- Mercredi 5 juillet 2023
- Audition de M. Sylvain Waserman, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe)
- Vote et dépouillement sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Sylvain Waserman, aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe)
- Consigne pour réemploi et recyclage sur les emballages - Examen du rapport d'information
- « ANCT : quel bilan après plus de trois ans ?» - Audition de Mme Dominique Faure, ministre déléguée, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mercredi 5 juillet 2023
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 9 h 35.
Audition de M. Sylvain Waserman, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe)
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous recevons ce matin M. Sylvain Waserman, candidat proposé par le Président de la République pour occuper les fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), en application de l'article 13 de la Constitution.
Comme vous le savez, cette nomination ne peut intervenir qu'après l'audition de la personne pressentie devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, laquelle est suivie d'un vote.
Cette audition est publique, ouverte à la presse et retransmise sur le site du Sénat. À son issue, nous procéderons au vote à bulletin secret. Je rappelle qu'il ne peut y avoir de délégation de vote et que le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat.
À cet égard, monsieur Waserman, je précise que l'Assemblée nationale a déjà procédé à votre audition la semaine passée.
Je vais sans attendre laisser la parole à notre rapporteure, Marta de Cidrac, qui conduira votre audition. Vous pourrez ensuite nous présenter votre candidature et nous faire part de vos motivations, avant de répondre aux questions de nos collègues sénateurs.
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - Monsieur Waserman, nous sommes réunis ce matin pour examiner les forces et les faiblesses de votre candidature, avec toute la rigueur requise par un tel exercice, mais sans a priori.
Commençons par votre vision de la transition écologique et votre rapport aux territoires.
Il faut le reconnaître, monsieur Waserman, la transition écologique n'est manifestement pas au coeur de votre parcours professionnel ou politique. On peut certes noter votre passage en tant que directeur général de Réseau Gaz de Strasbourg entre 2009 et 2017, mais cela suffit-il à se faire une idée claire, systémique et transversale des problématiques environnementales ?
J'ai de nouveau eu cette impression à la lecture de votre ouvrage Chroniques du Perchoir, que vous avez rédigé en 2020 lorsque vous étiez vice-président de l'Assemblée nationale, et sur lequel je me suis appuyée pour préparer cet entretien.
Il faut attendre la fin de votre livre pour en savoir un peu plus sur votre vision de la transition écologique : vous y prônez un développement durable positif, tout en estimant qu'en la matière de grandes ruptures sont nécessaires.
Vous écrivez à ce titre que « les jeunes générations ne nous pardonneraient pas notre inaction et [qu'il] faut savoir trancher, quitte à interdire plutôt qu'à inciter ». Dans le même temps, vous estimez « que la rupture consisterait à accepter que cette transition soit territoriale », et que cette rupture devrait s'appuyer sur un « élan citoyen mobilisateur ».
Vos écrits ne sont pas inintéressants, mais ils me laissent un peu sur ma faim... Peut-être pourriez-vous nous apporter davantage de précisions, en nous expliquant, par exemple, auquel des quatre scénarios de l'Ademe vous vous référez pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ?
Concernant votre rapport aux territoires, les choses me semblent un peu plus claires. Votre expérience de maire de Quatzenheim, village du Bas-Rhin de moins de 1 000 habitants, nous donne des gages sur votre capacité à percevoir la réalité de terrain du point de vue des élus locaux.
Dans votre ouvrage, vous consacrez du temps à l'idée que vous vous faites de l'organisation territoriale de nos politiques publiques. Vous y défendez une décentralisation « à la française » fondée sur la différenciation ; vous évoquez les travaux législatifs ayant conduit à la création de la Communauté européenne d'Alsace et décrivez le maire comme un « catalyseur d'engagement citoyen ».
Au regard de ces éléments, j'imagine que vous portez un regard favorable à certaines des mesures décentralisatrices figurant dans la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi 3DS). Le législateur a en effet souhaité mieux associer les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre à la gouvernance de l'Ademe ; il a également prévu la délégation d'une partie des fonds « chaleur » et « économie circulaire » gérés par l'Ademe aux régions volontaires ayant conclu avec l'Agence une convention de transition énergétique régionale.
Souhaitez-vous renforcer plus encore les relations entre l'Ademe et les collectivités territoriales, en particulier avec le duo formé par les régions et les intercommunalités ?
Je souhaite à présent que vous nous exposiez la manière dont vous envisagez la présidence de l'opérateur à laquelle vous êtes aujourd'hui candidat. Naturellement, les questions que je vous poserai ce matin seront très proches de celles que j'ai posées à votre prédécesseur, M. Ravignon, il y a quelques mois.
Commençons par les moyens de l'Ademe. Je rappelle que le budget de l'Agence fluctuait, au cours de la décennie précédente, entre 500 millions et 1 milliard d'euros ; il atteint en 2023 un niveau record de 4,2 milliards d'euros.
Je constate toutefois que les moyens humains n'ont pas suivi dans les mêmes proportions. Les effectifs ont certes augmenté en 2023, avec la création de 90 postes supplémentaires, mais il faut prendre un peu de recul : en 2022, les moyens humains de l'Ademe étaient en réalité inférieurs à ce que l'Agence a connu durant les dix années qui ont précédé.
Par ailleurs, le fonctionnement de l'Ademe se caractérise par un recours significatif à l'intérim ou à des contrats à durée déterminée. Cette situation n'est pas durable, alors même que les politiques menées par l'Ademe appellent un suivi au long cours. Monsieur Waserman, nous vous attendons donc au tournant concernant le schéma d'emploi de l'Ademe, en espérant que vous pourrez apporter ce matin quelques éléments rassurants.
Le deuxième point sur lequel je souhaite attirer votre attention concerne le positionnement de l'Ademe au sein des institutions oeuvrant en matière de transition écologique. Comment comptez-vous concilier les compétences de l'Agence et celles des autres opérateurs de l'État qui interviennent dans des champs proches des siens ? Je pense notamment au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) s'agissant de l'adaptation au changement climatique. L'efficacité de l'action publique implique d'éviter les redondances, d'éliminer les logiques de concurrence entre opérateurs publics, lesquels doivent agir dans la même direction.
Le troisième point a trait à la gouvernance de l'Ademe, profondément bouleversée par la récente adoption de la loi 3DS, qui attribue au préfet de région la fonction de délégué territorial de l'Agence. Le préfet représentera l'établissement au niveau local, édictera à l'attention du représentant territorial de l'établissement des directives d'action territoriale et participera à l'évaluation de ce responsable territorial.
Si l'on peut comprendre la volonté de l'État de contrôler un établissement dont l'importance croît d'année en année, cette évolution ne doit pas se traduire par la mainmise de Paris sur l'Ademe. Monsieur Waserman, pourriez-vous nous donner des garanties quant à l'autonomie de l'établissement dont vous briguez la présidence vis-à-vis de l'État ?
Je vous remercie pour votre écoute et vous laisse nous apporter des éléments de réponse à ces premiers questionnements.
M. Sylvain Waserman, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) - Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je commencerai par vous remercier pour le temps que vous allez consacrer à étudier ma candidature.
Je souhaite tout d'abord vous présenter ce qu'il y a de plus pertinent dans mon parcours au regard de la responsabilité à laquelle je postule.
En premier lieu, j'ai été élu local : d'abord, maire pendant dix ans d'un village de 800 habitants, puis président d'un petit établissement public de coopération intercommunale (EPCI), la communauté de communes de l'Ackerland-Kochersberg, avant de devenir vice-président d'un EPCI plus important et, enfin, élu régional chargé, durant deux ans, du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII). Ce parcours d'élu local me semble primordial, car beaucoup des enjeux que l'Ademe doit relever sont territoriaux.
J'ai également eu un parcours en entreprise. Or, je vous le rappelle, le monde économique est l'un des interlocuteurs privilégiés de l'Agence, qui accompagne les entreprises et peut leur verser des subventions en fonction de leur modèle économique et de leur rentabilité. Pour briguer la présidence de l'Ademe, il faut donc, à mon sens, disposer d'une bonne connaissance de cet univers.
Je tiens aussi à évoquer mon expérience de parlementaire, qui m'a permis de mieux comprendre les rouages de la décision publique et l'importance, pour les élus, de disposer d'éléments d'aide à la décision, l'Ademe ayant vocation à éclairer, de façon indépendante, la décision publique, que ce soit au niveau national ou local.
Enfin, j'ai occupé la direction générale d'une entreprise publique locale, une société d'économie mixte de la ville de Strasbourg, Réseau Gaz de Strasbourg (R-GDS), pendant huit ans.
Quand j'ai quitté cette entreprise, qui gérait un réseau de distribution de gaz naturel depuis cent cinquante ans, 30 % de son chiffre d'affaires - 50 % aujourd'hui - était consacré à des thématiques directement liées à la transition énergétique et à l'Ademe, notamment à travers les réseaux de chaleur, le biométhane - R-GDS est responsable du premier site ayant injecté du biométhane, à partir des stations d'épuration, dans les réseaux de gaz - et les contrats de performance énergétique. Cette évolution a représenté un bouleversement du modèle en vigueur.
C'est à cette occasion, à partir de cette expérience très concrète, que j'ai découvert combien l'Ademe jouait un rôle déterminant : en effet, aucun de ces projets innovants n'aurait abouti sans elle.
La principale certitude sur laquelle repose ma candidature est que le succès de la transition énergétique résultera des territoires.
Madame la rapporteure, je vous remercie d'avoir fait référence à l'un de mes ouvrages. J'en citerai deux autres pour vous exposer ma vision : dans le premier, intitulé Le « monde d'après » commence demain matin, écrit en 2020, je tentais d'esquisser quelques pistes au sortir de la crise de la covid-19 ; le second surtout, élaboré en 2016, un livre blanc sur Le modèle territorial de l'énergie, un accélérateur de la transition énergétique, expose l'idée selon laquelle le cadre général que vous votez à Paris est bien sûr décisif, mais que les projets en matière d'énergies renouvelables et de transition énergétique naissent des territoires, et que leur succès dépend de la capacité des élus et des acteurs économiques à créer une dynamique et à faire accepter ces projets aux citoyens. Cette conviction est fondatrice de la candidature que je défends aujourd'hui.
Madame la rapporteure, vous m'interrogez sur ma vision du rôle de l'Ademe, de sa dimension territoriale et de ses moyens.
Je le dis en toute humilité : je ne prétends pas, moi qui n'ai encore qu'un regard extérieur sur l'Agence, être en mesure aujourd'hui d'élaborer la future feuille de route de l'Ademe pour les cinq ans à venir.
Avant tout, il est absolument nécessaire de dialoguer avec les partenaires sociaux à l'intérieur même de l'Ademe : c'est du reste pourquoi, si vous me faites confiance, je m'engage à faire, et à achever avant la fin septembre ou la mi-octobre, un tour des régions pour rencontrer trois types d'acteurs essentiels, d'abord les élus locaux, régionaux et intercommunaux, ou les représentants des associations d'élus, ensuite les préfets, qui jouent un rôle essentiel et, bien sûr, les équipes de l'Agence.
Cet engagement est important et urgent à prendre, dans la mesure où l'Ademe devra négocier un contrat d'objectifs et de performance (COP) avant la fin de l'année. Comment négocier et travailler à l'élaboration d'un tel contrat sans avoir entendu les acteurs dans les territoires ?
J'aimerais partager deux convictions fortes avec vous.
Il me semble tout d'abord qu'il faut travailler sur ce que j'appelle « l'efficacité carbone » de chaque euro investi. L'efficacité carbone de l'argent public que l'on investit à travers l'Ademe est primordiale ; elle doit constituer un étalon de notre action.
Ma deuxième conviction concerne la dimension territoriale de l'Agence.
La coordination des acteurs, sujet sur lequel vous m'interrogez à juste titre, madame la rapporteure, est cruciale : en effet, il existe une pluralité d'acteurs, et on ne sait pas toujours qui fait quoi entre le Cerema, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et la Banque des territoires, organismes qui visent tous un même objectif en termes de transition énergétique du territoire.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai appelé ces dernières semaines le directeur général délégué de l'Ademe, puis le directeur général adjoint du Cerema. J'ai ainsi découvert qu'aucune réunion structurée entre les dirigeants des différentes instances régionales n'était prévue pour définir les besoins des territoires, notamment en matière d'accompagnement des collectivités dans leur besoin en ingénierie. Aucune réunion n'est organisée pour faire le point sur les moyens dont doit disposer le « bras armé » de la puissance publique au niveau local, et ce afin d'optimiser les solutions mises en oeuvre.
L'une de mes priorités, si vous me nommez, consistera à faire en sorte que s'engage un véritable dialogue entre les femmes et les hommes qui dirigent ces régions. Je m'engage à mettre en place des points de coordination. Je crois profondément que le dialogue de terrain, avec les acteurs qui sont en prise directe avec leur territoire, permettra d'améliorer la réponse de l'État.
Je tiens également à insister sur les besoins des collectivités territoriales en ingénierie. J'ai tenté d'identifier, avant cette audition, les acteurs clés qu'un maire doit contacter et les mécanismes qu'il doit maîtriser s'il veut s'engager dans des projets de transition écologique.
La liste est impressionnante : cela va des agences locales de l'énergie et du climat (Alec) aux conseils en énergie partagés et aux économes de flux, financés par le programme ACTÉE (Action des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique), en passant par le fonds vert, le dispositif Les Générateurs, le programme Territoire engagé transition écologique, les contrats chaleur renouvelable, les contrats d'objectif territorial pour le développement des énergies renouvelables, les contrats de relance et de transition écologique, ou encore les trajectoires d'adaptation au changement climatique des territoires...
Bref, il existe une multitude de dispositifs, importants en soi, mais qu'il est objectivement difficile de décrypter. Certains élus sont contraints de faire appel à un bureau d'études pour y voir clair : ils ne profitent pas des dispositifs existants, faute tout simplement de les connaître.
Je ne porte évidemment aucun jugement de valeur sur toutes ces aides et ces services. Je ne sais pas si mon idée est pertinente, mais je propose que, dans chacune des communes et des EPCI de France, un correspondant Ademe - un élu - soit nommé pour mettre en oeuvre des formations, accélérer les mises en réseau, et faciliter le décryptage des dispositifs que je viens d'énumérer, tout ce travail étant bien entendu à destination de l'ensemble des élus locaux.
Ces correspondants seraient le relais privilégié des réseaux qu'il faudrait animer au niveau des territoires pour développer une véritable expertise en termes de transition énergétique. Il est primordial de ne pas laisser ces enjeux aux seules métropoles, qui disposent, elles, de l'ingénierie suffisante. Aujourd'hui, l'important est de donner une clé de lecture de ces enjeux au plus près du terrain.
Je citerai un exemple : le Parlement a voté à une très large majorité, il y a deux mois, une proposition de loi permettant aux collectivités de conclure des contrats de performance énergétique, outil qui nécessite une ingénierie précise et l'élaboration de cahiers des charges standards par un tiers de confiance, ce qui est infiniment complexe.
Or l'Ademe dispose seule, à mon sens, de l'ingénierie et de l'expertise nécessaires au développement de cet instrument au service des territoires. Cette agence est seule capable de répondre aux questions fondamentales que les élus se poseront : quel est le niveau optimal pour conclure un tel contrat - est-ce au niveau de la commune ou de l'EPCI ? Quelle est la prévisibilité à exiger de l'opérateur économique ? Quel degré de risque doit-on lui faire supporter, et sur le fondement de quels critères - les comportements, la consommation ou le prix de l'énergie ?
Si nous ne parvenons pas à accompagner cette mesure pour qu'elle s'applique de manière efficace sur le territoire, nous perdrons l'occasion de recourir à un outil puissant et très utile.
J'ajoute que, de mon point de vue, il manque un chaînon pour faire le lien entre l'Ademe et les parlementaires au niveau local. Beaucoup des députés et sénateurs avec qui j'ai eu l'occasion d'échanger ne connaissent pas le directeur de l'Ademe en poste dans leur territoire. Or c'est la moindre des choses, quand on vote des budgets significatifs, de pouvoir évaluer leur traduction concrète sur le terrain.
Je m'engage là encore, si vous me confiez la présidence de l'Ademe, à ce que, chaque année, les directeurs régionaux rendent compte, auprès des parlementaires, de la manière dont ces budgets sont employés et de leur vision de l'évolution des besoins en ingénierie des territoires.
Permettez-moi de conclure, madame la rapporteure, en répondant à deux questions que vous m'avez posées.
La première concerne les moyens de l'Ademe. Je n'ai évidemment pas encore rencontré les représentants du personnel de l'Agence - je précise qu'en tant que dirigeant d'entreprise j'ai l'expérience du dialogue avec ce type d'acteurs - ni les diverses parties prenantes dans les territoires. Mais je sais, car beaucoup d'entre eux m'en ont spontanément fait part, que la question de l'adéquation des ressources et des moyens est un sujet de préoccupation majeur.
Cela étant, je ne peux hélas apporter aucune garantie en la matière, puisque ce n'est pas moi qui déciderai du plafond d'emplois. Je veux simplement vous dire que ce qui constitue la force de l'Ademe, c'est avant tout l'expertise incroyable des femmes et des hommes qui y travaillent. Vous le savez, ils sont internationalement reconnus, au point que le modèle de l'Ademe est très souvent envié et l'Agence toujours respectée pour son expertise.
Le rôle de l'Ademe, tel que je le conçois, ne consiste pas à prendre parti pour telle ou telle solution - chacun doit rester à sa place -, mais à éclairer la décision publique : l'Agence doit être un tiers de confiance, qui fournit à l'exécutif, aux ministres, aux parlementaires, les éléments ou les scénarios les plus fiables possible, lesquels leur permettront de prendre les bonnes décisions, de manière libre et éclairée.
S'agissant, enfin, du déploiement des solutions existantes, je souhaiterais délivrer un message d'action et d'espoir. Beaucoup de solutions existent d'ores et déjà : l'Ademe doit être un accélérateur, encourager la généralisation des solutions qui fonctionnent et aider à faire éclore les solutions nouvelles. Elle a donc un rôle opérationnel à jouer. Je citerai l'exemple de la géothermie de surface : certains pays sont beaucoup plus avancés que nous dans ce domaine, mais l'Agence pourrait certainement accompagner utilement la filière française, de sorte à stimuler le déploiement de cette solution énergétique.
Ce qui compte, c'est l'efficacité carbone de l'euro investi - je le redis -, mais également la vitesse d'exécution sur le terrain, car il y a évidemment urgence.
J'achève mon intervention en espérant avoir répondu à l'ensemble de vos interrogations, madame la rapporteure. Vous l'aurez compris, ce sujet essentiel m'incite à l'humilité, mais j'espère vous avoir convaincu de ma détermination à exercer les exigeantes responsabilités auxquelles je suis candidat.
Mme Nicole Bonnefoy. - Monsieur Waserman, une tribune parue dans le journal Le Monde au mois de mai dernier appelait à la nomination urgente d'un président de l'Ademe, et détaillait les compétences que l'on pourrait d'attendre de ce président pour piloter l'agence : « le président de l'Ademe devra sincèrement être convaincu, formé et informé des enjeux écologiques qui l'attendent. Dans tous les cas, il devra porter une vision et impulser une dynamique forte pour le développement des projets, en lien avec les collectivités locales et les entreprises, partout sur le territoire, et être entièrement consacré à cette tâche ».
Votre candidature à la présidence de l'Ademe semble mieux convenir aux besoins de l'Agence. L'exécutif, en proposant votre nom, semble avoir à la fois pris connaissance de cette tribune et entendu le souhait des parlementaires que le futur président de l'Agence soit entièrement dévolu à la transition énergétique. Cette vacance n'a que trop duré au regard des enjeux d'adaptation au changement climatique, mis en lumière encore dernièrement par un rapport du Haut Conseil pour le climat, qui invite notre pays à doubler son rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et à prendre à bras-le-corps la question des puits de carbone, qui ont malheureusement réduit de près 20 % leurs capacités d'absorption de CO2 entre 2020 et 2021.
Fin 2021, l'Ademe a effectué un important travail prospectif sur l'objectif de neutralité carbone d'ici 2050, en présentant plusieurs scénarios. L'étude soulignait l'impérieuse nécessité d'une planification orchestrée des transformations associant l'État, les territoires, les acteurs économiques et les citoyens. Depuis, le Gouvernement s'est doté d'un secrétaire général à la planification écologique, chargé de l'élaboration des stratégies nationales. Quelle complémentarité envisagez-vous entre l'Ademe et cette nouvelle instance, le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) ?
Pour les collectivités, l'Ademe fait figure de référence en matière de transition écologique ; elle constitue du reste un partenaire fondamental pour l'ingénierie de la transition.
Or, comme vous l'avez rappelé, les élus locaux sont aujourd'hui un peu déconcertés face à tous ces dispositifs d'ingénierie. Le Gouvernement a créé de la confusion dans des structures qui fonctionnaient bien jusqu'ici : comment faire pour améliorer l'articulation entre l'Ademe, l'ANCT, le Cerema et l'État déconcentré, les préfectures départementales et régionales ?
L'annonce d'un guichet partenarial unique à destination des collectivités et des acteurs économiques est une bonne chose, et permettra un meilleur accompagnement de ces derniers dans leur expérimentation et une meilleure définition de leurs besoins de financement. Les contours de ce guichet unique pourraient être précisés dans la future loi de programmation sur l'énergie et le climat : pourriez-vous donner votre point de vue sur cette évolution des missions de l'Ademe ?
J'ai moi-même été récemment nommée au conseil d'administration de l'Agence - ce dont je me réjouis. Je souhaite vous interroger à propos des moyens humains au sein de l'Ademe : même si quelques postes ont été créés cette année, on constate que les effectifs sont quasiment constants depuis 2009, alors que les crédits gérés par l'Ademe sont de plus en plus conséquents. Pour pallier cette pénurie, l'Agence recrute des intérimaires qui ne sont pas en mesure de suivre les dossiers sur le long terme, ce qui n'est pas bon pour notre ingénierie d'État et pour le suivi des projets des collectivités territoriales : avez-vous conscience de cette problématique qui nuit à la fois au travail de nos ingénieurs d'État et aux politiques publiques ? Comment comptez-vous résoudre cette question durant votre mandat ?
Mme Angèle Préville. - Monsieur Waserman, je vous remercie pour votre présentation. Je crois, tout comme vous, que le développement des énergies renouvelables doit s'appuyer sur les territoires, même s'il y a tout lieu de s'interroger sur le manque de moyens à la disposition des communes pour investir dans ce domaine.
Pour faire bouger les choses, vous avez proposé la mise en place d'un correspondant Ademe dans les territoires, ce qui pourrait être la bonne solution, ainsi qu'un accompagnement renforcé des collectivités, ce qui est essentiel puisque, vous le savez sans doute, les élus se trouvent démunis quand ils veulent engager ce genre de démarche.
En outre, quel regard portez-vous sur la question de la gestion des déchets, vaste sujet, quelque part impensé, alors que les flux ne font qu'augmenter, qu'ils entraînent une hausse des coûts à la fois pour les citoyens et les collectivités, et qu'ils augmentent notre empreinte carbone ? S'agissant des « trois R » - réduction, réemploi, recyclage -, lequel de ces objectifs devrait avoir, selon vous, la priorité ?
M. Jacques Fernique. - Monsieur Waserman, l'Ademe a déjà beaucoup changé ces dernières décennies. À sa création, elle avait pour mission la seule maîtrise de l'énergie dans le contexte d'une forte expansion de l'offre d'électricité d'origine nucléaire ; aujourd'hui, en raison de l'urgence climatique et de la nécessaire transition écologique à mener, l'Ademe a élargi son périmètre d'action : elle se préoccupe d'enjeux comme la qualité de l'air et les déchets et a, de ce fait, vu ses capacités budgétaires fortement s'accroître.
Au moment où la généralisation de cette transition nécessite de passer de l'époque des collectivités pionnières à celle de l'implication massive des territoires, quelle forme les futurs développements de l'Ademe pourraient-ils prendre ? La taille de l'Agence est-elle suffisante pour relever ces nouveaux défis ? Ne serait-il pas intéressant de regrouper certains opérateurs publics, quelque peu éparpillés, et d'envisager, par exemple, le rapprochement de l'Ademe et du Cerema, de sorte à créer un opérateur unique et puissant en matière de transition écologique ? Ne faudrait-il pas, en parallèle, mettre à niveau la capacité à agir des territoires ? Le Sénat prône à cet égard la mise en place d'une dotation climat. Ne pourrait-on pas également envisager l'émergence d'une fonction publique territoriale pour l'ingénierie de la transition ?
Même si de telles décisions ne relèvent pas de votre compétence, je souhaiterais connaître votre point de vue sur ces quelques perspectives.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Monsieur Waserman, il semblerait que la production d'énergies bas-carbone - renouvelables et nucléaire, j'y insiste - ne pourra pas compenser entièrement celle des énergies fossiles, du moins d'ici 2050. Dans ces conditions, il faudra repenser nos modes de consommation. Selon vous, la sobriété deviendra-t-elle une composante indispensable pour réussir notre transition énergétique et écologique ? Dans l'affirmative, vers quel secteur doit-elle s'orienter en priorité ?
L'économie circulaire, qui est à juste titre l'un des objectifs de l'action de l'Ademe, permet de replacer la question des ressources au centre des enjeux de compétitivité, d'indépendance et d'environnement. Dès lors, quelles sont les filières stratégiques à privilégier et à accompagner, selon vous, pour accélérer le développement de cette économie circulaire dans les années à venir ?
M. Didier Mandelli. - Monsieur Waserman, je vous remercie pour votre présentation. Je note à regret que vous avez abordé votre réflexion sous le prisme de la seule transition énergétique, alors que le périmètre des missions de l'Ademe est aujourd'hui très large et englobe des domaines très variés.
Je n'ai aucun doute sur votre volonté et votre sincérité quant à la mise en oeuvre de votre ambition, y compris pour ce qui est des liens que vous souhaitez tisser avec les équipes de l'Agence et les élus dans les territoires.
Élu maire en 2001, j'avais à l'époque la conviction qu'il fallait travailler sur ces questions de manière transversale : je me suis alors appuyé sur le plan environnement collectivités, un outil proposé par l'Ademe. Si j'en parle ce matin, c'est qu'il s'agissait d'un référentiel très simple, permettant de mettre en oeuvre, secteur par secteur, activité par activité, une série d'actions dans le cadre d'une « démarche qualité » clairement identifiée.
Aujourd'hui, à l'inverse, les élus locaux croulent sous les dispositifs : ils auraient bien besoin d'une telle feuille de route. Il est peut-être temps de réactualiser et de renforcer cet outil, qui démontre que l'Ademe a vocation à accompagner les acteurs locaux très en amont des projets.
M. Sylvain Waserman. - Madame Bonnefoy, ce qui change tout, c'est l'existence d'un objectif chiffré, d'une feuille de route clairement définie : notre pays produit 400 millions de tonnes de CO2 chaque année, et ne devra plus en émettre que 270 millions de tonnes en 2030.
Les approches des différents acteurs se doivent par conséquent d'être beaucoup plus rigoureuses et rationnelles : l'Ademe devra travailler, avec le SGPE notamment, à découvrir des sources de progrès, à renforcer l'efficacité carbone de l'euro investi, pour réduire nos émissions de 130 millions de tonnes d'ici quelques années. Désormais, chaque instance doit se mobiliser pour atteindre cet objectif : à chaque fois qu'une collectivité créera un réseau de chaleur, isolera un bâtiment, elle devra faire en sorte que son projet y contribue.
Il s'agit d'un changement majeur, qui doit nous rendre optimistes. Je ne suis pas de ceux qui pensent que ces actions ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan.
Madame Préville, vous m'interrogez sur la gestion des déchets. Mon expérience très personnelle en la matière date de l'époque où j'étais président d'un EPCI en Alsace : nous avions alors mis en place un dispositif de tarification incitative, qui a permis de réduire de 30 % la quantité de déchets produits. J'ai pu mesurer à cette occasion à la fois l'efficacité de cette mesure et les débats très concrets que ce type de solution a pu susciter dans la population. J'ajoute qu'évidemment l'accompagnement de l'Ademe sur ces sujets est primordial.
J'ai assez récemment visité une unité de valorisation énergétique (UVE) qui, à partir de la combustion de déchets, produit de la chaleur (90 %) et de l'électricité (10 %). Cette électricité est produite au moment où elle est le plus utile. Or tous nos concitoyens savent, depuis cet hiver, que la quantité d'énergie consommée est un sujet essentiel, mais que le moment où on consomme cette énergie en est un tout aussi important, si l'on veut fournir suffisamment d'énergie pour couvrir les pics de consommation.
Pour faire face à ces pics et éviter d'importer de l'électricité carbonée, l'Ademe doit, en concertation avec chacune des collectivités et chacun des industriels concernés, faire en sorte que nous produisions notre électricité au bon moment. Elle doit encourager ces pratiques d'optimisation, qui contribuent à réduire notre impact carbone.
Monsieur Fernique, vous avez abordé la question du rapprochement des différents organes impliqués dans la transition énergétique. Je ne suis pas un grand centralisateur : je ne suis donc pas très favorable à un modèle unique, d'autant moins que ce n'est pas moi, mais vous, qui pourrez prendre les décisions en la matière.
Sincèrement, je ne suis pas capable de vous dire aujourd'hui quel est le meilleur modèle à suivre. En revanche, il est inexcusable que la puissance publique ne s'organise pas, territoire par territoire, pour optimiser son action. Nul besoin de conventions signées à Paris ou de grandes lois : nous avons besoin d'un dialogue opérationnel, concret, pour faire correspondre les moyens et les besoins, au vu des expertises dont nous disposons, qu'elles émanent du Cerema ou de l'Ademe.
Je n'ai pas encore d'avis tranché sur la nécessité de fusionner tel ou tel organisme, mais il va de soi que ma rencontre avec l'ensemble des parties prenantes me permettra de me faire une idée beaucoup plus claire de la situation.
À très court terme, en tout cas, rien ne s'oppose à ce que les moyens soient mieux employés au niveau local : je suis optimiste sur notre capacité à y parvenir, grâce à un dialogue au plus près du terrain, que ce soit avec les treize préfets de région, qui ont cette responsabilité de coordonner les moyens publics, les élus ou les équipes.
Monsieur Devinaz, la sobriété concerne aussi les entreprises. J'ai vécu, j'en ai parlé, la transformation totale du modèle économique sur lequel reposait R-GDS. J'ai bien conscience, pour avoir été chef d'entreprise, que ce n'est pas en claquant des doigts que l'on change un modèle. Cela prend du temps ; cela nécessite aussi beaucoup de volontarisme de la part des équipes dirigeantes, ainsi qu'une véritable prise de conscience des acteurs économiques, du rôle qu'ils ont à jouer.
Prenons un exemple très simple, celui de la production d'hydrogène. Ce gaz, que l'industrie consomme en grande quantité, est aujourd'hui produit massivement à partir du méthane et de l'eau. Il faut absolument que l'on parvienne à transformer nos modes de production. Or il existe d'ores et déjà, vous le savez sans doute, des projets d'infrastructures européennes pour produire de l'hydrogène vert et l'acheminer jusqu'au consommateur.
Ma conviction personnelle est qu'en la matière chacun doit faire un tour d'horizon de ses propres comportements, qu'il s'agisse des acteurs économiques ou des particuliers. Là encore, c'est vous, parlementaires, qui déciderez de ce qui sera autorisé et de ce qui ne le sera pas ou plus - l'interdiction de la vente de véhicules neufs thermiques à partir de 2035 en est l'illustration. C'est donc vous, avec l'appui de l'Ademe et de ses études, qui serez chargés de placer le curseur au bon endroit.
L'Ademe doit être un accélérateur de la prise de conscience des enjeux climatiques, tant au niveau des collectivités qu'à celui des entreprises.
Monsieur Mandelli, vous soulignez à raison l'importance du plan environnement collectivités. Je vois très bien ce que vous voulez dire quand vous parlez de démarche qualité. C'est précisément dans cette logique que s'inscrit le réseau de correspondants Ademe que je souhaite mettre en place pour accompagner les élus - j'aurais d'ailleurs bien aimé à l'époque où j'étais maire de Quatzenheim bénéficier d'une telle approche.
M. Guillaume Chevrollier. - Monsieur Waserman, en tant qu'ancien maire et ancien président d'EPCI, vous connaissez bien le terrain. Comme vous le savez, la mise en place d'un projet de transition énergétique requiert beaucoup de temps et d'énergie de la part des collectivités et des élus, ainsi que des budgets importants - au coût des études de faisabilité, s'ajoute celui de l'intervention des bureaux d'études, et le coût de la mise en oeuvre à proprement parler des projets.
Quelles actions l'Ademe doit-elle mettre en oeuvre pour accompagner encore mieux les collectivités ? Quelles pourraient être les mesures très concrètes mises en place par l'Agence pour simplifier les procédures, face à la complexité croissante des dossiers ?
La France a fait l'objet de diverses condamnations, notamment de la Commission européenne, pour son incapacité à ramener les niveaux de pollution de l'air en dessous des normes sanitaires, notamment le niveau de dioxyde d'azote et celui des particules fines. Que ferez-vous, si vous êtes nommé président de l'Ademe, pour que la France se conforme enfin aux normes européennes et que nos concitoyens puissent respirer un air de qualité ?
Enfin, vous avez parlé de développement durable positif : qu'y a-t-il derrière ces termes ? Quelle est votre vision de la France décarbonée en 2050 ? Il faut présenter un cap, une vision concrète de notre pays à cette échéance si l'on veut que les Français acceptent les contraintes que nous leur imposerons et qu'ils nous aident à relever les nombreux défis liés à la nécessaire transition énergétique.
M. Frédéric Marchand. - Monsieur Waserman, dans votre intervention, vous avez indiqué que l'Ademe devait être l'accélérateur de la transition écologique, ambition à laquelle nous ne pouvons que souscrire. Cette accélération repose à la fois sur la capacité opérationnelle et d'analyse stratégique de l'Agence, reconnue par toutes et tous dans les territoires, notamment la semaine dernière au premier carrefour national des projets alimentaires territoriaux, au cours duquel 300 acteurs étaient présents et ont pu mesurer toute la pertinence du travail réalisé par l'Ademe.
Quels sont, selon vous, les moyens supplémentaires à mettre en oeuvre pour que l'Ademe devienne le véritable bras armé des différents dispositifs visant à la reterritorialisation de nos systèmes alimentaires, lesquels s'inscrivent naturellement dans une démarche de transition écologique ?
M. Jean-Michel Houllegatte. - Monsieur Waserman, vous souhaitez que l'Ademe soit un tiers de confiance éclairant la décision publique.
Le 22 mai dernier, la Première ministre a affirmé que le Gouvernement interdirait, dès 2026, l'installation de chaudières à gaz dans le bâti existant. À l'heure actuelle, environ 12 millions de foyers se chauffent au gaz : ces ménages devront faire progressivement remplacer leurs chaudières par des pompes à chaleur.
En tant qu'élus, nous avons été alertés par GRDF sur le risque que cette décision fait peser sur la dynamique du gaz vert : qu'en pensez-vous ? Quelle expertise l'Ademe pourrait-elle apporter pour éclairer cette décision publique ?
M. Olivier Jacquin. - Monsieur Waserman, je vous découvre : vous parlez bien aux parlementaires, mais je ne sens pas en vous le futur président indépendant, qui défendra haut et fort les intérêts de l'Ademe, quels que soient les vents contraires, notamment gouvernementaux.
Je m'interroge véritablement sur votre capacité à défendre l'indépendance de l'Ademe, une agence que je connais bien, que j'apprécie particulièrement - ces agents sont pour la plupart des militants de la transition écologique.
À votre avis, quels outils devrait-on mettre en place au niveau intercommunal pour réussir la transition écologique ?
Alors que notre gouvernement n'est vraiment pas proactif dans ce domaine, comment financer la transition écologique dans notre pays ? Je pose volontairement cette question de politique générale : faut-il privilégier, comme le propose Jean Pisani-Ferry, un impôt sur les grands patrimoines, ou envisager une nouvelle taxation des autoroutes, une taxe sur le kérosène, ou encore un malus au poids applicable aux véhicules les plus lourds ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Monsieur Waserman, je vous remercie pour votre intervention et, en particulier, pour votre idée de réunir chaque année les directeurs régionaux de l'agence et les parlementaires. J'espère que cette proposition sera suivie d'effets car, depuis 2014 et mon élection en tant que sénateur, je n'ai hélas jamais rencontré le directeur régional de l'Ademe dans mon territoire.
Parmi les nombreux contrats conclus au niveau des intercommunalités, aucun ne vise la sobriété énergétique. Comment faire pour que de tels contrats soient mis en place ?
Mme Marie-Claude Varaillas. - Monsieur Waserman, l'Ademe est incontestablement un opérateur public de premier plan en matière d'accompagnement des collectivités dans la transition énergétique.
Je mesure bien la nécessité que les élus puissent y voir plus clair dans le rôle que jouent les différentes instances, qu'il s'agisse de l'Ademe, du Cerema, de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) ou de l'ANCT. On se perd en effet dans le magma de tous ces opérateurs.
En Dordogne, nous avons l'ambition de développer un ensemble de projets de chaleur renouvelable, issue essentiellement de la filière bois. Deux chaudières ont récemment été installées dans une petite commune grâce à une convention passée entre le département, l'Ademe et l'État, en partenariat avec le syndicat départemental d'électrification. Cette importante opération, qui a vocation à se propager dans d'autres communes, a été financée à plus de 80 % ! Pourtant, l'Ademe reste perçue comme étant éloignée des préoccupations des plus petites communes : quel est votre point de vue à ce sujet ?
Face à la croissance exponentielle des missions de l'Ademe, ne devrait-on pas exiger des recrutements pérennes et renforcer les effectifs au sein de l'Agence plutôt que d'avoir recours de manière récurrente à la contractualisation ?
Votre parcours, votre engagement politique, votre souhait d'aller au plus près des élus locaux, l'ensemble de votre candidature me donnent, je l'avoue bien volontiers, envie de vous faire confiance.
M. Sylvain Waserman. - Je vous suis reconnaissant pour ces nombreuses questions, qui me donnent l'occasion d'aborder tous les aspects de la question de la transition écologique.
Monsieur Chevrollier, rien ne remplacera la réflexion et le point de vue des maires pour ce qui est de la mise en place concrète de la transition écologique dans les territoires. Certes, les réseaux de correspondants Ademe devront probablement être segmentés, mais cela relève d'un travail qu'il est tout à fait envisageable de mener avec les associations représentatives d'élus locaux. Je suis sûr que l'Association des maires ruraux de France, si elle adhère à cette démarche, nous aidera à constituer ce réseau indispensable à la compréhension d'une série de dispositifs qui, aussi utiles soient-ils, sont éminemment complexes à comprendre.
Un seul exemple, la plupart des maires ignorent que le calorifugeage des canalisations d'un réseau de chaleur ou d'eau est quasiment gratuit grâce aux certificats d'économies d'énergie.
Je suis persuadé qu'il faut se placer au niveau d'un maire rural, d'un petit EPCI, pour faire progresser les choses. En définitive, chaque territoire a ses spécificités, et ce n'est pas à l'opérateur de dire aux élus quoi faire : ce sont eux qui savent le mieux quels sont les dispositifs les plus pertinents auxquels il faut recourir sur le terrain.
Je connais bien la problématique de la pollution de l'air pour avoir travaillé à Strasbourg, ville où la qualité de l'air est une préoccupation majeure, et ce depuis fort longtemps. En l'occurrence, notre pays aurait certainement dû répondre plus tôt aux injonctions de l'Union européenne, car cela nous aurait évité de payer des amendes journalières.
Je suis toutefois bien conscient de la complexité du sujet pour avoir rédigé un mémoire de fin d'études sur l'impact de la qualité de l'air sur la santé publique.
Pour répondre à votre question sur ma vision du monde de demain, du monde en 2050, je ne peux que porter une parole d'action et d'espoir : je le redis, les solutions existent, mais encore faut-il les mettre en oeuvre de façon efficace et méthodique.
Monsieur Marchand, vous m'interrogez sur le rôle que pourrait jouer l'Agence pour promouvoir les projets alimentaires territoriaux. Au-delà des subventions qu'elle verse, l'Ademe a une fonction d'essaimage. Il ne suffit pas de partager les bonnes pratiques pour qu'elles se diffusent. En réalité, il faut les identifier, les « modéliser », les expérimenter dans les territoires où elles sont susceptibles de fonctionner et travailler avec les élus locaux pour en envisager l'adaptation ou la transposition ailleurs.
Monsieur Houllegatte, ce n'est pas au président de l'Ademe de décider du mix énergétique français. Cela étant, la capillarité du réseau de gaz est un actif important. La question qui se pose en réalité est celle de la meilleure manière de valoriser cet actif, que ce soit en injectant de l'hydrogène ou du gaz vert.
Dans le Grand Est, région leader en matière de biométhane, la principale difficulté pour faire aboutir les projets tient au manque d'acceptabilité citoyenne. J'attire votre attention sur le fait que les projets de méthanisation et d'injection de biométhane mettent deux fois plus de temps à émerger qu'en Allemagne, et qu'ils se concrétisent deux fois moins souvent. Même si le législateur a fait évoluer les choses dans le bon sens, on ne peut pas se permettre d'être deux fois moins efficaces que de l'autre côté du Rhin.
Monsieur Jacquin, je regrette de ne pas avoir su vous convaincre, mais mon parcours plaidera pour moi. Je vous invite à échanger avec les personnes avec qui j'ai travaillé tout au long de ma vie ; vous verrez si mes propos ne traduisent qu'une posture ou si j'ai réellement une éthique, une forme de courage à assumer mes propres choix, en toute indépendance. Quoi qu'il en soit, j'estime que toutes mes expériences prennent aujourd'hui sens au regard de la responsabilité que je souhaite assumer.
Je suis conscient de la nécessité de l'indépendance de l'Ademe. Ainsi, l'opinion personnelle du président de l'Agence ne doit en aucun cas avoir une incidence sur les études fournies aux décideurs publics. Celui-ci doit faire preuve de la plus grande intégrité intellectuelle, et l'Agence doit conduire ses analyses avec toute l'honnêteté intellectuelle possible.
Monsieur de Nicolaÿ, vous avez émis le souhait que l'engagement que j'ai pris tout à l'heure d'organiser une rencontre entre les directeurs régionaux et les parlementaires soit respecté. Je vous propose, si vous me confiez cette responsabilité, de revenir dans un an pour vous permettre de si cet engagement a été tenu - soyez certain que j'aurai avec moi les dates de toutes les réunions qui se seront tenues.
Les liens que nous souhaitons nouer avec le Parlement sont essentiels, à Paris bien sûr, mais également sur le terrain, car ils permettront aux parlementaires que vous êtes d'enrichir les textes de loi et de mieux connaître le montant des financements dont les territoires ont besoin.
Ma candidature n'est pas partisane, ce que mon parcours, y compris comme vice-président de l'Assemblée nationale, a démontré - il ne faut pas oublier que la seule proposition de loi que j'ai déposée et dont j'ai été le rapporteur - devenue loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte - a été votée en première lecture à l'Assemblée nationale à l'unanimité.
Pour construire cette relation de confiance entre l'Ademe et les élus, il faut évidemment cesser de recruter des intérimaires : je l'ai déjà dit, la richesse de l'Ademe repose sur les femmes et les hommes qui y travaillent.
Madame Varaillas, je conclurai en vous remerciant pour les paroles que vous avez prononcées à mon endroit.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie, monsieur Waserman.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Vote et dépouillement sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Sylvain Waserman, aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe)
M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons achevé l'audition de M. Sylvain Waserman, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition.
Le vote se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis de notre règlement. En application de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote ne sont pas autorisées.
Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Il est procédé au vote.
Après dépouillement du scrutin, le mercredi 5 juillet 2023, simultanément à celui de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Sylvain Waserman, aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), le résultat du vote est le suivant :
Nombre de votants : 36
Bulletins blancs : 3
Bulletins nuls : 1
Suffrages exprimés : 32
Pour : 28 voix
Contre : 4
La commission a donc donné un avis favorable à la nomination, par le Président de la République, de M. Sylvain Waserman, aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Consigne pour réemploi et recyclage sur les emballages - Examen du rapport d'information
M. Jean-François Longeot, président. - Deuxième point à l'ordre du jour : la présentation du rapport de la mission flash relative à la consigne pour réemploi et recyclage sur les emballages.
Avant de laisser la parole à notre rapporteure, Marta de Cidrac, permettez-moi de vous partager quelques éléments de contexte.
En janvier dernier, le Gouvernement a annoncé le lancement d'une concertation portant sur la mise en place éventuelle d'un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage et réemploi des emballages.
Il s'agissait d'une application attendue de la loi « AGEC » de 2020. Toutefois, au terme du débat parlementaire et des négociations entre le Sénat et l'Assemblée nationale, nous étions arrivés à un compromis : nous avions exigé la remise en 2023 d'un bilan par l'Ademe avant le début de la concertation avec les parties prenantes et avant toute décision gouvernementale sur la mise en place de dispositifs de consigne.
En commençant cette concertation sans disposer des éléments d'expertise nécessaires, le Gouvernement a manifestement fait le choix d'agir dans le désordre, en laissant planer un doute quant à ses intentions.
Cette remise en cause du calendrier, contraire à l'esprit de la loi votée en 2020, est d'autant plus dommageable que d'autres volets du texte ont depuis pris du retard, en raison notamment de la crise sanitaire.
Dans ce contexte, nous avons donc décidé de lancer, en avril dernier, une mission d'information flash relative à la consigne pour réemploi et recyclage sur les emballages, avec deux objectifs clairs : exercer sur la concertation engagée une vigilance renforcée et s'assurer que le débat engagé soit le plus complet possible.
Je remercie Marta de Cidrac qui a dû travailler dans des délais particulièrement resserrés, qui ne l'ont pas empêchée de mener un large cycle d'auditions et de tenir compte des expertises les plus récentes, notamment celles de l'Ademe, dont les bilans, tant attendus, ont été rendus publics la semaine dernière.
Sans plus tarder, je laisse la parole à notre rapporteure.
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - Comme vous l'avez dit, Monsieur le Président, ce rapport s'inscrit dans la continuité de la loi « AGEC » à laquelle nous avons tous énormément oeuvré.
Comme il y a quatre ans, mes travaux ont été guidés par une exigence : fonder notre politique d'économie circulaire sur une priorité : la protection de l'environnement. Cette exigence se traduit de plusieurs manières.
Premièrement, il me semble indispensable de faire de la réduction et du réemploi des emballages une priorité réelle, et non seulement théorique. Car derrière les priorités affichées, la prévention est indéniablement le « parent pauvre » de nos politiques publiques d'économie circulaire. Réduire les quantités d'emballages ne se décrète pas ; cette ambition se planifie, appelle une attention politique constante et requiert d'importants moyens opérationnels et financiers.
Deuxièmement, il m'a semblé primordial de nous intéresser à tous les emballages, et pas seulement au « totem » que constitue la bouteille plastique, qui ne représente qu'un centième des déchets ménagers, 2,8 % des déchets d'emballages et 15,4 % des déchets emballages en plastique.
Enfin, j'estime nécessaire que nous nous intéressions à l'ensemble des leviers disponibles, les dispositifs de consigne n'étant qu'un moyen parmi d'autres pour améliorer nos performances en matière de prévention et de gestion des déchets d'emballages.
Reflétant, certes, les préoccupations et les priorités qui furent celles de notre commission lors de l'examen de la loi « AGEC », le rapport d'information que je vous présente ce matin tient également compte de l'évolution du contexte depuis la promulgation de ce texte.
Contexte sanitaire, d'abord : la pandémie a retardé la mise en oeuvre de plusieurs volets de la loi « AGEC », à l'instar du déploiement de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) « emballages de la restauration », initialement programmée en 2021 et repoussée à 2023. Elle a, dans le même temps, accéléré la mutation des modes de consommation, en accentuant par exemple les pratiques de vente à emporter ou de livraisons à domicile, génératrices de déchets d'emballage.
Contexte économique et social, par ailleurs. La guerre en Ukraine a provoqué une vague inflationniste inédite au XXIème siècle, nous invitant à manier avec précaution des politiques publiques qui pourraient avoir un impact sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Ce conflit a également souligné la nécessité de renforcer notre souveraineté économique, en réduisant notre dépendance aux importations. En contribuant à relocaliser la matière dans les territoires, l'économie circulaire répond à ce défi, faisant un trait d'union entre développement durable et aménagement du territoire, cher à notre commission.
Une chose est certaine : les retards accumulés par la France, tant en matière de prévention que de collecte et tri pour recyclage, appellent une action déterminée. C'est le sens des 28 propositions que je vous soumets ce matin.
Commençons par la prévention. En la matière, à rebours de nos objectifs, on observe une stagnation de la quantité d'emballages mis sur le marché et une forte hausse des emballages plastiques, passés de 2 millions de tonnes à 2,4 millions de tonnes entre 2010 et 2020, soit une augmentation de 20 %.
L'impact environnemental des emballages - en particulier en plastique - ne sera pourtant limité efficacement qu'en réduisant la quantité de contenants à usage unique : d'un point de vue environnemental et économique, le meilleur déchet est celui qui n'est pas produit. Seule la prévention permet de réduire la pression sur le climat et la biodiversité, comme l'ont très bien montré les travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) menés par Angèle Préville et Philippe Bolo concernant la pollution plastique.
L'adoption d'objectifs, fussent-ils législatifs, ne suffit plus, pas plus que l'empilement de mesures parfois ponctuelles, certes bienvenues, mais inaptes à engager un changement structurel des modes de production et de consommation.
Des premières briques ont été posées par la loi « AGEC » et la loi « Climat et résilience », avec l'appui constant de notre commission, parfois même à son initiative. Les leviers à disposition doivent désormais être activés et amplifiés, avant d'être retranscrits dans le nouveau cahier des charges de la REP « emballages ménagers » ainsi que dans le cahier des charges de la REP « emballages de la restauration », attendus d'ici la fin de l'année 2023.
Je vous proposerai, à cet égard, des propositions - les 1 et 2 - visant à planifier le développement du réemploi pour donner de la visibilité aux acteurs économiques et accélérer la sortie du « tout jetable ».
Au regard des derniers bilans publiés par l'Ademe, qui confirme les nombreux gains environnementaux permis par un système de consigne pour réemploi, le Gouvernement doit maintenant se saisir de la faculté qui lui est donnée par la loi de mettre en oeuvre des dispositifs de consigne pour réemploi sur les emballages en verre en vue d'atteindre nos objectifs de réduction et de réemploi.
Je vous proposerai également plusieurs recommandations - les 3 à 7 - tendant à lever les freins financiers et techniques à la réduction des emballages et au développement du réemploi, notamment en accélérant le développement et la diffusion des standards d'emballages réemployables.
Enfin, en particulier pour concrétiser nos ambitions en matière de réduction et de réemploi, il conviendra de mieux contrôler les éco-organismes, comme le soulignent les propositions 8 et 9. Le montant des pénalités éventuelles en cas de non-respect des objectifs devrait être inscrit au sein des cahiers des charges des filières REP, par exemple en formalisant un montant par point d'écart avec les objectifs fixés.
Passons maintenant à la collecte pour recyclage. En la matière, nous sommes également loin du compte. Le retard est particulièrement marquant pour les emballages en aluminium et surtout en matière plastique.
Ces mauvaises performances nous invitent à sortir du statu quo : tous les leviers pertinents d'un point de vue environnemental et économique doivent donc être mobilisés.
Je vous soumettrai tout d'abord de nombreuses propositions, tendant à améliorer le geste de tri.
Tout d'abord, par une meilleure communication, afin de mieux informer nos concitoyens et de les rassurer sur le bien-fondé de la politique d'économie circulaire. C'est le sens des propositions 10 et 11. J'estime par exemple nécessaire de lancer dans les plus brefs délais une campagne nationale de grande ampleur, notamment pour permettre la montée en puissance des extensions des consignes de tri.
Après avoir été informés et sensibilisés, les citoyens consommateurs doivent être plus largement incités à respecter les consignes de tri. C'est pourquoi nous devons largement soutenir le développement de la tarification incitative - dont l'efficacité n'est plus à prouver - sur tout le territoire.
Selon le rapport de l'Ademe de juin 2023, la trajectoire sans consigne pour recyclage, permettant d'atteindre l'objectif de 90 % de collecte pour recyclage des bouteilles plastiques pour boisson, implique de déployer la tarification incitative pour 41,5 millions de Français en 2029. Nous n'en sommes qu'à 10 millions aujourd'hui, en comptant les Français pour qui la tarification incitative est en cours de déploiement.
L'urgence à agir rend ainsi primordiale la levée des freins financiers, techniques, réglementaires ou législatifs qui entravent aujourd'hui le développement de la tarification incitative. C'est le sens des propositions 12 à 15.
Dans les cas où l'information et l'incitation n'auront pas suffi à améliorer le geste de tri, un levier répressif doit pouvoir être activé par les collectivités territoriales chargées de la collecte des déchets. Je vous proposerai donc des recommandations - les 16 et 17 - tendant à faire du tri une obligation dont la méconnaissance est susceptible d'être sanctionnée.
Parallèlement à l'amélioration du geste de tri, une amélioration de la collecte est indispensable à l'atteinte des objectifs que notre pays s'est fixés.
Il convient tout d'abord de mieux collecter à domicile, en faisant « monter en puissance » le bac jaune, comme le proposent les recommandations 18 à 20. Il nous faut adapter les schémas de collecte aux objectifs, par exemple par une augmentation de la fréquence des collectes et de la taille des bacs dans les habitations lorsque cela est possible.
Pour financer cette adaptation, le principe de responsabilité élargie du producteur - qui fait reposer les coûts afférents à la prévention et à la gestion des déchets sur les metteurs sur le marché - doit mieux s'appliquer dans le cadre de la REP « emballages ».
Je propose donc d'augmenter le taux de couverture des coûts du service public de gestion des déchets, dans la continuité de nos travaux sur la loi « fusion des filières » REP d'avril dernier. Ce taux de couverture pourrait de surcroît constituer un excellent levier incitant les collectivités territoriales à développer un programme de collecte ambitieux, compatible avec nos objectifs nationaux.
Un bonus incitatif - tendant vers une couverture intégrale des coûts du service public - pourrait être attribué pour récompenser les collectivités territoriales menant et programmant des actions compatibles avec nos objectifs, par exemple pour celles mettant en place une tarification incitative.
Nous devons aussi améliorer les performances de la collecte sélective pour les produits consommés hors du foyer. C'est l'objet des propositions 21 à 23. J'estime ainsi que, dans le cahier des charges de la REP « emballages ménagers », des objectifs d'installation de corbeilles de rue par habitant et par commune devraient être fixés.
Améliorer la collecte, c'est enfin l'adapter à la réalité des territoires. Les propositions 24 à 26 sont donc spécifiques aux territoires urbains, touristiques et ultra-marins, dont les performances sont souvent bien inférieures à la moyenne nationale.
Si on s'appuie sur le bilan de l'Ademe publié la semaine passée, le déploiement de l'ensemble de ces leviers pourrait permettre d'atteindre l'objectif spécifique de 90 % de collecte pour recyclage des bouteilles plastiques pour boisson, à la condition toutefois d'être intégralement et pleinement mis en oeuvre.
Améliorer nos performances en matière de collecte et de tri pour recyclage implique-t-il de mobiliser, en complément, une consigne pour recyclage sur les emballages de boissons, notamment sur les bouteilles plastiques, voire sur les canettes en aluminium ?
Pour moi, cela ne fait pas de doute : à ce stade, la consigne pour recyclage ne constitue pas un levier pertinent d'un point de vue environnemental et économique : séduisant au premier abord, le dispositif est en réalité porteur de nombreux effets pervers.
De plus, à l'inverse du scénario reposant sur une consigne pour recyclage - qui ne porterait que sur un gisement spécifique, bouteilles en plastique et, éventuellement, canettes en aluminium - les solutions que je vous ai présentées ont un avantage majeur : elles contribueront à améliorer le recyclage de l'ensemble des déchets d'emballages ainsi que des papiers et cartons, tout en incitant, pour certaines d'entre elles, au tri à la source des biodéchets, aujourd'hui très peu valorisés alors qu'ils représentent un tiers des ordures ménagères résiduelles.
Pourquoi s'opposer, à ce jour, à cette consigne pour recyclage ? Les arguments que je développerai dans mon rapport, étayés par les bilans de l'Ademe publiés la semaine passée, sont nombreux. Ils peuvent se résumer en trois grands axes.
Premièrement, la consigne n'est pas aussi performante qu'il n'y paraît. L'atteinte de l'objectif de 90 % porte sur l'ensemble des bouteilles plastiques, et pas seulement sur celles en PET - or, de nombreux dispositifs de consigne mis en place en Europe ne concernent que sur les bouteilles en PET. De plus, les situations en Europe sont plus diverses que ce que les défenseurs de la consigne pour recyclage laissent penser : il me semble difficile de répliquer chez nous les modèles étrangers. Enfin, l'atteinte de l'objectif de 90 % avec un dispositif de consigne repose sur un ensemble de conditions, dont rien n'indique qu'elles puissent être remplies.
Deuxièmement, la consigne pour recyclage est une « fausse bonne » idée environnementale, s'inscrivant à contre-courant de la « marche de l'histoire » tendant à réduire les déchets, en particulier plastiques. Loin de lutter contre le plastique, la consigne pour recyclage en pérennise la production et la consommation. De même, la consigne complexifie le geste de tri, alors qu'il venait tout juste d'être simplifié, avec l'extension des consignes de tri. Par ailleurs, les bouteilles en plastique ne sont que la partie visible de la pollution plastique et des enjeux d'économie circulaire.
Enfin, la consigne pour recyclage est un gouffre financier qui sera supporté par les contribuables et les consommateurs. À la lecture du bilan de l'Ademe, j'estime le surcoût des scénarios avec consigne pour les citoyens à un montant compris entre 181 et 229 millions d'euros par an à partir de 2029.
En définitive, il me semble que la consigne pour recyclage constitue pour l'heure une impasse. Comme le permet, en l'état, le projet de règlement européen « emballages », une clause de revoyure pourrait être prévue en 2026, pour réévaluer la pertinence de mettre en place une consigne pour recyclage sur les emballages et juger de l'efficacité de l'ensemble des autres leviers ambitieux identifiés par le présent rapport d'information.
Je vous remercie de votre attention et me tiens à votre entière disposition pour répondre à vos éventuelles questions.
M. Jacques Fernique. - Je remercie la rapporteure pour ce rapport d'information et ses propositions.
En ma qualité de parlementaire, je suis associé depuis janvier dernier à cette fameuse concertation relative à l'éventualité de dispositifs de consigne pour recyclage ou réemploi mise en place par la Ministre Bérangère Couillard. J'ai ainsi pu constater les conditions chaotiques, incohérentes et bien peu pratiques dans lesquelles se déroule cette concertation. Le dernier rebondissement est le report à l'automne de la décision sur la mise en place de la consigne pour recyclage, initialement prévue en juin ou juillet.
J'accueille avec satisfaction les recommandations proposées par la rapporteure, qui ne prend pas l'affaire par un petit bout de lorgnette. Je crois que nous obtenons un ensemble cohérent à travers ces 28 recommandations.
En effet, il est utile de muscler le cahier des charges des REP pour que le réemploi progresse et de s'appuyer à cette fin sur les modulations d'éco-contributions.
Dans la foulée de ce qui a été mis en place en Alsace, la consigne pour réemploi des contenants en verre doit se développer et se généraliser.
Les REP concernés doivent également assurer le déploiement des équipements et de la logistique. Si dans les territoires ces équipements de collecte, de regroupement et de lavage ne se développent pas, la généralisation annoncée par la ministre en 2025 n'aura pas lieu.
Par ailleurs, les éco-organismes doivent rendre des comptes sur leur trajectoire au regard des objectifs légaux. Il faut systématiser les sanctions en cas de non-respect de ces objectifs.
L'amélioration de nos performances ne peut plus être une affaire de choix personnels et de bonnes volontés. La communication d'ampleur et le développement d'une campagne nationale permettront à chacun de prendre conscience qu'il s'agit bien d'obligations au tri, qui peuvent être sanctionnées ou conduire à une hausse de la fiscalité sur les déchets.
Les propositions 18 à 26 sur l'amélioration de la collecte sont tout à fait positives, notamment la proposition relative à la prise en compte des difficultés propres aux quartiers populaires. En effet, la tarification incitative n'est pas évidente dans ces territoires.
Il faut aussi améliorer les performances dans les zones touristiques et dans les outre-mer. Les propositions sur les outre-mer sont en phase avec les recommandations du rapport de la délégation aux outre-mer des sénatrices Gisèle Jourda et Viviane Malet.
J'aborderai enfin le sujet qui a conduit à la rédaction de ce rapport, à savoir l'éventualité de la consigne pour recyclage sur les bouteilles plastiques. Cette question fait écho au règlement européen qui se profile, comme cela a été constaté par la commission des affaires européennes. La valeur de la matière bouteille plastique est de l'ordre de 2 000 euros la tonne. À partir du moment où le coût de la collecte sélective s'élève à 700 euros, il n'est pas étonnant que les acteurs privés, à travers les éco-organismes, s'intéressent à ce gisement.
Pour avoir pris connaissance la semaine dernière des études de l'Ademe, je partage tout à fait l'avis de la rapporteure : la mise en place de dispositifs de consigne pour recyclage semble plutôt négative. Cette solution ne permettra pas le redressement de la trajectoire vers nos objectifs.
Mme Angèle Préville. - Merci à la rapporteure pour le travail très important réalisé sur ce sujet.
En 2020, j'ai réalisé un rapport d'information au nom de l'OPECST sur la pollution plastique. Par ailleurs, à l'automne dernier, nous avons souhaité, avec le député Philippe Bolo, faire un travail poussé sur le recyclage des plastiques, à travers une note scientifique de l'OPECST, qui vient d'être publiée. Nous partageons ainsi le même avis que la rapporteure notamment concernant le recyclage des bouteilles plastique en PET.
Nous avons indiqué que les performances de la France en matière de collecte des bouteilles plastiques ne permettent pas d'atteindre les objectifs fixés au niveau de l'Union européenne.
La mise en place d'une consigne recyclage sur les bouteilles en PET présente des inconvénients, au-delà de la confusion qu'elle pourrait créer au sein de la population.
Sur le plan économique, elle remettrait en cause l'équilibre financier des collectivités territoriales, notamment celui des plus vertueuses. Cela se traduirait par une captation par le secteur privé des déchets ayant le plus de valeur - à savoir les bouteilles en PET - tandis que les collectivités territoriales géreraient les déchets les plus difficiles à valoriser.
Sur le plan environnemental, la consigne tend à banaliser l'utilisation de bouteilles en plastique pour boisson. Pourtant, la France s'est fixé un objectif de réduction de 50 % de la mise sur le marché de ces bouteilles d'ici 2030.
Je tiens également à souligner que, dans toutes les recommandations formulées par la rapporteure, les propositions 10 et 11 qui prônent une meilleure communication, me semblent très importantes. En effet, nous devons mener des campagnes de grande ampleur.
Je rappelle aussi que tous les citoyens ont la faculté de se rendre dans les magasins avec leur propre contenant pour se faire servir à la découpe. Or, dans la loi, l'autorité en charge de communiquer sur ce sujet n'a pas été précisée. De fait, aucune communication n'est mise en place. Nous avons interpellé plusieurs fois le ministère en indiquant qu'une campagne est nécessaire. En effet, il y a ici un levier très important de réduction des emballages plastiques.
Nous avons également insisté dans notre note scientifique de l'OPECST sur la nécessité de réduire la quantité d'emballages produits et consommés. Lorsque nous évoquons la notion d'économie circulaire, nous avons l'impression que tout sera recyclé. Or en réalité, le flux des déchets plastiques est très élevé et ne fait qu'augmenter. Quand nous regardons le taux de recyclage, nous sommes très loin du compte.
M. Gilbert Favreau. - Je souhaiterais indiquer à la rapporteure que je partage totalement ses recommandations.
J'aimerais également souligner que l'éco-organisme Citéo disposait d'un agrément de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) d'emballages ménagers. Si, normalement, cet agrément devait se terminer l'année dernière, il a été finalement prolongé d'une année supplémentaire.
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - Je vous remercie pour votre écoute.
Je précise à Gilbert Favreau qu'un nouvel agrément pour la REP des emballages ménagers est attendu d'ici la fin de l'année.
M. Jean-François Longeot, président. - Je remercie la rapporteure pour le travail effectué sur un sujet un lien avec nos territoires. Les citoyens ont du mal à assimiler ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Ainsi, par souci de visibilité, de clarté et de performance, je pense qu'il est indispensable de garantir une certaine stabilité des règles et pratiques au sein de nos territoires.
La commission adopte le rapport d'information ainsi que ses recommandations et en autorise la publication.
La réunion est close à 11h15.
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
« ANCT : quel bilan après plus de trois ans ?» - Audition de Mme Dominique Faure, ministre déléguée, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
M. Jean-François Longeot, président. -- Nous avons le plaisir d'accueillir, pour la deuxième fois devant notre commission, Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité depuis novembre 2022.
Madame la Ministre, nous vous entendons dans le cadre d'un cycle d'auditions organisé par notre commission sur le bilan de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), plus de trois ans après sa création.
Le Sénat qui est à l'origine de la création de l'agence a déjà dressé un premier bilan de son action : en février dernier, la délégation aux collectivités territoriales a publié un rapport d'information portant sur le bilan de l'ANCT, dont les auteurs sont Mme Céline Brulin que je salue et M. Charles Guené. Dans ce rapport d'information, la délégation dresse un bilan plus que mitigé de l'action de l'agence : l'ANCT est peu et mal connue des élus locaux, qui peinent à comprendre son fonctionnement et ses dispositifs ; les élus locaux déplorent l'implication inégale et partielle des préfets dans la déclinaison territoriale de l'agence et enfin -- comme notre commission l'avait aussi souligné -- l'ANCT, qui avait vocation à devenir un guichet unique, paraît pour les élus créer une nouvelle strate.
Les élus regrettent également l'insuffisance et la complexité du financement des programmes « Action Coeur de Ville » (ACV) et « Petites Villes de Demain » (PVD). Ainsi, dans le cadre de ces dispositifs, la part des subventions versées a diminué entre 2018 et 2021. La majorité des aides délivrées prennent en réalité la forme de prêts, de prises de participation et d'aides aux bailleurs privés.
Ces critiques vous semblent-elles fondées ? Partagez-vous les constats du bilan effectué par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales ? Si ce n'est pas le cas, quel bilan dressez-vous des trois premières années d'existence de l'agence ?
Le directeur général de l'ANCT Stanislas Bourron, que nous avons entendu le 17 mai dernier, ne partageait pas certains de ces constats, qui semblent pourtant faire consensus auprès des élus locaux comme des membres de notre commission. Selon ses propos, l'agence serait « bien mieux connue que l'image qu'on se fait depuis Paris ». Pourtant, nous sommes nombreux à constater ce manque de visibilité, en échangeant sur le terrain avec les élus locaux et non depuis Paris comme l'affirme M. Bourron.
Quelle est votre appréciation concernant la visibilité de l'agence ? Constatez-vous aussi que l'ANCT est insuffisamment connue dans nos territoires ou considérez-vous, comme M. Bourron, que ce déficit de notoriété ne serait qu'une image « qu'on se fait depuis Paris » ?
En réponse à toutes ces critiques, vous avez annoncé en février dernier des pistes d'améliorations pour l'agence : les effectifs des délégués de proximité de l'agence vont être doublés, les marchés d'ingénierie sur mesure seront déconcentrés, des forums locaux d'ingénierie sont organisés et un « tour de France » des régions a été lancé.
Nous saluons ces premières mesures, qui témoignent d'une prise en compte par le Gouvernement des retours du Sénat, qui relaie les préoccupations des collectivités territoriales.
Madame la Ministre, où en êtes-vous de votre « Tour de France » des régions et, surtout, quels enseignements en tirez-vous pour l'évolution de l'ANCT ?
Je souhaite également vous interroger sur un axe de la nouvelle feuille de route de l'ANCT qui intéresse tout particulièrement notre commission. Jeudi 29 juin 2023, le conseil d'administration de l'ANCT a adopté une feuille de route qui indique que, pour la période 2023-2026, l'accent sera mis sur l'accompagnement des territoires dans la transition écologique.
Comment, concrètement, l'ANCT accompagnera-t-elle les territoires dans la transition écologique ? Et surtout, les collectivités étant confrontées à un « mur d'investissement » dans un contexte de contrainte financière, avec quels moyens l'agence va-t-elle remplir cette nouvelle mission ?
Enfin, nous aimerions évoquer les récentes annonces de la Première ministre Élisabeth Borne concernant le plan France Ruralités. Un nouveau programme d'ingénierie, « Villages d'avenir », a été annoncé. Nous saluons cette avancée, revendication de longue date de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), qui a été évoquée par son directeur Cédric Szabo lorsque nous l'avons entendu le 17 mai dernier.
Dans le cadre de ce programme, une centaine de chefs de projets seront déployés en préfecture et en sous-préfecture, afin d'assister les communes rurales dans la maîtrise d'oeuvre de projets associant plusieurs communes.
Pourquoi ne pas avoir intégré ces nouveaux chefs de projets à l'ANCT ? En créant un programme en dehors de l'ANCT, ne risque-t-on pas d'accentuer le manque de lisibilité de l'ingénierie territoriale déploré par l'ensemble des acteurs ? Par ailleurs, pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas fait le choix d'un accompagnement financier spécifique pour les projets qui s'inscriront dans ce programme, comme c'est le cas pour les autres programmes d'ingénierie ?
Avant de laisser mes collègues vous interroger à leur tour, je vous cède la parole, Madame la Ministre, pour répondre à ces quelques points.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. -- L'ingénierie territoriale est le vecteur principal d'émergence des projets des territoires. Je suis très attachée à ce que nos politiques publiques concrétisent des initiatives territoriales : l'État doit faire confiance à l'intelligence des territoires et accompagner des projets locaux. C'est l'essence même de l'ANCT, créée à l'initiative du Président de la République en 2019, que d'offrir cette ingénierie au service des collectivités territoriales et des élus.
Avec ses partenaires, l'ANCT a accompagné 1 257 projets locaux depuis sa création : 245 appuis à l'élaboration d'un projet de territoire, 129 projets de mobilités innovantes et durables, 119 projets de revitalisation artisanale ou commerciale ou encore 384 contrats de relance et de transition écologique (CRTE) mis en place.
Les programmes de l'agence sont nombreux et appuient les collectivités territoriales en matière d'ingénierie. Le programme « Action Coeur de Ville » accompagne 234 villes moyennes à hauteur de 5 milliards d'euros dans leurs transitions écologiques, démographiques, économiques. Vous le savez, nous avons récemment lancé l'Acte II du programme et nous avons prévu de généraliser l'ingénierie dédiée à la sobriété foncière, en soutenant notamment les « Territoires pilotes de sobriété foncière ». Le programme « Petites Villes de Demain » accompagne 1 644 communes à hauteur de 250 millions d'euros pour consolider et lancer les projets des petites villes. Le programme « Territoires d'industrie » accompagne les entreprises et les territoires dans l'aménagement et l'immobilier industriel, la transition énergétique et environnementale, la mutation et la formation des métiers industriels ou encore les stratégies industrielles territoriales. Le dernier né de cette gamme de programmes est France Ruralités, annoncé le 15 juin 2023 par la Première ministre : 100 chefs de projets seront déployés localement pour soutenir l'émergence de projets à partir du 1er janvier 2024, avec une ingénierie de maîtrise d'oeuvre pour accompagner nos petites communes rurales dans la mise en oeuvre de leur projet.
Les moyens existent et sont parfois trop peu mobilisés faute d'information. J'ai demandé à ce que les préfets réunissent, dans chaque département, un forum local de l'ingénierie, avec les élus du département et toute l'offre à leur disposition, celle de l'État, mais aussi celle des territoires, avec par exemple l'Agence technique départementale et le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Je suis très attachée à ce que les chefs de projet commencent par diagnostiquer l'offre d'ingénierie, qui varie selon les domaines : on manque d'ingénierie prospective et financière, alors que l'ingénierie technique est souvent plus disponible, il faut en tenir compte et je donnerai la consigne de commencer par faire connaître les outils à disposition.
Le rapport d'information de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales sur le bilan de l'ANCT est encore récent. La moitié des recommandations formulées ont été retenues, le taux de mise en oeuvre de ces recommandations est de 75 %.
Ma feuille de route est simple : je veux renforcer l'information sur l'ingénierie disponible et en faciliter l'accès. Cela passe avant toute chose par une harmonisation de l'offre disponible : il faut trouver une manière de simplifier les démarches des élus. Nos échanges et vos propositions pourront utilement éclairer nos réflexions en cours. Dans une première étape, le Gouvernement souhaite adresser une circulaire aux préfets pour leur demander de recenser l'offre d'ingénierie dans les territoires et d'apporter une réponse pratique et rapide aux besoins des élus locaux. Nous connaissons trop de situations où les élus se sentent démunis et ne savent pas comment mobiliser les solutions qui existent. Des solutions sont pourtant disponibles : le site « Aides-territoires » centralise les aides à disposition des collectivités territoriales sur un territoire donné ; la plateforme « Solutions d'élus » présente des projets locaux qui réussissent, sur des sujets nombreux et d'actualité, comme la mobilité, le logement, l'activité.
Mon ambition est de mettre en place un guide synthétique identifiant un interlocuteur unique pour les besoins prioritaires au niveau de chaque territoire. Un « kit de survie » de l'ingénierie pour les communes et intercommunalités.
Pour y parvenir, mon action se structurera autour de trois axes.
Premièrement, une méthode d'intervention repensée, plus proche du terrain, avec une mobilisation renforcée de l'État territorial, le doublement des effectifs des chargés de mission territoriaux de l'ANCT, la déconcentration d'une partie du marché d'ingénierie, et le déploiement d'une ingénierie plus opérationnelle et ciblée sur les territoires les plus en difficultés. Nous travaillons sur un guichet unique de l'ingénierie territoriale, qui permettra d'intervenir en mode projet pour une vision à 360° des territoires, une animation des réseaux des chefs de projet financés par l'ANCT, ou encore des revues de projet régionales. Nous devons rapprocher nos opérateurs : l'ANCT, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), le Centre d'étude et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), l'Agence nationale de l'habitat (Anah), l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru), les agences de l'eau... Chacun sait ici les difficultés que les maires éprouvent devant la multitude des intervenants et des guichets, je veux simplifier avec un guichet unique.
Deuxièmement, je souhaite mettre en place un accompagnement sur-mesure renforcé face aux transitions écologiques, économiques, démographiques, numériques, et offrir une ingénierie adaptée aux territoires les plus fragiles. C'est l'objet du nouveau programme « Villages d'avenir » de l'ANCT, annoncé dans le cadre du plan France Ruralités, qui concentre son action sur les petites communes rurales, en les accompagnant dans leur transformation.
Troisièmement, l'ANCT doit être mieux implantée localement, grâce à un renfort d'animation du réseau territorial de l'État et une identification plus simple des points d'entrée vers l'agence. La communication doit être mieux adaptée aux attentes des élus, avec par exemple l'organisation d'une tournée territoriale de l'ANCT (ANCTour) et de forums de l'ingénierie. Les réseaux d'associations d'élus pourront être des relais de premier plan. Vous aurez remarqué le sous-titre du programme France Ruralités : « Pour une meilleure et plus efficace équité territoriale », je tiens particulièrement à cette notion d'équité des territoires.
Cette feuille de route doit continuer de s'enrichir avec tous les acteurs, notamment les parlementaires, et je suis ravie que cette audition nous en donne l'occasion.
M. Fabien Genet. -- Je vous prie d'excuser Louis-Jean de Nicolaÿ, représentant du Sénat au conseil d'administration de l'ANCT, qui regrette vivement de ne pas pouvoir être parmi nous.
Je souhaite profiter de cette audition pour vous interroger sur trois points relatifs à la nouvelle feuille de route de l'agence, pour la période 2023 à 2026, dévoilée en conseil d'administration le 29 juin 2023.
Premièrement, la nouvelle feuille de route prévoit d'« enrichir la production de connaissances sur les territoires autour d'enjeux prioritaires utiles à la décision pour l'ANCT et pour les projets de territoire ». En mai dernier, durant l'audition de Stanislas Bourron, Louis-Jean de Nicolaÿ, représentant du Sénat au conseil d'administration de l'agence, avait déploré le manque de planification territoriale de celle-ci. Le directeur général de l'ANCT n'avait pas été sensible à cette nécessité de prise en compte du temps long, déclarant qu'« une planification stratégique à trente ans semble peu opportune ». La feuille de route présentée lors du conseil d'administration évoque pourtant l'objectif d'apporter « de la valeur ajoutée par des analyses sur des temps longs ».
Nous nous félicitons de cette évolution, qui témoigne d'une prise en compte du besoin exprimé par les élus locaux d'un État planificateur sur le long terme. Cette nouvelle orientation doit cependant encore être concrétisée. Comment l'ANCT compte-t-elle développer les analyses territoriales proposées aux collectivités territoriales durant les prochaines années ? Les moyens dédiés à l'Observatoire des territoires seront-ils renforcés ?
Deuxièmement, nous avions évoqué, lors de l'audition de Stanislas Bourron, le dysfonctionnement des comités locaux de cohésion territoriale (CLCT). Créés pour assurer une gouvernance partenariale de l'ANCT au niveau local, ces CLCT se révèlent bien souvent n'être que des réunions d'information verticales, durant lesquelles le préfet liste les dispositifs de soutien à l'ingénierie.
Dans la nouvelle feuille de route, vous proposez de renforcer la « logique partenariale » par une « organisation plus structurée des CLCT ». Nous saluons cette évolution, qui traduit encore une fois une prise en compte des remarques du Sénat. Comment cette structuration se concrétisera-t-elle ? La définition par voie réglementaire de la composition de ce CLCT permettrait-elle de renforcer le rôle dévolu à ces comités ? L'obligation légale de réunir ces comités au moins deux fois par an n'est pas respectée dans l'ensemble des départements, d'après les retours que nous avons du terrain. Un rappel par circulaire de cette obligation aux délégués territoriaux de l'ANCT serait-il envisageable ?
Troisièmement, je souhaite aborder la question de la gouvernance nationale de l'ANCT. Louis-Jean de Nicolaÿ et la représentante d'Intercommunalités de France déploraient en mai dernier l'absence de réel débat sur l'action de l'agence et ses perspectives durant les conseils d'administration. Dans la feuille de route précitée, il est inscrit que le conseil d'administration doit « être un lieu de dialogue pour recueillir, enrichir et diffuser l'action de l'agence et tenir compte ainsi des remontées de terrain ». Nous ne pouvons qu'approuver ce programme. Un premier pas pour pallier le manque de dialogue au sein du conseil pourrait être de permettre aux parlementaires de se faire représenter au sein du conseil d'administration. En effet, les parlementaires sont les seuls membres du conseil d'administration qui ne peuvent pas se faire représenter par un suppléant. Cette exception peut paraître un détail mais, alors que le Parlement n'est représenté que par 4 membres du conseil et l'État par 16 membres, cette absence de suppléance accentue le déséquilibre de la gouvernance de l'ANCT. Une révision du cadre réglementaire pourrait-elle être envisagée pour répondre à cette préoccupation ?
M. Guillaume Chevrollier. -- Je souhaite relayer les attentes des élus, qui demandent de la simplification : la multiplication des dispositifs rend les projets complexes à mettre en place. Les élus rêvent de formulaires uniques pour les différents programmes : cela faciliterait grandement leur vie et celle des secrétariats de mairies. Les projets sont nombreux pour décarboner les équipements publics, mais la diversité des mesures de soutien et l'absence de cumul des dispositifs freinent leur réalisation. Enfin, les élus des communes rurales demandent qu'on ne leur adresse pas la documentation administrative qui ne concerne en rien leur commune, leur vie administrative serait allégée s'ils recevaient seulement les textes réglementaires les concernant.
M. Rémy Pointereau. -- Vous annoncez le recrutement de 100 chargés de projets, soit un par département : est-ce bien suffisant ? Et quelle sera leur attache administrative précise, sachant qu'une partie de leur travail est aujourd'hui fait par les sous-préfets ? Dépendront-ils, concrètement, du préfet de département ?
Quel peut être, ensuite, le rôle de l'ANCT dans la promotion des zones de redynamisation rurale (ZRR) ? Nous avons publié un rapport d'information sur les ZRR en avril dernier, et j'ai déposé une proposition de loi sur le sujet. Nous nous sommes aperçus que 55 % des élus disent ne pas être bien informés des avantages liés aux ZRR : est-ce que la promotion des ZRR pourrait faire partie des missions de l'ANCT ? On sait que l'administration fiscale est peu intéressée par la communication autour de ce zonage, étant donné que le recours aux exonérations réduit les ressources fiscales...
M. Cyril Pellevat. -- L'excellent rapport d'information de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales sur le bilan de l'ANCT souligne que les actions de l'ANCT sont peu coordonnées avec les politiques régionales, voire les contredisent, il appelle à une intégration de l'échelon régional dans l'ANCT pour discuter plus en amont des projets régionaux d'aménagement du territoire. Comptez-vous mettre en place une telle articulation, et selon quelles modalités ?
M. Jean-Michel Houllegatte. -- Dans le dossier de presse du plan France Ruralités, vous évoquez des indicateurs de mesure d'impact. Les chiffres que vous présentez témoignent de l'importance des moyens mobilisés, puisque vous citez 2 750 espaces France services, 1 300 maisons de santé, 100 médico-bus, 100 nouveaux chefs de projet, mais aussi 3 000 places supplémentaires en internat d'excellence, 1 250 jeunes en service civique dans la ruralité, ou encore 3 000 « gendarmes verts »... On voit moins, en revanche, les objectifs quantifiés de performance : qui va les définir ? Est-ce que ce sera l'ANCT ?
M. Jean-Claude Anglars. -- Nous avions approuvé le fonds vert avec l'idée qu'il serait à la main des préfets de département, mais la pratique montre qu'une partie de l'enveloppe est aujourd'hui pilotée par les préfets de région : ce fonds va reviendra-t-il plus près du terrain ?
Mme Marie-Claude Varaillas. -- La présence de l'État dans les territoires est la garantie de l'égalité sociale et territoriale pour les 22 millions de nos concitoyens qui habitent dans les territoires ruraux -- lesquels représentent 88 % des communes de notre pays. L'ANCT veut accompagner ces territoires dans leur transformation, c'est l'intention. Nous vous avons accueillie au Congrès des maires ruraux en Dordogne à l'automne 2022, les élus vous y ont parlé du zéro artificialisation nette (ZAN) : c'est une gageure, pour les territoires ruraux, de renforcer leur attractivité tout en respectant ce ZAN. Ce serait plus facile en s'appuyant sur les espaces déjà bâtis mais dégradés et sur les friches - mais nous n'avons guère les moyens de rénover ce bâti dégradé et ces friches. L'Association des maires ruraux de France (AMRF) vous a demandé un fonds de soutien, parce qu'on ne peut bâtir le village sur le village sans moyens nouveaux : le Gouvernement est-il prêt à accéder à cette demande ?
Mme Céline Brulin, rapporteure de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. -- Dans le rapport d'information que nous avons publié en février dernier avec Charles Guené, nous avons souligné la grande diversité des manières dont les territoires se sont saisis de l'ANCT, et le rôle majeur du préfet dans cette relation, dont il est le véritable pivot. Je ne vous ai pas entendue mentionner ce rôle de pivot, j'imagine que les nouveaux chargés de mission vont étoffer l'articulation entre les services.
Vous évoquez, M. Genet, une circulaire sur les CLCT, mais il y a besoin d'une circulaire plus globale sur le rôle de l'ANCT, ainsi que sur le recensement de l'ingénierie disponible -- une mission de l'ANCT qui ne représente pas un travail insurmontable, mais qui est indispensable. Nous avons constaté des manques dans l'ingénierie, des associations d'élus nous ont suggéré l'instauration d'un millième pour l'ingénierie, c'est-à-dire de réserver un millième du montant des investissements pour l'ingénierie de projet : qu'en pensez-vous ?
Enfin, le modèle de l'agence devait apporter de la souplesse, de l'agilité et du sur-mesure, bien davantage que ne le font les services extérieurs de l'État. Or, ces qualités attendues ne sont pas au rendez-vous avec l'ANCT : comment l'expliquez-vous ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. -- La planification territoriale et la co-construction des projets doivent en effet être renforcées. Je me félicite que vous demandiez que les parlementaires disposent d'une suppléance dans leur représentation à l'ANCT, j'y vois le signe de l'intérêt que vous portez à l'agence, car vous ne voulez pas y laisser votre siège vide.
Je suis aussi d'accord avec vous pour souligner l'importance de l'ingénierie prospective, surtout quand on a l'ambition de la transition écologique - et je suis surprise que le directeur général de l'ANCT ne vous ait pas dit combien cette vision du territoire à moyen terme est nécessaire. Les projets doivent s'inscrire dans cette vision prospective, le préfet François Philizot a été reconduit à la tête de l'Observatoire des territoires avec la mission de dynamiser cet outil, qu'il faut davantage solliciter. Je veillerai à ce que le préfet réunisse plus fréquemment les CLCT. S'agissant de la gouvernance et de la possibilité de prévoir des suppléants pour les parlementaires qui siègent à son conseil d'administration, je reviendrai vers vous après avoir consulté le directeur général de l'agence.
J'entends très bien les demandes de clarté, de simplification, de lisibilité, de co-construction - vous prêchez une convaincue en la matière, il faut se placer du point de vue des maires, en particulier ceux de la ruralité. Le plan France Ruralités a précisément pour mission de mettre de l'ingénierie à disposition des maires ruraux, pour que les différents échelons territoriaux, de la commune à la région, s'entendent sur le projet d'ensemble et disent clairement s'ils veulent être partenaires de « Villages d'avenir » : ce programme n'est certainement pas un label d'État, c'est un projet à co-construire, sur la base du projet validé par les collectivités territoriales. Il garantit un subventionnement des projets par l'État à hauteur de 40 %, avec un plafond à 1 million d'euros, je reste attachée au plancher actuellement dans la loi de 20 % d'autofinancement - et je prends mon bâton de pèlerin pour convaincre les départements et les régions de participer au financement du programme. Vous pouvez m'aider dans ce sens, pour dire aux collectivités que ce programme nouveau n'a rien d'une recentralisation, mais qu'il vise précisément à co-construire les projets.
Vous demandez une politique de différenciation dans l'envoi des documents administratifs aux mairies, pour que les communes rurales cessent de recevoir des circulaires qui ne les concernent en rien -- c'est une demande récurrente, je vais regarder de près comment on peut faire mieux, je vais transmettre la consigne.
La centaine de chargés de mission sera-t-elle suffisante ? Je partage vos doutes, les situations sont très variables d'un département à l'autre, je crois que nous gagnerons à avancer avec pragmatisme. J'aimerais commencer cette année avec une dizaine de chargés de mission : nous avons un enjeu de recrutement, parce que nous voulons des profils expérimentés.
J'entends aussi vos remarques sur la promotion des ZRR, d'autant mieux que j'ai lu attentivement le rapport d'information de votre commission et votre proposition de loi. Vous avez raison, certains élus ne savent pas toujours qu'ils sont en ZRR, ni les avantages qui sont liés à ce zonage ; je travaille avec le ministère de l'Économie des Finances pour obtenir l'automaticité des aides, je pense être en bonne voie pour parvenir à un résultat.
M. Rémy Pointereau. -- Mais l'ANCT ne peut-elle jouer un rôle dans la promotion des ZRR ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. -- Je vous l'accorde également : le chargé de mission de l'ANCT aura dans ses fonctions celle de diffuser l'information auprès des maires concernant les ZRR.
L'articulation avec les régions est décisive, le programme « Villages d'avenir » est une véritable proposition de pacte d'investissement, j'ai besoin d'une délibération de chaque région et c'est ensemble que nous avancerons - j'entends qu'on reproche à l'État de vouloir imposer ses projets, mais ce n'est pas du tout le cas, les financements iront à celles desaux communes qui se seront mobilisées, ils iront à leurs projets, j'ai besoin de vous pour faire passer le message.
Certains indicateurs ne sont pas présentés dans le dossier de presse : nous proposons cinq indicateurs quantitatifs et trois indicateurs qualitatifs, nous vous communiquerons l'information prochainement.
Le préfet de département est le bon interlocuteur pour le fonds vert, même s'il faut effectivement en passer aussi par le préfet de région pour équilibrer les flux. Nous travaillons avec le ministre Christophe Béchu sur la simplification des circuits, car l'objectif est bien que les collectivités territoriales fassent des économies sur leurs factures énergétiques et qu'elles réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre.
Comment renforcer l'attractivité de son territoire, tout en respectant le ZAN ? C'est complexe, mais vous avez en partie répondu : les élus ont un rôle majeur à jouer. Il y a le sujet du logement vacant, il atteint un niveau effarant dans bien des communes rurales -- je pense par exemple à Lavardac, dans le Lot-et-Garonne, où il y a 200 logements vacants pour une commune de 1 800 habitants... -- et le plan France Ruralités aidera à accélérer les procédures, par exemple pour les biens sans maître, en outre, de l'ingénierie est nécessaire. Pour les friches, le programme « Action Coeur de Ville » est un vrai succès pour ceux qui s'y sont engagés, le travail est remarquable, y compris sur l'inventaire des friches qui peuvent être requalifiées en vue d'accueillir un projet artisanal ou économique. Les ministres Christophe Béchu et Roland Lescure ont fait cartographier les friches, en distinguant bien celles qui peuvent être aménagées rapidement. S'agissant du ZAN, le texte est en cours d'examen, la CMP doit avoir lieu prochainement et nous serons bientôt fixés.
Je vous trouve bien critique sur mon appréciation du rôle du préfet, il est effectivement un pivot. L'allocation d'un millième des dépenses d'investissement à l'ingénierie est déjà atteinte par le fonds vert. Laissons arriver les chefs de projet dédiés à la ruralité, ils sauront mobiliser ces moyens.
Je vous trouve également bien critique sur l'apport de l'ANCT en matière d'action administrative : l'agence est effectivement bien plus souple et agile que les services extérieurs de l'État, c'est même le jour et la nuit. Toutes les collectivités territoriales qui se sont engagées dans les programmes de l'ANCT en sont satisfaites, ils apprécient sa souplesse, le cousu main -- je ne vois pas d'équivalent et je crois qu'on doit ces atouts au fait que l'agence est présente dans les territoires. Cela dit, je conviens qu'on peut encore progresser. Je suis parvenue, par exemple, à financer quatre projets « Action Coeur de Ville » qui étaient prêts mais que l'administration refusait de financer, puisque le programme était terminé. L'ANCT a su s'adapter, parce que cela avait du sens. Je sais pouvoir compter sur vous, sur votre pragmatisme, pour continuer d'avancer dans cette direction.
M. Jean-François Longeot, président. -- Merci pour ces précisions. Notez bien que nos questions ont pour but de dynamiser davantage l'ANCT, afin que cette agence soit véritablement au service de nos territoires - et vous pouvez compter sur nous !
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation disponible sur le site internet du Sénat.
La réunion est close à 17 h 40.