Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.
J'appelle chacun à respecter son temps de parole : deux minute trente par intervention.
Situation sociale
M. Jacques Mahéas. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Monsieur le Premier ministre, la réforme des régimes spéciaux est nécessaire, mais la méthode que vous avez employée ne fait pas honneur à notre démocratie sociale ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Gérard Longuet. - Ça commence mal !
M. Jacques Mahéas. - Après une grève importante le 18 octobre, vous refusiez les négociations réclamées par les syndicats dès le 9 novembre. Vous auriez donc pu éviter le déclenchement du conflit. Vous vouliez réformer, vous deviez dialoguer ! On observe la même absence de concertation préalable pour la carte judiciaire, la réforme des universités, la démographie médicale et les franchises médicales, qui sont injustes pour le malade et dangereuses pour la santé publique.
La réforme des régimes spéciaux ne doit pas masquer la nécessité d'une réforme globale des retraites, seule à même de garantir le système par répartition. Vous avez fait le choix du passage en force ! (Marques d'ironie à droite)
M. Alain Gournac. - N'importe quoi !
M. Jacques Mahéas. - Le Président de la République s'est présenté comme le Président du pouvoir d'achat.
Or depuis six mois, les Français ne voient rien venir. Le prix des produits de première nécessité ne cesse d'augmenter, le cours du pétrole flambe. Pour un ménage sur quatre, le poids des dépenses incompressibles est passé, depuis 2001, de 50 à 75 % de ses revenus. Vous avez tout misé sur les heures supplémentaires. Avec une croissance annuelle très limitée, le dispositif, contestable dans son principe, tourne au ratage total.
Vous avez l'habitude d'affirmer que les socialistes ne proposent rien.
M. Alain Vasselle. - En effet !
M. Jacques Mahéas. - Eh bien, voici quelques-unes de nos propositions (« Ah ! » à droite) : revaloriser de manière significative les petites retraites, la prime pour l'emploi et l'allocation de rentrée scolaire ; rétablir la TIPP flottante et généraliser le chèque transport.
Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous seulement financer ces mesures, vous qui avez fait le choix d'accorder des cadeaux fiscaux aux plus aisés ? (On s'en défend à droite) Nous, cet argent, nous l'aurions utilisé à concrétiser ces propositions ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François Fillon, Premier ministre . - (Vifs applaudissements à droite) Monsieur Mahéas, les socialistes auraient utilisé l'argent public pour financer d'autres actions et d'autres priorités, dites-vous. Mais c'est oublier que les Français n'ont pas choisi votre projet, mais celui de Nicolas Sarkozy et de sa majorité ! (Applaudissements à droite)
Vous avez abordé de nombreux points dans votre question, je me contenterai donc de répondre sur la réforme des régimes spéciaux. Vous contestez notre méthode, mais quelle méthode auraient utilisé les socialistes ?
M. Jacques Mahéas. - Je vous renvoie la balle !
M. François Fillon, Premier ministre. - En 1993, en raison de la démographie et de l'allongement de la durée de vie, nous avons porté à quarante le nombre d'annuités nécessaires à la perception d'une retraite à taux plein pour les affiliés au régime général. Depuis, vous avez été au pouvoir durant cinq ans sans juger bon de remettre en cause cette réforme. C'est donc qu'elle était nécessaire !
En 2003, le régime des fonctionnaires a été aligné sur le régime général. Vous avez combattu cette réforme, pourtant portée par certaines organisations syndicales. Si 26 millions de Français cotisent durant quarante ans, il est normal d'amener progressivement...
M. Jacques Mahéas. - Progressivement !
M. François Fillon, Premier ministre. - ...oui, d'ici 2012, d'amener les autres salariés à faire de même (M. Alain Gournac approuve), à commencer par les affiliés aux régimes spéciaux.
L'immense majorité des Français soutient cette réforme et ils sont de plus en plus nombreux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est vous qui le dites !
M. François Fillon, Premier ministre. - Madame, il suffit de les écouter...
Nous n'ignorons pas qu'il est difficile pour les salariés des régimes spéciaux de changer de système.
M. Jacques Mahéas. - C'était leur contrat !
M. François Fillon, Premier ministre. - Pour les autres salariés aussi. M. Xavier Bertrand négocie depuis deux mois avec les organisations syndicales et leur a garanti que les affiliés aux régimes spéciaux conserveront leur niveau de pension s'ils acceptent de travailler deux ans et demi de plus. De plus, il a invité les organisations à discuter dans leurs entreprises de tous les autres sujets, notamment la pénibilité, les conditions de travail, les revenus en fin de carrière.
M. le président. - Monsieur le Premier ministre, veuillez conclure !
M. François Fillon, Premier ministre. - Depuis lundi soir, la CGT, qui l'avait d'abord refusé, a accepté le principe de ces discussions à condition qu'un représentant de l'État assiste aux réunions, ce que nous avons accepté. Chacun a donc fait un pas vers l'autre. Maintenant, la grève doit s'arrêter parce qu'elle pénalise les usagers et qu'elle ne permettra pas les avancées que les salariés des régimes spéciaux espèrent obtenir. J'en appelle donc à la responsabilité de chacun (exclamations sur les bancs communistes), à l'arrêt de la grève et à la négociation dans les entreprises ! (Applaudissements à droite)
M. Jean Boyer . - La présence de grande qualité autour du Premier ministre signe à mes yeux la volonté de faire avancer la France. (Applaudissements à droite, marques de désaccord à gauche)
M. Bertrand Auban. - Godillot !
M. Jean Boyer. - La loi relative au travail, à l'emploi et au pouvoir d'achat laisse en suspens certaines questions relatives aux heures supplémentaires : l'application immédiate de cette loi, préparée en juillet et promulguée le 21 août, n'a pas permis aux entreprises de se l'approprier. Dans nombre de cas, cette initiative gouvernementale connaît un retard à l'allumage.
L'élaboration des bulletins de paye comporte des majorations isolées, des calculs d'exonération, la prise en compte des heures supplémentaires mensualisées et l'intégration de la réduction du temps de travail : à l'heure où le vent de la simplification souffle, ne pourrait-on en faire profiter l'ensemble de ces calculs ? Comment cette nouvelle loi vient-elle compléter celle du 17 janvier 2003 ?
Une inquiétude existe aussi à propos des interprétations du texte. Une régularisation est-elle envisagée jusqu'à la fin de l'année en cas d'erreur ? Le contingent annuel comptera-t-il à partir de la trente-sixième heure ? La fonction publique est-elle concernée par cette évolution favorable ?
(Protestation à gauche où le brouhaha couvre la voix de l'orateur) Lorsque vous vous exprimez, je ne vous interromps pas. Vous pourriez faire preuve de la même tolérance. (Vif applaudissements au centre à droite)
Je voudrais enfin savoir si le revenu de référence pour le calcul de la retraite inclura les heures supplémentaires, comme c'est le cas aujourd'hui.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi . - La qualité de vos questions et leur caractère détaillé démontrent une connaissance approfondie du sujet. (Applaudissements à droite)
Je voudrais commencer par annoncer deux bonnes nouvelles : le taux de croissance constatée au cours du troisième trimestre 2007, de 0,7 %, est le double de celui du premier trimestre ; l'Insee confirme que le taux de chômage s'établit à 8,1 % contre 8,6 % il y a un an.
Dans ce contexte, l'exonération des heures supplémentaires en vigueur depuis le 1er octobre commence à produire ses effets.
Nous avons beaucoup travaillé avec les sociétés produisant le logiciel de paye et avec l'ordre des experts-comptables pour que la mise en oeuvre du nouveau régime soit aussi peu laborieuse que possible. Bien sûr, tout changement exige un effort d'explication. C'est pourquoi nous avons distribué un million de brochures à destination des petites et moyennes entreprises.
Avec l'Urssaf et le fisc, nous avons mis en place un numéro d'appel pour informer les entreprises. Il est sollicité de manière croissante.
En cas d'erreur, une régularisation pourra intervenir jusqu'en décembre. Ainsi, la souplesse accompagne la diffusion d'informations.
J'en viens au bulletin hebdomadaire qui récapitule les heures supplémentaires. Je me suis rendue en province. (À gauche, on entend « A vélo ! ») J'ai nommé un « monsieur heures supplémentaires », Alain Tapie (on rit à gauche) de l'Unedic. Il fera le tour de toutes les régions de France au cours des trois prochaines semaines. Je compte sur votre aide à tous ! (Applaudissements à droite et au centre)
Régimes spéciaux
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat . - Monsieur le ministre du travail, vous avez enfin accepté de participer aux négociations sur l'avenir des régimes spéciaux de retraite. Il aura fallu pour cela une mobilisation exceptionnelle des salariés. En septembre, vous annonciez avoir rédigé le décret allongeant la durée de cotisation et diminuant le pouvoir d'achat des retraités concernés. M. Fillon évoquait une réforme « simple à faire ».
Il est vrai que la propagande y est allée de bon train : on prétendait les régimes spéciaux responsables des difficultés de financement des retraites (à droite, on estime que tel est bien le cas), alors qu'ils ne représentent que 5 % du montant total des pensions. Au nom de l'égalité, vous avez même opposé les 26 millions de Français cotisant 40 ans aux 500 000 bénéficiaires des régimes spéciaux. Mais quelle égalité peut-il y avoir entre le retraité au minimum vieillesse et celui qui a cumulé des stock-options ?
Aucun mot n'était assez dur pour qualifier les cheminots, électriciens et gaziers alors que je salue ces agents des services publics dont chacun reconnait le professionnalisme et l'efficacité lorsqu'il en a besoin. Pour le Président de la République, leur spécificité était « indigne » ; son amie Mme Parisot l'estimait « ringarde ». Vous disiez que M. Sarkozy s'était engagé pendant la campagne électorale. Mais il en avait fait de même en faveur du pouvoir d'achat. Or, un million de retraités sont au-dessous du seuil de pauvreté.
Bref, vous avez dû prendre en compte la légitimité sociale du mouvement et accepter la proposition de la CGT en faveur d'une négociation tripartite.
Nombre de nos concitoyens comprennent que la mise en cause des régimes spéciaux n'est qu'un paravent destiné à cacher l'augmentation générale de la durée des cotisations, accompagnée d'une baisse générale des retraites. J'en appelle à la responsabilité du Gouvernement. L'heure n'est plus aux faux-semblants. Les usagers et les salariés attendent de véritables négociations. Êtes-vous prêts à négocier sans préalable ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. - (Applaudissements à droite et au centre) Sans préalable et sans faux-semblants, que préconisez-vous en matière de cotisations retraite ? Il serait intéressant de le savoir, car depuis le débat que nous avons eu en octobre, vous n'avez guère été diserts sur ce sujet.
M. Henri de Raincourt. - Un vrai désert !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Nous avons répondu à l'attente des Français en matière d'égalité tout en apportant une réponse au problème du financement.
Avec 1,1 million de retraités pour 500 000 cotisants, il est normal de rencontrer des problèmes de financement. Si la durée des cotisations n'augmente pas, personne ne sait comment garantir à terme le versement des pensions de ces agents.
M. Ladislas Poniatowski. - Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Si nous menons cette réforme, c'est aussi pour garantir leur pouvoir d'achat. Nous avons déjà consacré une centaine d'heures à nous écouter les uns les autres afin de mener à bien cette réforme raisonnable.
Le Gouvernement a fait des propositions la semaine dernière sur le pouvoir d'achat et les agents doivent regarder les simulateurs de retraite qui sont à leur disposition dans leurs entreprises pour se rendre compte des évolutions. Avec quarante annuités, ils ne toucheront pas un euro de moins. (Exclamations à gauche)
Et puis, en matière de pouvoir d'achat, il n'est pas non plus interdit de dire la vérité ! Les agents de ces entreprises devaient obligatoirement partir à 50 ou 55 ans, même s'ils ne touchaient pas leur pension à taux plein. Nous allons mettre fin à cette absurdité et apporter avec cette réforme des réponses claires pour aller vers plus de justice sociale. (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)
Maisons de l'emploi
M. Bernard Seillier . - L'avenir des Maisons de l'emploi est aujourd'hui en suspens. La loi de programmation pour la cohésion sociale leur avait donné pour but d'organiser une coopération entre tous les acteurs économiques et sociaux concernés. Elles devaient fédérer l'action des partenaires publics et privés de l'emploi tels que l'ANPE, les missions locales, l'AFPA, les réseaux d'aide à la création d'entreprises, et ancrer le service public de l'emploi dans les territoires en y associant les collectivités territoriales.
Entre juin 2005 et février 2007, 227 maisons de l'emploi ont été labellisées au titre du plan de cohésion sociale par la commission nationale. Vous avez déclaré devant l'Assemblée nationale, madame la ministre de l'économie, que tous les projets de maison de l'emploi qui sont suffisamment avancés et dont la convention est prête à être signée, soit 152 projets sur les 300 initialement prévus, seraient mis en oeuvre, les autres projets étant gelés jusqu'au premier semestre 2008.
Vous avez demandé à M. Anciaux, député de Saône-et-Loire, de procéder à une évaluation des maisons de l'emploi opérationnelles alors que le Gouvernement va réformer le service de l'emploi en fusionnant l'ANPE et l'Unedic afin d'améliorer l'offre nationale de service en liaison avec les acteurs locaux tels que les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE), les missions locales et, bien sûr, les Maisons de l'emploi.
Avez-vous fixé un cahier des charges précis à cette mission d'évaluation ? Les Maisons de l'emploi aujourd'hui labellisées mais non opérationnelles pourraient-elles être remises en cause ? Quelle sera l'incidence de la prochaine fusion ANPE-Unedic sur les maisons opérationnelles ? Enfin, quelle sera la place des autres acteurs locaux tels que les missions locales ? (Applaudissements au centre et sur divers bancs à droite)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi . - Nous avons engagé avec les partenaires sociaux une vaste concertation afin de procéder à une réforme en profondeur du service public de l'emploi, afin d'améliorer son fonctionnement pour que les demandeurs d'emploi puissent retrouver rapidement un travail et pour encourager les entreprises à utiliser les services de l'ANPE. Cette réforme est laborieuse mais elle sera menée à son terme grâce aux mesures contenues dans la loi de cohésion sociale.
L'ANPE et les bureaux régionaux de l'Unedic seront fusionnés et nous respecterons le caractère paritaire à chaque fois que cela sera possible.
J'ai chargé M. Anciaux de procéder à l'évaluation des 160 maisons labellisées qui, j'espère, seront 180 à la fin de l'année. Ces maisons de l'emploi seront intégrées dans le dispositif dans le cadre d'un conventionnement avec les nouvelles institutions afin qu'elles puissent continuer à remplir leurs missions. M. Anciaux devra procéder à l'évaluation de ces maisons et réfléchir à la façon de les intégrer par voie conventionnelle dans la nouvelle institution fusionnée. (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)
Grèves dans les transports
M. Gérard Cornu . - (« Ah ! » à droite) Hier et encore aujourd'hui, les usagers des transports publics se retrouvent, une fois de plus, pris en otages par une minorité de grévistes (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame) qui refusent une réforme voulue par une majorité de Français : celle des régimes spéciaux.
Ces nouveaux blocages démontrent encore une fois, s'il en était besoin, l'utilité de la loi sur le service minimum que nous avons votée cet été et qui entrera en application en janvier 2008. Il est d'ailleurs dommage que cette loi ne soit pas en vigueur dès maintenant...
M. Daniel Reiner. - Ca n'aurait rien changé !
M. Gérard Cornu. - ...même si les entreprises publiques de transport ont anticipé en mettant en place un système d'information aux usagers.
Dans le sondage paru hier dans Le Figaro, il ressort que 71 % de Français estiment que le Gouvernement ne doit pas céder face à cette grève.
Monsieur le ministre, vous avez, depuis mardi, rencontré les organisations syndicales, preuve de votre ouverture et de votre capacité d'écoute.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il refusait auparavant !
M. Gérard Cornu. - Pouvez-vous nous dire quelles sont les nouveaux éléments issus de ces ? Pouvez-vous nous confirmer que le Gouvernement tiendra bon et mènera cette réforme jusqu'au bout, comme le souhaite une majorité de Français et notamment les 19 millions d'électeurs qui ont choisi de faire confiance à Nicolas Sarkozy pour que les Français soient enfin tous égaux devant les retraites ? (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité . - Aujourd'hui, il y a deux fois plus de bus et de trains qu'hier. Les métros fonctionnent mieux. Il n'empêche que des millions de Français ne peuvent utiliser les transports en commun dont ils ont besoin. Il faut donc que le trafic reprenne le plus vite possible pour les usagers qui sont gênés depuis deux jours et pour les entreprises publiques qui connaissaient, du fait de la grève, des difficultés financières. Pour sortir de ce conflit par le haut, il faut que chacun y mette du sien.
Mardi soir, une organisation syndicale nous faisait part de ses propositions. Aussitôt, avec l'autorisation du Président de la République et du Premier ministre, j'ai rencontré l'ensemble des organisations syndicales. Nous sommes convenus de ce que nous demandions depuis le début : une négociation par entreprise, tripartite, c'est-à-dire incluant un représentant de l'État, pour s'assurer qu'elle aille à son terme. Aujourd'hui, il n'y a donc plus aucun obstacle à ce que la discussion progresse sur les régimes spéciaux, nous le souhaitons depuis le début.
Même si la grève à EDF et à GDF est terminée, même si le trafic à la RATP est meilleur qu'hier, même s'il y a moins de grévistes à la SNCF, nous voulons que le dialogue social prenne toute sa place. Dans la France de 2007, la négociation est plus payante que le conflit ! (Applaudissements à droite) Nous voulons démontrer que la société française de 2007 n'est pas une société bloquée ! Et même si nous entendons les inquiétudes des salariés, les difficultés des usagers, nous n'oublions pas ce que nous ont dit les Français pendant la campagne électorale, et nous tiendrons nos engagements ! (Applaudissements à droite et au centre)
Grenelle de l'environnement
Mme Dominique Voynet . - Le Grenelle de l'environnement s'est achevé le 25 octobre par une série impressionnante de promesses, qui n'ont cessé d'être démenties depuis ! Qui croire, entre le Président de la République qui admet que l'État a eu tort de se désengager du développement des transports urbains, ou le même quand il confirme aux maires de grandes villes, de Grenoble ou de Strasbourg, que leur « grand contournement routier » sera réalisé ? Le Président de la République, qui prétend ne pas vouloir créer de nouveaux sites nucléaires, ou le même quand il annonce la construction d'un nouvel EPR, à l'occasion d'une visite surprise à Penly ?
Qu'est-ce qui prime, entre les conclusions du Grenelle, où l'on parle de réduire rapidement les émissions dues au transport aérien, ou la promesse de développer le low cost faite moins d'une semaine plus tard ? Un seul aller-retour en avion Paris-Ajaccio produit 540 kilogrammes de dioxyde de carbone : c'est cinquante fois moins en TGV, puis en ferry ! (Exclamations à droite)
Où est le courage, où est la rupture quand, à la hausse des prix des hydrocarbures, qu'on sait durable, on répond une fois de plus par des subventions à la consommation, qui ne font que retarder encore l'adoption de solutions de fond ?
Où est la cohérence quand on proclame que c'en est fini de l'absurde logique de l'incinération des déchets ménagers, mais qu'aucun des projets existants n'est remis en cause, ni à Fos-sur-Mer ni ailleurs ? Les tiroirs sont pleins de vieux projets -autoroutes, rocades, incinérateurs, agro-carburants- coûteux et inadaptés à la nouvelle donne écologique et énergétique !
Si l'on cède à la force de l'habitude, si l'on consacre les marges budgétaires à financer les mauvais projets d'hier, comment espérer des politiques plus adaptées, un changement des comportements et des habitudes de consommation ?
Je souhaite que vous réussissiez. Vous avez la volonté, mais pas la cohérence, ni les moyens financiers. Comment comptez-vous procéder ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie . - La révolution écologique a commencé, le Président de la République a été très clair ! Avec M. le ministre d'État, nous travaillons à traduire en programme d'actions chacun des engagements du Grenelle. Nous donnons par exemple la priorité aux bâtiments à énergie positive, qui produisent plus d'énergie qu'ils n'en consomment, à la rénovation thermique, à l'agriculture biologique. Nous installons un comité de pilotage pour chacun des thèmes du Grenelle ; ils le seront tous au 15 décembre, un peu plus tard pour celui relatif aux déchets.
La cohérence, vous la trouvez dans le projet présidentiel même. Grenelle de l'environnement, annoncé en mars et que les associations attendaient de longue date : engagement tenu ! Création d'un grand ministère regroupant l'écologie, les transports, l'énergie : promesse tenue, et vous savez, comme ancienne ministre de l'environnement, combien l'écologie a souffert de la dispersion administrative !
Quant aux moyens financiers, le délai est trop court pour inscrire dans la prochaine loi de finances les engagements du Grenelle. (Exclamations à gauche) Cependant, elle en respecte tous les principes : priorité à l'écologie -le budget progresse de 25 %-, report modal, innovations. L'écologie, davantage qu'une dépense, est un investissement, et c'est le plus rentable ! La rénovation thermique représente 100.000 emplois sur notre territoire. Il y a en jeu 40 % de l'énergie thermique consommée dans le bâtiment !
M. le président. - Veuillez conclure !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Il appartient à l'État d'inciter aux comportements vertueux, sans alourdir la fiscalité : une grande bataille commence, le chantier est ouvert ! (Applaudissements à droite)
Conseil franco-allemand sur l'intégration
M. Yann Gaillard . - Lundi dernier s'est tenu à Berlin le 8e Conseil des ministres franco-allemand, consacré à l'immigration et à l'intégration. Il a manifesté la vitalité du couple franco-allemand, noyau historique de la construction européenne, même si les deux partenaires peuvent avoir des intérêts divergents sur telle ou telle grande affaire industrielle ou fiscale. Ce Conseil a montré à l'opinion nationale combien était naturelle et nécessaire la création du département dont vous avez la charge, monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Vous avez lancé, dès la mi-octobre à Madrid, un appel à un pacte européen sur l'immigration. Vous avez annoncé que ce serait l'une des quatre priorités de la prochaine présidence française.
Au cours de la conférence de presse conjointe de Berlin, le Président de la République a préfiguré la définition d'une politique d'immigration commune, et la Chancelière a annoncé que les deux pays partageraient leurs responsabilités dans la coopération avec les pays africains.
Ces orientations volontaristes s'inscrivent dans la perspective européenne ouverte à Tampere en Finlande, en 1999, et programmée à la Haye en 2004. Les opinions publiques française et allemande sont sur la même ligne, avec les opinions espagnole, italienne et britannique.
Quels sont les axes de réflexion et le programme du groupe de travail annoncé à Berlin ? En verrons-nous les premiers résultats durant la présidence française de l'Union ?
M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement . - Toute l'Europe est solidairement concernée par les flux migratoires, mais cinq pays en reçoivent 80 % : Italie, Espagne, Royaume-Uni, Allemagne et France, avec des flux d'origines différentes. Lors du huitième sommet franco-allemand, Mme Merkel et M. Sarkozy ont souhaité aborder l'ensemble des questions qui se posent et nous sommes d'accord sur l'idée que seule la maîtrise de l'immigration permettra de réussir l'intégration. Faire entrer un grand nombre de migrants sans se donner les moyens de les intégrer ferait peser un grave risque sur la cohésion nationale. Au prochain sommet franco-allemand, nous ferons le point notamment sur l'asile, la mutualisation des moyens pour lutter contre les filières clandestines, l'utilisation en commun des contrôles biométriques -62 consulats français sont déjà équipés, tous le seront l'an prochain- et aussi sur l'harmonisation des règles de délivrance des visas de long séjour. L'objectif est de parvenir à un pacte européen que la France veut promouvoir durant sa présidence de l'Union, à partir du 1er juillet prochain.
Tous les ministres ici présents peuvent témoigner des relations de confiance renforcée nouées entre la Chancelière et le Président, d'abord pour sortir l'Europe de l'ornière, ensuite pour relancer un projet européen qui ne se limite pas à des mots mais se traduise par des résultats concrets. (Applaudissements à droite et au centre)
Carte judiciaire
M. Bertrand Auban . - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Ma question s'adresse à la Garde des sceaux... qui n'est pas là ! L'actuelle réforme de la carte judiciaire se traduit par des visites, région après région, où tombent les sentences de suppressions de juridictions. Autant de verdicts élaborés dans le secret des bureaux de la place Vendôme, en refusant même de recevoir les élus -je fais partie de ces malchanceux-, en négligeant les avis des chefs de cours et des autorités préfectorales, sans tenir compte des réalités. Là où se rend Mme la ministre, la justice de proximité ne repousse pas.
En réalité, la hache qu'elle manie est trop grosse : même les élus de la majorité sont en colère ! Il est quand même rare de voir un gouvernement à ce point indifférent aux élus de la nation. Chez moi, en Haute-Garonne, tous les parlementaires, les présidents du Conseil régional et du Conseil général et les maires ont dit plusieurs fois leur refus de voir disparaître le TGI, le tribunal de commerce de Saint-Gaudens et le tribunal d'instance de Villefranche-de-Lauragais. Tout, là-bas, commande le renforcement de la justice locale, non son démantèlement. C'est une entreprise de déménagement du territoire !
Si la justice a un problème, c'est celui du manque de moyens, au point que notre pays est condamné régulièrement par les instances européennes pour délais de traitement excessifs. (« La question ! » à droite) Nous avons déjà connu bien des attaques contre le service public : petits hôpitaux, transports, bureaux de poste, trésoreries, gendarmeries... Vous vous attaquez maintenant à un autre pilier des missions régaliennes de l'État.
M. Dominique Braye. - Trop long ! La question !
M. Bertrand Auban. - Saint-Gaudens est à 100 kilomètres de Toulouse ! Qui pourra se payer le carburant et sacrifier le temps nécessaire pour se voir rendre justice dans une juridiction toulousaine déjà surchargée ? Depuis la révision de 1958, la France compte quasiment 20 millions d'habitants de plus et vous voulez nous faire croire que supprimer des tribunaux aboutira à une justice plus efficace et plus proche ? (On s'impatiente à droite) Un peu de tolérance, chers collègues, d'autant que je ne fais que dire tout haut ce que vous pensez tout bas. (Rires et applaudissements à gauche) Il eût fallu un projet ambitieux...
M. Josselin de Rohan. - Qu'a fait Mme Guigou ?
M. Bertrand Auban. - ...mûrement réfléchi, traduit par une loi votée au Parlement, et appliqué dans la concertation. Mettez un terme à cette réforme débutée à l'envers, engagez un débat parlementaire sur la base d'un constat objectif ! (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Mme Rachida Dati...
M. Bertrand Auban et plusieurs de ses collègues. - ... n'est pas là !
M. le président. - ...est retenue à l'Assemblée nationale où elle présente son budget.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique . - Votre présentation, monsieur Auban, est caricaturale.
M. Jean-Marc Todeschini. - Pas du tout ! Cela se passe ainsi dans toutes les régions !
M. Éric Woerth, ministre. - La méthode de Mme Dati est fondée sur la concertation (vives exclamations sur tous les bancs à gauche) et elle met en application les conclusions de la commission Outreau...
M. Jean-Pierre Michel. - Rien à voir ! (On renchérit à gauche)
M. Éric Woerth, ministre. - ...laquelle avait appelé à une justice plus rapide, efficace, équitablement répartie sur le territoire. La carte judiciaire date de 1958, il était temps d'agir. La concertation a eu lieu... (Vives exclamations à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Faux !
M. Éric Woerth, ministre. - Le 27 juin... (La voix de l'orateur est couverte par le brouhaha à gauche) Les préfets ont fait remonter l'ensemble des propositions et il en a été tenu compte. Mme Dati se rend dans les régions pour expliquer aux élus les schémas d'organisation -25 ont été arrêtés et tous ont été soumis à la concertation. Il importe de regrouper les tribunaux et de mutualiser les moyens pour que la justice soit plus rapide et plus efficace.
C'étaient les conclusions de la commission Outreau ! (Exclamations à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ça n'a rien à voir !
M. Éric Woerth, ministre. - La cour d'appel de Toulouse sera dotée de cinq tribunaux de grande instance et de neuf tribunaux d'instance, et le tribunal de Saint-Gaudens est renforcé : la présence judiciaire reste forte en Haute-Garonne, comme dans l'ensemble des territoires ruraux. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite, protestations à gauche)
M. Marc Laménie . - (Applaudissements sur les bancs UMP) A l'issue de la réunion des ministres des finances de l'Union Européenne, qui s'est tenue avant-hier, la Commission européenne a annoncé pour 2008 un projet de directive relative à l'application des taux réduits de TVA aux produits les plus respectueux de l'environnement et dans les services à haute intensité de main d'oeuvre, dont fait partie la restauration.
La réduction du taux de TVA dans la restauration, promise dès 2002, a fait l'objet de nombreuses négociations au plus haut niveau de l'État, qui se sont heurtées jusqu'ici aux réticences de certains États membres. L'hôtellerie restauration emploie 850 000 salariés, avec un chiffre d'affaires de plus de 50 milliards d'euros. Une réduction du taux de TVA permettrait le développement de ce secteur pourvoyeur d'emplois et nous nous félicitons de la relance des négociations, à la veille de la présidence française de l'Union.
Madame le ministre, en évitant les écueils des effets d'annonce que nous ne pourrions tenir, pouvez-vous nous éclairer sur les perspectives et le calendrier de ces négociations ? (Applaudissements à droite)
M. Henri de Raincourt. - Très bonne question !
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi . - Le Président de la République a souhaité que nous recherchions un accord avec nos partenaires européens sur une TVA réduite dans les services à forte intensité de main-d'oeuvre, notamment dans le secteur de l'hôtellerie, de la restauration et des cafés, le « Horeca » belge, qui crée des emplois. Onze pays européens sur vingt-sept pratiquent déjà un taux réduit. Une telle mesure ne remet pas en cause le principe de libre concurrence au sein du marché intérieur, car il n'y a pas de substituabilité entre un restaurant du fin fond de l'Allemagne et un établissement du fin fond des Ardennes !
En effet, il ne faut pas jouer d'effets d'annonce. Mardi, j'ai obtenu que la Commission européenne présente son projet de directive dès 2008, et non en 2010. Il sera ainsi discuté sous présidence française. Avec nos amis anglais, nous avons également demandé un taux réduit pour les produits qui satisfont à notre objectif de développement durable. J'espère vivement que nous trouverons un accord avec ceux de nos partenaires qui restent hostiles sur le principe. (Applaudissements à droite)
Fièvre catarrhale
M. Henri de Richemont . - (Applaudissements sur les bancs UMP) J'associe M. Vasselle à ma question. Depuis quatre mois, nos éleveurs subissent la progression de la fièvre catarrhale ovine, la maladie de la langue bleue, qui touche 10 % du cheptel ovin et 2 % du cheptel bovin. Après le sérotype 8, venu du nord de l'Europe, le sérotype 1 a été déclaré dans le Pays basque espagnol. Ma région est touchée. Si le froid freine pour l'instant la progression des moucherons vecteurs de la maladie, celle-ci est désormais durablement installée en Europe. On risque une jonction des deux sérotypes.
Des mesures ont été prises pour indemniser les éleveurs. Quelles dispositions comptez-vous prendre au niveau national et européen pour juguler la maladie à l'avenir ? (Applaudissements à droite)
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche . - Une soixantaine de départements sont touchés, 90 000 cas ont été détectés. Le sérotype 8 est arrivé du Nord, curieusement, alors qu'on l'attendait d'Afrique.
Les réponses sont d'abord nationales. Nous avons pris des mesures de prévention : limitation des mouvements d'animaux, zones de protection. Les indemnisations s'élèvent à 13,5 millions, et je vais lancer un appel d'offre de 33 millions pour la vaccination. Cette crise perturbe l'économie : je rends hommage aux services de l'État, aux vétérinaires libéraux, aux éleveurs, qui tous ont fait preuve de responsabilité. J'ai également demandé une stratégie européenne de vaccination. Je rends hommage à la Commission européenne qui a mis en place, dans un délai particulièrement bref, un protocole sanitaire pour garantir nos exportations.
La première leçon à tirer de cette crise est la nécessité de bâtir un bouclier sanitaire européen. Face à la mondialisation des risques, nos avons besoin d'une réponse européenne. Il nous faut également de nouveaux outils pour gérer les risques économiques et les crises climatiques et sanitaires. Je mettrai ces deux questions au coeur des débats qui vont s'ouvrir sur la nouvelle politique européenne agricole. (Applaudissements à droite et au centre)