Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt de rapports

Financement de la sécurité sociale pour 2008 (Suite)

Débat sur la démographie médicale

Cérémonie du Souvenir

Rappel au règlement

Financement de la sécurité sociale pour 2008 (Suite)

Débat sur la démographie médicale (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 8

Article 9 A

Article additionnel

Article 9 D

Article 9 E

Articles additionnels

Article 9

Articles additionnels

Article 9 bis

Articles additionnels

Article 10

Article 10 bis

Article 11




SÉANCE

du mardi 13 novembre 2007

20e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

La séance est ouverte à 11 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt de rapports

M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 9 de la loi du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008, le rapport relatif à l'exécution de cette loi en 2007 ainsi que le rapport annuel du Haut conseil interministériel de la comptabilité des organismes de sécurité sociale en application de l'article D. 114-4-3 du code de la sécurité sociale.

Acte est donné du dépôt de ces rapports qui seront respectivement transmis à la commission des affaires étrangères et à la commission des affaires sociales et seront disponibles au bureau de la distribution.

Financement de la sécurité sociale pour 2008 (Suite)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Débat sur la démographie médicale

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. - Dans le cadre de cette tradition fort utile qui consiste à débattre d'un sujet de fond à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement, la commission des affaires sociales a choisi cette année d'aborder la question cruciale de la démographie médicale. En la matière, l'heure n'est plus à l'évaluation. Si nous ne faisons rien pour mieux répartir les médecins sur le territoire, la situation, comme en ont témoigné de nombreux sénateurs hier, deviendra irréversible dans de nombreux territoires si elle n'est pas déjà catastrophique. (On le confirme à droite) Plus de quatre millions de Français ont des difficultés à consulter un généraliste. Il n'y a plus de pédopsychiatres en Lozère, contre trente dans l'Hérault. La densité de médecins dans le IVe arrondissement de Paris est 2,5 fois supérieure à la moyenne de l'Ile-de-France. A titre de comparaison, cet arrondissement de 30 000 habitants compte 46 généralistes et 116 spécialistes, contre 22 généralistes et 6 spécialistes à la Courneuve, ville de 37 000 habitants. Ceci n'est pas acceptable.

Si le nombre de praticiens en exercice a augmenté de 7 % depuis 2000, ce corps est marqué par un fort vieillissement -l'âge moyen était de 49,4 ans en 2007- et une importante féminisation -38,8 % des médecins sont des femmes. D'après le rapport de M. Juilhard, la densité médicale chutera de 15,6 % vers 2025 pour revenir au niveau qui était le sien au milieu des années 1980. Par ailleurs, le développement du salariat dans ce secteur traduit une véritable mutation sociologique. A l'inégale répartition des médecins sur le territoire s'ajoute une désaffection relative pour certaines spécialités, dont la médecine générale, pivot essentiel de notre système. Je me félicite que ce diagnostic -sans diagnostic, pas de traitement possible !- soit maintenant partagé par tous grâce au débat qui a été lancé dans l'opinion publique. A mon arrivée au ministère, on me soutenait encore qu'il n'y avait pas de problème de démographie médicale ! (M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rit)

La demande de soins s'est transformée avec l'augmentation des pathologies chroniques due au vieillissement de la population, du nombre de Français atteints d'affections de longue durée -plus de 10 % par an depuis dix ans- et l'accroissement de structures alternatives à l'hospitalisation en même temps que l'offre de soins se remodèle. Ainsi, les choix faits en matière de numerus clausus et de postes offerts aux ECN, autrement dit les jeunes médecins qui ont réussi les épreuves classantes nationales, se feront sentir pour les internes dans trois à cinq ans, et pour les étudiants dans dix ans.

Face à ce constat, de nombreuses voix, y compris au Sénat, s'élèvent pour réclamer des mesures coercitives qui remettent en cause l'un des principes fondamentaux de la médecine libérale depuis 1927, celui de la liberté d'installation. M. Juilhard, dans son rapport, s'interrogeait sur l'opportunité de recourir à des mesures portant sur les revenus et la prise en charge des cotisations sociales ou encore de moduler le conventionnement dans certaines zones.

Je partage ces questionnements : si nous sommes garants de la liberté d'installation, nous devons aussi garantir l'accès de tous à des soins de qualité. Toutefois, pour avoir moi-même pratiqué l'exercice, je mesure la complexité de la question. Nous ne résoudrons pas le problème de la démographie médicale par la mise en place de mesures incitatives ou coercitives, mais en engageant une réflexion globale sur note système de santé prenant en compte les questions de la formation, des conditions d'exercice, de la répartition territoriale, de l'organisation des soins de premier recours, de la coordination entre la ville et l'hôpital, des modes de rémunération et, enfin, de la gouvernance du système.

Depuis mon arrivée au ministère, j'ai fait de l'amélioration de notre système de santé l'une de mes priorités avec l'organisation des Etats généraux de l'organisation de la santé, la mise en place de la commission Larcher sur l'hôpital et la création des agences régionales de santés. A l'occasion des États généraux, étudiants, internes et jeunes médecins, par leurs propositions, ont montré qu'ils partageaient l'objectif du Gouvernement de garantir aux générations futures des soins de qualité.

Cet accord se matérialise dans les articles 32, 32 bis et 33 du projet de loi de financement, modifiés par des amendements du Gouvernement adoptés par l'Assemblée nationale.

L'article 32 bis, spécifique aux infirmières, conforte l'accord du 22 juin 2007 conclu entre l'UNCAM et les quatre syndicats infirmiers, lequel prouve que la réforme est possible lorsque sens des responsabilités et esprit de concertation se conjuguent. En proposant une régulation de leur démographie professionnelle, les infirmières ont donné un bel exemple de solidarité responsable.

J'ai demandé au professeur Yvon Berland et à la directrice de l'hospitalisation et de l'organisation de soins de présider les États généraux de l'organisation de la santé qui se tiendront en février 2008. C'est la première fois que des élus, des patients et des professionnels de santé se retrouvent pour définir ensemble l'évolution de notre système de santé.

M. François Autain. - Il y a déjà eu des États généraux ! (M. Fortassin le confirme)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - L'offre de soins de premier recours doit être rénovée, les Français doivent avoir accès à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire.

Je veux que ces États généraux soient l'occasion pour tous de réfléchir à la mutation de leurs pratiques et de leurs comportements, que les acteurs institutionnels reconsidèrent leurs périmètres d'intervention et leurs relations pour définir une stratégie globale plus cohérente. Les réflexions devront concerner l'ensemble des professionnels de santé et prendre en compte les problématiques de l'hôpital. Il s'agit de mettre en cohérence les réflexions engagées, notamment dans le cadre de la mission menée par M. Gérard Larcher, pour aboutir à une réforme de structure.

Les États généraux seront préparés par des consultations et des auditions portant sur les expériences et réflexions locales pertinentes. Certaines séances de travail seront délocalisées en région. Il ne s'agira plus de répéter les propositions des divers rapports -numerus clausus, maisons de santé, offre de soins de premier recours- mais de prévoir leur mise en oeuvre concrète.

Les mesures incitatives devront être privilégiées mais les débats doivent être ouverts aux propositions les plus innovantes. Les recommandations de M. Juilhard feront l'objet d'une étude approfondie : le recensement des besoins, la valorisation et l'évaluation des dispositifs en place et l'information des plus jeunes me semblent incontournables, tout comme la poursuite de la simplification administrative, le développement des centres de santé, l'évolution de l'examen classant national et la valorisation des maîtres de stage.

Nous conduirons cette réflexion sans tabou, animés par le seul souci de trouver des réponses concrètes aux préoccupations des Français.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pose les fondations de cette stratégie et nous en fournit les principaux outils : expérimentations de nouveaux modes de rémunération, organisation de la permanence des soins, contrats individuels, possibilité de constituer des groupements de coopération sanitaire de territoire, mesures d'adaptation des relations conventionnelles en fonction de l'offre de soins.

Connaissant le Sénat, je ne doute pas que nos débats seront riches et fructueux. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.  - Ne nous méprenons pas sur le terme de démographie médicale : le problème de la France n'est pas le nombre de médecins mais leur répartition sur le territoire. Les difficultés les plus aigües concernent les généralistes, mais aussi certaines spécialités : il est des zones où il faut plus d'un an pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologiste ! J'espère que cette grave question de santé publique sera abordée dans le cadre des futurs États généraux.

Perceptible depuis une dizaine années, le constat d'une pénurie à venir n'a été que récemment établi, sur la base des travaux de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé. Le diagnostic est désormais largement partagé.

Au cours des quatre dernières années, en réaction aux premiers indices d'une possible pénurie, le Gouvernement a opté pour une politique fondée sur l'incitation. Divers mécanismes d'incitation financière ont été mis en place pour favoriser l'installation ou le maintien de médecins dans les zones sous-médicalisées, qu'il s'agisse des zones rurales ou des quartiers sensibles.

Les résultats de cette politique, certes récente, sont encore faibles. Plus grave, le rapport de M. Juilhard pointe le manque d'information sur ces dispositifs, y compris dans les services de l'État. Le ministre en charge n'a pas suffisamment secoué ses services pour obtenir une traduction concrète des mesures législatives, notamment en matière d'aménagement du territoire. Ignorant le détail des dispositifs, les étudiants et les jeunes médecins n'y ont évidemment pas suffisamment recours ! Nous avions pourtant prévu toute une boîte à outils dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie de 2004, à laquelle s'ajoute l'avenant à l'accord conventionnel entre la CNAM et les professionnels de santé. Ce n'est pas à nous à battre notre coulpe, mais au ministre et à ses services, qui n'ont pas diffusé l'information !

L'État ne doit pas laisser l'assurance maladie et les collectivités territoriales assumer seules cette mission. Je salue d'ailleurs les actions souvent créatives engagées par les collectivités territoriales pour attirer des professionnels de santé : elles sont les seules à mener une politique volontariste !

M. Jacques Blanc. - Oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - C'est le cas de l'Allier...

M. Jacques Blanc. - De la Lozère !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - ... de la région Lorraine, entre autres, alors que l'État, lui, traîne les pieds.

Ainsi, la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux autorise les collectivités locales à aider financièrement les médecins au moment de leur installation : aussitôt, plusieurs d'entre elles ont proposé d'accorder des bourses aux étudiants, soit pour favoriser les stages dans les zones sous-médicalisées, comme en Bourgogne...

M. Éric Doligé. - Et dans le Loiret !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - ... soit en contrepartie d'une installation future -c'est le cas de l'Allier et de la Manche.

Les collectivités territoriales soutiennent également la création de maisons de santé. A ce sujet, toute une série d'amendements, issus des propositions du rapport Juilhard, a d'ores et déjà été frappée par l'article 40, dénoncé hier par MM. Godefroy et Fischer. Avec cette nouvelle méthode, un amendement de la commission ne pourra même pas être discuté en séance, alors qu'il aurait suffi que le Gouvernement lève le gage pour qu'il soit adopté ! (M. Fischer approuve) Il appartiendra donc au Gouvernement de reprendre ces initiatives à son compte...

M. François Autain. - Après les États généraux !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Je regrette que la commission des finances nous scie ainsi les jambes.

M. Guy Fischer. - Nous sommes sous tutelle !

M. Alain Vasselle. - Le conseil régional de la Lorraine a également conclu une convention avec l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) pour coordonner les interventions.

D'autres pistes restent à explorer. Ainsi, que dire de la faible place accordée à la télémédecine, si brillamment défendue par notre collègue Jean-Claude Etienne ? On nous oppose la difficulté d'installer un réseau à haut débit sur l'ensemble du territoire, et la nécessité d'aménagements juridiques et de nouvelles règles de financement et de rémunération.

Qu'attendons-nous pour prendre les mesures propres à y remédier ? Il est regrettable que la télémédecine ne se développe pas plus rapidement. Il faut convaincre Bercy de donner au ministère de la santé les moyens budgétaires et humains nécessaires.

On pourrait aussi réduire le nombre des visites à domicile, favoriser, dans les territoires déficitaires, des systèmes collectifs ou individuels de transport des personnes à mobilité réduite vers les cabinets médicaux ou les maisons de santé. A ce titre, l'expérience menée par le conseil général de la Marne doit être suivie de près.

Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie estime d'autre part indispensable, dans son rapport 2007, d'agir sur le taux d'activité des femmes et des séniors, afin d'accroître l'offre médicale. La féminisation des professions de santé n'est en effet pas sans conséquence sur la durée d'activité. Il serait en outre judicieux de transformer l'actuel examen classant national en épreuves régionales, tant il est vrai que les étudiants s'installent majoritairement dans la région où ils ont fait leurs études ; on aurait alors la possibilité de guider leur choix. Une meilleure adéquation entre le nombre de postes ouverts aux concours et le nombre de candidats est nécessaire ; 542 postes de médecine générale n'ont pas été pourvus cette année, ce qui n'est pas rien. Si demande et offre étaient ajustées, davantage d'étudiants seraient orientés vers la médecine générale et pourraient s'installer dans les zones déficitaires.

M. François Autain. - Eh oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - La mesure la plus novatrice du projet de loi de financement de la sécurité sociale est la possibilité pour les Missions régionales de santé de définir les zones sur-dotées à côté des zones sous-dotées. Si les dispositions de la loi de 2004 et des accords conventionnels touchant aux cotisations sociales n'ont pas été mises en oeuvre, c'est bien parce que cette possibilité n'existait pas. (M. Autain approuve) Il n'est que temps de s'en apercevoir.

Quant au chiffon rouge du conventionnement, les corrections ont été apportées par l'Assemblée nationale. Tout semble calé aujourd'hui... Et on consultera les internes : tous les problèmes seront donc réglés, plus de sous-médicalisation, plus de surmédicalisation ! (Sourires)

J'espère que les États généraux annoncés par Mme la ministre porteront leurs fruits et que nous pourrons, l'an prochain à la même époque, nous féliciter et des travaux parlementaires, et des résultats obtenus. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - La France compte aujourd'hui 207 000 médecins en activité ; leur nombre n'a jamais été aussi élevé. Et pourtant, tout porte à croire que nous allons vers une situation de pénurie, parce que le nombre d'étudiants baisse depuis les années 1980, parce que les générations d'après-guerre vont partir massivement à la retraite, parce que ces deux phénomènes vont se conjuguer avec la demande de soins croissante d'une population vieillissante.

Comment corriger cette tendance ? Le premier réflexe est d'augmenter le numerus clausus, ce qu'on a fait depuis quatre ans ; mais cette mesure ne produira ses effets que dans le temps, effets partiels qui plus est, car il n'est pas certain que les installations se feront de manière équilibrée sur le territoire. Dans le cadre de la préparation des États généraux annoncés par Mme la ministre, je souhaite affirmer qu'il ne doit pas y avoir de génération sacrifiée. Les études médicales sont longues et difficiles, elles requièrent audace, volonté d'entreprendre, courage, constance et travail. Il ne peut être question de changer les règles de l'installation en cours de route. Il convient d'autre part de réfléchir aux moyens de redonner une dimension régionale aux études médicales ; dans leur immense majorité, les médecins vissent leur plaque dans la région où ils ont achevé leurs études et effectué leur stage. Cet élément doit être mieux pris en compte dans l'organisation des cursus, sans doute en réformant l'actuel examen classant national.

Ces actions ont toutefois leurs limites et il faut agir simultanément sur l'organisation du système de soins. Mon expérience personnelle de médecin généraliste est que l'offre de soins est étroitement corrélée aux missions des professionnels et aux conditions d'exercice. Le problème n'est pas tant la pénurie que le « temps médical », celui que le médecin consacre à l'examen de ses patients, le temps disponible pour ce colloque singulier qui fait la spécificité et la grandeur du métier.

Or ce temps médical se réduit comme peau de chagrin : d'abord à cause des tâches administratives de plus en plus lourdes qui pèsent sur le médecin ; ensuite parce que les jeunes médecins n'acceptent plus les contraintes de leurs aînés ; enfin parce que la profession se féminise et que le temps partiel devient de plus en plus fréquent. Pour optimiser le temps médical, je crois à la délégation des tâches, au partage du travail ; certains soins peuvent être effectués par des professionnels mieux formés que le médecin, naturellement sous sa responsabilité. Le bilan des expérimentations qui ont été menées est positif. Autoriser les infirmières à pratiquer les vaccinations est par exemple une excellente mesure. Je suis persuadé que la suppression de la vaccination obligatoire du BCG doit beaucoup au fait que les médecins sont mal formés aux injections intradermiques...

Il faut aussi rendre plus favorable l'environnement professionnel des médecins, les décharger des tâches administratives, simplifier leurs relations avec les caisses ; c'est pourquoi la commission propose la suppression de l'obligation d'établir un énième document d'information semestriel, redondant et parfaitement inutile.

Il convient de même de favoriser l'exercice de groupe, qui permet de mutualiser les frais fixes, d'externaliser les tâches administratives, d'éviter le sentiment d'isolement, de permettre la consultation des collègues pour affiner un diagnostic ou une prise en charge ; c'est aussi une façon de sécuriser les médecins, à l'heure où la contestation de leurs actes devant les tribunaux est de plus en plus fréquente.

Une formule novatrice se développe, celle des maisons de santé pluridisciplinaires, que M. Juilhard connaît bien. C'est une solution appropriée au manque d'attractivité de certains territoires. Les jeunes professionnels s'installent plus volontiers dans ces structures, qui répondent mieux à leurs aspirations ; elles leur permettent par exemple d'habiter en ville près des écoles ou du travail de leur conjoint, tout en exerçant dans une zone fragile voisine. La commission suggère de promouvoir le développement de ces maisons de santé, de leur attribuer des financements spécifiques et de lever les obstacles administratifs qui entravent leur essor.

Ce problème existe également dans les zones urbaines denses et pauvres.

Il faut aux maisons médicales une tête de file, un médecin qui conçoit le projet, mobilise des investissements, et se montre persuasif. Les médecins ont du mal à faire le pas de cet engagement collectif et solidaire, et le bailleur refuse de signer des actes séparés avec chacun d'eux plutôt qu'avec le seul collectif, nous devons les y inciter. Les collectivités locales ont un rôle d'interface à jouer pour repérer et mettre à disposition les locaux nécessaires aux maisons de santé, elles requièrent souvent plus de 1 000 mètres carrés et l'entremise d'un investisseur à vocation sociale, moins pressé de retrouver ses billes, ainsi que l'engagement d'un gestionnaire compétent. La caisse des dépôts, les groupes d'assurance ont également leur rôle à jouer.

Il est donc temps de passer de petits cabinets médicaux à des maisons départementales de santé, pluridisciplinaires, relevant d'abord du secteur 1, c'est à ce prix qu'on pourra garantir une offre de soins de premier recours -j'allais dire de premier secours...- dans les campagnes et les zones urbaines pauvres.

Autre obstacle à lever, madame le ministre, il n'est pas normal que le parcours de soins devienne un obstacle à l'installation de maisons de santé : les caisses doivent reconnaître les maisons de santé comme médecins traitant. C'est à ce prix que le droit à la protection de la santé, reconnu par la Constitution de 1946 auquel renvoie le préambule de notre Constitution, deviendra effectif ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. François Autain. - La régulation de la démographie médicale est un sujet ancien de controverses, longtemps nous avons craint la pléthore plutôt que le manque de médecins ! Au point d'instituer, dans les années 1990, un mécanisme d'incitation à la cessation d'activité (MICA) pour les médecins âgés de 57 à 65 ans : ce fut un véritable succès auprès des médecins, mais un fiasco pour les caisses -700 millions- et pour l'offre médicale. Le mécanisme était encore en place en 2004 alors que, dès 2003, nous nous alertions d'un manque de médecins et installions un observatoire national de la démographie des professionnels de santé. La prudence s'impose donc particulièrement sur ce sujet !

On ne peut pas dire qu'il y ait pénurie, puisqu'avec 340 médecins pour 100 000 habitants, la France n'est devancée en Europe que par l'Italie : en maintenant le numerus clausus à 7 100 médecins par an, nous serions en 2025 à la moyenne actuelle des pays de l'OCDE, de 283 médecins pour 100 000 habitants. Cependant, nous constatons de fortes inégalités territoriales et disciplinaires, au point que 4 % de la population -vous avancez même le chiffre de 4 millions de personnes, madame la ministre- n'accèdent pas facilement aux soins, le plus souvent en zone rurale.

M. Nicolas About, président de la commission. - L'espérance de vie n'y est pourtant pas inférieure !

M. François Autain. - Deux études ont examiné les zones déficitaires, elles recensent 4 078 communes à elles deux, mais seulement 1 000 communes coïncident. Quant aux zones surmédicalisées, nos informations sont lacunaires : le seul facteur dont on soit certain, c'est un fort taux d'ensoleillement... (Sourires) Nous manquons de données fiables et cohérentes, mais nous pouvons constater que la liberté d'installation et du conventionnement, ne garantit plus l'égal accès aux soins, ni le droit à la protection de la santé.

Les gouvernements, depuis cinq ans, ont multiplié les mesures brouillonnes, sans concertation ni stratégie, pour prendre finalement l'an passé un plan pour la démographie médicale, qu'il aurait été plus cohérent d'adopter en premier. Les mesures se sont superposées, souvent étrangères au domaine de la santé. Enfin, le comité sur la démographie médicale ne s'est jamais réuni, parce que ses membres n'ont pas été désignés : je proposerai de supprimer... ce qui n'existe pas !

M. Nicolas About, président de la commission. - Démarche toujours utile !

M. François Autain. - Il faut compter également avec les 137 mesures régionales ou locales recensées. Le Gouvernement, à l'initiative du Président de la République, vient pour finir de s'attaquer sans ménagement à la liberté d'installation des futurs médecins. Une concertation s'imposait, mais vous avez voulu passer en force : le résultat ne s'est pas fait attendre, les internes, descendus dans la rue, vous ont fait retirer les articles 32 et 33 du PLFSS !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Non ! Nous les avons modifiés parce que nous sommes ouverts au dialogue !

M. François Autain. - Ne jouons pas sur les mots : vous avez reculé, renvoyant le tout aux états généraux de la santé. Ils ne seront pas les premiers...

M. Nicolas About, président de la commission. - C'est normal, il en va comme des « Grenelle » !

M. François Autain. - ... M. Kouchner, déjà, avait réuni de tels états généraux !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il n'a pas réglé pour autant les problèmes de la démographie médicale !

M. François Autain. - Mieux vaudrait commencer par évaluer l'efficacité des innombrables mesures en vigueur, encore peu connues : les étudiants que j'ai rencontrés, réclament la création d'un guichet unique !

La majoration de 20 % de la rémunération des médecins généralistes dans les zones déficitaires, effective depuis le 23 mars 2007, risque de conduire les médecins à réduire le nombre de leurs actes, ce qui va à l'encontre du but recherché. Elle pose aussi les problèmes de découpage.

Les aides au maintien ou à l'installation sont nombreuses et inutilement complexes par la référence à trois zonages, sans coordination : les zones déficitaires en offre de soins définies par les missions régionales de santé ; les zones franches urbaines ; les zones de revitalisation rurales. En fait, les incitations à l'installation ne sont jamais considérées comme déterminantes par les étudiants et les jeunes médecins.

La réduction du nombre de médecins n'a pas produit les effets escomptés. Symétriquement, on peut douter que le relèvement du numerus clausus réussisse à éliminer la pénurie de médecins généralistes. Pour qu'il améliore la répartition de l'offre, le numerus clausus doit être modulé en fonction des régions, comme le préconise la Conférence nationale de santé.

Simultanément, la formation des médecins généralistes et leurs conditions d'exercice doivent être profondément réformées. Je nourris quelques espoirs... En matière de formation initiale, commençons par appliquer les réformes déjà décidées. Ainsi, les stages de deuxième cycle, théoriquement obligatoires depuis 1997, ne sont accessibles dix ans après qu'à 25 % des étudiants et il n'y a toujours pas de stage chez les généralistes pour les internes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - La situation s'améliore.

M. François Autain. - Enfin, la médecine générale doit devenir une spécialité à part entière, enseignée par les professeurs d'université, non par des praticiens hospitaliers. Aujourd'hui, cette discipline est absente des programmes de deuxième cycle des études médicales. Reste que les épreuves nationales classantes ne permettent pas de pourvoir les postes de médecine générale, dont 2 000 sont restés vacants au cours des trois dernières années. En attendant que la médecine générale redevienne attractive pour les étudiants, il convient de régionaliser les épreuves et de réduire le nombre de postes. Quant aux conditions d'exercice de la médecine libérale, ce texte ouvre la voie à des expérimentations encore timides.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Merci de reconnaître leur existence.

M. François Autain. - Le temps dont je dispose ne suffit pas pour faire le tour de cette question, au demeurant traitée de façon remarquable par notre collègue M. Jean-Marc Juilhard dans son excellent rapport consacré à la fracture territoriale de l'offre de soins. Mon intérêt pour les maisons de santé n'est pas nouveau, puisque j'ai créé en 1968 une maison médicale, où j'ai d'ailleurs eu le plaisir de recevoir Mme le ministre, venue promouvoir un médicament...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le premier bêtabloquant !

M. François Autain. - ... fabriqué par le laboratoire qui l'employait (rires) à l'époque. Aujourd'hui, c'est fini !

M. le président. - Que de chemin parcouru !

M. François Autain. - Nos échanges avaient déjà été très fructueux.

Pour terminer, je souligne que la crise de la démographie médicale n'est qu'un aspect de celle que traverse notre système de santé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - C'est vrai.

M. François Autain. - Il serait donc illusoire d'espérer régler l'une sans l'autre. Le plus urgent est d'apporter de nouvelles recettes à l'assurance maladie. Sur ce point, le Gouvernement ne semble pas sur la bonne voie.

Nous ne pourrons voter un budget qui manque singulièrement d'assises. (Applaudissements à gauche)

M. Georges Othily. - La démographie médicale est depuis longtemps au coeur des réflexions des élus et des professionnels de santé, dans l'hexagone et outre-mer.

Mais je commencerai par exprimer le profond mécontentement suscité par le rapport d'enquête établi en juin 2007 par l'inspection générale des affaires sociales et par l'inspection générale des finances. En effet, ce document est truffé d'erreurs, d'idées préconçues et de manipulations. Il faut dire que ses auteurs n'ont séjourné que 48 heures en Guyane et n'ont pas pris la mesure de l'immigration clandestine. Mais qui peut décrire la réalité mieux que les élus de terrain ? Vous êtes venue en Guyane, dont vous connaissez la situation sanitaire, marquée par la croissance soutenue de sa population.

Les rapporteurs prétendent que les médecins guyanais disposent de revenus élevés, ce qui est insensé car ils sont sous-payés et travaillent avec beaucoup d'humanité. Les rapporteurs ont écrit que les centres de santé ne réalisaient pas toutes les actions de santé publique, de prévention et d'éducation sanitaire. Or, cette observation porte sur le seul centre Saint-Georges de l'Oyapock, dont la clientèle est constituée à 75 % de Brésiliens en situation irrégulière qui agressent les médecins, parfois fusil à la main. Le 11 novembre, on a commémoré la grande guerre la fleur au fusil. Chez nous, ce n'est pas ça.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - C'est la loi de la jungle.

M. Georges Othily. - Les rapporteurs repoussent l'idée d'appliquer aux médecins déjà installés de nouvelles incitations, alors que la Guyane peine à conserver les professionnels de santé, surchargés, âgés, épuisés. De nombreux praticiens ont déjà déserté la Guyane.

Les rapporteurs écartent la création d'un centre hospitalier universitaire (CHU) à Cayenne. Pourtant, la Guyane possède un centre spatial et un commandement interarmées. Pourquoi pas un CHU qui aiderait les pays voisins à former leurs étudiants ? Les évacuations sanitaires coûtent trop cher !

Il y a en Guyane 3,5 fois moins de médecins que dans l'hexagone alors que la population a triplé en vingt-cinq ans par suite d'une importante immigration irrégulière et d'une forte natalité.

On ne peut continuer à analyser passivement cette situation inacceptable en comptant sur une amélioration miraculeuse apportée par l'usure du temps, car le défi sanitaire en Guyane est immense.

L'une des pistes envisagées consiste à créer une zone franche sanitaire. Malheureusement, la mission de l'IGAS l'estime injustifiée et inefficace bien qu'elle soit plébiscitée par tous les professionnels de santé guyanais. Récemment, M. Estrosi a présenté les grandes lignes du projet de zone franche d'activités. Ce projet phare du Président de la République pour les DOM doit améliorer leur compétitivité. La santé figure au nombre des carences les plus criantes en Guyane, qu'il s'agisse des infrastructures, des équipements ou des professionnels. C'est pourquoi, parallèlement au programme d'investissement, il est impératif d'inscrire les professionnels de santé parmi les bénéficiaires de la zone franche globale d'activités. En effet, l'accès à des plateaux techniques adaptés, conjugué à une pression fiscale et sociale modérée, peut attirer et maintenir les professionnels en Guyane. C'est pourquoi la création de la zone franche d'activités englobant le secteur de santé est ardemment espérée.

Les Guyanais ont besoin de votre aide. Avec le Gouvernement, vous pouvez la leur apporter. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

Mme Muguette Dini. - En réalité, l'expression « démographie médicale » regroupe deux thèmes distincts : la répartition territoriale et l'inadaptation du numerus clausus aux besoins globaux.

En matière de répartition géographique, nous faisons fausse route. Les professionnels de santé sont très nombreux en Ile-de-France, dans le sud-ouest, sur la façade méditerranéenne, dans les Alpes et en Corse ; ils sont plus rares dans le centre et le nord de la France. La densité médicale ambulatoire varie de un à quatre selon les départements : pour une moyenne de 189 praticiens pour 100 000 habitants, Paris en compte 365, contre seulement 110 dans l'Eure. Il en va de même pour les masseurs-kinésithérapeutes, mais l'écart est encore plus grand pour les infirmiers libéraux puisque la densité s'échelonne entre 30 et 231 pour 100 000 habitants. On observe que les zones périurbaines défavorisées et les zones rurales sont les plus désertes.

La première conséquence de cette répartition territoriale hétérogène est un accès inégal aux soins. L'assurance maladie indique également une envolée des soins de ville dans les zones surpeuplées.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Eh oui !

Mme Muguette Dini. - Pour l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'offre pléthorique suscite une demande excessive. Ainsi, alors que les soins infirmiers représentent en moyenne 231 euros chaque année par personne, ils sont limités à 100 euros dans le centre mais excèdent 450 en Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

Pendant longtemps, les seules mesures prises pour combattre cette situation consistaient à augmenter le nombre de professionnels de santé en introduisant une modulation régionale.

Plus récemment, des aides financières à l'installation ou au maintien en exercice ont été mises en place. Des postes de praticiens hospitaliers ont ainsi été créés dans les régions déficitaires, avec une allocation spécifique de 10 000 euros pour un engagement de cinq ans. Il a également été prévu des postes d'assistants hospitalo-universitaires et de chefs de cliniques donnant accès au secteur 2. En libéral, des exonérations fiscales et de charges sociales sont accordées dans le cas d'exercice ou d'installation dans les zones franches urbaines, les zones de revitalisation rurale, les zones de redynamisation urbaine ou dans les communes de moins de 10 000 habitants.

L'Assurance maladie qui propose également des aides financières dans le cadre de sa politique conventionnelle a récemment instauré de nouvelles incitations pour les omnipraticiens. A l'échelle régionale, les mesures en faveur d'une meilleure répartition géographique des professionnels de santé ont trait surtout à la formation et aux conditions d'exercice. Selon une récente enquête menée auprès des comités régionaux de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS), il s'agit essentiellement de mesures de sensibilisation des étudiants à des stages en hôpital local ou en zone rurale, de bourses d'études sous conditions de stage ou d'installation.

Ces politiques nationales et régionales ont pour but d'inciter les professionnels de santé à s'installer dans les zones sous-dotées mais les résultats sont très décevants. En outre, la plupart des mesures n'ont pas été évaluées. Toutefois, l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) souligne les limites de ces mesures : l'augmentation du nombre de médecins serait insuffisante et les mesures financières inefficaces. Les exemples du Royaume-Uni, des provinces canadiennes et des États-Unis montrent en effet qu'agir sur les effectifs globaux des médecins ne règle pas la question de leur répartition territoriale.

M. Nicolas About, président de la commission. - C'est sûr !

Mme Muguette Dini. - Malgré la concurrence exacerbée et la saturation de l'offre dans les zones à forte densité, les médecins britanniques, canadiens ou américains ne s'installent pas pour autant dans les zones déficitaires. Quant aux bourses d'études proposées depuis les années 70 aux États-Unis, au Canada et en Australie, elles ont un réel impact à court terme mais se révèlent inefficaces au-delà. Dans de nombreux cas, les professionnels de santé procèdent en effet au rachat de la bourse afin de se soustraire à l'obligation d'exercice.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Eh oui !

Mme Muguette Dini. - De plus, ces bourses d'études génèrent d'importants effets d'aubaine et surtout une compétition accrue entre les régions. De même, la majoration de la rémunération des professionnels de santé exerçant en zone déficitaire n'a qu'une influence modérée à court terme et très faible ensuite. Le système de prime à l'installation, appliqué au Royaume-Uni entre 2001 et 2005, a depuis été abandonné.

L'efficacité très relative de ces mesures incitatives doit-elle, pour autant, nous amener à envisager des mesures coercitives ? Le protocole d'accord du 22 0juin 2007 entre l'Assurance maladie et les quatre syndicats représentatifs des infirmiers libéraux peut servir d'exemple. Ce texte prévoit en effet un dispositif de régulation territoriale de la population infirmière libérale, fondé sur le non-conventionnement à l'assurance maladie de tout infirmier libéral s'installant dans des bassins de vie à forte densité. Les médecins, eux, n'hésitent pas à parler de casus belli.

L'étude de l'IRDES sur les cas étrangers conclut également à la faible efficacité de la politique de limitation de l'installation des professionnels de santé en zone excédentaire. L'Institut se réfère notamment au cas de l'Allemagne où, depuis 1993, le conventionnement à l'installation est limité dans les zones où la densité médicale est supérieure de 10 % à la moyenne nationale alors que, inversement, l'installation est encouragée dans les zones situées en-dessous de 10 % de la moyenne nationale. Mais, cette politique a détourné les étudiants des études médicales au profit d'autres filières universitaires et aucune amélioration dans la répartition géographique n'a été enregistrée.

C'est pourquoi notre groupe soutient deux orientations avancées par l'ONDPS et que les professionnels de santé semblent plébisciter. En premier lieu, la question du choix du lieu d'installation et du maintien dans l'activité des professionnels de santé doit être replacée dans un contexte de développement local et d'aménagement du territoire car une problématique exclusivement sanitaire doit être dépassée : l'ONDPS souligne que les professionnels de santé craignent l'isolement. L'accès à un plateau technique performant et l'intégration dans une équipe médicale sont des facteurs d'attractivité. Et les études prouvent que critères professionnels et critères personnels doivent être associés.

Un médecin hésitera à s'installer avec sa famille dans une zone où son conjoint aura du mal à trouver un emploi, où ses enfants manqueront d'infrastructures scolaires, où les services publics et les commerces ont disparu. Ainsi, pour lutter contre l'isolement des professionnels de santé, il est primordial de favoriser regroupement et coordination. Au niveau hospitalier, il faudra donc organiser les établissements en pôles inter-hospitaliers par le biais de convention ou constituer des groupements de coopération sanitaire. Nous nous réjouissons de l'avancée que comporte ce projet en la matière.

En revanche, tout reste à faire en secteur ambulatoire où des maisons de santé pluridisciplinaires devraient rassembler différents professionnels médicaux et paramédicaux pour une prise en charge globale du patient. En résulterait une amélioration de la qualité des soins et de l'organisation du travail médical. Or, ces maisons en sont encore au stade de l'expérimentation et leur financement est assuré de façon aléatoire par le Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins. Nous regrettons donc que notre amendement sur ce point ait été rejeté par la commission des finances.

Il convient aussi de transférer de nouvelles compétences médicales à des professionnels paramédicaux. Le président de l'ONDPS estime qu'il faut « recentrer les médecins sur le coeur de leur métier » et « libérer du temps médical ». Quinze projets expérimentaux ont donc été lancés dont la majorité porte sur la délégation de compétences et d'actes médicaux en faveur des infirmières qui effectuent des consultations de dépistage, des missions de suivi des personnes atteintes de pathologies chroniques et des examens spécialisés complémentaires. Nous vous proposons donc, madame la ministre, de réorganiser l'offre de soins et de transférer des compétences médicales aux professionnels paramédicaux.

La question du numerus clausus n'est toujours pas résolue. Il ne faudrait plus compter le nombre de médecins sortis des facultés mais le nombre d'heures de présence médicale qu'une promotion annuelle de médecins est en mesure d'assurer. Il est fini le temps où les médecins étaient taillables à merci, jour et nuit, sept jours sur sept. Beaucoup de jeunes médecins n'envisagent pas de sacrifier vie de famille et vie personnelle à l'exercice de leur profession et les jeunes mères de famille, en début de carrière, souhaitent exercer leurs missions à temps partiel. Pourquoi ne pas lancer une enquête sur ce sujet ? Elle nous amènerait certainement à revoir notre position. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Godefroy. - Alors que les problèmes de démographie médicale étaient connus depuis quelques années -j'ai d'ailleurs régulièrement interrogé votre prédécesseur sur le sujet sans toujours recevoir de réponse- le débat de ce matin intervient dans un climat particulier, pour ne pas dire faussé. Comment un article ne prévoyant qu'une discussion entre les acteurs conventionnels et l'assurance maladie a-t-il pu déclencher une telle mobilisation ? Vous avez, madame la ministre, négligé de consulter les acteurs concernés, puis avez tenté de garder le cap avant de reculer. Et le débat d'aujourd'hui, aussi intéressant soit-il, n'apportera rien de concret. Quant aux états généraux annoncés, j'espère sincèrement qu'ils permettront d'avancer sur cette question même si je crains que la crise que vous avez déclenchée ait raidi la position des organisations syndicales de médecins et d'étudiants en médecine.

Tout ceci est d'autant plus surprenant que ce projet de loi de financement, comme le précédent, est bien plus contraignant à l'égard des assurés sociaux que des professionnels de santé. Ce texte accroît les effets pervers de la réforme de 2004 qui pénalise les malades faute de s'attaquer à la réorganisation de notre système fondé sur la qualité et l'égalité d'accès aux soins.

Il s'agit seulement d'être ferme à l'égard des assurés sociaux qui doivent faire, chaque année, des efforts financiers supplémentaires ! En revanche, vous voilà d'une timidité maladive lorsqu'il s'agit d'imposer aux professionnels de santé une obligation minimale d'intérêt général. Les millions d'assurés sociaux qui ont signé une pétition contre les franchises n'ont pas ce même pouvoir de nuisance que les étudiants en médecine !

Comme le rappelle le rapport d'information de notre collègue Jean-Marc Juilhard, le nombre de médecins en exercice n'a jamais été aussi élevé et, pourtant, l'égal accès à des soins de qualité n'est plus assuré sur l'ensemble du territoire. La situation devrait s'aggraver...

Dans ma région, les cas de sous-démographie médicale sont nombreux : généralistes et spécialistes confondus, la Basse-Normandie a la troisième densité la plus faible derrière la Picardie et la Haute-Normandie. Pour les généralistes, nous sommes les avant-derniers, devant la région Centre. Pour les spécialistes, nous sommes en septième position, mais la situation varie selon les spécialités : par rapport au cinquième arrondissement de Paris, les différences sont extraordinaires. Cherbourg, qui compte 100 000 habitants, n'a aucun pédiatre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je sais cela !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Le Ve arrondissement de Paris compte 60 000 habitants ! Ma ville a deux fois moins de gynécologues et de médecins généralistes ; elle compte deux psychiatres alors qu'on en dénombre 114 dans le Ve.

M. Nicolas About, président de la commission. - Cela va bien, à Cherbourg !

M. Éric Doligé. - C'est l'air de la mer !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Changeons le maire de Paris, il y aura moins besoin de psychiatres !

M. Jean-Pierre Godefroy. - La sous-médicalisation ne touche donc pas que des zones rurales !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Vous avez tout à fait raison.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Depuis deux ans, des mesures ont été prises pour tenter de remédier à cette situation, même si, comme le rappelle la Cour des comptes, elles ne sont pas suffisamment efficaces et souvent mal connues des bénéficiaires potentiels. Elles consistent surtout en incitations financières assumées principalement par l'assurance maladie et les collectivités locales alors que l'État devrait jouer le premier rôle. La Cour des comptes a raison de considérer que « les questions touchant notamment aux droits des malades, à l'accès aux soins et à la permanence des soins devraient rester de la compétence principale de l'État ». Ce n'est plus le cas puisque ce PLFSS délègue aux négociations conventionnelles non seulement les questions relatives à la démographie médicale mais aussi celles de la permanence des soins ou des modes de rémunération. Ce faisant, le Gouvernement méconnaît la responsabilité de l'État tant en matière d'aménagement du territoire que d'ordre public, puisque l'égalité d'accès aux soins est menacée.

On ne règlera certes pas ces questions sans l'implication et la participation des professionnels concernés, mais c'est à l'État de prendre les décisions de régulation au nom de l'intérêt général et de la solidarité nationale, ce que vous renoncez à faire. Notre collègue Jean-Marc Juilhard propose quelques pistes que nous approuvons : régionalisation des épreuves classantes pour l'accès au troisième cycle des études médicales, afin de stabiliser les étudiants dans la région dans laquelle ils auront achevé leurs études ; adéquation entre le nombre de postes ouverts à l'examen et celui des candidats, afin d'éviter les postes non pourvus qui sont toujours ceux de médecine générale ; rationalisation des incitations financières ; simplification des démarches administratives pour l'obtention de ces aides à l'installation ; développement des centres de santé ; labellisation des maisons de santé.

Il faut aller plus loin et envisager une régulation de l'installation.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - On y vient !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Les infirmiers libéraux ont accepté de s'engager dans cette voie, les médecins ne peuvent rester seuls à ignorer les réalités territoriales de l'accès aux soins. Une profession, même libérale, financée par l'argent public a des obligations.

Cette régulation territoriale ne pourra être efficace sans une adaptation de la formation initiale des étudiants en médecine. Il serait intéressant de généraliser une mesure déjà mise en oeuvre par certains départements, comme celui de la Manche, sous la présidence de notre collègue Le Grand : attribuer des bourses aux étudiants en médecine décidés à s'installer durablement sur leur territoire.

Il faudra aussi redonner de l'attractivité au rôle du médecin généraliste car la réforme de 2004 est restée à mi-chemin. Il reste beaucoup à faire pour rendre l'exercice groupé, ou en réseau, véritablement intéressant. Les règles fiscales et sociales liées aux charges de fonctionnement d'un cabinet de groupe ne sont pas suffisamment attractives, non plus que les modes de rémunération des professionnels de santé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - J'ai ouvert quelques pistes...

M. Jean-Pierre Godefroy. - Outre qu'il est porteur d'inflation des dépenses de santé, le paiement à l'acte favorise l'isolement et la concurrence entre praticiens ; il doit devenir la variable d'ajustement d'une rémunération des professionnels de santé qui reposerait principalement sur un système forfaitaire et qui reflèterait leur mission de service public. La création du médecin référent par le gouvernement Jospin constituait un premier pas vers de nouvelles règles de rémunération, sur la base du volontariat ; vous y avez mis fin pour des raisons purement idéologiques.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Cela n'a pas intéressé plus de 7 000 médecins.

M. Jean-Pierre Godefroy. - On ne règlera pas la question de la démographie médicale sans changer profondément l'esprit et la pratique médicale. Le mécanisme de conventionnement à géométrie variable était une mauvaise solution tant pour les médecins que pour les assurés.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - C'était votre idée !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Espérons que les états généraux annoncés aborderont ce problème de manière globale et constructive car, pour les jeunes étudiants en médecine, il faut que la règle du jeu soit claire dès le départ et tout retard ne fera qu'aggraver la situation des zones sous-médicalisées. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marc Juilhard. - Je suis particulièrement heureux de l'accueil qui a été réservé à mon rapport.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il est excellent.

M. Jean-Marc Juilhard. - Et, madame, j'ai été très sensible à l'accueil que vous lui avez, vous-même, fait le 17 octobre. Je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de débattre d'un sujet aussi essentiel pour nos concitoyens que l'égalité d'accès aux soins. Il s'agit là d'un des principes fondamentaux notre système de santé.

Avec 252 746 praticiens inscrits au Conseil de l'Ordre au 1er janvier 2007, dont 213 995 en activité, la France compte plus de médecins que la moyenne des pays d'Europe. Depuis 1979, leur nombre a presque doublé. Au fur et à mesure des départs massifs à la retraite, les prévisions laissent pourtant craindre une crise dans l'organisation du système de soins et l'apparition de déserts médicaux en raison d'une répartition déséquilibrée des praticiens sur le territoire. Selon l'Atlas de la démographie médicale en France, présenté en juin dernier par le Conseil national de l'ordre des médecins, les inégalités géographiques ont tendance à s'aggraver.

Voilà un paradoxe : alors que la France n'a jamais compté autant de praticiens en activité, les disparités entre régions sont trop importantes pour garantir à tous nos concitoyens une offre de soins satisfaisante. Aujourd'hui, quatre millions de Français ont des difficultés pour accéder aux soins d'un médecin généraliste : le nombre de généralistes par habitant varie du simple au double entre la Seine-Saint-Denis et les Hautes-Alpes, ce qui montre que la question de la densité médicale ne concerne pas que les territoires ruraux. Et nombre de nos compatriotes sont donc confrontés à des délais trop longs pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, l'hôpital public ne pouvant à lui seul compenser cette désorganisation. Il est donc nécessaire de remédier très rapidement à une situation qui ne cesse de se dégrader.

En réalité, cette crise comporte plusieurs aspects : la baisse des effectifs des professionnels de santé, l'accentuation des inégalités territoriales en matière d'offre de soins, le vieillissement de la population et l'augmentation du niveau d'exigence des patients. Les mesures prises n'ont pas suffi à contenir l'aggravation de cette fracture territoriale. Les pouvoirs publics ont procédé à une augmentation régulière du numerus clausus depuis 2002, mais nous ne pourrons en constater les effets que dans une dizaine d'années. La loi de 2004 sur l'assurance maladie a permis aux unions régionales des caisses d'assurance maladie de conclure des contrats avec des professionnels de santé libéraux afin de les inciter à se regrouper. La loi du 2 février 2005 relative aux territoires ruraux a permis aux collectivités locales d'attribuer aux étudiants du 3e cycle, une indemnité d'études et une indemnité de logement pour les stagiaires.

Le conseil général de l'Allier, cher à Gérard Dériot, a créé une bourse d'études et de projet professionnel destinée aux étudiants en médecine de 3e cycle qui ont opté pour la spécialisation « médecine générale ». En échange, ceux-ci s'engagent à s'installer pour une durée minimale de six ans dans une zone déficitaire du département. L'aide peut atteindre jusqu'à 36 000 euros par volontaire.

Le champ d'action des collectivités locales a été élargi le 1er janvier 2006 pour que des locaux professionnels ou des logements puissent être mis à disposition des médecins s'installant ou exerçant dans ces zones prioritaires.

Ces incitations financières n'ont pas suffi. Je rends hommage, madame la ministre, à votre volontarisme. Vous avez compris que nous ne devions pas nous contenter de mesures économiques. Votre texte initial a été caricaturé. Vous aviez pourtant rappelé à maintes reprises, ici même, votre attachement à la liberté d'installation. Je regrette que vous n'ayez pas été entendue.

Les décisions d'avenir devront être prises en concertation avec les jeunes médecins. C'est ce que vous avez proposé en annonçant pour le début 2008 la tenue d'états généraux auxquels toutes les organisations d'internes sont invitées. Vous pouvez compter sur notre participation à ces états généraux et, bien entendu, sur mon engagement personnel.

Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie estime indispensable de dépasser la politique actuelle de « moindre contrainte ». Permettez-moi de vous présenter quelques propositions qui ont été adoptées par notre commission des affaires sociales.

J'attache beaucoup d'importance à l'essor des maisons de santé et les pouvoirs publics seraient bien inspirés de favoriser la généralisation de ces expériences nées du terrain, à l'initiative de quelques professionnels entreprenants. Il semble nécessaire de créer un label spécifique « maison de santé pluridisciplinaire », de sécuriser leur cadre juridique et d'harmoniser les aides dont elles bénéficient. Les mesures incitatives déjà prises devront être évaluées et optimisées.

Il faut mieux informer les étudiants sur les aides et surtout mieux les accompagner, pour éviter que le doute ne se transforme en renoncement. Il faudra aussi revoir le système de formation, par exemple en réfléchissant à la transformation de l'examen classant national en examen régional.

Les professionnels eux-mêmes n'écartent pas forcément le recours à de nouvelles mesures et les infirmiers libéraux ont déjà signé une convention avec l'assurance maladie afin de mieux réguler leurs pratiques. Les chirurgiens dentistes ne sont fermés à de telles mesures, non plus que certains médecins.

Nous attendons beaucoup des futurs états généraux. (Applaudissements à droite)

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

M. Bernard Murat. - D'abord, je remercie M. Fortassin de m'avoir cédé son tour de parole afin que je puisse intervenir en cette fin de matinée.

Bien que notre pays n'ait jamais compté autant de médecins, dans de nombreuses zones du territoire, notamment en zone rurale, il n'est plus possible aux malades d'avoir accès à un médecin, ni à un médecin de trouver un remplaçant. Féminisation de la profession, modification des aspirations des jeunes médecins, évolution des soins, tout concourt au rejet de l'activité médicale en zone rurale et cela ne devrait que s'amplifier dans les prochaines années.

Le problème est moins le nombre des praticiens que leur répartition et il ne sera résolu qu'en améliorant l'attractivité des territoires et les conditions de l'exercice médical en milieu rural, tant pour le praticien que pour sa famille. Les pouvoirs publics ont mis en place des dispositifs incitatifs : bourses, incitations financières, exonérations fiscales et sociales. Les collectivités territoriales essayent aussi d'inciter et d'innover. Mais il ne faudrait pas que cette participation des collectivités devienne source, entre elles, de surenchères ou de conflits. (Mme la ministre approuve) Actuellement en Corrèze, des cabinets médicaux ou des maisons de santé peinent à voir le jour du fait de discordances politiques entre les collectivités, au grand désarroi des médecins candidats et au détriment des patients. Vu le rôle que peut jouer, pour l'aménagement d'un territoire, la présence d'une structure de soins, il sera peut-être nécessaire d'envisager un meilleur ordonnancement, une structuration des interventions de ces collectivités, dans le cadre des SCOT par exemple.

Les dispositifs incitatifs n'ont pas produit les effets escomptés. Faut-il donc adopter des mesures plus contraignantes ? Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie juge nécessaire de dépasser la politique actuelle de « moindre contrainte », en particulier dans les tâches administratives. Le Gouvernement a envisagé cette possibilité ainsi que les élus ruraux, désemparés face à la dégradation constante de la situation. Beaucoup, se fondant sur les exemples étrangers, Québécois ou Allemands notamment, font état du manque d'efficacité des mesures coercitives, qui pourraient même être contre-productives. Je ne pourrais pas me prononcer avec certitude mais il est certain qu'il va nous falloir agir plus énergiquement.

A propos de mesures coercitives, il m'a été signalé la grave dégradation des gardes dans nos campagnes corréziennes depuis qu'elles se font sur la base du volontariat. (Mme la ministre approuve) L'exemple est peut-être à méditer...

Prenant la mesure du problème, vous nous avez annoncé, pour janvier prochain la tenue d'états généraux de l'organisation de la santé. Je salue le fait que les élus y seront associés. Pour ne pas être strictement corporatistes ces débats doivent être accessibles aux élus et, à travers eux, aux populations directement concernées.

Corrézien et élu d'un territoire rural, je sais que le facteur déterminant de l'installation dans le monde rural est la bonne connaissance de celui-ci : parce qu'on y a vécu, que l'on en est originaire, que l'on y a fait un stage ou que l'on y a pratiqué. Il conviendrait donc de mieux préparer les étudiants à une installation en zone rurale, en utilisant par exemple les maisons médicales installées dans les zones déficitaires pour les stages ambulatoires des internes en médecine générale. Songez aussi au problème de l'adaptation du conjoint et des enfants : médecin des villes ou médecin des champs, c'est aussi le choix de toute la famille.

Il serait bon d'apporter une aide financière aux étudiants s'engageant à exercer en zones déficitaires. La loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux prévoit déjà des indemnités d'études et de projet professionnel pour les internes s'engageant à exercer au moins cinq ans dans une zone déficitaire. On pourrait élargir ces mesures aux étudiants plus tôt dans la formation, pour fixer les jeunes médecins dans les territoires ruraux, au moins pour quelques années. Cela permettrait aussi, alors que le numerus clausus va être relevé, de permettre à tous ceux qui sont intéressés par les études de médecine, et qui n'ont pas forcément les moyens de les entreprendre, de se lancer. On peut aussi implanter des facultés de médecine dans les zones déficitaires, les étudiants s'installant souvent sur le lieu de leurs études. Quant à un diplôme intermédiaire, entre celui d'infirmière et celui de médecin, il pourrait être ressenti comme discriminatoire pour nos populations rurales, mais rien n'est à rejeter a priori.

On pourrait aussi envisager des incitations financières pérennes, s'accompagnant d'une aide à l'exercice : les jeunes médecins souhaitent pouvoir exercer plus collectivement ou avoir accès au salariat. Je salue à cet égard les initiatives de notre excellent rapporteur en faveur de l'exercice regroupé entre professionnel de santé. Toutes les mesures en ce sens sont à encourager, mais je mets en garde ceux qui y voit déjà un remède miracle : l'aide à apporter à l'exercice en cabinet de groupe ne doit pas faire oublier le médecin qui s'installe seul, car certaine localité ou territoire ne peuvent admettre qu'un seul médecin. N'oublions pas non plus l'importance de l'accueil de la famille du praticien par les élus et la population.

Quoiqu'il en soit, il faudra prioritairement lancer une politique d'information auprès des étudiants et des jeunes médecins et largement diffuser les mesures favorisant l'installation dans des zones démédicalises : plus les étudiants seront sensibilisés tôt dans leur cursus de formation, plus ils seront susceptibles de s'installer dans des zones déficitaires où les relations avec la population peuvent leur apporter une satisfaction particulière.

Toutes ces questions seront débattues lors des états généraux. Vous avez amorcé un dialogue constructif avec les étudiants et les internes, je sais qu'il se poursuivra. Mais parce que nos étudiants seront nos médecins de demain, je voudrais vous lire un passage d'un courrier reçu récemment d'un médecin d'Ussel, en haute Corrèze.

Dans sa lettre, ce médecin, pourtant installé à Ussel par choix, se dit désespéré. Si rien n'est fait dans les prochains mois, explique-t-il, il devra prendre la décision de partir pour protéger sa famille et lui-même car, il accomplit en moyenne une cinquantaine d'actes par jour, ce qui représente treize à quatorze heures de travail quotidien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - En tant que ministre, on fait mieux encore ! (Sourires)

M. Bernard Murat. - Madame, grâce aux heures passées derrière votre bureau et à votre excellente connaissance des dossiers, ce jeune médecin d'Ussel trouvera sans aucun doute une réponse satisfaisante à ses interrogations ! (Applaudissements à droite et au centre)

Cérémonie du Souvenir

M. le président. - Je rappelle que la cérémonie traditionnelle d'hommage aux sénateurs et fonctionnaires du Sénat morts pour la France a lieu aujourd'hui, à 15 h 45, en présence du Président et des membres du Bureau.

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 16h 15.

Rappel au règlement

Mme Annie David. - Jamais l'application de l'article 40 n'aura été, dans ces lieux, aussi sévère. Je n'irai pas jusqu'à la qualifier d'antidémocratique, mais me contenterai de regretter que la commission des finances, en jetant l'anathème sur les amendements du groupe CRC et du groupe socialiste, voire de la commission des affaires sociales, prive la Haute assemblée d'un réel débat sur le financement de notre régime de protection sociale.

Ce sont les amendements du groupe CRC proposant de nouvelles ressources et améliorant la satisfaction des besoins qui ont été touchés. Crainte du débat ? Comment pourra-t-on traiter de l'allongement du congé de maternité, de l'aide médicale d'État, du financement de l'hôpital ou de l'indemnisation des victimes de l'amiante qu'on a laissé tuer au nom de la rentabilité ? Vous vous refusez à créer de nouvelles recettes pour mieux faire avancer la privatisation rampante de la sécurité sociale. Les conditions d'un débat démocratique sont-elles réunies quand toutes les propositions alternatives sont censurées ? La droite sénatoriale, commission des finances en tête, entend empêcher le Parlement de jouer son rôle : la fonction législative, raison d'être du Parlement, est réduite à son strict minimum. Cette nouvelle interprétation de l'article 40 pose la question de l'existence même du Parlement !

Je demande une réunion d'urgence de la commission des finances pour revenir sur la question de la présentation des amendements en séance publique. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Bel - Nous avions formulé un rappel au règlement hier et je m'associe aujourd'hui à la demande d'une convocation de la commission des finances.

M. le président. - Dans sa réunion du 20 juin dernier, la Conférence des Présidents a décidé « pour tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ... d'appliquer à partir du 1er juillet un dispositif de contrôle préalable de la recevabilité financière des amendements ». J'ai adressé une lettre à ce sujet à chacun de vous et demandé à la commission des finances d'adresser à tous les sénateurs un vade-mecum sur la question.

M. Jean-Pierre Bel. - Des critères précis avaient été prévus. L'interprétation qui en est faite est abusive.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous siégeons à la Conférence des Présidents. Nous avons pris acte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, même si nous n'étions pas d'accord, mais la commission des finances semble ne pas avoir toujours la même interprétation. Nous demandons que la commission des finances se réunisse pour clarifier la situation.

M. Jean-Jacques Jégou. - Ni le président de la commission des finances, ni le rapporteur général ne sont encore là. Je ne veux pas dépasser ma condition, en tant que simple membre de cette commission, je puis néanmoins assurer qu'elle n'a pas manqué à ses obligations. (M. le président de la commission des finances entre en séance)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Merci de me permettre de dissiper un éventuel malentendu. Voici un an, nous avons voté un projet de loi de financement de la sécurité sociale que le Conseil constitutionnel a censuré en faisant explicitement reproche au Sénat de n'avoir pas appliqué l'article 40 et en le sommant de le respecter. L'exercice n'est pas gratifiant pour ceux qui en assument la responsabilité. Plusieurs d'entre vous ont connu ce moment où ils sentaient qu'ils emportaient la conviction d'un nombre croissant de collègues, mais où tout s'arrêtait parce que, au moment de passer au vote, le ministre invoquait l'article 40. Le représentant de la commission des finances devait alors déclarer qu'il s'appliquait, ce qui suscitait une incompréhension, voire une colère, qui se manifestait parfois encore dans les couloirs, au sortir de l'hémicycle. Il arrivait aussi qu'un ministre, battu au moment des arbitrages interministériels, suscitât un amendement contre lequel il se gardait bien d'évoquer l'article 40 ; l'opinion était bientôt informée mais le Conseil constitutionnel semait la désillusion en censurant la disposition.

C'est pourquoi nous avons, sous votre autorité, monsieur le Président, décidé, avec l'accord de tous les groupes du Sénat (protestations à gauche), d'appliquer l'article 40. Depuis cette date, les auteurs des amendements concernés sont systématiquement prévenus : ainsi, j'ai signé des lettres ce matin, que certains d'entre vous, comme Mme David ou M. Godefroy, vont recevoir par dizaines. Dois-je rappeler que toute augmentations de la dépense publique n'est pas gageable ? Augmenter une dépense en augmentant à due concurrence une recette n'est pas recevable. (Exclamations d'incompréhension à gauche) Respecter la Constitution n'est pas bafouer la démocratie. (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président. - Pour la petite histoire, je signale que nous avions modifié l'application de l'article 40 à l'initiative du président Dailly.

M. Jean-Pierre Godefroy. - L'argumentation du président de la commission des finances pourrait être recevable pour la plupart des textes, mais quand il s'agit de textes financiers, l'impossibilité de proposer une augmentation des dépenses nous prive de tout moyen d'action. Nous ne savons même pas pourquoi nos amendements tombent sous le coup de l'article 40 car la commission des finances ne motive pas ses décisions. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Autain. - Il y a deux poids, deux mesures.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est faux !

M. François Autain. - Et cet amendement ? (L'orateur brandit un amendement)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales - Grande a été ma surprise de voir qu'un de mes amendements avait été écarté alors qu'un amendement similaire du groupe CRC ne l'était pas ! (Rires à gauche) Je m'en suis expliqué avec le président de la commission des finances. J'ai ensuite appris qu'un amendement de la commission des affaires sociales avait été retoqué alors qu'il ne s'agissait pas de créer une dépense nouvelle mais de modifier une dépense existante : il s'agissait d'un transfert entre maison du handicap et assurance maladie. Or le jour où nous sommes avertis que nos amendements sont retoqués, nous sommes forclos et ne pouvons plus les corriger : il y a là une entrave au travail parlementaire. Ce n'est pas acceptable, d'autant que le Conseil constitutionnel n'a jamais sanctionné une disposition au titre de l'article 40. Je comprends et admets le processus qui a été engagé mais il faut permettre aux parlementaires de redéposer les amendements rectifiés : il y va des droits du Parlement. (Applaudissements à gauche)

Financement de la sécurité sociale pour 2008 (Suite)

Débat sur la démographie médicale (Suite)

M. Claude Domeizel. - La démographie médicale est un sujet sensible, sur lequel je n'ai cessé de tirer la sonnette d'alarme. Lors de la loi de financement pour 2007, j'ai proposé des amendements -et obtenu partiellement gain de cause- pour améliorer la rémunération des médecins en milieu rural ou dans les quartiers sensibles.

Le récent mouvement des internes a remis sur la place publique la question de l'égalité des malades en matière de soins. Noyée dans le climat de mécontentement général, sa vraie motivation risque d'être oubliée. Ce mouvement s'est soldé par une nouvelle rédaction des articles 32 et 33 du projet de loi de financement, articles pâles et insipides, pleins de bonnes intentions et de portée très générale. Ce n'est pas en suggérant des mesures incitatives dans la loi que l'on résoudra le problème !

Quel est le diagnostic en milieu rural ? Les délais pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste sont très longs, l'accès au généraliste n'est pas toujours facile. La répartition de l'offre médicale connaît de graves disparités : trop de médecins dans le Sud, pas assez dans le Nord. A l'échelle du département, il y a de véritables déserts médicaux. Dans certains quartiers, les urgences sont le seul lieu de soins. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur compte 194 médecins pour 100.000 habitants, mais la situation est contrastée dans les Alpes de Haute-Provence, zone à la fois rurale et de montagne, avec une forte présence médicale dans le val de Durance et d'autres secteurs où se profilent de grandes difficultés. Certains cantons n'ont aucun médecin, d'autres sont mieux dotés, mais pour combien de temps ?

La vraie question est celle du remplacement des praticiens. Combien de médecins ne trouvent pas de successeurs lors de leur départ à la retraite ? Un spécialiste disait avec amertume : « je vais fermer mon cabinet comme un commerçant qui a fait faillite. » Ce non-remplacement met les patients dans l'embarras.

Les nombreuses mesures financières incitatives -exonérations de taxe professionnelle ou de charges patronales, primes à l'installation, majoration d'honoraires, aides des collectivités locales- n'ont pas répondu aux attentes. Elles mériteraient d'être mieux diffusées, expliquées et simplifiées sur le plan administratif.

Les raisons de ce manque d'intérêt des jeunes médecins pour les zones rurales ou en difficulté sont développées dans le rapport Juilhard : ils redoutent de devoir être disponible en permanence, de ne pouvoir mener une vie personnelle et familiale ou faire un temps partiel, et soulignent l'absence d'autres professions de soins et de plateau technique. Le milieu rural est souvent assimilé à une importante charge de travail et à la solitude. Cette crainte d'isolement professionnel et personnel n'illustre-t-elle pas une carence de formation et d'information ?

La pénurie de médecins risque de remettre en cause la qualité des soins. Un médecin pratique en moyenne 5 000 actes par an, mais 7 500 dans les zones en difficultés ! L'absence de médecins va inéluctablement entraîner des difficultés pour les hôpitaux ruraux, dont l'avenir est déjà compromis. De même, il deviendra de plus en plus difficile de recruter des médecins pour le corps des sapeurs pompiers volontaires.

Quels remèdes proposer ? Il faut bien entendu favoriser la médecine regroupée : les maisons ou centres de santé offrent aux praticiens un confort et une qualité de travail indéniables.

Pourquoi ne pas reconnaître une spécialité « médecine en milieu rural » ? Les médecins de campagne n'exercent-ils pas depuis toujours la pédiatrie, la gériatrie, la microchirurgie ou les urgences ? Or leur rémunération n'est pas à la mesure des missions qu'ils exercent.

Le lieu d'études et de stage des étudiants détermine souvent leur lieu d'installation. Pourquoi dès lors ne pas décentraliser une partie de la formation en zone rurale ou sensible ?

Les mesures incitatives mises en place par les collectivités locales ne sont pas toujours opérantes, tout comme les aides offertes par l'assurance maladie. Une première piste, suggérée par les maires, serait de créer un corps de médecins civils, à l'image des médecins militaires, qui, après une formation assortie d'un engagement décennal, seraient affectés dans les zones sous médicalisées.

M. François Autain. - Pas mal !

M. Claude Domeizel. - Une autre piste serait d'ouvrir une promotion interne pour certaines professions médicales : un infirmier ou un kinésithérapeute pourrait, après une formation complémentaire, accéder au doctorat.

Comment s'étonner que les jeunes médecins se détournent des zones fragilisées ? Ils sont témoins de la fermeture d'écoles, de centres EDF, de la réduction de l'activité postale, de la carence des moyens modernes de communication, de la réforme des services fiscaux ou de la carte judiciaire... Que l'État montre l'exemple ! Il est temps de mettre fin à cette insupportable fragilisation pour de soi-disant raisons d'économie ou de rationalisation. Le service public doit-il être rentable ? La réponse est contenue dans la question.

La situation est plus grave qu'on ne le pense. Nous payons aujourd'hui le prix de cette politique d'abandon des services publics. Pour sortir de cette situation, il faut mettre en oeuvre des solutions qui reposent sur l'adaptation de la formation médicale, la reconnaissance du rural et le renforcement des aides financières. Certes, ces mesures auront un coût mais le monde rural, tant abandonné, mérite qu'on fasse cet effort.

Pour conclure, je vous invite à méditer l'article premier de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux : « L'État est garant de la solidarité nationale en faveur des territoires ruraux et de montagne et reconnaît leur spécificité. » (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin. - C'est une évidence : nous avons davantage de médecins qu'il y a trente ans. Pour autant, la pénurie est réelle dans certains secteurs, ruraux ou urbains. Les médecins sont-ils mieux formés qu'il y a trente ans ? Oui. (M. le président de la commission des affaires sociales se montre dubitatif) Le temps qu'ils consacrent aux malades a-t-il augmenté ? Non. Si la pratique de la médecine doit être libérale dans son exercice, comment considérer que ce libéralisme existe dans son organisation, dès l'instant où la plupart des médecins tirent l'essentiel de leurs revenus d'argent public ? (Marques d'approbation à gauche) L'État doit organiser les choses. Le laisser-faire a conduit à un échec patent.

Première piste, augmenter le numerus clausus. Il faut le faire, mais cela donnera des résultats dans dix ans...

M. Paul Blanc. - Il fallait le faire en 1997 !

M. François Fortassin. - Deuxième piste, demander aux médecins de travailler deux fois plus.

Mme Patricia Schillinger. - Pour gagner plus ?

M. François Fortassin. - C'est irréaliste. Troisième piste, recourir massivement aux médecins étrangers. C'est un pillage peu glorieux qui, hélas, se pratique déjà mais ne fait pas honneur à notre pays.

Il faudrait avoir le courage de leur dire qu'ils devront, après quelques années, retourner dans leur pays. Ils sont de plus payés avec un lance-pierre, alors qu'ils font tourner de nombreuses structures hospitalières. Ils sont environ 13 500. Pire encore, l'existence des diplômes de près de la moitié d'entre eux n'a pas été validée : tous n'ont pas été perdus dans les déménagements... (Sourires) Et cela n'étonne personne...

D'autres pistes sont à explorer, dont certaines feront certainement pousser des cris d'orfraie, ou de rosière effarouchée -mais vous n'avez rien d'une rosière, madame la ministre ! (Mme la ministre rit) On peut très bien imaginer qu'après trois ans de formation, des professionnels de santé ayant dix ou douze ans d'expérience puissent devenir médecin, à condition de s'engager pour cinq ou dix ans à exercer dans des zones rurales ou urbaines déficitaires.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Mao Zedong a fait ça en son temps !

M. Nicolas About, président de la commission. - C'est le retour des officiers de santé !

M. François Fortassin. - On sait pourtant que bien des établissements hospitaliers fonctionnent grâce à eux....

Et puis dans quelques pays, l'Allemagne, l'Espagne, la Suisse, les opticiens peuvent effectuer certains actes médicaux, comme la correction de la vue. C'est encore interdit en France.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Mais non ! Nous avons fait une ouverture en ce sens l'an dernier !

M. François Fortassin. - Mais on ne l'a pas mise en pratique ! Si toutes ces pistes doivent être explorées, nous n'arriverons à rien sans un engagement politique fort. La coercition n'est peut-être pas efficace, mais on ne peut compter sur la seule bonne volonté des professionnels. Sans un tel engagement, l'effet sera celui d'un sinapisme sur une jambe de bois. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Pierre-Yves Collombat. - La Nation garantit à tous la protection de la santé. L'application de ce principe constitutionnel a conduit à une augmentation régulière des dépenses de santé ; leur part dans le PIB est passée de 2,5 % en 1950 à 8,8 % en 2005. Dans le même temps, la socialisation de leur prise en charge s'est affirmée : la sécurité sociale en remboursait 51 % en 1950 et en rembourse aujourd'hui 77 % ; la part de l'État a, elle, régressé de 12 % à 1 %. Au total, sécurité sociale, mutuelles et État prennent en charge 85 % des dépenses, contre 68,8 % en 1950, la part laissée aux ménages passant de 31 % à 15 %.

En dépit du numerus clausus, le nombre de médecins a cru de 11 % en vingt ans ; jamais il n'y a eu autant de médecins dans notre pays, notamment libéraux et spécialistes. La densité médicale atteint 340 praticiens pour 100 000 habitants, légèrement au-dessus de la moyenne européenne. La densité des généralistes a progressée de 10 % ces vingt dernières années, et celle des spécialistes de 50 %.

Le nombre d'actes a suivi la même pente. De 1995 à 2005, le nombre total d'actes réalisés chaque année par les généralistes a augmenté de 1,8 % en moyenne et celui des spécialistes de 3,7 %, soit, en tenant compte de la démographie, une augmentation moyenne annuelle de 1,4 % par praticien pour les spécialistes et de 0,5 % pour les généralistes. Pour ces derniers, il est vrai que la tendance s'inverse depuis 2000.

On ne peut pas dire que les revenus des praticiens se soient dégradés, même si leur évaluation, comme le fait remarquer la Cour des comptes, n'est pas simple. Selon le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2007, « entre 2000 et 2004, en monnaie constante, les revenus des généralistes ont progressé annuellement de 2,6 % et celui des spécialistes de 3,1 %. Cette hausse du pouvoir d'achat des médecins est supérieure à celle observée sur la même période pour l'ensemble des salariés, soit 0,4 %. » La Cour des comptes parvient à des chiffres du même ordre -1,8 % pour les omnipraticiens et 3,3 % pour les spécialistes. Au total donc une situation que beaucoup de pays pourraient nous envier.

Malgré cela, à cause de cela, notre système de santé paraît moins capable que par le passé de répondre aux attentes de nos concitoyens ; les files d'attente s'allongent pour l'accès à certaines spécialités, les urgences sont en surchauffe. La satisfaction des besoins essentiels d'une partie importante du territoire, des zones rurales est devenue préoccupante.

La présence médicale est très variable d'une région à l'autre, entre les départements d'une même région, entre les villes et les cantons ruraux d'un même département. En région PACA, la densité des généralistes est de 194 pour 100 000 habitants et celle des spécialistes de 223 -elle est respectivement de 142 et de 114 en Picardie. C'est pour les spécialistes que les disparités entre régions, entre secteur urbain et secteur rural, sont les plus grandes.

Selon le rapport 2005 de la commission « démographie médicale », si les bourgs ruraux actifs et même le rural isolé tirent encore assez bien leur épingle du jeu pour les omnipraticiens, c'est beaucoup moins vrai pour les cantons agricoles et ouvriers, où le renouvellement des praticiens se fait mal. Certes, la population concernée reste modeste, entre 400 000 et 2,4 millions de personnes selon les critères retenus, mais elle est dispersée sur un territoire important qu'il faut absolument préserver de la désertification. Il faut craindre une probable et rapide dégradation de la démographie médicale des zones rurales par l'effet des départs à la retraite avant que l'augmentation du numerus clausus n'ait produit son effet.

Mais une démographie médicale favorable en zone rurale ne signifie pas que la permanence des soins y soit assurée. Nous disposons, dans le Var, de 7 médecins pour 5 000 habitants aux heures ouvrables... qui sont aux abonnés absents le reste du temps. (Mme le ministre en convient) Si de plus l'organisation des secours d'urgence est déficiente, le résultat peut être catastrophique.

Depuis 2003, la garde n'est plus une obligation pour les médecins mais relève du volontariat, le préfet étant censé l'organiser en liaison avec l'ordre des médecins, et si nécessaire procéder à des réquisitions. Ce qu'il ne fait jamais. Comme le souligne pudiquement un rapport de l'IGAS de mars 2006, malgré des efforts financiers non négligeables de l'assurance maladie, si le nouveau dispositif s'est déployé sur l'ensemble du territoire, ni sa « fiabilité » ni son « efficience » ne sont assurées. Les territoires ruraux pâtissent de l'absence de structures type « SOS médecin ».

Un plus grand engagement des praticiens libéraux dans les secteurs les plus ruraux et le développement de structures comme les maisons médicales de garde permettent encore de faire face. Mais pour combien de temps ? Ces dispositifs sont fragiles, qui reposent avant tout sur un engagement personnel -engagement d'un autre âge, si j'ai bien entendu les nouveaux Hippocrate.

Les initiatives se sont multipliées ; si l'on manque encore de recul pour apprécier leur pertinence, on sait déjà que l'installation de nouveaux médecins en zone rurale n'est qu'accessoirement une question d'argent : les incitations financières et fiscales sont très peu efficaces. Le problème est d'abord culturel ; comme le souligne le rapport de M. Juilhard, le milieu rural est perçu comme « une zone de forte contrainte » pour l'exercice du métier comme pour la vie familiale. Compte tenu de l'origine sociale des médecins, du caractère de plus en plus technique du métier, de la manière dont sont organisées les études, cela n'a rien d'étonnant ; 45 % des médecins se recrutent dans des familles de cadres et d'intellectuels supérieurs, 17 % de professions intermédiaires qui n'ont guère de connaissance réelle des contraintes, mais aussi des charmes du monde rural. Comme le remarque le rapport 2005 de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, « il est clair qu'une formation hospitalo-centrée génère plus difficilement des vocations pour la médecine de famille. Les expériences québécoises montrent que l'organisation précoce de stages en milieu rural contribue à une moindre appréhension de ce lieu d'exercice ».

En outre, le développement des cabinets de groupe ou des maisons de santé, qui permettent de mutualiser les charges et faciliter les remplacements, aurait sans doute des effets positifs. La télémédecine, qui suppose une généralisation du haut débit, peut donner en milieu rural l'accès à des moyens d'information et de diagnostic dont le médecin est aujourd'hui privé. On pourrait aussi faciliter l'installation de centres de santé mutualistes, associatifs ou communaux, fonctionnant avec du personnel médical et paramédical en partie salarié. Ce serait en quelque sorte la résurrection des dispensaires du XIXe siècle. Comme la IIIe République le fit pour ses instituteurs et la Ve pour ses professeurs -jusqu'à ce que le libéral Raymond Barre y mette bon ordre-, la collectivité pourrait améliorer les conditions d'existence des futurs médecins en contrepartie d'engagements d'installation dans des zones déficitaires. Ce serait aussi une manière de démocratiser l'accès à la profession. Et puis, pour assurer aux praticiens un support professionnel de proximité, on pourrait tout simplement cesser de fermer les hôpitaux locaux et ne pas leur appliquer la tarification à l'activité.

Les propositions incitatives ne manquent donc pas, mais je doute qu'elles suffisent à régler le problème. De même, je doute de l'efficacité que pourraient avoir les mesures de déconventionnement, à supposer que votre gouvernement veuille réellement les appliquer en ignorant que le moteur de notre système de santé n'est visiblement plus l'exercice de la solidarité, mais la recherche de l'intérêt personnel. Jusqu'à présent, nous cumulons tous les avantages : le libre accès aux soins pour les patients, la liberté d'installation et de prescriptions pour les médecins, la socialisation des dépenses provoquées par ces libres choix individuels ! Un tel système ne peut durer sans régulation éthique des patients et surtout des praticiens, c'est-à-dire sans la conscience par chacun de ses responsabilités. Comment un tirage illimité, permanent et inconditionnel sur la richesse collective pourrait-il être financièrement tenable et moralement justifiable ? La régulation par le numerus clausus, les contraintes tarifaires, les incitations fiscales et les autorisations permettent au mieux de retarder le collapsus.

La situation difficile du monde rural est le symptôme d'un mal plus général et plus profond auquel seule une remise à plat de tout le système pourrait porter remède avant qu'il ne soit trop tard. Madame la ministre, y êtes-vous prête ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Fouché. - Nul ne conteste que la France soit confrontée à un problème de démographie médicale. Bien qu'ils n'aient jamais été aussi nombreux, les médecins ne parviennent pas à satisfaire les besoins. En outre, leur effectif va fortement diminuer dans les prochaines années.

On compte aujourd'hui 339 médecins pour 100 000 habitants, contre une moyenne européenne de 337, l'Italie atteignant 570. Quelque 1 500 postes de praticiens hospitaliers à plein temps sont vacants dans nos hôpitaux publics malgré les 6 000 postes occupés par des médecins étrangers, après la régularisation de 10 000 d'entre eux de 1995 à 2000. Le nombre de médecins libéraux a augmenté de 10 % dans les villes entre 1991 et 2006, comme l'ensemble de la population française, mais la baisse constante du numerus clausus de 1983 à la 1993 et les départs massifs à la retraite annoncent une chute des effectifs : d'ici à 2025, la France devrait perdre environ 30 000 médecins généralistes et spécialistes.

Cette diminution ne pourra être enrayée que par le maintien durable du numerus clausus à son niveau actuel, soit 7 100 étudiants admis en deuxième année. Sa gestion sereine et prospective est indispensable, même si la longueur des études repousse ses effets à une dizaine d'années. Dans l'intervalle, la France manquera de médecins pour répondre aux exigences légitimes de sa population, qui veut des soins conformes aux progrès de la médecine. L'allongement de l'espérance de vie, avec l'accroissement des pathologies chroniques liées à l'âge, amplifiera les attentes envers les médecins. En outre, les inégalités territoriales s'aggraveront encore, alors que quatre millions de personnes vivent déjà dans des zones « en difficulté » ou « fragiles » pour ce qui est de la présence médicale.

Si l'on veut éviter un accroissement des inégalités dans l'accès aux soins, deux voies sont possibles : l'incitation et la contrainte. La loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux comporte des incitations financières, notamment des exonérations fiscales ou sociales ainsi que des majorations d'honoraires. On nous dit aujourd'hui qu'il faut des mesures bien plus contraignantes, comme les déconventionnements, mais je suis très réservé.

En effet, je suis très attaché à la liberté d'installation des jeunes médecins, car on ne fait pas le bonheur des gens malgré eux, encore moins contre eux. Pour attirer les jeunes diplômés à la campagne, il faut la leur faire découvrir et y créer un environnement propice à l'épanouissement du médecin et de sa famille. La liberté de choix est essentielle. Aujourd'hui, les nouveaux médecins sont à 70 % des femmes, qui veulent concilier vie professionnelle, personnelle et familiale. En outre, les mesures contraignantes mises en oeuvre à l'étranger ont démontré leur inefficacité. Ainsi, la pénurie médicale dans les campagnes allemandes et suisses s'est étendue aux villes puisque 45 % des étudiants de médecine ont préféré renoncer à exercer dans ces conditions.

Ensuite, je crains que l'on n'alimente encore ce qu'une éminente juriste, le professeur Martine Lombard, a choisi comme titre pour un récent essai : L'État schizo. Victime d'un dédoublement de personnalité, il voudrait contraindre les professionnels de santé à s'installer dans les zones où il a lui-même réduit les services publics indispensables à la vie locale. L'aménagement du territoire forme un tout. Les élus qui ont mis en oeuvre des politiques innovantes de redynamisation rurale sont bien placés pour le savoir.

Enfin, avant de s'engager dans la voie de la contrainte, il est indispensable d'évaluer les mesures incitatives déjà en vigueur. Étudiants et jeunes médecins les connaissent-ils ? Non. On pourrait sans doute simplifier les démarches administratives qui permettent d'obtenir ces aides. Avant même l'installation, toutes les initiatives locales destinées à attirer les étudiants -comme les bourses de scolarité ou les aides aux stages- méritent d'être examinées. L'État devrait les soutenir financièrement. Dans cette logique d'innovation, les maisons de santé présentent un grand intérêt, comme l'a fort bien démontré dans son excellent rapport notre collègue Jean-Marc Juilhard. L'élaboration d'un statut juridique et la création d'un label « maison de santé » me semblent devoir être privilégiées.

Il nous faut explorer sereinement toutes les pistes, combiner les solutions et faire confiance aux initiatives locales pour éviter un remède pire que le mal. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Pierre Raffarin. - Excellent !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je vous remercie pour la très grande qualité et la richesse de vos interventions, qui éclaireront l'action du Gouvernement. Il est rare et réconfortant d'assister à des échanges aussi nourris. Votre Assemblée a parfaitement rempli son rôle. (On apprécie ce compliment à droite)

Fondé sur un constat lucide, le rapport d'information de M. Jean-Marc Juilhard propose des solutions cohérentes qui seront étudiées de près par les états généraux de la santé.

Certains thèmes font l'objet d'un consensus ; le débat reste entier sur d'autres.

L'expression « démographie médicale » ne concerne-t-elle que les médecins ? Je préfère évoquer la « démographie sanitaire » qui comprend les infirmières, les dentistes, les kinésithérapeutes. Si les intervenants s'accordent globalement pour estimer que l'égalité d'accès aux soins pourrait être compromise, j'observe que la palette des opinions est assez large, le plus optimiste étant M. Autain.

Je veillerai à ce que les états généraux de la santé ne puissent donner lieu à contestation et il faudra, avant tout, préciser les territoires prioritaires. Il n'est pas interdit de redéfinir les zones sur-denses et sous-denses après avoir réalisé un travail de cartographie très fin.

Un autre point du diagnostic devra faire le point sur les raisons de l'inégalité dans la répartition des professionnels de la santé. Mme Dini et M. Collombat estiment qu'il existe un lien très fort avec l'aménagement et l'équipement du territoire, certaines zones seraient en telle déshérence que les professionnels de santé hésiteraient à s'y installer. Pourtant, M. Godefroy a rappelé que des zones urbaines, pourtant bien pourvues en services publics, peinent à accueillir des médecins.

J'en viens à la nature des mesures à mettre en oeuvre. Les divergences sont sur ce point importantes : MM. Godefroy et Cazeau préconisent une « régulation » des installations, soit la voie de la contrainte. Ils ne font qu'aller dans le sens des propositions de Mme Royal durant la présidentielle. (« Sarkozy aussi ! » à gauche) On connaît tout le succès qu'elles ont rencontré. Comme M. Fouché, je ne suis pas favorable à la remise en cause de la liberté d'installation. (Exclamations sur les bancs socialistes) Mme Dini et M. Autain doutent de l'efficacité, à long terme, des incitations financières. M. Domeizel estime que ces mesures souffrent d'un déficit d'information tandis que M. Othily pense que seule la création d'une zone franche en Guyane améliorerait la situation sanitaire de la population.

Que penser alors de la généralisation des bourses d'études ? Mme Dini n'y est pas favorable alors que M. Godefroy l'approuve et que M. Murat s'inquiète d'une possible concurrence entre collectivités locales, à l'image de ce qui s'est produit pour les aides à l'industrialisation. Les plus riches collectivités pourraient se payer des médecins tandis que les autres ne le pourraient pas. Nous devrons donc débattre de tous ces sujets.

J'en viens aux points de convergence. La formation des jeunes professionnels a fait l'objet d'un large consensus. Bien sûr, il faudra continuer à adapter le numerus clausus aux besoins de nos concitoyens, comme nous l'avons fait cette année. Ainsi que l'a rappelé le président About, la répartition des étudiants sur le territoire est aussi très importante. C'est d'ailleurs pourquoi Mme Pécresse et moi-même avons décidé d'orienter les flux des formations. Il faudra aussi valoriser la filière de la médecine générale, et je compte sur le développement des stages et les incitations financières pour susciter des vocations de généralistes.

M. Vasselle a rappelé que les étudiants et les professionnels ignoraient largement les aides à l'installation dispensées par l'assurance maladie et les régions. Les agences régionales de la santé devront combler ce déficit d'information. Il faudra sans doute aller vers le guichet unique. (M. Vasselle, rapporteur, approuve)

Vous avez également été d'accord pour estimer que les professionnels de la santé devaient se concentrer sur leur activité de soins. M. About et Mme Dini ont dit tout l'intérêt qu'ils voyaient au partage des tâches et à la coopération entre les professionnels de la santé. J'y suis à tel point favorable qu'un amendement gouvernemental prévoit de confier aux infirmières certaines vaccinations. Je souhaite aller plus vite et plus loin mais il faut que les médecins cessent d'avoir certains a priori. J'espère que les réflexions de la Haute autorité de la santé feront avancer ces principaux chantiers. Nous devrons également dématérialiser les échanges entre l'assurance maladie et les professionnels et réduire le nombre de certificats que les patients demandent aux médecins.

Enfin, nous sommes tous d'accord pour dire que les maisons de santé ont un rôle important à jouer pour organiser l'offre de soins de premier recours. Mme Dini et M. Domeizel estiment que ces maisons amélioreront les conditions d'exercice de la médecine, faciliteront la formation continue et assureront la permanence et la continuité des soins. Les maisons de santé pourront développer des secrétariats communs et renforcer le partage des tâches entre professionnels. Comme M. Vasselle l'a fait remarquer, il faudra, pour financer ces maisons, une coordination étroite entre l'État, l'assurance maladie et les collectivités territoriales. Il n'est pas non plus interdit de songer à d'autres partenariats.

M. Collombat a rappelé que l'on ne pouvait, sur la question de la démographie médicale, faire l'économie d'une réflexion de fond : une fois que la puissance publique, c'est-à-dire le contribuable local et national ainsi que le cotisant à la sécurité sociale, aura financé, à grand renfort de subventions, des maisons médicales et des centres de santé, participé aux frais d'installation des médecins et payé leurs cotisations sociales, accepté l'augmentation de leurs rémunérations, réglé la prise en charge des maladies chroniques, pourrons-nous toujours parler de médecine libérale ? Les jeunes médecins pourront-ils encore revendiquer la totale liberté d'installation ? Certains médecins auront-ils encore le droit de refuser d'assumer les tâches les plus contraignantes, comme les gardes de nuit ? Ce faisant, ne serions-nous pas en train d'instaurer un service public étatisé ? Un principe irréfragable veut que qui paye commande. Il faut avoir le courage de poser ces questions. (Applaudissements à droite et à gauche)

Enfin, je veux dire à M. Othily que je connais la situation des professionnels de santé en Guyane où la densité médicale est deux à trois fois inférieure à celle de la métropole. J'ai reçu le rapport de l'IGAS et de l'IGF la semaine dernière et j'ai demandé à mes services de l'examiner. Je ne manquerai pas de vous informer des suites que j'entends lui réserver.

M. Fortassin m'a parlé des médecins étrangers qui ont du mal à exercer en France. Mais leur installation ne règlerait pas la question démographique car, eux aussi, ouvrent leurs cabinets dans les zones sur-denses ; sur 6 700, 3 700 exercent en Ile-de-France et 1 000 en Rhône-Alpes.

Nous avons eu sur tous ces sujets des débats extrêmement riches et denses : ces réflexions nourriront les états généraux de la santé qui se tiendront à partir de février et dont j'attends beaucoup. Les débats et l'action ne font que commencer ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président. - Nous en revenons à l'examen des articles.

Discussion des articles (Suite)

Article 8

Est approuvé le rapport figurant en annexe B à la présente loi décrivant, pour les quatre années à venir (2008-2011), les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes, ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

M. Bernard Cazeau. - Cet article revêt une importance toute particulière puisqu'il s'agit des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses pour les années 2008 à 2011. Vous nous demandez d'approuver l'annexe B du rapport fixant un cadrage sur les cinq prochaines années. Or, les scénarios, bas et haut, anticipent des exercices déficitaires. Il s'agirait donc de valider des politiques qui, chiffres à l'appui, reconnaissent leur échec : c'est stupéfiant !

En outre, comment nous demander d'adopter cet article quand, dans une économie mondialisée où les interdépendances sont de plus en plus sensibles, nous ne pouvons plus être sûrs de rien ? Ainsi, en un peu moins d'un an, le prix du pétrole a augmenté de 46 % et atteint presque les 100 dollars. Sans jouer les Cassandre, comment garantir que la situation au Kurdistan ou dans le Golfe persique ne se dégradera pas ? Comment affirmer que le prix du baril ne connaîtra pas une nouvelle envolée ? Or, de tels événements ont un impact direct sur notre économie, nos emplois, notre croissance et donc sur les recettes de la sécurité sociale.

Dès lors, vos hypothèses sont-elles irréalistes ou insincères ? En outre, il y a un peu moins d'un an, votre prédécesseur s'était engagé devant la Commission européenne à limiter la croissance des dépenses des organismes de sécurité sociale à moins de 1 %. Tout laisse à penser que cet engagement ne sera pas tenu : nous serons, au mieux, à 1,5 %.

Le ministre du budget disait à l'Assemblée : « Il n'y a pas de crise mais une situation difficile et nous sommes là pour l'affronter ». Soit, mais que nous proposent le Gouvernement et sa majorité si ce n'est de poursuivre le démantèlement de notre système de protection sociale ? Faut-il rappeler que le déficit cumulé sera aggravé d'une cinquantaine de milliards en 2012 et que la dette dont devront s'acquitter les générations à venir sera proche d'une centaine de milliards ? Nous en avons fait la démonstration hier soir lors de la discussion générale.

Ces chiffres prouvent une seule chose : notre pays a besoin d'une réforme structurelle capable de redresser les comptes de la sécurité sociale. Le Gouvernement nous dit que ce projet de loi comporte des mesures de fond et de structure. Mais quelles sont-elles ?

L'instauration de franchises ? Elles ne sont qu'un facteur d'injustice sociale supplémentaire que vous osez imposer aux malades, aux petits revenus et même aux accidentés du travail ! Qui plus est, elles sont destinées à financer le plan Alzheimer. Ainsi; le Gouvernement s'en tient à la logique d'augmentation des recettes avec la hausse de la C3S, la multiplication des déremboursements, l'élargissement de l'assiette de CSG et son augmentation pour les non-retraités. Non seulement les assurés sociaux sont très majoritairement mis à contribution, mais les effets comptables de ces dispositions vont peu à peu se dissiper et nous ne savons toujours pas ce que vous comptez faire pour que nos comptes ne dérapent pas davantage.

Visiblement, vous vous en remettez à un taux de croissance que vous espérez meilleur, mais que vous ne faites rien pour soutenir. Cette manière de procéder tranche avec votre empressement à accorder 15 milliards de cadeaux fiscaux à ceux qui en avaient le moins besoin. De même, rien n'est fait pour que les 32 milliards d'exonérations de cotisations sociales accordés cette année aient une contrepartie en maintien ou création d'emplois. Où est l'équité que vous vous plaisez à invoquer ?

Sur les retraites, nous aurons un rendez-vous décisif en 2008 et, depuis des mois, le Gouvernement et sa majorité nous expliquent que rien ne se fera si, par mesure d'équité, les salariés des services publics de transport ne cotisent pas comme les autres. Nous sommes favorables à une harmonisation, à une réelle équité, à une prise en compte de la pénibilité et des différences d'espérance de vie selon les catégories socioprofessionnelles. Ce n'est pas votre cas, puisque vous venez d'annoncer la retraite à 55 ans pour les avocats des tribunaux d'instance victimes de la réforme de la carte judiciaire ! Où est l'équité lorsqu'une mesure clientéliste suffit à faire taire la grogne, légitime et nationale, qui s'empare peu à peu de toutes les juridictions ?

Dans le domaine de l'assurance maladie, nous sommes entrés, depuis quelques années, dans l'ère des restrictions qui frappent sans distinction nos concitoyens comme les hôpitaux publics, lesquels, quand ils ne sont pas menacés de disparition, sont en proie à des déficits budgétaires quasi insurmontables. Or, le DMP, le médecin traitant, la T2A, que vous portez à 100 % cette année, devaient assurer l'équilibre de la branche en 2007 ! Nous sommes loin du compte et le manque de pilotage politique est évident. Si l'adoption d'une loi de santé publique est une nécessité, son suivi et sa mise en cohérence avec les évolutions de la société le sont tout autant. Ils exigent une gouvernance qui ne se limite pas à des considérations d'ordre comptable. Or, c'est votre politique depuis 2002 !

Comment pourrions-nous valider cette annexe B alors qu'elle acte dans les faits une aggravation du déficit budgétaire qui, en l'absence de réforme structurelle, se transformera en dette sociale, et donc en hausse de prélèvements ? Nous demandons la suppression de cet article qui n'a ni crédibilité sociale, ni crédibilité budgétaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

présidence de Mme Michèle André,vice-présidente

Mme Annie David. - Hier soir, la ministre nous a affirmé que ce PLFSS était bon puisque«nous assurons une progression de l'Ondam de 3,2 %, soit un taux supérieur à la progression de la richesse nationale. On peut sans doute en déplorer l'insuffisance mais, de là à parler de rationnement des soins... » Or, ce qui nous importe, c'est bel et bien la progression de l'Ondam 2008 par rapport à celui de 2007. Si celui-ci a été dépassé, ce n'est pas tant à cause d'une série d'épidémies comme vous l'avez dit à l'Assemblée nationale -sans jamais préciser, malgré l'instance de nos collègues, la nature de ces prétendues épidémies. Non, le dépassement de cet Ondam 2007 est dû à votre minoration des besoins, car votre gouvernement avait besoin de cet artifice comptable. Monsieur le ministre du budget, vu que, semble-t-il, c'est désormais votre ministère qui a la tutelle sur celui de la santé, vous auriez dû prévoir un Ondam plus important. Il ne s'agit pas, contrairement à ce que je vous entends déjà dire, d'ouvrir les vannes des dépenses de santé, mais simplement de répondre aux besoins de nos concitoyens. Les dépenses de santé ne sont pas de simples coûts, ce sont aussi des investissements. Pour les économistes Grossman, Lancester ou Becker, ces dépenses sont bénéfiques dans la mesure où elles se traduisent par du temps de travail gagné, alors que de trop faibles investissements dans ce domaine se traduisent immanquablement par la résurgence de maladies que l'on croyait oubliées alors que la maladie représente du temps de travail perdu, de la création de richesses en moins.

Votre Ondam 2008 augmente de 2,8 %, celui de 2007 augmentait de 2,6 par rapport au précédent. La différence de majoration n'est que de 0,2 %. Effectivement, votre Ondam est bien supérieur à la progression de la richesse nationale... Je me garderai d'ironiser mais reconnaissez que cette progression est facile dans le contexte économique actuel, dont vous être en partie responsable. Mais imaginons un instant que votre scénario haut se réalise : votre Ondam ne sera que très faiblement supérieur à la croissance. Avec un scénario haut irréaliste ou un scénario bas encore trop optimiste, de toute façon, votre Ondam est insuffisant. Le différentiel entre la progression de 2007 et celle de 2008 ne compensera pas l'augmentation du coût de la vie et tous vos discours n'y changeront rien.

Mme la présidente. - Amendement n°142 rectifié, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Bernard Cazeau. - Il est défendu.

Mme la présidente. - Amendement identique n°275, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

M. Guy Fischer.- Hier, ma collègue Annie David a dénoncé un budget insincère. Cet article en est l'illustration. Vos prévisions de recettes sont très insuffisantes et celles des dépenses ne pourront satisfaire les besoins, et cela, quel que soit le scénario choisi. Ce budget se fonde sur une croissance de 2,25 % qui ne tient pas compte des réalités internationales. En outre, le premier semestre de 2008 devant être consacré à la réflexion sur le financement de la protection sociale, des dispositions seront prises au second semestre, qui seront au coeur de la préparation de la loi de financement de 2009. Qu'il opte pour une TVA sociale, pour une augmentation de la CSG ou de la CRDS, de toute façon, le Gouvernement prépare une fiscalisation accrue de la protection sociale et il ouvrira la porte à l'assurance privée. L'Ondam 2008 est injustifié, nous demandons la suppression de cet article.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Certes, les résultats des années passées peuvent faire douter de la sincérité de ces prévisions. Mais le Gouvernement, en la personne de M. Woerth, a réalisé des progrès dans le contenu des annexes et dans la précision des simulations ; la commission des affaires sociales les a jugées assez réalistes, bien qu'un peu volontaristes. Avis défavorable à ces amendements de suppression. Lorsque Martine Aubry était ministre de la santé, en matière de sincérité et de réalisme, elle était bien plus loin du compte que l'actuel gouvernement.

M. Bernard Cazeau. - Les budgets étaient en équilibre !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Il est arrivé que l'Ondam réalisé soit triple que prévu ! Alors, battons tous notre coulpe...

M. Éric Woerth, ministre. - Avis défavorable, car, sous l'amicale pression de votre rapporteur, le Gouvernement a veillé à ce que cette annexe B ne soit pas un ensemble d'objectifs, mais un outil fiable que le Gouvernement met à disposition du Parlement. La difficulté de la situation n'y est pas masquée : les résultats de la branche vieillesse sont présentés sans projection de réforme, ce qui est la tendance actuelle, et nous y retrouvons un Ondam contraint avec deux scénarios. Évidemment, nous ne souhaitons pas ces mauvais résultats et nous devons aller plus loin dans les réformes structurelles.

M. Guy Fischer. - Reste que l'année 2008 ne sera pas neutre et que les résultats présentés risquent d'être invalidés dès 2009 avec la redéfinition du panier de soins et l'augmentation de la prise en charge laissée à l'assuré, des mesures que laissent présager les déclarations de M. Sarkozy. D'autant que la prévision de croissance de 2,25 % sur laquelle ont été construites cette loi de financement et la loi de finances a été nettement surévaluée.

L'amendement n°142 rectifié, identique à l'amendement n°275, n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté.

Article 9 A

I. - Après le premier alinéa des articles 46 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique de l'État, 65 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et 53 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le fonctionnaire détaché pour l'exercice d'un mandat parlementaire ne peut, pendant la durée de son mandat, acquérir de droits à pensions dans son régime d'origine. »

II. - Le dernier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement est supprimé.

III. - Le présent article entre en vigueur, pour les députés et les sénateurs, à compter, respectivement, du prochain renouvellement intégral de l'Assemblée nationale et du prochain renouvellement triennal du Sénat.

M. Claude Domeizel. - Cet article supprime la faculté laissée jusqu'à présent aux fonctionnaires détachés exerçant un mandat parlementaire de continuer à acquérir des droits à pension dans leur régime d'origine, en sus du régime de retraite des parlementaires. Il s'agit d'une forme de rachat des droits à pension. Cet article, introduit de manière précipitée à l'Assemblée nationale, ne vise qu'une catégorie d'élus, les parlementaires, et parmi eux, les seuls fonctionnaires détachés. Il aurait, en outre, mieux trouvé sa place dans une loi de finances.

Ce sujet complexe devrait être envisagé dans une réflexion plus globale sur le statut des élus et la retraite en tenant compte de la diversité des fonctions publiques électives et des régimes de retraite et, surtout, de la nécessité pour les élus d'exercer leur métier par nécessité de service ou pour garder la main. Cette réflexion pourrait aboutir dans les délais fixés par cet article : 1er octobre 2008 pour les sénateurs et 2012 pour les députés. Je suggère donc au président de la commission des affaires sociales de proposer une autre rédaction de cet article dont je ne conteste pas le bien-fondé mais qui me semble pour l'heure inéquitable.

M. Guy Fischer. - Pour parler clair, il s'agissait pour l'Assemblée nationale, dans le contexte de la réforme des régimes spéciaux et de la grève annoncée du 14 novembre, de montrer que les parlementaires...

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Fonctionnaires !

M. Nicolas About, président de la commission. - Et encore s'ils acquittaient la part patronale, et non la seule part salariale !

M. Guy Fischer. - ...sont prêts à faire un effort. Cette disposition sera sans aucun doute entérinée par le Bureau du Sénat dès le mois prochain. Nous aurions pu aller beaucoup plus loin dans le cadre d'une réflexion plus large sur notre régime spécial en étendant cette impossibilité de double cotisation à toutes les professions représentées dans cet hémicycle. De surcroît, cet article, adopté de manière précipitée, n'a pas fait l'objet d'une véritable discussion au sein des groupes.

Déjà en 2004, le Sénat avait modifié son régime de retraite en matière de durée de cotisation et établi une décote et une surcote dans le cadre de la réforme des régimes de retraite. Des cas célèbres avaient été alors détaillés dans les médias. Bref, il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet délicat.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Il faut bien montrer l'exemple et commencer par une profession !

M. Claude Domeizel. - Si le président de la commission des affaires sociales s'engage à mener une expertise sur cette question complexe, je m'engage à voter cet article dont, je le répète, je ne remets nullement en cause le bien-fondé. Dans le cas contraire, je ne le voterai pas.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - C'est un sujet important. Il ne faut toutefois pas limiter notre réflexion au cumul des retraites de parlementaire et de fonctionnaire, mais étudier le statut de l'ensemble des élus. Ainsi, faut-il permettre à des salariés de poursuivre leur activité sans cotiser pour leur retraite pendant qu'ils sont élus ? Je m'engage à ce que le groupe de travail approfondisse la question.

L'article 9A est adopté, le groupe CRC et M. Pozzo di Borgo s'abstenant.

L'article 9B est adopté.

L'amendement n°99 rectifié n'est pas défendu, non plus que les amendements identiques nos182 et 216.

L'article 9C est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente. - Amendement n°460, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales.

Avant l'article 9 D, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le IV de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« IV. - En cas d'écart positif constaté entre le produit des impôts et taxes affectés en application du II et le montant définitif de la perte de recettes résultant des allégements de cotisations sociales mentionnés au I, le montant correspondant à cet écart est affecté à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, selon des modalités fixées par arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale.

« En cas d'écart négatif constaté entre le produit des impôts et taxes affectés en application du II et le montant définitif de la perte de recettes résultant des allégements de cotisations sociales mentionnés au I, le montant correspondant à cet écart fait l'objet d'une régularisation par la plus prochaine loi de finances suivant la connaissance du montant définitif de la perte. »

II. - La perte de recettes pour l'État résultant, le cas échéant, des dispositions du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - En l'état actuel des dispositions du code de la sécurité sociale, aucun ajustement automatique n'est prévu dans le cas où le coût des exonérations de cotisations patronales excéderait le montant du panier de taxes affectées à la sécurité sociale pour compenser ces allégements. Le dispositif voté en ce sens, à l'initiative de la commission des affaires sociales, en loi de financement pour 2007, a été annulé dans le collectif budgétaire. Cet amendement vise à rétablir le texte adopté il y a un an et à pérenniser la mesure qui prévoyait qu'un excédent éventuel du panier serait reversé à la Cnam. Cela relève du bon sens : comment le Gouvernement et le Sénat pourraient-ils s'y opposer ? Si, évidemment, le Gouvernement alléguait des difficultés particulières, nous ne manquerions pas d'y regarder de plus près. Je suis donc tout ouïe...(Sourires)

M. Éric Woerth, ministre. - Je comprends la motivation de cet amendement, mais il propose de cadenasser là où il faut lisser. (Exclamations sur les bancs CRC) Qu'il s'agisse du budget de l'État ou de la sécurité sociale, c'est toujours la poche du contribuable qui finance et, comme vous savez, elle est tendue. Nous aurons l'occasion d'aborder ce sujet lors de l'examen de la loi de finances.

Sous la pression du rapporteur et de la commission des affaires sociales, nous avons montré beaucoup de bonne volonté pour améliorer la gestion et répondre à votre souhait que l'État compense à l'euro près les allégements consentis dans les textes législatifs. La règle de base est que ceux-ci font l'objet d'un panier de recettes fiscales réévalué lorsque l'écart entre les recettes et les dépenses, constaté par une commission indépendante, atteint 2 %. L'État doit régulariser la situation dans les deux ans.

Nous n'avons pas voulu attendre et l'écart constaté en 2007 a été comblé immédiatement. Cela devrait vous satisfaire, puisque l'État s'est engagé à compenser les insuffisances du panier fiscal à hauteur de 1 milliard d'euros en 2007 -ce n'est pas rien- et de 500 millions en 2008, que nous complèterons au besoin. Cette compensation touche au reliquat pour l'État des droits de consommation sur le tabac, pour 629 millions d'euros, de la taxe sur les salaires, pour 557 millions d'euros, et du droit de licence sur les débitants de tabac pour 300 millions d'euros.

Je souhaite que nous allions l'année prochaine vers une clarification totale des relations financières entre l'État et la sécurité sociale, et je vous demande, en attendant, de nous faire confiance en ce sens.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - M. Woerth étant un ancien collègue, puisqu'il a été député de l'Oise, je ne peux pas ne pas lui faire confiance a priori, d'autant plus qu'il n'a pas appliqué les dispositions que M. Copé avait fait adopter contre notre volonté en se laissant deux années pour régulariser le panier fiscal, auquel il manquait 500 millions d'euros en 2006.

Nous voulions aider le Gouvernement et instaurer un mécanisme de compensation vertueux. S'il n'en a pas besoin, j'accède à votre demande cette année, monsieur le ministre, mais nous ferons preuve de la plus grande fermeté lors de l'examen du projet de loi de financement pour 2009 si vous-même, ou votre successeur -mais il m'étonnerait qu'on remplace un homme de votre talent (sourires)- ne respectiez pas vos engagements. Nous maintiendrions alors ces dispositions.

L'amendement n°460 est retiré.

Article 9 D

La quatrième phrase du premier alinéa du III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complétée par les mots : «, et hors rémunération des temps de pause, d'habillage et de déshabillage versée en application d'une convention ou d'un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007 ».

Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales.

Supprimer cet article.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - En juillet 2007, à l'occasion de l'examen de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA), nous avons adopté, avec l'accord du Gouvernement, un amendement qui a fait disparaître les allégements sur les temps de pause. L'Assemblée nationale a voté une disposition qui tend à les rétablir, ce qui nécessitera d'augmenter la compensation au titre du panier fiscal sur le budget de l'État, soit 200 à 250 millions d'euros. L'article 9D ne prévoyant pas de compensation, nous proposons de le supprimer. Le Gouvernement et la commission des finances pourront-ils nous assurer que le budget de l'État compensera ces allégements, par le panier fiscal ou par une autre voie ?

Mme la présidente. - Amendement identique n°77, présenté par M. Jégou au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - M. Vasselle met la barre très haut, mais la commission des finances souhaite également supprimer cet article.

Nous sommes surpris que nos collègues de l'Assemblée nationale soient revenus sur cette disposition pour favoriser des entreprises disons très spécifiques. Le Gouvernement a donné un avis favorable à l'amendement présenté par Dominique Tian, en contradiction avec la position prise par Mme Christine Lagarde en juillet. Je n'ose pas croire que, connaissant l'aggravation des difficultés des finances publiques et après avoir défendu la compensation à l'euro près au sujet de l'amendement précédent, vous mettiez dans le commerce les 200 millions d'euros que coûte cette disposition. Le cas échéant, nous vous demanderons, lors de l'examen de la loi de finances, comment vous réussirez à trouver cette somme dans la conjoncture actuelle.

Mme la présidente. - Amendement n°209, présenté par Mme Dini et les membres du groupe UC-UDF.

I. - Dans l'article 9 D, remplacer les mots :

ou d'un accord collectif étendu

par les mots :

, d'un accord collectif étendu ou d'un accord d'entreprise

II. - Pour compenser la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de l'extension de l'assiette des allègements aux temps de pause, d'habillage et de déshabillage par voie d'accord d'entreprise est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.

Mme Muguette Dini. - Si les amendements précédents étaient adoptés, celui-ci deviendrait sans objet. Lors de la création de ces allégements par la loi Fillion de 2003, la base était le temps de travail rémunéré. La loi TEPA a fondé le calcul de la réduction sur le temps de travail effectif. Lors de l'examen de ce projet de loi de financement, l'Assemblée nationale a encore modifié le dispositif en intégrant dans l'assiette des allégements les temps de pause, d'habillage et de déshabillage rémunérés dès lors qu'ils ont fait l'objet d'une convention ou d'un accord de branche.

Le temps de pause serait pris en compte même quand cela ne résulte que d'un accord d'entreprise : il faut prendre en compte les efforts des entreprises et le dialogue social.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Nous avions voulu aider le Gouvernement, Mme Dini souhaite aller plus loin dans le dispositif. Qu'en pense le ministre ?

M. Éric Woerth, ministre. - Le dispositif voté cet été à l'Assemblée nationale est allé au-delà de ce que souhaitaient ses initiateurs et il alourdit le coût du travail. C'est pourquoi le Gouvernement, qui a donné un avis favorable à cet amendement dont le coût sera de 200 millions, souhaite le retrait des amendements de suppression. Il s'agit en effet d'alléger les charges afin de diminuer le coût de travail, partant d'agir pour l'emploi. L'État compensera ces 200 millions sur le panier de recettes fiscales de 27 milliards. Nous ferons le point au cas où ces recettes ne suffiraient pas. Rencontrons-nous à la fin du printemps pour faire le point sur les allégements de charges. Je vous présenterai un bilan, où figureront les 200 millions. Par conséquent, je souhaite également le retrait de l'amendement de Mme Dini qui étendrait le dispositif.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Vous avez évoqué les 27 milliards. M. Vasselle sera dans son rôle en insistant sur la compensation, je serai dans le mien en rappelant qu'une niche fiscale est une dépense sur l'efficacité de laquelle il faut s'interroger. Comment allez-vous compenser et n'allez-vous pas, en donnant 200 millions à des entreprises qui ne sont pas soumises à la concurrence internationale, pérenniser des trappes à bas salaires ? (Approbations sur les bancs CRC)

M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'erreur est humaine : lors de l'examen du TEPA, Mme Lagarde connaissait parfaitement les besoins de compensation : 400 millions d'un côté, 200 de l'autre pour les entreprises dont nous parlons. Savoir lesquelles sont visées ne m'incite nullement à recevoir votre argument mais, encore une fois, ce qui importe à la commission des affaires sociales, c'est la compensation. Le ministre nous donne rendez-vous au printemps prochain et la commission, qui sera vigilante à l'équilibre dans le cadre du projet de loi de financement de sécurité sociale, peut une deuxième fois retirer son amendement. (Protestations amusées sur les bancs CRC)

L'amendement n°1 est retiré.

M. Éric Woerth, ministre. - Nous n'allons pas refaire le débat sur les allégements de charges. Celles-ci limitent le coût du travail, notamment pour les bas salaires. Y revenir brutalement aurait des conséquences dramatiques et menacerait 800 000 emplois. On peut les contester mais elles ont une logique économique et sociale. Il n'est pas tout à fait exact que les entreprises concernées ne soient pas exposées à la compétition internationale puisqu'à côté de la distribution, on trouve des PME de la mécanique qui doivent l'affronter. J'aoute qu'il y a des conventions collectives anciennes et qu'on ne peut revenir brutalement sur tout cela au détour d'un amendement. Puisque vous avez retiré le vôtre, je ferai la lumière sur les relations entre l'État et la sécurité sociale et, si elle m'invite, je viendrai devant votre commission en juin pour voir où nous en serons.

M. Philippe Marini. - M. Vasselle se préoccupe à juste titre de ne pas dépasser un certain niveau de déséquilibre dans la loi de financement. La commission des finances a la même préoccupation pour le solde de l'État.

J'ai cru comprendre que les 200 millions en question sont d'ores et déjà compris dans la masse de 27 milliards financés dans le cadre de la loi de finances pour 2008. La clause de rendez-vous de 2008 doit permettre, en fonction de la conjoncture économique, de trouver des marges de manoeuvre de nature à résorber ce différentiel de 200 millions. C'est une somme importante en valeur absolue, mais qu'il faut relativiser par rapport aux 27 milliards...

Il ne faut pas alourdir le déficit de l'État. Les assurances du ministre doivent nous permettre de retirer l'amendement, mais la commission des finances sera très vigilante lors de l'examen du projet de loi de finances ! C'est lors de la revue générale des politiques publiques que l'efficacité du dispositif devra être appréciée. Dès lors que ces exonérations sont définitives, pourquoi ne pas les répercuter dans le barème des cotisations sociales ? Nous avons un problème global de maîtrise de cette masse au sein des dépenses publiques, le ministre des comptes le sait mieux que quiconque.

Comptez sur notre vigilance, monsieur le ministre : il y a entre nos deux commissions une saine émulation pour la maîtrise des finances publiques ! (Sourires)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Faut-il ou non pérenniser ces aides ? Notre rapporteur spécial Serge Dassault s'en inquiète. Il ne s'agit d'ailleurs pas de 27 milliards mais, une fois défalquées les heures supplémentaires, de 22,7 milliards. Pour 800 000 emplois, cela revient à 28 400 euros par emploi...

M. Éric Woerth, ministre. - C'est moins cher que les ZRR...

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Peut-être, mais cela fait néanmoins réfléchir. Certains emplois ne sont pas attaquables, dans la grande distribution ou la mécanique de précision, par exemple, mais cette question doit faire l'objet d'un rendez-vous.

Cela dit, en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, je retire l'amendement.

L'amendement n°77 est retiré.

Mme Muguette Dini. - Notre amendement visait à rétablir l'équité entre les entreprises, mais nous ne voulons pas augmenter le déficit.

L'amendement n°209 est retiré.

Mme Annie David. - Je partage le souci de l'équilibre des comptes de l'État mais a-t-on bien réfléchi à la réalité des temps de pause ? Lors des négociations sur les 35 heures, les temps de pause et d'habillage ont été décomptés du temps de travail effectif des salariés, or on exonère les entreprises sur la durée totale ! Je m'interroge sur cette volonté de donner toujours plus, toujours aux mêmes... J'ai participé, dans une vie antérieure, à différentes négociations sur les 35 heures : une semaine de 40 heures n'est pas comptée 40 heures, notamment pour la réduction du temps de travail. (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer. - Merci de nous apporter votre expérience.

L'article 9D est adopté.

Article 9 E

I. - Le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 7 ainsi rédigée :

« Section 7

« Contribution patronale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites

« Art. L. 137-13. - I. - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires, une contribution due par les employeurs :

« - sur les options consenties dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce ;

« - sur les actions attribuées dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du même code.

« En cas d'options de souscription ou d'achat d'actions, cette contribution s'applique, au choix de l'employeur, sur une assiette égale soit à la juste valeur des options telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 19 juillet 2002, sur l'application des normes comptables internationales soit à 25 % de la valeur des actions sur lesquelles portent ces options, à la date de décision d'attribution. Ce choix est exercé par l'employeur pour la durée de l'exercice pour l'ensemble des options de souscription ou d'achat d'actions qu'il attribue ; il est irrévocable durant cette période.

« II. - Le taux de cette contribution est fixé à 10 %. Elle est exigible le mois suivant la date de la décision d'attribution des options ou des actions visées au I.

« III. - Ces dispositions sont également applicables lorsque l'option est consentie ou l'attribution est effectuée, dans les mêmes conditions, par une société dont le siège est situé à l'étranger et qui est mère ou filiale de l'entreprise dans laquelle le bénéficiaire exerce son activité.

« IV. - Les articles L. 137-3 et L. 137-4 s'appliquent à la présente contribution. »

II. - Le chapitre VII du titre III du livre Ier du même code est complété par une section 8 ainsi rédigée :

« Section 8

« Contribution salariale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites

« Art. L. 137-14. - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires, une contribution salariale de 2,5 % assise sur le montant de l'avantage défini au I de l'article 80 bis du code général des impôts ainsi que celui de l'avantage défini au 6 bis de l'article 200 A du même code.

« Les articles L. 137-3 et L. 137-4 s'appliquent à la présente contribution. »

III. - Le I est applicable aux attributions consenties à compter du 16 octobre 2007.

IV. - Le II est applicable aux levées d'options réalisées et aux actions gratuites cédées à compter du 16 octobre 2007.

M. François Marc. - Faut-il taxer les stock-options pour alimenter le budget de la sécurité sociale ? C'est ce que suggère la Cour des comptes, qui souligne que les 9 milliards d'euros de stock-options versés aujourd'hui en France pourraient représenter une recette de 3 milliards.

Dans leur philosophie, les stock-options permettent aux entreprises de croissance, dites schumpetériennes, de rémunérer à terme des cadres de haut niveau et des chercheurs pour assurer un développement plus rapide. Mais le dispositif a été perverti, les stock-options étant désormais utilisées pour assurer un complément de rémunération dans toutes les entreprises, notamment celles du CAC 40. Un spécialiste note ainsi que ce dispositif permet à une poignée de privilégiés d'engranger en quelques années des fortunes colossales sans prendre aucun risque. Le scandale est au comble quand les bénéficiaires sont ceux dont les décisions ont entraîné la baisse des cours !

Nous avons déjà fait des propositions sur cette question. Il nous semble aujourd'hui opportun de chercher dans les stock-options des moyens supplémentaires. Nos amendements proposent d'exonérer les « gazelles » mais d'alourdir le prélèvement dans les sociétés de grande dimension où les stock-options sont utilisées comme complément de rémunération. Nous prévoyons une bonification quand il y a un plan d'épargne entreprise. Il s'agit d'adaptations essentielles pour donner un sens politique à cette mesure et répondre à une attente éthique de nos concitoyens. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Bricq. - Le Gouvernement s'en étant remis à la sagesse de l'Assemblée nationale, l'amendement de M. Yves Bur, devenu article 9E, instaure une double contribution, patronale et salariale, sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites. A l'initiative de M. Jégou, la commission des finances a adopté un amendement visant à supprimer la cotisation salariale. Le rapporteur de la loi de financement est pour sa part favorable à une flat tax pour alimenter le budget de la sécurité sociale. Pour éviter que ce débat reste interne à la majorité, nous proposons des amendements cohérents avec nos principes de justice sociale et d'efficacité économique. L'une ne va pas sans l'autre.

Depuis l'introduction des stock-options dans notre droit, au début des années 70, le monde a changé du tout au tout.

Les impératifs financiers l'ont emporté sur l'économie réelle et le dispositif a dérivé de telle sorte qu'on a vu régulièrement des dirigeants empocher des sommes sans commune mesure avec les résultats de leur entreprise, parfois au détriment des actionnaires et toujours à celui des salariés. On a pu à cet égard parler d'enrichissement sans cause, en tout cas sans risque, ce qui est un comble en économie de marché.

Le mécanisme, ainsi perverti, ne répond plus à ses objectifs premiers, attirer et fidéliser les cadres hautement qualifiés tout en favorisant la croissance des entreprises. Il a désolidarisé ceux qui en ont bénéficié de l'entreprise qu'ils étaient censés faire prospérer. Le cours de la bourse étant la mesure de cette prospérité, la porte a été ouverte à des communications trompeuses pour les marchés financiers. La distribution massive de stock-options, liée à l'ampleur de certaines capitalisations boursières, en a modifié la nature au point que certains en ont proposé la suppression pure et simple.

Une réforme idéale consisterait à plafonner le volume des distributions, à limiter les avantages fiscaux et sociaux et à renforcer la transparence. Avec un produit attendu de 400 millions d'euros, l'article 9E est loin du cumul des niches fiscales, loin aussi des préconisations de la Cour des comptes. M. Jégou conteste la qualité de « niche » de la contribution salariale -une ambiguïté subsiste en effet, qu'il conviendrait de clarifier ; reste qu'il est juste que le dispositif contribue au financement de la sécurité sociale, qu'il est économiquement efficace d'en exonérer les PME en croissance et qu'il est souhaitable d'envoyer un signal favorable à l'épargne collective, cette dernière suggestion ayant été défendue, puis abandonnée par Mme Lagarde.

On nous opposera les arguments habituels, la concurrence fiscale, la perte d'attractivité, l'alourdissement des prélèvements obligatoires. Mais de cette majorité qui n'a cessé de créer des niches fiscales et sociales, d'amputer les marges de manoeuvre de la puissance publique, d'aggraver les déficits sans jamais encourager l'investissement de long terme, de cette majorité nous n'attendons pas de leçons. Nous défendrons nos amendements avec ténacité. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cet article est mauvais pour cinq raisons. Sur le plan constitutionnel d'abord, j'aimerais qu'on m'expliquât les motifs d'intérêt général qui justifient qu'on déroge au principe d'égalité. La réalisation de plus-values liées aux stock-options ou aux actions gratuites est en tout point semblable économiquement, financièrement, juridiquement à la réalisation d'autres plus-values sur des valeurs mobilières quelconques. Il y aurait en outre une distorsion fiscale au sein de l'épargne salariale, après tant de signaux envoyés en faveur de celle-ci.

Sur un plan technique, on a tort de parler de contribution « salariale » dès lors que la plus-value d'acquisition, et a fortiori de cession, est de plus en plus souvent réalisée par des dirigeants non salariés de l'entreprise. Ensuite, le prélèvement par les URSSAF est incohérent avec le recouvrement par la DGl des 11 % de prélèvements sociaux. Enfin, la date d'entrée en vigueur au 16 octobre 2007 conduit à une taxation rétroactive des options distribuées.

Sur le plan fiscal, l'incohérence est manifeste ; les stock-options et actions gratuites font déjà l'objet d'une taxation à l'impôt sur le revenu, plus élevée que celle en vigueur chez nos partenaires, en particulier au Royaume-Uni. Pour le contribuable, la distinction entre fiscalité et prélèvements sociaux est indifférente, il peut être taxé à 53,5 % sur le gain d'acquisition, puis à nouveau sur la plus-value de cession. Cette sur-taxation de 2,5 % aurait clairement vocation à entrer dans le périmètre du bouclier fiscal -si l'article était voté, je déposerais un amendement en ce sens en deuxième partie du projet de loi de finances. Je relève enfin qu'on crée un nouveau prélèvement social sans ouverture de droit à prestations.

Quel sera d'autre part l'impact budgétaire réel de la création de la contribution patronale ? Ne conduira-t-elle pas les entreprises à ajuster à due concurrence le volume de distribution des stock-options et des actions gratuites afin de maintenir inchangé le coût global de leurs plans d'épargne salariale, ce qui limiterait d'autant l'intérêt budgétaire de la mesure ? Le rendement attendu, soit 400 millions, est à mes yeux considérablement surévalué. Je déplore qu'on veuille se rassurer à bon compte en se voilant la face sur les effets économiques collatéraux du dispositif.

On peut en effet en redouter l'impact négatif sur l'attractivité de la France et la localisation des sièges sociaux. Nous enverrions un signal contradictoire avec les propos de Mme Lagarde sur le sujet et la loi d'attractivité annoncée pour les semaines à venir. L'attractivité, cela signifie des revenus taxables et des richesses supplémentaires -c'est la fameuse dynamique de l'assiette. Les stock-options et actions gratuites représentent la rémunération de la compétence et de la performance, le moyen d'attirer des cadres et dirigeants de haut niveau (commentaires sarcastiques à gauche), de conforter le dynamisme et les exportations de nos entreprises, et donc l'emploi ; celui-ci ne se décrète pas, il ne se crée que si les entreprises ont des perspectives de croissance et de profit. Et la croissance ne vient que si les salariés sont motivés pour y contribuer.

De très nombreux pays n'assujettissent les plus-values sur options ou actions gratuites à aucun prélèvement social. Soit les stock-options bénéficient d'un régime spécifique qui les assimile à une plus-value et écarte de ce fait toute cotisation sociale -c'est le cas aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Irlande ; soit elles sont imposées dans les conditions de droit commun à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales, moyennant des plafonds de cotisations qui font qu'en pratique elles ne sont pas assujetties aux cotisations de sécurité sociale -63 000 euros de revenu annuel en Allemagne, 36 000 en Espagne, 87 000 en Italie. Je crains fort que ne se créent des structures de portage des contrats de travail des cadres dirigeants hors de France, ou des changements de résidence fiscale.

Dans un monde ouvert tel que le nôtre, il ne faut toucher à un tel dispositif que d'une main très tremblante. (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre et à droite)

Mme la présidente. - Amendement n°224, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

sur l'application des normes comptables internationales

supprimer la fin du quatrième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale.

Mme Nicole Bricq. - L'assiette proposée pour la contribution patronale est trop réduite pour abonder valablement le budget de la sécurité sociale. Je suis sur ce point d'accord avec le rapporteur général, le produit estimé ne correspond pas à la réalité. Notre amendement supprime donc la limitation introduite par l?Assemblée nationale et le choix offert à l'employeur de ses bases de cotisation. Il est lié au suivant, qui proposera une autre taxation. Nous entendons donner un contenu à l'article autre que cosmétique.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Il est apparu raisonnable à la commission d'en rester aux limites prévues par les députés. Je doute que l'amendement soulève l'enthousiasme de nos collègues des finances...

Je rappelle que nous avions suggéré l'an dernier une taxation, d'une ampleur très modeste par rapport à celle de l'article 9E, et que le Gouvernement s'y était opposé. (M. le rapporteur général confirme)

La commission des affaires sociales préfère les suggestions prudentes du rapporteur général, fondées sur la flat tax.

Mme Isabelle Debré. - À juste titre.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - La Cour des comptes a fait valoir que les niches sociales privaient la sécurité sociale de recettes annuelles comprises entre 30 et 35 milliards d'euros. Il faut donc examiner chaque niche, afin de conserver exclusivement celles qui ont une pertinence économique et sociale.

Certes, 400 millions d'euros peuvent sembler bien modestes face à des besoins annuels de 3 à 4 milliards, mais on ne peut aller plus loin au détour d'un amendement présenté sans évaluation. Mme Debré pourrait s'inquiéter des effets négatifs de nos décisions pour l'intéressement et la participation...

Il vaut mieux aujourd'hui conserver l'assiette.

M. Éric Woerth, ministre. - Évitons la stérilité d'une approche purement idéologique.

En matière de stock-options, nous avons encadré l'action des conseils d'administration, ce que, à gauche, vous n'aviez pas fait. Il s'agit là d'une modalité de rémunération très particulière, mais qui a son intérêt pour la compétitivité des entreprises. Puisque rémunération il y a, elle doit participer au financement de la protection sociale, selon des modalités compatibles avec la pérennité du support. En un premier temps, nous avons proposé une cotisation exclusivement patronale au taux de 10 %, qui est significatif mais n'empêche pas la distribution de stock-options. Il reste à valoriser l'assiette : je pense qu'il faut laisser les entreprises choisir entre l'application des standards internationaux et l'évaluation forfaitaire égale à 25 % du cours sous-jacent.

M. François Marc. - Pourquoi 25 % ?

M. Éric Woerth, ministre. - À l'Assemblée nationale, un amendement a proposé d'ajouter une cotisation salariale de 2,5 %. Ce taux ne compromettant pas le dispositif de stock-options, le Gouvernement s'en est remis à la sagesse des députés, qui ont voté cette disposition.

La Cour des comptes estime que la taxation pourrait rapporter 3 milliards d'euros.

M. Philippe Marini. - Ce faisant, elle sort de son rôle !

M. Éric Woerth, ministre. - Il est difficile de déterminer la bonne approche, mais nous tentons d'avoir une vision aussi équilibrée que possible.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Mon propos, qui sera bref, sera peut-être différent de ce que nous venons d'entendre, puisqu'étant membre de la commission des affaires sociales, je n'ai pas la compétence de mes collègues siégeant à la commission des finances. (Cette modestie est jugée excessive sur les bancs socialistes)

Nous demanderons un scrutin public sur cet amendement, qui mérite un bref rappel.

L'Assemblée nationale a introduit un article pour taxer les stock-options. Le Sénat n'a pas encore fait sa révolution, puisque le rapporteur pour avis de notre commission des finances propose d'atténuer la mesure, pourtant cosmétique, adoptée par les députés : que représentent 250 millions d'euros, sinon une goutte d'eau face à un déficit prévisionnel estimé avec optimisme à 8,5 milliards en 2008 ? Ils équivalent à une simple pièce jaune, donnée par les dirigeants d'entreprise, en comparaison avec les 80 milliards d'euros des dettes cumulées. Ce n'est même pas une recette de poche !

Les 250 millions qui vous alarment tant sont très inférieurs aux 850 millions que procureront les franchises médicales mises à la charge des malades. Nous ne partageons pas votre volonté de faire payer les malades pour épargner les dirigeants d'entreprise. Je vous rappelle le principe fondateur de la sécurité sociale, formulée par Pierre Laroque : chacun contribue selon ses moyens et en bénéficie selon ses besoins. Nul ne doit s'en dispenser. Or, d'exonérations en exonérations, nous nous éloignons chaque année de ce principe.

M. le rapporteur général s'inquiète du risque de fuite des cerveaux, mais ceux qui paieront les franchises ne risquent pas de partir : on peut les taxer ! Quelle disparité de traitement ! Les deux millions de travailleurs pauvres qui n'ont pas accès à la couverture complémentaire et qui se lèvent tous les matins pour faire tourner les usines qui réalisent des profits, paieront cinquante centimes sur les médicaments, ils payent déjà 1 euro par consultation, auquel s'ajouteront 18 euros sur les actes lourds et 2 euros sur les transports, outre le forfait hospitalier toujours croissant. Ils paieront plein pot mais les dirigeants d'entreprise ne peuvent fournir un effort de solidarité ! Pourtant, ceux qui sont à la tête du pays doivent donner l'exemple, le bon exemple.

Ceux qui subiront les franchises vont s'interroger sur cette différence de traitement. Il en ira de même pour les allocataires de l'AAH et les victimes de maladies ou d'accidents professionnels. Vous refusez qu'une taxation accrue des stock-options permette une véritable solidarité dans ce pays ! (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer. - Nous voterons l'amendement présenté par Mme Bricq, bien que, plus radicalement, nous souhaitions la suppression des stock-options.

On voit bien la ligne de partage qui divise notre assemblée. L'intervention du rapporteur général a donné le « la » : pas touche aux riches !

M. Philippe Marini. - C'est une interprétation libre.

M. Guy Fischer. - On pourrait faire la liste des dirigeants qui ont bénéficié de stock-options généreux bien qu'ils aient ruiné leurs entreprises. Il y aurait beaucoup à dire au sujet d'EADS ou de Moulinex.

Les franchises, dont nous discuterons plus tard, sont injustes, dangereuses et inefficaces. Aujourd'hui, la précarité explose en France comme dans tous les grands pays industrialisés, du Japon aux États-Unis en passant par la Russie, l'Allemagne et la Grande-Bretagne.

D'un côté, on nous apitoie sur le drame que vivent les riches ; de l'autre, on ignore les millions de travailleurs pauvres.

En France, on est en train de créer des millions de travailleurs pauvres dont la rémunération n'excède pas 1 000 euros ! Nous voterons donc cet amendement. (Applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Debré. - Ce débat devient totalement idéologique. (Exclamations à gauche) Je ne voterai pas cet amendement pour une raison simple : en tant que membre du Conseil supérieur de la participation, je regrette que nous n'ayons pas eu le temps de débattre de ces propositions de façon approfondie avec les partenaires sociaux qui y sont représentés, toutes tendances politiques confondues. Il faut laisser le temps au Conseil de travailler dans le calme et la sérénité afin d'aboutir à une solution qui puisse satisfaire tout le monde. (Applaudissements à droite)

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°224 est mis aux voix

par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 320
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 125
Contre 195

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°269 rectifié, présenté par MM. Murat, Paul Blanc et Mme Debré.

I. Compléter le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d'attribution gratuite d'actions, cette contribution s'applique, au choix de l'employeur, sur une assiette égale soit à la juste valeur des actions telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002, sur l'application des normes comptables internationales, soit à la valeur des actions à la date de la décision d'attribution par le conseil d'administration ou le directoire. Ce choix est exercé par l'employeur pour la durée de l'exercice pour l'ensemble des attributions gratuites d'actions. Il est irrévocable durant cette période. »

II. Modifier ainsi le II de cet article :

1° Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 137-14 du même code, les mots : «  de l'avantage défini au I de l'article 80 bis du code général des impôts ainsi que celui de l'avantage défini au 6 bis de l'article 200A du même code » sont remplacés par les mots : « des avantages définis aux 6 et 6 bis de l'article 200A du code général des impôts ».

2° Le second alinéa du texte proposé pour l'article L. 137-14 du même code est ainsi rédigé : « Cette contribution est établie, recouvrée et contrôlée dans les conditions et selon les modalités prévues au III de l'article L. 136-6.»

III. Au IV, les mots : « cédées » sont remplacés par les mots : « attribuées définitivement ».

Mme Isabelle Debré. - Les entreprises soumises aux normes IFRS peuvent choisir, pour définir l'assiette de la cotisation patronale sur les stocks-options, soit une assiette forfaitaire égale à 25 % de la valeur de l'action, soit la valeur précise qu'elles souscrivent dans leurs comptes en fonction des nouvelles normes comptables IFRS.

L'article voté à l'Assemblée nationale ne le permet pas. Nous proposons donc d'asseoir la contribution patronale sur le montant provisionné dans les comptes selon les normes IFRS non dans un but d'optimisation mais pour leur simplifier la vie parce que la fiscalité doit être assise sur les données comptables lorsqu'elles sont incontestables.

La nouvelle contribution sera recouvrée et contrôlée selon les mêmes règles qu'en matière de CSG sur les revenus du patrimoine afin d'éviter le doublonnement du mode de recouvrement actuel. Les services fiscaux se chargeront de mettre en recouvrement l'ensemble des contributions sociales assises sur ces revenus, avant de reverser les recettes aux organismes de sécurité sociale.

Il convient enfin de préciser l'assiette de la contribution à la charge des bénéficiaires des actions gratuites.

Mme la présidente. - Amendement n°406, présenté par MM. Juilhard et Carle.

I - A la fin de la première phrase du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, remplacer le pourcentage :

10 %

par le pourcentage :

5 %

II - Supprimer les II et IV.

M. Jean-Marc Juilhard. - Un taux de contribution trop élevé dissuaderait les entreprises d'avoir recours aux stock-options et n'apporterait, in fine, que peu de ressources à la sécurité sociale : 5 % suffisent.

M. François Marc. - Incroyable !

M. Jean-Marc Juilhard. - La fiscalité qui pèse sur les stock-options est déjà très lourde (M. Marc le conteste) puisque les levées d'options et les cessions d'actions gratuites sont assujetties à la CSG et à la CRDS qui se montent à 11 %.

Des prélèvements supérieurs à ceux pratiqués au Royaume-Uni, en Belgique ou aux États-Unis et identiques aux situations allemandes ou néerlandaises provoqueraient l'expatriation de nos cadres (exclamations sur les bancs socialistes) et empêcheraient les entreprises françaises d'embaucher des cadres étrangers de haut niveau.

C'est pourquoi il convient de supprimer cette contribution salariale.

Mme la présidente. - Amendement n°225, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, remplacer le pourcentage :

10 %

par le pourcentage :

28,2 %

Mme Nicole Bricq. - Puisque tout à l'heure le Sénat a refusé de modifier l'assiette, nous proposons de faire passer le taux de 10 % à 28,2 % qui correspond à l'addition des cotisations patronales relatives à la famille, à la maladie, au chômage et à la retraite.

Vous qualifiez notre position d'idéologique, mais j'attends de voir la discussion que nous allons avoir lors du projet de loi de finances à propos de l'article sur les dividendes, disposition ajoutée à la va vite, avec l'accord du Gouvernement, et qui permettra à ceux qui perçoivent 25 000 euros de dividendes de bénéficier de prélèvements très avantageux. Je ne sais pas si ce sera un débat idéologique, mais cela y ressemblera !

Mme Isabelle Debré. - Vous ne m'avez pas comprise !

Mme la présidente. - Amendement n°226, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale par une phrase ainsi rédigée :

« Cette contribution de 28,2 % n'est pas applicable lorsque les options de souscription ou d'achat d'actions, une fois levées, et les actions gratuites sont affectées à un plan d'épargne entreprise, les modalités de cette affectation seront définies par décret. »

M. François Marc. - Il s'agit de prévoir un système incitatif pour que le fruit des stock-options puisse être affecté aux plans d'épargne entreprise (PEE), formule d'épargne salariale collective -même si ce mot fait peur à certains- grâce à laquelle les salariés peuvent avec leur entreprise constituer un portefeuille mobilier pour financer leurs retraites. Ces plans, assujettis à une taxation de 11 %, sont bénéfiques pour les salariés puisque les entreprises les abondent et acquittent les frais de gestion. L'obligation de bloquer les fonds pendant cinq ans aide les salariés à prévoir leurs retraites et le fait que les entreprises financent en partie ces plans ne peut être que bénéfique à toutes les parties prenantes : les entreprises, mais aussi les bénéficiaires de stock-options et les caisses de la sécurité sociale qui percevront des cotisations plus importantes.

Cette mesure qui encouragerait la constitution de PEE augmenterait les ressources de la sécurité sociale.

Mme la présidente. - Amendement n°222, présenté par M. Pozzo di Borgo.

I. - Compléter le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, les attributions d'actions qui excluent les personnes mentionnées au II de l'article L. 225-197-1 du code de commerce, lorsque celles-ci ont un mandat social dans la société qui attribue les actions, sont exonérées de la contribution. »

II. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées par le relèvement à due concurrence du taux des contributions sociales visées aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Il s'agit d'exonérer de cotisations patronales les plans d'attribution d'actions gratuites bénéficiant à des salariés autres que les mandataires sociaux. Il ne faut en effet pas freiner le développement des mécanismes qui permettent d'associer les salariés au capital de leur société car il s'agit d'un outil très efficace de gouvernance d'entreprise autant que de démocratisation de l'actionnariat salarié. Ces mécanismes concernent aujourd'hui 150 000 salariés qui sont le fer de lance de notre économie et auxquels il ne faut pas faire payer les graves impérities de quelques-uns.

M. Adrien Gouteyron. - Forgeard !

M. Yves Pozzo di Borgo. - Pour ne pas le citer.

Une trop forte taxation des stock-options et actions gratuites pourrait être contreproductive. Les stock-options sont payées par les actionnaires. Sur la place de Paris, où 60 %des actionnaires sont étrangers, c'est un retour indirect des fonds de pension étrangers vers nos investissements et notre consommation. (Rires et protestations sur les bancs socialistes) Il ne s'agit pas de défendre les riches, il s'agit de défendre les richesses de la France ! (Mêmes mouvements) De plus, une taxation excessive, c'est l'émigration fiscale garantie. J'en ai assez de voir les jeunes s'exiler à Londres ! Et nous avons besoin de sièges sociaux à Paris! (Protestations sur les bancs socialistes)

M. Philippe Marini. - Exactement !

M. Yves Pozzo di Borgo. - Enfin, le manque d'attractivité de ces stock-options pourrait faire disparaître cette assiette de taxation. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme la présidente. - Amendement n°227, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Ces dispositions ne sont pas applicables aux entreprises éligibles au statut de PME de croissance telles que définies par l'article 220 decies du code général des impôts. »

M. François Marc. - Je veux d'abord dénoncer les contre-vérités ici proférées et qui tendent à faire croire que la taxation des stock-options est insupportable. C'est faux et tous les chiffres le démontrent.

Cet amendement, cohérent avec les précédents, vise à instituer une taxation correcte des stock-options, non par idéologie, mais dans un souci de développement des PME dites de croissance et répondant aux critères de l'article 220 decies du CGI.

Mme la présidente. - Amendement n°78, présenté par M. Jégou au nom de la commission des finances.

Supprimer les II et IV du présent article.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis.  - Cet amendement supprime la surtaxe salariale applicable aux stocks6options et aux actions gratuites, déjà soumises à un impôt sur le revenu de 40 %, auquel s'ajoutent 11 % de prélèvements sociaux. (Protestations à gauche) Le contribuable perçoit, lui, le poids fiscal global, et non le rapport relatif entre prélèvements au profit de l'État et prélèvements au profit de la sécurité sociale.

Sur le plan économique, il convient de se demander, à l'heure de la mobilité des talents et des compétences, quel impact aura la mesure sur l'attractivité de notre territoire. Sous un angle financier, le rendement de la mesure pourrait être surévalué, car les entreprises vont réduire la distribution de stock-options à proportion du surcoût fiscal.

Sur le plan juridique, le dispositif proposé réserve au sein des revenus du patrimoine, imposés aux prélèvements sociaux à hauteur de 11 %, un sort particulier aux stock-options et aux actions gratuites qui seraient taxées à 13,5 %. Quel motif d'intérêt général impose de déroger au principe d'égalité devant l'impôt, alors qu'une plus-value liée aux stock-options et aux actions gratuites est en tout point semblable, d'un point de vue économique et financier, à une plus-value sur une valeur mobilière ?

Enfin, la date d'entrée en vigueur de la mesure conduirait à une taxation rétroactive des options déjà distribuées par les entreprises.

La commission des finances doute de la pertinence d'une nouvelle taxation venant s'ajouter aux prélèvements existants qui sont, comme c'est normal, déjà très élevés. (Applaudissements à droite)

Mme la présidente. - Amendement n°228, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 137-14 du code de la sécurité sociale, remplacer le pourcentage :

2,5 %

par le pourcentage :

11 %

M. François Marc. - Le taux « cosmétique » de 2,5 % pour la cotisation salariale sur les options de souscription ou achat d'actions ne pourra contribuer à combler le déficit de la sécurité sociale. Aujourd'hui en France, les stock-options sont devenues de simples compléments de rémunération ; il n'y a donc aucune raison de ne pas leur appliquer le taux applicable à tout salaire.

Mme la présidente. - Amendement n°229, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 137-14 du code de la sécurité sociale, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions ne sont pas applicables aux entreprises éligibles au statut de PME de croissance telles que définies par l'article 220 decies du code général des impôts. »

M. François Marc. - A ces entreprises qui ont conservé aux stock-options leur but initial, on peut offrir une exception à la contribution salariale de 11 %.

Mme la présidente. - Amendement n°268 rectifié, présenté par MM. Murat, Paul Blanc et Mme Debré.

I. Au III de cet article, les mots : « Le I est applicable » sont remplacés par les mots : « Les dispositions du présent article sont applicables ».

II. Supprimer le IV de cet article.

Mme Isabelle Debré. - Madame Bricq, ce n'est pas votre amendement que j'ai qualifié d'idéologique, c'est le ton général du débat.

La contribution patronale ne pose aucun problème au regard de la rétroactivité puisque recouvrée au moment de l'attribution des options, elle ne concerne que les options attribuées à compter du 16 octobre 2007, date de passage du PLFSS en commission des affaires sociales de l'Assemblée, qui a adopté l'amendement créant cette contribution. En revanche, la contribution salariale recouvrée au moment de la levée de l'option portera sur des options attribuées avant le 16 octobre : elle est rétroactive. Pour l'éviter, cet amendement propose que seules les options et les actions gratuites attribuées à compter du 16 octobre 2007 donnent lieu à cotisation salariale.

Mme la présidente. - Amendement n°407, présenté par MM. Juilhard et Carle.

Rédiger comme suit le IV de cet article :

IV. - Le II est applicable aux levées d'options réalisées et aux actions gratuites cédées résultant des plans d'attribution établis à compter du 16 octobre 2007.

M. Jean-Marc Juilhard. - Cet amendement met fin à la rétroactivité de la contribution salariale et propose donc de ne l'appliquer qu'aux futurs plans d'attribution et non aux plans en cours.

La séance est suspendue à 19h 45.

présidence de Mme Michèle André,vice-présidente

La séance reprend à 21 h 45.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n°269 rectifié, si Mme Debré accepte de supprimer le 3°, par cohérence avec l'amendement n°268. (Mme Debré manifeste son accord)

Retrait, sinon rejet, de l'amendement n°406 qui réduirait le taux. Nos collègues socialistes, au contraire, veulent soumettre les stock-options aux cotisations de droit commun, c'est faire courir le risque d'en décourager la création, alors qu'on ne connaît pas encore l'effet de telles cotisations, mieux vaut la flat tax que je proposerai à l'article suivant : avis défavorable à l'amendement n°225. Même avis sur la « niche dans la niche » que nos collègues nous proposent pour les plans d'épargne d'entreprise avec l'amendement n°226.

M. Pozzo di Borgo veut exonérer les stock-options des salariés et taxer celles des seuls mandataires sociaux. Je partage partiellement l'analyse de Mme Bricq et de M. Marc : il serait plus équitable que les taux des cotisations progressent avec l'importance des plus-values, mais nous aurons le temps d'examiner le meilleur dispositif d'ici l'an prochain. Je souhaite donc le retrait de l'amendement n°222.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°227, qui propose un taux faible pour les PME ? Mieux vaut attendre, me semble-t-il, qu'instituer une nouvelle niche...

La commission des finances souhaite, plus radicalement, supprimer le taux de 2,5 %, peut-être voudra-t-elle bien se rallier à notre position, dès lors que le Gouvernement a accepté la non-rétroactivité, et retirer alors l'amendement n°78 ? Avis défavorable à l'amendement n°228, de même qu'à l'amendement n°229 : il s'agit là des cotisations salariales. Avis favorable à l'amendement n°268 rectifié, qui supprime la rétroactivité, en prévoyant que la mesure s'appliquera à partir du 16 octobre. Cet amendement devrait satisfaire les auteurs de l'amendement n°407.

M. Éric Woerth, ministre. - Cet article ne concerne ni l'intéressement ni la participation, mais les seules stock-options et les attributions gratuites d'action.

Avis favorable à l'amendement n°269 rectifié bis, tel que Mme Debré accepte de le rectifier.

Je ne puis retenir l'amendement n°406 : le taux de 10 % me semble équilibré, on ne doit pas faire moins...Ni plus, du reste, c'est pourquoi je suis défavorable au n°225.

M. François Marc. - Nous appliquons le droit commun !

M. Éric Woerth, ministre. - Mais nous ne nous trouvons pas ici dans un dispositif de droit commun.

Rejet du n°226, parce que les titres ne sont pas tout de suite disponibles. Le n°222 est intéressant, mais il pourrait en résulter un système à deux vitesses -les mandataires sociaux et les autres. Rejet ou retrait.

Le n°227 aussi est intéressant, mais trop compliqué. Les PME de croissance bénéficient déjà de réductions d'impôts, de mesures sociales privilégiées : rejet.

Sur le n°78, même avis que le rapporteur. Ce qui me gênait dans la disposition adoptée par l'Assemblée nationale, c'est sa rétroactivité. L'amendement de Mme Debré ne s'applique qu'aux stock-options distribuées après le 16 octobre 2007 et il concilie les diverses positions exprimées. Avis défavorable au n°228, au n°229 et, vous l'avez compris, favorable au n°268 rectifié.

Mme Isabelle Debré. - J'accepte de rectifier l'amendement n°269 rectifié et je remercie le ministre d'avoir précisé que l'article vise exclusivement les stock-options, non l'intéressement ni la participation. Laissons le Conseil supérieur de la participation se réunir pour réfléchir sur ces deux dernières questions, bien distinctes l'une de l'autre du reste.

L'amendement n°269 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°406 est retiré.

Les amendements n°225 et n°226 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°222 est retiré.

M. François Marc. - Nous avons retenu le taux de droit commun car les stock-options sont des compléments de rémunération pour des cadres et des mandataires sociaux qui perçoivent déjà des rémunérations élevées.

Je ne peux accepter l'argument selon lequel nous créons une niche fiscale ; nous doublons le prélèvement ! Je remercie le rapporteur de ses propos que j'ai considérés comme positifs : il faudra bien en venir à modifier la législation car les dérèglements se multiplient.

L'amendement n°227 n'est pas adopté.

L'amendement n°78 devient sans objet.

L'amendement n°228 n'est pas adopté, non plus que le n°229.

L'amendement n°268 rectifié est adopté ; l'amendement n°407 devient sans objet.

Mme Nicole Bricq. - Il reste à trouver des recettes solides pour la sécurité sociale... Je veux ici apporter un éclairage fort intéressant sur l'argument de l'attractivité, sans cesse brandi par la majorité. Deux ingénieurs des mines ont rédigé un mémoire sur la fuite des cerveaux ; il apparaît que seulement 4 % des diplômés de l'enseignement supérieur quittent la France, et que ce taux, le plus bas d'Europe, s'est stabilisé depuis les années quatre-vingt dix. Le « taux de mobilité internationale » est quatre à huit fois plus élevé chez nos voisins. Espérons que la majorité méditera ces informations...

Pourquoi dès lors favoriser un enrichissement sans cause ni risque ? C'est la cohésion sociale qui en souffre ; les salariés perdent confiance en leurs dirigeants. C'est dommage. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Cantegrit. - Je ne puis laisser passer de tels propos, moi qui représente les Français de l'étranger. Je rentre de Mexico où j'ai rencontré nombre de nos compatriotes. Il y a les polytechniciens et les centraliens qui travaillent dans la silicon valley, mais aussi les cuisiniers...

Mme Nicole Bricq. - Les boulangers, etc.

M. Jean-Pierre Cantegrit. - Je conteste vos statistiques.

Mme Nicole Bricq. - Ce ne sont pas les miennes.

M. Jean-Pierre Cantegrit. - Je voyage quatre mois dans l'année et la réalité est contraire à ce que vous dites.

M. François Marc. - Prouvez-le.

L'article 9 E, modifié, est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 9 E, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 9 ainsi rédigée :

« Section 9

« Contribution sur les revenus exonérés

« Art. L. 137-15. - Il est institué au profit des régimes obligatoires de sécurité sociale une contribution à la charge de l'employeur assise sur l'assiette exonérée de charges liée aux dispositifs d'association des salariés aux résultats de l'entreprise, à la protection sociale en entreprise, aux compléments de salaires affectés, aux indemnités de départ de l'entreprise, aux revenus des capitaux mobiliers et aux revenus fonciers, à l'exception des assiettes mentionnées aux articles L.137-12, L.137-13 et L.137-14.

« Le taux de cette contribution est fixé à 2 %.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de recouvrement de cette contribution. »

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Avec cet amendement, nous proposons d'instituer la fameuse flat tax sur les niches sociales qui, selon un récent rapport de la Cour des comptes, représentent 30 à 35 milliards de manque-à-gagner par an pour la sécurité sociale. Ce dispositif permettrait de récupérer une petite partie de cette somme pour équilibrer les comptes de la branche maladie. Dans l'attente d'une évaluation de l'impact économique de chaque niche sociale, la commission n'a pas jugé bon d'aller plus loin.

Ce dispositif, ajouté au produit de la taxation des stocks options et des actions gratuites, permettrait de trouver 800 000 euros de recettes supplémentaires pour la sécurité sociale, soit l'équivalent du montant attendu des franchises médicales. Pour rassurer les membres de la commission des finances et ceux qui se sont émus de la taxation des stocks options, j'ajoute que celles-ci ne seront pas taxées deux fois, puisqu'elles sont exclues de l'assiette de la taxe.

Cet amendement, que certains considéreront d'appel, a le mérite d'appeler l'attention du Gouvernement sur la question du financement. Pour alimenter demain le budget de la sécurité sociale, nous aurons besoin de recettes dynamiques, ce qui n'est pas le cas des franchises médicales qui représentent, à mon sens, une simple solution conjoncturelle ! (M. Nicolas About, président de la commission, approuve)

M. Éric Woerth, ministre. - L'idée est très intéressante, mais nécessite une étude approfondie car elle touche à de nombreux revenus extra-salariaux. Le Gouvernement a donc commandé un rapport qui permettra d'évaluer l'efficacité de chaque niche sociale -je rappelle que ces dispositifs visaient à créer de l'emploi. Il s'agit donc, non de rien faire, mais de regarder au cas par cas. Par ailleurs, un chapitre est consacré aux niches sociales et fiscales dans la revue générale des prélèvements obligatoires. Et le Gouvernement ne cherche pas à repousser la taxation des niches aux calendes grecques, puisque nous ferons des propositions dès le premier semestre 2008 sur la base de ces travaux. Au bénéfice de ces observations, je demande le retrait de cet amendement qui a fort utilement incité le Gouvernement à aller plus loin.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Chacun aura compris que le Gouvernement prie le Sénat de lui accorder davantage de temps, sans rejeter sa proposition. Pour la troisième fois, je vais donc courber l'échine... (Sourires)

M. Nicolas About, président de la commission.  - Il plie mais ne rompt pas ! (Rires)

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Le Gouvernement y gagne une année supplémentaire, mais qu'il se prépare à une nouvelle charge l'an prochain ! (On s'en amuse à gauche)

L'amendement n°2 est retiré.

Les amendements n°s235, 233, 140 et 234 ne sont pas soutenus.

Mme la présidente. - Amendement n°277, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les deux derniers alinéas de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale sont supprimés.

M. Guy Fischer. - Cet amendement vise à taxer les actions gratuites, dont l'attribution a été autorisée par la loi de finances pour 2005, qu'à l'instar de la Cour des comptes et de son Premier président, nous considérons comme des rémunérations déguisées. Comme le rappelle régulièrement le rapporteur, il faut établir un parallèle strict entre niches fiscales et niches sociales ! Avec cet amendement, nous réduirions les inégalités entre les revenus du capital et les revenus du travail, entre les milliers de salariés qui vivent péniblement et la poignée de ceux qui bénéficient de ces actions. Car tous veulent bénéficier des plus-values de la réussite de leurs entreprises !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Nous venons de débattre des actions gratuites... Vous proposez simplement de leur appliquer un taux différent, comme M. Marc dont l'amendement vient d'être rejeté. Avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre. - Même avis.

L'amendement n°277 n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°276, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 242-4 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Le taux de la cotisation est modulé pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale. Le ratio ainsi obtenu est affecté de coefficients fixés chaque année par décret. Ces coefficients sont fixés de telle manière que les comptes prévisionnels des organismes de sécurité sociale et de l'Unedic soient en équilibre.

« Un autre décret détermine les modalités selon lesquelles le rapport salaire/valeur ajoutée est pris en compte. Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, sont associés au contrôle de ce ratio. »

M. Guy Fischer. - On m'objectera que j'aborde une question déjà réglée, mais je tiens à cet amendement...

En raison des exonérations patronales, notre système de sécurité sociale repose à près de 60 % sur les cotisations sociales, sans compter que la CSG, n'a cessé d'augmenter et pourrait bientôt, si nous suivons M. Vasselle, prendre une ampleur inégalée.

Et si l'on suit M. Marini, demain, la TVA sociale fera reposer notre système de sécurité sociale entièrement sur les consommateurs, salariés et retraités. La semaine dernière, le président Arthuis s'est prononcé pour une exonération totale de cotisations patronales !

Cette fiscalisation est un vieux rêve de la droite, porté par M. Chirac et le Medef qui y voyaient la possibilité de réduire le coût du travail. M. le ministre nous dit que ces exonérations ont créé 800.000 emplois -preuve que ce sont des trappes à bas salaires ! Ce système est très dépendant des fluctuations boursières et il incite les entrepreneurs à licencier pour augmenter la valeur de leurs actions et économiser sur les salaires et, du coup, sur les cotisations sociales ! La rentabilité des grandes multinationales repose sur des plans de licenciement. Chez Moulinex, par exemple, c'était massacre à la tronçonneuse ! (Sourires) Et je viens de lire que l'on s'apprête à supprimer 7 à 800.000 emplois dans les télécoms au niveau européen.

Ce sont les contribuables français qui payent pour enrichir une poignée d'actionnaires et qui pâtissent du manque de recettes sociales ! Voilà le vrai scandale du chômage : ce sont les Français les plus modestes qui enrichissent une minorité !

J'entends déjà votre ritournelle : nous n'aimerions pas les entreprises. Cet amendement prouve le contraire. L'inversement du ratio travail-capital s'est traduit par des licenciements massifs. C'est parce que nous aimons les entreprises créatrices d'emploi et de valeur ajoutée que nous vous proposons d'asseoir les cotisations sociales sur le ratio emploi-valeur ajoutée. Les entreprises seraient incitées à embaucher et n'auraient aucun intérêt à licencier, l'employeur, par sa politique d'emploi, devenant lui-même maître de son destin.

Vous me direz que je suis en pleine utopie, mais il faut rêver, montrer que d'autres solutions existent !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - M. Fischer a anticipé l'avis de la commission. (Sourires) L'assiette que vous proposez est la plus volatile. Avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre. - Même avis.

L'amendement n°276 n'est pas adopté.

L'amendement n°232 n'est pas défendu.

Mme la présidente. - Amendement n°278, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Il est institué une contribution additionnelle aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement visés aux articles L.245-14 et L.245-15 du code de la sécurité sociale.

II. - Cette contribution est due au titre des capitaux mobiliers, des plus-values, gains en capital et profit visés au c) et e) de l'article L.136-6 du même code. Ces contributions sont exigibles dans les mêmes conditions que celles applicables aux prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 10 %.

M. Guy Fischer. - Il aura fallu un scandale mondial pour que nous abordions enfin la question de la taxation des stock-options. Cela avait même ému M. Sarkozy, qui déclarait : « Celui qui prend des stock-options sans raison, je ne l'accepte pas, c'est injuste ». Et M. Gallois, président d'EADS, de proposer d'en finir avec les stock-options... au bénéfice d'actions gratuites !

Les mois ont passé, l'engagement de M. Sarkozy de moraliser ces pratiques est tombé dans l'oubli. Nous examinons aujourd'hui pour la première fois une mesure visant à taxer les stock-options. Mais ce n'est ni le Grand Soir, ni la nuit du 4 Août : tout juste taxe-t-on ces revenus à 2,5 %, contre 7,5 % pour les préretraites.

M. Sarkozy a-t-il tenu ses promesses ? Hélas non : il aura fallu M. Bur pour que cet oubli freudien ou volontaire soit réparé, au détour d'un amendement. La taxation ainsi instituée ne devrait rapporter que 400 millions, alors que la Cour des Comptes estimait à 3 milliards la recette potentielle !

Ce taux de taxation serait presque risible s'il ne privait pas la protection sociale de revenus dont elle a grand besoin. Une taxation à 10 % moraliserait quelque peu l'attribution, très inégalitaire, de revenus indirects déguisés, et rapporterait environ 1,2 milliard. A moins de vouloir organiser la banqueroute de notre système, il n'y a pas lieu de refuser cette juste et raisonnable mesure.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - On a compris ! Même avis que pour le précédent amendement.

M. Éric Woerth, ministre. - Même avis.

L'amendement n°278 n'est pas adopté.

Article 9

I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 162-16-5-1, les mots : « à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « aux organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. » ;

2° La première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 162-17-2-1 est ainsi rédigée :

« La pénalité est recouvrée par les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. » ;

3° Dans la première phrase de l'antépénultième alinéa de l'article L. 162-17-4 et de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 162-17-7, après le mot : « par » sont insérés les mots : « les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désignés par le directeur de » ;

4° Le dernier alinéa de l'article L. 162-18 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les remises sont recouvrées par les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. » ;

5° Dans l'article L. 245-1, après les mots : « des travailleurs salariés » sont insérés les mots : « et de la Haute Autorité de santé » ;

6° L'article L. 245-2 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa du I, les mots : « du dernier exercice clos » sont remplacés par les mots : « du ou des exercices clos depuis la dernière échéance » ;

b) Le 1° du II est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'abattement forfaitaire est modulé, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, lorsque la durée du ou des exercices clos depuis la dernière échéance de la contribution est différente de douze mois ; »

c) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les entreprises appartenant à un groupe, les abattements mentionnés aux 2° et 3° sont reportés, lorsqu'ils sont supérieurs à l'assiette de la contribution, au bénéfice d'une ou plusieurs entreprises appartenant au même groupe selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. » ;

7° L'article L. 245-4  est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre », et les mots : « du dernier exercice clos » sont remplacés par les mots : « du ou des exercices clos depuis la dernière échéance » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant du chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa est modulé, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, lorsque la durée du ou des exercices clos depuis la dernière échéance de la contribution est différente de douze mois. » ;

8° L'article L. 245-5-2 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, les mots : « du dernier exercice clos » sont remplacés par les mots : « du ou des exercices clos depuis la dernière échéance » ;

b) Dans la dernière phrase du 1°, après le mot : « inscrits », sont insérés les mots : « aux titres Ier et III » ;

c) L'avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cet abattement est modulé, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, lorsque la durée du ou des exercices clos depuis la dernière échéance de la contribution est différente de douze mois. » ;

9° L'article L. 245-5-3 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre », et les mots : « du dernier exercice clos » sont remplacés par les mots : « du ou des exercices clos depuis la dernière échéance » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant du chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa est modulé, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, lorsque la durée du ou des exercices clos depuis la dernière échéance de la contribution est différente de douze mois. »

II. - Supprimé........................................................................

III. - Le taux de la contribution mentionnée à l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale due au titre du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année 2008 est fixé, à titre exceptionnel, à 1 %.

 III bis. - L'article L. 245-6-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.

IV. - Pour le calcul des contributions dues au titre de l'année 2008 en application de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, le taux de 1,4 % est substitué au taux K mentionné dans les tableaux figurant au même article.

V. - Les 1° à 4° du I entrent en vigueur le 1er juillet 2008.

Mme Raymonde Le Texier. - En matière de consommation de médicaments, la France est le pays le plus dépensier d'Europe, avec un budget moyen de 130 euros par an et par habitant. Cette facture pourrait être réduite grâce aux génériques. Or les Français privilégient des produits plus récents, donc plus chers, prescrits par les médecins. Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), les antihypertenseurs et les statines engendrent un différentiel de 1,5 milliard entre la France et l'Allemagne. Les Espagnols sont les premiers consommateurs d'IPP en volume, devant la France, mais recourent à 85 % aux génériques : le coût moyen n'est que de 9,5 euros par malade, contre 16,5 en France. Rien qu'avec ces médicaments, nous pourrions économiser 430 millions !

Les soins de ville ont dérapé de près de 3 milliards en 2007, dont 1,2 imputable au poste médicament. Selon la Cour des comptes et l'UFC-Que Choisir, une telle croissance est une aberration économique, d'autant qu'elle ne se traduit ni par un meilleur service pour le malade, ni par une amélioration de la prise en charge.

En effet, l'assurance maladie rembourse des médicaments de plus en plus chers, qui creusent le déficit sans apporter de réelles avancées thérapeutiques, quand ils ne sont pas moins efficaces que ceux qu'ils remplacent ! Selon la Haute autorité de santé, 80 à 85 % des nouveaux médicaments mis sur le marché n'apportent aucune innovation.

M. François Autain. - Très juste.

Mme Raymonde Le Texier. - La contribution de 1 % sur le chiffre d'affaire demandée aux laboratoires est ridicule au regard des bénéfices colossaux qu'ils réalisent sur le dos de la sécurité sociale.

On se sert des assurés sociaux comme variable d'ajustement, arguant de leur prétendue responsabilité dans la dérive des comptes pour justifier les efforts qui leurs sont demandés, tandis que les autres acteurs du système de santé rechignent à admettre leur responsabilité.

Le lobby des industries pharmaceutiques ne cesse de faire croire que la moindre taxe met en danger leur effort de recherche et les fragilise. Or elles sont les plus rentables, devant même les banques et les pétroliers. En 2006, Sanofi-Aventis a réalisé 7 milliards de bénéfices ; qu'en a-t-elle fait ? Ses actionnaires ont perçu 2,5 milliards, et 3 des 4,5 milliards restant ont servi non à augmenter les salaires ou à investir dans la recherche, mais à racheter ses propres actions pour faire grimper les cours !

M. Nicolas About, président de la commission.  - Pour protéger l'entreprise...

Mme Raymonde Le Texier. - ...qui ne dépense que 3 milliards pour la recherche ; encore les molécules qui sortent n'ont-elles de nouvelles que le nom et la présentation. Les patients souffrant de maladies orphelines ou les habitants du Sud victimes de parasites peuvent toujours attendre !

Le médicament n'est pas un produit comme les autres ; il faut exiger que son prix reflète avant tout son coût de production et que sa prise en charge dépende du service médical qu'il rend. La surconsommation actuelle est la conséquence de la promotion faite par les laboratoires, qui investissent 2 milliards dans la visite médicale. Comment s'étonner, dans ces conditions, de l'explosion des prescriptions de nouveaux médicaments ? Les organismes chargés de l'évaluation des produits de santé ont en outre largement recours à des experts externes, qui sont souvent employés par les fabricants de ces mêmes produits.

Une véritable politique du médicament, dont les prescripteurs et les laboratoires seraient parties prenantes, devrait permettre une maîtrise médicalisée ambitieuse. Le Gouvernement n'en prend pas le chemin.

Mme la présidente. - Veuillez conclure !

Mme Raymonde Le Texier. - L'effort devrait porter sur la diffusion des génériques, la fixation des prix, la maîtrise de l'information, le contrôle des prescripteurs, l'évaluation rigoureuse et transparente du service médical rendu, avant et après la mise sur le marché. Il est temps que l'assurance maladie assure les patients plutôt que les bénéfices des laboratoires. (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente. - Amendement n°280, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC.

Dans le III de cet article, supprimer les mots :

, à titre exceptionnel,

M. François Autain. - Nous revenons à la rédaction initiale du projet de loi. Dès lors qu'une disposition est renouvelée chaque année, pourquoi dire qu'elle est exceptionnelle ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Qu'en pense le Gouvernement ? Cette taxe à caractère exceptionnel tend à rentrer dans le droit commun... (M. Autain s'amuse)

M. Éric Woerth, ministre. - Conserver le caractère exceptionnel de la mesure permet de la moduler chaque année en fonction de la consommation de médicaments.

M. Nicolas About, président de la commission.  - Elle revient chaque année, donc elle est exceptionnelle...

M. François Autain. - Le Gouvernement renie-t-il son projet initial ?

M. Éric Woerth, ministre. - Il a été convaincu par les parlementaires...

L'amendement n°280 n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°279, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC.

Dans le III de cet article, remplacer le taux :

1 %

par le taux :

4 %

M. François Autain. - Je ne sais pourquoi cet amendement a échappé à la commission des finances. Il me donne en tout cas l'occasion d'interroger le Gouvernement sur la fiscalité du médicament. On ne compte pas moins de onze taxes différentes, dont le rendement est pour le moins incertain. Celle frappant les dépenses de promotion devait conduire à leur diminution ; il n'en a rien été. La Cour des comptes en a demandé l'évaluation pour savoir si son effet a bien été dissuasif. Le récent rapport de l'IGAS est très éclairant ; on y lit que les dépenses de promotion, loin de diminuer, ont progressé de 48 % entre 1999 et 2005, pour atteindre, cette dernière année, le montant incroyable de 3 milliards d'euros.

Il est urgent de s'interroger sur la pertinence de toutes ces taxes, de stabiliser, de simplifier. La Cour des comptes le recommande. Le Gouvernement y est-il prêt ?

Cela précisé, je retire l'amendement.

L'amendement n°279 est retiré.

Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales.

Compléter le III bis de cet article par les mots :

à compter du 1er janvier 2008

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Il n'est jamais bon que la fiscalité joue au yoyo. Le Gouvernement va mettre en place un nouveau dispositif, mais il faut éviter, en attendant, toute rupture dans l'aide fiscale à la recherche.

Mme la présidente. - Amendement n°78, présenté par M. Jégou au nom de la commission des finances.

Supprimer les II et IV du présent article.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Cet amendement est de même inspiration. L'instabilité fiscale est à bannir. Nous entendons maintenir l'abattement créé très récemment par la loi du 26 février 2007 en attendant la refonte annoncée par le Gouvernement du crédit d'impôt recherche.

Enfin, la nouvelle formule de crédit d'impôt recherche prendrait en compte les dépenses exposées à compter du 1er janvier 2008, mais au titre de 2007 ! Pour le moins, la lisibilité du dispositif laisse à désirer.

M. Éric Woerth, ministre. - Je commencerai par tenter de répondre à M. Autain. La contribution assise sur la promotion des médicaments rapportera 257 millions en 2007. Une charte est en cours d'élaboration pour mieux organiser la visite médicale. L'IGAS publiera prochainement un rapport sur ce sujet, car il reste sans doute beaucoup à faire.

J'en viens aux amendements n°s3 et 79.

Je sais que les nouvelles règles applicables en 2008 coûteront 50 millions à l'industrie pharmaceutique, mais cette contribution n'a rien de négligeable pour l'équilibre des comptes sociaux. Par ailleurs, le nouveau crédit d'impôt recherche, huit fois plus puissant que le précédent, bénéficiera d'abord à l'industrie pharmaceutique. Elle récupéra très vite les 50 millions versés en 2008 : le nouveau crédit d'impôt représentera 500 millions par an !

Certes, le régime adopté en 2007 connaît une certaine instabilité, mais je ne pense pas qu'il ait déjà influencé les programmes recherche.

Si les amendements n'étaient pas retirés, je leur serais catégoriquement défavorable.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Jusqu'ici, la discussion s'est bien déroulée. M. Vasselle et moi-même avons fait preuve de compréhension, mais là, je ne comprends plus.

En matière de crédibilité fiscale, nous sommes déjà la risée à l'étranger. Vous voulez nous faire voter n'importe quoi ! L'instabilité fiscale est dommageable aux entreprises installées en France.

M. Éric Woerth, ministre. - Elles récupéreront très vite cette dépense.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Mais nous ne sommes pas au casino ! Je maintiens l'amendement. (Exclamations amusées à gauche)

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Voilà une position ferme. (À gauche, on demande au rapporteur ce qu'il va faire) La commission des affaires sociales m'a mandaté pour défendre l'amendement. Certes, j'en ai retiré trois il y a quelques instants...

M. Bernard Cazeau. - La quatrième station du chemin de croix !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - La sagesse du Sénat lui fera prendre la décision la plus opportune (exclamations ironiques à gauche), après avoir mis en balance les motifs avancés par les commissions et l'argumentation de M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. - Monsieur Jégou, la discussion se déroule sereinement, même si nous ne sommes pas d'accord.

L'abattement porte sur les salaires des chercheurs, qui n'apparaissent ni ne disparaissent en fonction de la fiscalité. Si rien n'était prévu pour la suite, vous auriez raison, mais l'industrie pharmaceutique récupéra en un mois et demi, début 2009, les 50 millions versés en 2008.

Je crois à la sagesse du Sénat.

M. Nicolas About, président de la commission. - En retirant nos amendements par faiblesse, nous avons successivement privé le Gouvernement de 200 et 450 millions d'euros. La commission s'en remet à la sagesse de notre assemblée, mais elle estime qu'il ne faut pas amputer les recettes de 50 millions supplémentaires. À l'avenir, il faudra être plus ferme sur les recettes nouvelles.

M. François Autain. - Sur ce point, nous soutenons la position du Gouvernement, qui est la plus rationnelle. (Sourires à droite)

L'amendement n° 3 n'est pas adopté.

L'amendement n° 79 devient sans objet.

Mme la présidente. - Amendement n°281, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC.

Dans le IV de cet article, remplacer le taux :

1,4 %

par le taux :

1 %

M. François Autain. - Depuis trois ans, le taux K est resté fixé à 1 %. Il n'y a aucune raison de l'augmenter cette année, alors qu'il agit directement sur le chiffre d'affaires des laboratoires, la consommation de médicaments et les remises accordées, elles-mêmes reversées à la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - M. Autain pensait sans doute que l'amendement n°3 serait adopté, si bien qu'il voulait compenser l'exonération de 50 millions dont aurait alors bénéficié l'industrie pharmaceutique...

Avis défavorable, à moins que le groupe CRC ne suive à nouveau le Gouvernement... (Sourires)

M. Éric Woerth, ministre. - Avis défavorable car si le taux K est plus élevé cette année que par le passé, c'est qu'il a été calculé en fonction d'un Ondam plus maitrisé et plus réaliste. (M. Autain s'exclame)

M. François Autain. - Je ne vois pas où est la cohérence entre le taux K et l'évolution de l'Ondam. De 2005 à 2007, le taux K a été fixé à 1 % alors que l'Ondam est passé de 4 % à 3,1 % puis à nouveau à 4 %. Je ne vois donc pas de corrélation entre ces taux ; et puisque l'Ondam diminue cette année, il devrait en être de même pour le taux K. Il est donc paradoxal de le voir augmenter !

M. Éric Woerth, ministre. - Il n'y avait pas, ces dernières années, de connexion entre ces deux taux. Aujourd'hui, il en va différemment et c'est pourquoi je parle de cohérence.

L'amendement n°281 n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°258, présenté par MM. Leclerc, Dériot et Bizet.

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - Le II de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale est abrogé.

... - La perte de recettes pour l'État résultant du paragraphe ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.

M. Dominique Leclerc. - Vous avez fixé un K identique pour tous les médicaments et certains contestent le passage de 1 à 1,4 %. Pour ma part, c'est l'innovation en matière médicamenteuse qui m'intéresse. Le coût de la recherche fondamentale et appliquée est très élevé et si les médicaments innovants sont chers, c'est parce qu'ils concernent souvent des maladies lourdes. Dans quelques jours, on va annoncer une avancée extraordinaire en matière de lutte contre le VIH et ce sera grâce à la recherche française. Si le pronostic de nos concitoyens frappés par cette maladie est de plus en plus favorable, c'est que la recherche française est portée par le médicament. Et si certains d'entre nous se réjouissent de voir nos jeunes chercheurs à l'étranger, je préfèrerais, pour ma part, les garder en France.

D'autre part, il faut bien avoir conscience que la croissance des pays émergeants est due à la recherche et à l'innovation. Il n'y a plus que nous pour espérer des points de croissance supplémentaire grâce à la consommation. Il est vrai que le projet de loi de financement est annuel et qu'il faut assurer l'équilibre des comptes, mais en matière de recherche, il faut mener une politique sur le long terme.

Ramener en France un chercheur de renommée internationale coûte très cher, mais il assure la survie d'une industrie de pointe. Il faut donc que nos laboratoires disposent de marges importantes, pour leur survie, mais aussi pour le bien de nos concitoyens qui attendent de nouveaux médicaments. De grâce, monsieur le ministre, faisons attention à la recherche et à l'innovation qui sont les armes de demain ! (Applaudissements sur divers bancs à droite)

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Depuis 2005, la commission n'a pas changé de position, mais elle souhaite entendre le Gouvernement sur cet amendement dont le gage est plutôt surprenant.

Lors de nos auditions, nos interlocuteurs ont estimé qu'il fallait aider les laboratoires dans leur effort de recherche et d'innovation. C'est ce qui a motivé l'amendement de M. Jégou et le mien. Nous savons tous que l'effort en la matière doit être poursuivi afin de faire face à l'évolution des pathologies.

M. Éric Woerth, ministre. - L'avis est défavorable, non pas sur le fond, car nous sommes tous d'accord pour soutenir la recherche, mais parce que des clauses de sauvegardes s'appliquent déjà aux médicaments les plus innovants. Enfin, l'assurance maladie a besoin de ces 15 millions de recettes. Je souhaite donc le retrait de cet amendement d'autant que les objectifs que vous défendez sont déjà atteints.

M. Dominique Leclerc. - Vous l'aurez compris, l'innovation est un sujet qui me tient à coeur. Cela dit, je retire mon amendement.

L'amendement n°258 est retiré.

L'article 9, modifié, est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie, une contribution sur les boissons sucrées à l'exception des eaux minérales aromatisées et des jus de fruits.

Cette contribution s'applique sur le prix de vente hors taxe de ces produits. Son taux est de 1 %.

Un décret détermine les modalités de recouvrement de cette contribution.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Cet amendement a déjà fait couler beaucoup d'encre et de salive : il intrigue, il inquiète, il interpelle mais il tente d'atteindre deux objectifs. Il tente en effet d'attirer l'attention du Gouvernement sur le développement préoccupant de l'obésité dans notre pays. Dans la loi sur la santé publique, nous avions, Francis Giraud et moi-même, fait adopter une disposition contraignant les entreprises, lorsqu'elles diffusent un spot publicitaire, à avertir les consommateurs sur le risque d'obésité qu'une consommation abusive d'aliments sucrés peut entraîner. Le président de la Cnam a présenté, lors de son audition par la commission, un graphique préoccupant sur la progression exponentielle du diabète dans notre pays, ce qui pèse sur le budget de la sécurité sociale.

Mais les actions menées jusqu'à présent pour lutter contre l'obésité n'ont pas donné les résultats espérés. La représentation nationale et le Gouvernement ne doivent donc pas relâcher leurs efforts en matière de lutte contre l'obésité. Parmi les solutions possibles, celle que je vous propose n'est pas dénuée d'intérêt. Certes, lors du débat sur les prélèvements obligatoires, M. Marini a fait valoir que certaines taxes, comme la taxe sur le tabac ou la future taxe écologique, sont condamnées à détruire leur assiette si elles atteignent leurs objectifs. Ainsi, la taxe sur le tabac entraîne une réduction de la consommation si bien que la sécurité sociale voit cette recette fondre comme neige au soleil.

Cet amendement d'appel propose donc une solution sur le moyen terme mais en aucun cas sur le long terme. Il permettrait de couvrir des dépenses non compensées tout en attirant l'attention de nos concitoyens sur les dangers d'une alimentation trop sucrée. On nous rétorque qu'une telle taxation frapperait d'abord les ménages aux plus faibles revenus.

En effet, l'obésité touche d'abord les familles aux ressources modestes. C'est pourquoi nous proposons de ne taxer que des aliments non indispensables.

Mme la présidente. - Amendement n°122 rectifié, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est institué une contribution de 1 % sur le prix de vente hors taxe des aliments salés et sucrés, notamment ceux visés à l'article L. 2133-1 du code de la santé publique, dont la liste est établie par décret après avis de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Cet amendement n°122 a été rectifié pour tenir compte des remarques du président et du rapporteur de la commission. L'obésité progresse dans notre pays et aujourd'hui 1,5 million de nos jeunes en souffrent. Avec un taux de croissance annuelle de 5,7 %, elle pourrait bien être le fléau sanitaire du XXIe siècle. Comme le rappelle le rapport de notre collègue Gérard Dériot, rédigé fin 2005 au nom de l'OPEPS, aux facteurs biologiques ou génétiques se mêlent des déterminants socio-économiques et culturels, ce qui rend impossible une solution miracle unique. C'est pourquoi le plan nutrition santé mis en place depuis 2000 privilégie une approche pluridisciplinaire.

Il n'en reste pas moins que l'alimentation joue un rôle prépondérant dans l'obésité et c'est pourquoi il faut mettre en place une véritable politique nutritionnelle. La loi de santé publique d'août 2004 a permis plusieurs avancées : interdiction de distributeurs automatiques dans les établissements scolaires, taxation des premix, messages sanitaires dans les publicités. On peut aussi se féliciter de la prochaine entrée en vigueur de l'étiquetage nutritionnel des aliments : encore faut-il savoir lire ces étiquettes...

En Amérique du Nord, on a institué la fat tax, ou taxe nutritionnelle. C'est sur cette voie que l'amendement propose d'avancer. Je sais qu'elle fait débat, certains préférant par exemple subventionner les fruits et légumes, ce qu'interdit la législation européenne...

Reste qu'une telle taxe, d'un montant relativement faible, pourrait avoir un impact positif sur la santé et les comportements individuels. Il ne s'agit pas de taxer tous les aliments qui contiennent du sucre ou du sel  -que les amateurs de camembert et de hareng se rassurent-, ce serait impossible, mais bien de taxer les aliments les plus déséquilibrés nutritionnellement ; c'est pour cela que nous proposons de faire établir par l'AFSSA une liste précise des catégories d'aliments visés par cette taxe. La référence à l'article L 2231-1 du code de la santé publique qui précise les aliments dont la publicité est soumise à l'obligation de contenir un message d'information sanitaire permet déjà d'en cadrer le champ d'application. Je remercie le président About qui a inspiré cette rectification.

Il est un second amendement que j'aurais aimé pouvoir déposer mais qui n'a pas sa place dans un PLFSS puisqu'il concerne les publicités. Les produits nutritionnellement déséquilibrés sont surreprésentés dans les publicités télévisées à destination des enfants lors des programmes qui leur sont destinés. Il faut un encadrement législatif et réglementaire plus strict, allant notamment jusqu'à l'interdiction de certains messages publicitaires dans ces programmes. Ces publicités sont aussi davantage sonorisées que les émissions qu'elles interrompent, afin d'attirer l'attention des jeunes vers ces produits. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Vous auriez pu aussi applaudir le rapporteur ! (Applaudissements sur les mêmes bancs) L'assiette que vous proposez est beaucoup plus large que celle visée dans l'amendement de la commission. Mieux vaut tenir que courir et c'est pourquoi je vous suggère de retirer votre amendement au profit du mien.

M. Éric Woerth, ministre. - Le rapporteur l'a dit : son amendement est un amendement d'appel. C'est aussi davantage une question de santé publique qu'une question financière. Je ne sais pas si une nouvelle taxe serait opportune. Les jus de fruit sont bons pour la santé mais on y ajoute souvent trop de sucre. Quant au décret, il faudrait des années pour le rédiger. Et si l'on parle des boissons sucrées, il est difficile de ne pas évoquer les boissons alcoolisées..

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Elles sont déjà taxées !

M. Éric Woerth, ministre. - Je me propose de vous remettre à la fin du premier semestre de 2008, en liaison avec la ministre de la santé, un rapport sur le coût sanitaire des aliments trop gras, trop salés, trop sucrés, et d'étudier les modalités d'une telle taxe. Sur la base de cet engagement, je vous suggère le retrait.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - L'amendement socialiste va peut-être un peu loin mais nous pourrions voter celui de la commission, au moins pour permettre le débat en CMP. Pour les boissons sucrées, il y a une alternative : l'eau ! Pour une fois qu'une recette est justifiée par un problème de santé publique, ne la laissons pas échapper. Votons l'amendement 4 et discutons-en en CMP. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes)

Mme Nathalie Goulet. - La prévention est essentielle : on creuse sa tombe avec sa fourchette ! A lui seul, l'excès de sel dans l'alimentation -pardonnez-moi si je suis sensible au problème de l'hypertension- est responsable de 25.000 décès chaque année, beaucoup plus que les accidents de la route ! Nous disposons d'études précises sur le coût du diabète et le coût de l'excès de sel dans l'alimentation. En matière de santé publique, toute mesure coercitive est bonne à prendre. (Applaudissements sur certains bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous étions prêts à nous rallier à la position du ministre : nous pouvons attendre trois mois pour reparler de la question. Si la commission maintient son amendement, nous le voterons, mais nous maintiendrons également notre amendement d'appel. La proposition du ministre me satisfaisait davantage, en permettant une approche globale du problème. Il est vrai que la taxation n'est pas facile. L'action sur la publicité est un moyen efficace de lutte contre l'obésité des enfants, la France compte un million et demi de jeunes obèses ! J'approuve aussi ce qu'a dit Mme Goulet sur la prévention. N'attendons pas qu'il soit trop tard pour agir !

M. Éric Woerth, ministre. - Un amendement d'appel n'a pas vocation à être adopté. Celui-ci évoque des boissons « sucrées ou aromatisées », cela manque crûment de précision, malgré tout le respect -immense !- que je vous dois, monsieur le rapporteur ! (Sourires)

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Sagesse.

L'amendement n°4 est adopté et devient article additionnel.

L'amendement n°122 rectifié tombe.

Mme la présidente. - Amendement n°143, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

I. - L'article L. 162-18 est abrogé.

II. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 138-10, les mots : « soit un ajustement des prix, soit le versement d'une remise en application de l'article L. 162-18 » sont remplacés par les mots : « un ajustement des prix ».

III. - L'article L. 162-17-4 est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa (1°), il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° La baisse de prix applicable en cas de dépassement par l'entreprise des volumes de vente précités ».

2° Le troisième alinéa (2°) est ainsi rédigé :

« 2° le cas échéant, les remises prévues en application de l'article L. 162-16-5-1 ».

IV. - Dans l'article L. 162-37, les mots : « , L. 162-16 et L. 162-18 » sont remplacés par les mots : « et L. 162-16 ».

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Les remises du médicament accordées par les laboratoires, qui représentent un transfert caché de charges vers l'assurance maladie, ont quadruplé depuis 2002. Nous leur préférons la baisse des prix des médicaments, une régulation bien plus transparente.

Mme la présidente. - Amendement identique n°282, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC.

M. François Autain. - Il est défendu.

Les amendements identiques n°143 et 282, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

Article 9 bis

Il est institué une taxe de 0,22 % assise sur le chiffre d'affaires des fabricants de tabac tel que défini aux articles 575 et suivants du code général des impôts dont le produit est versé aux régimes obligatoires d'assurance maladie.

Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales.

Supprimer cet article.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'Assemblée nationale a cru bon d'instaurer cette taxe, qui paraît incompatible avec le droit communautaire et qui frapperait la seule entreprise Seita-Altadis, pour un produit escompté de 5 millions : nous supprimons l'article.

Mme la présidente. - Amendement identique n°80, présenté par M. Jégou au nom de la commission des finances.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Cet article est lacunaire, cette taxe serait inapplicable, le secteur du tabac est déjà bien taxé et encadré. Vous-même, monsieur le ministre, avez exprimé des réserves.

Les amendements identiques n°s5 et 80, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés, l'article 9 bis est supprimé.

Articles additionnels

Mme la présidente. - Amendement n°198, présenté par Mme Payet et les membres du groupe UC-UDF.

Après l'article 9 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L 3511-2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est interdite la vente de produits du tabac en distributeurs automatiques. »

Mme Muguette Dini. - Le décret du 15 mai 2007, qui interdit l'installation de distributeurs automatiques de tabacs, ne s'appliquant pas outre mer, nous proposons d'inscrire cette interdiction dans le code de la santé publique. A La Réunion, les détaillants de tabacs n'ont pas de monopole, de telles machines sont monnaie courante : cela ne va guère dans le sens de la santé publique !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Sagesse.

M. Éric Woerth, ministre. - Je comprends l'intention, mais nous sommes si loin du financement de la sécurité sociale qu'on risque la censure, mieux vaut insérer la disposition dans un autre texte en liaison avec la ministre de la santé.

M. Nicolas About, président de la commission. - Empêcher des enfants de consommer du tabac, c'est autant de charges en moins pour la sécurité sociale de demain, j'y vois un lien direct avec le PLFSS. Nous connaissons les combats de Mme Payet pour la santé publique, les femmes enceintes, soutenons celui-ci !

L'amendement n°198 est adopté et devient article additionnel.

Article 10

I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Dans le 1° du III de l'article L. 136-2, les mots : « et de préretraite » sont supprimés ;

2° Dans le 2° du II de l'article L. 136-8, les mots : «, les pensions d'invalidité et les allocations de préretraite » sont remplacés par les mots : « et les pensions d'invalidité ».

II. - Les dispositions du I sont applicables aux allocations ou avantages perçus par les salariés dont la préretraite ou la cessation anticipée d'activité a pris effet à compter du 11 octobre 2007.

III. - L'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Dans le I, les mots : « du Fonds de solidarité vieillesse mentionné à l'article L. 135-1 » sont remplacés par les mots : « de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés » ;

2° Le II est ainsi rédigé :

« II. - Le taux de cette contribution est fixé à 50 %. »

IV. - Le chapitre préliminaire du titre II du livre III du code du travail est complété par un article L. 320-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 320-4. - Tout employeur de personnel salarié ou assimilé est tenu d'adresser à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dont il relève, au plus tard le 31 janvier de chaque année, une déclaration indiquant le nombre de salariés partis en préretraite ou placés en cessation anticipée d'activité au cours de l'année civile précédente, leur âge et le montant de l'avantage qui leur est alloué.

« Le défaut de production, dans les délais prescrits, de cette déclaration entraîne une pénalité dont le montant est égal à trois cents fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 141-8. Cette pénalité est recouvrée par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dont relève l'employeur. Son produit est affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.

« Le modèle de déclaration est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de l'emploi.

« L'obligation de déclaration mentionnée au premier alinéa ne s'applique qu'aux employeurs dont au moins un salarié ou assimilé est parti en préretraite ou a été placé en cessation anticipée d'activité au cours de l'année civile précédente. »

V. - La sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est complétée par un article L. 1221-18 ainsi rédigé :

« Art. L. 1221-18. - Tout employeur de personnel salarié ou assimilé est tenu d'adresser à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dont il relève, au plus tard le 31 janvier de chaque année, une déclaration indiquant le nombre de salariés partis en préretraite ou placés en cessation anticipée d'activité au cours de l'année civile précédente, leur âge et le montant de l'avantage qui leur est alloué.

« Le défaut de production, dans les délais prescrits, de cette déclaration entraîne une pénalité dont le montant est égal à trois cents fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Cette pénalité est recouvrée par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dont relève l'employeur. Son produit est affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.

« Le modèle de déclaration est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de l'emploi.

« L'obligation de déclaration mentionnée au premier alinéa ne s'applique qu'aux employeurs dont au moins un salarié ou assimilé est parti en préretraite ou a été placé en cessation anticipée d'activité au cours de l'année civile précédente. »

VI. - Les III et IV de l'article 17 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites sont abrogés.

VII. - Les dispositions du V entrent en vigueur en même temps que celles de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative).

Les III, IV, V et VI sont applicables aux avantages versés à compter du 11 octobre 2007.

Par dérogation au précédent alinéa, la contribution sur les avantages versés aux anciens salariés qui bénéficiaient d'un avantage de préretraite ou de cessation anticipée d'activité antérieurement au 11 octobre 2007 demeure régie par le II de l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale et le III de l'article 17 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée dans leur rédaction en vigueur au 10 octobre 2007.

VIII. - Le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« Contribution sur les indemnités de mise à la retraite

« Art. L. 137-12. - Il est institué, à la charge de l'employeur et au profit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, une contribution sur les indemnités versées en cas de mise à la retraite d'un salarié à l'initiative de l'employeur.

« Le taux de cette contribution est fixé à 50 % ; toutefois, ce taux est limité à 25 % sur les indemnités versées du 11 octobre 2007 au 31 décembre 2008.

« Les articles L. 137-3 et L. 137-4 sont applicables à la présente contribution. »

IX. - Le VIII est applicable aux indemnités de mise à la retraite versées à compter du 11 octobre 2007.

X. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 9° de l'article L. 135-3 est abrogé ;

2° Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 241-3, après la référence : « L. 135-2 », sont insérés les mots : «, par les contributions prévues aux articles L. 137-10 et L. 137-12 ».

XI. - Le X du présent article est applicable à compter du 11 octobre 2007.

XII. - Les trois dernières phrases du deuxième alinéa et le troisième alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail sont supprimés.

Mme la présidente. - Amendement n°111, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le 1° du I de cet article.

M. Bernard Cazeau. - Nous supprimons la nouvelle taxation des petites préretraites au titre de la CSG. Les préretraites sont le plus souvent subies, ce sont les employeurs qui y ont massivement recours, pour baisser les coûts salariaux en modifiant la pyramide des âges des salariés, quand ce n'est pas pour procéder à des plans de licenciements boursiers. C'est souvent un véritable gâchis humain et professionnel d'obliger un salarié compétent, parce qu'il a 55 ans, à partir en retraite, d'autant que le nouveau retraité peut encore avoir des enfants à charge. Après avoir offert, via les allégements fiscaux, 15 milliards aux mieux lotis, le Gouvernement veut user de la contrainte pour l'emploi des seniors, il vaudrait mieux leur offrir des perspectives d'emploi, ou un départ progressif. Sa démarche est purement comptable et cet article une solution de facilité.

Cet article a été pris sans concertation aucune, nous voulons au moins éviter que les petites préretraites ne doivent acquitter la CSG !

Mme la présidente. - Amendement identique n°283, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Supprimer le deuxième alinéa (1°) du I de cet article.

M. Guy Fischer. - Nous protestons contre cette extension de la CSG aux préretraites modestes ! Le candidat Sarkozy voulait « libérer l'emploi des seniors », cette mesure montre ce qu'il en est ! Près de 400 000 salariés de plus de 50 ans ont perdu leur emploi, ils ont les plus grandes difficultés à retrouver un travail décemment rémunéré. Les CDD seniors ont été un échec cuisant : à peine une trentaine de contrats signés dans toute la France ! Les seniors subissent une forte pression salariale : on leur propose des rémunérations plus faibles du quart, voire du tiers.

Il est rare que les salariés demandent à bénéficier d'une mise à la retraite ; quand ils partent, c'est souvent parce qu'ils sont épuisés par le travail. Entre licenciement sec et préretraite, ils n'hésitent pas.

Quel que soit son âge, le salarié produit de la richesse et il est juste qu'il puisse prolonger son activité jusqu'à la date de sa retraite. Je vous mets en garde contre un contrat unique de travail à droits progressifs, qui créerait une réglementation du travail à deux vitesses, et qui inciterait les employeurs à se séparer de ceux qui ont acquis trop de droits. Pour l'heure, votre mesure phare n'apporte aucune solution au sous-emploi des seniors, ni aucune au financement de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Défavorable aux deux amendements.

M. Éric Woerth, ministre. - Même avis.

M. Bernard Cazeau. - Après des explications si complètes... (Rires)

Les sommes en jeu vous paraissent-elles si insignifiantes ? Peut-être faut-il attendre le débat sur les retraites. Mais je regrette votre rejet cassant...

M. Éric Woerth, ministre. - Le Gouvernement souhaite que les plus de 55 ans restent en activité et s'efforce d'éviter toute incitation à la préretraite.

L'amendement n°111 n'est pas adopté, non plus que le n°283.

Mme la présidente. - Amendement n°284, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Supprimer le troisième alinéa (2°) du I de cet article.

M. Guy Fischer. - Même logique... mais peut-être la sagesse finira-t-elle par progresser. Une mesure rétroactive -applicable dès le 11 octobre- n'est pas souhaitable, encore moins s'il s'agit de modifier un contrat. Il convient de limiter les effets pervers de votre mesure, qui impose aux préretraités les mêmes conditions de CSG qu'aux salariés.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Par coordination avec l'avis donné précédemment, défavorable.

M. Éric Woerth, ministre. - Même chose.

M. Bernard Cazeau. - On interdit les nouveaux départs en préretraite et on supprime leurs avantages aux personnes actuellement en préretraite et qui n'y peuvent mais ! C'est trop !

L'amendement n°284 n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°285, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Supprimer le II de cet article.

M. Guy Fischer. - Défendu !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Il s'agit de faciliter la mise en oeuvre des nouvelles dispositions. Défavorable en évitant que les entreprises ne se hâtent pour y échapper.

M. Éric Woerth, ministre. - Même avis.

L'amendement n°285 n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales.

Compléter le 1° du III de cet article par les mots :

et, après les mots, : « sous quelque forme que ce soit, à d'anciens salariés », sont insérés les mots : « et à des salariés »

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Souvent, les contrats de travail ne sont pas rompus mais suspendus...Il convient d'étendre la contribution.

Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales.

A. Compléter le III de cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

3° a. Le IV est ainsi rédigé :

« IV. - Les dispositions du présent article sont applicables aux contributions des employeurs mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 322-4 du code du travail et aux allocations et contributions des employeurs mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 352 - 3 du même code. »

b. A compter de l'entrée en vigueur du code du travail tel qu'il résulte de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, le IV est ainsi rédigé :

« IV. - Les dispositions du présent article sont applicables aux allocations et contributions des employeurs mentionnées aux articles L. 5123-5 et L. 5123-6 du code du travail. »

B. En conséquence, après le III de cet article, insérer un paragraphe III bis ainsi rédigé :

III bis - L'intitulé de la section 4 du chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé : « Contribution sur les avantages de préretraite »

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Deux formes de préretraite ont été oubliées, ne créons pas de niches...

M. Éric Woerth, ministre. - Il y a un malentendu à lever : lorsque le contrat est suspendu, la rémunération est taxée selon le droit commun. Evitons de surtaxer. Retrait du n°6. Quant au n°7 rectifié, il vise des cas en voie d'extinction : laissons faire le temps. Retrait également.

M. Alain Vasselle. - D'accord pour le n°6. Pour le n°7 rectifié, je ne voudrais pas que les entreprises puissent voir là des moyens de contourner la nouvelle réglementation. Les travailleurs qui restent chez eux, il ne faut pas l'oublier, bénéficient des allégements Fillon...Mais j'accède aux demandes du ministre.

Les amendements n°6 et n°7 rectifié sont retirés.

Mme la présidente. - Amendement n°8, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales.

I - Compléter le premier alinéa du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 320-4 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :

Cette déclaration indique également le nombre des bénéficiaires des mécanismes de départ volontaire en retraite du salarié et de mise à la retraite d'office à l'initiative de l'employeur intervenant dans les conditions de l'article L. 122-14-13 du code du travail.

II - En conséquence, compléter le premier alinéa du texte proposé par le V de cet article pour l'article L. 1221-18 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :

Cette déclaration indique également le nombre des bénéficiaires des mécanismes de départ volontaire en retraite du salarié et de mise à la retraite d'office à l'initiative de l'employeur intervenant dans les conditions des articles L. 1237-5 à L. 1237-10 du code du travail.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Il s'agit d'améliorer le suivi statistique.

Mme la présidente. - Sous-amendement n°455 à l'amendement n° 8 de M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales, présenté par le Gouvernement.

I. - Dans le second alinéa du I et le second alinéa du II de l'amendement n° 8, supprimer les mots :

des bénéficiaires des mécanismes de départ volontaire en retraite du salarié et

II. - Compléter ces deux alinéas par les mots :

et le nombre de salariés âgés de 60 ans et plus licenciés au cours de l'année civile précédant la déclaration.

M. Éric Woerth, ministre. - Nous partageons les préoccupations de la commission, donc avis favorable. Toutefois, pour ne pas alourdir les formalités des entreprises, nous proposons, par ce sous-amendement, de regrouper les informations relatives aux préretraites, aux mises à la retraite d'office et aux licenciements de salariés âgés de 60 ans et plus dans une seule déclaration. Il s'agit donc d'une mesure de simplification.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Favorable.

Le sous-amendement n° 455 est adopté.

L'amendement n°8, modifié, est adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales.

I - Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 320-4 du code du travail, remplacer les mots :

trois cents fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 141-8

par les mots :

six cents fois le taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance

II - Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le V de cet article pour l'article L. 1221-18 du code du travail, remplacer les mots :

trois cents fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12

par les mots :

six cents fois le taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Il s'agit d'augmenter les pénalités applicables aux employeurs qui ne respectent pas leur obligation de déclaration annuelle.

L'amendement n°9 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°286, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Supprimer le XII de cet article.

M. Guy Fischer. - Compte tenu du taux d'inactivité des seniors en France, cet article, qui met fin au régime fiscal particulier d'exonération des charges sociales dont bénéficient les préretraites et les mises à la retraite d'office, semble aller dans le bon sens. Mais, à y regarder de plus près, il suscite le doute. En contradiction avec ses beaux discours sur l'emploi des seniors, le Gouvernement annonce la suppression de la contribution Delalande le 1er janvier prochain, contribution pourtant destinée à sanctionner lourdement les employeurs qui licencient des salariés de plus de 50 ans. Par ailleurs, compte tenu des résultats du plan seniors de 2006 lancé par cette même majorité, je doute de l'efficacité de ce nouveau dispositif. Enfin, cette disposition contraignante sera détournée, malgré les verrous que M. Vasselle s'est employé à poser, comme l'a été la contribution Delalande. D'où cet amendement de suppression.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - La commission ne peut malheureusement retenir cet amendement et s'étonne que le groupe CRC défende le maintien d'un dispositif contre lequel il avait voté lors de sa création en 2007 ! (Rires à droite)

M. Éric Woerth, ministre. - Je m'en étonne également... Avis défavorable.

L'amendement n°286 n'est pas adopté.

L'amendement n°10 rectifié est devenu sans objet.

Mme la présidente. - Amendement n°11, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Dans la sous-section 6 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre III de la deuxième partie du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), il est inséré, après l'article L. 2323-57, un article L. 2323-57-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2323-57-1 - A partir du 31 décembre 2008, dans les entreprises soumises aux obligations prévues à l'article L. 2323-57, l'employeur présente chaque année au comité d'entreprise, ou, à défaut, aux délégués du personnel, un rapport écrit sur la situation des salariés âgés de plus de cinquante ans dans l'entreprise. Ce rapport comporte une analyse permettant d'apprécier la situation des salariés âgés en matière de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail et de rémunération effective. Il est établi sur la base d'indicateurs pertinents et de données chiffrées. Il décrit les actions mises en oeuvre par l'entreprise au cours de l'année écoulée en vue d'améliorer la situation des salariés âgés et de favoriser leur maintien dans l'emploi. Il fixe les objectifs pour l'année à venir, les actions qui seront menées à ce titre ainsi qu'une évaluation de leur coût. Les délégués syndicaux reçoivent communication du rapport dans les mêmes conditions que les membres du comité d'entreprise. »

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Nous proposons que les comités d'entreprise soient informés de la politique de l'employeur à l'égard des seniors et que soit établi un rapport annuel sur la situation des plus de 50 ans dans l'entreprise, sur le modèle du rapport sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes

M. Éric Woerth, ministre. - Nous comprenons la préoccupation de la commission. Mais cet amendement n'a pas sa place dans le projet de loi de financement. Vous prenez là un risque juridique...

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Nous ne sommes pas à un risque près ! (Sourires)

M. Guy Fischer. - Nos amendements témoignent de notre vive opposition à cet article 10. Nous parlons beaucoup d'injustice sociale. Or, avec l'instauration d'une CSG à 7,5 %, nous pénaliserons les salariés les plus modestes, usés par des conditions de travail difficiles. Un colloque sur ce sujet, organisé par la Caisse des dépôts et consignations à Bordeaux, mettait récemment en lumière les nouvelles formes de pénibilité, et notamment le stress.

En attendant les nouvelles discussions dont ce dispositif fera l'objet au premier semestre 2008, je propose un scrutin public pour que chacun puisse s'exprimer.

A la demande du groupe CRC, l'article 10, modifié, est mis aux voix

par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin n° 21 :

Nombre de votants 321
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 195
Contre 126

Le Sénat a adopté.

M. Dominique Leclerc. - Très bien.

Article 10 bis

Les deux dernières phrases de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile sont supprimées.

Mme la présidente. - Amendement n°144, présenté par M. Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Claude Domeizel. - Cet article, introduit à l'Assemblée nationale, prévoit que le personnel naviguant de cabine puisse partir à la retraite à 60 ans, contre 55 aujourd'hui. Il n'a donné lieu à aucune négociation avec le personnel. Le code de l'aviation civile prévoit que l'âge de départ est fixé par décret : pourquoi modifier celui-ci dans la loi, d'autant que la suppression des deux dernières phrases ferait tomber d'autres dispositifs ?

Les personnels de cabine atteignant l'âge de 55 ans ne peuvent plus voler mais peuvent occuper des postes au sol. Or, depuis quelque temps, les compagnies ne leur offrant plus ce type de postes, ils sont mis à la retraite d'office à 55 ans, mais ne partent pas avant 60 ans. Pendant cette période, ils sont au chômage mais perçoivent une retraite complémentaire. Cette question mérite un nouvel examen. Le ministre peut-il nous apporter des précisions sur le devenir de ces personnels ?

Mme la présidente. - Amendement identique n°287, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.

M. Guy Fischer. - Je me réjouis que le Gouvernement ait déposé le même amendement. Cette disposition particulièrement néfaste, introduite par le député Jacques Myard, supprime la clause couperet interdisant au personnel navigant commercial d'exercer une activité en cabine au-delà d'un certain âge fixé par décret, soit, en l'état de la réglementation, 55 ans.

La privatisation d'Air France a en effet sonné le glas du statut spécifique des salariés de l'ancienne entreprise publique. Ceux-ci peuvent cependant partir entre 50 et 55 ans, grâce à un dispositif particulier financé par la caisse de retraite des personnels navigants. Le Gouvernement jurait à l'époque que l'âge de départ à la retraite serait garanti, mais l'abandon du statut d'entreprise publique était déjà la porte ouverte à tous les reculs sociaux...

Nous sommes conscients du problème des agents qui subissent une période de chômage suite à refus de reclassement au sol. Pourtant, il est incompréhensible qu'une telle disposition soit adoptée dans le cadre du projet de loi de financement et sans la moindre concertation avec les organisations syndicales représentatives.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - C'est un alibi pour ne rien faire !

M. Guy Fischer. - Cet article est à mettre en parallèle avec la réforme de la caisse de retraite des personnels navigants, qui vise à porter la durée d'activité de vingt-cinq à trente annuités et à autoriser un départ à la retraite non plus à 50 mais à 55 ans. La majoration de pension de 25 % pour les salariés partant entre 50 et 60 ans devrait disparaître progressivement. Ainsi, les personnels navigants ne pourront plus partir à la retraite avant 60 ans s'ils veulent une retraite digne de ce nom.

Cette disposition est en parfaite cohérence avec la volonté du ministre du travail d'en finir avec les clauses couperets pour aboutir à un régime unique de retraite (M. Leclerc approuve), en niant les spécificités et la pénibilité de certains métiers. Nous sommes opposés à cette vision dogmatique et simpliste.

Pour le personnel navigant commercial, l'allongement de la durée d'activité pose des problèmes de sécurité. Après trente-cinq années d'activité, les personnels gardent-ils les mêmes réflexes ? Peuvent-ils procéder à l'évacuation d'un avion en quelques minutes ? La pénibilité de ces métiers est avérée : ces personnels travaillent dans un milieu artificiel, ayant des répercussions sur la santé, du fait des rythmes de travail irréguliers qui ont des incidences sur leur santé et leur vie familiale.

Nous préconisons donc un accès au régime général à 55 ans, avec le maintien de la majoration de pension entre 50 et 60 ans.

Cette réforme s'inscrit dans un contexte de libéralisation accrue du ciel. La multiplication de compagnies lows cost et la disparition des compagnies publiques conduit à une précarisation des salariés qui ont du mal à justifier de carrières linéaires. Il faut y remédier en créant une sécurité d'emploi et de formation tout au long de la vie.

Ne soulevons pas cette question alors que la négociation est en cours sur la caisse de retraite !

Mme la présidente. - Amendement identique n°462, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Éric Woerth, ministre. - L'Assemblée nationale a adopté ce dispositif sans la moindre concertation avec les personnels, qui sont partagés sur cette question. Si l'objectif est louable, les conditions ne sont pas réunies sur le plan social. Le Gouvernement propose donc la suppression de cet article.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - J'entends bien l'argument de l'absence de concertation, mais je ne peux voter un amendement qui est en totale contradiction avec toutes les dispositions de ce texte relatives aux préretraites. Je vois là un peu d'incohérence.

Le raisonnement convaincu de M. Fischer peut aisément être retourné. Et plusieurs syndicats de pilotes souhaitent pouvoir piloter jusqu'à 60 ans -comme cela se fait dans d'autres pays d'Europe, aux yeux desquels la France doit paraître bien baroque.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'amendement rédigeant cet article a été adopté à l'Assemblée nationale avec le soutien des groupes socialiste et communiste et de quelques membres du groupe UMP ; la situation s'inverse ici.

M. Domeizel n'a sans doute pas tort en affirmant que cette disposition est d'ordre règlementaire ; mais il faudra bien recourir à la loi pour faire disparaître les mises à la retraite d'office, dans le régime de base comme dans les régimes spéciaux. Le Gouvernement souhaite une concertation en amont, soit, pourvu qu'il n'abandonne pas son objectif. Il est des agents auxquels manquent quelques trimestres pour pouvoir percevoir une pension à taux plein, qu'on empêche de les obtenir en les mettant d'office à la retraite ; un tel couperet, monsieur Fischer, n'a rien de social !

Le Président de la République, le Gouvernement souhaitent la mise en place d'un dispositif permettant la prolongation de l'activité ; M. Bertrand a dit lui-même que la prolongation était une composante incontournable de la réforme, et qu'il n'entendait pas céder sur ce point. Des négociations sont engagées, laissons-les se dérouler.

Ce n'est pas de gaîté de coeur que la commission laisse au Sénat le soin d'exprimer sa sagesse.

M. Dominique Leclerc. - Je sais bien qu'en politique, on n'est pas à une contradiction près, mais tout de même ; l'amendement voté à l'Assemblée nationale allait dans le bon sens. Nous ne cessons de dénoncer les retraites couperet, le faible taux d'emploi des séniors, l'attitude du patronat qui préfère s'en remettre à la solidarité nationale plutôt que de reclasser les salariés en interne. Air France est une minuscule entreprise, elle n'en peut mais... Et on met des salariés à la retraite d'office, sans atteindre le taux plein, ils perçoivent leur retraite complémentaire... et ils vont à l'ANPE. Nous sommes en pleine schizophrénie !

Le dernier argument employé est le plus beau, qui a beaucoup servi : il n'y aurait pas eu concertation. L'an dernier, nous avons affronté la colère des audioprothésistes parce qu'on avait bouleversé leur métier sans les prévenir. C'est un errement quotidien et aujourd'hui on vient en tirer prétexte. Fidèle à mes convictions, à celles de la majorité, je ne peux voter la suppression. (M. le rapporteur pour avis applaudit)

M. Éric Woerth, ministre. - Je vous demande d'autant moins d'abandonner vos convictions que je les partage. Le Gouvernement souhaite que ceux qui veulent travailler plus longtemps le puissent. Mais l'amendement est venu brutalement à l'Assemblée nationale, sans la moindre concertation au sein de l'entreprise. Il faut laisser le temps au nécessaire dialogue social de s'engager. Aller trop vite nous conduirait au blocage. Ne soyons pas trop dogmatiques.

M. Claude Domeizel. - La situation des salariés mis à la retraite d'office peut être très désagréable psychologiquement. Mais nous parlons ici d'un métier véritablement pénible. Nous demandons la suppression, d'abord parce qu'il n'y a pas eu concertation, ensuite parce qu'il suffit de modifier le décret. Nous la voterons, quel qu'en soit l'initiateur.

M. Guy Fischer. - Sur un sujet aussi important, j'estime en mon âme et conscience qu'il doit y avoir négociation. Je me réjouis de la position du Gouvernement.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Vous allez priver les navigants d'une retraite à taux plein !

Les amendements identiques 144, 287 et 462 sont mis aux voix par scrutin public à la demande du groupe CRC.

Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin.

Nombre de votants320

Suffrages exprimés320

Majorité absolue161

Pour310

Contre 10

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 10 est supprimé.

Article 11

I. - L'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Dans le a et la première phrase du cinquième alinéa du II, les mots : « aux dispositions des III, IV et V » sont remplacés par les mots : « au III » ;

2° Le III est ainsi rédigé :

« III. - L'assiette forfaitaire provisoire prévue au a du II est égale à six cents fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l'année au titre de laquelle la contribution est due. » ;

3° Les IV et V sont abrogés ;

4° Le quatrième alinéa du VII est ainsi rédigé :

« Pour les personnes redevables de la cotisation de solidarité définie à l'article L. 731-23 du code rural, lorsque les revenus professionnels ne sont pas connus, la contribution est calculée sur une assiette forfaitaire provisoire égale à cent fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l'année au titre de laquelle la contribution est due. » ;

5° Le sixième alinéa du VII est supprimé.

II. - Le II de l'article L. 136-5 du même code est ainsi rédigé :

« II. - La contribution due sur les revenus des personnes assujetties au régime de la sécurité sociale des salariés des professions agricoles est directement recouvrée et contrôlée par les caisses de mutualité sociale agricole, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations dues au régime de la sécurité sociale des salariés des professions agricoles.

« La contribution due sur les revenus des personnes assujetties au régime de la sécurité sociale des non-salariés des professions agricoles ainsi que la contribution due sur les revenus des personnes redevables de la cotisation de solidarité visée à l'article L. 731-23 du code rural sont directement recouvrées et contrôlées par les caisses de mutualité sociale agricole, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations d'assurance maladie, maternité et invalidité dues au régime de la sécurité sociale des non-salariés des professions agricoles. »

III. - L'article L. 741-27 du code rural est ainsi modifié :

1° Les I, II, III et IV deviennent respectivement les II, III, IV et V et il est rétabli un I ainsi rédigé :

« I. - Les dispositions du II de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale sont applicables aux cotisations patronales d'assurances sociales et d'allocations familiales dues pour l'emploi d'accueillants familiaux mentionnés à l'article L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles par les groupements professionnels agricoles mentionnés au 6° de l'article L. 722-20 du présent code qui ont passé un contrat conforme aux articles L. 442-1 et L. 444-3 du code de l'action sociale et des familles. » ;

2° Dans le III, la référence : « I » est remplacée par la référence : « II ». 

Mme la présidente. - Amendement n°247, présenté par MM. César et Mortemousque.

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - A l'article L. 751-17 du code rural, après la référence : « L. 241-13 » sont insérés le mot et la référence : « et L. 241-18 ».

Les dispositions du présent paragraphe s'appliquent à compter du 1er octobre 2007.

... - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du paragraphe ci-dessus est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Gérard César. - Rapporteur de la loi d'orientation agricole, je défendais les agriculteurs mais aussi les salariés agricoles et je suis très heureux d'achever cette séance avec cet amendement, qui rend le code rural cohérent avec la loi du 21 août 2007en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. Il complète les renvois dans le code rural à la branche accidents du travail concernant la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires réalisées par les salariés agricoles.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Lorsque j'ai rapporté le projet devenu loi du 21 août 1007, Mme Lagarde a précisé que ce dispositif s'appliquait de plein droit aux agriculteurs et aux salariés agricoles. Qu'en pense aujourd'hui le Gouvernement?

M. Éric Woerth, ministre. - Il est favorable à l'amendement.

L'amendement n°247 est adopté.

L'article 11, modifié, est adopté.

L'article 11 bis est adopté.

Prochaine séance, aujourd'hui mercredi 14 novembre à 15 heures.

La séance est levée à 1 h 5.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 14 novembre 2007

Séance publique

A QUINZE HEURES ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi (n° 67, 2007-2008) de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Rapport (n° 72, 2007-2008) de MM. Alain Vasselle, André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales.

Avis (n° 73, 2007-2008) de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

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