inadaptée, ce qui nous renvoie à la loi pénitentiaire et à la nécessaire réflexion sur la finalité de l'emprisonnement. Si les centres de rétention de sûreté ont les mérites que vante M. Portelli, pourquoi ne pas y placer les intéressés dès leur condamnation et pour la durée de leur peine ? Si, leur temps accompli, ils sont encore incapables de contrôler leurs pulsions, il faudra prononcer un placement d'office en psychiatrie. On ne me répond pas là-dessus alors que le placement d'office reste une mesure exceptionnelle, ce que ne sera pas le placement en centre de rétention parce qu'on a trop élargi le champ du texte.
Dans ce contexte, l'évaluation dans les six mois de la condamnation, pour positive qu'elle soit, est incohérente avec la philosophie du texte.
Pourquoi les pays qui ont mis en place une rétention de sûreté parviennent-ils à des résultats positifs ? Parce que celle-ci intervient le plus souvent en substitution de la peine, qui est parfois, comme en Belgique, assortie d'un sursis. Parce que les évaluations interviennent très tôt, pendant l'instruction puis après la condamnation, afin que le parcours d'exécution de la peine soit le plus individualisé possible. Enfin, parce que des moyens considérables sont dégagés pour la prise en charge des personnes dangereuses. L'observation d'une personne dans le centre Pieter Baan, aux Pays-Bas, coûte 1 000 euros pas jour. Ces pays ont mis en oeuvre des mesures psychiatriques, psychologiques, sociales et éducatives et ont donné aux professionnels le temps de travailler dans la sérénité.
Ce n'est pas du tout l'optique de ce texte : votre réflexion se situe à court terme, vous avez choisi la facilité et l'affichage. Or, sur le long terme, les conditions de détention se dégradent et des troubles psychiques apparaissent chez certains détenus. Cette logique est totalement contreproductive. Il en va de même pour les personnes déclarées « irresponsables au moment des faits », dont le nombre a considérablement diminué. De ce fait, environ 30 % des détenus souffriraient de troubles mentaux. Ce n'est pas tant l'application de l'article L. 122-1 du code pénal qui est en cause, mais la médiatisation des faits divers impliquant des personnes irresponsables pénalement. Le Gouvernement instrumentalise la souffrance des victimes afin de revenir sur le principe de la responsabilité pénale. Comment une personne souffrant de troubles mentaux pourra-t-elle respecter les obligations ordonnées par le juge ? A défaut, comment lui appliquer des sanctions pénales alors qu'elle a été déclarée irresponsable pénalement ? Cela, vous ne voulez pas l'entendre.
Le Gouvernement et la majorité souhaitent imposer la rétroactivité de l'article premier. Vous ne pourrez nous convaincre, ni convaincre le Conseil Constitutionnel qui ne s'honorerait pas en acceptant que le principe de non-rétroactivité soit bafoué sous le motif fallacieux que la rétention de sûreté n'est pas une peine. Si tel était le cas, notre démocratie s'effacerait devant le fait du prince.
Nous voterons donc contre ce texte, qui nous est, en outre, comme les précédents, infligé dans l'urgence. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Fauchon. - Nous sommes de ceux qui admettent qu'il existe des « individus dangereux » au sens de ce projet de loi...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ah !
M. Pierre Fauchon. - Ils doivent être mis « hors d'état de nuire », aux autres mais aussi à eux-mêmes, ce que nous avons un peu trop oublié. Ils ne peuvent donc être mis en liberté à l'issue de leur longue peine et nous devons leur organiser une « rétention ». Celle-ci est une mesure de sureté, non une peine, et leurs conditions de vie quotidienne doivent le confirmer. Je n'aime pas dramatiser, mais il y va de l'honneur du Gouvernement. Nous serions bien embarrassés si nous nous rendions compte dans quelques années que leur vie quotidienne est celle de détenus.
Je me tourne vers mes amis du côté gauche de l'hémicycle. Il faut une sérieuse dose d'aveuglement, d'angélisme et de passion d'avocat pour estimer que l'homme dangereux n'est qu'un mythe, que seul existe l'homme des Lumières, qui peut commettre des fautes mais s'amendera après avoir exécuté sa punition, le « bon sauvage » de Jean-Jacques. Comme s'il n'y avait pas aussi quelques irresponsables, que je ne condamne pas moralement car ils sont les premières victimes de leur propre mal. Il est plus prudent de ne pas trop mêler la morale au droit, et de se fonder sur des considérations objectives de sécurité plutôt que sur des concepts de culpabilité. Ces derniers relèvent d'un autre ordre, que les institutions humaines sont malhabiles à apprécier. La justice n'est pas de ce monde... Je suis surtout de ceux qui croient que la paix et la sécurité sont les premières raisons d'être de la société. Nous ne devons pas pour autant oublier que la criminalité fait des victimes, dont la souffrance vaut celle des coupables. Certains articles publiés sous des signatures qui font autorité ne leur accordent aucune attention, ce qui montre le caractère unilatéral de ces plaidoyers qui contiennent par ailleurs bien des observations justifiées.
Nous voterons donc ce texte, auquel des drames récents ont conféré les caractères d'actualité et de nécessité. Je refuse de les qualifier de faits divers. Je regrette une nouvelle fois que ce texte soit encombré par l'alinéa 2 de l'article premier, dont découle l'article 12. Dans cet alinéa, après avoir clairement posé le principe de la rétention de sureté, on croit devoir ajouter que celle-ci ne peut être prononcée qui si la cour d'assises a prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourra faire l'objet d'un réexamen de sa situation en vue d'une rétention de sûreté. On a remplacé « pourrait » par « pourra ». Qu'est-ce que cela change ? On n'est pas plus avancé...
Cette exigence encourage certains à considérer que ce texte peut être critiqué pour rétroactivité. Cette critique me paraît infondée : la cause de la décision de rétention réside dans la dangerosité de ces personnes, constatée hic et nunc par une commission pluridisciplinaire. Elle résulte donc d'un état, non d'un acte, existant au moment de l'examen. La condamnation et la prévision initiales constituent la condition préalable et non la cause de la mise en rétention. Celle-ci, décidée par la commission, est postérieure au vote de la loi.
Les choses iraient encore mieux si l'on supprimait l'alinéa 2, ainsi que l'article 12 qui s'efforce de surmonter la difficulté au prix d'une rédaction où le byzantinisme l'emporte sur la clarté et la sobriété latines auxquelles j'ai la faiblesse de rester attaché. On a justifié cet alinéa par les dispositions de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, selon lequel : « nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans les cas » énumérés par le texte, en premier lieu du fait de la condamnation par un tribunal compétent. Or la rédaction de l'alinéa 2 en fait une disposition dépourvue de portée puisque le fait de prévoir qu'un événement « pourra » se produire est inopérant et relève de l'ornementation. Je suis amateur du baroque dans les beaux-arts mais préfère l'éviter dans la législation. Dès lors, une telle disposition ne saurait jouer pour apprécier la rétroactivité -qu'on agite comme un épouvantail.
En outre, une lecture plus attentive du texte de la convention permet de relever que la condamnation prévue pourrait être la décision de la « juridiction » chargée de prononcer la mise en rétention. Cette décision n'est pas une condamnation au sens pénal le plus courant, mais les dictionnaires, y compris ceux spécialisés dans le droit, montrent que le terme peut avoir une signification plus générale et englober toute décision comportant une obligation.
Enfin, l'une des justifications de la privation de liberté prévue par la convention sans aucun préalable de condamnation est le cas de l'aliénation. Ce terme ne recouvre pas un état très précisément et scientifiquement défini -il l'a été au XIXe siècle, mais la psychiatrie a fait des progrès depuis- et la cour de Strasbourg a déjà relevé que son sens ne cessait d'évoluer. Dans l'hypothèse de l'aliénation, la convention n'exige pas une condamnation préalable.
Cela me renforce dans la conviction que l'alinéa 2 de l'article premier comme l'ensemble de l'article 12 sont une surcharge fâcheuse dans ce texte. La poursuite du débat aurait pu nous permettre d'en faire l'économie, évitant ainsi de prêter le flanc à la critique de rétroactivité. J'espère me tromper, mais je n'en suis pas sûr. Dépourvu de signification, cet alinéa 2 ne peut servir de support à aucune critique grave.
Ces réserves ne m'empêcheront donc pas, comme la plupart de mes amis, de voter un texte que je crois justifié par des réalités qui sont tout autre chose que des faits divers. (Applaudissements à droite et au centre)
La discussion générale est close.
Intervention sur l'ensemble
M. Louis Mermaz. - Au moment de voter les conclusions de la commission mixte paritaire, je veux m'élever contre la façon de pratiquer depuis le sommet de l'État jusqu'au Gouvernement : vous nous demandez de voter des lois dans la précipitation en prenant prétexte de l'émotion légitime de l'opinion publique lorsqu'un un drame survient. En profitant de la douleur des victimes, douleur que nous partageons tous ici, ce projet de loi, loin de leur rendre justice et de leur apporter réparation, va ajouter la confusion à la confusion en détournant paradoxalement l'attention de la nécessaire punition du criminel et en tentant de cacher l'insuffisance des moyens pour assurer l'exécution de la peine au délinquant, un traitement médical et psychiatrique approprié et pour lui permettre ensuite de se réinsérer, une fois la peine accomplie, tout en faisant l'objet d'un suivi médical et social.
Comment expliquer que l'immense majorité des acteurs du monde judiciaire soit violemment hostile à ce projet de loi, y compris ceux qui se sont montrés les plus sévères dans la répression des crimes sexuels ?
Malgré les circonlocutions d'usage et les apports de la commission mixte paritaire, apports dus au Sénat, ce texte instaure la peine après la peine. Il ouvre, comme l'a démontré Robert Badinter, une brèche dangereuse dans notre droit pénal : la rétention de sûreté sanctionne des faits qui n'ont pas été commis, au nom d'une « dangerosité », évaluée en fait par des experts.
Comme si ce manquement grave aux droits de l'Homme ne suffisait pas, ce projet de loi instaure une peine rétroactive. Les subterfuges utilisés pour permettre au Conseil constitutionnel de ne pas censurer la loi ne changent rien à une mesure qui tourne le dos à toute la tradition juridique de notre pays.
Ce projet de loi, né de l'émotion de l'opinion, renvoie à la décision d'experts eux-mêmes soumis aux mêmes émotions, aux mêmes peurs, alors que le diagnostic et le traitement des criminels exigent maîtrise, discernement et sévérité, en se donnant les moyens de prévenir la récidive.
Nos voterons donc contre ce texte néfaste. Il y a quelques années, la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons avait intitulé son rapport « Une honte pour la République ». Depuis, la situation s'est lourdement aggravée, avec l'empilement de lois de plus en plus répressives, sans que l'on s'attaque aux véritables causes de la délinquance. Mieux aurait valu éviter, avec ce texte, une nouvelle honte à la République, dans une période où le pouvoir se comporte avec de plus en plus d'incohérence et de fébrilité et où ses insuffisances commencent à se révéler aux yeux des Français. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Les conclusions de la commission mixte paritaire sont adoptées.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - En adoptant ce projet de loi, vous nous avez donné les moyens de mieux protéger nos concitoyens, en nous permettant de mieux prendre en charge les criminels dangereux condamnés à de longues peines : il s'agit d'une avancée inestimable.
Au cours de la navette, ce texte a été enrichi et c'est tout à l'honneur du Parlement. En cet instant, je pense aux familles de toutes les victimes, à la famille du jeune Enis, aux parents d'Anne-Lorraine... Cette loi n'apaisera ni leurs souffrances, ni le temps perdu. Il serait également illusoire de penser qu'elle empêchera de nouveaux crimes mais nous aurons tout fait pour éviter que de futurs drames se produisent : c'est une question d'honneur et de responsabilité. Je suis fière d'avoir porté ce texte devant vous : merci pour votre vote. (Applaudissements à droite et au centre)
Organismes extraparlementaires (Nominations)
M. le président. - La commission des affaires culturelles a proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires.
La Présidence n'ayant reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Jean-Léonce Dupont et Philippe Adnot respectivement membre titulaire et membre suppléant du comité de suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités et M. Ambroise Dupont membre de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages.
Organismes génétiquement modifiés (Urgence - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.
Discussion des articles (Suite)
Article 2 bis (suite)
M. le président. - J'informe le Sénat que notre collègue Jean-François Le Grand a retiré ses amendements. Nous en sommes parvenus, au sein de l'article 2, à l'amendement n°13 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission.
Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement, insérer un article ainsi rédigé :
« Art. L. 531-4-1. - Le comité scientifique est composé de personnalités désignées en raison de leur compétence scientifique et technique reconnue par leurs pairs, dans les domaines se rapportant au génie génétique, à la protection de la santé publique, aux sciences agronomiques, aux sciences appliquées à l'environnement, au droit, à l'économie et à la sociologie.
« Le comité de la société civile est composé de représentants d'associations, de représentants d'organisations professionnelles, d'un membre du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, d'un député et d'un sénateur membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et de représentants des associations de collectivités territoriales.
M. Jean Bizet, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Il convient de préciser la composition respective des deux comités constituant le Haut conseil des biotechnologies afin de lever la confusion entre deux principes de légitimité distincts : d'un côté la légitimité scientifique des chercheurs, qu'il est d'usage de sélectionner par appel à candidatures et, de l'autre, la légitimité élective de représentants de la société civile désignés par le vote.
J'ai rectifié cet amendement afin de tenir compte de la proposition judicieuse de M. Le Grand d'ajouter des représentants des collectivités territoriales.
M. le président. - Sous-amendement n°239 à l'amendement n° 13 rectifié de M. Bizet au nom de la commission, présenté par le Gouvernement.
I. - Au deuxième alinéa de l'amendement n° 13, après les mots :
se rapportant
insérer le mot :
notamment
II. - Au troisième alinéa du même amendement, après le mot :
composé
insérer le mot :
notamment
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. - Le Gouvernement est favorable à la liste de personnalités prévue par la commission mais il souhaite qu'elle ne soit pas limitative. La représentation des collectivités territoriales me semble judicieuse.
Le sous-amendement n°239, accepté par la commission, est adopté.
M. Jean Desessard. - Nous ne sommes pas opposés par principe à l'amendement n°13 rectifié mais comme nous contestons l'architecture générale du projet de loi, nous nous abstiendrons.
L'amendement n°13 rectifié, sous-amendé, est adopté.
M. le président. - Amendement n°108, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
I. - Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement, insérer un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Le Parlement vote le budget alloué à la Haute autorité. Il est notamment financé par la taxe prévue à l'article L. 535-4.
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes pour l'État résultant du financement de la Haute Autorité par la taxe prévue à l'article L. 535-4 du code de l'environnement sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Jacques Muller. - Pour que la Haute autorité puisse travailler dans de bonnes conditions, il faut qu'elle dispose d'un budget financé en partie par la taxe prévue à l'article 9 qui ne doit pas être plafonnée.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Défavorable. Le principe d'universalité budgétaire commande de ne pas affecter cette taxe. Évitons d'en faire une variable d'ajustement du fonctionnement du Haut conseil, au risque de décourager le dépôt des demandes d'autorisation. On ne peut pas, d'un côté, prévoir une dotation de 45 millions et, de l'autre, décourager les porteurs de projets.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Cet amendement pose un problème de principe : le Haut conseil n'étant pas doté de la personnalité juridique, son budget doit être voté en loi de finances et ajusté en fonction des besoins réels. Défavorable.
L'amendement n°108 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°14 rectifié, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
Avant le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-5 du code de l'environnement, insérer un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Afin de garantir l'indépendance et la dignité de leurs fonctions, et pendant la durée de celles-ci, les membres du Haut conseil des biotechnologies ne prennent, à titre personnel, aucune position publique sur des questions ayant fait ou susceptibles de faire l'objet d'une décision de la part du Haut conseil sans en avoir préalablement informé son président.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Afin d'assurer tout à la fois l'indépendance et la dignité des fonctions de membre du Haut conseil, nous proposons, sans aller jusqu'à leur interdire, comme cela est le cas pour les membres du Conseil constitutionnel, toute expression publique, qu'il leur soit fait obligation d'informer le président, dont le rôle de coordination en sera d'autant mieux assis, avant toute prise de parole publique. Le Haut conseil doit tenir un langage clair, qui mette enfin un terme à la cacophonie qui prévaut depuis trop longtemps sur ce dossier.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Nous partageons votre souci de ne pas voir les positions publiques des membres du Haut conseil nuire au crédit de cette instance. Mais cette disposition, exorbitante du droit commun, risque d'être sanctionnée par le Conseil constitutionnel, si ce n'est déclassée, car elle relève clairement du domaine réglementaire et trouverait mieux sa place dans le règlement intérieur du Haut conseil. Retrait ?
M. Jean Bizet, rapporteur. - Nous n'entendons pas interdire aux membres du Haut conseil toute expression publique. Demander que le président soit informé n'est pas exorbitant. Je maintiens l'amendement, considérant, encore une fois, que les prises de position sur le sujet des OGM doivent être claires.
M. Jean Desessard. - Le rapporteur n'interdit pas aux membres du Haut conseil de s'exprimer, ce qui témoigne d'un souci de transparence que je salue. S'il ne s'agit que d'avertir par courtoisie le président du Haut conseil, pourquoi pas, mais une telle disposition relève en effet du règlement intérieur.
L'amendement n°14 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°109, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-5 du code de l'environnement par les mots :
et du Comité de biovigilance
M. Jacques Muller. - Cohérence avec les dispositions adoptées mardi.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Nous n'avons pas la même appréciation de la cohérence. Défavorable.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°109 n'est pas adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°80, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le rapport d'évaluation transmis par l'État à la Commission européenne, lors de demande d'autorisation, contient les lignes directrices énumérées à l'annexe VI de la directive 2001/18/CE et est accessible au public.
M. Gérard Le Cam. - Je voudrais tout d'abord dire combien j'ai été étonné d'entendre le ministre d'État déclarer à l'antenne, au sujet de la discussion de ce texte : « Tout va bien au Sénat ». Car tout ne va pas bien. M. Le Grand, dont les positions se situent clairement dans le prolongement du Grenelle, vient de jeter l'éponge, découragé par le rouleau compresseur que lui oppose la majorité dont il fait pourtant partie. (M. Pastor renchérit)Lle Gouvernement est désavoué par sa majorité qui vient d'adopter un amendement auquel le ministre était défavorable : la confusion est à son comble. (Protestations sur les bancs UMP)
M. Jean-Marc Pastor. - C'est la grande dérive !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. - Permettez-moi de répondre à M. Le Cam. Nous sommes une assemblée indépendante. Le groupe UMP se prononce en toute liberté : il arrive que certains de nos collègues ne votent pas les amendements du rapporteur... Les rouleaux compresseurs, monsieur Le Cam, ont existé en d'autres temps, dans d'autres pays, mais pas en France !
M. Gérard Le Cam. - Notre amendement n°80 tend à prévoir que les informations prévues à l'annexe 6 de la directive, qui doivent figurer au rapport d'évaluation transmis à la Commission et conditionneront la décision d'autorisation, soient accessibles au public.
Je rappelle que ces informations portent sur l'identification des caractéristiques de l'organisme récepteur pertinentes pour l'évaluation du ou des OGM concernés ; l'identification de tout risque connu que la dissémination dans l'environnement de l'organisme récepteur non modifié comporte pour la santé humaine et l'environnement ; une description du résultat de la modification génétique dans l'organisme modifié ; une évaluation indiquant si la modification génétique a été suffisamment caractérisée pour qu'il soit possible d'évaluer les risques qu'elle comporte pour la santé humaine et l'environnement ; l'identification, fondée sur l'évaluation des risques pour l'environnement menée conformément à l'annexe II, de tout nouveau risque pour la santé humaine et l'environnement qui peut résulter de la dissémination du ou des OGM en question par rapport à la dissémination du ou des organismes non modifiés correspondants ; une conclusion, enfin, sur les questions suivantes : le ou les OGM concernés doivent-ils être mis sur le marché en tant que produits ou éléments de produits et dans quelles conditions ? Le ou les OGM doivent-ils ne pas être mis sur le marché ? Convient-il de demander sur des points spécifiques de l'évaluation du risque pour l'environnement l'avis d'autres autorités compétentes et de la Commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. - Défavorable. Les rapports d'évaluation seront naturellement établis conformément à l'annexe 6, mais en autoriser la publication intégrale serait contraire à l'article 25 de la directive, qui reconnaît des motifs légitimes de confidentialité tenant au secret industriel et à la sécurité de l'État. On ne peut pas, d'un côté, encourager la recherche en lui accordant 45 millions, comme vient de le faire le Gouvernement, et, d'un autre côté, faire peur aux chercheurs et aux industriels en livrant leurs secrets.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Défavorable. Ces dispositions, de nature réglementaire, sont déjà inscrites à l'article R. 533-30 du code de l'environnement.
M. Jean Desessard. - Le président Émorine a renvoyé un peu brutalement nos camarades communistes dans les cordes. Votre vision du communisme, monsieur le président, me semble quelque peu datée, et vous feriez bien de l'actualiser. (Protestations sur les bancs UMP)
M. Le Cam a raison : le Gouvernement est désavoué par sa majorité ; M. Le Grand est marginalisé, alors que son souci de tenir compte du Grenelle de l'environnement était louable... Regrettable, et vous allez vous en apercevoir rapidement aux élections municipales.
Mme Bernadette Dupont. - Chantage !
M. Jean Desessard. - Non, lucidité. Vos promesses sur le pouvoir d'achat ? Non tenues.
M. Gérard César. - Rien à voir !
M. Jean Desessard. - Vos promesses sur le Grenelle ? Non tenues, et celles-là, pourtant, vous pouviez les tenir ! Non, monsieur le ministre d'État, tout ne va pas si bien au Sénat !
M. le président. - Le Sénat, parfaitement éclairé par ces explications de vote, va pouvoir se prononcer sur l'amendement.
L'amendement n°80 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°15, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
Compléter l'intitulé de ce chapitre par les mots :
et coexistence entre cultures
M. Jean Bizet, rapporteur. - Cette formulation clarifie l'intitulé du chapitre.
L'amendement n°15, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°193, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Avant l'article 3, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
Dispositions relatives aux plantes génétiquement modifiées (PGM)
M. Daniel Raoul. - Comme je l'ai déjà souligné, l'essentiel du projet de loi porte sur les plantes génétiquement modifiées (PGM) ; l'expression de « coexistence entre cultures » est ambiguë puisqu'il ne s'agit nullement ici de cultures en laboratoire, mais bien de plantes génétiquement modifiées cultivées en plein champ.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Je comprends votre souci de mieux distinguer les OGM et les PGM, mais votre proposition ne rend pas le texte plus clair pour autant : Avis défavorable.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Daniel Raoul. - C'est succinct.
L'amendement n°193 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°16, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
I. Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre II du titre VI du livre VI du code rural, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre II bis
« La culture des plantes génétiquement modifiées
« Art. L. 662-4.- Est obligatoire l'étiquetage des semences dans lesquelles la présence d'organismes génétiquement modifiés est supérieure à un seuil défini par décret après avis du comité scientifique du Haut conseil institué par l'article L. 531-3 du code de l'environnement. »
II. En conséquence, remplacer respectivement dans l'ensemble du texte les références :
L. 663-8, L. 663-9, L. 663-10 et L. 663-11
par les références :
L. 662-5, L. 662-6, L. 662-7 et L. 662-8.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Pour plus de transparence, nous souhaitons rendre obligatoire l'étiquetage de la présence d'OGM dans les semences.
M. le président. - Amendement n°127, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre VI du livre VI du code rural est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. .... - Pour les semences et plantes génétiquement modifiées, toute mention d'une variété génétiquement modifiée, quel que soit son support (catalogues, étiquettes, publicités, bons de commande, bons de livraison, factures, etc.), doit indiquer clairement que la variété est génétiquement modifiée. »
M. Jacques Muller. - La directive communautaire relative au catalogue commun des variétés exige que toute variété génétiquement modifiée soit indiquée comme telle dans ce catalogue. Cette disposition, cependant, n'a pas été transcrite en droit interne. Les catalogues vantent les mérites de semences sans indiquer que la variété est OGM et ce n'est qu'au moment de la réception de leur lot de semences, que les agriculteurs peuvent constater que la variété est un OGM. Nous souhaitons donc une meilleure information des agriculteurs.
M. le président. - Amendement n°218 rectifié, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour les semences et plantes génétiquement modifiées, toute mention d'une variété génétiquement modifiée, quel que soit son support (catalogues, étiquettes, publicités, bons de commande, bons de livraison, factures) doit indiquer clairement que la variété est génétiquement modifiée.
M. Jean-Marc Pastor. - Nous souhaitons également un étiquetage complet.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Les amendements n°s127 et 218 rectifié ne font pas mention du seuil ; de plus, ils sont satisfaits par l'amendement de la commission.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - La question du seuil est centrale, mais elle est de compétence communautaire. La Commission européenne doit statuer, mais elle n'a pas encore tranché. En attendant, il est possible de fixer ces seuils par voie réglementaire, mais nous préférons laisser les instances communautaires parvenir au terme de leur réflexion : Retrait, sinon rejet de l'amendement n°16. Avis défavorable à l'amendement n°127, ainsi qu'à l'amendement n°218 rectifié.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Soit, mais serait-il possible de rectifier l'amendement en retirant le paragraphe relatif à l'étiquetage ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Le retrait est plus clair.
L'amendement n°16 est retiré.
L'amendement n°127 n'est pas adopté.
M. Daniel Raoul. - Le rapporteur nous a dit que notre amendement était satisfait par le sien... mais il vient de le retirer ! Notre amendement est meilleur que celui de la commission, puisqu'il ne fait pas référence à un seuil : nous mentionnons seulement l'étiquetage ; c'est un gage de la transparence que vous prétendez souhaiter !
M. Jean-Marc Pastor. - Nous comprenons parfaitement que le seuil doive être défini par les instances communautaires, mais cela n'interdit en rien que l'étiquetage soit précisé sur le plan national.
Mme Évelyne Didier. - C'est à travers ce genre de signes que les citoyens évalueront ce texte. Les seuils sont définis par la Commission européenne, d'accord, mais nos concitoyens attendent que nous garantissions leur information sur la présence d'OGM, ce qui passe par l'étiquetage. Agir autrement serait se moquer d'eux.
M. Jean Bizet, rapporteur. - La matière est communautaire : nous ne pouvons pas faire semblant d'être seuls ! Nous voulons tous un étiquetage précis et complet, laissons les instances communautaires poursuivre leur réflexion, engagée depuis plusieurs années, car le problème n'est pas simple.
M. le président. - Vous avez déjà expliqué votre vote, monsieur Pastor, mais à titre exceptionnel, je veux bien vous redonner la parole.
M. Jean-Marc Pastor. - Merci, monsieur le président, d'accepter que ce débat se développe : nous n'obtenons pas satisfaction sur tous nos amendements mais, au moins, la parole a droit de cité dans notre hémicycle ! Je comprends mieux que M. Borloo dise que tout se passe bien au Sénat. (Sourires) M. le rapporteur, avec son amendement, proposait un étiquetage et, maintenant qu'on lui dit que les seuils sont communautaires, il ne veut plus d'aucun étiquetage, même sans précision de seuil : je ne comprends plus !
M. Daniel Raoul. - Pour éviter toute ambiguïté, je propose de rectifier l'amendement pour faire référence aux semences et plantes « reconnues » génétiquement modifiées.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Cela reste peu clair : reconnu par qui, comment ? Fait-on référence à la directive ? (M. Raoul le confirme) Il serait préférable de réfléchir encore à la question, quitte à y revenir lors d'une prochaine lecture.
M. Jean Bizet, rapporteur. - La réflexion est en cours au sein de la Commission européenne. Nous sommes dans un environnement communautaire ; prendre aujourd'hui position au niveau national compliquerait les choses et n'apporterait aucune lisibilité. L'avis reste défavorable.
M. Daniel Raoul. - Vous n'êtes pas breton...
M. Jacques Muller. - Voter cet amendement d'appel constituerait un signal positif pour la suite.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Je vous propose de retirer l'amendement au bénéfice d'un travail plus approfondi sur la question qui pourrait aboutir lors de la prochaine lecture.
L'amendement n°218 rectifié bis n'est pas adopté.
Article 3
Dans le chapitre III du titre VI du livre VI du code rural sont insérés les articles L. 663-8 et L. 663-9 ainsi rédigés :
« Art. L. 663-8. - La mise en culture des végétaux autorisés au titre de l'article L. 533-5 du code de l'environnement ou en vertu de la réglementation communautaire est soumise au respect de conditions techniques relatives aux distances entre cultures ou à leur isolement, visant à éviter la présence accidentelle d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres productions.
« Ces conditions techniques sont fixées par l'autorité administrative, selon des modalités définies par décret.
« Art. L. 663-9. - Le respect des prescriptions prévues à l'article L. 663-8 est contrôlé par les agents mentionnés au I de l'article L. 251-18. Ces agents sont habilités à procéder ou ordonner, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'agriculture, tous prélèvements et analyses nécessaires à l'exercice de cette mission.
« Les sanctions que l'autorité administrative peut prononcer comprennent la destruction totale ou partielle des cultures.
« Les frais entraînés par ces sanctions sont à la charge de l'exploitant. »
M. Jacques Muller. - Même s'il n'incombe pas au législateur de fixer le périmètre d'isolement des cultures, cela reste une question essentielle, stratégique pour la protection des cultures et la diffusion des OGM dans l'environnement.
En tant qu'ingénieur agronome, le chiffre de 50 mètres, martelé par l'association générale des producteurs de maïs (AGPM), qui figure dans les arrêtés pris en 2006, me laisse perplexe. Chez nos voisins européens, le périmètre moyen se situe entre 200 et 300 mètres : avec 50 mètres, la France est le pays le plus laxiste de toute l'Union, après la Hollande ! Pour les essais en plein champ de nouvelles variétés de maïs OGM, le périmètre est fixé à 400 mètres. Pour une culture commerciale, il passerait à 50 mètres ? C'est incohérent. Les études internationales sont beaucoup plus prudentes : selon l'unité de recherche de Worcester, le pollen de maïs se propage bien au-delà d'un périmètre de 200 mètres. Enfin, les semenciers s'imposent déjà un périmètre prudentiel de 300 à 400 mètres. Ayons un minimum de cohérence !
Sur la méthode, les auditions de scientifiques de l'Inra que j'avais demandées ont été refusées. Compte tenu de l'incohérence des chiffres en cause, il aurait pourtant été utile de bénéficier d'un éclairage scientifique. Or le rapporteur, M. Bizet, a répondu qu'il était hors de question d'envisager un périmètre supérieur à 50 mètres au motif que les structures agricoles françaises étaient trop petites : on empêcherait la diffusion souhaitée des OGM ! Le périmètre est pourtant là pour protéger les structures qui ne souhaitent pas d'OGM dans leur production !
La question de la distance de sécurité doit être abordée par le Haut conseil. Il est hors de question de définir les périmètres en catimini, par arrêté ministériel ou par décret. (M. Desessard applaudit longuement)
M. Jean Bizet, rapporteur. - Par cohérence avec le retrait de notre amendement n°16, l'amendement n°17 est retiré.
Nous reviendrons sur la question des périmètres lors de la discussion des amendements. Au cours de la dernière saison céréalière, sur 22 000 hectares, il n'a été fait état d'aucun problème spécifique. Les scientifiques préconisaient 25 mètres : par souci de sécurité, M. Bussereau a opté pour 50 mètres.
Il faut distinguer la distance parcourue par le pollen et son pouvoir de germination. La durée de vie d'un pollen de maïs est de deux heures. Des études contradictoires menées dans le sud-ouest démontrent qu'au-delà de douze rangs, soit 10 mètres, la présence fortuite d'OGM est de 0,3 %.
En Angleterre, le périmètre est de 25 mètres, contre 700 à 800 mètres dans certains pays d'Europe centrale et orientale, car les structures parcellaires sont différentes ! Nous n'avons pas à réserver cette technologie novatrice aux seuls agriculteurs qui disposent d'une grande surface.
M. Muller a assisté au colloque que j'ai coprésidé avec notre collègue de l'Assemblée nationale et a entendu l'ensemble des scientifiques : tous ont insisté sur la dimension spatio-temporelle du transport du pollen.
L'amendement n°17 est retiré.
M. le président. - Amendement n°110, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Remplacer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural par trois alinéas ainsi rédigés :
« La mise en culture des végétaux autorisés au titre de l'article L. 533-5 du code de l'environnement ou en vertu de la réglementation communautaire, ainsi que les opérations d'obtention des semences, d'importation, de récolte, de stockage, de transport, de conditionnement, de transformation et de distribution sont soumises au respect de conditions techniques, destinées à éviter la présence d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres productions.
« Les personnes impliquées dans le processus de culture, d'importation, de transport, de stockage, de transformation et de distribution des organismes génétiquement modifiés doivent attester d'un certificat obtenu à l'issue d'une formation permettant d'obtenir les connaissances, les compétences et l'équipement nécessaire pour prendre les mesures adéquates destinées à prévenir les disséminations fortuites d'organismes génétiquement modifiés.
« Cette formation, dont les coûts sont pris en charge par les opérateurs concernés, est valable 5 ans.
M. Jacques Muller. - Le champ d'application des mesures destinées à éviter une contamination ne doit pas être limité aux contaminations issues de cultures.
Il existe d'autres sources de contamination possible : les négligences humaines, dans le stockage, le transport, la transformation, le conditionnement ou la distribution ne peuvent être laissées de côté. Du reste, la plupart des États européens mettent en place de telles mesures et obligent toute personne intervenant dans la filière des productions génétiquement modifiées à posséder une formation et un certificat : c'est le cas en Allemagne, en Hongrie, au Danemark...
M. le président. - Amendement n°53 rectifié, présenté par M. Soulage et les membres du groupe UC-UDF.
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, après les mots :
La mise en culture
insérer les mots :
, la récolte, le stockage, le transport, la transformation, le conditionnement et la distribution
M. Daniel Soulage. - Les contaminations issues de cultures ne sont pas seules en cause, comme vient de le souligner notre collègue. Des mesures concrètes comme le nettoyage des machines utilisées pour la récolte sont efficaces ; il serait bon de les généraliser afin de réduire les risques.
M. le président. - Sous-amendement n°241 à l'amendement n° 53 rectifié de M. Soulage et les membres du groupe UC-UDF, présenté par le Gouvernement.
Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 53 rectifié, supprimer les mots :
, la transformation, le conditionnement et la distribution
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Je suis favorable à un élargissement des compétences réglementaires pour les activités de l'amont où sont manipulés et transportés des produits issus d'OGM. Mais il faut rester dans les limites du raisonnable et exclure les secteurs de la transformation, du conditionnement et de la distribution.
M. le président. - Amendement n°194 rectifié, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, remplacer les mots :
est soumise
par les mots :
, ainsi que les opérations d'obtention des semences, d'importation, de récolte, de stockage, de transport, de conditionnement, de transformation et de distribution sont soumises
M. Jean-Marc Pastor. - Il n'y a pas seulement la culture au champ, mais le transport, le stockage, l'arrivée dans les ports de produits importés, etc. Et la réponse de l'OMC n'a rien pour rassurer nos concitoyens. Les oléagineux importés, soja en particulier, doivent être soumis au même régime que les produits français. Le contraire serait une aberration !
M. le président. - Amendement n°192, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, après les mots :
conditions techniques
insérer le mot :
notamment
M. Jean-Marc Pastor. - Il est exposé.
M. le président. - Amendement n°76, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.
I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, supprimer les mots :
relatives aux distances entre cultures ou à leur isolement
II. - Compléter ce même alinéa par les mots :
et dans l'environnement en général
M. Gérard Le Cam. - Amendement de repli. Nous voulons étendre les conditions techniques requises pour les cultures en plein champ à d'autres critères que la seule distance de recul. Mais nous demeurons fondamentalement sceptiques à l'égard de ces mesures.
M. le président. - Amendement n°111, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, supprimer le mot :
accidentelle
M. Jacques Muller. - Le caractère prévisible des contaminations a été admis par le Gouvernement puisque celui-ci nous présente des mesures de « protection » des cultures conventionnelles contre une « contamination » par les OGM. La recherche scientifique a du reste prouvé que la contamination n'est pas accidentelle mais inévitable.
M. le président. - Amendement n°59, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural par deux phrases ainsi rédigées :
Le respect de la distance de recul incombe aux parcelles d'organismes génétiquement modifiés. Le respect de l'existant, ruchers, propriétés privées est toujours prioritaire.
Mme Évelyne Didier. - C'est à celui qui cultive des OGM de prendre des dispositions pour l'isolement, non à ses voisins ! On demande pourtant à certains apiculteurs de déplacer leurs ruches. Le respect de l'existant, dans la faune comme dans la flore, est toujours prioritaire. Les gênés s'en vont, les gênants restent ? Eh bien non !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Défavorable au n°110, satisfait partiellement par le n°53 rectifié. Favorable à ce dernier, s'il est assorti du sous-amendement n°241. Défavorable au n°194 rectifié, mais favorable au 192, défavorable au n°76, comme au 111 -la contamination est nécessairement fortuite. Quant au n°59, il est satisfait mais je me réjouis que le groupe CRC soit soucieux du respect de la propriété privée ! (Rires à droite ; sourires sur certains bancs socialistes)
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Défavorable à l'amendement n°110. J'accepte un élargissement du domaine réglementaire mais uniquement aux activités d'amont : tel est le sens de mon sous-amendement n°241. Je préfère ma rédaction à celle de l'amendement n°194 rectifié.
Favorable à l'amendement n°192 ; il faudra modifier en conséquence l'article L. 671-14 du code, pour préciser quelles infractions ont le caractère de délit. Ce sera l'objet d'un amendement à l'article 4. L'amendement n°76 est incompatible avec l'amendement n°192 : défavorable. La directive européenne traite bien des contaminations accidentelles : il est difficile de supprimer ce terme ; avis défavorable à l'amendement n°111.
Sur le principe, nous serions favorables à l'amendement n°59, mais à l'évidence, le respect de la distance de recul incombe à celui qui cultive des OGM, non à ses voisins ; la jurisprudence est sans équivoque. La précision est par conséquent inutile.
L'amendement n°110 n'est pas adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le sous-amendement n°241.
M. Jean-Marc Pastor. - Sans produire de maïs semence, je participe à l'organisation de cette activité dans ma commune. Les producteurs doivent respecter une distance de 50 à 400 mètres au minimum, sachant que la durée de vie du pollen de maïs est limitée à deux heures et que la phase de fécondité n'excède pas une heure et demie. La probabilité d'une véritable fécondation est donc faible si les précautions tiennent compte du vent dominant.
Or, le sous-amendement écarte du champ d'application le conditionnement, la transformation et la distribution. Le soja OGM pourra donc être importé sans aucune des conditions restrictives imposées aux agriculteurs français.
Mme Évelyne Didier. - Très juste !
M. Jean-Marc Pastor. - Je comprends les barrières imposées aux agriculteurs produisant des semences génétiquement modifiées mais de grâce, appliquons les mêmes restrictions aux OGM importés ! Ne commettons pas de distorsion au détriment des agriculteurs français.
Le sous-amendement n°241 est adopté.
M. Jean-Marc Pastor. - La République est ébranlée ! Il n'y a plus d'équité !
M. le président. - Je mets en voix l'amendement n°53 rectifié, sous-amendé.
M. Gérard Le Cam. - Ainsi, l'intégralité du monde agricole se voit imposer des exigences dont, comme par hasard, les industriels, les transporteurs et les transformateurs seront exemptés. Ce n'est pas normal !
L'amendement n°53 rectifié, sous-amendé, est adopté.
L'amendement n°194 rectifié devient sans objet.
L'amendement n°92 est adopté.
L'amendement n°76 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°111.
M. le président. - Je mets aux voix l'amendement n°59.
M. Gérard Le Cam. - On me dit qu'il est satisfait. Pourtant, le tribunal de Marmande a condamné l'apiculteur. Cette décision a été confirmée en appel. Il a donc dû reculer ses ruches.
J'espère qu'à l'avenir la justice tiendra compte de nos débats.
Mme Marie-Christine Blandin. - La majorité de notre assemblée semble convaincue des bienfaits des OGM au point d'oublier comment elle réagit face à d'autres nuisances. Imaginez qu'une boîte de nuit bruyante vienne ouvrir à côté d'une résidence pour personnes âgées. Nul n'inviterait celles-ci à déménager pour éviter les nuisances. C'est pourtant la solution retenue en matière d'OGM.
Je confirme que le tribunal de Marmande a contraint l'agriculteur victime de nuisances à déplacer les ruches. Appliquons la même approche à tous les cas.
L'amendement n° 59 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°54 rectifié, présenté par MM. Soulage et Laffitte.
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La culture d'organismes génétiquement modifiées est interdite dans les parcs naturels nationaux et dans les parcs naturels régionaux.
M. Daniel Soulage. - La table ronde « Préserver et gérer la biodiversité et les milieux naturels » du Grenelle de l'environnement a rappelé que la biodiversité permettait au vivant de faire face aux changements de l'environnement, si bien qu'amenuiser ce potentiel d'évolution réduirait aussi notre capacité d'adaptation : « C'est en ce sens que la biodiversité est notre assurance vie. »
Parallèlement, l'intérêt du projet de trame verte maillant l'ensemble du territoire a été affirmé avec force.
Les parcs naturels nationaux ou régionaux ont pour objet de préserver un patrimoine naturel particulièrement remarquable. Formant la base de cette trame verte, ils permettent de préserver la biodiversité sur nos territoires. Cela justifie amplement de promouvoir une agriculture durable, sans OGM, dans ces zones particulièrement sensibles.
Mme Évelyne Didier. - Bravo !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Si les plants génétiquement modifiés sont dangereux, il faut les interdire partout. En revanche, dès lors que le principe de précaution est respecté, on ne voit pas pourquoi les prohiber dans les parcs naturels.
Au demeurant, je ne suis pas certain qu'il y ait beaucoup de cultures agricoles dans les parcs nationaux.
Par ailleurs, la disposition serait contraire au droit européen.
Enfin, la loi institue le droit de produire et de consommer avec ou sans OGM. Pourquoi en exclure certains agriculteurs ? Je remercie M. Raffarin, alors Premier ministre, de m'avoir confié une mission de réflexion sur les produits sous signes de qualité. Ils représentent 20 % de notre production agricole. N'oublions pas les autres 80 % ! Et ne privons pas une fraction de notre territoire de ce qu'apportent les nouvelles technologies.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Ce sujet extrêmement difficile a déjà été débattu il y a un an.
L'article 19 de la directive dispose qu'un organisme génétiquement modifié ayant reçu l'autorisation de mise sur le marché peut être utilisé sur l'ensemble du territoire de la Communauté, sous réserve des conditions spécifiques d'utilisation, d'environnement et de zones géographiques. Les parcs nationaux sont-ils concernés par cette restriction ? La deuxième partie de l'article est ambiguë, mais la première est claire.
Avis défavorable.
M. Daniel Soulage. - C'est précisément l'absence actuelle d'agriculture intensive qui justifie l'amendement. La trame verte souhaitée par le Grenelle de l'environnement serait-elle incompatible avec le droit européen ?
L'amendement n° 54 rectifié est retiré.
Mme Marie-Christine Blandin. - Je le reprends.
M. le président. - Ce sera donc l'amendement n°54 rectifié bis.
Mme Marie-Christine Blandin. - Si c'est dangereux, c'est interdit ; si ça ne l'est pas, il n'y a aucune raison pour l'interdire... La distinction du rapporteur est manichéenne : quid des territoires privilégiés pour la biodiversité que sont les parcs ? L'impact des cultures OGM ne se limite pas à la dangerosité, sans quoi nous aurions tous fait nos valises : elles affectent aussi cette biodiversité à laquelle veille la Fédération nationale des parcs. Comment valider les chartes des parcs, que devient l'engagement des conseils régionaux pour des territoires sans OGM ? Notre Constitution ne le permet pas ? Au-delà de celle que nous connaissons, coûteuse et chichement comptée, voilà une occasion de dire que nous sommes pour une véritable décentralisation.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Il faut être très clair. L'Inra estime que la biodiversité n'est pas menacée et la proposition est anti communautaire. Quant à l'expression des régions, c'est une posture que l'Union a déjà condamnée : une posture n'est jamais très loin de l'imposture...
Mme Marie-Christine Blandin. - Prenez un miroir !
M. Pierre Laffitte. - Sur le plan des principes, cet amendement est parfaitement raisonnable mais, compte tenu de la position de la commission et du Gouvernement, je m'abstiendrai en souhaitant que les collectivités locales participent au comité de biovigilance comme à la Haute autorité.
M. Jean Bizet. - Vous avez déjà été entendu : nous avons voté un amendement en ce sens ce matin.
M. Pierre Laffitte. - Je voterai donc contre l'amendement.
M. Gérard Longuet. - Je remercie M. Soulage d'avoir retiré son amendement, ce qui m'a dispensé de voter contre. Président de conseil régional, j'ai soutenu un parc pendant douze ans. Ce sont des espaces vivants où travaillent des agriculteurs et des artisans. Ne les démobilisons pas en accumulant des contraintes qui poussent déjà des conseils municipaux à vouloir quitter les parcs. Il faut repousser cet amendement qui est le contraire de ce que nous voulons. (« Très bien ! » à droite)
M. Jacques Gautier. - Je suivrai l'avis défavorable de la commission. Ce sont les mêmes régions qui font des effets d'annonce et qui construisent des terminaux pour importer du soja OGM : il faut savoir ce que l'on veut !
L'amendement n°54 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°228 rectifié, présenté par M. Soulage et les membres du groupe UC-UDF et M. Laffitte.
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Afin de prévenir la contamination des cultures non génétiquement modifiées par des essais en plein champ ou des mises en culture d'organismes génétiquement modifiés, des zones de protection peuvent être créées dans le périmètre desquelles l'autorité administrative interdit l'implantation de cultures d'organismes génétiquement modifiés.
« Ces distances de protection sont de 100 mètres pour les cultures conventionnelles et de 300 mètres pour les cultures biologiques, pour les cultures allogames. Elles s'entendent par nature de culture.
« Elles peuvent cependant être réduites en tenant compte des tailles relatives des champs émetteurs et donneurs, des caractéristiques des vents dominants, de la synchronisation des floraisons et de l'hétérogénéité spatiales (haies, relief).
« Ces distances pourront être révisées tous les deux ans, sur la base de travaux scientifiques.
M. Daniel Soulage. - Les OGM inquiètent alors qu'ils représentent un atout pour notre agriculture. Pour permettre une coexistence des cultures, il convient de prévoir une séparation stricte grâce à des zones de protection étanches. Le décret actuellement soumis au Bundesrat prévoit déjà un intervalle de 100 à 300 mètres. Les experts estiment que cela préviendrait la pollinisation et la contamination des cultures traditionnelles par les OGM. La recommandation actuelle de la France est insuffisante car, à 50 mètres, on se situe au-delà du seuil règlementaire de 0,9 % pour l'étiquetage.
L'espacement serait calculé de parcelle à parcelle, en tenant compte de l'exploitation dans son ensemble ainsi que de l'historique des cultures afin d'éviter qu'un agriculteur plante bio par opportunisme pour empêcher son voisin de semer des OGM. La réglementation sur ces zones de protection devra en outre être régulièrement révisée à la lumière des nouvelles découvertes scientifiques. Le décret prévoirait les assouplissements opportuns. Bien sûr, les zones de protection ne valent que pour les cultures allogames, comme le maïs.
M. le président. - Amendement n°227 rectifié, présenté par M. Soulage et les membres du groupe UC-UDF.
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Afin de prévenir la contamination des cultures non génétiquement modifiées par des essais en plein champ ou des mises en culture d'organismes génétiquement modifiés, des zones de protection peuvent être créées dans le périmètre desquelles l'autorité administrative interdit l'implantation de cultures d'organismes génétiquement modifiés.
« Les distances de protection s'entendent par nature de culture. Elles sont fixées par le ministère en charge de l'agriculture.
« Elles sont définies comme les distances à partir desquelles la dissémination entre les cultures est inférieure au seuil réglementaire. Ces distances prennent notamment en considération les distances de pollinisation, et pourront être pondérées par les tailles relatives des champs émetteurs et donneurs, les caractéristiques des vents dominants, la synchronisation des floraisons et l'hétérogénéité spatiales (haies, relief).
« Ces distances pourront être révisées tous les deux ans, sur la base de travaux scientifiques.
M. Daniel Soulage. - Mon amendement rassurerait nos concitoyens ainsi que les agriculteurs biologiques. Grâce au projet Sigmea, les scientifiques ont déterminé toute une série de facteurs propres à limiter la dissémination des gènes modifiés et à rester en deçà du seuil de 0,9 %. Selon Antoine Messean, directeur de l'unité Impact écologique des innovations à l'Inra, les risques sont gradués suivant le contexte cultural et suivant les caractéristiques des OGM. Pour le maïs, il peut suffire d'organiser la récolte séparément, sinon des décalages de semis ou des distances de sécurité sont efficaces quoique pas toujours faciles à appliquer, la séparation géographique étant la solution raisonnable en cas de grande densité de maïs ou pour des espèces comme le soja. Cependant, la coexistence à l'échelle locale est techniquement impossible pour des filières, telles que l'agriculture biologique, qui revendiquent une absence totale d'OGM. Les travaux de l'Inra ayant mis en évidence les principaux facteurs de pollinisation croisée entre champs de maïs (taille des champs, distance, synchronisation des floraisons, vents), je propose que le ministre de l'agriculture, auquel je voudrais associer celui de l'écologie, définisse des distances de protection adaptée.
On constate un réel engouement pour le bio que le Grenelle de l'environnement a décidé de multiplier par trois. Si on veut y arriver, nos producteurs doivent retrouver confiance. Or certaines informations n'y contribuent pas et si la science a avancé, il faut que les vérités soient démontrées au niveau local.
Il faut faire des essais et publier les résultats sous le contrôle de l'Inra. Certes, il faut empêcher les faucheurs de détruire le travail des scientifiques, mais il faut aussi que la paix revienne et que ceux qui se consacrent à une agriculture plus respectueuse de l'environnement ne demeurent pas dans le doute. Je lis dans certains rapports que l'isolement ne pourra être organisé que par régions. Faut-il que les agriculteurs biologiques déménagent ? (Marques d'approbation sur les bancs socialistes)
M. Jean Bizet, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°227 rectifié.
J'ai déjà dit que je ne partageais pas cette approche de la contamination. Les prescriptions techniques permettent la coexistence des cultures. Cet amendement exclut les champs de culture d'OGM sans tenir compte des observations des chercheurs. L'architecture de l'ensemble du texte repose sur la coexistence des cultures OGM et non OGM.
Ensuite, le droit communautaire empêche de décréter des zones d'interdiction des OGM. L'article premier du projet de loi prévoit en conséquence la liberté de produire avec ou sans OGM, et cet amendement s'en écarte.
Je félicite le rapporteur de l'amendement pour son honnêteté intellectuelle. Il a reconnu que, si certaines cultures étaient « opportunément » localisées, cela empêcherait les cultures d'OGM. Donc, cet amendement pourrait mener à ce que celles-ci soient exclues de certaines parties du territoire. M. Longuet a fort justement expliqué que, si les parcs méritent d'être protégés, il ne faut pas en faire des sanctuaires.
M. Gérard Longuet. - Ou des mouroirs !
M. Jean Bizet. - Il ne faut pas les ghettoïser et que les créateurs de richesses les désertent.
M. Soulage veut que la confiance soit restaurée, et il a raison. Mais nous ne pouvons mieux faire. Monsieur Mercier, je vous regarde droit dans les yeux, la confiance a été rétablie il y a quelques années. Vous étiez présent lors de ce débat qui a abouti au vote de la charte de l'environnement, dont Mme Kosciusko-Morizet était le rapporteur à l'Assemblée nationale. Le principe de protection est là pour restaurer la confiance. C'est un principe d'action, d'anticipation et non de suspicion, comme il est, malheureusement, de plus en plus perçu par les citoyens.
Je demande à M. Soulage de faire acte de foi, car je ne peux donner qu'un avis défavorable à l'amendement n°227 rectifié.
Avis défavorable à l'amendement n°228 rectifié car il comporte en outre une disposition de nature réglementaire
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - L'amendement n°228 rectifié prévoit la révision des distances de protection, qui relève du domaine réglementaire en vertu de l'article L. 663-8 du code rural. Avis défavorable.
Le Gouvernement est favorable aux premier et quatrième alinéas de l'amendement n°227 rectifié. Toutefois, le troisième alinéa apporte une précision qui n'est pas du domaine législatif, et le deuxième contredit un sous-amendement présenté ultérieurement dans lequel nous demandons que ces distances soient fixées par le ministère de l'agriculture après avis du Haut conseil et du ministère chargé de l'environnement. En conséquence, avis défavorable à l'amendement.
M. Michel Mercier. - Sauf s'il est rectifié.
M. Daniel Soulage. - Je retire l'amendement n°228 rectifié puisque la révision des distances est de nature réglementaire. Nous sommes prêts à rectifier l'amendement n°227 rectifié en tenant compte des observations du ministre.
L'amendement n°228 rectifié est retiré.
M. Michel Mercier. - Nous proposons de supprimer le troisième alinéa de l'amendement n°227 rectifié et de modifier le deuxième en précisant que les distances de protection sont fixées par le ministère en charge de l'agriculture après avis du ministère chargé de l'environnement.
M. Gérard César. - Je ne sais si mes collègues s'y retrouvent, mais il serait préférable de disposer du texte exact de l'amendement. Je propose pour cela une suspension de séance pour que nous puissions réunir la commission.
La séance, suspendue à midi quarante, reprend à 15 heures.
présidence de M. Christian Poncelet
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.
Financement de la dépendance
M. Claude Domeizel . - Le Président de la République a réuni hier les partenaires sociaux afin d'évoquer les réformes sociales à venir. (Exclamations à gauche) Le programme est particulièrement chargé : plus de huit textes sont annoncés simultanément. Quand on veut tout faire en même temps, on risque la thrombose sociale... Mais il est vrai que nous sommes maintenant habitués à la frénésie présidentielle...
M. Josselin de Rohan. - Quand on ne fait rien, ils ne sont pas contents non plus !
M. Claude Domeizel. - ...et qu'à la veille d'élections importantes, les effets d'annonce peuvent toujours servir. Sait-on jamais... Au programme : les retraites, l'organisation du système de santé, la politique familiale, la dépendance et les personnes âgées, sujet que le Gouvernement et sa majorité parlementaire semblent soudainement redécouvrir à travers la mission instituée ici même au Sénat. Tout à coup, vous voulez réformer la loi sur la dépendance sans qu'aucun bilan ait été dressé. Peut-être craignez-vous que l'on se rende compte que vous n'avez pas respecté vos engagements depuis 2003 : les conseils généraux financent 70 % de la dépendance, contre 30 % pour l'État alors que le coût devrait être supporté à égalité par les deux.
M. Guy Fischer. - Eh oui !
M. Claude Domeizel. - Depuis 2003, la participation de l'État n'a pas varié bien que le nombre de bénéficiaires soit passé de 550 000 à 1 million.
M. René Garrec. - Et ce n'est pas fini !
M. Claude Domeizel. - Le Président de la République n'a pas annoncé un euro supplémentaire pour la dépendance. Il est vrai que les 15 milliards de cadeaux fiscaux de l'été dernier vous empêchent de faire un geste envers ceux qui en ont le plus besoin ! (Protestations à droite)
M. Josselin de Rohan. - Ah, cela faisait longtemps !
M. Claude Domeizel. - En clair, pour faire face à la dépendance, les Français devront compter sur leurs propres moyens, soit sur leur patrimoine, s'ils en ont un, soit sur les assurances privées. A moins que, monsieur le ministre, vous n'annonciez des mesures concrètes...
M. Guy Fischer. - Deux cents euros !
M. Claude Domeizel. - ...qui prouvent que vous n'avez pas sonné le glas d'une prise en charge solidaire de la dépendance dans notre pays.
M. le président. - Monsieur le sénateur, posez votre question !
M. Claude Domeizel. - Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements à gauche)
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité . - Ce qui pourrait créer une thrombose sociale, c'est l'absence de réformes.
M. René Garrec. - Juste !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Monsieur le sénateur, rassurez-vous, nous mènerons toutes les réformes dont notre pays a besoin. (Applaudissements à droite)
M. Jacques Mahéas. - Dont la réforme fiscale ? On le voit, elle fonctionne !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Et ces réformes, nous ne les avons pas décidées seuls dans notre bureau. Ce sont les Français qui les ont voulues, ce sont les Français qui ont élu M. Sarkozy en mai dernier ! (Vifs applaudissements à droite)
M. Jacques Mahéas. - C'est ce qu'on verra aux municipales !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Monsieur Domeizel, pour bien parler de réformes, il faut avoir des références. Et les socialistes, en matière de réformes, n'en ont pas... Vous avez créé l'allocation personnalisée d'autonomie. Eh bien, il aurait fallu prévoir le financement correspondant ! (Protestations à gauche ; applaudissements à droite) Vous jugez sévèrement les erreurs du parti socialiste ? Eh bien, rassurez-vous, nous ne commettrons pas les mêmes ... (Brouhaha à gauche)
Quoi qu'il en soit, j'ai une proposition à vous faire. La dépendance est-elle un sujet de droite ou de gauche ? Je ne le crois pas. Nous devons relever un défi : la France compte 1,3 million de Français de plus de 85 ans, elle en comptera 2 millions en 2015. Nous devons avoir un débat serein : quels moyens pour quels besoins ? (« Très bien ! » à droite) Il faut créer des maisons de retraites, développer les soins à domicile, aller au-delà de la médicalisation en créant les maisons de retraite de demain. Il faut aussi faire en sorte que le reste-à-charge ne prive pas les personnes âgées de place en établissement.
M. Guy Fischer. - Le reste-à-charge, parlons-en !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Ce reste-à-charge, aujourd'hui, il est de 1 500 euros en moyenne, plus de 2 200 euros en région parisienne à cause du prix du foncier. Le Président de la République a réuni hier les partenaires sociaux. Nous sommes d'accord sur la méthode et le calendrier. Ensemble, relevons le défi de la dépendance en laissant de côté la polémique. C'est ce que les Français attendent ! (Applaudissements à droite)
M. Dominique Braye. - Bravo !
M. Claude Biwer . - Le pouvoir d'achat constitue l'une des préoccupations majeures des Français. Nos compatriotes sont victimes d'un phénomène de ciseau : d'un côté, une hausse des prix des produits de base -pain, lait, fruits et légumes, poissons- mais aussi des loyers, du gaz, du fioul ; et de l'autre, des revalorisations salariales qui ne permettent pas de compenser cette évolution.
M. Jacques Mahéas. - Eh oui !
M. Claude Biwer. - Tout le monde est touché : les actifs du secteur privé, durablement plombé par les 35 heures (exclamations à gauche) ; les agents du secteur public où les hausses de traitement n'ont pas été à la hauteur des espérances ; les trois millions de retraités qui, par définition, ne font pas grève et qui ne défilent pas.
Aux retraités de l'artisanat, du commerce et de l'agriculture, l'on avait promis une pension équivalant à 85 % du Smic par la réforme des retraites. Ce but n'est pas encore atteint. Les plus hautes autorités de l'État ont pris la mesure du problème. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ironise) Ces derniers jours, le Premier ministre a annoncé que le minimum vieillesse serait revalorisé de 25 % en cinq ans et que les pensions de réversion seraient portées à 60 % du salaire d'activité. De son côté, le Président de la République a décidé hier d'accorder aux bénéficiaires du minimum vieillesse une prime de 200 euros comme avance sur les revalorisations à venir. (Marques d'ironie à gauche) Malgré l'effort budgétaire que cela représente, je crains que ceci ne soit pas suffisant.
Voici mes questions : à quelle date interviendra la revalorisation de 5 % du minimum vieillesse en 2008 ? Dans quelles proportions la pension de réversion sera-t-elle augmentée cette année ? Un coup de pouce sera-t-il accordé aux douze millions de retraités qui ne perçoivent pas le minimum vieillesse ? Enfin, compte tenu du déficit de l'assurance vieillesse, ne faudrait-il pas conduire une vaste réflexion sur le financement des retraites ? (Applaudissements au centre et sur quelques bancs à droite)
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité . - Nous tiendrons les engagements pris devant les Français. Si le Gouvernement a la volonté de revaloriser le travail, il n'oublie pas les retraités et leur pouvoir d'achat. Le minimum vieillesse sera revalorisé de 25 % au cours du quinquennat, nous ferons un premier pas dès cette année après en avoir débattu avec les partenaires sociaux. Nous avons décidé avec eux hier d'une méthode pour aborder la question des retraites ; les discussions s'engageront dès le mois prochain afin que le Parlement soit saisi à l'été du texte qui marquera le rendez-vous de 2008. La pension de réversion sera portée à 60 %.
M. Jacques Mahéas. - Qui va payer ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Nous entendons garantir le pouvoir d'achat de tous les retraités ; il nous faut pour cela connaître le niveau de l'inflation et voir avec les partenaires sociaux à quel rythme peuvent évoluer les petites retraites. (Exclamations à gauche) Nous, nous respectons les partenaires sociaux ! (Applaudissements à droite)
Le Président de la République n'a pas attendu que ces discussions s'engagent ; il a annoncé hier qu'une somme de 200 euros serait versée dès le mois d'avril, financée par les excédents du Fonds de solidarité vieillesse. (Applaudissements à droite)
M. Dominique Braye. - Les retraités lui en sont déjà reconnaissants !
M. Jean-Pierre Sueur. - Il n'y a plus de sous !
Mme Évelyne Didier . - Le bassin d'emploi lorrain subit des coups très rudes. Michelin veut fermer son site de Toul, où 826 emplois sont menacés. A Gandrange, Arcelor-Mittal a la même intention : 945 emplois directs sont appelés à disparaître et 1 200 emplois sont menacés chez les sous-traitants, dont les intérimaires qu'on oublie trop souvent.
Face à une décision purement financière, comme l'a confirmé un des dirigeants européens du groupe, le Président de la République et le Gouvernement entretiennent le trouble. L'État, a dit M. Sarkozy, prendra en charge tout ou partie des investissements nécessaires. (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame) S'agit-il d'un exercice de communication ou d'un engagement ? Après les propos récents de Mme Lagarde, selon lesquels il est hors de question que l'État subventionne le sauvetage d'une usine, on peut se poser la question ! Alors qu'elle a rappelé l'engagement du PDG d'Arcelor-Mittal d'attendre le contre-projet de l'intersyndicale, la direction du site a déjà proposé des reclassements à des salariés ... Quand le Gouvernement dit-il la vérité ?
L'État peut-il intervenir dans une entreprise internationale qui a réalisé huit milliards de bénéfices en 2007 ? L'exemple d'Alsthom, souvent mis en avant, n'est pas pertinent : l'État en était actionnaire. Comment convaincre Arcelor-Mittal ? Le Président de la République pourra-t-il tenir ses promesses ? Par respect pour les salariés, je demande au Gouvernement d'apporter des réponses précises à ces questions. Le langage approximatif ne passe plus en Lorraine ! (Vifs applaudissements à gauche)
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité . - Le sujet est suffisamment sérieux pour qu'on l'aborde dans la sérénité. Vous n'avez proposé aucune solution ; nous, nous allons en apporter. (Murmures à gauche)
Vous savez ce qu'a dit le Président de la République à Gandrange, où je l'ai accompagné. Il n'y a aucune fatalité (exclamations à gauche), nous n'allons pas laisser seuls les salariés d'Arcelor-Mittal pas plus que ceux des sous-traitants !
M. Dominique Braye. - Sarkozy n'est pas Jospin !
M. Xavier Bertrand, ministre. - L'État prendra ses responsabilités. Comme l'a dit le Président de la République, nous préférons dégager des moyens financiers pour faire vivre le site plutôt que de financer des préretraites ou l'accompagnement de ceux qui seraient contraints de chercher un nouvel emploi. L'acier a un avenir, la demande est forte : pourquoi fermer une usine qui en fabrique ?
Pour mettre sur pied des solutions, il faut un partenaire. Le Président de la République a reçu M. Mittal, il s'est rendu à Gandrange, y a pris des engagements, recevra les organisations syndicales. Il reviendra sur le site et proposera des solutions à la lumière du dialogue social qui se sera tenu dans l'entreprise.
M. Jacques Mahéas. - Quelles solutions ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Les salariés ont bien compris que le Président de la République sera à leur côté du début à la fin. Nous tiendrons les engagements pris, à la grande différence de ce qui s'est fait dans le passé ! (Applaudissements à droite)
M. Jacques Mahéas. - La litanie habituelle !
Rythme des réformes
M. Georges Othily . - Le Président de la République se rendra en Guyane les 11 et 12 février. Nous attendons beaucoup, car le développement économique est au coeur de nos préoccupations, de sa rencontre avec l'ensemble des acteurs. Que pouvons-nous espérer de cette visite ?
Le Sénat et l'Assemblée nationale vont bientôt interrompre leurs travaux, comme le veut l'usage républicain à l'approche d'élections importantes pour notre pays. C'est l'occasion de dresser un premier bilan de l'effort engagé de puis le mois de juin par ce Gouvernement. Certains estiment que le Parlement est trop sollicité, d'autres, au contraire, que le rythme des réformes est trop lent et que les résultats concret se font attendre. J'estime quant à moi que le Sénat a pris sa part dans le train soutenu de réforme lancé depuis huit mois. (Mouvements divers) Conformément à sa tradition, et à sa raison d'être, notre assemblée a largement contribué à améliorer les textes présentés par le Gouvernement. Je ne doute pas qu'il en fera de même à la rentrée.
À la veille des élections municipales, il importe d'éclairer nos concitoyens sur l'action menée par le Gouvernement depuis juin. (On s'amuse à gauche) Après huit mois, quel bilan concret dresser, à leur intention, des réformes engagées ? (Rires à gauche) Dans la perspective de la reprise de nos travaux, quel programme le Gouvernement entend-il nous soumettre, et à quel rythme ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement . - Monsieur le sénateur...
Plusieurs voix à gauche. - Tout va très bien !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Le Président de la République, en Guyane, apportera des précisions sur le nombre de zones franches que devra prévoir le projet de loi de programmation pour l'outre-mer qui sera soumis au Parlement au printemps, et annoncera les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et le développement économique du département. Il en profitera également, afin de favoriser l'intégration régionale de la Guyane, pour rencontrer le président Lula.
Vous m'interrogez sur le rythme des réformes : il a été soutenu. Vingt-quatre lois sont d'ores et déjà promulguées...
M. Paul Raoult. - Et les décrets d'application ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - ...et nous allons poursuivre ! Le rythme, non seulement ne fléchira pas, mais devrait s'intensifier. Des réformes fortes nous attendent : modernisation économique,...
M. Charles Gautier. - Rigueur !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - ...marché du travail, loi pénitentiaire...
Vous avez raison de m'interroger, car il importe d'éviter la désinformation chronique ! Les lois adoptées commencent à produire leurs effets.
M. Jacques Mahéas. - Sur le commerce extérieur ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - En octobre, ce sont 40 % des entreprises, au lieu de 10 % auparavant, qui proposaient des heures supplémentaires, à hauteur de 20 millions ; 40 millions en novembre pour 50 % d'entreprises...
M. Jacques Mahéas. - Et en décembre ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - 75 % des successions sont désormais détaxées. Nous allons monétariser les RTT.
M. le président. - Il faut conclure !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Nous avons réformé le dépôt de garantie pour les locataires. Les universités, que l'on disait irréformables ? Elles ont toutes un statut d'autonomie. Les peines plancher, que l'on disait inapplicables ? Quatre mille cinq cents ont été prononcées en trois mois.
Oui, monsieur le sénateur, nous avons, ensemble, une responsabilité à assumer : celle de réformer le pays ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
Événements du Tchad
M. Xavier Pintat . - Je souhaite en préambule rendre hommage au remarquable travail des soldats français du Tchad.
N'Djamena a vécu, samedi dernier, une tentative de renversement du gouvernement d'ldriss Déby par des groupes rebelles. On déplore de nombreux morts et des blessés, y compris dans la population civile. Environ trente mille Tchadiens se sont réfugiés au Cameroun voisin.
Cette tentative de prise de pouvoir par la force a été fermement condamnée par l'Union européenne et le conseil de sécurité des Nations unies, par la voix de son président.
Les troupes françaises, déployées dans le cadre de l'opération Épervier, ont procédé avec rapidité et efficacité à l'évacuation de plusieurs centaines de ressortissants français et étrangers sur place, notamment les personnels des ambassades d'Allemagne et des États-Unis. Elles n'ont à aucun moment, ainsi que les accuse injustement l'alliance rebelle dirigée par le général Nouri, pris part aux combats. Elles ont strictement respecté les termes de l'accord de coopération technique qui nous lie au Tchad et porté secours aux blessés tchadiens, transférés dans des centres de soins, y compris à l'hôpital militaire français.
Le ministre de la défense revient tout juste du Tchad. Alors qu'un calme relatif est revenu à N'Djamena, pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur la mission assignée aux forces françaises au regard de nos accords avec le Tchad mais aussi de la déclaration du Conseil de sécurité ?
Comment se présente la poursuite du déploiement de la force européenne Eufor, alors que les vingt pays participants viennent de réaffirmer leur engagement lors de la dernière réunion du comité politique et de sécurité, à Bruxelles ? Peut-on espérer une reprise rapide du déploiement de cette mission, indissociable de la mise en place de la force hybride de l'Union africaine et des Nations unies au Darfour ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie . - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Morin qui, rentré hier du Tchad, s'est rendu aujourd'hui au sommet de l'Otan, à Vilnius.
Je salue, avec vous, le courage et le professionnalisme de nos soldats, engagés dans des actions d'extraction souvent très dangereuses. Ils ont strictement respecté les termes de nos accords techniques, ce qui renforce la légitimité de notre action, et le président ldriss Déby n'a pas manqué de remercier la France de son soutien. À l'heure où je vous parle, les combats se poursuivent à la suite d'offensives rebelles. La France rappelle, avec le conseil de sécurité de l'Onu et l'Union africaine, la légitimité du gouvernement tchadien. Elle continuera de lui apporter un soutien logistique, matériel et humanitaire.
Les troubles, provoqués par des rebelles venus du Soudan, illustrent la pertinence de l'Eufor. La question des réfugiés du Darfour reste entière. Les contributeurs européens sont déterminés à respecter leur engagement. Le général Nash, en charge du commandement, a suspendu le déploiement des forces jusqu'au 12 février. L'évaluation de la situation permettra alors de se déterminer sur le redéploiement des forces, qui pourra s'effectuer avant la saison des pluies.
La France, soutenue en cela par la communauté internationale, est déterminée à accomplir sa mission. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Salariés de la grande distribution
M. Yannick Bodin . - Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'Économie. (Voix à gauche : « Elle n'est pas là. ») Le 1er février, 80 % des magasins de la grande distribution ont été touchés par une grève de leurs personnels, mouvement sans précédent pour ces salariés peu syndiqués, précarisés et qui subissent souvent des pressions très fortes de la part de leur encadrement.
M. Jean-Pierre Raffarin. - C'est vrai.
M. Yannick Bodin. - Temps partiel contraint, horaires éclatés, heures supplémentaires non comptabilisées, travail pénible et maintenant la menace de devoir travailler le dimanche, tout cela pour des salaires qui atteignent à peine le Smic, quand ils ne sont pas en dessous. Une caissière à temps partiel -car ce sont surtout des femmes- gagne 770 euros nets, 50 euros en dessous du seuil de pauvreté ! Les conditions de vie, à ce niveau de pouvoir d'achat, confinent à la précarité, voire à la détresse sociale, surtout les mères élevant seules leurs enfants. Tout cela pour des retraites qui, même après quarante années de cotisation, n'atteignent pas souvent le minimum vieillesse !
Si les salaires sont très faibles dans la grande distribution, les profits ne cessent d'y battre des records ! Neuf salariés sur dix à temps partiel, pourtant, souhaiteraient passer à temps plein !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est cela, le « travailler plus pour gagner plus » !
M. Yannick Bodin. - Que compte faire le Gouvernement pour encourager le travail à temps plein ? Pour augmenter le pouvoir d'achat ? Les organisations syndicales demandent une véritable remise à plat des salaires comme des conditions de travail, ils demandent plus de justice et des conditions de vie dignes du XXIe siècle !
M. le président. - Veuillez conclure !
M. Yannick Bodin. - Il faut que des discussions s'engagent dans la grande distribution, les caissières de toutes les grandes surfaces attendent des actions précises ! (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs du centre)
M. Jean-Pierre Raffarin. - Pour une fois, la gauche pose une bonne question...
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité . - Votre question est l'occasion d'évoquer deux priorités du Gouvernement. D'abord les négociations salariales dans les grandes surfaces. J'ai souhaité qu'elles aboutissent le plus rapidement possible, nous avons pris des dispositions dans ce sens dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les conditions de travail, ensuite, et d'abord le temps partiel subi et les horaires éclatés. C'est un point que j'ai évoqué déjà fin 2007. Le principe en a été fixé en 1972 : à travail égal, salaire égal. Or, nous sommes loin du compte dans la grande distribution. Je l'ai rappelé lors de la conférence sur l'égalité salariale, les grandes surfaces ne sauraient déroger à la règle et un texte interviendra sous deux ans dans ce sens.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - On rase gratis !
M. Xavier Bertrand, ministre - Il faut que les choses changent dans ce domaine. Le temps partiel fait que les salaires, effectivement, n'atteignent pas le Smic, alors que les salariés, des femmes pour la plupart, doivent assumer leurs charges de transport et de garde d'enfant. Les partenaires sociaux s'engagent à favoriser le temps complet, deux enseignes feront très prochainement des actions exemplaires dans ce sens. Il en va du pouvoir d'achat, et tout simplement de la qualité de vie des salariés ! Ainsi, chaque fois qu'un conflit social se fait jour, ce qui compte d'abord, c'est la capacité de chacun à proposer des solutions ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Luc Miraux . - Vendredi dernier à Sophia-Antipolis, le Président de la République a présenté son « Plan Alzheimer » : 1,6 milliard sur cinq ans pour l'aide aux 850 000 malades que compte aujourd'hui la France, alors qu'ils n'étaient que 350 000 en 2001 ! Cette aide est très attendue par les familles de France qui toutes, ou presque, sont touchées par cette disparition mentale des proches ; drame terrible qui touche aussi des personnes jeunes : 6 000 malades ont moins de 60 ans. Cette aide aux malades est également très attendue par les élus locaux, engagés sur le terrain. Je sais l'implication du Président de la République, du Premier ministre dans ce dossier, auquel sont associées Mme Létard et Mme Pécresse. Madame la ministre de la santé, comment le Plan Alzheimer va-t-il renforcer le dépistage, améliorer la prise en charge des malades et accélérer la recherche ?
La France, lors de sa prochaine présidence de l'Union européenne, a-t-elle l'intention de faire de la lutte contre la maladie d'Alzheimer un enjeu européen ? (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports . - La maladie d'Alzheimer représente un enjeu majeur pour la santé publique et vous rappelez utilement que le Plan Alzheimer est doté d'1,6 milliard en cinq ans. Je salue le travail du professeur Joël Ménard, qui a conduit les réflexions à l'origine de ce plan d'action.
Pour mon seul ministère, ce plan comporte 22 actions. Nous allons ouvrir 38 nouvelles consultations mémoire en cinq ans, pour le dépistage, avec l'objectif d'un point de dépistage pour 15 000 habitants de plus de 75 ans.
Un centre dédié aux malades jeunes -de six mille à huit mille personnes atteintes par la maladie ont moins de 60 ans ; des unités spécialisées dédiées dans les soins de suite et de réadaptation ; une carte d'information sur les complications éventuelles, à destination des malades et de leur famille ; un volet recherche fondamentale de 200 millions d'euros, dont 45 dans le cadre du programme hospitalier. Enfin, le Président de la République et le Premier ministre ont décidé de faire de la maladie d'Alzheimer l'une des trois priorités de la présidence française de l'Union européenne en matière de santé. L'implication du Gouvernement sur le sujet est totale. (Applaudissements à droite et au centre)
Évaluation des politiques publiques
M. Bernard Angels . - À l'heure où les agences privées de notation portent une part de responsabilité dans la crise des subprimes, vous avez cru judicieux, monsieur le Premier ministre, de recourir à la notation des ministres par des cabinets privés. Le simplisme de la démarche aurait pu être mis sur le compte de la maladresse d'un conseiller en communication, mais vous n'en n'êtes pas à votre coup d'essai. La révision générale des politiques publiques que vous menez dans le plus grand secret suit le même procédé : on assène à nos concitoyens, aux parlementaires, aux responsables locaux des décisions auxquelles ils n'ont nullement été associés.
L'évaluation participative, pluraliste et démocratique des politiques publiques n'est décidemment pas votre affaire. Les responsables publics que nous sommes auront été méprisés. Aux citoyens et à leurs représentants vous préférez les consultants privés que vous engagez à grands frais, mettant au chômage technique les grands corps d'inspection. (Sourires)
Sans compter le problème que pose l'accès de cabinets privés à vocation marchande à des données administratives confidentielles ou secrètes...
Monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous de poursuivre votre rêve d'une technocratie privée ? Quand associerez-vous le Parlement aux évolutions ? Les données fiscales, judiciaires, ou relatives à la sûreté extérieure, à la défense, aux marchés publics, sont-elles à l'abri des indiscrétions auxquelles vous les exposez si légèrement ? (Applaudissements à gauche)
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement . - Je crains que vous ne mélangiez plusieurs questions...
M. Josselin de Rohan. - C'est totalement hors sujet !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Rien n'est hors-sujet au Parlement... On ne note pas les ministres, on évalue les politiques conduites par les ministres : ce n'est pas la même chose ! (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame)
M. Robert Hue. - Sauvés !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - La responsabilité des membres du Gouvernement est bien évidemment devant le Parlement, non devant des agences de notation. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Pierre Raffarin. - Il sera bien noté !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Il s'agit de mesurer l'efficience des politiques publiques afin, le cas échéant, de les infléchir. Tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont cherché à rendre leur action la plus efficace possible ! (M. Mahéas s'exclame) Il y a toujours eu des experts, des rapports.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Parlons du rapport Attali !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Ce sont des éléments indispensables à l'analyse, mais, in fine, c'est bien évidemment le pouvoir démocratique de la représentation nationale qui prime. Pas moins de 84 lois ont été votées et promulguées depuis huit mois !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ce n'est pas ce qu'il s'est fait de mieux...
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Rien ne se fait sans l'aval du Parlement, dont le rôle sera renforcé lors de la révision constitutionnelle que vous aurez à examiner prochainement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Quand ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Je sais que vous aurez à coeur de participer pleinement aux débats qui auront lieu à ce moment. (Applaudissements à droite)
M. Jean-François Humbert . - Le Président de la République s'est engagé à conduire des réformes ambitieuses en matière de protection sociale en plaçant les relations sociales sous le signe du dialogue.
Monsieur le ministre, vous avez conduit avec succès la réforme des régimes spéciaux à l'automne, preuve que le dialogue social, combiné à l'action, est crucial pour faire aboutir les réformes. Mais il reste encore beaucoup à faire, qu'il s'agisse des retraites et de la revalorisation du minimum vieillesse, de la création d'un cinquième risque pour les personnes âgées ou handicapées, de l'assurance maladie ou de la prise en considération de la pénibilité de certains métiers.
Le Président de la République a réuni hier les partenaires sociaux pour évoquer avec eux les enjeux et les réformes à mener en 2008. Monsieur le ministre, pouvez-vous aujourd'hui nous donner des précisions sur ce qui a été annoncé ? Quel sera le calendrier des réformes, nécessaires et attendues, de la protection sociale ? (Applaudissements à droite)
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité . - Comme pour nos précédentes réformes sociales, notre méthode reste celle de la main tendue aux partenaires sociaux. Le Président de la République a souhaité les rencontrer hier à l'Élysée pour déterminer avec eux un calendrier.
Le climat a été à cette occasion très constructif. Cette méthode apaisée sera plus efficace pour mener les grandes réformes dont le pays a besoin. Sur les retraites, j'engagerai le mois prochain les discussions avec les partenaires sociaux, afin de présenter un texte au Parlement à l'été.
M. Guy Fischer. - Encore une fois pendant les vacances ? Ah non !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Quant au cinquième risque, j'organiserai, avec Mme Létard, les négociations avec tous les acteurs, y compris la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), les associations, les présidents des conseils généraux,... Un projet de loi sera élaboré pour la même échéance.
Mme Bachelot mènera la concertation sur les textes relatifs à la santé et l'assurance maladie ainsi que sur la famille. Le droit opposable à la garde d'enfant, pour toute femme qui travaille ou en démarche d'insertion, sera une réalité en 2012. Dans le cadre de la convention d'objectifs et de moyens de la CNAF, les besoins seront définis, les contours de ce droit précisés. Et ce afin de vous présenter un texte en 2009.
Nous avons une méthode, le dialogue, et une complète détermination pour mener toutes les réformes dont le pays a besoin et que les Français ont envie de voir se réaliser. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Préjudice écologique et collectivités locales
M. Bruno Retailleau . - Le 16 janvier dernier, le tribunal correctionnel de Paris a reconnu le principe d'un préjudice écologique dans le jugement de l'affaire de la marée noire provoquée par l'Erika. Les collectivités ont pris une part déterminante dans ce combat judiciaire. Mais cette avancée est fragile. Elle n'est qu'une étape vers une véritable prise en charge des problèmes de l'environnement par les collectivités. Aujourd'hui, celles-ci ne peuvent se porter partie civile que dans de rares cas, comme l'atteinte à un bien propriété de la commune, ou lorsqu'elles exercent une compétence spécifique de préservation, de conservation ou de gestion du territoire. Hormis ces cas, l'intérêt qu'elles veulent légitimement défendre se confond, selon la doctrine des tribunaux, avec l'intérêt général, représenté par le ministère public. Cela ne me paraît pas très satisfaisant...
M. Henri Revol. - Tout à fait !
M. Bruno Retailleau. - ...car les collectivités sont toujours en première ligne dans ces questions.
M. Jean-Pierre Raffarin. - Absolument !
M. Bruno Retailleau. - C'est d'autant plus choquant que les associations agréées se sont vu reconnaître un intérêt à agir, qui n'est pas reconnu pour les collectivités ! (On approuve sur les bancs UMP)
Les collectivités sont pourtant entrées dans l'âge adulte : l'heure n'est-elle pas venue de moderniser le droit afin de leur donner capacité pleine et entière à défendre leur territoire lorsqu'il est blessé par une atteinte à l'environnement ? (Applaudissements à droite, au centre et sur plusieurs bancs des groupes socialiste et CRC)
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie . - La décision du 16 janvier est une étape très importante pour la suite judiciaire et pour les prolongements du Grenelle de l'environnement. La responsabilité est au coeur du développement durable. Le tribunal de grande instance a considéré que seules pouvaient recevoir réparation les collectivités qui exercent une compétence spécifique en matière d'environnement, leur conférant une responsabilité particulière de gestion, de conservation et de préservation du territoire. Autrement dit, les départements, et encore. Or les communes du littoral sont, à l'évidence, actives dans la conservation et la gestion de territoires. La cour d'appel a été saisie, elle va se prononcer.
La TGI a cependant ouvert très largement à toutes les communes la possibilité de se porter en justice en raison d'une atteinte à leur image ou à leur réputation. Et toutes celles qui l'ont fait ont obtenu un dédommagement de l'ordre de 300 000 euros. C'est le cas de neuf communes dans votre département de la Vendée.
L'accès à la réparation est hautement symbolique. Nous étudierons la décision de la cour d'appel avec une grande attention, afin d'en tirer toutes les conséquences. Mais, dès le printemps, le projet de loi du Grenelle de l'environnement sera présenté au Parlement, qui transposera la directive sur la responsabilité environnementale. Ce sera l'occasion de discuter de nouvelles dispositions sur le point que vous évoquez. (Applaudissements à droite)
Hommage à une délégation parlementaire du Qatar
M. le président. - (MM. et Mmes les sénateurs se lèvent) J'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation du Majlis al Choura de l'État du Qatar, conduite par son président, M. Mohamed Bin Mubarak Al-Khulaifi, présente en France à notre invitation.
J'en profite pour saluer l'action de notre collègue M. Marini, président du groupe interparlementaire d'amitié France, Arabie saoudite et pays du Golfe, qui s'est rendu en septembre dernier, avec une délégation de sénateurs, au Qatar.
Je formule des voeux pour que cette visite contribue à renforcer les liens politiques et économiques entre nos deux pays. (Applaudissements)
La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 15.
présidence de M. Philippe Richert,vice-président
Organismes génétiquement modifiés (Urgence - Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.
Rappel au Règlement
M. Gérard Le Cam. - Je regrette que le débat sur ce texte soit tronçonné.
Mais surtout, je souhaite savoir si l'urgence est ou non déclarée, car les informations sur ce point paraissent contradictoires.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - À ma connaissance, il n'y a pas d'urgence.
M. Jean Bizet, rapporteur. - En fait, l'urgence ne peut être levée, mais le Gouvernement s'est engagé à ne pas l'appliquer.
M. le président. - M. le président du Sénat avait reçu le 19 décembre un courrier de M. le Premier ministre précisant qu'en application de l'article 45, alinéa 2 de la Constitution, le Gouvernement avait déclaré l'urgence sur ce projet de loi.
Nous sommes heureux d'apprendre que ce n'est plus d'actualité.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Mea culpa, le Gouvernement a changé d'avis. Je confirme que la procédure d'urgence ne sera pas appliquée.
M. le président. - Le Sénat est donc pleinement rassuré. Nous pouvons reprendre la discussion.
Discussion des articles (Suite)
Article 3 (Suite)
M. le président. - Amendement n°227 rectifié bis, présenté par M. Soulage et les membres du groupe UC-UDF.
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Ces distances, fixées par nature de culture, par le ministre chargé de l'agriculture définissent les périmètres au sein desquels ne sont pas pratiquées les cultures d'organismes génétiquement modifiés.
« Elles doivent permettre que la dissémination entre les cultures soit inférieure au seuil défini par la règlementation communautaire.
« Ces distances peuvent être révisées tous les deux ans sur la base de travaux scientifiques.
M. Daniel Soulage. - J'ai accepté la rectification proposée tout à l'heure par le Gouvernement. Ainsi, la disposition devient compatible avec le droit communautaire, sans rien changer sur le fond.
M. Jean Bizet, rapporteur. - La commission est donc favorable.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Le Gouvernement aussi. Un amendement qui portera sur l'ensemble des précisions techniques vous proposera par la suite que la fixation des distances soit opérée conjointement par le ministre de l'agriculture et celui de l'environnement.
M. le président. - Je mets aux voix l'amendement n°227 rectifié bis.
Mme Marie-Christine Blandin. - On aurait pu rêver mieux, mais il y a quand même une avancée.
La révision biennale est fondée, puisque les conditions climatiques et les vents changent.
Toutefois, la rédaction du premier alinéa n'est pas limpide, car elle pourrait suggérer que le périmètre de protection autour d'une culture d'OGM s'applique au champ de l'agriculteur biologique voisin ! Je souhaite dire clairement que le périmètre de sauvegarde empiète exclusivement sur le terrain des agriculteurs cultivant des organismes génétiquement modifiés.
M. Jean-Marc Pastor. - Nous voterons l'amendement, bien que la seule distance ne soit pas un critère suffisant : il faut aussi prendre en compte le vent dominant.
Nous sommes rassurés par la perspective d'une décision conjointe des ministres de l'agriculture et de l'environnement. Nous proposerons que cette procédure soit élargie à l'ensemble des organismes et plants génétiquement modifiés.
L'amendement n° 227 rectifié bis est adopté.
M. Daniel Soulage. - Ce dispositif devrait permettre de rétablir la confiance.
M. le président. - Amendement n°78, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural :
« Ces conditions techniques sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'environnement, après consultation de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés et conformément aux dispositions communautaires en vigueur.
M. Gérard Le Cam. - Les cultures d'OGM ayant reçu l'autorisation de mise sur le marché doivent respecter certaines conditions techniques afin d'éviter une dissémination accidentelle. La rédaction de l'article dispose que ces conditions sont fixées par l'autorité administrative, alors que le texte précédant mentionnait explicitement un arrêté du ministre de l'agriculture, après avis du ministre de l'environnement.
Nous estimons nécessaire de consulter la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés. L'amendement du rapporteur va dans le bon sens, mais il se borne à requérir l'avis du comité scientifique.
M. le président. - Amendement n°112, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, remplacer les mots :
l'autorité administrative, selon des modalités définies par décret
par les mots :
arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'environnement après consultation de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés, des représentants des professions susceptibles de subir des préjudices liées à la contamination génétique, notamment l'apiculture, l'agriculture biologique et plus largement l'agriculture porteuse de signes de qualité, et conformément aux dispositions communautaires en vigueur
M. Jacques Muller. - C'est la même idée.
J'ai déjà souligné que la détermination des périmètres était extrêmement complexe. Il faut donc recueillir l'avis de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés. Je rappelle que les professions agricoles y sont représentées.
M. le président. - Amendement n°195 rectifié, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après les mots :
fixées par
rédiger comme suit la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural :
arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'environnement après consultation du Haut conseil des biotechnologies.
M. Jean-Marc Pastor. - Comme il a déjà été dit, un arrêté conjoint des deux ministres concernés doit intervenir, après consultation du Haut conseil des biotechnologies.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
Dans le second alinéa du texte prévu par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, remplacer les mots :
l'autorité administrative, selon des modalités définies par décret
par les mots :
arrêté du ministre chargé de l'agriculture, pris après avis du comité scientifique du Haut conseil institué à l'article L. 531-3 du code de l'environnement
M. Jean Bizet, rapporteur. - Ainsi, les prescriptions techniques seraient déterminées par le ministre de l'agriculture -comme il avait été prévu en 2006- mais après consultation du Haut conseil.
M. le président. - Sous-amendement n°225 à l'amendement n° 19 de M. Bizet, au nom de la commission, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après les mots :
de l'agriculture
rédiger comme suit la fin du dernier alinéa de l'amendement n° 19 :
et du ministre chargé de l'environnement pris après avis du comité scientifique du Haut conseil institué à l'article L. 531-3 du code de l'environnement et consultation des collectivités territoriales concernées.
M. Jean-Marc Pastor. - Nous voulons améliorer encore l'excellent amendement présenté par M. Bizet.
M. le président. - Sous-amendement n°240 à l'amendement n°19 de M. Bizet au nom de la commission, présenté par le Gouvernement.
Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 19 par les mots :
et du ministre chargé de l'environnement
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Il nous importe de participer à la décision.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°78, contraire à celui de la commission et qui sera en partie satisfait par le sous-amendement n°240. L'amendement n°112 serait redondant. Avis défavorable à l'amendement n°195 rectifié ainsi qu'au sous-amendement n°225 auquel la commission préfère le sous-amendement n°240 du Gouvernement.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Les amendements n°s112 et 195 rectifié seraient difficiles à appliquer. S'agissant des amendements n°s78, 19 et 195 rectifié ainsi que du sous-amendement n°225, nous souhaitons être associés à la décision mais la commission donnant la préférence au sous-amendement n°24, je ne peux que m'en remettre à la sagesse sur le sous-amendement n°225.
L'amendement n°78 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s112 et 195 rectifié.
Le sous-amendement n°225 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n°240 est adopté, ainsi que l'amendement n°19, sous-amendé.
M. le président. - Amendement n°113, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, le Comité de biovigilance évalue les conditions techniques en matière de séparation de la filière de produits agricoles d'organismes génétiquement modifiés des autres filières, et propose le cas échéant des mesures correctives en vue de limiter les risques de présence d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres produits.
M. Jacques Muller. - M. Borloo observait dans la nuit de mardi à mercredi que ce qui avait été décidé il y a des lustres devait être revu maintenant. Qu'en sera-t-il de ce que nous votons aujourd'hui ? La contamination génétique est irréversible et cumulative, ce qui obligera à adapter le cadre règlementaire.
M. le président. - Amendement n°196, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, le comité de biovigilance évalue les conditions techniques en matière de séparation totale de la filière des organismes génétiquement modifiés, et propose le cas échéant des mesures correctives pour limiter les risques de présences accidentelles d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres produits.
M. Roland Courteau. - Nous voulons garantir la protection du droit à produire et consommer sans OGM.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements n°s113 et 196, redondants avec l'article 251-1 du code rural. Je vous redis notre attachement au comité de biovigilance.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Nous partageons votre objectif mais les amendements sont superfétatoires.
M. Jean-Marc Pastor. - Ces amendements rejoignent celui de M. Soulage parce qu'ils servent la transparence en précisant les règles de fonctionnement du comité de biovigilance. Pourquoi ? Parce que le problème avec les OGM est que les Français considèrent que les scientifiques vivent dans une bulle : nous voulons donc qu'ils en sortent.
Les amendements n°s113 et 196 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°55 rectifié, présenté par M. Amoudry et les membres du groupe UC-UDF et M. Laffitte.
Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - A l'intérieur du périmètre des productions bénéficiant d'un signe de qualité appellation d'origine contrôlée (AOC) ou d'une indication géographique protégée (IGP) et ayant interdit dans leur cahier des charges l'utilisation d'intrants génétiquement modifiés, l'autorité administrative compétente doit avant mise en place sur sa zone de production de cultures « OGM » consulter l'Organisme de défense et de gestion du signe de qualité. A condition que ce dernier produise un argumentaire scientifiquement établi les justifiant et dans le but exclusif d'éviter tout risque de contamination de l'alimentation apportée aux troupeaux des producteurs de lait bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée ou d'une indication géographique protégée, l'autorité administrative compétente peut mettre en oeuvre, type de culture « OGM » par type de culture « OGM », les mesures supplémentaires de protection proposées par l'Organisme de défense et de gestion, pouvant aller jusqu'à l'interdit.
« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, et notamment la liste des organisations professionnelles et interprofessionnelles habilitées à proposer des mesures de protection et leur périmètre.
M. Daniel Soulage. - Le cahier des charges des AOC et des IGP est très strict. Une écrasante majorité de consommateurs considèrent que ces signes de qualité ne sont pas compatibles avec les OGM. L'Inao peut agréer les dispositions restrictives des cahiers des charges mais celles-ci sont coûteuses : la traçabilité a un prix. Nous apportons une protection supplémentaire pour que les efforts de ces filières ne soient pas anéantis. L'amendement ne s'appliquera qu'aux AOC ou IGP ayant interdit les OGM.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Nous avons longuement débattu de cette question en 2006 et vous savez notre attachement aux signes de qualité -je pense au travail de M. César. Cependant, vous proposez un dispositif complexe alors que les cahiers des charges des AOC peuvent interdire les OGM puisqu'il s'agit d'engagements privés. De surcroît, l'Inao a la faculté de proposer des interdictions ou des restrictions particulières. Votre préoccupation légitime est déjà doublement satisfaite. Pourquoi ne pas le répéter ? Ce n'est pas la pratique législative.
M. Jean-Marc Pastor. - Par pédagogie !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Nous perdrions en lisibilité en empilant ainsi des dispositifs différents qui risqueraient de s'affaiblir mutuellement. Retrait ?
L'amendement n°55 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°197, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Supprimer les deux derniers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-9 du code rural.
M. Roland Courteau. - Amendement de cohérence avec l'amendement n°198 à l'article 4.
M. le président. - Amendement n°114, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-9 du code rural :
« L'autorité administrative prononce des sanctions. Celles-ci comprennent la destruction totale ou partielle des cultures.
M. Jacques Muller. - Cet amendement précise les sanctions prononcées par l'autorité administrative à l'encontre de ceux qui ne respectent pas ses prescriptions. Dans le cas de cultures illégales, la destruction totale ou partielle sera automatique, ce ne sera pas une option.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-9 du code rural :
« En cas de non-respect de ces prescriptions, l'autorité administrative peut ordonner la destruction totale ou partielle des cultures.
M. Jean Bizet, rapporteur. - La rédaction proposée par le Gouvernement laisse entrevoir un champ indéfini de sanctions, ce qui est contraire à la Constitution. Nous proposons donc d'en revenir au dispositif de 2006.
Avis défavorable à l'amendement n°197, contraire à la solution préconisée par la commission - même avis pour l'amendement n°198 à l'article 4 dont il est le préalable- ainsi qu'à l'amendement n°114, lequel pose les mêmes difficultés juridiques que la rédaction actuelle du texte.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Nous préférons aux amendements nos197 et 114, trop flous, l'amendement n°20 de la commission.
L'amendement n°197 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°114.
L'amendement n°20 est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°223, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - A l'intérieur du périmètre des productions bénéficiant d'un signe de qualité appellation d'origine contrôlée (AOC), ou d'une indication géographique protégée (IGP), et ayant interdit dans leur cahier des charges l'utilisation d'intrants génétiquement modifiés, l'autorité administrative compétente doit avant mise en place sur sa zone de production, de cultures d'organismes génétiquement modifiés consulter l'Organisme de Défense et de Gestion (ODG) du signe de qualité. A condition que ce dernier produise un argumentaire scientifiquement établi les justifiant et dans le but exclusif d'éviter tout risque de contamination de l'alimentation apportée aux troupeaux des producteurs de lait d'appellation d'origine contrôlée ou d'une indication géographique protégée, l'autorité administrative compétente peut mettre en oeuvre type de culture d'organismes génétiquement modifiés par type de culture d'organismes génétiquement modifiés les mesures supplémentaires de protection proposées par l'Organisme de Défense et de Gestion, pouvant aller jusqu'à l'interdit.
II. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application de la présente disposition, et notamment la liste des organisations professionnelles et interprofessionnelles habilitées à proposer des mesures de protection et leur périmètre.
M. Paul Raoult. - AOC et IGP obéissent à un cahier des charges très strict qui répond aux attentes des consommateurs. En effet, pour ces derniers, ces labels sont incompatibles avec OGM. L'Inao peut agréer ces dispositions restrictives, mais garantir des intrants au taux OGM inférieur au taux admis de 0,9 % est coûteux. Avec cet amendement, nous apportons une protection supplémentaire pour que les efforts fournis par ces filières ne soient pas anéantis et éviter que des producteurs soient injustement exclus de l'AOC ou de l'IGP par des contaminations extérieures. Précisons que le nombre des AOC ou IGP ayant interdit des cultures OGM et des intrants OGM étant faible, le présent amendement aura une portée réduite.
M. Jean Bizet, rapporteur. - L'amendement est identique au n°55 rectifié. Donc, même avis : retrait.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Défendre les AOC et les IGP est un objectif louable. D'ailleurs, le ministre d'État et moi-même avons tiré les enseignements des débats de grande qualité qui avaient eu lieu au Sénat sur ce sujet en 2006.
Les AOC peuvent déjà exclure les OGM et certaines ne s'en privent pas. Faut-il aller plus loin ? Le système que vous proposez est trop complexe. Il aurait pour effet de déplacer le débat sur les OGM au sein des organismes de défense et de gestion, lesquels ont déjà fort à faire. Défavorable.
M. Jean-Marc Pastor. - Cet amendement pose une question de fond : qui des OGM ou des productions traditionnelles a la primeur ? Que se passera-t-il lorsqu'un producteur voudra cultiver des OGM sur un territoire classé AOC ou IGP ? Est-ce que cette situation ne sera pas source de nombreux contentieux ? Notre rôle, en tant que parlementaires, est de nous en prémunir. Sinon, notre territoire pourrait bien être le théâtre d'une petite guerre civile. Madame le ministre, j'aurais compris que vous nous demandiez de revoir la rédaction de l'amendement, mais avouez qu'il nous faudra répondre à la question suivante : quelle culture aura priorité sur l'autre ? Par ailleurs, les Français sont très attachés aux produits du terroir. La grande distribution le sait bien puisqu'elle organise régulièrement des semaines de promotion durant lesquelles elle invite des IGP ou des AOC. Si nous ne prenons pas de mesures, comment pourrons-nous garantir la crédibilité de ces produits ? Madame la ministre, réfléchissez-y à deux fois avant de laisser s'embraser la guerre civile sur notre territoire !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Encore une fois, défendre les labels est un objectif légitime. Les AOC et IGP font la richesse et la fierté de nos territoires.
Nous nous efforçons de respecter scrupuleusement les conclusions du Grenelle de l'environnement, comme l'a souhaité le Président de la République. D'où l'activation de la clause de sauvegarde pour la culture du maïs MON 810 et ce projet de loi. Ce que nous voulons, c'est sortir de la guerre civile pour aller vers plus de paix. Or je crains que votre amendement n'aboutisse qu'à déplacer le front au sein des organismes de défense et de gestion. En proie à de vives tensions, ils ne pourraient pas assumer leur responsabilité. Ce ne serait vraiment pas leur faire un cadeau que de leur confier cette charge.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Je tiens à rassurer M. Pastor, visiblement ému par cet amendement n°223. N'oublions pas que le but de ce texte est d'assurer la coexistence et le respect de chaque mode de culture. Il n'est pas question d'instituer la domination d'une culture sur l'autre, mais de défendre une agriculture plurielle. Les 20 % des agriculteurs français qui produisent sous label de qualité sont le fer de lance de notre économie. Nous ne voulons évidemment pas les mettre en difficulté.
Il s'agit aujourd'hui d'un saut technologique, que cette forme d'agriculture fera ou ne fera pas ; n'empêchons pas le développement dans le respect mutuel d'une autre forme d'agriculture.
L'amendement n°223 n'est pas adopté.
M. Jean-Marc Pastor. - On le fera savoir !
Article 4
Au titre VII du livre VI du code rural sont insérés les articles L. 671-14 et L. 671-15 ainsi rédigés :
« Art. L. 671-14. - Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende :
« 1° Le fait de ne pas respecter une ou plusieurs des conditions techniques prévues à l'article L. 663-8 ;
« 2° Le fait de ne pas avoir déféré à une des mesures de destruction ordonnée par l'autorité administrative en application de l'article L. 663-9.
« Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires d'affichage de la décision prononcée ou de diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique.
« Les personnes morales encourent, outre l'amende prévue au premier alinéa de l'article 131-38 du code pénal, les peines prévues au 9° de l'article 131-39 du code pénal.
« Art. L. 671-15. - Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende le fait de faire obstacle à l'exercice des fonctions des agents mentionnés au I de l'article L. 251-18 agissant en application de l'article L. 663-9. »
M. Gérard Le Cam. - La commission propose à cet article un amendement qui laisse penser que les faucheurs n'encourent actuellement aucune sanction pénale ; or l'article 322-1 du code pénal prévoit des peines de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, peines aggravées si le délit est commis en réunion. Cet amendement n'est que d'affichage politique.
J'attends en outre des éclaircissements sur les sanctions encourues par les exploitants qui plantent des OGM en violation du moratoire sur le MON 810 ; je ne suis pas certain qu'ils soient concernés par l'article 671-14 du code rural...
M. Jean Desessard. - Bravo !
M. le président. - Amendement n°244, présenté par le Gouvernement.
Dans le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 671-14 du code rural, remplacer les mots :
une ou plusieurs des conditions techniques
par les mots :
les conditions techniques relatives aux distances entre cultures
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Cet amendement va de pair avec le sous-amendement déposé sur l'amendement 18 ; il importe de définir dans la loi le champ de l'infraction constitutive du délit.
M. Jean Bizet, rapporteur. - La commission n'a pu examiner cet amendement ; à titre personnel, j'y suis favorable.
Mme Marie-Christine Blandin. - Cet amendement, sous couvert de recentrage sur les périmètres, est en réalité très libéral. Nous ne traitons pas seulement du maïs, mais de tous les OGM ; que l'on songe au colza, dont on sait la vitalité : une benne renversée sur le bas-côté et c'est l'invasion. Les dégâts, la contamination peuvent être aussi importants que ceux provoqués par le non-respect des périmètres.
M. Jean-Marc Pastor. - Comment l'amendement du Gouvernement s'appliquera-t-il aux OGM importés ? Je n'y vois pas clair.
L'amendement n°244 est adopté.
L'amendement 115 devient sans objet.
M. le président. - Amendement n°21 rectifié, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
Après le troisième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 671-14 du code rural, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Le fait de détruire ou de dégrader une parcelle de culture autorisée en application des articles L. 533-5 et L. 533-6 du code de l'environnement.
« Lorsque l'infraction visée au 3° porte sur une parcelle de culture autorisée en application de l'article L. 533-3 du code de l'environnement, la peine est portée à trois ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Il s'agit d'équilibrer notre dispositif pénal. Si le texte sanctionne lourdement les cultivateurs d'OGM qui ne respectent pas les prescriptions techniques, il n'offre pas de protection spécifique à ceux qui les respectent. Cet amendement est conforme aux conclusions du Grenelle de l'environnement, selon lesquelles le législateur doit sanctionner les destructions de cultures autorisées. S'il est vrai que le champ est devenu un espace social, il ne saurait être un espace de non-droit.
Le sous-amendement n°243 n'est pas soutenu.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - La destruction de biens d'autrui est sanctionnée de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ; le fauchage en réunion, de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. L'amendement propose pour ce dernier délit trois ans, soit presque deux fois moins, et 150 000 euros, soit deux fois plus. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Michel Charasse. - Il est fâcheux que l'amendement ne précise pas que les destructions ou dégradations visées doivent être volontaires ; et il n'évoque que les cultures autorisées. Cela veut-il dire qu'il est possible de détruire des cultures qui ne le seraient pas ? Qu'on peut se faire justice soi-même ? En République, c'est l'horreur absolue ! Nous ne sommes pas chez les Huns, il y a des tribunaux ! N'incitons pas quelques hurluberlus à se constituer en milice privée locale pour rendre la justice sur la terre d'autrui ! La sanction doit s'appliquer à toutes les destructions volontaires.
Mme Marie-Christine Blandin. - L'intergroupe OGM du Grenelle de l'environnement est parvenu à un certain nombre de propositions consensuelles. Sur quelques sujets, le consensus n'a pu être atteint ; la FNSEA a, c'est vrai, demandé que les faucheurs d'OGM soient sanctionnés plus sévèrement.
Que sont devenues les propositions de l'intergroupe ? Nous voulions garantir de pouvoir cultiver sans OGM, nous avons la garantie de pouvoir cultiver avec ; nous souhaitions une particulière vigilance pour l'apiculture, le texte est muet sur le sujet ; nous voulions que soit affirmé le droit de l'agriculteur préexistant, il devra se débrouiller seul. L'avis du Haut conseil sera rendu par son seul comité scientifique, alors qu'on sait le rôle, hélas méprisé, des usagers et des donneurs d'alerte dans les catastrophes sanitaires.
L'amendement répressif de la commission ressemble à une vengeance ; moins de prison, plus d'argent : il est vrai qu'il est plus amusant de détruire les gens à petit feu... On ne peut suivre cette proposition. (M. Desessard applaudit)
M. Dominique Braye. - Je crois me faire l'interprète de l'immense majorité de nos concitoyens : ceux que M. Charasse appelle des hurluberlus...
M. Michel Charasse. - J'ai décidé d'être aimable ...
M. Dominique Braye. - ...je les qualifie, moi, de délinquants, même si on les traite parfois avec plus de respect que ceux qui ne contreviennent pas à la loi.
Je suis responsable d'une collectivité qui compte des quartiers sensibles, où des jeunes ont été plusieurs fois condamnés pour avoir brûlé des voitures. Je serais bien en peine de leur expliquer comment des gens qui détruisent des champs entiers, avec des conséquences bien plus graves, sont toujours en liberté, honorés, quand ce n'est pas embrassés ! (Protestations à gauche)
M. Paul Raoult. - Hors sujet !
M. Dominique Braye. - Comment voulez-vous que l'on s'y retrouve ? Il est temps que le Gouvernement ait le courage, qui lui a beaucoup manqué ces derniers temps, de faire respecter le droit. Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures !
M. Jean-Pierre Bel. - Belle façon de traiter Mme la ministre !
M. Jacques Muller. - Vous perdez vos nerfs pour en venir à de telles goujateries !
M. Dominique Braye. - Tout le monde connaît votre sens de la mesure, monsieur Muller !
M. Jacques Muller. - À l'article suivant, qui traite de l'indemnisation des victimes, vous calculez au pèse-lettre le montant de l'indemnité que sera en droit d'attendre un agriculteur traditionnel dont les cultures auront été polluées ! Pour un hectare de maïs biologique pollué, il se verra généreusement verser 30 euros ! Et vous proposez ici, par amendement, de prévoir une amende de 75 000 euros pour délit de fauchage ?
Mme Évelyne Didier. - C'est disproportionné !
M. Jacques Muller. - C'est irrationnel ! La loi protège déjà les biens des personnes. Et ce n'est pas à nous, monsieur Braye, de nous prononcer sur la manière dont les juges l'appliquent ! En revanche, c'est bien un vide juridique qui est à l'origine des désordres : ils n'auraient pas lieu d'être si nous avions transcrit la directive, comme nous aurions dû le faire depuis octobre 2002.
D'un côté, 30 euros ; de l'autre, 75 000 : c'est indécent !
Mme Évelyne Didier. - Mme Blandin a rappelé les préconisations du groupe OGM du Grenelle : la liste est longue des mesures que vous vous refusez à voter, quand seule celle-ci semble recueillir votre assentiment. On en ressent un grand malaise. J'ai participé, comme M. Braye, à ce Grenelle annoncé en grande pompe par le Président de la République et auxquels M. Borloo et Mme Kosciusko-Morizet, nommés à la tête d'un grand ministère, consacraient toutes leurs énergies. Il nous semblait alors être face à un grand projet, porté par l'ensemble du gouvernement. Puis vient ce projet de loi, et l'on perçoit les états d'âme de M. Le Grand, et des amendements sont retirés, et chaque fois que l'on évoque le Grenelle, l'impatience pointe dans les rangs de la majorité. Quelle conclusion en tirer sinon que la démarche ambitieuse engagée il y a quelques mois se révèle, pour elle, contre nature ? N'assistons-nous pas, en direct, à l'enterrement du Grenelle de l'environnement ? (« Très bien ! » et applaudissements à gauche)
M. Laurent Béteille. - M. Muller confond sanction et indemnisation : les finalités en sont différentes. Je n'ai aucune sympathie pour ceux qui détruisent les biens d'autrui, qu'il s'agisse de véhicules ou de récoltes. Mais il existe des textes généraux : ne leur superposons pas, chaque fois que nous abordons un nouveau sujet, des dispositions spécifiques, au risque de nuire à l'intelligibilité de la loi pénale. De plus, l'amendement rompt la proportionnalité entre peine d'enfermement et amende. Je ne pourrai pas le voter.
M. Jean Desessard. - Cette mesure idéologique mérite d'être remise en contexte. Car sur la justice, le débat va aujourd'hui bon train. On condamnera donc les faucheurs à la prison ? Mais sachant combien un faucheur est déterminé, il ne manquera pas de récidiver. À l'heure où l'on prétend appliquer des peines plancher aux récidivistes, faudra-t-il donc enfermer les faucheurs ad vitam aeternam ? (Exclamations sur les bancs UMP) Et puisque les plus hautes autorités de ce pays n'hésitent pas à déclarer sans vergogne que l'on peut être délinquant de naissance (nouvelles exclamations), faudra-t-il donc cueillir les présumés faucheurs au berceau ?
M. Dominique Braye. - Vous vous trompez de débat !
M. Jean Desessard. - Combien de temps refuserez-vous le débat ? Vivons-nous donc dans le meilleur des mondes possibles ? Non, notre société, profondément injuste à bien des égards, porte à la confrontation. C'est au lobby des multinationales (exclamations sur les bancs UMP), qui pousse à la libéralisation de la culture des OGM, que les faucheurs s'affrontent aujourd'hui, comme les ouvriers combattent pour leurs droits en occupant leur entreprise. Il est des formes de résistance qui, si elles ne sont pas légales, n'en sont pas moins justes ! Comment répondez-vous à cette demande de justice ? Comme sait seulement le faire la droite : par la répression !
M. le président. - Je ne sais plus quel sénateur a appelé au calme...
M. Paul Blanc. - Amenez le défibrillateur !
M. Michel Charasse. - Voilà ce que ça donne de trop manger bio ! (Rires)
M. Jean-Marc Pastor. - Notre pays est un État de droit, il n'est pas inutile de le rappeler. Chacun y a des droits et des devoirs. Je suis de ceux qui désapprouvent ceux qui détruisent les biens d'autrui.
M. Dominique Braye. - Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. - Mais il existe une justice dans notre République ! Je souscris pleinement aux propos de M. Béteille : avant d'introduire de nouvelles sanctions, commençons par appliquer ce que le législateur a voté ! Seuls les régimes extrémistes ne savent faire appel qu'à la répression. Je lui préfère, de loin, la pédagogie. Nous allons examiner des amendements qui prévoient de mieux informer sur les OGM pour éviter que les populations ne se braquent. Là est notre tâche collective. (M. Cazalet applaudit)
M. Jean Bizet, rapporteur. - Je m'efforce, dans ce débat, de retrouver mon calme et mes esprits. M. Desessard nous avait habitués à davantage d'humour et de courtoisie, mais peut-être, comme le suggère M. Charasse, son comportement résulte-t-il d'un excès de consommation de produits biologiques. (Sourires) J'ai apprécié, en revanche, les propos de M. Pastor. Nous sommes, en effet, dans un État de droit.
Ce texte recherche un équilibre. Il pénalise ceux qui cultivent des OGM en s'affranchissant des règles que nous avons établies. De même, ceux qui détruisent illégalement les cultures doivent être sanctionnés.
Depuis quelques années, les juges ont fait preuve d'un certain laxisme envers des fauchages pourtant illégaux, et l'on est passé progressivement d'une société d'inquiétude à une société de confusion, parfaitement inacceptable. M. Pastor insiste sur la pédagogie, mais quand on n'est pas entendu pendant des années, il faut bien songer à la sanction !
M. Dominique Braye. - Exactement !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Je ne suis pas un juriste distingué comme M. Charasse, mais il me semble que la notion de « culture autorisée » justifie pleinement la définition d'un délit spécifique, c'est un peu la même chose que pour le délit de grande vitesse. Ce délit s'est banalisé au fil du temps et n'est plus sanctionné comme il le mériterait... Mme la ministre paraît trouver que nous sommes trop cléments en diminuant le quantum à trois ans de prison : nous pouvons parfaitement le remettre à cinq ans ! Quant à M. Muller, je ne le comprends pas...
M. Dominique Braye. - Vous n'êtes pas le seul !
M. Jean Desessard. - Je le comprends bien, moi ! (Sourires)
M. Jean Bizet, rapporteur. - Pour l'indemnisation des agriculteurs bio, nous nous sommes calés sur le différentiel de prix. Mais attention, les choses bougent rapidement. Le maïs BT apparaît de qualité supérieure, en particulier par sa plus grande sécurité sanitaire. Si les producteurs bio n'entendent pas notre message, ils vont se sanctuariser et nous serons obligés de frapper là où ça fait mal, sur le plan des normes sanitaires ! Quoiqu'il en soit, nous voulons aujourd'hui une solution équilibrée.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - En fait d'équilibre, je perçois mal celui qui consiste à réduire de moitié l'emprisonnement et de multiplier par deux l'amende... J'adhère aux propos de M. Béteille, mais la loi pénale relève pleinement des parlementaires, d'où la position de sagesse du Gouvernement.
M. Michel Charasse. - Sans vouloir mettre en cause les efforts méritoires du rapporteur, si le Sénat devait adopter cet amendement, la CMP devrait y revenir, par cohérence avec les dispositions générales : la destruction d'une parcelle non autorisée ne saurait être punie davantage que celle d'une parcelle autorisée !
M. Dominique Braye. - C'est l'inverse !
M. Michel Charasse. - L'alourdissement des amendes n'est pas une solution, car les gens concernés ne les payent pas ; et comme, depuis longtemps, il n'y a plus d'État, on ne les poursuit pas. Il faut donc trouver une autre solution.
M. Gérard Le Cam. - Cet amendement est de pur affichage ; il ne dissuadera pas plus les faucheurs de faucher, que les lois antigrèves ne dissuadent les fonctionnaires de faire grève ! (Exclamations à droite) Je suis pour le respect des biens d'autrui mais, en l'espèce, on doit comparer les faucheurs de maïs à ceux qui viennent faucher dans la poche même de la petite paysannerie rurale : où sont réellement les plus grands délinquants ?
M. Paul Raoult. - Cette loi est de pure circonstance ! Pourquoi mettre en exergue le fauchage des PCM ? Si les règles de culture en plein champ avaient été définies il y a quelques années, nous n'en serions pas là. (Approbations à gauche et à droite)
Le juge en est venu à dire, en quelque sorte, que tout ce qui n'est pas autorisé, est interdit, ce qui n'a pas manqué d'aviver les passions. Mais aujourd'hui, rien ne sert d'agiter le chiffon rouge d'une répression plus sévère ! La destruction de plantation doit être punie de la même manière, qu'il s'agisse ou non d'OGM ! Gardez votre sang-froid !
M. le président. - Dix orateurs se sont exprimés ; je pense que le Sénat est en état de se prononcer. (« Très bien ! » à droite)
L'amendement n°21 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°198, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 671-14 du code rural par un alinéa ainsi rédigé :
« Les sanctions que l'autorité administrative peut prononcer comprennent la destruction totale ou partielle des cultures incriminées. Les frais entraînés par ces sanctions sont à la charge de l'exploitant.
M. Paul Raoult. - Amendement rédactionnel.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Cet amendement est inconstitutionnel : Avis défavorable.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Même avis. Des sanctions administratives sont déjà prévues par le code rural.
Mme Marie-Christine Blandin. - Fort du principe qu'on ne se fait pas justice soi-même, M. Charasse a critiqué la destruction des cultures « autorisées ». Mais le Conseil d'État a récusé l'autorisation que le Gouvernement a donnée, au motif que la commission du génie biomoléculaire, dans sa procédure d'avis, avait écarté des études importantes. Qui plus est, les entreprises sont censées assurer leur activité : aucun assureur n'acceptant d'assurer un champ d'OGM, la culture des OGM n'est pas assurée ; ceux qui cultivent les OGM ne respectent donc pas la loi. L'amendement n°198 vient à point, en proposant que l'autorité publique procède elle-même, avec ses fonctionnaires, à ce que les faucheurs sauvages d'aujourd'hui font déjà : détruire des cultures illégales.
M. Jean Desessard. - Les faucheurs devraient être payés !
M. Dominique Braye. - Les sanctions visent d'abord à dissuader les faucheurs.
Nous sommes tous fautifs de ne pas informer suffisamment nos concitoyens.
M. Jean-Marc Pastor. - Merci.
M. Dominique Braye. - Les Français sont 90 % à déclarer ne pas vouloir d'OGM dans leur assiette, mais ils sont 90 % à dire qu'ils n'y connaissent rien ! On ne peut leur demander de se prononcer sur un dossier aussi important sans leur avoir fourni un minimum d'informations.
J'ai conduit hier une réunion dans ma commune devant cent cinquante personnes, dont 90 % étaient a priori hostiles aux OGM. Je leur ai expliqué que les OGM font diminuer les mycotoxines et réduisent l'épandage de pesticides. A part quelques lombrics pas très vivaces relevés par M. Le Grand, la nocivité des OGM n'a jamais été démontrée scientifiquement. En revanche, on peut compter le nombre de morts dus aux pesticides !
Mme Marie-Christine Blandin. - Ah !
M. Jean Desessard. - Enfin !
M. Dominique Braye. - Les OGM sont aux pesticides ce que le nucléaire est au gaz à effet de serre ! Nous devons tous nous efforcer d'éclairer nos concitoyens.
Je veux répondre à Mme Didier, qui estime que l'on foule au pied le Grenelle de l'environnement, et à M. Muller, qui veut en être le « fantassin ». Comme pour les relations avec les partenaires sociaux, tout s'est déroulé de manière parfaitement démocratique.
M. Jean Desessard. - Vous verrez !
M. Dominique Braye. - On a donné une tribune et une audience à des gens qui ne représentent pas grand-chose, et ils ont cru que le Parlement se contenterait d'être une simple chambre d'enregistrement ! Ce n'est pas ça la démocratie. Il y a le temps de la démocratie participative, de l'information et de la consultation de la population, mais la décision revient aux instances délibératives prévues par nos institutions. À nous d'expliquer ensuite nos choix. Notre République fonctionne normalement. Je compte sur M. Le Cam pour rapporter mes propos à Mme Didier.
M. Jacques Muller. - Je ne prétends pas être le fantassin du Grenelle.
M. Dominique Braye. - C'est vous qui l'avez dit !
M. Jacques Muller. - J'ai dit que le soldat Grenelle était en danger et j'ai invité la Haute assemblée à le sauver, voilà tout. Je fais des propositions constructives pour que les engagements de Grenelle soient respectés.
La filière maïs Alsace est passée au non-OGM pour augmenter la rémunération de sa production. Le cas du sud-ouest ne peut être généralisé !
Cet article contraire au bon sens découle du marché passé avec l'AGPM, qui n'a accepté la transparence des parcelles qu'en échange de l'instauration du délit de fauchage. Encore une fois, le lobbying pourrit le débat ! Je me retrouve dans les propos de M. Béteille, et je note que M. Pasqua n'a pas participé au vote. La loi punit ceux qui dégradent des biens. C'est suffisant. À vouloir aller au-delà, on sombre dans l'idéologie.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Madame Blandin, s'il est vrai que les professionnels, que nous avons auditionnés, ne souhaitent pas s'engager dès à présent dans le processus assurantiel, c'est qu'ils n'ont pas encore eu le temps de faire fonctionner leur outil de modélisation.
Mme Marie-Christine Blandin. - Entretemps, les OGM ont poussé !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Les agriculteurs sauront se prendre en charge à travers leurs organismes stockeurs et la cotisation volontaire à l'hectare des seuls agriculteurs OGM qui permettra d'assurer l'ensemble.
Mme Marie-Christine Blandin. - Cinq ans d'impunité !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Je ne rentrerai pas dans ce débat. Il n'y a pas de vide assurantiel. Les agriculteurs conventionnels et bio ne seront pas abandonnés.
J'ai choisi mon camp, celui des non faucheurs. M. Muller a choisi le sien, je le laisse libre de son choix. (Applaudissements sur certains bancs à droite)
L'amendement n°198 n'est pas adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
Article 5
Dans le chapitre III du titre VI du livre VI du code rural sont insérés les articles L. 663-10 et L. 663-11 ainsi rédigés :
« Art. L. 663-10. - I. - Tout exploitant agricole mettant en culture une variété génétiquement modifiée dont la mise sur le marché est autorisée est responsable, de plein droit, du préjudice économique résultant de la présence accidentelle de l'organisme génétiquement modifié de cette variété dans la production d'un autre exploitant agricole, lorsque sont réunies les conditions suivantes :
« 1° Le produit de la récolte dans laquelle la présence de l'organisme génétiquement modifié est constatée est issu d'une parcelle située à distance de dissémination d'une parcelle sur laquelle est cultivée cette variété et a été obtenu au cours de la même campagne de production ;
« 2° Le produit de la récolte mentionné au 1° était destiné, lors de la mise en culture, soit à être vendu en tant que produit non soumis à l'obligation d'étiquetage mentionnée au 3°, soit à être utilisé pour l'élaboration d'un tel produit ;
« 3° L'étiquetage du produit de la récolte mentionné au 1° dans laquelle la présence de l'organisme génétiquement modifié est constatée est rendu obligatoire en application des dispositions communautaires relatives à l'étiquetage des produits contenant des organismes génétiquement modifiés.
« II. - Le préjudice économique mentionné au I est constitué par la dépréciation du produit résultant de la différence entre le prix de vente du produit de la récolte soumis à l'obligation d'étiquetage visée au 3° du I et celui d'un même produit non soumis à une telle obligation.
« III. - Tout exploitant agricole mettant en culture une variété génétiquement modifiée autorisée à la mise sur le marché doit souscrire une garantie financière couvrant sa responsabilité au titre du I.
« IV. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article.
« Art. L. 663-11. - Les dispositions de l'article L. 663-10 ne font pas obstacle à la mise en cause sur tout autre fondement de la responsabilité des exploitants mettant en culture une variété génétiquement modifiée, des distributeurs et des détenteurs de l'autorisation de mise sur le marché et du certificat d'obtention végétale. »
M. Jacques Muller. - M. Bizet considère que le seuil de 0,9 % est incontournable car déterminé au niveau européen. Sur le plan éthique, le droit de produire sans OGM doit être appréhendé comme un droit à ne pas être pollué. Ce seuil d'étiquetage n'a de sens ni pour l'agriculteur d'une filière sans OGM, ni pour le consommateur. Selon un sondage CSA du 4 février 2008, 71 % des Français estiment que « sans OGM » signifie « zéro OGM »...
Le rapporteur a raison sur l'obligation d'étiquetage, mais le seuil de contamination déclenchant une indemnisation ou entraînant la responsabilité n'est pas déterminé par la réglementation européenne : au contraire, la directive invite explicitement les États à légiférer sur ce point !
Il ne faut pas confondre le seuil d'étiquetage, qui détermine un seuil de contamination fortuite au-dessus duquel il faut informer le consommateur et qui est issu de tractations avec l'industrie agroalimentaire, et le seuil de détection, défini scientifiquement et fixé par les États, qui détermine l'appellation « sans OGM ». Ainsi, la loi allemande prévoit l'indemnisation en cas de contamination « notamment en dessus de 0,9 % », c'est-à-dire y compris en dessous. L'Italie a fait de même, et la Styrie a fixé ce seuil à 0,1 %. La Commission européenne, pourtant vigilante sur tous les freins à la concurrence, n'a pu contester ces dispositions sur le plan juridique. Le seuil de 0,9 % n'est donc pas incontournable !
En toute rigueur, le seuil de contamination ne peut être que le seuil de détection, le seuil dit de quantification, soit 0,1 %, déjà appliqué par les filières bio.
Nier cette réalité en fonction de considérations peu avouables, c'est ouvrir les vannes des cultures OGM dans l'environnement, au détriment de l'agriculture de qualité. Nos concitoyens sauront apprécier ce nouveau contournement des engagements du Grenelle !
M. Jean-Marc Pastor. - Notre amendement tendant à créer un fonds d'indemnisation géré par l'office national interprofessionnel des grandes cultures et financé par une taxe sur les cultures d'OGM a été jugé irrecevable par la commission des finances qui a invoqué l'article 40. Nous en sommes surpris puisque l'État n'intervient ni dans le financement ni dans la gestion... Les organismes professionnels sont d'accord pour gérer le fonds ! Nous présenterons une nouvelle rédaction dès que nous en aurons l'occasion. Notre rapport conjoint, monsieur Bizet, prévoyait un tel fonds : or le Sénat avait adopté ses conclusions à l'unanimité.
L'amendement n°22 est retiré.
M. Jean Bizet, rapporteur. - J'ai retiré l'amendement n°22 par cohérence, après le retrait du n°16. Monsieur Muller, vous refusez d'admettre que nous devons respecter le seuil communautaire : n'espérez pas emporter l'adhésion du vice-président de la délégation à l'Union européenne que je suis ! Nous sommes à six mois de la présidence française et je suis meurtri par les arguments que vous avancez : nous devons respecter nos engagements.
Monsieur Pastor, certes, il y a eu le rapport de 2003, puis le projet de loi de 2006, créant un fonds public : ce texte n'en reprend pas l'idée, mais c'est que tout exploitant peut souscrire une garantie financière -et si le secteur privé se prend lui-même en charge, tant mieux !
Je veux dire enfin à Mme Blandin que les agriculteurs bénéficient d'une double assurance : l'échange de grains auprès des organismes stockeurs et, à défaut, l'indemnisation par un fonds auquel ils cotisent. Le système existe déjà pour le tournesol ou le colza.
M. le président. - Amendement n°79, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.
Rédiger comme suit le I et le II du texte proposé par cet article pour l'article L.663-10 du code rural :
I. - Le détenteur de l'autorisation administrative d'utilisation ou de dissémination d'un organisme génétiquement modifié, le distributeur et l'utilisateur final, dont l'exploitant agricole, sont responsables de plein droit de tout préjudice lié à la dissémination dans l'environnement d'organismes génétiquement modifiés, et ce, sans préjudice des actions récursoires éventuelles entre eux. En ce qui concerne le préjudice économique, il devra notamment englober les coûts induits par la traçabilité des produits.
« II. - La preuve du lien de causalité entre le préjudice allégué et son fait générateur est à la charge des personnes citées au I.
M. Gérard Le Cam. - L'article 5 organise la responsabilité des exploitants et la gestion des dommages ; mais le régime proposé ne nous satisfait pas. Nous voulons introduire une responsabilité de plein droit du détenteur de l'autorisation administrative, du distributeur et de l'utilisateur final. Et tous les préjudices doivent être pris en compte, par exemple les coûts induits par la traçabilité : car les agriculteurs, pour garantir que leur production est sans OGM, procéderont à des analyses et des contrôles onéreux, dont la charge devrait être supportée par les filières OGM.
Enfin, parce que ce n'est pas aux victimes de payer, cet amendement renverse la charge de la preuve. Du reste, la victime n'est pas toujours celle que l'on croit. Ayons les dérives juridictionnelles américaines à l'esprit, puisque nous importons désormais les avocats américains pour défendre certains de nos paysans. Dans Le marché de la faim, Erwin Wagenhofer et Max Annas racontent comment les détectives de Monsanto affirmaient avoir découvert parmi les semences de Schmeiser, producteur canadien, des graines de colza présentant les propriétés de celles, transgéniques, de Monsanto. Un procès est intenté pour vol, mais il apparaît finalement que seules quelques plantes suspectes ont été trouvées dans un fossé délimitant les terrains ! Entre temps, le juge canadien avait condamné Schmeiser. Parfois, le droit se retournera contre les agriculteurs conventionnels. C'est pourquoi notre amendement n'est qu'un amendement de repli. (M. Desessard applaudit)
M. le président. - Amendement n°116, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Au début du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, ajouter les mots :
Tout détenteur de l'autorisation visée à l'article L. 533-3 du code de l'environnement,
M. Jacques Muller. - Les cultures d'essai en plein champ présentent les mêmes risques que les cultures commerciales. La contamination mondiale de la filière de riz non OGM par le riz OGM LL601, pourtant cultivé en essai, en est la triste illustration.
M. le président. - Amendement n°199, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, après les mots :
Tout exploitant agricole
insérer les mots :
ainsi que tout détenteur de l'autorisation visée à l'article L. 533-3 du code de l'environnement, y compris tout opérateur réalisant un essai d'organismes génétiquement modifiés en milieu ouvert,
M. Jean-Marc Pastor. - Il peut y avoir des accidents causé par des cultures expérimentales en plein champ. Pourquoi écarter dans ce cas toute responsabilité ?
M. le président. - Amendement n°200, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, remplacer les mots :
est responsable
par les mots :
est solidairement responsable avec le distributeur auprès duquel il a acquis les semences
M. Jean-Marc Pastor. - C'est toute la chaîne qui doit partager la responsabilité.
M. le président. - Amendement n°117, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, après les mots :
de plein droit,
insérer les mots :
ainsi que le distributeur auprès duquel il a acquis les semences,
M. Jacques Muller. - L'engagement de la responsabilité du distributeur en cas de contamination de cultures voisines réduira les risques de culture « sauvage » des OGM -je songe aux achats de semences en Espagne. Nous favorisons donc les cultures sous contrat avec le distributeur.
M. le président. - Amendement n°118, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, après les mots :
autre exploitant agricole
insérer les mots :
y compris les apiculteurs,
M. Jacques Muller. - Il y a là un problème de fond. Les apiculteurs doivent figurer dans le texte de la loi, car ils sont les premières victimes potentielles de la contamination -les abeilles butinent jusqu'à dix kilomètres autour de la ruche. Et de nombreux miels sont produits sous AOC. Songeons aussi au rôle des abeilles dans l'écosystème ; la fonction d'externalité des apiculteurs, le service rendu à la collectivité doivent être reconnus. Les ruches disparaissent partout dans le monde, sous l'effet des pesticides, des ondes électromagnétiques des téléphones portables, des OGM -aux États-Unis où les cultures transgéniques sont très développées, les colonies d'abeilles sont taillées en pièces !
Les apiculteurs ont été enterrés mardi, alors que le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de notre assemblée. Je regrette que le vote intervenu à cette heure tardive leur ait été fatal.
M. le président. - Amendement n°23, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
Dans le deuxième alinéa (1°) du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, remplacer les mots :
à distance de dissémination
par les mots :
à proximité
M. Jean Bizet, rapporteur. - La rédaction du texte de loi paraît trop vague.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
I. Au début du troisième alinéa (2°) du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, remplacer les mots :
Le produit de la récolte mentionné au 1°
par le mot :
Ce produit
II. Au début du quatrième alinéa (3°) du même I, remplacer les mots :
L'étiquetage du produit de la récolte mentionné au 1° dans laquelle la présence de l'organisme génétiquement modifié est constatée
par les mots :
Son étiquetage
M. Jean Bizet, rapporteur. - Simplification rédactionnelle.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
I. Dans le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, supprimer le mot :
Économique
II. Dans le même II, remplacer les mots :
une telle
par le mot :
cette
M. Jean Bizet, rapporteur. - Encore la simplification rédactionnelle.
M. le président. - L'amendement n°204, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés est identique à l'amendement n°24.
M. Jean-Marc Pastor. - Amendement rédactionnel.
M. le président. - Amendement n°119, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Rédiger comme suit le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural :
« II. - Le préjudice mentionné au I est constitué par la dépréciation du produit résultant de la différence entre, d'une part, le prix de vente du produit de la récolte soumis à l'obligation d'étiquetage visée au 3 du I ou perdant la possibilité d'être garanti « sans organismes génétiquement modifiés » et, d'autre part, celui d'un même produit non soumis à une telle obligation. Par « sans organisme génétiquement modifié », il faut entendre absence de toute présence d'ADN modifié dépassant le seuil de détection à l'analyse.
« Ce préjudice est également constitué par toute autre perte avérée, directe ou indirecte, immédiate ou différée, ou part tout autre atteinte à la santé ou à l'environnement.
M. Jacques Muller. - Le projet de loi se réfère au seuil de 0,9 %.
M. Bizet parle d'Europe. Alors, examinons la réglementation européenne : le seuil de 0,9 % correspond à l'obligation d'étiquetage en direction du consommateur ; il n'a pas de rapport avec la contamination des cultures. S'il y en avait un, la Commission européenne, toujours extrêmement vigilante au respect de la libre concurrence, n'aurait pas admis que plusieurs États membres fixent le seuil de contamination au niveau scientifique de 0,1 %.
M. le président. - Amendement n°201, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après les mots :
différence entre
rédiger comme suit la fin du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural :
d'une part, le prix de vente du produit de la récolte soumis à l'obligation d'étiquetage visée au 3° du I ou perdant la possibilité d'être étiqueté « sans organismes génétiquement modifiés » et, d'autre part, celui d'un même produit non soumis à une telle obligation, ou étiqueté « sans organismes génétiquement modifiés ».
M. Roland Courteau. - La mention « sans OGM » correspond à la définition retenue par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la présence de toute trace d'OGM étant exclue du produit.
M. Jean Bizet. - La commission est défavorable à l'amendement n°79, qui rendrait l'utilisateur final responsable. Même le consommateur pourrait être mis en cause ! D'autre part, les coûts de contrôle ne sont pas assimilables à un préjudice. Enfin, le deuxième paragraphe est contradictoire avec la présentation de l'amendement, puisque la responsabilité de plein droit serait applicable.
L'amendement n°116 conduirait à étendre la responsabilité aux organismes de recherche. L'idée peut être séduisante, mais les essais ont lieu dans un cadre très strict, sur des parcelles de petite taille. Qui plus est, pour le maïs, les organes mâles sont castrés, les organes femelles sont encapsulés. Enfin, nous voulons tous amplifier la recherche dans ce domaine. Il ne faut donc pas accroître les charges pesant sur les établissements qui s'y consacrent. Je ne souhaite pas que les 45 millions supplémentaires attribués à cette activité ne servent pas son développement. Quel est l'avis du Gouvernement ?
L'amendement n°199 appelle les mêmes observations.
À titre personnel, je suis défavorable à la mise en cause des distributeurs de semences, proposée aux amendements n°s200 et 117, car ils ne peuvent contrôler la culture. C'est l'exploitant agricole qui choisit.
La commission repousse l'amendement n°118, qui est redondant.
Elle accepte l'amendement n°204, mais pas l'amendement n°119 car la collectivité nationale ne doit pas supporter le coût de cahiers des charges privés.
Enfin, avis défavorable à l'amendement n°201, contradictoire avec l'amendement n°5 de la commission.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - À propos de l'amendement n°79, j'observe que l'article L. 663-10 permet d'engager la responsabilité sans faute dès lors que les conditions du I sont réunies. Il est donc inutile de démontrer le lien de causalité. Nous ne souhaitons pas étendre le régime spécifique de responsabilité aux détenteurs d'autorisation d'essais, dont la solvabilité permet d'assumer la responsabilité de droit commun. D'autre part, la notion de consommateur final est trop large. Enfin, le coût de la traçabilité, nécessairement antérieure à toute contamination, n'a rien à voir avec d'éventuels dommages subis par l'exploitant. Le Gouvernement est donc défavorable à cette suggestion. Les amendements n°s116 et 199 sont analogues. Certes, la capacité de diffusion d'un gène n'est pas altérée par le fait d'apparaître dans une culture de recherche, mais les opérateurs d'essais sont clairement identifiés. Le régime de responsabilité civile classique suffit.
L'amendement n°200 est inconstitutionnel, puisqu'il mettrait en cause une personne qui n'est manifestement pas responsable du dommage considéré. Idem pour l'amendement n°117.
Il est vrai que nous avons débattu hier de l'apiculture. Le Gouvernement s'en était alors remis à la sagesse de la Haute assemblée. Si l'on veut que le dispositif s'applique aux apiculteurs, il faut l'écrire. Il est également vrai que la filière apicole connaît des difficultés, au demeurant sans rapport avec les OGM. Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n°118.
Tout comme la commission, nous souhaitons assurer la clarté juridique du texte, mais ni la rédaction du projet de loi ni celle proposée par l'amendement n°23 n'est réellement satisfaisante. Préférant malgré tout son texte, le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
En revanche, il accepte les amendements identiques n°s24 et 204.
Cette loi tend à mettre en place un marché de l'assurance afin de couvrir les dommages. Toutefois, l'amendement n°119 anticipe sur la prochaine transposition de la directive « responsabilité environnementale », qui figurera dans la loi Grenelle de l'environnement, dont vous débattrez au printemps. D'ici là, le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Acceptant la rédaction de l'amendement n°25, il repousse par coordination l'amendement n°201.
Mme Marie-Christine Blandin. - Le coût induit par la traçabilité, dit le Gouvernement, est habituel. Cela n'a pas été le cas pour le fermier du Gers obligé de prouver qu'il ne gavait pas ses anatidés avec du maïs espagnol transgénique.
L'amendement n° 79 n'est pas adopté.
Mme Marie-Christine Blandin. - Le rapporteur nous explique que les gènes mâles du maïs sont coupés et les gènes femelles encapsulés. Sans doute, mais les betteraves n'ont pas cette particularité et nous ne légiférons pas que pour le maïs mais pour tous les OGM présents ou à venir.
M. Jacques Muller. - Les conditions des essais sont plus contraignantes : on les réalise dans un périmètre de 400 mètres et les prescriptions sont plus strictes mais, si on prévoit des assurances, c'est parce qu'il y a un risque.
L'amendement n°116 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°199.
L'amendement n°200 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°117.
M. Laurent Béteille. - Je n'aime pas les répétitions mais la formulation d'origine ne se suffit pas à elle-même et certaines interprétations posent problème. L'amendement n°118 est donc indispensable, notamment pour le Gâtinais et pour son miel. (Applaudissements à gauche)
Mme Marie-Christine Blandin. - Nous l'apprécions tous ! Je veux plaider pour les apiculteurs, pour leur travail et pour leur revenu. Les abeilles fécondent aussi les arbres fruitiers et aux États-Unis, à cause de leur raréfaction, il faut que des camions transportent des ruches pour favoriser la fécondation des vergers : il serait dommage que semblable mésaventure nous arrive.
M. Daniel Soulage. - M. Etienne et moi avons apprécié l'avis favorable du Gouvernement sur cet amendement que je voterai en rappelant l'émotion soulevée par le jugement rendu par le tribunal de Marmande et confirmé par la cour d'appel d'Agen qu'a évoqué M. Muller.
M. Jean Bizet, rapporteur. - J'ai bien entendu l'appel du Gouvernement et les inquiétudes de plusieurs de nos collègues et je vais y souscrire dans la perspective de la navette mais je préférerais écrire « dont les apiculteurs » plutôt que « y compris les apiculteurs ».
M. Jacques Muller. - J'ai toujours le souci d'être constructif : je rectifie l'amendement.
L'amendement n°118 rectifié est adopté.
L'amendement n°23 est adopté ainsi que les amendements identiques n°s24 et 204.
L'amendement n°119 n'est pas adopté.
L'amendement n°25 est adopté.
L'amendement n°201 n'est pas adopté.
Les amendements n°s120 et 202 deviennent sans objet.
M. le président. - Amendement n°121, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Avant le IV du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural insérer trois paragraphes ainsi rédigés :
« ... - En cas de présence d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres produits ayant une autre origine que celle prévue au 1° du I, qu'il soit ou non possible de déterminer cette origine, les exploitants agricoles cultivant des variétés génétiquement modifiées sur le territoire français, les distributeurs leur fournissant les semences, les détenteurs de l'autorisation de mise sur le marché et du certificat d'obtention végétale et les importateurs d'organismes génétiquement modifiés sont solidairement responsables, de plein droit, des préjudices qui s'ensuivent.
« Ils sont aussi responsables de plein droit des surcoûts résultant de l'obligation de protection contre les risques de contamination supportée par les filières conventionnelles et « sans organisme génétiquement modifié », de tout préjudice non intentionnel à l'environnement ou à la santé et de leur réparation.
« ... - Ils doivent pour cela souscrire une garantie financière couvrant leur responsabilité au titre du paragraphe précédent. Il leur appartient de constituer par leurs propres moyens et en tant que de besoin un fonds leur permettant de réparer solidairement tous ces éventuels préjudices dans les mêmes conditions que prévu ci-dessus aux 2° et 3° du I et au II pour ce qui concerne les préjudices économiques et conformément à la loi pour ce qui concerne les atteintes à l'environnement ou à la santé. Il leur appartient ensuite d'amener eux-mêmes la preuve de la responsabilité directe d'un opérateur particulier s'ils veulent se retourner contre lui.
« ... - Le fait de ne pas souscrire une garantie financière et de ne pas contribuer à un fonds est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
M. Jacques Muller. - La majorité des contaminations trouve son origine dans des cultures éloignées et dans les filières de production et de distribution des semences, ce qui rend difficile l'identification de l'OGM responsable. Comment réparer le dommage sans avoir déterminé un lieu de causalité entre le dommage et son origine ?
M. le président. - Amendement n°203, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Remplacer le IV du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural par trois paragraphes ainsi rédigés :
« IV. En cas de contamination ayant une autre origine qu'une parcelle à distance de dissémination ayant porté une culture génétiquement modifiée durant la même campagne de production que la récolte contaminée, qu'il soit ou non possible de déterminer cette origine, les exploitants agricoles cultivant des variétés génétiquement modifiées sur le territoire français, les distributeurs leur fournissant les semences, les détenteurs de l'autorisation de mise sur le marché et du certificat d'obtention végétale et les importateurs d'organismes génétiquement modifiés sont solidairement responsables, de plein droit, des préjudices qui s'en suivent.
« Ils sont aussi responsables de plein droit des surcoûts résultant de l'obligation de protection contre les risques de contamination supportée par les filières conventionnelles et « sans OGM », de tout préjudice non intentionnel à l'environnement ou à la santé et de leur réparation.
« V. Ils doivent pour cela souscrire une garantie financière couvrant leur responsabilité au titre du IV. Il leur appartient de constituer par leurs propres moyens et autant que de besoin un fond leur permettant de réparer solidairement tous ces éventuels préjudices dans les mêmes conditions que prévu aux 2° et 3° du I et du II pour ce qui concerne les préjudices économiques et conformément à la loi pour ce qui concerne les atteintes à l'environnement ou à la santé. Il leur appartient ensuite d'amener eux-mêmes la preuve de la responsabilité directe d'un opérateur particulier s'ils veulent se retourner contre lui.
« VI. Le fait de ne pas souscrire une garantie financière et de ne pas contribuer au fonds d'indemnisation est puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
M. Paul Raoult. - C'est pratiquement le même amendement si ce n'est que nous sommes moins sévères : 15 000 euros d'amende contre 75 000.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Avis défavorable. Comment cela fonctionnerait-il ? L'extension de la responsabilité soulève des problèmes ainsi que celle, à l'infini, du préjudice.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Distributeurs, détenteurs de certificat d'obtention végétale ou d'autorisation de mise sur le marché et importateurs ne sont pas exonérés de responsabilité. Le projet Grenelle et la transposition de la directive Responsabilité environnementale nous permettront d'y revenir au printemps dans de meilleures conditions.
L'amendement n°121 n'est pas adopté.
M. Paul Raoult. - Pour l'épandage des boues, celui qui les fabrique engage sa responsabilité au même titre que celui qui les épand : l'agriculteur n'est pas seul responsable de la contamination. Le même raisonnement vaut pour les semences. (MM. Muller et Pastor approuvent) Il est bon que le distributeur sache où elles seront semées.
M. Jean-Marc Pastor. - Quand un distributeur vend des semences, il y a toujours un protocole de culture adossé : pourquoi n'aurait-il pas une part de responsabilité ?
L'amendement n°203 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°122, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 663-11 du code rural, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Tout acte de vente ou de location de terrain doit obligatoirement être accompagné d'une information écrite relative à la culture ou non d'organismes génétiquement modifiés dans les vingt-cinq dernières années, et relative à l'événement transgénique cultivé. »
M. Jacques Muller. - Nous recherchons la transparence. L'introduction d'un OGM est un événement génétique.
Il peut provoquer des modifications substantielles des sols, et notamment de la microfaune. Il faut donc prévoir que, lors d'un échange, les cultures pratiquées sur les terres agricoles doivent faire l'objet d'une information obligatoire.
M. le président. - Amendement n°206, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
I - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 663-12. - Tout acte de vente ou de location de terrain doit obligatoirement être accompagné d'une information écrite relative à la culture ou non d'organismes génétiquement modifiés dans les 25 dernières années, et relative à l'évènement transgénique cultivé. »
II - En conséquence, dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
et L. 663-11
par les mots :
, L. 663-11 et L. 663-12
M. Paul Raoult. - C'est le même amendement : celui qui récupère une terre doit savoir quelles sont les méthodes de culture qui y ont été précédemment utilisées.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Défavorable : ces deux amendements ne sont pas justifiés. Par ailleurs, pourquoi prévoir une durée de vingt-cinq ans alors que trois années suffisent pour une reconversion à l'agriculture biologique ? Ce n'est pas logique à une époque où l'on s'efforce de réduire les contraintes administratives pour répondre à une demande lancinante des agriculteurs. Enfin, cet amendement semble ressortir d'une logique résolument hostile à la culture des OGM.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - En tant qu'élue, je mesure combien il existe un défaut général d'information lors des ventes de terrain. Toutefois, ajouter de nouvelles contraintes pèserait lourdement sur l'opération de cession, déjà alourdie par les diagnostics qui doivent être annexés à l'acte de vente. On m'a longtemps opposé cet argument lorsque je défendais des amendements analogues relatifs aux pollutions industrielles. Nous nous en sommes finalement sortis en facilitant l'accès à l'information avec la constitution d'un registre accessible à tous. Une solution analogue pourrait être trouvée pour les cultures d'OGM. Par conséquent, avis défavorable.
M. Jean-Marc Pastor. - Tout était parfait, sauf la fin !
M. Jacques Muller. - Madame le ministre, n'est-ce pas inverser la charge de la preuve que de demander aux producteurs conventionnels et biologiques de s'informer ? Ce sont les producteurs d'OGM qui créent un événement nouveau, à eux d'assumer leurs responsabilités.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Créons un registre sur internet. Puisqu'il y a accord sur la nécessité de la transparence, il suffit de conserver la mémoire des déclarations des années passées.
L'amendement n°122 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°206.
L'article 5, modifié, est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°71, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 623-25 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ne constitue pas une contrefaçon la reproduction par un agriculteur de semences de ferme pour les besoins de son exploitation agricole, et ce, quelle que soit l'origine de ces semences. »
M. Gérard Le Cam. - Lors des débats sur le texte relatif à la lutte contre la contrefaçon, nous avions défendu un amendement afin d'exclure les semences de ferme du champ de la propriété intellectuelle et, partant, de protéger les agriculteurs d'éventuelles sanctions financières et pénales pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement. Le Gouvernement, représenté par M. Novelli, avait alors considéré que le projet de loi débattu n'était pas le bon véhicule législatif pour cette proposition dont il ne contestait pas, par ailleurs, le bien-fondé. Ce texte sur les OGM, parce qu'il touche à la brevetabilité du vivant, constitue le cadre idéal pour revenir sur cette question. Laquelle doit être réglée sans attendre l'adoption de la proposition de loi relative aux obtentions végétales, conforme à la convention internationale applicable. Il est d'autant plus urgent de sécuriser les semences de ferme que celles-ci permettent d'assurer notre indépendance alimentaire. 300 000 agriculteurs y recourent, ce qui génère 60 millions d'économies pour la ferme France. Elles représentaient 46 % du blé tendre de 2002 à 2005, proportion qui va jusqu'à 73 % dans la Beauce en 2002, sans parler d'autres plantes. En 2007, les distributeurs de blé n'ont pas assuré les livraisons de semences qu'ils avaient vendues, situation qui pourrait bientôt se reproduire pour les orges de printemps dans le nord de la France. En outre, la tendance est à la production de variétés hybrides verrouillées, notamment pour le maïs et le colza. Parce qu'il est dangereux d'assimiler la propriété du vivant à la propriété intellectuelle, parce que les semences de ferme ont montré leur importance, nous vous demandons d'adopter cet amendement.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Avis défavorable : la France a souscrit des engagements internationaux auxquels elle ne peut se soustraire. Au reste, il est paradoxal de présenter les OGM comme des innovations dangereuses et de réclamer pour les agriculteurs le droit de les utiliser...
MM. Paul Raoult et Gérard Le Cam. - Allons ! Allons !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Le Sénat s'est déjà prononcé sur les semences de ferme en adoptant la proposition de loi relative aux obtentions végétales, sur laquelle l'Assemblée nationale ne s'est pas encore prononcée. Pour être clair, chaque agriculteur a le droit d'utiliser sur sa propre exploitation des semences de ferme qu'il peut avoir héritées de son grand-père -d'où le nom de « semences de grand-père ». Seul problème : ces semences perdent de leur pouvoir germinatif après trois ans. Face à cette situation, deux solutions s'offrent à l'agriculteur : faire un échange avec un voisin -ce qui devient un acte commercial- ou racheter des semences. Entre-temps, le semencier aura mis au point de nouvelles variétés, plus longues et plus performantes, ce qui justifie l'imposition d'une taxe pour alimenter la recherche. La Grande-Bretagne, qui compte parmi les pays ultralibéraux, a étouffé sa recherche en n'instituant pas de taxe. Pour autant, la durée d'un brevet est de vingt ans, dont dix ans de recherche en laboratoire, puis dix ans d'exploitation, avant que l'innovation ne tombe dans le domaine public. Monsieur Le Cam, vous avez donc satisfaction.
Enfin, vous avez fait allusion aux semences hybrides : leur faible capacité de reproduction est la contrepartie de leurs gains en productivité et en résistance. Espérons que j'aurai clarifié les débats sur cette question !
M. Georges Gruillot. - Très bien !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Cet amendement est intéressant, mais ne porte pas sur les OGM. Nous reviendrons sur les semences de ferme à l'occasion de la proposition de loi relative aux obtentions végétales. Le Gouvernement s'était engagé en ce sens lors des débats sur le projet de loi relatif à la lutte contre la contrefaçon.
L'amendement n°71 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°123, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 411-29 du code rural est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le preneur envisage d'implanter une culture à base de plantes génétiquement modifiées, il doit avoir obtenu l'autorisation du bailleur qu'il aura avisé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, deux mois avant la plantation. L'autorisation du bailleur est donnée par écrit. Le défaut d'autorisation interdit au preneur d'y procéder, sous peine de résiliation sans que le bailleur n'ait à rapporter la preuve de la dégradation du fonds. »
M. Jacques Muller. - Cet amendement est proche de l'amendement n°122 : les propriétaires des sols ont le droit de savoir si on a pratiqué la culture des OGM sur leurs biens.
Mon amendement répond aux inquiétudes légitimes des propriétaires ; on ne connaît pas aujourd'hui les conséquences des cultures d'OGM sur la qualité du sol et l'évolution de la microfaune.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Défavorable. La culture d'OGM ne peut être assimilée à une dégradation du fonds.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Cet amendement créerait un précédent dans le régime des baux ruraux. N'oublions pas qu'il s'agit de la culture d'une plante dont la mise sur le marché a été autorisée. J'ajoute que la publicité sera totale sur les parcelles cultivées en OGM, grâce au registre.
M. Paul Raoult. - Dans le bocage, le preneur doit demander l'autorisation du bailleur s'il veut supprimer une haie. La même autorisation devrait être demandée en l'espèce, dès lors que la culture d'OGM peut altérer la biodiversité ou la qualité des sols.
M. Jacques Muller. - Je n'ai pas dit que les OGM étaient dangereux, seulement qu'on ne savait pas ce qu'il en était. Les conséquences des recombinaisons génétiques sont aujourd'hui inconnues. Il est important que les propriétaires soient informés sans devoir accomplir de démarche particulière ; tout le monde n'a pas accès à Internet.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Je reconnais que l'exemple de la suppression des haies est pertinent. Le Gouvernement s'en remettra à la sagesse, en souhaitant que la question soit approfondie d'ici la deuxième lecture.
L'amendement n°123 n'est pas adopté.
Article 6
I. - L'article L. 251-1 du code rural est ainsi modifié :
1° Le II est remplacé par les dispositions suivantes :
« II. - Le détenteur de l'autorisation visée à l'article L. 533-3 ou l'exploitant mettant en culture des organismes génétiquement modifiés ayant fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché doit déclarer auprès de l'autorité administrative les lieux où sont pratiquées ces cultures. Un décret précise les informations qui doivent être communiquées à cette autorité, notamment en ce qui concerne les parcelles cultivées, les dates d'ensemencement et la nature de l'organisme.
« L'autorité administrative établit un registre national indiquant la nature et la localisation à l'échelle parcellaire des cultures d'organismes génétiquement modifiés. Ce registre est rendu public. » ;
2° Le premier alinéa du V est remplacé par les dispositions suivantes :
« Dans l'intérêt de l'environnement et de la santé publique, l'autorité administrative peut, par arrêté, prendre toutes mesures destinées à collecter les données et informations relatives à la mise sur le marché, la délivrance et l'utilisation des produits mentionnés au I, afin d'en assurer le traitement et la diffusion. »
3° Au VI, les mots : « du comité de biovigilance » sont remplacés par les mots : « de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés ».
II. - À l'article L. 251-21 du code rural, les mots : « en application du V » sont remplacés par les mots : « en application du II et du V ».
Mme Marie-Christine Blandin. - Ce chapitre est joliment intitulé « Transparence ». Le degré de passage de la lumière peut être diversement qualifié, de l'opacité à la limpidité. Hier, M. Le Cam a obtenu une réponse translucide sur la clause de sauvegarde ; des informations récentes et autorisées remettent en cause notre optimisme naissant. Que la réponse du Gouvernement soit aujourd'hui limpide !
M. Jean Desessard. - Bravo !
M. le président. - Amendement n°26 rectifié, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
Remplacer le deuxième alinéa (1°) du I de cet article par six alinéas ainsi rédigés :
1° Le I et le II sont remplacés par les dispositions suivantes :
« I. - La surveillance biologique du territoire a pour objet de s'assurer de l'état sanitaire et phytosanitaire des végétaux et des effets non intentionnels des pratiques agricoles sur l'environnement. Les résultats de cette surveillance font l'objet d'un rapport annuel du Gouvernement à l'Assemblée nationale et au Sénat.
« Il est créé un comité de surveillance biologique du territoire. Ce comité est consulté sur les protocoles et méthodologies d'observations nécessaires à la mise en oeuvre de la surveillance biologique du territoire et sur les résultats de cette surveillance.
« Il formule des recommandations sur les orientations à donner à la surveillance biologique du territoire et alerte l'autorité administrative lorsqu'il considère que certains effets non intentionnels nécessitent des mesures de gestion particulières.
« Il est consulté sur le rapport annuel mentionné au premier alinéa.
« Un décret précise la composition, les missions et attributions ainsi que les règles de fonctionnement de ce comité.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Nous souhaitons le maintien du comité de biovigilance, tout en distinguant mieux ses missions de surveillance en aval de celles, en amont, d'évaluation des risques qui relèvent du Haut conseil des biotechnologies ; nous élargissons en outre ses compétences pour en faire un comité d'appui scientifique et technique à la mise en place de dispositifs performants de détection des effets adverses sur l'environnement de telle ou telle pratique, y compris la culture des OGM. Cet amendement est dans le droit fil des recommandations du Grenelle de l'environnement.
M. le président. - Amendement n°207, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le II de l'article L. 251-1 du code rural, après les mots :
doit déclarer
insérer les mots :
avant leur implantation
M. Jean-Marc Pastor. - Si on veut vraiment la transparence, il faut décliner l'information nationale au niveau de chaque mairie, qui est le service public aujourd'hui le plus proche des citoyens ; ce sera le sens de l'amendement n°209.
S'agissant de l'amendement n°207, l'information n'a de sens que si la déclaration est préalable à l'implantation des cultures. Les agriculteurs doivent déjà faire celle de leurs assolements aux DDA, déclaration que les aléas climatiques peuvent les amener à modifier. L'amendement ne présente aucune difficulté.
M. le président. - Amendement n°51 rectifié bis, présenté par M. Soulage et les membres du groupe UC-UDF.
Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le II de l'article L. 251-1 du code rural, insérer une phrase ainsi rédigée :
Il doit également informer, préalablement aux semis, les exploitants des parcelles entourant les cultures d'organismes génétiquement modifiés.
M. Daniel Soulage. - Cet amendement de bon sens limite les risques de contamination et préserve le nécessaire dialogue et la confiance entre agriculteurs voisins, gages d'une coexistence apaisée des cultures.
M. Jean Bizet, rapporteur. - L'amendement n°207 est trop bureaucratique : il entrainerait la constitution de deux registres ; je préfère l'amendement n°51 rectifié bis, qui le satisfait. Mais les débats en commission m'amènent à solliciter l'avis du Gouvernement. Les agriculteurs ne cessent de réclamer des simplifications administratives : pourquoi ne pas profiter de la déclaration PAC, qui doit être faite avant le 15 mai, dans laquelle sont mentionnées les cultures par parcelle ?
L'amendement 51 rectifié bis rend obligatoire une pratique de bon sens ; il est vrai qu'on se parle plus facilement au sud qu'au nord de la Loire. (Sourires et protestations amusées de M. Paul Raoult et de M. le ministre d'État)
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Avis favorable à l'amendement n°26 rectifié.
L'idée de s'appuyer sur la déclaration PAC est intéressante, étant entendu que les modalités de la déclaration sont d'ordre règlementaire ; mais les cultures d'OGM n'ont pas toutes le même calendrier. L'avis du Haut conseil des biotechnologies sera utile. Il faut simplifier, certes, mais après avoir approfondi la question. Avis défavorable à l'amendement n°207 et favorable à l'amendement n°51 rectifié bis, parce que la demande d'information préalable est légitime.
L'amendement n°26 rectifié est adopté.
M. Jean-Marc Pastor. - Vous proposez que la déclaration se fasse avant le 15 mai. Mais certaines variétés de maïs se sèment dès les premiers jours de mai. Et qui nous dit que demain, les OGM ne concerneront pas les orges, les luzernes, les céréales ? Évitons donc d'inscrire dans la loi de telles précisions de date.
Si la déclinaison du registre national est possible par commune, il serait bon qu'elle existât : c'est au plus près du citoyen que l'on assurera la transparence de l'information.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Les arguments de M. Pastor me séduisent. Les questions de date peuvent en effet être réglées par décret.
M. Jean Bizet, rapporteur. - La loi nous oblige à tenir un registre national. Ne compliquons pas les choses en obligeant les agriculteurs à alimenter un double registre, l'un d'intention, l'autre de déclaration.
M. Dominique Braye. - Ils croulent déjà sous les obligations !
M. Jean Bizet, rapporteur. - C'est pourquoi je proposais d'intégrer les déclarations à celles qui sont faites pour la PAC. Le 15 mai n'est qu'une date limite, mais les agriculteurs savent bien qu'il est préférable, pour éviter les mauvaises surprises, de la devancer.
M. Jean-Marc Pastor. - Il n'est pas question, dans notre amendement, de double registre. Nous demandons seulement, comme cela est logique, que la déclaration ait lieu avant l'implantation. Or, fixer une date au 15 mai serait méconnaître tous les semis plus précoces.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - On doit pouvoir concilier les positions. Restons bien sur un seul registre, celui de la PAC, en précisant que les agriculteurs qui veulent cultiver des OGM doivent anticiper leur déclaration. Cette solution ne vous semble-t-elle pas acceptable ? (M. Pastor acquiesce)
M. Jean Bizet, rapporteur. - Le souci de ne pas charger davantage les agriculteurs nous guide.
M. Dominique Braye. - Ils en ont assez !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Si M. Pastor ne retire pas son amendement, repoussons-le, et nous aviserons en deuxième lecture.
Mme Marie-Christine Blandin. - Notre soutien est décuplé par la proposition simplificatrice de Mme la ministre : un seul registre suffit, dès lors qu'il est alimenté par une déclaration précédant l'implantation des cultures.
M. Paul Raoult. - Il n'y a là aucune surcharge administrative : ceux qui bénéficient de la PAC doivent en tout état de cause faire une déclaration.
L'amendement n°207 n'est pas adopté.
M. Gérard Le Cam. - L'amendement n°51 rectifié bis de M. Soulage est plein de bon sens paysan. Mais je ne voudrais pas que demain, en cas de contentieux, la justice en tire argument pour dire à un plaignant dont les cultures ont été contaminées qu'il a semé à proximité de plants d'OGM en connaissance de cause.
L'amendement n°51 rectifié bis est adopté.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables. - Permettez-moi d'apporter à Mme Blandin une réponse sur la clause de sauvegarde. Le texte, dans la rédaction que nous avons mis au point cet après-midi avec le ministre de l'agriculture, sera notifié à la Commission européenne dès demain et publié au Journal officiel à la date limite du 9 février. La clause de sauvegarde entrera donc en application, dès lors que nous avons procédé au débat préalable.
Mme Marie-Christine Blandin. - C'est limpide.
La séance, suspendue à 19 h 25, reprend à 21 h 30.
présidence de M. Philippe Richert,vice-président
Traité de Lisbonne
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes.
Discussion générale
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. - Le 4 juillet dernier, je venais vous présenter les résultats du Conseil européen des 21 et 22 juin, qui s'était accordé sur la réunion d'une conférence intergouvernementale. Je vous faisais part, alors, de notre optimisme de la voir aboutir rapidement.
Conformément à la volonté du Président de la République, les choses sont allées vite, car il y avait une volonté commune pour sortir l'Europe de l'impasse. Je ne reviens pas sur les dernières étapes d'une négociation serrée et délicate car nous en avons déjà parlé à de nombreuses reprises. L'essentiel est là : pour la première fois, vingt-sept États signent un traité afin que l'Europe concilie, après dix ans de débats, approfondissement et élargissement. Les chefs d'États des pays qui avaient dit « oui » et ceux qui des pays qui avaient dit « non » ont trouvé, sous l'impulsion de la France, de l'Allemagne du Portugal et d'autres encore, l'énergie d'écrire une nouvelle page de notre histoire commune.
Le 4 février, le Congrès a approuvé la loi constitutionnelle qui nous permet aujourd'hui de procéder à la ratification du traité de Lisbonne. Que de chemin parcouru en quelques mois ! J'entends encore les sceptiques et les pessimistes de tous bords qui se lamentaient au printemps dernier sur l'incapacité de l'Union à surmonter ses propres échecs ! Les Cassandre lisaient dans le référendum du 29 mai 2005 le signe infaillible de la perte d'influence de notre pays dans une Union qu'il avait tant contribué à façonner, et redoutaient qu'on ne puisse aboutir à un traité fondé sur de nouvelles valeurs.
J'en retire, pour ma part, une confirmation de plus que nous avons collectivement créé, avec l'Union européenne, une organisation unique au monde, fondée sur le droit, la confiance et la réconciliation entre les peuples, une organisation qui, à chaque étape de sa construction, a su trouver le point d'équilibre entre l'intérêt de chacun de ses membres et l'intérêt collectif. Nous sommes plus efficaces à vingt-sept pour régler des problèmes qui nous concernent tous et ce traité nous permettra de mieux répondre aux défis auxquels l'évolution du monde nous confronte.
Avec le traité de Lisbonne, nous tournons la page des doutes et des atermoiements pour passer à une autre étape, plus constructive, car il est urgent d'agir pour une Europe plus démocratique, plus active et plus protectrice. (M. Mélenchon ironise) Nous remplissons bien, à cet égard, la tâche que nous nous sommes assignés lors de la ratification du traité d'Amsterdam ou lors de la conférence intergouvernementale en 2000, lorsque, conscients que nous étions de l'insuffisance des traités, nous demandions le renforcement de la démocratie européenne. C'est le cas avec le droit d'initiative citoyenne et avec le renforcement des pouvoirs du Parlement européen, qui devient enfin un véritable colégislateur, à égalité avec le Conseil, tant en matière budgétaire que dans un nombre important de domaines passant à la procédure de codécision.
C'est surtout le cas avec la nouvelle implication des parlements dans le processus de décision européen. Comme l'a dit M. Haenel, il s'agit d'une « révolution juridique ». Désormais, la représentation nationale pourra davantage se prononcer sur les projets européens et veiller au respect des compétences entre les États et l'Union grâce au contrôle de la subsidiarité. Pour la première fois, les parlements nationaux contribueront à la prise de décision européenne et seront les gardiens de la répartition des compétences entre l'Union et les États membres.
Avec la présidence stable, avec le Haut représentant, avec de nouveaux moyens juridiques, nous répondrons mieux à la demande sans cesse renouvelée d'action de l'Europe dans le monde. Agir à l'échelon national n'est plus suffisant dans des domaines comme la lutte contre le terrorisme, l'énergie, la lutte contre le changement climatique, le dialogue sur les migrations avec les pays d'origine, la promotion de la paix : à vingt-sept, nous serons plus efficaces.
Grâce à ces avancées, l'Europe deviendra un acteur à part entière de la scène internationale. Il s'agit d'une véritable urgence si nous ne voulons pas que cette grande ambition se trouve réduite à une zone de libre-échange.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. - Très bien !
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Pour exister aux yeux du monde, l'Union européenne a d'abord besoin de prouver son efficacité et sa puissance.
Le traité de Lisbonne incarne également une Europe plus protectrice, fondée sur un nouvel humanisme européen. Pour la première fois, nos valeurs sont clairement affirmées. Avec la charte des droits fondamentaux, avec l'obligation de prendre en compte les objectifs sociaux de l'Union dans toutes les politiques européennes, avec la solidarité entre États membres face aux catastrophes naturelles, avec le remplacement de l'objectif de la concurrence libre et non faussée par celui de la protection des citoyens, avec la reconnaissance du droit des États d'offrir à tous un service public de qualité, sur tout le territoire de l'Union, peut-on contester qu'il n'y a là aucun progrès dans les politiques sociales ?
M. Jean-Luc Mélenchon. - Oui, on peut le contester !
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Certes, le traité de Lisbonne ne réglera pas tout. (Mme Borvo Cohen-Seat le confirme) Il faudra inventer de nouvelles procédures mais, pour cela, il faut d'abord que le traité entre en vigueur le 1er janvier 2009 et donc que l'ensemble des États membres l'aient ratifié. C'est un processus long et c'est pourquoi le débat du Parlement français revêt, aujourd'hui, une dimension particulière.
Ce traité devra permettre la mise en oeuvre de politiques communes. Ainsi en sera-t-il de la coordination des politiques économiques. Celle-ci ne sera que ce que nous voudrons bien en faire. Le traité nous permet de consolider la portée juridique des décisions prises par l'Eurogroupe, dans lequel ne décident que les membres de la zone euro, et d'unifier notre représentation dans les enceintes financières internationales.
Mais c'est par la pratique et la volonté politique que nous la ferons évoluer. C'est ce qu'ont fait le président de l'Eurogroupe, le commissaire en charge des questions économiques et financières et le président de la BCE en Chine pour aborder la question du taux de change entre l'euro, le dollar et le yuan. Autre exemple : le sommet du 29 janvier a permis aux membres européens du G7 d'aborder les questions de la régulation des marchés financiers. Il ne dépend donc que de nous qu'il y ait une plus grande réciprocité dans les échanges commerciaux et économiques afin de renforcer la croissance en Europe.
Ce sont les pays de l'ancien bloc communiste qui ont ratifié les premiers ce traité. Quel symbole, quel signe de confiance dans l'Europe ! C'est Budapest qui, le premier, a ratifié ce traité, cinquante ans après la première insurrection contre le totalitarisme. (Murmures sur les bancs CRC) Redonnons confiance aux peuples, soyons au rendez-vous d'un monde qui attend et qui espère l'Europe, soyons fidèles à la France pour une Europe plus politique et plus influente ! Poursuivons ensemble la formidable aventure humaine que nous avons tous voulue depuis cinquante ans, au service de la paix et du développement économique et social. C'est au nom de la poursuite de cette aventure unique au monde que je vous demande, ce soir, de ratifier le traité de Lisbonne. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. - Le vote du traité de Lisbonne mettra fin à une période de trouble et d'immobilité en Europe. De trouble, parce que les « non » français et néerlandais, deux pays fondateurs de la Communauté économique européenne, ont ébranlé l'Union et lui ont fait douter de son avenir. D'immobilité, parce que la règle de l'unanimité et la recherche de compromis improbables empêchaient tout progrès significatif de la construction européenne et, à terme, la condamnaient à l'impuissance, voire au délitement.
Il faut savoir gré au Président de la République, dès son élection, de s'être employé à sortir de l'impasse et, tout en tenant compte du vote des Français, à donner un nouveau départ à l'Europe. Rendons également hommage au chancelier d'Allemagne, Angela Merkel, qui a convaincu nos partenaires d'aboutir à un accord acceptable par tous, conciliant le respect de la souveraineté des États membres avec l'extension du domaine d'action communautaire.
Comme le dit Jean-Luc Sauron, le traité de Lisbonne, « traité réformateur plutôt que refondateur », ne se substitue pas aux traités existants : il les complète et les améliore.
Dans son remarquable rapport, Jean François-Poncet décrit avec minutie le dispositif du traité, les nouvelles instances qu'il crée, la nouvelle répartition des compétences, comme les avancées importantes qu'il permettra. Aussi, je me garderai bien de paraphraser ses propos avec moins de talent.
Nous ne pouvons que nous féliciter de voir l'Union européenne se doter d'une gouvernance plus efficace et cohérente, de compétences entre les États membres de l'Union clarifiées, plus étendues et mieux définies, d'un contrôle démocratique perfectionné grâce à l'extension des pouvoirs du Parlement européen et de ceux reconnus aux parlements nationaux, grâce aussi, et surtout, à l'extension du domaine des votes à la majorité qualifiée qui facilitera l'adoption de véritables politiques communes.
Le Président de la République a annoncé les grands chapitres de la présidence française de l'Union : immigration, énergie, environnement, politique étrangère et de défense, nouveaux fondements de la PAC, autant de sujets où la coopération intergouvernementale, compte tenu des menaces, ne saurait suffire, où il faut des politiques communes financées sur le budget européen.
Sans une véritable coopération entre les instances chargées d'élaborer des politiques budgétaires et fiscales et celles chargées de la politique monétaire, le développement de l'économie européenne sera constamment freiné. Faute de pouvoir disposer d'un taux de change, l'Europe est désarmée devant les États qui utilisent leur monnaie pour promouvoir leurs exportations. Enfin, tout en préservant les acquis de la PAC, nous devrons nous adapter aux nouvelles règles du jeu et trouver des alliances pour la majorité qualifiée.
L'Europe a besoin d'une véritable politique étrangère, à la mesure de sa puissance démographique et économique. Il n'est pas sûr que les instances prévues par le traité favorisent son émergence, tant les attributions respectives du président du Conseil européen, du Haut représentant, du président du Conseil des affaires étrangères et du président de la Commission, risquent de se chevaucher. Cette complexité peut nuire à l'action commune et il faudra beaucoup de diplomatie et de souplesse pour éviter les conflits.
Cependant, la politique étrangère de l'Europe exige une politique de défense, qui elle-même ne verra le jour que si elle trouve sa place dans une Otan rénovée, ce qui suppose l'accord préalable des États-Unis. L'alternative n'est pas entre la politique de défense et l'Otan, mais entre une vision de l'Alliance héritée de la guerre froide et une nouvelle répartition des tâches au sein de l'Alliance, où les Européens recevraient une mission propre. Il faudra aussi que les États membres accroissent leur participation financière à la politique de défense.
L'entente entre la France et l'Allemagne est une condition de la construction européenne qui, chaque fois, n'a progressé que lorsque nos deux pays ont agi de concert. Aussi faut-il que nos politiques soient assises sur des valeurs partagées. La France aura du mal à convaincre ses partenaires sans procéder rapidement à un redressement de ses finances publiques, à des réformes fondamentales qui démontrent son aptitude à s'adapter au monde moderne !
M. Hubert Haenel, président de la délégation. - Très bien !
M. de Rohan, président de la commission. - A ceux qui estiment que le traité de Lisbonne ne va pas assez loin dans le sens de l'unité européenne comme à ceux qui lui reprochent de porter un coup fatal à l'indépendance ou à la souveraineté du pays, je livre cette réflexion de Jean Monnet : « Ceux qui ne veulent rien entreprendre parce qu'ils ne sont pas assurés que les choses iront comme ils l'ont arrêté par avance se condamnent à l'immobilité. Personne ne peut dire aujourd'hui la forme qu'aura l'Europe où nous vivrons demain car le changement qui naîtra du changement est imprévisible ».
Oui, l'avenir de l'Europe est dans le mouvement, c'est pourquoi nous voterons ce traité avec la certitude d'agir pour le bien de notre pays, afin de libérer les énergies et mettre l'Union sur la voie de la prospérité et de la puissance ! (Applaudissements à droite)
M. Jean François-Poncet, rapporteur de la commission des affaires étrangères. - Le traité de Lisbonne a toute sa place parmi les grands traités qui ont jalonné l'histoire de la construction européenne, après celui de Rome en 1957, l'Acte unique de 1986 et le traité de Maastricht de 1992. C'est qu'il adapte les institutions à l'élargissement, après le double choc du nombre et de l'hétérogénéité : à vingt-sept, la règle de l'unanimité est impraticable, la présidence ne revient que tous les quatorze ans ; les pays sont différents par leur niveaux de développement, mais aussi par leur taille : six ont plus de 40 millions d'habitants, les autres moins de 10 millions. Un député maltais au Parlement européen représente 67 000 électeurs, son collègue allemand, 870 000 !
M. Bernard Frimat. - Et le Sénat ?
M. Jean François-Poncet, rapporteur - La pondération des votes ne corrigeait qu'imparfaitement ces déséquilibres. La règle de la majorité qualifiée s'imposait donc, de même qu'une nouvelle répartition des voix au Conseil des ministres et au Conseil européen. Même chose pour les commissaires européens qui ont, jusqu'à présent, pu vouloir représenter leur pays du fait même qu'il y avait autant de commissaires que d'États membres, alors que la Commission doit être une instance collégiale, chargée d'assurer le respect des traités et de défendre l'intérêt général de l'Union.
La convention sur l'avenir de l'Europe, présidée par M. Giscard d'Estaing et dans laquelle nos collègues MM. Haenel et Badinter ont joué avec distinction un rôle important a abouti à une véritable innovation institutionnelle. Je ne reviens pas sur les circonstances qui ont conduit à son rejet.
Je ne veux pas ignorer la position de ceux qui demandent aujourd'hui une ratification du traité de Lisbonne par référendum, par cohérence avec le traité constitutionnel.
M. Charles Pasqua. - Oui !
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - Le traité de Lisbonne, cependant, ne parle pas de Constitution, pas plus qu'il ne mentionne de symbole comme l'hymne ou le drapeau.
M. Hubert Haenel, président de la délégation - C'est dommage !
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - La libre concurrence cesse d'être un objectif pour n'être plus qu'un moyen. Les services publics obtiennent officiellement droit de cité.
Deux arguments justifient pleinement la ratification de ce traité par la voie parlementaire. D'abord, il fait disparaître la troisième partie du Traité constitutionnel, celle qui rassemblait en un texte unique l'ensemble des dispositions économiques et sociales dispersées dans les traités et les textes antérieurs et qui donnait l'impression erronée que l'Union mettait le cap sur un libéralisme débridé. L'inspiration libérale de la construction européenne depuis ses débuts n'est pas contestable, mais le traité n'ajoutait rien et les polémiques à ce sujet n'ont pas été toujours loyales.
Le traité de Lisbonne ne reprend que la première partie du traité constitutionnel, relative aux institutions et qui n'avait suscité que très peu de critiques. (M. Jean-Luc Mélenchon le conteste) De fait, cette première partie ne modifiait pas l'équilibre existant entre la dimension communautaire et la dimension intergouvernementale de l'Union, les avancées étaient partagées.
Autre donnée : le traité de Lisbonne est un traité réformateur, qui rassemble dans un texte unique l'ensemble des amendements aux textes existants, lesquels restent en vigueur. Il faut donc rapprocher chaque amendement du texte qu'il modifie -un vrai travail de chartiste !
M. Guy Fischer. - Nous sommes d'accord.
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - Lire et comprendre les quatre cent quarante-huit articles du traité constitutionnel avaient constitué un pensum pour bien des électeurs...
M. Jean-Luc Mélenchon. - Et des parlementaires !
M. Jean François-Poncet. - ...mais c'est un jeu d'enfant par rapport au traité de Lisbonne ! (M. Mélenchon approuve) S'il est un texte qui appelle une ratification parlementaire, c'est bien celui-ci. (Marques d'approbation à droite)
M. Jean-Luc Mélenchon. - Mesurez-vous ce que vous approuvez ? Les peuples sont trop bêtes ?
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - Nous y reviendrons lors de l'examen des motions.
J'en viens, brièvement, aux principales dispositions du texte. Le traité confère la personnalité juridique à l'Union européenne, ce qui lui permettra de siéger dans les institutions internationales, telles que l'Onu. Il ne comprend pas le texte de la charte des droits fondamentaux mais la rend juridiquement contraignante -sauf pour le Royaume-Uni et la Pologne qui ont des dérogations.
M. Robert Bret. - C'est l'Europe à géométrie variable.
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - Cette dérogation, qui s'ajoute à celles dont bénéficie le Royaume-Uni pour l'euro, Schengen et la coopération judiciaire et policière, pose la question de son statut de membre à part entière de l'Union.
M. Robert Bret. - Sans oublier le chèque !
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - Pour la première fois, le traité distingue les compétences qui sont l'apanage exclusif de l'Union, celles qui sont partagées entre l'Union et les États, celles, enfin, qui appartiennent en propre aux États, mais dont l'Union peut appuyer la mise en oeuvre.
Le président du Conseil Européen sera désormais élu pour deux ans et demi, renouvelables une fois. Pour réunir une majorité qualifiée, un vote devra rassembler 55 % des États représentant 65 % de la population : ce système dit de la double majorité fait droit au principe démocratique de la représentation proportionnelle des populations et à celui de l'égalité entre les États, petits ou grands. À partir de 2014, l'effectif de la Commission passera de vingt-sept à dix-huit.
Le Haut représentant pour la politique étrangère et de défense, désigné à la majorité qualifiée par le Conseil, cumulera cette fonction avec celle de commissaire chargé de la politique étrangère. Vice-président de la Commission, il disposera d'un service dit d'action extérieure, rassemblant les services extérieurs de la Commission, du secrétaire général du Conseil, ainsi que certains services diplomatiques des États.
Le traité reprend les dispositions antérieures sur les coopérations renforcées et rend possible des « coopérations structurées permanentes » entre États membres dans le domaine de la défense.
Afin de combler le déficit démocratique dont souffrait l'Union...
M. Jean-Luc Mélenchon. - Ah !
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - ...le traité aligne sur ceux du conseil des ministres les pouvoirs législatifs et budgétaires du Parlement européen, qui a le dernier mot en matière budgétaire. Si un tiers des parlements nationaux estiment que la Commission n'a pas respecté le principe de subsidiarité, cette dernière devra reprendre l'examen du texte incriminé. S'ils sont 55 %, soutenus par la majorité du Parlement européen, le texte ne pourra être adopté.
M. Jean-Luc Mélenchon. - Ouf !
M. Robert Bret. - Quelle avancée !
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - Enfin, la présidence des différents conseils des ministres reste soumise à la règle de la rotation semestrielle entre les États. La conduite de l'Union sera donc partagée entre le président du Conseil européen, le président de la Commission, le président tournant du conseil des ministres et le Haut représentant, qui présidera de droit le conseil des affaires étrangères. Ce « quadripôle » ne simplifiera pas le système, mais a été constitutif de l'accord entre grands et petits pays.
Le rapport écrit de la commission développe tous ces points dans le plus grand détail : les curieux seront récompensés. (Sourires)
La mise en oeuvre du traité soulève toutefois quelques interrogations. Le nouveau président du Conseil, qui pourra rester en fonction pendant cinq ans, comme le président de la Commission, se contentera-t--il d'être un chairman à l'anglo-saxonne ou bien veillera-t-il à faire respecter par la Commission et les conseils des ministres les décisions et les orientations du Conseil, ce qui ferait de lui le coordonnateur suprême de l'action de l'Union ? Le traité le charge de représenter « à son niveau » l'Union à l'étranger. Le fera-t-il seul ou avec le Haut représentant ? Quelle autorité exercera-t-il sur ce dernier ? Qui portera la parole de l'Union à la Maison Blanche ? De quels services le président du Conseil disposera-t-il ? Sera-t-il un général sans armée, ou bien disposera-t-il des nombreux fonctionnaires du secrétariat général du conseil des ministres ?
Le Haut représentant porte deux casquettes : celle qu'il tient du Conseil européen et celle qui fait de lui le vice-président de la Commission. Où installera-t-il ses bureaux ?
M. Robert Bret. - Question cruciale.
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - A qui fera-t-il allégeance ?
M. Charles Pasqua. - C'est un débat de fond.
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - La politique étrangère et de défense commune s'imposera-t-elle à toutes les institutions de l'Union, sans parler des principaux États qui n'entendent pas renoncer à leur autonomie en la matière ?
La réduction d'un tiers du nombre des commissaires soulève également quelques problèmes.
La réforme atteindra-t-elle son but, qui est de restituer à la Commission son autorité en tant que gardienne des traités et force d'impulsion ? En application de la règle égalitaire, les grands États n'y seront représentés que pendant cinq ans tous les quinze ans. D'importantes décisions seront prises en leur absence : l'accepteront-ils ? Ne faudra-t-il pas, tout en conservant une Commission resserrée, réexaminer le mode de désignation des membres, par exemple confier au président l'entière responsabilité de la composition de l'équipe ? Il lui reviendrait de choisir les commissaires en tenant compte de leur origine géographique, de leurs capacités personnelles, des attentes du Parlement européen. La présidence française de l'Union devra examiner ces questions et, pour plusieurs d'entre elles, trancher afin que le traité puisse entrer en vigueur début 2009.
Le traité de Lisbonne donne à l'Europe élargie les moyens de progresser. Mais rien n'est définitivement acquis. Beaucoup dépendra des hommes et des circonstances. Si les présidents du Conseil européen, de la Commission et du Conseil des ministres, ainsi que le Haut représentant poursuivent en bonne intelligence les mêmes objectifs et s'assurent du soutien du Parlement européen, l'Union répondra aux espoirs placés en elle. Si les innovations institutionnelles actuelles débouchaient sur des rivalités internes -cela n'est ni probable, ni impossible-, l'Union trébucherait. D'autres réformes plus audacieuses deviendraient alors nécessaires, telles que la création d'une présidence unique rassemblant les trois présidences du traité de Lisbonne.
Les circonstances, elles aussi, pèseront d'un grand poids. Les progrès de la construction européenne ont toujours répondu aux défis intérieurs ou extérieurs auxquels l'Union était confrontée. Le traité de Rome a suivi l'échec de la CED, l'Acte unique est issu d'une prise de conscience de la fragmentation de l'espace économique communautaire ; le traité de Maastricht et la création de l'euro relevaient le défi de la réunification de l'Allemagne et celui de l'instabilité monétaire liée aux fluctuations du dollar. Demain, il y aura la menace politique du fondamentalisme islamique, voire d'un choc des civilisations ; il y aura aussi une menace économique, avec la concurrence de l'Asie, les délocalisations... L'Union ne relèvera ces défis que si elle reste fidèle à sa devise « unis dans la diversité », en mettant l'accent sur l'unité. C'est ainsi et seulement ainsi qu'elle défendra ses intérêts et son identité. (Applaudissements à droite)
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. - Le traité de Lisbonne va marquer un second tournant dans la construction européenne. Le premier fut le traité de Maastricht, qui a parachevé la construction économique de l'Europe et commencé sa construction politique tout en ouvrant la voie à un élargissement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Par référendum !
M. Hubert Haenel, président de la délégation. - Après le traité de Maastricht, nous avons vécu quinze ans de débat institutionnel. Comment mettre en oeuvre la nouvelle dimension politique de l'Union ? Comment préserver l'efficacité du processus de décision dans une Europe élargie ? Nous avons beaucoup tâtonné et le traité de Lisbonne est le quatrième traité institutionnel depuis Maastricht. Mais s'il est ratifié par tous, il sera le dernier avant longtemps.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Oh oui !
M. Hubert Haenel, président de la délégation. - L'Europe politique aura enfin, à son tour, trouvé sa physionomie. Celle-ci peut déconcerter. Comment se répartiront les responsabilités dans l'exécutif tricéphale ? Mais souvenez-vous que l'on a dit la même chose de la Constitution de 1958 ! Elle dérangeait les classifications des professeurs de droit et pourtant elle est toujours là ! (Michel Dreyfus-Schmidt le déplore) Le président Pompidou soulignait fort justement : « Notre système, parce qu'il est bâtard, fonctionne peut-être mieux qu'un système logique ». A quoi il ajoutait : « Les corniauds sont souvent plus intelligents que les chiens de race ».
M. Dominique Braye. - Ce n'est pas vrai ! (Sourires)
M. Hubert Haenel, président de la délégation. - L'Union telle que la dessine le traité de Lisbonne n'est ni vraiment fédérale ni confédérale, elle est un objet politique non identifié, pour reprendre le mot de Jacques Delors ; et les équilibres dépendront largement des personnalités qui seront choisies. Cette souplesse est peut-être ce dont la construction européenne a le plus besoin !
Au sein de cette nouvelle donne institutionnelle, les parlements, européen et nationaux, occuperont une place considérable dans la vie de l'Union. On a souvent accusé l'Europe de trop de technocratie : critique injuste, car c'est la défaillance du politique qui favorise le technocrate. (M. Jacques Blanc approuve) Mais il est vrai que le contrôle parlementaire restait jusqu'à ce jour limité. La situation a évolué au fil des traités et le Parlement européen a conquis de véritables pouvoirs, mais dans certains domaines seulement. Les parlements nationaux ont appris à mieux contrôler l'action européenne de leurs gouvernements et à se concerter entre eux. Mais nous allons aujourd'hui beaucoup plus loin : le Parlement européen aura un pouvoir de codécision sur la législation et le budget ; plus rien d'important ne se fera sans lui. Plus novateur encore, les parlements nationaux sont associés eux aussi à la construction européenne et veilleront au respect du principe de subsidiarité. Lors du référendum sur le traité constitutionnel, j'ai animé quelque 120 réunions en faveur du « oui ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Avec de beaux résultats ! (Sourires)
M. Hubert Haenel, président de la délégation. - Et j'ai entendu très souvent dire que l'Europe était lointaine, inaccessible, qu'elle n'intervenait pas assez en matière de sécurité, d'action extérieure, de soutien à la croissance mais trop dans des matières comme la TVA sur la coiffure, la qualité des eaux de baignade ou la protection des dunes, qui ne regardent que les réglementations nationales. (M. Paul Blanc approuve)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est bien là le problème !
M. Hubert Haenel, président de la délégation. - Le traité de Lisbonne introduit un relais, les parlements nationaux, entre l'Europe et les citoyens. Le contrôle du respect de la subsidiarité recentrera l'action de l'Union vers ses vraies missions. Ce partage des responsabilités rendra les politiques plus efficaces, plus légitimes. Les parlements nationaux se feront entendre directement auprès des institutions de l'Union, y compris de la Cour de justice. Les parlements nationaux participeront désormais pleinement à la construction européenne. Songez que, pour la première fois, un traité consacre un article aux parlements nationaux.
Ce sera pour nous tous une responsabilité nouvelle. Nous ne pourrons plus nous défausser sur Bruxelles. Sur telle ou telle décision européenne, les citoyens pourront nous demander ce que nous avons fait. C'est pourquoi nous devrons disposer d'un dispositif d'examen opérationnel. Je n'entends pas anticiper sur le futur débat constitutionnel et je ne prêche pas pour ma paroisse. (Sourires) Le bon dispositif sera celui qui fera participer l'ensemble des organes du Sénat à l'examen des questions européennes.
Il sera indispensable d'adapter notre fonctionnement. J'ai d'ailleurs bon espoir, puisque les propositions du comité Balladur indiquent la bonne voie. Un comité des affaires européennes, inscrit au titre XV de la Constitution, serait complémentaire des commissions permanentes et donnerait à notre assemblée tous les moyens d'assumer son rôle.
Je conclurai toutefois mon propos par un regret, car le traité de Lisbonne laisse en suspens une partie du contrôle parlementaire. Nous devons en particulier trouver une formule pour que les parlements nationaux et le Parlement européen puissent assurer le suivi de l'Europe de la défense. Il en va de même pour l'Europe judiciaire et policière, avec Eurojust et Europol. Certes, le nouveau traité ouvre de nouvelles possibilités, encore faudra-t-il la volonté de les concrétiser. J'espère que la présidence française y contribuera.
Quoi qu'il en soit, ce traité marque une avancée considérable vers un fonctionnement plus démocratique. C'est une raison essentielle pour approuver ce texte qui remettra l'Europe sur de bonnes bases, après deux ans d'incertitude.
Nous disposerons désormais d'instruments nous permettant de répondre aux attentes de nos concitoyens. Ne décevons pas leur impatience ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jacques Blanc. - Après ces remarquables interventions, je peux concentrer la mienne sur quelques points.
Mesurons-nous ce que représente la possibilité de voter ce soir la ratification du traité ? Il a fallu tout d'abord que la Convention, sous la houlette de son éminent président M. Giscard d'Estaing, formule des propositions.
M. Robert Bret. - Je croyais que ce n'était pas le même texte !
M. Jacques Blanc. - Puis vint l'onde de choc référendaire de 2005. Le résultat fut difficile à interpréter. J'y vois une raison pour que les référendums ne portent désormais que sur des questions simples. (Mouvements divers à gauche) Puis il a fallu le courage du candidat Nicolas Sarkozy (exclamations ironiques à gauche) qui a osé dire pendant la campagne électorale qu'il proposerait un traité simplifié, soumis à ratification parlementaire. Sans ce courage politique, l'Europe ne serait jamais sortie de l'ornière ! (Applaudissements à droite) Certes, Mme Merkel s'est mobilisée dès le début de la présidence allemande, mais avec le candidat devenu Président de la République, miraculeusement, vingt-sept pays se sont mis d'accord sur un texte.
M. Robert Bret. - Vingt-sept chefs d'État, pas vingt-sept pays.
M. Jacques Blanc. - Cette situation politique exceptionnelle montre avec éclat le succès de la courageuse volonté politique de la France, qui a retrouvé ainsi sa capacité d'agir.
Oui, la démocratie européenne avance grâce à ce traité. Nul ne peut le contester.
M. Robert Bret. - Si !
M. Jacques Blanc. - Le pouvoir de codécision du Parlement européen est étendu. C'est une instance démocratique !
M. Dominique Braye. - Élu à la proportionnelle !
M. Jacques Blanc. - Le rôle accru des parlements nationaux exigera une certaine réorganisation, pour que la délégation aux affaires européennes dispose d'une capacité nouvelle, tout en permettant une approche européenne forte au sein de chaque commission.
Le contrôle de subsidiarité fait parfois sourire. (Énergiques protestations droite) Pourtant, il signifie que l'Europe a compris un fait majeur : elle ne doit pas se substituer à ceux qui peuvent agir mieux qu'elle. Cela devrait satisfaire ceux aux yeux de qui l'Europe en fait trop.
M. Robert Bret. - Ou dans le mauvais sens.
M. Jacques Blanc. - Nul ne parle du Comité des régions, sauf moi. Il est vrai que j'en ai été le premier président et que j'ai été reconduit hier à son bureau... (Rires sur de nombreux bancs) Tout le monde réclame plus de proximité, nous voulons tous rapprocher les citoyens et l'Europe. Si les élus locaux participent à l'élaboration des décisions, contribuent au contrôle de la subsidiarité et ont le courage de faire passer un message européen, l'exigence de proximité sera satisfaite. Désormais, la Cour de justice pourra être saisie d'une atteinte à la subsidiarité au détriment des collectivités territoriales. Il y aura donc un jeu parallèle entre les parlements nationaux et les collectivités. Je me félicite à ce propos du travail effectué en commun par notre délégation et le Comité des régions sur le principe de subsidiarité.
Le deuxième fait politique majeur tient au nouvel objectif de cohérence territoriale que l'Europe s'est donné. Elle fera jouer la solidarité en faveur de tous les territoires victimes de handicap. Je pense bien sûr aux zones de montagne, aux régions périphériques ou maritimes, mais aussi aux régions victimes de chocs industriels ou naturels. Cette perspective nouvelle devra imprégner les politiques européennes.
L'aménagement du territoire est indispensable au développement durable, qui sera désormais un but pour l'Europe. Comment l'envisager sans développement harmonieux ? Agissant contre le réchauffement climatique, jouant un rôle moteur au niveau mondial pour la protection de l'environnement, l'Europe répondra aux attentes des uns et des autres, grâce au traité de Lisbonne !
On parle peu d'un troisième point : la consécration des politiques de voisinage avec les pays non candidats. À ce propos, je souhaite que la prochaine réforme institutionnelle supprime l'exigence d'un référendum avant tout élargissement. (Mme Borvo Cohen-Seat s'indigne) Qui est concerné par cette politique ? En premier lieu, la Méditerranée. Ne pensez-vous pas que le traité de Lisbonne ouvre une perspective nouvelle pour donner corps à l'ambition du Président de la République, que nous pouvons tous partager ?
M. Bruno Retailleau. - Sauf les Allemands.
M. Jacques Blanc. - Le bassin méditerranéen est traversé de drames et de violence. Pour l'Europe et la France, n'est-il pas essentiel de l'entraîner en sens inverse ? Certes, la politique du voisinage est bilatérale, mais elle peut s'appliquer à de vastes territoires de la mer Noire, de la Baltique et surtout de la Méditerranée. Dans les Balkans...
M. Dominique Braye. - Sous la calotte glacière !
M. Jacques Blanc. - ...l'enjeu est constitué par la paix et la prospérité ! Cette avancée est significative d'une nouvelle réalité.
Le préambule mentionne sans complexe notre héritage judéo-chrétien et humaniste. Ne croyez-vous pas qu'en appliquant un principe de laïcité vraie au lieu de nier son héritage religieux, l'Europe, consciente de l'influence musulmane, pourra exprimer un message fort pour empêcher le choc des civilisations ?
Je crois, et avec moi, j'en suis sûr, une grande partie de l'UMP, que c'est une chance formidable de consacrer un succès politique pour développer les politiques nouvelles qui incarneront les valeurs de l'Europe, répondront aux attentes des citoyens, à leurs angoisses comme à leurs espérances, tout en contribuant à l'équilibre du monde. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Robert Bret. - La réunion de notre Assemblée ce soir, dans la hâte, est une parfaite illustration de votre mot d'ordre : passer au plus vite l'étape de la ratification en contournant soigneusement les peuples. Consigne parfaitement respectée : tout est allé très vite, le traité a été élaboré entre mai et septembre, sans consultation des citoyens, et même la méthode conventionnelle est passée à la trappe car vos calculs partent du postulat d'une opposition entre les peuples et l'Europe. Et la signature du traité de Lisbonne a lancé la course à la ratification. La révision constitutionnelle adoptée à la va-vite, le Gouvernement revient vers nous trois jours après le congrès de Versailles. Alors que le projet a été présenté hier en conseil des ministres et voté cet après-midi à l'Assemblée nationale, la commission des affaires étrangères n'a pas hésité à se réunir dès ce matin, faisant fi de l'article 42 de la Constitution aux termes duquel une Assemblée saisie en second délibère sur le texte que lui a transmis l'autre.
M. Josselin de Rohan, président de la commission. - Ce matin, nous avons adopté le rapport de M. François-Poncet, et nous ne nous sommes prononcés sur le texte qu'à la réunion de 17 heures ; comment aurions-nous pu faire autrement ?
M. Dominique Braye. - Il ne faut pas travestir la vérité, monsieur Bret.
M. Robert Bret. - La réunion de 17 heures aurait-elle eu lieu si je n'avais pas fait cette remarque le matin à M. de Rohan, qui m'a taxé de juridisme ?
M. Josselin de Rohan, président de la commission. - Elle était déjà programmée !
M. Robert Bret. - Quelle précipitation pour ratifier un traité qui n'entrera en vigueur qu'en 2009. Un tel empressement à liquider l'étape de la ratification trahit le renoncement à combler le déficit démocratique qui gangrène la construction européenne. Une fois de plus, voilà celle-ci confrontée à ses propres contradictions. On la poursuit parce qu'on attend l'adhésion des citoyens aux bénéfices qu'elle leur procurera mais un tel raisonnement les place en situation d'extériorité -l'histoire européenne se construit sans eux-, elle les cantonne à un rôle passif.
Cette conception fait peu de cas de la parole du peuple clairement et massivement exprimée le 29 mai 2005. Par cet acte de souveraineté, il a marqué son rejet d'une Europe libérale, d'une Europe marchande mais non de la construction européenne : le peuple a envie de plus d'Europe, mais pas de celle-là.
Accélérer le calendrier et recourir à la voie parlementaire n'est pas digne de la démocratie car cela soustrait la ratification au débat public. L'autorisation donnée par les parlementaires passe alors pour un exercice de pure forme, expédié en quelques heures, sans débat véritablement susceptible d'aider à démocratiser la construction européenne. Subtiliser le traité au débat citoyen ne va pas dans le sens d'une réappropriation du projet européen par le peuple ni d'une légitimation de l'Europe. La perspective de la réalisation d'une Europe politique s'éloigne parce que le traité de Lisbonne doit passer à n'importe quel prix. C'est l'idée commune à tous les tenants de la Constitution et du traité de Lisbonne qui y voit une revanche contre le peuple. Et dire qu'ils avaient avancé l'argument d'une Europe plus démocratique...
Éminemment politique, le choix de la ratification parlementaire trahit le manque du courage de soumettre le texte au peuple. Or cela dénature le rôle du Parlement, que l'exécutif instrumentalise. Il faut que le peuple ait le dernier mot. « Le parlement peut-il désavouer le peuple ? » demandait Didier Maus. C'est politiquement impossible, mais c'est pourtant pratiquement fait. Le peuple a rejeté en toute connaissance de cause le traité constitutionnel, vous voulez l'écarter pour adopter une copie de la constitution.
Quel déni inquiétant de démocratie ! L'avenir est sombre pour le peuple, pour les salariés qui en subiront les conséquences. La concurrence libre et non faussée reste la référence de toutes les politiques et, si elle ne figure pas dans le traité, elle apparaît dans une annexe qui a la même valeur. De là découle la soumission des citoyens aux quatre volontés d'une Europe ultralibérale, exposée à la spéculation aux crises et aux krachs boursiers, d'une Europe de l'argent roi, de l'argent pourri -voyez la Société générale...
Cette Europe ne répond pas aux attentes du peuple, nos concitoyens le savent et c'est pour cela que vous évitez tout débat public. Mais ne poussez pas trop vite un ouf de soulagement : cela laissera des traces et, tôt ou tard, les citoyens demanderont des comptes. Ratifier le traité par la voie parlementaire c'est nuire au peuple, le bâillonner : l'acte majeur du Président de la République est une marque de frilosité, voire de lâcheté. Cela nuit au Parlement, subordonné au Gouvernement, cela nuit à l'Europe car, construite sans ou contre les peuples, elle n'a pas d'avenir. Nous ne participerons pas à ce hold-up démocratique et voterons contre le projet. (Applaudissements sur les bancs CRC ; M. Mélenchon applaudit également)
M. Bernard Seillier. - Le recours à la ratification parlementaire, fût-elle annoncée à l'avance, pour passer outre le refus référendaire crée une véritable gêne. Ne sommes-nous pas dans le registre des chartes octroyées pour inverser une démarche démocratique au risque de conséquences plus graves que le refus populaire? L'isolement de la France et la nécessaire relance de la construction européenne seraient des cas de force majeure. L'argument n'est pas convaincant car la vie continue et c'est elle qui crée les institutions et non l'inverse. Les institutions doivent respecter la source de la vie : le moteur n'est pas au sommet mais sur le terrain, et la démocratie doit être substantielle et non se contenter d'être formelle.
On ne peut considérer l'isolement comme une tare en soi que si l'on a renoncé à toute hiérarchie des valeurs, sauf à privilégier une dynamique constructiviste par rapport à l'éthique. Et c'est là que se différencient deux conceptions au point que la forme actuelle de la construction européenne ne pourrait avoir été que celle de sa dissolution.
Il s'agissait, il y a cinquante ans, de créer des liens étroits entre les pays de l'Europe occidentale pour éviter l'exaspération des conflits mais le monde a changé, faisant apparaître deux menaces totalement différentes : la guerre commerciale et le terrorisme. Désormais, la véritable question est de savoir comment répondre aux défis de demain. Ce sera plus facile avec de grands réseaux de coopération politique et commerciale plutôt qu'avec de grands ensembles inégalitaires, donc injustes.
De tels ensembles risquent aussi d'être perçus par les autres peuples comme des menaces. Les réseaux de coopération me semblent plus conformes aux exigences de l'ère internet.
L'Europe a un rayonnement à faire valoir, elle doit se construire autour de valeurs communes ; les peuples attendent autre chose que ce qu'on leur propose aujourd'hui. Les pétitions de principes et les bonnes intentions sont sans fécondité. Prenons le principe de subsidiarité ; on nous dit que les parlements nationaux auront leur mot à dire, mais il s'agit d'une subsidiarité octroyée, définie par le sommet. Il faudra qu'ils mettent le pouvoir central en minorité pour faire valoir leur droit. Il y a là une grande confusion, faute d'admettre que la subsidiarité est indissociable de la démocratie, indissociable, plus profondément encore, de ce qui fonde la participation des citoyens à la construction de leur destin. La subsidiarité, c'est définir les compétences au niveau le plus adéquat en respectant les valeurs de civilisation sur lesquelles repose la volonté de vivre ensemble.
Seule cette mise en perspective permet de concevoir un autre dynamisme que la gouvernance kafkaïenne que nous connaissons aujourd'hui. Rassembleur déterminé, démocrate affirmé et européen convaincu, je ne peux approuver la façon dont l'Europe se construit, qui ruine ses potentialités et sa fécondité. (Applaudissements sur quelques bancs à droite)
M. Michel Mercier. - Parler entre MM. Seillier et Retailleau n'est pas aisé. (Sourires)
M. Gérard Longuet. - Le talent vaut bien le nombre !
M. Michel Mercier. - Le traité de Lisbonne présente des avantages mais n'est pas exempt d'ambiguïtés. Nous ne devons pas être béats d'admiration devant lui.
Pour mon groupe, qui votera la ratification, le recours à la voie parlementaire est justifié par la modestie même du traité de Lisbonne et le fait qu'il modifie des traités qui ont eux-mêmes été ratifiés de la sorte. Si demain d'autres étapes devaient être franchies, si on reparlait d'une constitution ou des symboles de l'Europe, il serait tout à fait possible de demander à nouveau au peuple de se prononcer.
M. Jean-Luc Mélenchon. - Voilà ! Des colifichets pour le peuple !
M. Michel Mercier. - Le traité de Lisbonne présente trois avantages majeurs. Il remet d'abord la France dans un circuit européen qu'elle avait quitté. On a vu il y a quelques mois des chefs d'État se réunir à Madrid sans elle. Or jamais l'Europe ne s'est construite sans la France. Il est inimaginable qu'elle avance sans nous. Ensuite, le traité de Lisbonne donne à l'Europe les moyens de travailler à vingt-sept, qu'il s'agisse de l'organisation institutionnelle ou de modes de votation plus simples et plus clairs. L'Europe pourra agir dans de nouveaux domaines, là où les citoyens l'attendent : l'énergie, la coopération judiciaire et policière, l'immigration, le contrôle aux frontières. Enfin, le traité de Lisbonne marque une avancée de la démocratie européenne. On dit souvent l'Europe lointaine et bureaucratique ; le principe « un homme, une voix » trouvera désormais mieux à s'appliquer car on tiendra désormais compte, corrigeant le traité de Nice, de la population réelle des États. Les pouvoirs du Parlement européen sont accrus, les domaines de codécision deviennent de droit commun. Le rôle des parlements nationaux est réaffirmé et un contenu concret est donné au principe de subsidiarité ; il appartiendra aux parlements de s'organiser pour exprimer toutes les potentialités du traité.
Lisbonne ne règle cependant pas tout, des questions demeurent pendantes. Quelle place pour le président du Conseil, pour le Haut représentant ? Quelles relations auront-ils entre eux et avec le président de la Commission ? S'il appartient aux institutions de canaliser la fougue des individus qui la font vivre, il faudra toute la sagesse des personnalités qui seront nommées à ces postes pour éviter que les ambigüités d'aujourd'hui ne deviennent demain des sources de désaccord institutionnel.
Conscient des apports du traité de Lisbonne et des possibilités qu'il offre à la France de jouer son rôle, conscient aussi des problèmes qu'il n'a pas résolus, mon groupe votera la ratification. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Bruno Retailleau. - Que M. Mercier soit rassuré, je ne suis pas béat devant le Traité de Lisbonne. Il aura fallu deux ans pour qu'on nous resserve par la petite porte parlementaire ...
M. Dominique Braye. - Elle n'est pas petite !
M. Bruno Retailleau. - ...le traité constitutionnel qui était sorti par la porte du référendum. Si l'Europe, malheureusement, se construit sans les peuples, la méfiance à son égard ira croissant ; on le voit déjà chez nous à chaque élection européenne, avec des abstentions trois fois plus nombreuses qu'aux présidentielles ; ou en Belgique, avec 29 % de participation aux dernières élections européennes en mai 2007. Le déficit démocratique est là ! Pense-t-on y remédier en passant subrepticement sur la volonté du peuple pour adopter un traité simplifié, certes, mais qui nous ressert la même sauce ?
Pour reprendre l'expression d'Hubert Védrine dans son livre Continuer l'histoire, l'occasion d'une triple clarification a été perdue.
Clarification institutionnelle d'abord. Tout le monde le dit, tout le monde l'accepte, il n'est que de lire la presse étrangère : dans tous les pays où l'on a voté « oui », on affirme que le traité de Lisbonne est le même texte que le traité constitutionnel. Son objectif est clair : renforcer la logique fédérale. Toutes les composantes d'un super État européen en devenir sont là, la personnalité juridique, la primauté du droit communautaire, y compris sur les constitutions, des domaines plus nombreux où la décision est prise à la majorité et non plus à l'unanimité. On nous construit une Europe boulimique. Certes, elle est légitime dans les domaines où les États sont impuissants, mais les abandons successifs de souveraineté dessinent bien les contours d'une Europe fédérale, avec sa monnaie et ses services diplomatiques. Imagine-t-on cependant demain la France et le Royaume-Uni partager la même vision des relations avec les États-Unis ? Les États du Nord se rallier à la conception méditerranéenne chère à notre collègue Jacques Blanc ? Les Polonais apprécier comme la France ou l'Allemagne les rapports avec la Russie ?
On peut donc faire fonctionner cette Europe, mais les réalités nées de l'histoire et de la géographie comme dans le coeur des peuples finiront tôt ou tard par s'imposer. L'intérêt communautaire triomphe provisoirement aujourd'hui : il n'y a plus d'intérêts nationaux, il n'y a que des égoïsmes nationaux, qu'il faut réduire ! Ce n'est pas ainsi que l'on met un peuple en mouvement : il y faut un élan, et le sentiment d'une appartenance commune.
Pas de clarification, non plus, sur les frontières. L'Europe se détache peu à peu de tout ancrage territorial. Les critères de Copenhague ne peuvent se projeter sur aucune carte. Le problème de la Turquie est pendant : les mécanismes que vous allez adopter aujourd'hui seront déterminants. Si la Turquie est intégrée, le pays le moins européen sera celui qui coûtera le plus cher en matière d'intégration, et pèsera le plus dans le jeu institutionnel. Je sais, monsieur le ministre, que vous remettez en cause le mécanisme de l'article 88-5 de notre Constitution, qu'avait imaginé M. Chirac pour dissocier les deux questions. Si vous êtes partisan de sa suppression, il faut le dire clairement au peuple, lui dire ce qu'est l'Europe, où elle commence et où elle finit.
La troisième clarification qui fait défaut concerne le projet européen. Voulons-nous construire une Europe anglo-saxonne, simple zone de libre-échange ? Une Europe messianique, préfiguration d'un universalisme cher à la démocratie chrétienne, monsieur Mercier ? Une Europe bruxelloise, super État technocratique, quand nous nous heurtons déjà aux injonctions tatillonnes de Bruxelles ?
Où est la grande aventure, quand notre Président de la République se fait rappeler à l'ordre sur son projet d'Union méditerranéenne ? Quand il se fait rappeler à l'ordre sur la question de la pêche et que l'on en est réduit, monsieur de Rohan, à bâtir des usines à gaz pour ne pas se faire taper sur les doigts par les technocrates de Bruxelles ?
On ne nous dit pas où on va, ni comment on y va. De mécanisme en machinerie institutionnelle, on sécrète une entité indéfinissable qui se profile en filigrane mais dont on ne peut rien dire : « Y penser toujours, n'en parler jamais » ! Longtemps, on a cru que l'union économique permettrait de forger l'union politique ; mais comme l'a écrit Renan, « Un Zollverein n'a jamais fait une patrie ». Il a donc fallu changer de méthode ; depuis quelques années, on tente de dépasser le fait national par le droit, un peu comme Habermas avec son « patriotisme constitutionnel ». Mais les hommes ne sont pas des monades désincarnées ! Ce qui devait être le concert mutuel de l'Europe et des États nations n'est plus : le point d'inflexion, ce fut Maastricht. Depuis, la créature s'est peu à peu détachée de ses créateurs.
On ne peut créer un destin commun sur les seuls mécanismes institutionnels et juridiques. Il y faut un élan collectif. Je voterai contre ce texte. (M. Seillier et Mme Brisepierre applaudissent)
M. Jean-Luc Mélenchon. - Je ne suis pas d'accord, mais c'est intéressant.
M. Pierre Mauroy. - Depuis cinquante ans, les Européens ont engagé une construction originale, sans équivalent dans le monde. Au fil des années, ils ont bâti à six, puis à neuf, puis à quinze, et désormais à vingt-sept, un ensemble juridique, économique, social et politique fondé sur les valeurs de la démocratie et des droits de l'homme. Certes, rien n'est encore achevé, tout est encore imparfait. Mais, au fil du temps, l'Union européenne a assuré à ses habitants un relatif bien-être social et est devenue la première puissance économique mondiale. Surtout, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, les peuples européens vivent en paix, une paix renforcée, en 2004, avec l'adhésion de dix nouveaux États-membres issus de l'ex-Europe de l'Est. C'est, à mes yeux, la réussite majeure de l'Europe, qu'on ne rappelle jamais assez et qu'il faut à tout prix préserver. Malgré cette réussite exceptionnelle, les citoyens européens doutent de l'efficacité de la construction européenne. Il en résulte, chez un nombre grandissant d'entre eux, au mieux une certaine indifférence, au pire des réactions de rejet, comme celle des Français et des Néerlandais en 2005. On évoque souvent, pour expliquer cette attitude, l'opacité du fonctionnement des institutions, l'éloignement des instances de décision, la bureaucratie bruxelloise l'élargissement trop rapide, l'essoufflement du projet des pères fondateurs, l'absence de projets mobilisateurs, et surtout le déficit démocratique de l'Union. Il est certain que le débat institutionnel européen a trop longtemps mobilisé les énergies au détriment de réalisations plus concrètes.
Le premier mérite du traité de Lisbonne est de clore pour un certain temps cette période. Ce traité, s'il est adopté avant la fin de l'année par les vingt-sept États membres, devrait permettre d'enrayer la crise de confiance qui a suivi l'échec du traité constitutionnel en 2005 après les « non » français et néerlandais et favoriser la relance de la dynamique européenne. II le pourra d'autant mieux qu'il est le résultat d'un compromis signé, pour la première fois, par les vingt-sept chefs d'État et de gouvernement de l'Union. Certes, comme tout compromis, il ne satisfait totalement personne, et notamment pas les socialistes français. Ce traité manque de souffle et l'esprit européen n'est pas au rendez-vous ! On est revenu à un exercice classique intergouvernemental, consistant à négocier des modifications aux traités existants. Pour autant, comme tout compromis, il présente des aspects positifs.
En premier lieu, il modifie, dans ses dispositions institutionnelles, le traité de Nice, toujours en vigueur, dont tout le monde s'accorde à reconnaître, et c'est un euphémisme, qu'il n'est guère satisfaisant. L'architecture entre les trois principales institutions en ressort plus équilibrée et plus démocratique. Le Parlement européen monte en puissance : le nombre de ses membres augmente pour prendre en compte l'arrivée des nouveaux États membres, le nombre des représentants de chaque État étant établi en fonction de la taille de sa population ; son rôle est renforcé par l'extension de la procédure de codécision, qui aura cette conséquence que la presque totalité de la législation européenne sera adoptée par cette voie ; il lui reviendra en outre d'investir le président de la Commission ainsi que le collège qu'il aura formé en tenant compte, et c'est essentiel, de la majorité politique issue des élections européennes. Enfin, les parlements nationaux deviennent acteurs de la construction européenne puisqu'ils se voient attribuer un rôle inédit de contrôle du respect du principe de subsidiarité. A ce titre, ils bénéficient désormais d'un « droit d'alerte précoce » en cas de dépassement de ses prérogatives par la Commission. Ce nouveau droit accompagne la clarification entre les compétences de l'Union et celles des États membres, selon trois catégories : compétences exclusives de l'Union -Union douanière, politique monétaire, établissement des règles de concurrence...-, compétences partagées et compétences d'appui. Les parlements nationaux disposent enfin d'un droit d'opposition à la « clause passerelle » qui permet d'étendre la majorité qualifiée à des domaines jusque-là régis par la règle de l'unanimité. L'avenir de l'Europe se joue aussi là. En outre, alors que la cohésion territoriale est affirmée comme objectif à part entière de l'Union, les conséquences administratives et financières des propositions de la Commission sur les budgets des collectivités territoriales seront examinées et le Comité des régions pourra être consulté. C'est la première fois qu'une telle disposition est mise en oeuvre, et elle me semble de bon augure.
La composition de la Commission est quant à elle revue de façon à privilégier l'intérêt européen sur l'addition des intérêts nationaux. Cette modification, qui ramènera le nombre des commissaires dix-huit au lieu de vingt-sept, devrait ne prendre effet qu'à partir de 2014.
Enfin, la création de la fonction de président du Conseil européen, élu pour deux ans et demi renouvelables une fois, et qui ne pourra pas exercer de fonction nationale, donnera enfin un visage à l'Union et à la présidence une stabilité et une visibilité qui manquaient cruellement dans le système actuel des présidences tournantes semestrielles. Certains se sont demandés qui allait représenter l'Union : si cette fonction-là ne l'emporte pas haut la main, c'est que la personnalité retenue aura vraiment été mal choisie !
M. Jean Desessard. - Cela arrive, même en France !
M. Pierre Mauroy. - Sur le plan institutionnel, les avancées sont donc importantes, d'autant qu'elles sont complétées par d'autres dispositions permettant, elles aussi, une amélioration du fonctionnement démocratique de l'Union. Ainsi, en est-il de la révision du mode de décision au Conseil des ministres, fondé sur la double majorité, à savoir 55 % des États et 65 % de la population. Ce système n'entrera, en vigueur, hélas !, qu'en 2014, voire en 2017, mais concernera trente-trois nouveaux articles, notamment le contrôle aux frontières, la politique d'asile et la gestion des fonds structurels. Certes, la règle de l'unanimité demeure en vigueur pour la politique fiscale ou la politique étrangère, mais cette dernière progresse malgré tout avec la création d'un Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Les socialistes approuvent aussi l'introduction d'une initiative citoyenne européenne.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Mais non !
M. Pierre Mauroy. - Une pétition signée par un million de citoyens peut contraindre la Commission à prendre des mesures dans un domaine où ils estiment son intervention nécessaire. De même, le traité favorise le développement du dialogue avec les associations et conforte le rôle des partenaires sociaux.
Le traité consacre aussi les « coopérations structurées », dont il a beaucoup été question ces dernières années, qui permettent de réunir un groupe d'États et il institutionnalise l'Eurogroupe pour une meilleure coordination des politiques économiques, budgétaires et fiscales des quinze États membres de la zone euro.
Nous approuvons aussi les dispositions concernant la solidarité énergétique et environnementale européenne, le recadrage du principe de concurrence, qui avait joué un rôle important dans l'échec du traité constitutionnel, la reconnaissance des services publics prévue dans le protocole adjoint au traité, le renforcement de la coopération judiciaire et policière et du cadre d'action de la défense européenne. Enfin, l'Union est dotée de la personnalité juridique. Ses valeurs fondatrices sont rappelées dans le préambule en tête du traité comme étant « universelles et indivisibles » : respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, État de droit, droits de la personne, droits de l'enfant, tolérance, justice, solidarité, citoyenneté, égalité entre les femmes et les hommes. Tout ça, ce sont des mots, nous dira-t-on, mais nous aimons les entendre. (Sourires)
Ainsi, l'Union européenne ne se définit pas seulement comme un espace économique mais aussi comme un espace de droits, porteur de valeurs humanistes et sociales, comme nul autre au monde.
Malgré ces aspects positifs, ce traité montre de graves faiblesses et des lacunes indéniables. Je regrette certains abandons effectués à la demande de quelques États membres dont la Pologne et, surtout, la Grande-Bretagne qui a freiné tant et plus sur toutes les avancées. Les Européens devraient se mobiliser pour changer cet état de fait. Ces pays, donc, ont refusé que soient mentionnés dans les textes les symboles de l'Union : son drapeau, son hymne et sa devise. Certes, ce n'est pas le plus important mais je crois à la force des symboles et je regrette cette manie de supprimer tout ce qui peut aller au-delà des États, sans toutefois leur porter de préjudices inacceptables.
M. Hubert Haenel, président de la commission - Très bien !
M. Pierre Mauroy. - On peut regretter aussi le report de la mise en application de certaines dispositions à 2014, voire 2017, qu'il s'agisse du mécanisme de la double majorité pour la prise de décision au Conseil des ministres ou de la composition de la Commission. On peut déplorer encore les nombreuses dérogations aux dispositions communes accordées à certains États membres, toujours les mêmes, notamment dans le domaine de la justice et des affaires intérieures et dans celui de la charte des droits fondamentaux. Ces dérogations touchent au coeur de l'engagement européen. Il faudra s'assurer qu'elles ne portent pas atteinte aux droits, à la sécurité juridique et à l'égalité entre les citoyens européens, autrement dit à la citoyenneté européenne en devenir.
Surtout, les socialistes regrettent vivement que la charte des droits fondamentaux ne soit pas intégrée au traité, même si les droits qu'elle porte se voient reconnaître force juridique contraignante, et si une clause sociale générale est instaurée. L'Europe sociale, pour laquelle les socialistes se battent depuis le début et que les citoyens européens attendent, est, une fois encore, la grande oubliée de ce traité, malgré quelques mesures de principe. Nous pouvons nous féliciter de la construction européenne mais si le peuple est malheureux, s'il estime que l'Europe aggrave ses conditions de vie, il la repoussera, ce qui risque également d'arriver dans bien d'autres domaines internationaux si nous n'y prenons garde.
M. Louis Le Pensec. - Évidemment !
M. Pierre Mauroy. - L'Europe sociale est la grande malade de ce traité.
M. Guy Fischer. - Elle est inexistante !
M. Pierre Mauroy. - C'est donc à cette question qu'il faudra s'atteler.
D'ailleurs, le reproche qu'on pourrait faire à ce traité est que nombre de dispositions qu'il contient, définies comme autant d'intentions, notamment dans les domaines de l'environnement, de l'énergie, de l'harmonisation des normes sociales et budgétaires, des services publics, relèvent de la volonté politique des États membres de les appliquer ou pas. Par conséquent, la qualité des hommes et des femmes qui seront appelés aux plus hautes responsabilités européennes sera capitale.
Sur le plan économique, peu abordé dans le traité, on ne voit toujours pas se concrétiser l'émergence, aux côtés de la Banque centrale européenne, d'un gouvernement économique de l'Europe, permettant de remettre la croissance et l'emploi au coeur de la politique économique afin d'accompagner la monnaie unique. Il s'agit ici d'un problème essentiel, mais on sait l'opposition irréductible de quelques États.
Face à ces insuffisances graves, faut-il pour autant refuser de ratifier le traité de Lisbonne ?
M. Robert Bret. - Oui !
M. Pierre Mauroy. - Dans leur grande majorité, les socialistes, fidèles à une longue histoire européenne constitutive de leur identité, ont estimé que ce nouveau traité contenait des avancées significatives qui justifient leur vote positif. Comme en 2005, ils sont à nouveau divisés sur la question européenne. Pourtant, le traité qui nous est proposé n'est plus une Constitution. Il se borne à modifier les traités existants, en permettant un fonctionnement de l'Union à vingt-sept dans de meilleures conditions qu'auparavant. Ces dispositions, reprises pour l'essentiel du défunt traité constitutionnel, n'avaient pas soulevé alors d'oppositions majeures.
S'agissant de la question de son mode de ratification, le parti socialiste et sa candidate à l'élection présidentielle avaient souhaité un référendum. Celui qui allait devenir le Président de la République était d'avis contraire. Les parlementaires socialistes ont soutenu, la semaine dernière au Sénat et hier à l'Assemblée nationale, une motion référendaire qui a été rejetée par les deux assemblées. Cette question est donc derrière nous. Aujourd'hui, l'important est de savoir si les avancées de ce traité répondent aux besoins immédiats de l'Union européenne.
En tant que socialiste, j'ai toujours inscrit mon action politique dans la perspective européenne. Ainsi, en 1983, alors que j'étais Premier ministre, il était tentant de quitter l'Europe en sortant du système monétaire européen. J'ai convaincu François Mitterrand de renoncer au repli sur soi. On connaît la suite. Aujourd'hui, j'ai la conviction que, malgré ses manques, le traité renforce la démocratie au sein de l'Union et peut remettre sur les rails le projet européen. Cette conviction est partagée par la majorité de notre groupe. C'est un nouveau rendez-vous avec l'avenir qui est donné aux Européens. A chaque étape, les socialistes ont toujours eu l'intelligence d'en être partie prenante car l'Europe fait partie intégrante de l'identité des socialistes. Jean Jaurès, Léon Blum et François Mitterrand ont toujours porté un message européen. Je pense souvent à la belle phrase de Léon Blum : « faire l'Europe en pensant au monde ». Plus que jamais, dans un monde globalisé depuis la chute du Mur de Berlin en 1989, quel destin une puissance moyenne comme la France peut-elle espérer se forger seule ?
M. Hubert Haenel, président de la commission. - Très bien !
M. Pierre Mauroy. - Face à la montée des dangers, à l'émergence rapide de puissances nouvelles comme la Chine ou l'Inde, comment ne pas voir que seule la poursuite de la construction européenne, où la France devrait jouer un rôle moteur, est la seule voie pour affronter ces défis que sont la croissance économique, la compétition mondiale, la régulation des marchés financiers, la lutte contre le réchauffement climatique, la protection sociale des citoyens européens contre les excès du marché, la paix dans le monde ?
M. Dominique Braye. - Excellent !
M. Pierre Mauroy. - Plutôt que de nous livrer à des arguties juridiques, c'est à ces questions qu'il faut répondre et l'Europe peut nous y aider.
Certes, ce traité ne répond pas à tous ces défis mais ses dispositions vont dans le bon sens. Il lève une hypothèque sur l'exigence de bâtir un projet porteur de sens pour le XXIème siècle qui devrait être au coeur de la prochaine bataille des élections européennes de 2009, dont l'enjeu sera plus important que jamais.
En 1995, devant le Parlement européen, François Mitterrand parlait « d'assurer à l'Europe la place et le rôle qui lui reviennent dans un monde à construire, une Europe puissante économiquement et commercialement, unie monétairement, active sur le plan international, capable d'assurer sa défense, féconde et diverse dans sa culture. Cette Europe-là sera d'autant plus attentive aux autres peuples qu'elle sera plus sûre d'elle-même ». (L'approbation de M. Braye suscite les sarcasmes du groupe CRC)
Ces propos demeurent d'une actualité brûlante, ils résument la conception que se font les socialistes de l'Europe, une Europe qui s'affirme comme une puissance politique dotée d'institutions renforcées, plus efficaces et plus démocratiques, une Europe qui protège et favorise le progrès social et qui stimule la croissance.
M. Robert Bret. - C'est mal barré !
M. Pierre Mauroy. - Au lieu de joutes juridiques où nous prenons quelque plaisir, c'est à ces questions-là qu'il faut répondre. La réalisation de ce projet exigera de nous et de la France encore beaucoup d'efforts.
Elle passe par la porte étroite de la ratification du traité de Lisbonne, que le groupe socialiste du Sénat, dans sa grande majorité, va approuver. Nous le faisons avec les réticences que j'ai exprimées mais aussi avec la conviction d'accompagner le lent et décisif accomplissement de l'histoire !
L'Europe est un chemin difficile, mais elle est notre plus grande chance au début de ce siècle ! (Vifs applaudissements sur la plupart des bancs socialistes, à droite et au centre ; l'orateur est félicité par le président de la commission et le rapporteur)
M. Jean Bizet. - II y a quelques jours le Congrès, réuni à Versailles, a ouvert la voie à la ratification du traité de Lisbonne, solution pour que l'Union européenne sorte par le haut de la crise de confiance née des référendums français et néerlandais.
Il s'agit d'un accord politique de premier plan qui marque la fin d'une période d'incertitude institutionnelle mais aussi des avancées démocratiques importantes, au bénéfice des citoyens et des parlements nationaux.
Le Conseil européen a recouru de nouveau à la méthode traditionnelle des avancées européennes, plutôt que de graver dans le marbre de la Constitution les politiques de l'Union et les équilibres institutionnels. Le traité de Lisbonne est un outil avant d'être un projet européen à long terme, alors que le traité constitutionnel changeait la nature même de la construction européenne, faisant table rase des anciens traités.
La ratification parlementaire, qui convient parfaitement à ce texte, est une promesse du Président de la République faite aux Français lors de la campagne présidentielle.
Pour entrer en vigueur le 1er janvier 2009, et s'appliquer aux élections européennes de juin 2009 comme à l'investiture de la future Commission européenne, le traité devra être ratifié dans les vingt-sept États membres. Il faut faire vite : le Président de la République a engagé la procédure de ratification le jour même de la signature du traité, en saisissant immédiatement le Conseil constitutionnel.
Nous allons aujourd'hui franchir une nouvelle étape, j'insisterai sur les nouveaux droits du Parlement européen et des parlements nationaux. Les prérogatives du Parlement européen sont renforcées dans la procédure législative européenne, avec la codécision et la majorité qualifiée.
Depuis l'Acte unique européen, le Parlement européen a étendu ses compétences : partageant pleinement l'initiative législative depuis le traité de Maastricht, il est devenu essentiel dans des domaines aussi variés que l'établissement et la prestation des services, les réseaux transeuropéens, l'environnement, la culture, la santé, le Feder, l'emploi, et la politique sociale.
Avec le traité de Lisbonne la procédure de codécision devient la procédure ordinaire. Les compétences du Parlement européen en sont accrues, et avec elles la prise en compte des intérêts des collectivités locales dans le processus décisionnel communautaire. Il n'est peut-être pas inutile, qu'à l'avenir, le Sénat entretienne de façon plus institutionnelle des relations avec le Parlement européen. Les nouveaux transferts portent notamment sur la coopération judiciaire en matière pénale, sur la création d'un Parquet européen compétent pour poursuivre les auteurs d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union. Le traité de Lisbonne lance véritablement la construction de l'espace judiciaire européen, notion utilisée depuis 1977 mais encore embryonnaire.
Les parlements nationaux disposeront de prérogatives renforcées dans la construction européenne : « Les parlements nationaux contribuent activement au bon fonctionnement de l'Union. » Chacun d'eux pourra s'opposer à la procédure de révision simplifiée des traités. L'Assemblée nationale ou le Sénat pourront s'adresser directement aux institutions européennes lorsque des projets d'actes leur paraîtront contraires au principe de subsidiarité, avec un recours possible devant la Cour de justice, auquel il faudra recourir avec discernement.
Pour la première fois, l'Union se fixe pour objectif de protéger ses citoyens dans le cadre de la mondialisation : les Français ont été entendus.
La concurrence ne sera plus un objectif mais un outil au service des consommateurs. Les services publics sont protégés par un protocole qui a même valeur que les traités et une clause sociale générale impose de prendre en compte des critères sociaux dans la mise en oeuvre de toutes les politiques de l'Union.
Enfin, ce traité renforce la politique étrangère et de sécurité commune, au service d'un rôle accru de l'Europe dans le monde. Il est certes en retrait par rapport au projet constitutionnel issu de la Convention, mais il résulte d'une négociation difficile et il représente le maximum possible dans les circonstances actuelles. C'est dans les situations de ce genre que l'on peut distinguer ceux qui souhaitent faire progresser l'unité européenne, et ceux qui préfèrent le succès de leurs thèses et de leurs intérêts !
La ratification n'est pas encore acquise partout et la mise en oeuvre des réformes institutionnelles comporte des pièges : la présidence française de l'Union devra régler les premières difficultés. Le Conseil européen a prévu que les travaux techniques sur la mise en oeuvre des dispositions institutionnelles « commenceront à Bruxelles en janvier sur la base d'un programme de travail qui sera présenté sous l'autorité du futur président du Conseil européen », c'est-à-dire le Premier ministre slovène.
Si l'on se félicite des avancées institutionnelles, les craintes portent sur le danger que le président ne se dote, pour préparer les sommets, d'une structure nouvelle à caractère intergouvernemental, en dehors des institutions communautaires. Nous verrons ce qu'il en advient, mais il est essentiel de consacrer cette année à la mise en oeuvre de ces changements avant d'ouvrir d'autres chantiers qui ne font pas l'unanimité dans l'Union. Je pense, bien sûr, au projet d'Union méditerranéenne.
Nous devons regarder en avant. Il en va de la réussite de la future présidence française de l'Union ! (Applaudissements à droite)
M. Nicolas Alfonsi. - Beaucoup d'arguments de fond ayant déjà été évoqués lors du Congrès, je me limiterai à trois observations. Concernant la procédure de ratification, fallait-il un référendum ? Selon le président Giscard d'Estaing, les outils du traité Lisbonne sont les mêmes que ceux de la Constitution européenne ; nous assistons en quelque sorte à une opération à la découpe. Les scrupules que l'on peut avoir à ne pas revenir devant le peuple quand celui-ci a parlé doivent toutefois être dissipés : tout d'abord, il s'agit d'un traité ; le principe de réalité doit reprendre ses droits si nous voulons relancer l'Europe ; enfin, le choix du Président de la République ne peut être subordonné à une décision antérieure. L'approbation du traité par le Parlement est donc une bonne chose.
Les avancées du traité sont importantes : l'instauration d'un président élu, stable, répondra au sarcasme d'Henry Kissinger, qui demandait « L'Europe, quel téléphone ? ». Il y a lieu de se réjouir de cette identification internationale, de la personnalité juridique, de l'instauration du Haut représentant, de la codécision législative, de la charte des droits fondamentaux -même si la Grande-Bretagne reste réservée.
Certaines mesures sont de nature à rassurer les diverses composantes du « non » : comme la France l'a demandé, la concurrence libre et renforcée n'est plus un objectif de l'Union, et le protocole sur les services d'intérêt général préserve la compétence des États membres.
On peut regretter que les symboles disparaissent du traité, mais le drapeau européen cessera-t-il pour autant de flotter sur les bâtiments ? Non. Les symboles ont la vie dure. N'oublions pas comment Bismarck a ôté à l'Autriche le privilège de fumer le cigare à la Diète de Francfort...
Le rapporteur a dit ses réserves sur le fonctionnement de ces nouvelles institutions. L'articulation entre les quatre piliers sera complexe. Se pose également le problème de la gouvernance économique face à l'Inde, à la Chine, ou encore face aux mafias.
Avec le traité de Lisbonne, l'approfondissement rattrape un peu l'élargissement, mais je redoute que, demain, ce dernier ne refasse la course en tête. Le ministre veut supprimer le référendum obligatoire avant tout nouvel élargissement. J'ai exprimé mes réserves sur l'adhésion de la Turquie, mais quel serait le crédit de la France si nous promenions ce pays pendant dix ans pour lui refuser in extremis l'adhésion ?
« Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple », écrivait Rousseau. Telle fut l'entreprise engagée par les pères fondateurs de l'Europe, dont Maurice Faure, auquel je rends hommage, est le dernier survivant ; nous devons aujourd'hui poursuivre.
« Ami, il n'y a pas de chemins, c'est en marchant qu'on les trace », dit un proverbe espagnol. Le groupe RDSE, dans sa quasi-unanimité, empruntera ce chemin. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Marie-Christine Blandin. - (Applaudissements à gauche) À l'échelle de la planète, nos destins sont liés. L'Europe des peuples, les Verts la veulent ardemment. Européens et démocrates, nous avions souhaité une consultation transnationale des populations pour construire un projet commun. Cela n'a pas été, et nous avons tiré les leçons du mécontentement des Français.
L'aspiration à un autre monde et le recul nationaliste se sont cristallisés dans le refus de la Constitution européenne. L'Europe s'est réveillée grippée. L'impasse institutionnelle nous oblige à un compromis qui doit satisfaire à la fois ceux qui ont approuvé le texte, les plus eurosceptiques et des citoyens exigeants. Mais la diplomatie secrète des conseils a pris le dessus sur le débat public. Éviter de poser la question de peur que le peuple dise non est inadmissible !
Le traité modifié, et non simplifié, ne dessine certes pas l'Europe de nos rêves, mais il traduit la vision d'un espace élargi, en paix. Un espace à labourer pour un mieux disant social et environnemental. Il y a des innovations institutionnelles : règles de vote à la majorité, rôle renforcé du Parlement, codécision -qui, en 2005, nous aurait épargné les OGM en plein champ ! Hélas, la future PAC sera élaborée selon les anciennes règles... Le droit d'initiative législative populaire est maintenu. Autres points positifs : une véritable présidence, un Haut représentant, le resserrement du nombre de commissaires.
Après la médiatisation de Bali, nous voulons une Europe qui donne le « la » sur l'urgence de prendre en compte les changements climatiques et la solidarité en matière énergétique.
Le traité ne porte pas atteinte à la compétence des États membres en matière de services publics : les services d'intérêt économique général relèvent des États, la confédération européenne des syndicats s'est battue pour imposer la « responsabilité de les fournir et de les financer ».
L'Europe des peuples, mais pas à n'importe quel prix. Nous voulons une Europe sociale, démocratique, écologique, qui parle au coeur des citoyens. Edgar Morin dirait : un projet de « civilisation ». (On apprécie à droite)
Alors que la Turquie, où les femmes votent depuis 1934, est sommée de se montrer plus laïque, notre Président s'interroge sur les bienfaits de la religion sur la stabilité des sociétés. Au lieu de s'égarer sur des racines religieuses nouées dans le sang, développons l'ambition d'une culture nourrie de diversité, d'échanges, de parcours individuels et de mémoire collective. Fouillons ce qui fait richesse et lien, et non ce qui exacerbe les défiances. (Applaudissements à gauche)
Mme Dominique Voynet. - Bravo !
Mme Marie-Christine Blandin. - Il y a honte, à la veille d'une présidence, à forger le tout répressif, fichage ADN en prime, contre des populations exsangues fuyant les conflits armés, les désordres climatiques, et des citoyens convaincus des bienfaits de la solidarité, criminalisés, fichés, dans un cauchemar d'Europe barbelée.
M. Dominique Braye. - Elle est gentille !
Mme Marie-Christine Blandin. - « Les droits de l'homme et la démocratie sont un fondement de la politique extérieure de l'Union Européenne », dit l'article 11.
Il y a honte aussi à intervenir pour minorer l'ambition de REACH, registre des caractéristiques toxiques de certaines substances chimiques !
Des milliers de réfugiés affluent, et nous sous-traitons la répression. Des camps sont érigés pour maintenir hors de notre vue des familles en quête de survie, rien dans notre prétendue oeuvre civilisatrice et dans nos échanges commerciaux inéquitables ne leur ayant permis de rester sereinement chez eux.
M. Gérard Longuet. - Ils nous ont demandé de partir.
Mme Marie-Christine Blandin. - Les sans-papiers du Congo sont l'exode des forêts ravagées pour nos salons en teck !
Une politique de prévention, articulant défi humaniste, justice sociale et solidarité avec le Sud, est incompatible avec la prolifération nucléaire, l'impunité pour les pilleurs, la corruption, la course aux armements.
Le dialogue, lors du Grenelle de l'environnement, a débouché sur des propositions ambitieuses ; la cérémonie déclarative, sous les auspices de MM. Barroso et Gore, ouvre une responsabilité nouvelle. A commencer par le respect intra muros des leçons que nous avons fait mine de donner aux autres ! Pour l'instant, en matière d'OGM, le Grenelle se fracasse sur la majorité sénatoriale. (Mme Voynet et M. Muller applaudissent) A quand un statut européen pour les associations ? A quand le respect des directives sur la protection de l'environnement ? La présidence française sera l'heure de vérité, et le renforcement des pouvoirs des parlements interdira les « c'est la faute à l'Europe ». On ne peut à la fois annoncer des levées de quotas de pêche à Boulogne et plaider pour la préservation des réserves halieutiques à Bruxelles, relancer le nucléaire et se faire le champion des renouvelables...
On ne peut envisager une politique agricole commune durable respectueuse de la diversité, sans pesticides,...
M. Dominique Braye. - Grâce aux OGM !
Mme Marie-Christine Blandin. - ...et engager des négociations au cas par cas sans éco-conditionnalité. Ce sont les mêmes qui promeuvent les OGM au nom de la sécurité alimentaire et font du lobbying pour les agrocarburants ; le rapport Ziegler aux Nations unies montre la confiscation programmée des terres pour l'énergie des plus riches aux dépens des cultures alimentaires des plus pauvres. (Mme Voynet applaudit)
M. Sarkozy soutient l'idée « d'un new deal écologique », avec des taxes sur les produits importés de pays qui ne respectent pas le protocole de Kyoto. Nous verrons ce qu'il fera des propositions vertes d'éco-conditionnalité. Taxons aussi les produits réalisés dans des conditions non conformes aux règles du Bureau international du travail. Et s'il y faut une refonte des règles de l'OMC, allons-y ! La France isolée, qui plaide pour la levée de l'embargo sur la vente d'armes à la Chine, renoncera, je l'espère, à cette proposition déshonorante et dangereuse. L'Europe est fragile parce que fondée exclusivement sur l'économique. C'est une impasse. Nous réaffirmons notre soutien à une Europe culturelle, vertueuse, solidaire, soucieuse de codécision, d'initiative citoyenne, de renforcement du rôle du Parlement. Je souligne que 80 % des sénateurs verts sont présents ce soir... (Rires)
M. Dominique Braye. - Ce qui fait trois sénateurs et demi !
Mme Marie-Christine Blandin. - A nous, par notre niveau d'exigence autant que par notre vote, de rendre aux plus de 492 646 492 habitants européens espoir et avenir. ((Applaudissements sur certains bancs socialistes)
M. Dominique Braye. - J'applaudis car elle m'a fait bien rire.
M. Hubert Haenel, président de la délégation. - Quel est son vote ?
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - La démocratie parlementaire est un élément fondamental du pacte républicain, la légitimité du Parlement ne dépend pas des sondages. Tous nos partenaires européens partagent cette conviction, qu'ils aient voté oui ou non à la constitution européenne. Une chose est sûre avec le traité de Lisbonne : il n'est pas de nature constitutionnelle.
Dans cette affaire, le Président de la République a pris ses risques, a eu du courage, il a dit sa position sans ambiguïté à nos concitoyens, à un moment où ce n'était pas si facile. Depuis lors, il y a eu en permanence des discussions sur le traité.
M. Michel Charasse. - Où ?
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - J'étais à disposition de votre délégation, j'ai eu maintes fois l'occasion de débattre avec vous. J'étais présent lors du projet de loi de révision constitutionnelle. Le traité de Lisbonne rendra l'Europe plus politique, plus apte à protéger notre zone de la spéculation financière, nos citoyens des effets négatifs de la mondialisation.
M. Jean-Luc Mélenchon. - Ce n'est pas vrai.
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Une très grande majorité d'entre vous, M. Mauroy, qui a été émouvant, Mme Blandin elle-même, se réjouit que la panne institutionnelle soit désormais derrière nous. Et que les institutions soient renforcées. M. de Rohan y a insisté, les coopérations en matière de politique extérieure seront mieux structurées. (M. Braye applaudit) L'Union européenne, monsieur Retailleau, n'est pas d'essence fédéraliste.
Un nouvel équilibre est dessiné dans ce traité, il faut maintenant en préparer l'entrée en vigueur ; la France ne pourra tout faire durant sa présidence, la Tchéquie puis la Suède auront ensuite leur rôle à jouer.
Comme M. Haenel, comme le rapporteur, comme M. Mauroy, je crois au génie des institutions et à celui des hommes et femmes qui les incarnent. Le rôle des parlements nationaux s'accroît, notamment dans les domaines de la justice et de la coopération policière. L'Europe de la défense est par nature intergouvernementale, et placée sous le contrôle des parlements. La subsidiarité est précisée, les compétences respectives de l'Union européenne et des États membres désormais clarifiées.
Autre avancée : la reconnaissance du rôle consultatif du comité des régions. La cohérence économique et territoriale n'est pas oubliée.
M. Mauroy s'est interrogé sur le Royaume-Uni et la Pologne : mais une possibilité de sortie, c'est aussi une possibilité d'entrée ! Auparavant, ceux qui ne participaient pas à une coopération pouvaient la bloquer. Plus maintenant.
La présidence allemande s'est penchée sur les frontières et les relations avec les pays du voisinage. Un groupe de réflexion a été constitué, animé par Felipe Gonzales. Le Président de la République a redit pourquoi la Turquie n'avait pas vocation à entrer dans l'Union. Je me suis exprimé sur le recours systématique au référendum dans le cadre de l'article 88.
Le traité de Lisbonne n'est pas la panacée, mais il marque une avancée majeure, qui prolonge l'oeuvre des grands européens qu'ont été tous les dirigeants français depuis le traité de Rome, dont Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Delors, et vous monsieur le Premier ministre Pierre Mauroy, en 1983, qui avez alors fait un choix courageux. (Murmures sur certains bancs à droite)
Il faut construire l'Europe en pensant au monde -un monde plus dur, plus complexe, plus dangereux. L'Europe est notre seule voie. Son accomplissement exige patience et ténacité. (Applaudissements à droite)
M. le président. - Motion n°2, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe crc.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes (n° 200, 2007-2008).
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Curieusement, notre assemblée examine les motions de procédure après avoir entendu la réponse du ministre qui achève la discussion générale. C'est anormal, mais c'est ainsi tant que notre Règlement n'aura pas été modifié sur ce point.
À minuit et demie passée, nous sommes donc sommés d'autoriser nuitamment la ratification du traité de Lisbonne. Tant qu'on y est, il aurait fallu éteindre les lumières : la discrétion aurait été encore plus assurée !
Moins de deux mois ont passé depuis la signature du traité par les Gouvernements de l'Union européenne, le 13 décembre 2007. Le Président de la République avait donné sa parole, surtout à ses partenaires. Pour se racheter, la France serait parmi les premiers États -sinon le premier- à le ratifier et pour ce faire, en évitant de consulter le peuple §
Certains évoquent l'ouverture d'un chapitre difficile, car il est toujours pénible pour des responsables politiques d'admettre un désaveu. C'est pourtant ce qui s'est passé le 29 mai 2005 pour les principaux états-majors politiques et 93 % des parlementaires.
L'enthousiasme dont a fait preuve tout à l'heure le porte-parole de l'UMP n'était pas fondé, puisque seuls 336 députés sur 577 ont approuvé le traité. C'est une majorité, mais pas l'enthousiasme !
M. Dominique Braye. - Avec 1,93 %, vous ne risquez pas d'y arriver !
M. le président. - Les chiffres exacts sont les suivants : majorité absolue des suffrages exprimés, 196 ; pour, 336.Tous les députés n'ont pas voté.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Pour revenir sur un vote populaire, il aurait mieux valu qu'ils fussent tous là.
À mes yeux, le chapitre douloureux s'ouvre aujourd'hui. C'est celui d'une Europe ouvertement construite dans le dos des peuples, contre les peuples. Nous avons dénoncé la ratification parlementaire de ce traité, tout d'abord parce qu'il reprend pour l'essentiel ce que nos concitoyens ont rejeté le 29 mai 2005. La majorité parlementaire n'a jamais reconnu ce fait, bien qu'il soit évident aux yeux de tous les observateurs, depuis le pilote du traité constitutionnel européen, M. Giscard d'Estaing, jusqu'aux dirigeants des autres pays européens. Même Le Monde a fini par reconnaître que la demande de référendum avait une légitimité démocratique !
M. Josselin de Rohan, président de la commission. - Si Le Monde le reconnaît...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Certes, le traité n'est plus dit « constitutionnel » et les symboles ont disparu, mais perdurent ce que le peuple a foncièrement rejeté : l'ultralibéralisme, la toute-puissance de la Banque centrale européenne, l'absence d'harmonisation sociale. C'est ça que le peuple a refusé, pas le drapeau, ni l'hymne !
M. Jean-Luc Mélenchon. - Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Porte-parole de l'Élysée, M. Martinon s'est bruyamment félicité de la ratification. D'après lui, le Président de la République et les parlementaires de sa majorité ont débloqué l'Europe. Or, le président de notre délégation pour l'union européenne, M. Haenel, dit que rien n'était bloqué. M. Martinon ignore-t-il qu'en démocratie, le peuple est souverain et que nul, surtout pas ses représentants, ne peut le contredire ?
Vous n'avez pas voulu entendre que le peuple voulait remettre l'Europe sur les rails de la justice sociale et de la démocratie. Mais les peuples européens sauront vite se rappeler à votre bon souvenir !
Vous ne pouviez pas répondre à l'argument fondé sur la similitude des deux traités, car la reconnaître ici, c'était avouer la trahison de la parole du peuple.
Vous avez également voulu ignorer d'autres arguments incontestables.
Le Conseil Constitutionnel est-il compétent pour apprécier la Constitutionnalité du traité de Lisbonne ?
M. Josselin de Rohan, président de la commission. - Cela va de soi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Sa jurisprudence constante, encore rappelée le 23 septembre 1992, lui interdit d'apprécier les choix directement exprimés par le peuple. Comme le traité de Lisbonne reprend point par point celui refusé par le peuple, le Conseil constitutionnel ne pouvait examiner des dispositions similaires. Vous n'avez pas répondu à ce point majeur, car la décision rendue le 20 décembre 2007 fonde la procédure accélérée d'aujourd'hui.
Peut-on affirmer l'inconstitutionnalité d'une loi de ratification alors que la Constitution vient d'être révisée précisément à cette fin ? Oui, puisque 70 sénateurs avaient saisi le Conseil constitutionnel en août 1992 pour contester le traité de Maastricht, juste après la révision constitutionnelle. Dès le 2 septembre, la saisine fut admise en admettant la possibilité que « la Constitution, une fois révisée, demeure contraire à une ou plusieurs stipulations du traité ». Tel est bien le cas en l'espèce : la soumission à l'Otan, le pouvoir absolu de la BCE, l'ouverture à la concurrence des services publics et la remise en cause de la laïcité n'ont pas été autorisés par la révision constitutionnelle.
Certains observateurs estiment qu'à côté de la Constitution française, donc des déclarations de 1789 et 1946, les normes européennes tendent à former une nouvelle source originelle du droit, contredisant la première en plusieurs points. MM. de Raincourt, Poncelet, de Gaulle, Guéna, Gérard Larcher, Valade et Pasqua, pour ne citer qu'eux, ayant pu contester la constitutionnalité d'une loi de ratification, notre motion d'aujourd'hui est recevable.
Vous vous apprêtez à autoriser la ratification d'un traité identique à celui que le peuple a repoussé. Ainsi, un référendum serait contourné par le Gouvernement et sa majorité, pour la première fois dans notre histoire constitutionnelle. Cet acte grave aurait pu être évité par le refus de la révision. Je regrette que la gauche ne se soit pas rassemblée pour faire obstacle à une manoeuvre dont le but exclusif est de perpétuer une Europe libérale de la finance, une Europe forteresse entourée de camp de rétention pour étrangers.
M. Jacques Blanc. - J'aime mieux ça que l'Europe de l'Est !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le référendum aurait pu être arraché lundi à Versailles. Le peuple saura reconnaître ceux qui auront prôné jusqu'au bout le respect de sa parole.
Bien sûr, notre motion exprime une irrecevabilité politique fondamentale, car le référendum aurait été décidé tout naturellement si des pas avaient été accomplis dans le sens de ce que souhaitent nos concitoyens. Le refus de toute consultation populaire montre combien nous en sommes loin. Le peuple peut changer d'avis, mais il n'appartient pas au Parlement de le faire à sa place ! (M. Mélenchon applaudit)
Votez cette irrecevabilité, car le déni de la parole du peuple est irrecevable en démocratie ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean François-Poncet. - Vous cherchez à démontrer l'indémontrable.
M. Dominique Braye. - Comme toujours !
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - Le traité, dites-vous, reprend le traité constitutionnel.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - M. Giscard d'Estaing l'a dit !
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - Pourquoi sont-ils différents ? Dans la forme, l'un était un traité constitutionnel, refondant tous les traités antérieurs, l'autre maintient l'existant. Aussi n'ont-ils pas la même ambition : le traité de Lisbonne n'a pas celle d'être une constitution. Enfin, ce n'est pas le même traité parce que le traité constitutionnel avait trois parties, la première, consacrée aux institutions, la seconde, à la charte des droits fondamentaux, et la troisième, de codification. Le nouveau traité ne comporte ni deuxième ni troisième partie.
M. Jean-Luc Mélenchon. - Ne plaisantez pas !
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - Il est vrai que les dispositions de la première partie sont largement reprises dans le traité de Lisbonne.
M. Jean-Luc Mélenchon. - Alors !
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - Mais la première partie n'a jamais été critiquée pendant le débat...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Mais si !
M. Jean François-Poncet. - ...ou à peu près jamais.
Je suis stupéfait du formidable mépris envers le Parlement que vous affichez. (M. Pozzo di Borgo applaudit) Qu'en penseraient vos grands ancêtres, et particulièrement les révolutionnaires ?
Le référendum tourne au plébiscite parce que les gens répondent non pas à la question mais à celui qui la pose. Est-ce une arme de la démocratie ? Quant au Président de la République, que vous avez cité, on ne pouvait s'expliquer plus clairement qu'il l'a fait pendant la campagne et jusqu'au cours du débat contre Mme Royal : il a été largement élu.
M. Georges Gruillot. - C'est le vrai référendum !
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - Il avait dit ce qu'il ferait, dans le droit fil de la démocratie. Pour toutes ces raisons, j'invite au rejet de la motion.
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Je ne reprendrai pas les arguments du rapporteur, auxquels je souscris. J'ajouterai simplement que l'autre pays du non a fait la même analyse après consultation de son Conseil d'État, équivalent de notre Conseil constitutionnel. Le Gouvernement souhaite le rejet de la motion.
A la demande de la commission, la motion n°2 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 237 |
Nombre de suffrages exprimés | 233 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 117 |
Pour l'adoption | 30 |
Contre | 203 |
La motion n°2 n'est pas adoptée.
Question préalable
M. le président. - Motion n°3, présentée par M. Mélenchon.
En application de l'article 44, alinéa 3 du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes (n° 200, 2007-2008).
M. Jean-Luc Mélenchon. - Il est tard dans la nuit comme dans le processus et, dès que l'on passe par la voie parlementaire, le résultat peut être préfiguré par la composition des Assemblées. Alors, à quoi sert-il d'argumenter, demandera-t-on. C'est que la liberté ne s'use que quand on ne s'en sert pas et que chacun a le devoir de dire en conscience ce qu'il croit être l'intérêt général.
Je rappelle les prémisses de mon raisonnement : le référendum de 2005 a tranché sur un texte dont l'essentiel se retrouve dans celui-ci. Le Parlement n'a donc pas à revenir sur ce que le peuple a décidé. Nous ne tenons pas qu'il n'est pas légitime à délibérer mais, monsieur le rapporteur, qu'une décision prise par référendum ne peut être reconsidérée que par référendum. A défaut, le fond rejoignant la forme, la méthode affecte la construction européenne.
Le ministre a déclaré que le traité rendrait l'Europe plus démocratique. Nous sommes sceptiques et même, nous ne le croyons pas. Et la méthode retenue ne laisse pas d'inquiéter. Le traité constitutionnel avait été préparé par la convention, puis avait fait l'objet d'un très large débat. Là, nous parlons pour la première fois d'un texte qui a connu trois états différents : est-ce une bonne préparation ?
Quant à l'objet final, monsieur le rapporteur, tout de même ! Vous nous assurez qu'il ne concerne que la première partie mais le Président de la République, s'arrogeant le droit d'interpréter le vote des Français, avait annoncé qu'il ne retiendrait la voie parlementaire que si le traité simplifié ne portait que sur les institutions. Or 198 des 356 amendements -car on modifie les textes antérieurs, monsieur le rapporteur- démarquent l'ex-troisième partie : ce texte n'est pas qu'institutionnel. Au demeurant, on ne peut pas affirmer qu'il ne traite que des institutions et qu'il n'est pas constitutionnel. Car qu'est-ce qu'une Constitution sinon le texte qui décrit les institutions et organise la procédure législative ? Au-delà des étiquettes, ce texte a vocation constitutionnelle.
Là est la faiblesse de toute cette discussion : pour un grand peuple comme le nôtre, sur un sujet si important, pas un seul débat contradictoire ! Pas une seule fois les points de vue ont pu être confrontés ! Qui dit la vérité ? Je peux me tromper, mais alors qu'on me le prouve le texte à la main ! Que de monologues additionnés qui s'ignorent, que de litanies d'arguments sans que l'opinion soit capable de dire à la fin qui a raison et qui a tort ! Ce sont nos contradictions qui sont intéressantes, entre lesquelles le peuple doit trancher.
On me dit que le Parlement européen aura des pouvoirs accrus. Franchement, quel parlement au monde ne peut repousser le budget qu'à condition de réunir les trois cinquièmes de ses membres ? On décrète ensuite qu'il n'a aucune autorité sur l'organisation du marché intérieur... Quant aux parlements nationaux, je me demande si j'ai bien compris. De nouveaux pouvoirs ? Vérifier si le principe de subsidiarité est bien appliqué ! Il faudra qu'un tiers des parlements constate qu'il ne l'est pas et transmette cette constatation à la Commission, qui sera obligée de quoi ? De rien ! Si mes propos ne sont pas conformes au texte, qu'on me le dise ! Et qu'on le fasse en public !
On met enfin en avant le nouveau droit offert aux citoyens de signer une pétition. Ce n'est pas moi qui dirai que ce n'est pas un acte démocratique, j'ai moi-même déposé 120 000 signatures sur le bureau du président du Congrès dont j'attends de connaître le sort avec impatience... Là, nous parlons de la pétition européenne, grand progrès ! Elle existe déjà, et sans mention de nombre. Hier on pouvait pétitionner à deux, demain il faudra être un million ! Pour obtenir quoi ? Rien ! La Commission pourra, si la pétition est conforme au traité, la prendre en compte. Elle ne sera obligée de rien !
M. Dominique Braye. - Heureusement !
M. Jean-Luc Mélenchon. - Il est abusif de présenter tout cela comme un progrès.
Et puis ceci : la Commission garde l'initiative des lois, elle comprendra moins de membres qu'il y a d'États dans l'Union. Elle sera en charge, par une sorte d'onction non du suffrage universel mais de sa propre conscience, de l'intérêt général européen ; mais celui-ci ne peut être formulé autrement que par le vote. Certains se réjouissent qu'avec les nouvelles règles, la France y aura sa place tous les cinq ans et plus tous les quinze. Mais dans certaines circonstances, elle n'y sera pas ! L'Allemagne n'y sera pas ! Peut-on l'imaginer ? Quand la loi n'est pas décidée sous l'empire d'un parlement, où chacun, comme nous le faisons ici, abandonne ses intérêts particuliers, la légitimité n'y est pas. Il n'y a d'autorité légitime que celle à laquelle on consent, et on y consent parce qu'elle procède du suffrage populaire. Tout le reste, c'est de l'Ancien régime !
Une Europe protectrice, dit le ministre. Comme nous le voudrions ! Elle nous protégera, détaille-t-il, contre les mouvements financiers erratiques de la planète. Comment le texte réussirait-il ce prodige alors que son article 56, reprenant l'article 356 du projet de constitution, dispose que toute restriction aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre ceux-ci et les pays tiers est interdite ? Belle protection ! Alors que la libre circulation des capitaux est précisément à la racine des déstabilisations que chacun connaît ! La question n'est pas si la crise va nous atteindre, mais quand... Comment l'Europe pourrait-elle être plus protectrice quand l'article 129 du traité interdit toute harmonisation pour l'emploi, son article 137, pour les politiques sociales, son article 176F pour la politique industrielle, son article 176E pour la santé, ses articles 176A et B pour la formation professionnelle, son article 172 bis pour la recherche et les technologies ?
Ce traité est en retard d'une guerre. Le minimum d'égalité que permet l'harmonisation fiscale et sociale empêche les peuples de s'opposer les uns aux autres pour le pain, pour le travail, pour la dignité. Sans elle, la confrontation est là, implacable, et le déchaînement de violence qui l'accompagne. Pourtant, le traité l'interdit. Vous espérez tous une Europe plus protectrice, vous voulez tous une Europe plus sociale ; et vous allez voter un texte qui dit le contraire, pire, qui l'interdit article après article. Et le traité ne pourra être modifié qu'à l'unanimité, comme tous les traités, certes, mais nous ne sommes plus six mais vingt-sept !
M. le Premier ministre Raffarin m'a courtoisement opposé l'autre jour la continuité de la construction européenne. Bien sûr. Mais qui ne voit que dans cette continuité il y a des seuils et des transitions, l'Europe à six dans le monde de Yalta, l'Europe à douze, à seize dans le monde de Yalta ? A vingt-sept, dans le monde de l'après-Yalta, ce n'est pas la même chose. L'Europe du monde de Yalta ne s'est pas faite autrement que pour désamorcer les causes de tension entre la France et l'Allemagne. Tout le monde ne l'a pas accepté à l'époque, Mendès-France s'est opposé à l'arbitrage des marchés et à la libre concurrence, parce que, pour lui, une société ne peut être soumise qu'à la loi de la raison dont la démocratie est le seul moyen. Quand le Mur est tombé, quand s'est posée la question des frontières, la France a voulu que soit reconnue la ligne Oder-Neisse ; l'Allemagne a dit oui en quelques heures...
Il y a une permanence de l'Histoire à l'oeuvre, parce que chaque génération doit réunir les conditions de la paix. L'équilibre de la terreur disparu, qui nous obligeait à la paix, on a rendu un mauvais service aux peuples en les jetant les uns contre les autres pour le travail et l'impôt. Tel est l'état du monde, là sont les causes et les potentiels de guerre que nous avons le devoir de désamorcer. A chaque fois que nous nous y refusons naissent la jalousie et la haine. La paix n'est pas un état de nature, c'est une construction politique. Quand un pays trouve un avantage à abaisser sa fiscalité ou ses avantages sociaux, la construction européenne recule.
Voilà ce que je voulais dire, me faisant l'interprète, je le crois, d'une large partie de la population. Je me suis abstenu sur l'élargissement, parce que j'estimais qu'on avait fait entrer dans l'Union dix nouveaux pays sans approfondir les mécanismes de son fonctionnement. En quoi sommes-nous le contre-exemple des États-Unis ? Sommes-nous plus démocratiques ? Nous sommes pires qu'eux ! Et nous avons déjà dit que nous ferions comme eux en politique étrangère, puisque nous sommes dans l'Otan.
M. Dominique Braye. - Quel cinéma !
M. Jean-Luc Mélenchon. - Le Français ne se définit pas par une vision ethnique ou essentialiste, mais par son identité républicaine, qui est notre contribution à l'histoire des peuples. Les transferts de souveraineté ne peuvent se faire que sous l'empire du souverain, et le souverain, c'est le peuple. C'est à ce prix seulement que se manifestera l'intérêt des Européens pour l'harmonisation fiscale et sociale ; sinon ils s'opposeront aux institutions et au traité qui prétend la leur interdire.
Je ne souhaite pas être un Cassandre. Pour les Européens convaincus qui mettent leurs pas dans ceux d'un homme que j'ai toujours admiré, François Mitterrand, pour ceux qui, comme moi, ont voté le traité de Maastricht, tout est fini. Cet épisode est une rupture politique et affective. Je ne veux pas de cette Europe qui se construit contre les peuples.
On me parle de la Charte des droits fondamentaux. Je mets qui le veut au défi de me citer un seul de ces droits qui n'est pas en vigueur en France ! Un seul qui ne l'est pas dans un quelconque des États qui adhèrent à l'Union !
Car jamais on n'a pu entrer dans l'Europe sans reconnaître les droits de l'homme. Pardonnez à la passion qui m'anime : elle est celle de mon amour pour l'idée républicaine. Vive la république européenne, si elle veut naître !
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - J'ai attentivement écouté votre plaidoyer, en effet passionné, dont la dialectique m'a stupéfié : vous donnez à toutes les dispositions du traité des interprétations totalement personnelles. (M. Dreyfus-Schmidt le conteste) Si je voulais répondre à chacun de vos arguments, il me faudrait reprendre l'intégralité de mon exposé. Je ne prendrai donc qu'un exemple. Vous affirmez, monsieur Mélenchon, que les pouvoirs du Parlement européen ne sont nullement accrus. Il aura pourtant le même pouvoir législatif que le Conseil européen. L'époque n'est pas si lointaine où il ne lui était reconnu qu'un pouvoir consultatif. Sauf à aller plus loin en dépouillant les États de toute voix au chapitre, le traité de Lisbonne donne au pouvoir législatif du Parlement la plus grande extension. Il le met également sur un pied d'égalité avec le Conseil des ministres. Autrefois, il ne pouvait intervenir que sur ce que l'on appelait les dépenses facultatives ; les dépenses obligatoires, parmi lesquelles la politique agricole, lui échappaient. Désormais, il a le même pouvoir et, en cas de désaccord, s'il réunit une majorité des trois cinquièmes, il a le dernier mot. Cette montée en puissance n'est-elle pas spectaculaire ? (Mme Borvo Cohen-Seat rit) Le Parlement est devenu l'un des organes principaux de l'Union ; il sera peut-être bientôt le premier. Vous aurez compris que la commission ne peut souscrire à la demande de M. Mélenchon.
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Vous avez évoqué, monsieur Mélenchon, des questions importantes. Je ne reviendrai pas sur celle du Parlement, sinon pour vous rappeler que c'est seulement en cas de désaccord qu'il doit réunir une majorité des trois cinquièmes pour avoir le dernier mot. Dans tous les autres cas, la majorité est simple.
M. Dominique Braye. - Merci de le rappeler !
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Les directives en matière médicale et de santé ? Nous intervenons dans le processus de leur élaboration. Il faut trouver un équilibre entre subsidiarité et intérêts de l'Union. En matière fiscale, il est vrai que c'est toujours l'unanimité qui prévaut, mais le traité permet d'engager des coopérations renforcées, sans que les autres États puissent s'y opposer.
Je ne peux pas vous laisser dire que l'Europe ne se justifiait que du temps de Yalta.
M. Jean-Luc Mélenchon. - Je n'ai pas dit cela.
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - M. Chirac l'a rappelé en son temps : la paix reste le premier objectif de l'Union.
M. Jean-Luc Mélenchon. - C'est ce que j'ai essayé de dire.
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Dans son dernier discours, à Strasbourg, auquel j'ai assisté, le Président François Mitterrand ne disait-il pas : « Le nationalisme, ...
M. Michel Charasse. - ...c'est la guerre ! »
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Imaginez ce que serait ce continent sans perspective européenne pour les pays qui nous ont rejoints ? Pourquoi croyez-vous que nous ouvrons cette perspective aux Balkans ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons le rejet de votre motion.
M. Dominique Braye. - L'argumentation Mélenchon a fait pschitt ! (Protestations à gauche)
A la demande du groupe UMP, la motion n°3 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 238 |
Nombre de suffrages exprimés | 233 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 117 |
Pour l'adoption | 31 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion de l'article unique
M. le président. - Amendement n°1, présenté par MM. Charasse et Mélenchon.
I. - Au début de cet article, ajouter les mots :
Vu les décisions du Conseil constitutionnel des 19 novembre 2004 et 20 décembre 2007,
II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Tout acte européen de quelque nature que ce soit contraire aux décisions susvisées du Conseil constitutionnel est nul et de nul effet à l'égard de la France.
M. Michel Charasse. - Ainsi que l'ont rappelé plusieurs de nos collègues, le Conseil constitutionnel a été préalablement saisi, comme il l'avait été en 2004 lors de l'examen du précédent traité. Ses décisions, rendues le 19 novembre 2004 et le 20 décembre 2005, ont donné un cadre à l'action du Parlement et du Gouvernement. Il y indique que la République ne saurait être menacée ni mise en cause dans ses principes fondamentaux, tels que l'exclusion du communautarisme et la laïcité. De fait, nous n'avons pas, et c'est heureux, modifié notre Constitution sur ces points lundi dernier, à Versailles. Pour prendre position, le Conseil constitutionnel s'est appuyé, notamment, sur les explications données par le Praesidium de la Convention réunie en 2004, explications que le traité de Lisbonne n'a cependant pas expressément confirmées.
La question qui se pose est donc la suivante : qu'en sera-t-il si un acte européen viole ces décisions du Conseil constitutionnel ? Et je ne parle pas ici d'un simple cas d'école : la justice communautaire, par exemple, nous a appris le cas qu'elle ne faisait quelquefois pas des textes...
Nous nous trouvons dans la même situation qu'en juin 1977, où le Parlement était appelé à ratifier un acte européen du Conseil relatif aux élections du Parlement au suffrage universel direct. Le Conseil constitutionnel avait alors jugé que cette ratification ne posait pas problème, le Parlement européen ne participant pas de l'ordre juridictionnel français.
A l'époque, le législateur avait estimé nécessaire de rappeler dans la loi d'autorisation l'existence de la décision du Conseil constitutionnel relative au Parlement européen et il avait même ajouté à cette loi un deuxième article pour préciser que tout acte contraire à une décision du Conseil constitutionnel était nul et non avenu.
Par conséquent, il est nécessaire de prendre les mêmes précautions, car l'autorisation parlementaire ne peut être accordée que si le traité est conforme à la Constitution et il le sera dans la mesure où les décisions du Conseil constitutionnel seront respectées.
La loi d'autorisation doit donc rappeler cette exigence qui doit être prise en compte dans le consentement français lors de la ratification.
Les choses sont simples : ou bien l'on fait comme en 1977, ou bien je retire mon amendement si M. le ministre dit clairement que, lorsque la France déposera les instruments de ratification, elle rappellera que le traité ne peut être appliqué par la France que pour autant que sa Constitution est respectée.
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - J'ai beaucoup admiré la démonstration de notre collègue : avec son immense talent, son génie même, il pourrait démontrer n'importe quoi.
M. Michel Charasse. - C'est facile à dire !
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - C'était un compliment que j'essayais de vous faire ! Vous ne serez pas surpris que je ne vous suive pas dans une argumentation que je ne suis pas sûr d'avoir totalement compris. (On s'en étonne à gauche) A ma connaissance, l'émission de réserves relève de la compétence exclusive de l'exécutif.
M. Michel Charasse. - Au sens international, oui !
M. Jean François-Poncet, rapporteur. - Concernant les traités communautaires, les réserves doivent être faites au plus tard au moment de la signature. Ensuite, elles sont nulles et non avenues.
Je relève aussi que l'article 17 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne stipule expressément que « l'Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Églises, les associations ou communautés religieuses dans les États membres ». Cette disposition me suffit.
Nous ne pouvons donc pas émettre une réserve et le faire à ce stade serait sans effet. Tout rajout me parait donc inutile.
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Sur ce point, je m'en remets à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, institution républicaine respectée s'il en est.
Comme l'a dit M. le rapporteur, le Parlement ne peut introduire de réserve interprétative, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel le 9 avril 2003. En outre, dans sa décision du 25 mai 2005, il a jugé que le visa de ses propres décisions était superflu dans les lois de ratification et que l'exposé était suffisant. Compte tenu du fait que le traité prévoit également le respect des constitutions nationales, je vous demande donc de retirer cet amendement. Sinon rejet.
M. Jean-Luc Mélenchon. - L'argumentaire de M. Charasse repose sur l'existence d'un risque. M. le rapporteur estime qu'il n'y en a pas : l'article 16 du traité de fonctionnement de l'Union européenne dit que « l'Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficie, en vertu du droit national, les Églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres ». Notre collègue aurait dû continuer la lecture jusqu'à l'alinéa 3 qui crée le cadre juridique qui permet la mise en cause du caractère laïque de la République française : « reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l'Union maintien un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ses Églises et organisations ». Mais de quelles Églises parle-t-on ? Qui établit la liste ? La République française est montrée du doigt parce qu'elle identifie à des sectes un certain nombre de groupes qui s'autoproclament Églises et qui sont reconnus comme telles par d'autres pays. Je pense en particulier à la prétendue Église de scientologie qui vient d'être reconnue en Espagne et qui est considérée en France comme une secte.
De plus, l'article 10 de la Charte des droits fondamentaux dont vous nous avez dit à l'instant qu'elle avait une valeur contraignante, rappelle que « toute personne a droit à la liberté de penser, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites ». Sur la base de cet article, la loi française sur le port du foulard pourrait ne pas être acceptée par l'Union.
On m'a rétorqué que cet article 10 n'était que la reprise, presque mot pour mot, de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme. C'est presque vrai, mais la Charte n'a pas repris le deuxième paragraphe de cet article qui permet précisément de limiter la liberté religieuse dans l'intérêt public. Or la laïcité ne fait pas partie des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union, bien au contraire !
Enfin, deux cours pourraient interpréter ces mêmes articles : la Cour de justice de Luxembourg et la Cour de Strasbourg. Par conséquent, un juge pourrait faire appliquer l'article 10 de la Charte des droits fondamentaux s'il estimait qu'il donne une protection plus étendue que la version plus restrictive d'un autre traité. Or la laïcité est considérée comme une restriction de la liberté de conscience par nos partenaires européens, et non pas comme son socle, comme le pensent les républicains français.
Il n'y a donc aucune raison pour que le Parlement ne vienne pas rappeler des réserves qu'il est en droit de formuler après les décisions du Conseil constitutionnel, à moins que vous n'ayez déjà opté pour une autre version de la laïcité. Mais alors, assumez ouvertement ce choix ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Charasse. - Je tiens à préciser à M. le ministre que mon amendement se conforme à la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 2003 : le Parlement ne peut formuler aucune réserve, et je m'en garde. Mais comme ces réserves existent, je rappelle leur existence : ce n'est pas la même chose ! (M. Braye rit) En fait, le Conseil constitutionnel avait été saisi en 2003 parce l'Assemblée nationale avait tenté d'amender des articles du traité, ce qui était une horreur absolue, puisque le Parlement ne participe pas à la négociation des traités, laquelle est une prérogative de l'exécutif.
Mais comment protégerez-vous le Gouvernement lors de la mise en oeuvre du traité si les limites posées par le Conseil constitutionnel ne sont pas respectées ? Je n'ai pas de doute sur la manière loyale dont le Parlement européen, la Commission européenne, le Conseil européen, le Conseil des ministres appliqueront le traité. Mais pour les juges, mon collègue Mélenchon vient de dire ce qu'il en est. Ce ne serait pas la première fois que la Cour européenne de Luxembourg prendrait des libertés avec le traité. Alors que le traité dit qu'en cas de non-transposition d'une directive, la Cour peut infliger une astreinte ou une amende, la Cour a décidé qu'elle infligerait les deux. Et l'on n'a pas réagi ! Or, tant qu'il s'agit d'une histoire de gros sous, on peut toujours s'arranger. Quand j'étais ministre, j'ai perdu devant la Cour, mais comme elle avait violé manifestement les traités, je lui ai dit que je ne payerai jamais et que je ne viendrai plus au Conseil. L'affaire s'est alors très vite arrangée et je n'ai pas payé. Mais que se passera-t-il pour les décisions de justice qui concerneront des tiers ?
Comment comptez-vous protéger la République, monsieur le ministre ? Le Conseil constitutionnel a très bien cadré les choses et je suis en plein accord avec ses deux décisions, mais que faites-vous si les limites de l'épure sont franchies ? (M. Mélenchon applaudit)
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Je m'en tiens à la décision du Conseil constitutionnel, garant de nos principes républicains. L'article premier de la Constitution garantit le respect de la laïcité, l'article 4 du traité de Lisbonne garantit le respect des Constitutions nationales, c'est la meilleure des protections. (Applaudissements à droite)
M. Bruno Retailleau. - Le débat porte moins sur le respect de la laïcité, que sur la hiérarchie des normes. Dans un arrêt de 2000, la Cour de justice des communautés de Luxembourg a reconnu à une jeune Allemande, Tanja Kreil, qui voulait entrer dans la Bundeswehr, la possibilité de se prévaloir d'une directive européenne contre la loi fondamentale allemande sur le port d'armes, au nom de l'égalité homme-femme. Aussi, nos précautions sont-elles peu de choses ! En ratifiant ce projet de loi, nous acceptons, définitivement, la primauté du droit européen et en particulier de la jurisprudence de la Cour sur le droit français, y compris sur notre Constitution !
M. Josselin de Rohan, président de la commission. - Vous dites là une grossière contre-vérité ! Si jamais la Cour de justice mettait en cause le principe de laïcité, nous pourrions lui opposer notre Constitution en nous appuyant sur les arrêts du Conseil constitutionnel et les valeurs qu'ils traduisent. Le droit est le droit.
M. Jean-Luc Mélenchon. - C'est une affirmation gratuite ! En outre la Cour examine des plaintes individuelles.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Que se passe-t-il en cas de conflit entre le Conseil constitutionnel et la Cour ? La question n'a pas été tranchée lors du débat sur le traité constitutionnel ! (Exclamations à droite)
M. Jean-Jacques Hyest. - J'entends que des orateurs confondent la Cour européenne des droits de l'homme, qui a une jurisprudence qui parfois peut surprendre, et la Cour de justice, laquelle a pour mission de faire respecter les traités !
M. Bruno Retailleau. - Dans la jurisprudence « Tanja Kreil », la Cour s'est référée à une directive !
M. Jean-Jacques Hyest. - Le Conseil constitutionnel n'a rien trouvé à redire au traité de Lisbonne, dont il a examiné la conformité, y compris au Préambule de la Constitution ! Vous ouvrez un faux débat !
M. Jean-Luc Mélenchon. - Espérons-le !
M. Jean-Jacques Hyest. - Ce que j'ai entendu relève de ce que les philosophes grecs appellent des sophismes !
A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 240 |
Nombre de suffrages exprimés | 237 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 119 |
Pour l'adoption | 34 |
Contre | 203 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Jean Desessard. - (Exclamations à droite) L'heure est tardive, certains voudraient rentrer vite chez eux ! Lors du référendum, le débat sur le traité constitutionnel a pris plusieurs mois, et celui sur le traité de Lisbonne, de quelques heures à peine, ne souffrirait pas quelques minutes d'explication de vote ? Vous vous apprêtez à voter ce texte très majoritairement et vous serez contents...
M. Dominique Braye. - Oui !
M. Jean Desessard. - ...comme, si le Président de la République l'avait alors demandé, vous auriez, à 85 %, adopté le traité constitutionnel ! Pourtant, les Français ont rejeté ce traité, à 54 % ! Pourquoi un tel décalage ? Le rapporteur nous explique que, lors d'un référendum, nos concitoyens se prononcent pour ou contre une personne plutôt que sur une question, mais je n'ai pas eu cette impression pour le vote du 29 mai 2005 !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Moi non plus !
M. Jean Desessard. - Il y a eu alors un débat de fond, dans toute la France, dans les bars, les entreprises et les familles, non pas parce que M. Chirac avait posé la question, mais parce que les Français voulaient savoir ce que le traité allait changer dans leur vie. Et s'ils l'ont repoussé à 54 %, c'est parce qu'ils ont vu que le traité faisait l'impasse sur l'Europe fiscale et sociale, sur le pouvoir d'achat, sur la lutte contre l'exclusion !
Pourquoi, dès lors, un tel décalage ? Le Parlement est-il représentatif de la société d'aujourd'hui ? Non : il ne représente pas assez les ouvriers, les employés, la diversité. Il représente principalement les forces politiques au pouvoir ! (M. Braye s'amuse)
Certains prétendent que le traité aurait fondamentalement changé depuis 2005. J'en doute. Vous allez voter à 85 % sa ratification, mais je suis persuadé que, si le peuple était consulté aujourd'hui, le résultat serait le même que le 29 mai 2005. C'était un vote de gauche qui s'était alors opposé au traité constitutionnel !
L'Europe politique existe, même s'il faut améliorer son fonctionnement. Mais l'Europe politique sans l'Europe sociale et fiscale ne veut rien dire. ((Applaudissements sur certains bancs à gauche)
M. Pierre-Yves Collombat. - Je voterai contre ce texte pour deux raisons. J'emprunte la première à un fin connaisseur des questions européennes, M. Giscard d'Estaing, qui estime que le nouveau traité est presque inchangé par rapport au précédent mais que la substance en est dispersée en amendements aux traités antérieurs. Nous sommes loin de la simplification... Il s'agirait avant tout d'échapper à la contrainte du recours au référendum grâce à la dispersion des articles et au renoncement au vocabulaire constitutionnel. Pour ma part, je ne me prêterai pas à cette « subtile manoeuvre ».
Aucun motif de refuser le premier traité n'a disparu, au contraire. La BCE peut continuer à imposer le carcan de la déflation en se désintéressant de toute politique économique et fiscale commune. L'Europe sociale n'a toujours pas de traduction en bruxellois. Certes, la mention de la concurrence libre et non faussée est retirée, mais réintroduite dans un protocole annexe.
Si la construction européenne progresse, c'est dans une voie sans issue, et non sur la grande route de la construction d'une nation européenne capable d'assumer démocratiquement son destin. (Applaudissements sur certains bancs à gauche)
A la demande de la commission, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 154 |
Pour l'adoption | 265 |
Contre | 42 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements à droite)
M. Josselin de Rohan, président de la commission. - Je tiens à remercier notre rapporteur, M. François-Poncet, qui est, avec Maurice Faure, l'un des deux seuls négociateurs français du traité de Rome encore parmi nous, et qui se désolait de voir l'Europe en panne.
Le débat a été digne du Sénat, chacun a pu s'exprimer et l'a fait avec ardeur. Deux thèses se sont opposées : ceux qui pensent qu'il ne s'agit pas d'une constitution et ceux qui pensent le contraire. Nous avons aussi vu certaines convergences -c'est un des charmes du Sénat- entre le jacobin Mélenchon et le vendéen Retailleau.
A ceux qui pensent que le débat n'a pas eu lieu, nous apportons un démenti. A ceux qui disent que nous avons privé le peuple français de son expression, j'ai le regret de rappeler qu'il a été consulté en 2007 : le Président de la République s'était engagé sur le traité renouvelé, et a obtenu une majorité. (M. Braye approuve)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Vous vous répétez.
M. Josselin de Rohan, président de la commission. - Notre Constitution permet la ratification par la voie parlementaire. C'est cette voie qui a été librement choisie. La République a été respectée. C'est un jour important, et un nouveau départ pour l'Europe. (Applaudissements à droite)
M. Dominique Braye. - Bravo !
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Je remercie le président de la commission, le rapporteur, dont je salue le rôle éminent, et l'ensemble des intervenants. Il y a eu de l'émotion, notamment lorsque M. Mauroy a rappelé les étapes de la construction européenne. Je vous remercie pour la qualité de ce débat, qui montre que la démocratie est pleinement respectée. Ce vote est une étape historique. Le monde attend une Europe confiante et sûre d'elle, l'Europe attendait un signal de la France. Pour notre pays, je ne peux que me féliciter de ce vote. (Applaudissements à droite)
Prochaine séance, aujourd'hui vendredi 9 février 2008 à 11 h 15.
La séance est levée à 2 h 15.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du vendredi 8 février 2008
Séance publique
A 11 HEURES 15 ET 15 HEURES
Suite de la discussion du projet de loi (n° 149, 2007-2008) relatif aux organismes génétiquement modifiés (urgence déclarée).
Rapport (n° 181, 2007-2008) de M. Jean Bizet, fait au nom de la commission des Affaires économiques.
_____________________________
DÉPÔTS
La Présidence a reçu :
- transmis par M. le Premier Ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion des nouveaux États membres de l'Union européenne à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes ;
- transmis par M. le Premier Ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du règlement de la Commission intergouvernementale concernant la sécurité de la liaison fixe trans-Manche ;
- transmis par M. le Premier Ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la coopération dans le domaine de l'étude et de l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques ;
- transmis par M. le Premier Ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'Australie relatif à la coopération en matière d'application de la législation relative à la pêche dans les zones maritimes adjacentes aux Terres australes et antarctiques françaises, à l'île Heard et aux îles McDonald ;
- transmis par M. le Premier Ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention de partenariat pour la coopération culturelle et le développement entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc ;
- transmis par M. le Premier Ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes ;
- de M. Jean François-Poncet un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes (n° 200, 2007-2008) ;
- de M. Jean Bizet un rapport d'information fait au nom de la délégation pour l'Union européenne sur la transposition de la « directive services ».
_____________________________
ERRATUM
Dans le compte rendu du mercredi 6 février 2008, à la page 37, deuxième colonne, deuxième paragraphe, bien lire « le 204e anniversaire de l'indépendance ».