SÉANCE
du mercredi 6 février 2008
61e séance de la session ordinaire 2007-2008
présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Égal accès au mandat de conseiller général
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en première lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général.
Discussion générale
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - Cette proposition de loi a été adoptée hier par l'Assemblée nationale sans que les objections qu'elle soulève soient occultées. Une modification du droit un an après l'adoption de la loi contrevient au principe de stabilité et de sécurité juridique auquel je suis attachée en tant que juriste et responsable politique. Et l'usage républicain veut que les règles d'une élection ne soient pas modifiées lorsque la campagne a commencé, ce qui pourrait être mal compris et mal perçu par nos concitoyens. Toutefois, la lisibilité des textes et des institutions nous oblige. (Murmures à gauche)
La loi du 31 janvier 2007 institue, pour l'élection au conseil général, un « ticket paritaire » avec un remplaçant de sexe différent. Les possibilités pour le suppléant ou la suppléante d'accéder au mandat de conseiller général sans recourir à une élection partielle y sont clairement limitées. Cette proposition de loi élargit ces possibilités au cas de la démission d'un parlementaire qui, nouvellement élu au conseil général, se trouve dans une situation de cumul de mandats prohibée par le code électoral. Si ce texte présente des difficultés, il ouvre de nouvelles perspectives en matière d'égalité entre les hommes et les femmes.
Lors de l'élaboration de la loi de 2007, le Gouvernement ne prévoyait le remplacement du conseiller général élu par son suppléant que dans le cas du décès du conseiller général, cas de vacance de siège de loin le plus fréquent. En revanche, le remplacement était, comme pour les suppléants des députés et des sénateurs, exclu pour tous les cas de démission. Le Gouvernement a accepté une proposition parlementaire visant à élargir cette position en cas de démission du conseiller général détenteur de plus de deux mandats locaux ou titulaire de deux mandats locaux et d'un mandat de représentant au Parlement européen. Une exception à la règle a donc déjà été prévue pour les parlementaires européens.
Il s'agit aujourd'hui de l'étendre aux parlementaires nationaux. Actuellement, un candidat élu conseiller général et municipal en mars 2008 devra renoncer à l'un de ces deux mandats s'il est élu député européen en juin 2009. Parallèlement, si cette proposition est adoptée, un parlementaire national élu conseiller général et municipal pourra démissionner immédiatement de son nouveau mandat de conseiller général. Ce parallélisme des formes ne va pas sans difficultés. Il nous faut décider si nous sommes prêts à les surmonter.
J'entends les arguments à l'origine de cette proposition de loi, partagés par des députés de tous les bancs. (M. Hyest, président de la commission des lois, et Mme Troendel, rapporteur de la commission des lois, le confirment) Tout d'abord, je déplore la trop faible féminisation de nos assemblées départementales. Lorsque j'étais première vice-présidente d'un conseil général, celui-ci ne comptait que deux femmes. Je vois ici que la progression est lente. (M. Gournac approuve) L'exigence d'égalité entre les hommes et les femmes est un principe de valeur constitutionnelle qui doit s'appliquer à l'ensemble des élections. Il en va de la richesse du débat public et de la santé de notre démocratie.
Ensuite, les élections partielles ne contribuent pas à l'image de notre démocratie. L'abstention y est forte, et le taux de participation y est souvent inférieur à 25 %. Cela n'est pas nouveau, mais n'est à la gloire ni de la démocratie ni de l'assemblée concernée, surtout à l'heure où certains -et je m'y oppose fermement- souhaitent supprimer les départements et les conseils généraux. (Applaudissements à droite) Il ne faut pas que l'on puisse, en outre, douter de la démocratie à l'intérieur des conseils généraux.
Mesdames et messieurs les sénateurs, la question que vous devez trancher n'est pas simple. Je partage votre désir de replacer les élections cantonales au coeur de notre vie démocratique en rationalisant leur calendrier et en poursuivant notre action en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes. Veillons toutefois à ne pas opposer les exigences du suffrage universel et le souci louable d'égalité et de démocratie. Gardons à l'esprit l'incontestable suprématie du suffrage universel, car c'est lui et lui seul qui légitime nos décisions. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois. - Huit ans après la première application des principes posés par la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 sur la parité en politique et un an après la loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, cette proposition de loi présentée par M. Warsmann, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, tend à compléter l'article L. 221 du code électoral. La promotion de la parité en politique mériterait mieux qu'une juxtaposition de mesures législatives prises en urgence. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite et au centre) Toutefois, ce texte complète utilement le dispositif de remplacement automatique d'un conseiller général par son suppléant.
La volonté de féminiser les assemblées départementales est l'un des principes fondamentaux posés par la loi du 31 janvier 2007, qui a pourvu les conseillers généraux de suppléants de l'autre sexe.
Cette réforme est applicable à compter du renouvellement cantonal partiel de 2008.
Ce ticket paritaire au conseil général est issu d'un double constat : d'une part, les assemblées départementales sont peu féminisées, dix-huit d'entre elles ne comprennent que des hommes et seuls trois conseils généraux sont présidés par des femmes ; d'autre part, les élections cantonales partielles mobilisent peu l'électorat. En outre, le remplacement par un suppléant de sexe opposé pour les conseillers généraux présente deux autres avantages : il permet le maintien du mode de scrutin actuel des élections cantonales qui garantit le lien personnel entre l'élu et les électeurs, et il favorise la stabilité politique des conseils généraux dont la majorité ne pourrait plus être remise en cause en raison d'une élection partielle.
En pratique, la loi du 31 janvier 2007 a prévu que l'identité et le sexe du suppléant devront figurer sur la déclaration de candidature accompagnée de son acceptation écrite. Le remplaçant ne pourra figurer sur plusieurs déclarations de candidatures ni être candidat ou remplaçant d'un autre candidat. Enfin, en cas de décès d'un candidat après l'expiration du délai prévu pour le dépôt des candidatures, son remplaçant deviendra candidat et pourra désigner à son tour un remplaçant.
Examinons à présent le cas de vacance de siège permettant le remplacement d'un conseiller général par son suppléant en l'état du droit. Dans sa version initiale, la loi du 31 janvier 2007 prévoyait de modifier l'article 221 du code électoral seulement en cas de décès du titulaire du mandat. Notre commission des lois a étendu les possibilités de remplacements à trois autres cas : la nomination du conseiller général au Conseil constitutionnel, la présomption d'absence du conseiller général au sens de l'article 112 du code civil et sa démission pour maladie rendant impossible l'exercice de son mandat ; mais cette dernière hypothèse, qui aurait pu être source d'interprétations difficiles, a finalement été supprimée en séance publique.
Toutefois, alors rapporteur au nom de la Délégation aux droits des femmes, j'avais estimé qu'il convenait d'aller plus loin. Dans notre rapport d'information nous avons préconisé le remplacement du titulaire par le suppléant « dans tous les cas de vacance du mandat » et non uniquement dans l'éventualité d'un décès. Cela aurait eu le mérite d'éviter 90 % des élections partielles et de favoriser l'entrée d'un nombre important de femmes au sein des conseils généraux. C'est pourquoi, avec ma collègue la présidente Gisèle Gautier, nous avions proposé un amendement étendant le remplacement automatique des conseillers généraux par leurs suppléants, en cas de démission pour cumul de mandats au titre de l'article L46-1 du code électoral ou de l'article L46-2, mais également au titre de l'article L0141. Au terme d'un long débat, la commission des lois avait refusé l'extension du remplacement automatique à tous les cas de vacance, notamment pour éviter que des démissionnaires pour cause d'inéligibilité puissent être remplacés automatiquement. Mais elle avait accepté, tout comme le Sénat, d'étendre cette possibilité de remplacement dans les cas d'application des règles de non-cumul des mandats posées aux articles L46-1 et L46-2 du code. Je vous rappelle que, pour mettre fin aux incompatibilités visées par ces articles, l'élu doit faire cesser l'incompatibilité en démissionnant de l'un de ses anciens mandats, dans un délai de trente jours. A défaut d'option dans ce délai, le mandat le plus ancien prend fin de plein droit.
L'article unique de cette proposition de loi tend au même but que l'amendement que nous avions déposé, il étend le remplacement automatique par le suppléant du conseiller général, par ailleurs député ou sénateur, qui démissionne pour cause de cumul de mandats. Mais si notre amendement visait l'article L.O. 141 du code, le texte soumis à notre examen mentionne plutôt l'article LO 151-1 du même code, qui précise qu'un député ou un sénateur qui acquiert un mandat électoral propre à le placer dans un des cas d'incompatibilités visés à l'article LO 141, après son élection au Parlement, dispose d'un délai de trente jours à compter de la date définitive de son élection pour démissionner du mandat de son choix. A défaut d'option dans ce délai, le mandat acquis ou renouvelé à la date la plus récente prend fin de plein droit.
Permettez-moi une réserve sur ce nouveau dispositif qui, pour moi, est incomplet. La proposition de loi ne vise pas le cas du conseiller général qui est dans une situation d'incompatibilité du fait de son élection au Parlement, qui est visée cette fois à l'article L.O. 151 du code. Cet article rappelle que l'élu concerné doit alors se démettre de mandats incompatibles avec son mandat de parlementaire dans un délai de trente jours ; à défaut, il est déclaré démissionnaire d'office de son mandat de parlementaire par le Conseil constitutionnel. Or, les cas d'élus locaux qui détiennent notamment un mandat de conseiller général et qui se présentent à des élections législatives ou sénatoriales ne sont pas rares et très généralement en cas de succès aux élections parlementaires, ils abandonnent leur mandat de conseiller général. Dans ce cas, malgré cette proposition de loi, une élection cantonale partielle sera organisée pour remplacer le conseiller général démissionnaire.
Mais il m'importe que le nouveau dispositif soit appliqué dès les élections partielles cantonales de mars 2008 pour faire progresser la féminisation des conseils généraux. Par conséquent, je salue la volonté d'étendre encore les cas de remplacement de conseillers généraux dont le siège est vacant par leur remplaçant de l'autre sexe. Au bénéfice de ces observations, je vous demande d'adopter cette proposition de loi sans modification. (Applaudissements à droite ; M. Othily applaudit aussi)
Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. - (Applaudissements à droite) Si, au fil des années, des avancées ont été enregistrées en ce qui concerne l'égal accès aux mandats électifs, force est de constater que les femmes n'ont pas investi les assemblées départementales en raison, notamment, du scrutin uninominal majoritaire. Et pendant qu'un nombre croissant de femmes accédait à la plupart des enceintes politiques, la sous-représentation des femmes dans les conseils généraux constituait elle-même un frein à leur accès aux assemblées parlementaires. Lors du dernier renouvellement de mars 2004, aucune femme n'a été élue dans dix-huit départements !
Aujourd'hui, on nous demande de nous prononcer sur une proposition de loi qui complète la loi sur la parité du 31 janvier 2007 en étendant aux parlementaires la disposition prévoyant le remplacement du conseiller général par un suppléant de l'autre sexe en cas de démission pour cumul des mandats.
Je m'étonne que tout juste un an après l'adoption du texte sur l'obligation du ticket paritaire...
M. Bernard Frimat. - Le ticket modérateur !
Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation. - ... cette nouvelle mesure nous soit proposée. En effet, il avait fait l'objet d'un sous-amendement que j'avais déposé avec Mmes Catherine Procaccia et Catherine Troendle, aujourd'hui rapporteur de la proposition de loi, sous-amendement qu'il nous avait été demandé de rectifier.
L'institution d'un suppléant du conseiller général, de sexe différent est une des principales avancées de la loi de janvier 2007, laquelle a complété la précédente loi sur la parité du 6 juin 2000 par trois mesures importantes : une alternance stricte entre femmes et hommes sur les listes de candidats aux élections municipales dans les communes de plus de trois mille cinq cents habitants ; l'obligation de parité dans les exécutifs, non seulement de ces communes, mais aussi des régions -c'était là l'un de mes combats ; le renforcement des sanctions financières à l'égard des partis politiques ne respectant pas la parité des candidatures aux législatives -disposition sur laquelle je suis plus dubitative.
Ainsi que l'avait souligné notre Délégation dans son rapport d'information Une étape nouvelle pour la parité de décembre 2006, ce fameux ticket paritaire est destiné, non seulement à favoriser l'accession d'un nombre croissant de femmes dans les assemblées départementales, mais aussi, plus prosaïquement, à éviter de trop fréquentes élections partielles qui, d'ailleurs, ne mobilisent que peu d'électeurs.
Cependant, notre Délégation avait recommandé que le remplacement du titulaire par le suppléant ne se limite pas à la seule éventualité d'un décès -comme le prévoyait initialement le projet de loi du Gouvernement- mais s'étende aux autres cas de vacance du mandat, à l'exception, bien sûr, de celle résultant d'une annulation de l'élection. En particulier, la Délégation avait souhaité que le dispositif s'applique aux démissions des élus devant se mettre en conformité avec la législation relative au cumul des mandats, démissions qui provoquent 37 % des élections cantonales partielles depuis 1999, tandis que les décès n'ont été la cause que de 36 % d'entre elles.
Alors que la commission des lois avait prévu d'ajouter à l'éventualité du décès les seuls cas d'« absence » au sens du code civil, et de nomination au Conseil constitutionnel -ce qui, convenons-en, ne se produit pas tous les jours-, j'avais donc déposé avec Mme Catherine Troendle un sous-amendement élargissant l'application du remplacement par le suppléant aux démissions intervenues en application de l'un des articles suivants du code électoral : l'article L. 46-1 visant le cumul de plus de deux mandats locaux ; l'article L. 46-2 relatif au cumul de deux mandats locaux et d'un mandat de député européen ; et l'article L.O. 141 concernant le cumul d'un mandat de parlementaire et de plus d'un mandat local.
La commission des lois avait conditionné son avis favorable à ce sous-amendement au retrait de cette dernière référence visant les incompatibilités applicables aux parlementaires.
Son rapporteur, M. Gélard, avait souligné le « risque qu'un parlementaire puisse être candidat aux cantonales pour assurer la désignation de son remplaçant après sa démission ». Il avait rappelé que, si les élus locaux sont obligés d'abandonner un ancien mandat et de conserver le dernier mandat acquis lorsqu'ils sont atteints par le cumul, les parlementaires ont la possibilité de démissionner du dernier mandat acquis. Afin de parvenir à un consensus, nous avions accepté cette rectification et les incompatibilités applicables aux parlementaires n'avaient finalement pas été visées dans la loi du 31 janvier 2007. L'Assemblée nationale avait adopté sans modification le texte du Sénat.
Je me félicite que, cette fois, la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale ajoute au texte issu de la loi de janvier 2007 une référence à l'article L.O. 151-1 du code électoral concernant les parlementaires qui acquièrent un mandat électoral propre à les placer dans une situation d'incompatibilité postérieurement à leur élection à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Cette disposition répond à un souci de cohérence juridique puisqu'elle harmonise les règles applicables en cas de renonciation à un mandat de conseiller général.
Je regrette que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale ne fasse pas référence à l'article L.O. 151 du code électoral, ce qui aurait limité le nombre d'élections partielles et permis à davantage de femmes de devenir conseillères générales. Cependant, compte tenu de l'urgence si l'on veut que cette proposition de loi soit applicable dès les prochaines élections cantonales, il n'est malheureusement pas possible de la modifier. Ce n'est pas de cette façon que l'on légifère dans la sérénité.
M. Bernard Frimat. - Et vous faites quoi ?
Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation - Même si nous ne pouvons prendre en considération immédiatement cette mesure, je ne manquerai pas de la proposer dans le cadre d'un prochain texte de loi sur la parité, pour laquelle il reste encore bien du chemin à parcourir !
En conclusion, malgré les réserves que je viens d'exprimer, je ne saurais me soustraire à l'adoption de ce texte qui contribue à mettre en oeuvre l'une des recommandations de notre délégation aux droits des femmes. En définitive, ce sont les femmes qui en bénéficieront. (Applaudissements à droite, M. Othilly applaudit aussi)
Mme Muguette Dini. - Ce petit bout de loi traduit deux mépris, celui des femmes et celui de la démocratie. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes)
L'objectif mis en avant par les auteurs de cette proposition de loi est d'améliorer l'égal accès des femmes et des hommes aux assemblées départementales. Nous sommes donc dans le prolongement de la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, qui a mis en place le mécanisme de suppléance pour faire, soi-disant, progresser le nombre des femmes élues au sein des conseils généraux. Je ne reviendrai pas sur le fait qu'il faudrait faire mourir 45 % des hommes titulaires pour que la parité soit effective... (Rires)
Le même article a institué des modalités de remplacement des conseillers généraux dont le siège est vacant. Qu'il s'agisse d'un décès ou d'une démission dans des cas précis de cumul de mandats, il n'est plus procédé à une élection partielle, le suppléant remplace automatiquement le titulaire décédé ou démissionnaire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois - Ce texte, vous l'avez voté.
Mme Muguette Dini. - Non.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Votre groupe.
Mme Muguette Dini. - Moi, certainement pas.
Cette disposition a été saluée comme étant une avancée pour les femmes ! Lors de l'examen de la loi du 31 janvier 2007, je me suis énergiquement élevée contre une telle interprétation. Aujourd'hui, je persiste à dire que ce dispositif de suppléance ne contribue en rien à la parité entre les hommes et les femmes. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Marc Todeschini. - Très bien !
Mme Muguette Dini. - Cette proposition de loi est un faux-semblant de parité, totalement contraire à la démocratie.
Prenons l'exemple d'un député-maire. La ville dont il est élu est une ville-canton et les limites de l'un se superposent aux limites de l'autre. Il pense à une femme qu'il connaît pour le conseil général mais c'est une nouvelle et malgré toutes ses qualités et ses compétences, il doute de ses capacités à être élue. Qu'à cela ne tienne : lui, bien connu et apprécié, va se présenter aux suffrages, cette femme sera sa suppléante. Il démissionnera et elle deviendra conseillère générale sans que les électeurs aient eu leur mot à dire.
M. Jean-Marc Todeschini. - Là est le scandale !
Mme Muguette Dini. - D'une part, on aura méprisé cette femme en considérant qu'elle ne pouvait pas gagner par elle-même ; d'autre part, on aura bafoué l'électorat en lui laissant croire que le candidat pour qui il avait voté exercerait son mandat. Rien ne permet d'affirmer le contraire puisqu'il est libre de démissionner de n'importe quel mandat. Il ne peut pas non plus manifester cette intention avant l'élection et dire : « élisez- moi mais demain je démissionne et c'est Mme Untel qui prend ma place ».
Ce procédé est méprisant pour les femmes. Le présenter comme un argument en faveur de la parité, c'est considérer que les femmes ne sont pas capables de gagner les élections elles-mêmes et qu'il faut leur chauffer la place. Ce n'est pas par ce procédé médiocre et détourné que la parité va réellement progresser dans les départements.
Par contre, on sait bien que si l'on se donne la peine de mettre en place un vrai mode d'élection paritaire, les résultats sont très satisfaisants et que la parité progresse significativement ou s'applique presque parfaitement. C'est le cas au Sénat où, grâce au scrutin paritaire dans une partie des départements, le taux des femmes sénatrices a atteint 17, 2 % et progressera de nouveau en 2008 ; au niveau régional, avec une représentation féminine de 47,6 % en 2004 ; au sein des conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants, où l'on comptait, à l'issue des élections de 2001, 48 % de femmes. Pourquoi faudrait-il que les femmes entrent au sein des conseils généraux par la petite porte ?
Le principe de parité réside dans une égale candidature des femmes et des hommes aux scrutins à la proportionnelle mais aussi aux scrutins majoritaires uninominaux. Les électeurs doivent donc pouvoir choisir librement entre un homme et une femme, sans préjuger la parité du résultat. Ma proposition de loi du 6 janvier 2006 conjugue ces deux exigences de démocratie et de parité. Il s'agit de la constitution d'une liste majoritaire paritaire de deux noms, sachant que celui (ou celle) des deux qui aurait obtenu le plus grand nombre de voix serait déclaré titulaire, le second devenant suppléant. Une telle disposition promeut la parité de choix à l'occasion dudit scrutin et donne une chance véritablement égale à des candidats de chaque sexe.
Dans une démocratie, il appartient aux électeurs, et à eux seuls, d'apprécier si les candidats qui se présentent à leur suffrage ont les compétences et la disponibilité nécessaires pour exercer les mandats qu'ils leur confieraient. Ces principes fondamentaux ne se retrouvent pas dans cette proposition de loi. C'est la raison pour laquelle je voterai contre. (Applaudissements à gauche, Mme Gourault applaudit aussi)
M. Bernard Frimat. - A moins de cinq semaines des élections cantonales, le Sénat est invité à délibérer d'une proposition de loi votée hier par l'Assemblée nationale.
M. Yannick Bodin. - Ça urge !
M. Bernard Frimat. - Cette proposition navigue sous pavillon de complaisance.
M. Jean-Marc Todeschini. - Exactement !
M. Bernard Frimat. - Elle a peu à voir avec la volonté de faire progresser la parité.
M. Charles Gautier. - C'est un faux nez !
M. Bernard Frimat. - Le principe de l'égal accès des hommes et des femmes a été consacré dans la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 voulue par le gouvernement de Lionel Jospin. Les lois des 6 juin et 4 juillet 2000 ont mis en oeuvre cette révision constitutionnelle en créant une obligation de parité au niveau des candidatures pour les scrutins de listes et en modulant l'aide publique versée aux partis politiques ne respectant pas la parité dans les candidatures qu'ils présentent. En 2003, la majorité sénatoriale a rogné une partie de ces acquis en rétablissant le scrutin majoritaire dans les départements élisant trois sénateurs, rendant ainsi plus difficile l'accès des femmes au Sénat. Il a fallu attendre la fin de législature précédente et la loi du 31 janvier 2007 pour que soit proposée une déclinaison de l'égal accès des femmes et des hommes sur les listes. On s'est contenté alors de tirer les conséquences a minima des lois de 2000 : alternance stricte entre les candidats de sexe différent pour les élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants ; égal accès des femmes et des hommes dans les exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants.
Vous avez alors refusé l'occasion d'engager une nouvelle étape de la parité en rejetant toutes les avancées significatives que nous proposions : abaissement du seuil de scrutin proportionnel pour les élections municipales à 2 500 habitants ; rétablissement de ce scrutin dans les départements élisant trois sénateurs ; application dès 2007 du renforcement des sanctions financières pour les partis politiques qui ne respectent pas la parité des candidatures aux élections législatives, que vous avez reporté à 2012.
Vous vous êtes limités à un faux-semblant de parité pour les cantonales en instaurant des suppléants de sexe différent de celui du titulaire, faute de prendre en compte l'importance des pouvoirs accordés aux départements et d'y assurer une meilleure représentation des hommes et des femmes. Vous avez inventé la parité en viager. Je vous ai dit à l'époque que votre loi ferait avancer la parité à la vitesse du corbillard : une quinzaine de décès par an, c'est quatre millièmes des effectifs des conseillers généraux. Quel immense saut de puce !
Avec ce texte, il ne s'agit pas de favoriser la féminisation des assemblées départementales ni de rendre la loi plus claire mais de faciliter les modalités de remplacement pour améliorer le cumul des mandats. (M. Bodin parle de magouille) On ne peut donc pas dire que cette proposition de loi s'inscrive dans la modernisation des institutions et encore moins dans la moralisation de la vie politique. La modernisation serait de proposer la limitation du cumul des mandats plutôt que de favoriser les remplacements en cas de cumul.
Le rapport Mariani estime qu'il s'agit de « corriger » un « régime de suppléance lacunaire » dû aux conditions d'examen qui ont précédé l'adoption de la loi du 31 janvier 2007. Marie-Jo Zimmermann affirme qu'il s'agit d'une « imperfection » que « la prolongation de la navette parlementaire aurait sans doute pu permettre de corriger en 2007 ». Or, la relecture des débats au Sénat montrent qu'il ne s'agit pas d'un oubli comme le suggère l'Assemblée. Le Sénat, tout comme l'Assemblée, fait la loi, même si cette dernière a le dernier mot. Le débat parlementaire suppose que chacune des assemblées examine les arguments de l'autre. Mais le rapport Mariani ne mentionne pas le débat qui a eu lieu ici sur ce point. (Mme Troendle, rapporteur, en convient)
Le texte initial prévoyait pour les conseillers généraux un « ticket paritaire » et le remplacement par le suppléant en cas de décès du titulaire. La commission des lois avait adopté l'amendement n°21 présenté par notre rapporteur, Patrice Gélard, étendant ce dispositif aux cas de présomption d'absence au sens de l'article 112 du code civil et de nomination au Conseil constitutionnel. Je tiens d'ailleurs à saluer M. Gélard et je compatis à sa tristesse de ne pas rapporter ce texte.
M. Yannick Bodin. - C'est certain !
M. Bernard Frimat. - La commission a alors accepté un sous-amendement n°41 rectifié présenté par Mmes Gautier et Troendle afin de prévoir le remplacement d'un conseiller général dont le siège est vacant pour cause de limitation du cumul des mandats par la personne élue en même temps que lui, sous réserve de la suppression de la référence à l'article L.0 141 du code électoral relatif aux incompatibilités applicables aux parlementaires.
M. Patrice Gélard rappelait que si les élus locaux sont obligés d'abandonner un ancien mandat et de conserver le dernier acquis lorsqu'ils sont atteints par le cumul, les parlementaires peuvent démissionner du dernier mandat acquis si bien qu'ils peuvent être candidats aux cantonales pour assurer la désignation de leur remplaçant après leur démission.
En séance, le rapporteur a expliqué pourquoi la commission ne souhaitait pas retenir tous les cas de figure : « Tout simplement, parce que les cas d'incompatibilité sont différents selon qu'ils concernent les parlementaires ou les autres élus. Le parlementaire dispose d'une faculté supplémentaire : il peut choisir librement le mandat qu'il souhaite abandonner. Même si j'ai la plus grande confiance en mes collègues parlementaires qui se présenteraient aux élections cantonales, force est de constater que cette liberté pourrait, malheureusement, conduire à des manipulations et permettre au parlementaire d'utiliser son autorité pour choisir son successeur, ce qui serait un détournement du droit. En revanche, les autres cas d'incompatibilité sont recevables. Ainsi, un conseiller général qui devient maire de sa commune n'a pas le choix : il est obligé de choisir le dernier mandat pour lequel il a été élu et d'abandonner le précédent. En définitive, il est lié ! ». Or, aucun argument juridique nouveau n'est venu infirmer cette démonstration.
Ce texte de dernière minute est donc de circonstance. Rédigé à la hâte, il facilitera la mise en conformité avec les règles sur le cumul des mandats lorsqu'un parlementaire sera concerné.
M. Jean-Marc Todeschini. - Les petits copains !
M. Bernard Frimat. - Ainsi, au vu des résultats obtenus, celui-ci pourra, s'il le décide, démissionner du mandat de conseiller général qu'il vient d'acquérir, sans faire courir le moindre risque politique à son parti, grâce au remplacement automatique par son suppléant. De manière générale, le suppléant sera une femme. Celle-ci ne deviendra conseillère générale que par la volonté du parlementaire. Plusieurs cas peuvent se présenter : le parlementaire, en situation de cumul, démissionne du mandat de conseiller général car il a fait « la locomotive » et n'a jamais eu l'intention d'exercer ce mandat. Une telle attitude est malhonnête vis-à-vis des électeurs, équivaut à une manipulation du scrutin et accrédite l'idée qu'une femme ne serait pas capable de conquérir ce mandat mais pourrait l'exercer, ce qui est un paradoxe. Soit il démissionne de son mandat cantonal fraîchement acquis parce que le conseil général n'a pas basculé du côté de son bord politique et qu'il n'y a plus d'enjeu. Dans ce cas, la suppléante deviendra conseillère générale mais de l'opposition. En revanche, si le parti du parlementaire obtient une majorité au conseil général, il pourra briguer la présidence et abandonner son mandat de conseiller municipal ou de parlementaire et la suppléante restera suppléante. Dans ce cas, il y aura une élection législative partielle.
Bref, c'est seulement lorsque le résultat des élections cantonales ne sera pas conforme à celui espéré ou lorsqu'il n'y aura pas d'enjeu politique que les femmes auront une chance de devenir conseillères générales.
Nous sommes bien loin de la volonté de favoriser l'accès des femmes aux fonctions de conseiller général et d'un prétendu bug législatif à corriger. En fait, ce qui intéresse nos collègues députés, ce n'est pas le cas de celles et ceux qui deviendront parlementaires mais celui de celles et ceux qui le sont aujourd'hui et qui sont concernés par cette modification de circonstance. Le fait que la commission des lois de l'Assemblée ne vise que l'article LO 151-1 du code électoral et non pas l'article LO 151 est une sorte d'aveu.
Vous avez rappelé à juste titre, madame la ministre, que les modifications d'une loi un an seulement après son adoption créent toujours une instabilité juridique, que l'usage républicain veut que les règles d'élection ne soient pas modifiées moins d'un an avant le scrutin et, enfin, que ce texte pourrait avoir des effets pervers. Le Gouvernement est donc réservé sur cette initiative législative et on ne peut pas dire qu'il lui apporte, par votre bouche, un soutien massif. Dans cette assemblée, nous essayons encore de faire du droit. La question est simple : la majorité sénatoriale va-t-elle se déjuger et accepter de cautionner des petits arrangements entre députés amis ? (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Nachbar. - Ce texte se situe dans la droite ligne de celui que nous avons adopté le 31 janvier 2007 afin de renforcer l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux.
M. Jean-Marc Todeschini. - Mais non !
M. Philippe Nachbar. - Lors du dernier renouvellement de 2004, aucune femme n'a été élue dans dix-huit départements et seules un peu plus de 10 % de femmes ont été élues conseillères générales. Depuis cette date, quatre cent onze femmes siègent dans les conseils généraux sur trois mille neuf cent soixante-six titulaires et trois femmes seulement président un conseil général. C'est dire la nécessité d'améliorer, pas à pas, l'accès des femmes à ces mandats.
La loi du 31 janvier 2007 prévoit l'égal accès des femmes et des hommes aux exécutifs des communes de plus de trois mille cinq cents habitants et aux exécutifs des conseils régionaux, l'alternance stricte entre les candidats de sexe différent pour les élections municipales dans les communes de plus de trois mille cinq cents habitants, une réduction de l'aide financière de l'État aux partis qui ne respectent pas la parité lors des élections législatives. Ce texte a également institué, pour l'élection au conseil général, une équipe mixte formée par le candidat et son remplaçant. Grâce à ce dispositif innovant, plus de quatre mille femmes pourront participer aux prochaines élections cantonales, tandis que les modalités de remplacement en cas de vacance de siège s'en trouveront facilitées et le nombre d'élections partielles réduit. En effet, dans un nombre limité de cas, lorsque le poste devient vacant, le titulaire est remplacé par son suppléant sans qu'il soit besoin d'organiser une élection partielle. Ainsi en est-il en cas de décès du titulaire du mandat, en cas de présomption d'absence au sens de l'article 112 du code civil, ce cas étant peu fréquent, en cas de nomination au Conseil constitutionnel, cas encore plus rare, et aux cas de démission pour cause de cumul de mandats locaux.
Cependant, les cas de cumul visés par la loi de 2007 ne concernent pas le mandat parlementaire. Ainsi, une élection cantonale partielle doit avoir lieu lorsque le détenteur d'un mandat local qui est élu conseiller général est déjà député ou sénateur et décide de renoncer à son mandat cantonal. L'institution du ticket mixte n'a donc, dans ce cas, pas d'effet, ce qui freine l'accès des femmes aux assemblées départementales.
Dans un souci de clarté et avant que n'intervienne le prochain scrutin, cette proposition de loi permet d'instituer un régime unifié de remplacement, (M. Frimat le conteste) sans qu'il soit nécessaire de distinguer selon le mandat de l'élu concerné. Ce texte prévoit, en effet, d'étendre le cas de remplacement du conseiller général titulaire par le suppléant d'un autre sexe aux cas de démission pour cause de cumul lorsqu'il concerne un député ou un sénateur ce qui a le mérite de compléter utilement le dispositif de 2007 et d'améliorer la parité dans les conseils généraux.
En outre, cette mesure permettra d'éviter des élections cantonales partielles qui ne sont pas à l'honneur de la démocratie compte tenu de l'abstention très forte qui oblige souvent à procéder à un deuxième tour, même quand un candidat a obtenu plus de 50 % des votes lors du premier tour, les 25 % d'inscrits n'étant pas atteints.
M. Pierre-Yves Collombat. - Supprimez les élections pour ne plus avoir de problème !
M. Philippe Nachbar. - Nos concitoyens veulent des assemblées départementales efficaces et de proximité. Avec ce texte, nous les rendrons encore plus représentatifs de la société française. C'est pourquoi le groupe UMP le votera. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Marc Todeschini. - Vous êtes en service commandé.
M. Yannick Bodin. - C'est dur d'avoir à dire le contraire de ce qu'on a dit un an plus tôt.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - En mars 2004, le dernier renouvellement des conseillers généraux montra que les inégalités entre hommes et femmes restaient écrasantes : dans dix-huit départements, aucune femme n'a été élue ; seulement six conseils généraux comportent plus de 20 % de femmes ; celles-ci représentent en moyenne 9,3 % des conseillers. D'autre part, peu de femmes ont été élues maires ou présidentes d'un conseil général.
Lors des débats de l'année dernière sur la parité pour les mandats électoraux et les fonctions électives, nous avions souligné le retard des élections cantonales en ce domaine. Mais l'inscription tardive du texte à l'ordre du jour n'avait guère laissé de latitude pour sortir des sentiers balisés par le Gouvernement.
Une même précipitation caractérise la présente discussion, puisqu'aucune modification ne nous est proposée afin de résorber la ségrégation dont les femmes sont victimes. L'instauration de suppléants a eu pour seule conséquence de reléguer les femmes au rang de suppléantes. Le dispositif proposé permettrait surtout à des parlementaires d'être candidats, mais sans intention de siéger au conseil général.
Prenons un exemple parmi d'autres. M. Jean-Claude Mignon, député de Seine-et-Marne, maire de Dammarie-les-Lys et président de la communauté de communes...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - D'agglomérations !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - ...de Melun-Val-de-Seine vient de se porter candidat aux élections cantonales. S'il est élu, abandonnera-t-il un mandat ancien ou laissera-t-il le siège à sa suppléante ?
La vraie modernisation institutionnelle limiterait le cumul des mandats, mais vous préférez camoufler vos ambitions derrière l'instrumentalisation de la parité.
Pourtant, la loi sur la parité n'est pas la panacée.
Il faut tout d'abord l'accompagner de mesures concrètes en direction de tous les élus. J'ai évoqué ce sujet le 22 janvier, lorsque nous avons abordé le statut de l'élu local. En effet, il faut mettre fin aux nombreuses discriminations de tous ordres et prendre en compte les contraintes familiales pour que plus de femmes puissent mener leur engagement jusqu'au bout.
Au demeurant, on ne peut ignorer l'effet du mode de scrutin : même M. Mariani, rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, reconnaît que le scrutin majoritaire uninominal ne favorise pas la parité. Le mieux serait d'introduire la représentation proportionnelle dans les conseils généraux.
L'égalité d'accès aux fonctions électives appelle donc une réflexion globale sur le statut des élus, sur la place des femmes dans la société, sur le mode de scrutin et le cumul des mandats. En légiférant dans l'urgence, pour satisfaire à de petits calculs ou pour réparer les omissions induites par l'inflation législative que tous dénoncent...
Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Absolument !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - ...vous ne résoudrez rien.
La tradition républicaine interdit de modifier les règles d'une élection à cinq semaines du scrutin. La manoeuvre est grossière. Hélas, les prochaines élections cantonales me donneront sans doute raison ! (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article unique
M. le président. - Amendement n°1 présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Bernard Frimat. - J'ai déjà détaillé les raisons pour lesquelles nous voulions mettre fin à la seule qualité du texte : sa brièveté.
Cette proposition permettra aux parlementaires d'utiliser leur notoriété pour se présenter aux élections cantonales dans le seul but de faire élire la personne qu'ils auront choisie, par affection politique, par affection familiale, voire par affection tout court. Nous verrons bientôt jusqu'où le coeur peut rejoindre la politique et la raison...
Cette modification in extremis du régime électoral altérera la transparence, la sincérité et la lisibilité du scrutin, sans parler du respect dû aux électeurs.
La féminisation des conseils généraux mérite des textes clairs et dénués de manipulations ! (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - La commission n'ayant pas examiné l'amendement, je constate à titre personnel qu'il coupe court à tout progrès dans la féminisation des conseils généraux. (Mme Borvo Cohen-Seat s'esclaffe)
Après avoir entendu M. Frimat aujourd'hui et M. Gélard le 31 janvier 2007, je ne peux croire qu'un parlementaire soit candidat au conseil général sans avoir l'intention de siéger. (Rires et quolibets à gauche où l'on propose de prendre le pari)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Je me suis déjà exprimée sur ce sujet. Cette proposition d'origine parlementaire tend à simplifier le régime électoral et à favoriser la féminisation concrète des assemblées tout en réduisant le nombre d'élections partielles, donc l'atteinte à la crédibilité de nos institutions résultant d'un taux très élevé de l'abstention.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Les électeurs ne se déplacent guère ? Peut-être parce que les candidats ne réussissent pas à les mobiliser...
La règle républicaine interdit de changer le mode de scrutin moins d'un an avant l'élection. Et je refuse que la parité soit réduite à servir de prétexte.
M. Yannick Bodin. - C'est la parité cache-sexe !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ou cache-misère !
M. Pierre-Yves Collombat. - Jusqu'à présent, la parité tendait à corriger les effets négatifs pour les femmes du vieux principe républicain voulant que ni les citoyens ni leurs représentants n'aient de sexe. Sieyès a formulé ce principe mieux que personne dans son célèbre Qu'est-ce que le Tiers-État ? : « Le droit de se faire représenter n'appartient aux citoyens qu'à cause des qualités qui leur sont communes et non pas par celles qui les différencient. »
Or, cette proposition de loi pervertit l'aspect positif du principe de parité : quel que soit l'emballage sous lequel on nous présente ce produit -pour diminuer le nombre d'élections partielles, la solution radicale consiste à les supprimer-, il permet à une personnalité de se transformer en locomotive au service de quelqu'un qui ne serait pas élu pour ses qualités personnelles.
On aurait pu admettre que l'élection au Parlement d'un conseiller général conduise à faire siéger sa suppléante au niveau départemental, mais on nous propose l'inverse : qu'un parlementaire élu au conseil général démissionne dès le lendemain du scrutin sans qu'une élection partielle n'ait lieu. C'est un peu gros.
Je conclurai en paraphrasant Mme Roland sur l'échafaud : Ô parité, parité chérie, que de tripatouillages on commet en ton nom !
M. Patrice Gélard. - Je ne prendrai part à aucun vote sur ce texte afin de ne pas me déjuger par rapport à ce que j'ai dit l'an dernier. (Applaudissements nourris sur les bancs socialistes)
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
L'article unique est adopté.
(Plusieurs sénateurs du groupe UMP ayant rejoint l'hémicycle juste avant le vote sur l'amendement, M. Bodin déclare : « Les supplétifs ont voté. »)
M. Jean-Claude Carle. - Il vaut mieux être supplétif que rien du tout !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission - Il n'y a pas ici de suppléants !
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°2 présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La disposition de la présente loi s'applique à partir du 1er janvier 2009.
M. Yannick Bodin. - Cet amendement tend à lever les doutes sur les motivations du texte : nous proposons qu'il s'applique à partir du 1er janvier 2009.
M. Bernard Frimat. - Ce serait déjà mieux !
M. Yannick Bodin. - Les candidatures pourront être déposées dans moins d'une semaine.
La campagne officielle débute dans trois semaines, le 25 février, et le scrutin aura lieu dans moins d'un mois, le 9 mars. Bref, vous modifiez le code électoral alors que le processus électoral est déjà engagé. Voila un record qui mérite inscription au Guinness !
Le doyen Gélard a rappelé qu'une règle constitutionnelle non écrite, mais validée par le Conseil constitutionnel, veut que les règles du scrutin ne soient pas modifiées moins d'un an avant les élections. Et M. Hortefeux, alors ministre des collectivités territoriales, ne déclarait-il pas, lors de débats de décembre 2006, que c'était là « une question d'honnêteté » ? (Rires sur les bancs socialistes et CRC)
M. Charles Gautier. - Et il avait raison !
M. Yannick Bodin. - Il s'agit donc bien, ici, d'un texte d'opportunité politique, fait pour servir les intérêts de la majorité. S'il en fallait une preuve supplémentaire, en voici une, flagrante : au moment même où ce projet était voté à l'Assemblée nationale, M. Mignon, député de Seine-et-Marne et maire de Dammarie-les-Lys, se déclarait, dans le journal Le Parisien, brusquement favorable à la promotion des femmes. La vérité est que la droite veut prendre la présidence du Conseil général.
M. Philippe Adnot. - Et M. Hollande ? (On renchérit sur les bancs UMP)
M. Pierre-Yves Collombat. - Dans ce cas, votez l'amendement !
M. Yannick Bodin. - Or, dans le département, la droite est minoritaire d'un siège. Il est clair que le seul souci de M. Mignon est de faire avancer la cause des femmes ! (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, proteste)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Bien sûr !
M. Yannick Bodin. - C'est cousu de fil blanc ! Et je comprends que Mme le ministre de l'intérieur ait jugé utile de déclarer, le 5 février, devant l'Assemblée nationale : « Veillons à nous prémunir contre tout détournement. ». Il est accompli ! Je comprends les déclarations de Mme Papon, lors de nos débats de décembre 2006, évoquant les conséquences catastrophiques pour le Parlement d'une telle disposition et craignant que, les parlementaires pouvant, à la différence des autres élus, ne pas conserver le dernier mandat qu'ils ont acquis, l'on n'assiste à une multiplication de candidatures non sincères destinées à tirer profit du prestige de la fonction.
Je l'ai dit, en faisant appel aux témoignages les plus éminents, y compris ceux de représentants du Gouvernement, il n'est pas possible de se prononcer en faveur de ce texte, contre lequel nous voterons. Mais s'il venait à être adopté, que ce soit au moins, pour le faire revenir à plus de moralité, en ne le rendant applicable qu'à compter de 2009. Au moins vous pourriez vous regarder sans rougir dans la glace !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - La délégation aux droits des femmes ne devrait pas permettre une telle instrumentalisation !
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Cet amendement n'ayant pu être examiné par la commission, c'est encore une fois à titre personnel que je m'exprimerai. J'ai toujours soutenu ce dispositif, qui doit contribuer à la lente féminisation des conseils généraux. (Exclamations ironiques à gauche. Mme Borvo Cohen-Seat rit) Quand une femme accède aux charges électives, y fût-elle arrivée à la suite d'une démission discutable, je suis convaincue -pour répondre à M. Frimat- qu'elle va s'engager pleinement dans ses nouvelles fonctions et mériter rapidement d'être titulaire. (Nouvelles exclamations)
M. Bernard Frimat. - Alors faites leur confiance ! Qu'elles soient candidates !
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - On sait, de surcroît, combien peu mobilisatrices sont les élections partielles : le dispositif proposé présente l'avantage de contribuer à assurer la stabilité politique au sein des conseils généraux. Je donne donc un avis défavorable, à titre personnel.
M. Charles Gautier. - Sinistre comédie !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Quand on pense que c'est une femme qui nous joue cette farce !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - J'ai dit le souci et l'inquiétude que suscitaient en moi certaines dispositions. Mais je ne goûte guère l'hypocrisie. Pour avoir lu des textes de membres de parti socialiste approuvant cette proposition de loi...
MM. Charles Gautier et Bernard Frimat. - Lesquels ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - ...j'estime déplacée votre façon de montrer la majorité du doigt ! En particulier, je déplore le ton agressif qui a été celui du défendeur de l'amendement, plein de sous-entendus et de mensonges. (Exclamations à gauche) Je ne peux donc en aucun cas le soutenir. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Charles Gautier. - C'est vous qui maniez le sous-entendu à merveille !
M. Yannick Bodin. - Sachez que nous sommes prêts à entendre tous les arguments, mais pas des insultes ! Mensonges, dites-vous ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Hélas !
M. Yannick Bodin. - Parlons des vôtres ! Nous avons cité les propos de ceux que nous convoquions à l'appui de nos arguments, M. Gélard ; Mme Papon, M. le ministre Hortefeux, que n'avez-vous eu le courage d'en faire autant ? Vous avez lu des textes, dites-vous ? Lesquels ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. - S'il n'y a ni sous-entendu, ni manoeuvre, que n'acceptez-vous cet amendement ? Je suis scandalisée par vos propos ! On ne peut défendre la cause des femmes avec plus d'indigence ! (Applaudissements à gauche)
Mme Muguette Dini. - Je ne participerai pas au vote sur cet amendement. Étant résolument opposée à cette proposition de loi, voter pour qu'elle s'applique dans un an ne me satisfait pas.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
Intervention sur l'ensemble
M. Bernard Frimat. - Je regrette qu'une fois de plus nous traitions dans l'urgence d'une question qui mériterait plus de hauteur de vue. Le groupe socialiste du Sénat, comme celui de l'Assemblée nationale l'a déjà fait, votera contre ce texte. Que les choses soient bien claires : personne, au sein du parti socialiste, n'y est favorable. Et je vous mets au défi, madame la ministre, de produire les écrits auxquels vous avez fait allusion !
M. Charles Gautier. - Ils sont introuvables !
M. Bernard Frimat. - Les débats du Parlement, heureusement, sont publics, et c'est pourquoi nous demandons un scrutin sur ce texte. Bon nombre de nos collègues, suivant en cela la position de la majorité sénatoriale, ont voté l'an dernier contre ces dispositions. Si retournement il doit y avoir aujourd'hui, qu'il s'exprime dans la plus grande clarté, et que chacun en soit comptable !
Le temps viendra où nous pourrons mesurer combien vos solutions sont fausses. Ce qui a fait avancer la cause des femmes, ce sont les lois de 1999 et de 2000, qui ont favorisé la représentation des femmes dans les conseils municipaux des villes de plus de 3 500 habitants, les conseils régionaux et aux élections européennes, pour qu'ils soient mieux à l'image de notre pays. La cause des femmes mérite des pistes plus audacieuses. C'est la proportionnelle qui, au Sénat, les a le mieux servies.
Lors de notre débat de 2006, monsieur Hyest m'en donnera acte, nous avons, d'un commun accord, estimé qu'eu égard à la proximité du scrutin électoral, nous ne pouvions mettre en chantier une réforme du mode de scrutin. Le Sénat s'honorerait en conservant sa position. Mais le propre du mandat de parlementaire est qu'il n'est pas impératif : chacun ayant la liberté de voter en conscience sera comptable de son vote. Comptez sur nous pour le faire connaître, par respect pour ce que devrait être l'action publique !
À la demande du groupe socialiste, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l'adoption | 173 |
Contre | 142 |
Le Sénat a adopté.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Je déplore toujours que la passion se mêle à nos débats. Mme la rapporteur a raison en souhaitant que la réforme s'applique à tous les mandats, y compris aux parlementaires ! Pourquoi des règles différentes ? Le Sénat a fait du chemin, en instituant la proportionnelle, et donc la parité, pour la moitié des départements, il ne doit pas être seul à faire cet effort. Je n'aime pas, ensuite, que le débat devienne personnalisé : quand on n'a jamais pu être élu qu'à la proportionnelle et quand on a toujours été battu au scrutin majoritaire par celui dont a cité le nom, on est mal placé pour donner des leçons ! (Protestations à gauche)
M. Jean-Marc Todeschini. - C'est méchant et inutile !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - J'entends les opposants à cette réforme prétendre en tirer un bénéfice moral, j'espère qu'ils n'en chercheront pas un bénéfice politique, en se présentant aux cantonales pour ne pas siéger ensuite au Conseil général ! (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est petit !
M. Jean-Marc Todeschini. - Il a payé son écot !