Mardi 31 janvier 2023

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 14 h 15.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses - Examen des amendements au texte de la commission

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons cet après-midi les amendements de séance sur la proposition de loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Je l'avais déjà indiqué, nous souhaitons absolument obtenir un vote conforme sur ce texte, afin d'éviter la poursuite de la navette parlementaire. Mon avis sera donc défavorable à chacun de ces amendements.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - L'amendement n°  3 est relatif au rapport d'évaluation de la réforme sur les pensions de retraite agricoles les plus faibles.

Je l'ai dit, j'émets un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois, ce sujet est important, il faudra en parler en séance. Je signale par ailleurs qu'il existe déjà une forte solidarité entre agriculteurs ayant des revenus élevés et agriculteurs aux revenus plus modestes. En outre, le texte prévoit que le rapport devra présenter des mesures permettant de renforcer la redistribution au sein du régime.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je comprends l'exigence de vote conforme et je ne m'y oppose pas. Néanmoins, les craintes exprimées à ce sujet et reprises dans le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2012 doivent être entendues. Les paramètres de la réforme doivent être examinés avec attention afin que l'aspect redistributif du système ne soit pas amoindri, voire qu'il soit renforcé. L'Igas affirme dans son rapport qu'il ne devrait pas y avoir de perdants, mais ceux qui sont présentés comme n'étant ni perdants ni gagnants risquent en réalité d'être perdants.

Je tiens à insister sur la nécessité d'étudier précisément les effets de la réforme sur les inégalités entre retraités. Néanmoins, je retirerai mon amendement en séance.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Il est important de le dire, effectivement, car, finalement, cette proposition de loi n'est pas tout à fait normative et ne détermine pas les paramètres de la réforme qu'elle promeut. Il faudra donc que ces éléments fassent l'objet d'une étude précise, afin de garantir qu'il n'y ait pas de perdants.

M. René-Paul Savary. - Et s'il n'y a que des gagnants, qui paie ?...

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Des mesures renforçant la distribution son attendues, mais il vaut mieux le dire clairement en effet.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - L'amendement n°  2 vise à demander un rapport sur les moyens d'assouplir les critères d'éligibilité au complément différentiel de points de retraite complémentaire des non-salariés agricoles.

Pour les mêmes raisons, mon avis est défavorable, mais il convient, là encore, d'en parler en séance. Je signale à ce propos qu'une disposition de même nature figure à l'article 10 du PLFRSS pour 2023, que nous examinerons prochainement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

Après l'article 1er

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - L'amendement n°  1 assouplit les critères d'éligibilité au complément différentiel de points de retraite complémentaire des non-salariés agricoles. Avis défavorable pour des raisons identiques.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Ce texte sera examiné demain soir, probablement après l'interruption de séance.

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis
de la commission

Article 1er

Mme PONCET MONGE

3

Focalisation du rapport d'évaluation de la réforme sur les pensions de retraite agricoles les plus faibles

Défavorable

M. LAHELLEC

2

Demande de rapport sur les moyens d'assouplir les critères d'éligibilité au complément différentiel de points de retraite complémentaire des non-salariés agricoles

Défavorable

Article additionnel après l'article 1er

M. LAHELLEC

1

Assouplissement des critères d'éligibilité au complément différentiel de points de retraite complémentaire des non-salariés agricoles

Défavorable

La réunion est close à 14 h 30.

Mercredi 1er février 2023

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant - Audition du professeur Christèle Gras-Le Guen et de M. Adrien Taquet, coprésidents du comité d'orientation

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous auditionnons ce matin la professeure Christèle Gras-Le Guen, cheffe de service de pédiatrie générale et des urgences pédiatriques au centre hospitalo-universitaire (CHU) de Nantes et présidente de la Société française de pédiatrie (SFP), en visioconférence, et M. Adrien Taquet, tous deux coprésidents du comité d'orientation des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant. Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat.

Nous accueillons par ailleurs une délégation de fonctionnaires de l'Assemblée nationale d'Arménie, conduite par son secrétaire général, qui assiste à nos travaux de ce matin. Je les salue.

Les Assises de la pédiatrie ont été lancées en décembre 2022 dans un contexte de tension extrême des services d'urgences pédiatriques, dû à une épidémie de bronchiolite très virulente et très précoce et à une situation structurelle très dégradée. Des membres de la commission se sont rendus à l'hôpital Necker, en décembre, pour constater la situation.

Le champ de ces assises englobe tous les professionnels intervenant dans la santé de l'enfant, en ville et à l'hôpital, ainsi que les services de médecine scolaire et de protection maternelle et infantile (PMI).

Au printemps, les assises doivent aboutir à l'adoption d'une feuille de route en six points, dont je ne relèverai qu'un seul : relever le défi de la santé mentale des enfants. De nombreux travaux ont été consacrés par le Sénat à ce sujet, qui tous ont souligné l'ampleur du défi à relever.

M. Adrien Taquet, coprésident des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant. - Mon intervention s'attachera à vous présenter les grands axes, la méthode et les attendus de ces assises, lancées par le ministre Braun le 29 novembre dernier, en pleine crise des urgences. Les travaux sont en cours, les sujets de fond sont en train d'être examinés. Il s'agit de voir comment vous pouvez, mesdames et messieurs les sénateurs, contribuer à cette réflexion collective, dans les semaines à venir, et sous quelle forme.

L'hiver dernier, notre pays a été confronté à une nouvelle crise des urgences, qui chaque année se répète. Elle fut particulièrement aiguë cette année, à cause d'une triple épidémie - bronchiolite, grippe et covid - associée à une dette immunitaire. Urgences saturées, manque de lits d'hospitalisation conventionnelle, secteur périnatal en difficulté et équipes éprouvées en sont les symptômes. Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg ; le mal-être est plus profond, à l'instar de la PMI, qui est en grande difficulté - les moyens font défaut et les professionnels manquent de temps médical, alors que 75 % à 80 % des médecins de PMI partiront prochainement à la retraite, comme l'indiquait déjà le rapport de Michèle Peyron Pour sauver la PMI. Par ailleurs, avec seulement 800 médecins scolaires dans notre pays, reste-t-il encore une médecine scolaire en France ? Le manque de pédopsychiatres est aussi criant - il n'y en a que quelques centaines. Les délais d'attente dans certains centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMPIJ) sont de 6 à 12 mois.

Les difficultés sont systémiques. Une refondation est nécessaire. Telle est l'ambition de ces Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant. Leur objectif est de dépasser le constat, déjà dressé depuis dix ans, pour construire le plan d'action pluriannuel de refondation de la santé de l'enfant.

Nous nous intéressons aux enfants de 0 à 18 ans, et portons une attention particulière aux périodes de transition, trop souvent synonymes de rupture. Nous envisageons la santé globale au sens de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) - physique, mentale, sociale, culturelle, environnementale -, avec une approche axée sur le parcours de santé et les besoins de l'enfant et des parents. Nous voulons faire des enfants et des parents des acteurs de leur santé, autour de propositions concrètes, à court et moyen termes, pour inclure des mesures dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Notre méthode est celle d'une concertation la plus large possible, en associant tous les professionnels de santé et toutes les parties prenantes, dont les élus locaux. Les assises auront lieu avant l'été, une feuille de route sera annoncée dans la foulée.

Nous avons déterminé 6 axes de travail, animés par 18 copilotes, qui sont coordonnés par les 2 coprésidents.

Notre premier axe est de garantir à tous les enfants un parcours de santé de qualité et sans rupture. Il s'agit ici d'évaluer le droit commun. De 0 à 18 ans, chaque enfant doit avoir un parcours de santé de qualité et sans rupture - les ruptures des parcours de soin sont un trait français trop connu. Se posent les questions de la naissance, de la PMI, de la médecine scolaire et la formation des professionnels de santé. La médecine scolaire fait l'objet d'un rapport prévu dans la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS ; une mission de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) et de l'inspection générale des affaires sociales, l'Igas, est en cours et ses conclusions seront intégrées à la réflexion. L'équipe chargée de cet axe est représentative des domaines de la PMI, de la médecine scolaire, de l'hôpital et de la médecine libérale.

Le second axe est d'améliorer le parcours en santé des enfants les plus fragiles : les enfants qui souffrent de maladies chroniques, rares et complexes, et ceux qui sont en situation de handicap. Pour ces derniers, l'accès aux soins est souvent problématique : par exemple, un enfant autiste, qui craint le rapprochement physique, aura plus de difficulté à subir un rendez-vous dentaire. La formation des professionnels est un enjeu important. Nous devons aussi lutter contre la précarité en santé - la pauvreté est un facteur aggravant - et répondre aux besoins des enfants en outre-mer - des tabous existent, il faudra les briser, comme celui de la prévalence. J'ai sollicité les délégations aux outre-mer du Sénat et de l'Assemblée nationale pour qu'elles contribuent à la réflexion - j'attends une réponse de la part de la délégation sénatoriale. Nous devons également améliorer la santé des enfants protégés au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE), ainsi que mieux soigner et prendre en charge les enfants victimes de violences, sexuelles ou non ; ASE, enfants en situation de handicap, outre-mer, autant de sujets où le Sénat pourra apporter son expertise.

Le troisième axe est de relever le défi de la santé mentale des enfants. Ce sujet de préoccupation majeure impose des réflexions en amont et en aval ; la prévention et une bonne articulation entre pédopsychiatrie et psychiatrie sont essentielles. Des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, en novembre 2021, conclues par le Président de la République, ont permis de faire des annonces, que mon ministère a tenté de mettre en oeuvre ; mais il reste beaucoup à faire.

Le quatrième axe est la prévention, sujet qui rejoint toutes les grandes politiques publiques en santé : addictions, santé physique, lutte contre l'obésité, addiction aux écrans, sommeil et autonomisation, pour faire des enfants des acteurs de leur santé.

Le cinquième axe porte sur la formation professionnelle et les carrières : délégations de compétences, maquettes universitaires, pratique avancée, gradation des soins et rôle du généraliste sont abordés.

Le sixième axe est celui de la recherche et de la promotion des pratiques innovantes, notamment à l'heure du numérique.

J'en viens à la méthode. Le rôle des pilotes est de mener des concertations les plus larges possible. Ils sont assez libres dans leur travail et la méthode employée. Il est possible de faire des contributions écrites, sur le site de la SFP - nous en avons obtenu 600. Nous prenons aussi en compte la parole de l'enfant, potentiellement sur le sujet de l'activité psychique, en faisant travailler le conseil de l'enfance et de l'adolescence du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), selon une méthodologie inspirée par le défenseur des droits auprès des enfants. Nous consultons aussi les parents, via l'Union nationale des associations familiales (Unaf). Enfin, nous partageons l'état d'avancement des travaux devant un comité des parties prenantes, qui se réunit toutes les 6 à 8 semaines.

Le calendrier est le suivant : recueil des contributions de janvier à mi-mars ; mise en cohérence et rédaction du plan d'action en avril et en mai ; tenue des assises entre la mi-mai et la mi-juin.

J'ai sollicité une audition devant votre commission, mais aussi devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et les délégations aux outre-mer des deux assemblées, ainsi que devant l'Assemblée des départements de France (ADF). Régions de France, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et l'Association des maires ruraux de France (AMRF) ont aussi été contactées. Une contribution du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) est attendue et le HCFEA a été sollicité.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Avant de céder la parole à Mme Gras-Le Guen, je précise que notre commission a lancé une mission d'information sur les troubles du neurodéveloppement, pilotée par Jocelyne Guidez, Laurent Burgoa et Corinne Imbert. Nous avons aussi créé un groupe d'étude sur le handicap, à la demande du Président Larcher, qui est présidé par Philippe Mouiller.

Voici ma première question : quelle est l'articulation de vos travaux avec les ministères ? Comment collaborez-vous avec Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance ?

Mme Christèle Gras-Le Guen, coprésidente des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant. - Fin 2022, la santé de l'enfant a été particulièrement malmenée. Nous souhaitons des mesures rapides pour éviter une même crise en 2023. Toutefois, les embouteillages aux urgences pédiatriques ne sont que la partie la plus visible ; la santé de l'enfant relève d'un problème beaucoup plus vaste, que nous devons résoudre de manière collective. Nous souhaitons, par notre travail, rassembler le plus possible d'acteurs, disposer de perspectives générales sur la santé de l'enfant et ainsi proposer des mesures qui concerneront tous les parcours de soin.

Les initiatives en France sont nombreuses ; nous souhaitons coordonner toutes les bonnes idées. Nous ne repartons pas de zéro. Nous cherchons toutes les solutions à court et moyen termes, pour les 5 ou 10 prochaines années. Des réformes de fond sont nécessaires, alors que les parcours de soins sont très vastes et que le calendrier est contraint : il faudra se mettre en ordre de marche rapidement.

M. Adrien Taquet. - Le sujet est intrinsèquement interministériel : nous travaillons avec Jean-Christophe Combes, Geneviève Darrieussecq, Pap Ndiaye, Sylvie Retailleau, Charlotte Caubel et bientôt avec Jean-François Carenco. Le rôle des coprésidents et d'assurer la coopération et la fluidité des travaux.

Mme Corinne Imbert. - La méthode me paraît très claire et collégiale. L'Igas a fait 21 recommandations dans son rapport sur la pédiatrie et la santé de l'enfant de mai 2021. Quelle sera la plus-value des assises par rapport à ces recommandations ?

Quel est le bilan du projet Bronchiolib, mis en place à Nantes en 2019 ? A-t-il été reconduit cet hiver ? Produit-il encore des effets ? A-t-il contribué, Madame la Professeure, à une meilleure résilience de votre service ?

Beaucoup de secteurs rencontrent un déficit d'attractivité - les conseils départementaux ont du mal à recruter des médecins de PMI. Êtes-vous assurés de pouvoir proposer des mesures qui seront suivies par des efforts budgétaires ? Le Gouvernement s'est-il engagé en la matière ? Quels seront les impacts des mesures que vous envisagez sur les conseils départementaux ?

En matière de prévention, quel est le bilan de l'extension de la vaccination obligatoire de l'enfant, étendue en 2018 ?

Enfin, nous nous réjouissons de l'attention particulière que vous porterez à l'outre-mer, compte tenu des spécificités que présentent ces territoires. Une délégation s'est rendue à Mayotte, et elle a par exemple constaté que toute la chirurgie infantile repose sur des transferts vers la Réunion. Quelle attention porterez-vous à ce problème ?

Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous avez évoqué la santé physique des enfants - manger, bouger, dormir. Prévoyez-vous des recherches sur le temps scolaire et sur son impact sur le rythme de vie de l'enfant et sur son sommeil ? Le cadre interministériel y serait propice. Cette question est déterminante.

M. Bernard Bonne. - Les 1 000 premiers jours prévoyaient en renforcement des moyens de la PMI. Où en sommes-nous, Monsieur le Ministre, depuis votre départ du Gouvernement ? Les services semblent encore relativement défaillants.

Vous vous intéressez au suivi des enfants protégés, tout au long de leur parcours de protection. Depuis 2016, les bilans de santé à l'entrée dans le dispositif de l'ASE sont obligatoires : constatez-vous une meilleure mise en oeuvre de cette obligation ? Quels sont les obstacles rencontrés ? De manière plus générale, comment améliorer la coordination du parcours de soins des enfants protégés ? Envisagez-vous la généralisation de l'expérimentation Santé protégée, qui permet, grâce à une rémunération forfaitaire, d'identifier des médecins qui acceptent de structurer les parcours de soins des enfants ?

M. Adrien Taquet. - Madame Imbert, le rapport de l'Igas, qui avait suscité de nombreux débats, alimente notre réflexion : nous ne partons pas de zéro. Le périmètre des assises est cependant bien plus large ; il inclut par exemple la santé mentale et les populations spécifiques.

Le ministre Braun affiche une très grande ambition. J'ai accepté sa proposition de présider cette instance parce que j'ai compris qu'il voulait une refonte systémique. Nous évitons pour le moment toute autocensure, nous travaillons sans a priori budgétaire, même si les administrations préparent d'ores et déjà des scénarios budgétaires afin de mieux anticiper les arbitrages futurs.

Concernant les initiatives locales, nous sommes très demandeurs de vos retours du terrain, mesdames et messieurs les sénateurs. J'espère que ces initiatives inspireront nos propositions.

En matière de vaccination obligatoire, nous envisageons d'aller encore plus loin
- les discussions sont en cours. Si un bilan existe, mes services vous le transmettront.

Enfin, au sujet de la chirurgie infantile à Mayotte et des transferts, des professionnels de santé, des personnels de l'agence régionale de santé (ARS) et des élus seront auditionnés ; ils sont déjà identifiés.

Madame Poncet Monge, le rythme scolaire a effectivement un impact sur l'ensemble des autres sujets. Les assises abordent des sujets vastes et l'ambition est grande, ce qui comporte deux risques : ne pas répondre aux attentes et se noyer dans des thématiques trop diverses. Je ne sais pas si nous refonderons les rythmes scolaires, mais nous en parlerons avec le ministre Pap Ndiaye. Le sujet est très vaste, ce qui demande sans doute des évaluations préalables.

Monsieur Bonne, j'insiste constamment sur les 1 000 premiers jours. Une équipe très transversale poursuit ses travaux, sous la tutelle du ministre de la santé et du ministre des solidarités. Pour la PMI, des délégations de compétences ont été inscrites au PLFSS pour 2019, afin de dégager du temps médical ; le remboursement des actes a été systématisé au profit de la PMI, lorsqu'elle intervient en lieu et place de la médecine scolaire ; enfin, dans le cadre de la contractualisation de l'État avec les départements, au sein de la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, l'un des critères de contractualisation était que les départements investissent dans leur PMI. L'État a ainsi investi à hauteur des 100 millions d'euros perdus au cours des dix années précédentes.

Le problème du recrutement est vaste et les réflexions sont en cours, par exemple sur la pratique partagée. Les départements devront être associés.

Le bilan de santé pour les enfants de l'ASE est bien une obligation légale depuis 2016. Ces bilans de santé sont loin d'être systématiques, l'inscription dans la loi n'a pas suffi. Ces assises tenteront d'apporter une réponse.

Quant aux expérimentations Santé protégée, nous verrons s'il faut les généraliser.

Mme Christèle Gras-Le Guen. - Le dispositif Santé protégée, financé grâce à l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, est porté par le CHU de Nantes et par l'équipe du docteur Nathalie Vabres. Le travail avance bien, 3 000 enfants ont été suivis de manière régulière par les médecins. Le 24 mars prochain, à la faculté de médecine de Nantes, nous présenterons un premier bilan. Cette expérimentation est très attendue, parce qu'elle permet de pallier le fait que la loi de 2016 n'a pas été mise en oeuvre sur le terrain. Médecins généralistes, pédiatres, médecins de PMI et professionnels du secteur médicosocial pourront ainsi être formés et travailler ensemble ; la plus-value pédagogique pour les professionnels est immense et les données épidémiologiques recueillies seront très utiles, pour définir une meilleure prise en charge.

Le réseau Bronchiolib permet d'organiser la prise en charge des enfants au sein d'un réseau de pédiatres libéraux qui s'appuient sur des puéricultrices à domicile, pour éviter les passages aux urgences ou raccourcir des délais d'hospitalisation. La mise en place, à l'hiver 2019, dans une situation déjà difficile, a été précipitée, et seulement 50 enfants ont été suivis : il est difficile d'en tirer des conclusions. Ensuite, il n'y a pas eu de bronchiolite à l'hiver 2020, et, en 2022, le chaos était immense, si bien que nous n'avons pas pu reconduire cette expérimentation. Cependant, nous souhaitons explorer cette piste plus avant. L'articulation des puéricultrices avec la médecine libérale est indispensable. Nous devrions, à terme, étendre cette expérimentation à tous les professionnels de la santé de l'enfant. Nous pourrons mener ces travaux dans le cadre du cinquième axe de travail.

Le rapport de l'Igas de 2021 n'est pas passé inaperçu. Si 90 % des propositions étaient très consensuelles, d'autres le sont moins : il faut les retravailler. La Cour des comptes et le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) font aussi des propositions. Les assises ne se contentent pas d'appliquer les recommandations évoquées, mais de cibler les plus consensuelles et les plus adaptées, dans un périmètre beaucoup plus vaste.

La couverture vaccinale augmente de manière spectaculaire. Nous nous inquiétions des protestations des parents, mais cette vaccination s'est faite dans le calme. De nouveaux vaccins sont apparus - contre le rotavirus, contre le méningocoque B - et nous nous intéressons à de nouveaux produits contre la bronchiolite, notamment au regard du chaos de cet hiver ; cette approche est très intéressante pour protéger les plus fragiles. Depuis la mise en place de l'obligation vaccinale, les difficultés portent sur les 13 vaccins non obligatoires
- contre la gastroentérite, contre la méningite -, puisque nous avons du mal à convaincre les parents de leur bien-fondé. De grandes campagnes d'information seraient bienvenues.

M. Daniel Chasseing. - Ma question porte sur la santé mentale. Pour que les enfants présentant des troubles du spectre de l'autisme (TSA) soient mieux inclus dans les classes, il faudrait que les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) soient mieux rémunérés et qu'ils puissent prendre en charge les interclasses.

Deuxièmement, dans certains départements, la carence en pédopsychiatres est parfois très grave. Les demandes de l'ASE et des maisons d'enfants à caractère social (Mecs) sont très nombreuses. Que prévoyez-vous ?

Mme Émilienne Poumirol. - Il y a un manque d'attractivité des postes en PMI et en médecine scolaire. Un rapport sur la départementalisation de cette dernière était prévu. En effet, si certains départements ont des difficultés à recruter, d'autres y parviennent et seraient volontaires pour reprendre la compétence de la médecine scolaire, qui souffre d'un dramatique manque d'efficacité en matière de dépistage et de prévention. Puisque les départements ont déjà la compétence du collège, cela permettrait une prise en charge au moins jusqu'à 16 ans. Où en est ce rapport sur la départementalisation, dont le délai de six mois est largement échu ? S'ils les exercent, les départements seront-ils dotés des moyens de ces compétences ?

Mme Jocelyne Guidez. - Je souhaite parler du handicap invisible, par nature plus difficile à détecter. De nombreux parents me sollicitent, car tous les frais associés à ces troubles ne sont pas remboursés, ce qui cause une inégalité dès le plus jeune âge. Or, plus l'on tarde à détecter, plus cela crée, durant la scolarité, des retards difficiles à rattraper. Comment agirez-vous en la matière ? Par ailleurs, accepteriez-vous que nous vous auditionnions dans le cadre de nos travaux sur les troubles du neurodéveloppement (TND) ?

Mme Brigitte Micouleau. - Quelle est la place des cancers pédiatriques dans ces assises ? En effet, l'hôpital des enfants de Toulouse est en difficulté pour remplir ses missions, du fait de la dégradation de ses ressources humaines médicales.

Mme Laurence Rossignol. - Je m'interroge sur le champ de vos missions. Tout d'abord - il me semble que cela fait l'objet d'une étude du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) - l'inflation de la prescription de médicaments pour la santé mentale des adolescents et des préadolescents est préoccupante. Le covid et la téléconsultation ont sans doute amplifié ce mouvement. Cela fait-il partie de vos attributions ?

Ensuite, l'académie de médecine a récemment publié un rapport sur les conséquences sur la santé mentale des préadolescents et des adolescents de l'exposition précoce à la pornographie. Le prendrez-vous en compte ?

Enfin, où la question des traitements hormonaux et chirurgicaux des adolescents et des préadolescents en transition de genre se discute-t-elle actuellement ? Il s'agit en effet d'une préoccupation aiguë pour les parents, régulièrement exposés aux statistiques sur le risque de suicide. Ils s'interrogent sur l'opportunité d'accompagner la transition, avec traitement et chirurgie, de leur adolescent. Je connais déjà les conclusions de la HAS sur ce sujet. Relève-t-il de votre mission ? Est-il renvoyé à une autre instance ? Restera-t-il non traité ?

Mme Pascale Gruny. - J'ai été très sollicitée par les réseaux de masseurs-kinésithérapeutes, qui ne peuvent théoriquement plus s'occuper des enfants souffrant de bronchiolite. Malgré cela, le réseau du Nord-Pas-de-Calais a été largement mobilisé, avec 160 appels du service d'aide médicale urgente (Samu) sur un samedi. Interrogé, le ministre ne m'a pas répondu. J'entends que vous tentez une expérimentation avec les infirmières et les puéricultrices. Les masseurs-kinésithérapeutes connaissent bien le sujet. Même si la peur du clapping existe, ils savent le pratiquer correctement. C'est aussi une question de confiance envers ces professionnels de santé. Or, la HAS et les CPAM recommandent de les éviter, ce qui dirige les parents vers les urgences. Il y aurait plutôt un apprentissage des parents à faire pour la bronchiolite.

Par ailleurs, les cas de troubles « dys » sont très nombreux dans mon département. Les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) n'ont pas les moyens financiers d'y faire face - ils sont obligés de supplier pour obtenir des journées supplémentaires. On manque de professionnels, psychomotriciens en particulier.

Mme Christèle Gras-Le Guen. - Le rôle de la kinésithérapie contre la bronchiolite est une question intéressante. Ainsi, en 2019, la HAS a publié une recommandation qui conclut à l'absence d'indication de kinésithérapie respiratoire pour les formes habituelles de la bronchiolite des nourrissons. Nous étions, en effet, les seuls au monde à le faire, alors qu'aucun travail n'atteste du service rendu, ni pour une moindre hospitalisation ni pour une meilleure qualité de vie. C'est ce qui explique les conclusions de la HAS.

Cela n'exclut cependant pas que les kinésithérapeutes aient un rôle dans des épidémies comme celle que nous avons subie, car leur action, bien au-delà de l'obstruction des voies respiratoires, peut aller de l'aide à l'allaitement à l'environnement de couchage - pour éviter les morts subites du nourrisson - en passant par la pesée. Il faut donc une approche plus globale que celle qui ne retient qu'une technique de kinésithérapie respiratoire. Les kinésithérapeutes peuvent donc être associés à la prise en charge des enfants, non sous un angle technique, mais plutôt en matière d'aide nutritionnelle ou à l'allaitement, qui ne sont actuellement pas enseignées en école de kinésithérapie. C'est déjà possible pour les puéricultrices, mais cela supposerait un enseignement spécifique à destination des kinésithérapeutes.

Vous avez mentionné le manque de ressources médicales de l'hôpital de Toulouse : c'est commun à tous les hôpitaux, universitaires comme généraux. Les gardes et les permanences jouent dans l'attractivité des postes. Les assises aborderont le sujet.

Ensuite, les prescriptions de psychotropes aux adolescents ont un lien attesté avec l'aggravation de leur santé mentale : c'est un point d'alerte majeure. La France est en décalage significatif par rapport aux autres pays européens. Les Français en général consomment plus de psychotropes que leurs voisins, et nos adolescents ne font pas exception.

Enfin, il est compliqué de consacrer beaucoup de temps aux transitions de genre dans les assises en raison du nombre de sujets déjà prévus pour trois mois. La question demeure cependant incontournable. Il faudra l'évoquer avec des psychiatres, mais aussi avec des endocrinologues. Cela suppose un point de vue scientifique, pour accompagner les enfants et les parents.

M. Adrien Taquet. - Les assises ne pourront pas tout régler. Par exemple, pour le plan tabac, nous n'arriverons probablement pas à en déterminer les vingt mesures. La question des traitements hormonaux et des transitions de genre évoquée par Mme Rossignol doit être abordée dans une autre instance. Les assises pourraient évoquer la question, mais il n'y aura pas le temps de déterminer ses cadres et ses principes.

Nous attendons le rapport du HCFE sur les prescriptions médicales en matière de santé mentale.

La question des AESH ne sera pas non plus réglée tout de suite, Monsieur Chasseing, même si nous sommes tous conscients de leur importance.

Ensuite, de façon générale, on manque de pédopsychiatres, surtout pour les enfants de l'ASE. Les professeurs Anne-Catherine Rolland, du CHU de Reims, et Guillaume Bronsard, du CHU de Brest, travaillent beaucoup sur la santé mentale et sur la question des enfants protégés. Cela montre d'ailleurs que, entre les six axes des assises, il y a beaucoup de chevauchement.

Madame la sénatrice Poumirol, l'Igas va publier son rapport sur la médecine scolaire dans les semaines à venir. Je n'en connais pas le contenu. La départementalisation est une option, mais il y en a d'autres, et ne sais pas laquelle sera privilégiée. En tout état de cause, nous intégrerons le rapport dans nos travaux et nous proposerons un plan d'action au ministre, qui tranchera, sachant que l'éducation nationale, le ministère de la santé et les collectivités locales sont impliqués.

Madame la sénatrice Guidez, les handicaps invisibles sont un sujet connu, mais qui fait partie des angles morts de la République. N'hésitez pas, de même que les associations que vous rencontrez, à évangéliser sur la tenue des assises et le besoin de nous remonter des propositions.

Mme Jocelyne Guidez. - Il s'agit surtout de parents isolés...

M. Adrien Taquet. - Les parents isolés peuvent eux aussi participer, via la plateforme accessible depuis la page d'accueil du ministère. Je vous garantis que les contributions sont prises en considération. Je serai, avec plaisir, à votre disposition pour vos travaux sur les TND. Ces sujets me sont chers.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie de nous avoir présenté ces assises. Nous n'hésiterons pas à vous faire part de nos contributions. Je précise par ailleurs que la commission de la culture va créer un groupe de travail sur les AESH.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 - Audition de M. Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons à présent M. Renaud Villard, directeur, et Mme Pascale Breuil, directrice statistiques, prospective et recherche, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023.

M. Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. - Je vais apporter des réponses au questionnaire écrit que vous m'avez envoyé. Tout d'abord, nous estimons le solde de la branche vieillesse pour 2022, non encore consolidé,
à - 1,8 milliard d'euros, contre - 1,1 milliard d'euros en 2021.

Pour mesurer l'incidence de la double mesure paramétrique de l'accélération de la réforme dite Touraine et du report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, je vous propose une référence à 2032, année des 64 ans de la génération née en 1968. Ses effets devraient aboutir à une amélioration du solde du régime général de 5,9 milliards d'euros, en euros 2020 : 4,4 milliards d'euros de moindres prestations et 1,5 milliard d'euros de cotisations supplémentaires. Le déficit serait donc de 5 milliards d'euros au lieu de 10,8 milliards d'euros actuellement projetés pour 2032. Je n'ai pas intégré, dans ce calcul, les autres mesures de recettes prévues par la réforme, dont les nouvelles cotisations destinées à la branche vieillesse.

Ensuite, les mesures paramétriques entraîneront, pour la pension moyenne des générations actuellement proches de la retraite, une hausse de 1,5 %, celle-ci étant plus forte pour les petites retraites. On atteint 2 % à moyen terme, pour les générations 1970 et au-delà, avec là encore une hausse plus marquée pour les trois premiers déciles, les plus modestes.

Les départs anticipés sont ainsi ventilés pour 2022 : parmi l'ensemble des départs à la retraite, 18 % ont été anticipés au titre d'une carrière longue ; 0,4 % au titre d'une incapacité permanente ; 0,4 % au titre d'un handicap et 0,3 % au titre de la pénibilité - ces derniers continuent de monter en charge.

Par ailleurs, l'extension du départ anticipé pour incapacité permanente, prévue dans le projet de loi, aboutirait à 1 700 départs annuels supplémentaires, soit une hausse de 50 %. En revanche, nous n'avons pas encore mesuré l'impact de l'élargissement des critères de pénibilité et des plafonds. Enfin, la prise en compte des trimestres validés au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) pour le bénéfice d'une retraite anticipée pour carrière longue concernerait 2 000 à 3 000 femmes par an.

Comme vous le savez, le PLFRSS relève le minimum contributif (Mico) en deux étapes : une première augmentation de 100 euros pour les nouveaux retraités, et la seconde sous la forme d'une prestation différentielle de 100 euros pour les retraités actuels. Pour les premiers, le coût serait de 500 millions d'euros en 2030, et il continuerait d'augmenter ensuite. Tout compris, à l'horizon 2030, on atteint au total 1,3 milliard d'euros, le gros du coût portant sur le stock. Actuellement, 34 % des retraités, soit 4,8 millions de personnes, bénéficient du minimum contributif, pour un montant moyen de 112 euros, auxquels s'ajouteront les 100 euros que je viens de mentionner, au prorata de la durée d'assurance cotisée.

J'en viens aux trimestres réputés cotisés pour la carrière longue : ils ne sont pas pris en compte pour ce minimum contributif sauf, après réforme, pour les trimestres accordés au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et de l'assurance vieillesse des aidants (AVA).

S'agissant de l'articulation entre les 1 200 euros et l'augmentation du minimum contributif, le montant, théorique, de la pension globale perçue à l'issue d'une carrière intégralement effectuée au Smic est actuellement de 1 103 euros bruts. Les 100 euros supplémentaires permettent donc bien d'atteindre 1 200 euros.

Les effets du relèvement, de 39 000 euros à 100 000 euros, du seuil de récupération sur succession de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), c'est-à-dire le minimum vieillesse, sont difficiles à mesurer. Quoiqu'il en soit, en 2022, nous avons collecté 117 millions d'euros à ce titre. Augmenter le seuil réduira sans doute le volume des récupérations de façon significative.

Au total, 1,8 million de personnes bénéficient de trimestres au titre de l'AVPF, tandis que l'AVA, telle qu'elle est instaurée par le PLFRSS, concernerait 100 000 personnes par an.

Vous m'avez interrogé sur les travaux d'utilité collective (TUC) et sur les contrats aidés. Ceux-ci n'apportent pas de droits à retraite, et ces contrats, non traçables, reposent sur une déclaration de l'assuré. Le Gouvernement, dans son étude d'impact, estime le coût de leur prise en compte pour la durée de cotisation à 400 millions d'euros. Il se base, pour cela, sur l'hypothèse d'un taux de recours de 10 %, qui me semble prudente. En effet, une partie des bénéficiaires dispose déjà de tous ses trimestres, et une autre est déjà à la retraite. Nous sommes toutefois susceptibles de le dépasser - j'y suis prêt, en tant que gestionnaire.

J'en viens aux assurés qui se trouvent au chômage lorsqu'ils liquident leurs droits à la retraite - ils étaient 11 % en 2020. L'emploi des seniors relevant du régime général est dans une situation paradoxale : nous sommes au-dessus de la moyenne européenne pour les personnes âgées de 55 à 59 ans, et très en dessous pour les 60 à 64 ans. Cela s'explique à la fois par un manque d'investissement - qu'il faudra combler - dans l'emploi des seniors et par l'effet d'éviction des 62 ans. Ainsi, l'âge l'égal explique en grande partie ces performances relatives. On l'a vérifié avec le report, en 2010, de l'âge légal de 60 à 62 ans, qui a mécaniquement augmenté l'emploi des seniors.

Pas moins de 22 000 assurés bénéficient de la retraite progressive, dispositif relativement confidentiel rapporté aux 850 000 retraites liquidées par an et aux 15 millions de de retraités qui dépendent de nous. Le passage de 60 à 62 ans de l'âge d'ouverture de ce dispositif n'aurait pas d'incidence sur le taux de recours. En revanche, celui-ci pourrait augmenter significativement avec l'inversion de la charge de la preuve prévue par le PLFRSS : le passage à temps partiel associé à la retraite progressive serait opposable à l'employeur, qui devrait faire la preuve de son incapacité à intégrer un travailleur senior à temps partiel.

Ensuite, je vous indique que 580 000 personnes bénéficient aujourd'hui du cumul emploi-retraite, un doublement en dix ans. Le PLFRSS prévoit que ce cumul sera créateur de droits. L'impact final est estimé à 0,3 milliard d'euros.

Enfin, l'effet de l'affiliation au régime général des salariés anciennement affiliés aux régimes spéciaux devrait être relativement transparent, car il s'agit de l'arrivée de nouveaux cotisants, qui s'ouvriront des droits. En revanche, le ratio démographique des régimes spéciaux sera largement dégradé, en raison de la baisse du nombre de leurs cotisants. Une compensation est envisageable, comme c'est déjà le cas pour le régime spécial de la SNCF de la part de la Cnav et de l'Agirc-Arrco. Il me semble toutefois préférable que, si compensation il y a, celle-ci soit déterminée selon un adossement statistique, et non comptable. En effet, le législateur, pour les régimes des industries électriques et gazières (IEG), avait choisi un adossement comptable, dont la conséquence aujourd'hui est de nous faire recalculer une pension fictive pour tous les retraités pour la comparer à celle qu'ils auraient perçue dans le cadre du régime spécial, ce qui aboutit à un double travail. Pour le SNCF, le législateur a prévu un report statistique, tout aussi robuste et plus simple à évaluer.

- Présidence de Mme Chantal Deseyne, vice-présidente -

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - La réforme des retraites est un élément important du collectif. Or, chacun attend une réponse individuelle selon son sort. Comment justifiez-vous le titre du rapport Pour nos retraites : justice, équilibre, progrès ? Ces mots reviennent souvent dans les manifestations contre une réforme jugée parfois injuste et brutale : quel est le sens de la réforme ?

Je vais donc vous demander des précisions sur la situation financière de la branche vieillesse. N'est-elle pas seulement en train de traverser une mauvaise passe, comme on l'entend parfois ? En quoi sa trajectoire est-elle inquiétante ?

Par ailleurs, les éléments paramétriques proposés assurent-ils, à long terme, la soutenabilité du système de retraites et, en particulier, du régime général ?

Alors que la Cnav va intégrer les nouveaux salariés des régimes spéciaux, y est-elle techniquement prête ? Cela s'est-il bien passé pour la SNCF ? Cela modifie-t-il le mode de rémunération des entreprises concernées ?

Par ailleurs, nous sommes régulièrement interrogés par des femmes qui, ayant eu des enfants et disposant du nombre de trimestres requis pour l'obtention du taux plein, seront obligées de travailler davantage en raison de l'« écrasement » des trimestres de majoration de durée d'assurance accordés au titre de la naissance et de l'éducation des enfants. Elles ont le sentiment d'être les victimes de ce projet de réforme.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Certaines personnes, arrivant à quarante-trois annuités, alors qu'elles ont commencé à travailler à vingt ans sans pour autant relever d'une carrière longue, vont devoir attendre l'âge légal une année de plus. Ne pensez-vous pas qu'une surcote, établie non en fonction de la durée d'assurance et de l'âge légal, mais uniquement de la durée d'assurance, adoucirait le report de l'âge légal pour les personnes concernées ? Pourriez-vous nous préciser les conséquences financières d'un tel ajustement ?

Les régimes complémentaires seront-ils associés au financement de la revalorisation des minima de pensions ?

Enfin, combien de personnes bénéficieront-elles effectivement d'une pension globale de 1 200 euros bruts ?

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure pour avis de la commission des finances. - Vous avez présenté les effets des mesures paramétriques sur le solde global de la branche vieillesse, mais n'avez que peu parlé des autres recettes susceptibles de lui être affectées. Avez-vous des estimations ?

Les éventuelles compensations versées aux régimes spéciaux pourraient-elles se mettre en oeuvre pour un régime, comme celui de la RATP, qui s'ouvre à la concurrence ? Je pense aussi aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, car il y a un débat sur la hausse du taux de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

Enfin, sur le cumul emploi retraite, vous avez mentionné un impact de 0,3 milliard d'euros de pensions supplémentaires. Ce montant est-il net des cotisations versées dans le cadre de ce dispositif ?

M. Renaud Villard. - Il ne m'appartient pas de justifier l'étude d'impact. Cela étant, le solde financier du régime général se détériore. (M. Renaud Villard présente un graphique.) Comme vous le voyez, la pente de la courbe s'apparente à une piste rouge, voire noire. Nos chiffres sont ceux du Conseil d'orientation des retraites (COR), il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre nous : les faits sont têtus, et la perspective du solde est très dégradée. À l'horizon 2032, la réforme entraîne à la fois des dépenses réduites et des financements nouveaux, mais aussi certaines dépenses nouvelles.

Nos chiffres convergent avec ceux de l'étude d'impact, car ces derniers ont largement été produits par les équipes de Pascale Breuil. Sans prendre position sur la réforme, madame la rapporteure générale, oui, le déficit du régime général, et celui de son agrégat avec le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), est bel et bien croissant. Cette réponse est aussi celle du COR.

L'effet de l'intégration de quelques dizaines de milliers de nouveaux cotisants est relativement simple à gérer, car nous en avons déjà 22 millions. L'intégration du régime de la SNCF s'est d'ailleurs faite sans difficulté. Toutefois, les régimes spéciaux conserveront une identité propre, notamment pour la branche maladie : il faudra donc construire des échanges en gestion, notamment pour les trimestres validés au titre de la maladie et de la maternité. Nous menons déjà de tels échanges avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) pour le régime général.

Ensuite, sur les trimestres accordés aux femmes ayant eu des enfants, je rappelle qu'il y a trois types d'avantages liés à la maternité : le congé maternité, le congé parental, c'est-à-dire l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), et la majoration de durée d'assurance. Celle-ci correspond à huit trimestres supplémentaires pour chaque enfant. Le congé maternité est, aujourd'hui, transparent en matière de retraite. En effet, il est recevable en durée d'assurance comme en durée cotisée et, depuis 2010, permet le report au compte des 25 meilleures années d'un salaire égal au Smic.

L'AVPF est transparente en matière de durée d'assurance, mais elle n'est prise en compte ni pour les carrières longues ni pour le minimum contributif. Le PLFRSS prévoit de prendre en compte une partie de ces trimestres de congé parental - ceux pendant lesquels la mère interrompt son activité pour s'occuper de ses enfants, c'est-à-dire l'essentiel des cas - dans le cadre de ces deux dispositifs.

Enfin, la majoration de durée d'assurance s'apparente à un bonus quelque peu hors sol, sur l'ensemble de la carrière, de huit trimestres par enfant. Effectivement, ce bonus n'est pas pris en compte pour les carrières longues, et le PLFRSS ne modifie pas cet état de fait. Ainsi, une mère de trois enfants bénéficie de six années d'assurance supplémentaires, c'est-à-dire qu'elle peut théoriquement atteindre la durée requise pour ce taux plein à 56 ans aujourd'hui et 58 ans demain. De ce fait, les femmes partent globalement plus tôt que les hommes : la réforme n'a pas d'effet sur cet état de fait. La retraite moyenne des femmes augmentera du reste davantage que celle des hommes.

En revanche, leur âge moyen de départ à la retraite tend à se rapprocher de celui des hommes. Cela résulte, non du PLFRSS, mais de l'allongement de la durée de travail des femmes. En 2021, deux courbes se sont croisées, celle de la durée d'assurance des femmes et celle de la durée d'assurance des hommes. Jusqu'en 2021, cette dernière était plus longue. Ainsi, l'âge moyen de départ à la retraite des femmes se rapproche de celui des hommes, parce que leurs carrières se rapprochent aussi, sur le plan de la durée d'assurance.

Le chiffrage de la surcote évoquée par M. Savary est simple : une année de surcote est neutre pour un régime de retraite. Par exemple, une année de surcote de 5 % pour un départ à la retraite à 64 ans équivaut à faire partir la personne à 63 ans - de même pour une surcote de 10 % pour un départ à 64 ans au lieu de 62 ans. Il s'agit d'un calcul actuariel : partir 64 ans revient à bénéficier, en moyenne, de 22 ans de retraite au lieu de 24.

Vous soulevez la question de l'articulation entre retraite de base et retraite complémentaire. La loi de 2003 fixait l'objectif, politique, mais non normatif, d'une pension globale égale à 85 % du Smic pour une carrière complète au Smic. Depuis, on a décroché de 100 euros. Or, une retraite se compose d'une pension de base et d'une pension complémentaire, cette dernière étant gérée par les partenaires sociaux. Le PLFRSS prévoit d'augmenter de 100 euros le minimum contributif, et donc de faire reposer sur la seule pension de base la compensation de ce décrochage, pourtant dû en partie à la pension complémentaire. Cela s'explique parce que le législateur n'est pas décisionnaire en ce qui concerne le régime complémentaire, mais cet effort pose un problème de financement.

Quant au seuil de 1 200 euros, 1,8 million de personnes bénéficieront du coup de pouce de 100 euros.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Parmi eux, quels sont ceux qui toucheront effectivement 1 200 euros bruts ?

M. Renaud Villard. - Je n'ai pas la main sur les paramètres de la retraite complémentaire. Le projet de loi prévoit une revalorisation de 100 euros, proratisée en fonction de la durée d'assurance validée et cotisée. Ainsi, certains resteront en deçà des 1 200 euros, même avec la revalorisation, parce que le taux de cotisation de retraite complémentaire varie d'une entreprise à l'autre. C'est pourquoi la loi de 2003 avait fondé l'objectif de 85 % du Smic sur un cas type. Le PLFRSS ajoute 100 euros sur la seule retraite de base pour le flux et pour le stock : l'objectif politique de 2003 devient donc un impératif normatif en indexant le Mico sur le Smic. En revanche, le dispositif légal ne porte que sur la retraite de base : si, demain, les retraites complémentaires décrochent, on reculera à nouveau. Le PLFRSS, qui ne peut s'appliquer à elles, s'appuie donc uniquement sur ce qui relève du législateur.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - À combien estimez-vous le nombre d'assurés qui bénéficieront précisément de 100 euros d'augmentation ? En effet, vous avez mentionné 1,8 million de bénéficiaires au total, mais la revalorisation sera proratisée pour beaucoup d'entre eux.

M. Renaud Villard. - Parmi ces bénéficiaires, on dénombre 1,1 million de femmes, soit 61 % du total, et 700 000 hommes, soit 39 %. L'augmentation moyenne sera de 70 euros. En revanche, je n'ai pas la ventilation fine. Le PLFRSS donne jusqu'à septembre 2024 pour l'achever. La raison en est que nous ne disposons pas des données relatives aux trimestres cotisés pour les pensions liquidées avant la création du Mico majoré, en 2004. Le droit de la retraite était plus simple en 1990 qu'en 2023, donc énormément de données sont encore indisponibles. De nombreuses personnes sont parties à la retraite durant les années 1990 : elles ont travaillé durant les années 1950, avant même les cartes perforées. Reconstituer leurs carrières et leurs cotisations représente beaucoup de travail, et c'est pourquoi nous n'avons qu'un chiffrage global. En effet, c'est la première fois qu'une mesure touche tous les retraités en fonction de leur carrière, qu'il faudra donc partiellement reconstituer.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Pourriez-vous nous donner davantage de précisions sur le stock de retraités ?

M. Renaud Villard. - Pour le stock de 1,8 million de bénéficiaires, on atteint 680 euros supplémentaires par an en moyenne, soit 760 euros pour les femmes et 540 euros pour les hommes.

La compensation des régimes spéciaux relèvera certainement du cas par cas, selon le profil des régimes. Par exemple, celui de la RATP est déjà largement compensé par l'impôt, et il n'appartiendra donc pas à la Cnav de faire jouer la compensation démographique. Il faudra une concertation technique avec les régimes. Vous avez toutefois raison, il ne faudra pas fausser l'ouverture à la concurrence.

Sur les agents publics, la hausse du taux de cotisation employeur à la CNRACL est sans incidence sur le régime général.

Enfin, le 0,3 milliard d'euros que j'ai mentionné ne correspond qu'aux dépenses nouvelles. Cependant, les cotisations associées existent déjà et sont perçues : il s'agit donc bien d'une dépense supplémentaire pour notre régime de retraite. En effet, jusqu'alors, ces cotisations, dites de solidarité, n'apportaient aucun droit.

Mme Sylvie Vermeillet. - À quelle hauteur s'élèvent les autres ressources qui seront affectées à la branche vieillesse ?

M. Renaud Villard. - Le transfert de cotisations accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) s'élève à 1 milliard d'euros.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Plutôt 800 millions d'euros, ce qui n'est pas assez !

M. Renaud Villard. - Nous vous transmettrons l'ensemble des éléments, mais nous n'avons pas intégré les attributions de ressources supplémentaires, car cela ne relève pas du pilotage du régime.

Mme Monique Lubin. - Vous disiez qu'il n'y avait pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre la Cnav et le COR, mais celui-ci faisait état d'un excédent de 3 milliards d'euros en 2022, contre 1,8 milliard d'euros de déficit selon vous. D'où cette différence vient-elle ?

Ensuite, vous êtes le directeur de la Cnav : si vous relevez 5,8 milliards d'euros d'amélioration pour 2032, il faut mettre ce montant en rapport avec les dépenses supplémentaires ne relevant pas de la Cnav - je pense aux aides sociales.

Enfin, vous qualifiez le solde futur hors réforme d'« extrêmement dégradé » là où le COR écrit, noir sur blanc, que la trajectoire n'est pas en danger.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Il s'agit de la trajectoire des dépenses, pas du solde...

Mme Monique Lubin. - Certains parlent de solde, d'autres de part des dépenses de retraite dans le PIB... même avec les mêmes chiffres, les interprétations divergent parfois.

Pouvez-vous chiffrer l'impact de l'intégration des trimestres attribués aux femmes au titre, non du congé parental, mais de la naissance et de l'éducation des enfants ? Quel serait l'effet d'octroyer aux femmes le bénéfice de ces trimestres pour prendre leur retraite à 62 ans, plutôt que d'attendre deux ans de plus ? En effet, avec un départ à 64 ans, ce « service rendu à la nation » ne leur sert plus à grand-chose...

Vous avez, par ailleurs, mentionné les TUC : beaucoup de personnes nous ont saisis à ce sujet. Comment cette mesure sera-t-elle concrétisée ?

Enfin, on parle toujours de coûts et de dépenses, mais non de recettes nouvelles. Vous a-t-on demandé de chiffrer d'éventuelles augmentations de cotisations patronales ? Jean-Marie Vanlerenberghe a, lors de l'audition d'Olivier Dussopt, avancé quelques chiffres intéressants à ce sujet.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Si j'ai bien compris, la mesure de revalorisation du Mico est totalement à la charge du régime de base pour ce qui concerne le stock. Pour ce qui est du flux en revanche, il faut bien tenir compte, dans le calcul, de la retraite complémentaire, si l'on veut connaître le nombre de personnes concernées.

Le groupe d'experts sur le Smic indique que 6 % des personnes touchant moins de 1,1 fois le Smic font une carrière complète. La réforme dégrade leur situation.

Si le coût global que représentent les générations qui sont aux portes de la retraite a été calculé, c'est bien que l'on connaît la distribution des bénéficiaires de la revalorisation du Mico ! Or par deux fois, nous avons posé la question de la distribution sans obtenir de réponse.

Autant nous nous félicitons de la mesure relative au stock - il s'agit d'un rattrapage -, autant nous nous demandons ce qui garantit que la revalorisation du Mico assurerait aux futurs retraités une pension au moins égale à 85 % du Smic, ce qui remet en cause l'importance de cette mesure sociale de la loi que nous allons voter.

Mme Catherine Procaccia. - En voilà une bonne nouvelle ! (Sourires.)

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je voulais dire : du projet de loi sur lequel nous allons nous prononcer, si tant est que nous en ayons le temps, vu les délais impartis.

Par ailleurs, vous faites vôtre l'effet « horizon ». Mais l'augmentation du taux d'activité n'est pas liée uniquement à la modification de l'âge d'ouverture des droits. Le taux d'activité a été gonflé également par la durée de cotisation requise pour le taux plein. N'oublions pas non plus l'arrivée massive de femmes sur le marché du travail. Ne serait-ce que par l'effet générationnel, le taux d'activité entre 60 et 63 ans a été mécaniquement poussé. Tout le monde parle de l'effet « horizon », mais personne n'explique comment il a été scientifiquement calculé.

Le taux d'invalidité des Français à 60, 61 ou 62 ans est plus fort que chez nos voisins européens. La situation est peut-être meilleure en France à 60 ans, mais elle se dégrade ensuite. En matière d'espérance de vie en bonne santé, nous accusons ainsi dix ans d'écart avec la Suède.

M. Olivier Henno. - Quand la fusée part de biais, il n'est pas simple de la faire arriver à bon port. Une bonne partie des Français doute de l'urgence et de la nécessité de la réforme. Par certaines de ses affirmations, le COR est en partie responsable.

À nous de faire preuve de pédagogie et de montrer que la réforme contient de nombreux éléments de justice. Dans l'opinion s'est répandue l'idée qu'elle serait difficile pour un certain nombre de femmes, qui devraient travailler jusqu'à 67 ans pour prétendre à une retraite à taux plein.

Quel serait le coût en termes de surcote éventuelle - des amendements sur la question ont été déposés à l'Assemblée nationale - des trimestres validés et des trimestres cotisés ? En effet, dans une carrière en pointillés, il peut arriver que des trimestres soient validés, sans avoir été cotisés.

Plus on aborde la question sous l'angle de la solidarité, plus les économies ou les moindres dépenses escomptées diminuent. Or disons-le, l'équilibre du régime est l'objectif majeur. Oui aux mesures de solidarité, à condition que la réforme contribue à l'équilibre du régime !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je précise à Monique Lubin que, dans le rapport du COR, à la page 11, il est question non pas du solde du système de retraite, mais de ses dépenses en part du PIB, qui seraient sous contrôle. Cela suggère une baisse - certes relative - du niveau des pensions par rapport au revenu d'activité moyen.

Mme Monique Lubin. - C'est le sujet !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - J'estime que ce passage, dont tous les opposants à la réforme s'emparent, est de nature à biaiser complètement notre regard.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Ce n'est pas un problème de dépenses, mais de ressources !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - C'est un problème de ressources, mais aussi de dépenses. Nous sommes dans un système par répartition. Par définition, il faut donc en priorité des cotisations. On peut discuter, ensuite, de la manière dont les mesures de solidarité sont financées (contribution sociale généralisée, impôts, etc.).

Monsieur le directeur, quel serait le rendement d'une augmentation des cotisations de 0,33 %, soit 100 euros en moyenne seulement par an et par salarié ? Quel serait ensuite le coût, pour le système de retraite, des bonifications pour enfant en cas d'allongement de la durée de cotisation à quarante-trois annuités ? Ces mesures - bonification de seize trimestres pour deux enfants, vingt-quatre pour trois enfants - ont inévitablement un coût, puisqu'elles supposent une retraite sans décote et à taux plein.

Il en est de même des carrières longues. Je ne comprends pas les hésitations entre quarante-trois ans et quarante-quatre ans. La Première ministre a pourtant annoncé que personne ne partirait à la retraite, sauf voeu contraire, après avoir travaillé plus de quarante-trois ans. Quel serait le coût de l'ouverture du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue dès quarante-trois annuités aux assurés ayant commencé à travailler avant 18 ans ?

Enfin, question subsidiaire, quel sera le coût, pour les collectivités locales, de l'augmentation des cotisations à la CNRACL ?

Mme Pascale Breuil, directrice statistiques, prospective et recherche de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. - Le régime général est un régime de retraite parmi les autres. C'est le plus grand d'entre eux, mais il ne représente que 40 % des dépenses de retraite.

Mme Monique Lubin. - C'est important !

Mme Pascale Breuil. - Par ailleurs, si je peux vous dire que nous verserons cette année 150 milliards d'euros aux bénéficiaires du régime général, je ne saurais vous répondre sur les questions relatives aux cotisations, qui sont gérées par nos collègues de l'Urssaf caisse nationale.

M. Renaud Villard. - Veuillez m'excuser, madame Lubin, d'avoir employé un adjectif péjoratif en évoquant le solde de la branche retraite. Lorsqu'un déficit tutoie, voire dépasse, les 10 %, cela constitue pour moi une alerte. C'était un jugement de valeur de ma part et je le regrette.

En ce qui concerne les majorations de durée d'assurance au titre de la naissance et de l'éducation des enfants, qui deviendraient inutiles, elles le sont en réalité déjà, et massivement. L'Assemblée nationale s'est d'ailleurs saisie à deux reprises, me semble-t-il, d'un rapport sur le thème : « Comment rendre utile ce qui est inutile ? »

Ces majorations visent uniquement à permettre aux femmes de ne pas attendre 67 ans pour bénéficier automatiquement du taux plein. Or il est possible d'atteindre le taux plein d'une autre façon, par la durée d'assurance par exemple. Il s'agit non pas de trimestres qui doivent être absolument valorisés, mais en quelque sorte de trimestres de garantie.

J'ai bien pris soin de le préciser : la maternité et le congé parental rentrent dans le calcul de la pension de retraite « normale ». Nous parlons ici de majorations -  deux ans par enfant - qui permettent uniquement de bénéficier du taux plein avant 67 ans.

Mme Monique Lubin. - C'est une façon de voir les choses. Il y a aussi des femmes qui y perdront. C'est à elles que je pense.

M. Renaud Villard. - Un certain nombre de femmes, qui ont eu beaucoup d'enfants, se retrouvent avec des « super durées d'assurance ».

Par ailleurs, nous comptons aujourd'hui sept âges de départ à la retraite : âge légal, handicap, carrières longues, invalidité ou inaptitude, Aspa, taux plein et réversion. Sur ces sept âges de départ, deux seulement sont concernés par le PLFRSS. En réalité, beaucoup de sujets dont on parle ne se posent pas. L'âge de départ pour inaptitude, par exemple, demeure inchangé, à 62 ans.

Avec ce PLFRSS, l'âge légal est modifié pour les déciles 3 à 9 et très peu pour les personnes les plus modestes. L'effet financier est en outre majeur pour les déciles 2 à 5
- jusqu'à 1,5 Smic - et assez infinitésimal sur les autres. Finalement, les « perdants » de la réforme n'appartiennent qu'à une seule catégorie, celle des « surcoteurs ». Pour cinq catégories sur sept, la réforme est transparente.

Enfin, plus d'un million de personnes sont concernées par les TUC. En signant leur contrat d'engagement, elles ont eu sincèrement l'impression que l'État cotisait pour elles, même si des dispositions discrètes stipulaient le contraire. Il y a là une forme d'engagement moral juridique à corriger la situation.

Le projet de loi prévoit d'accorder un trimestre par 50 jours de TUC, la difficulté étant de retrouver les personnes concernées.

M. Xavier Iacovelli. - Cela ne concerne que le stock de retraités ?

M. Renaud Villard- Oui. Nous parlons ici des premiers contrats aidés, conclus dans les années 1980 et 1990. Depuis, l'ensemble des contrats aidés ouvrent des droits à retraite. Si l'on parle de formation professionnelle, alors il est possible de valider des trimestres à ce titre.

Le minimum contributif ne vise pas ceux qui ont cotisé au Smic. Il a deux étages : le premier bénéficie à ceux qui ont une petite retraite et le taux plein ; le second, le minimum contributif majoré, ceux qui ont une petite retraite en ayant effectué une carrière complète cotisée, qu'ils aient travaillé au Smic ou non. Cela peut concerner des gens qui ont travaillé vingt ans pour un demi-Smic et vingt ans pour deux Smic, ou encore bien d'autres profils, très divers. Cela explique l'effet assez puissant de la mesure prévue pour le stock, mais surtout pour le flux. Les gros gagnants de la réforme, financièrement, sont les travailleurs modestes des déciles 2 et 3, dont la pension augmentera en moyenne de 7 %. L'impact de la mesure sur le flux sera très progressif, mais net : on estime que 200 000 personnes par an seront gagnantes, dont 130 000 femmes. Tous ne vont pas recevoir 100 euros de plus, mais on veut garantir qu'une pension aujourd'hui fixée à 750 euros passe à 850 euros, auxquels s'ajoute la retraite complémentaire.

Je ne crois pas du tout à l'effet horizon ! Le décalage mécanique du marché de l'emploi postulé dans cette construction intellectuelle n'existe pas. Ce qui existe, ce sont des effets structurels, des politiques des employeurs, ou encore les effets de la réglementation. En 2010, le législateur craignait un afflux de chômeurs parmi les personnes âgées de 60 à 62 ans, mais tel n'a pas été le cas : le taux de chômage des personnes partant à la retraite n'a pas vraiment changé, il a même diminué avec l'amélioration du marché de l'emploi.

Quant à la différence entre trimestres cotisés et trimestres validés, jusqu'aux années 1980, il n'y en avait pas. Depuis lors, beaucoup de dispositifs favorables liés à l'effort contributif ont été mis en place, pour les carrières longues ou le calcul des minima de pension. Aujourd'hui, il n'y a toujours pas de différence pour le minimum « de base », mais il y en a beaucoup au titre de ces majorations.

Enfin, concernant les bonifications pour enfants, offrir deux ans de bonus par enfant aurait un coût colossal. En effet, 82 % des femmes auraient ce bonus : 40 % des assurés verraient leur âge légal de retraite abaissé en moyenne de quatre ans et toutes les mères de trois enfants partiraient à 58 ans... Cela se chiffrerait en dizaines de milliards d'euros !

Mme Pascale Breuil. - Quant à l'hypothèse d'une hausse des cotisations, vous trouverez dans l'étude d'impact l'effet que cela aurait. Dans le scénario retenu par le Gouvernement, avec un taux de chômage de 4,5 %, pour réduire le déficit prévu, il faudrait une hausse de 442 euros par an en moyenne par personne, soit 0,8 à 0,9 point.

Mme Chantal Deseyne, présidente. - Nous vous remercions de votre participation.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

- Présidence de Mme Chantal Deseyne, vice-présidente -

Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 - Audition de M. Christophe Rolin, directeur général de la caisse de retraites du personnel de la RATP

Mme Chantal Deseyne, présidente. - Nous entendons à présent M. Christophe Rolin, directeur général de la caisse de retraites du personnel de la RATP (CRPRATP), sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023.

M. Christophe Rolin, directeur général de la caisse de retraites du personnel de la RATP. - La caisse que je dirige est de bien moindre taille que la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), dont vous venez d'entendre le directeur : elle a quelques dizaines de milliers de salariés, nous n'en avons que 40, signe de notre efficience... Notre caisse a été créée en 2006, elle est indépendante de la RATP et placée sous la tutelle des ministères du budget et des affaires sociales. Jusqu'en 2006, les retraites étaient gérées directement par l'entreprise. Nous versons environ 1,2 milliard d'euros de prestations, en croissance régulière ; nous comptons 52 000 pensionnés et 42 000 salariés cotisant au régime spécial.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Quelles sont les spécificités du régime de retraite des personnels de la RATP par rapport aux régimes obligatoires de base ? Quelle sera l'incidence de la fermeture aux nouveaux entrants de ce régime sur sa trajectoire financière et à quelle échéance son extinction devrait-elle intervenir ? Le versement par le régime général d'une compensation de la perte de cotisations induite par cette fermeture est-il envisagé ?

M. Christophe Rolin. - Le régime de la RATP est assez proche de celui de la fonction publique, avec quelques spécificités qui le rapprochent du régime général.

Tout d'abord, notre régime se caractérise par une prise en compte importante de la pénibilité, et ce depuis 1945. C'est le régime qui distingue le mieux entre service sédentaire et service actif ; 90 % du personnel relève de ce dernier. Le service actif se décompose lui-même en plusieurs catégories en fonction de la pénibilité des métiers. De nombreux mécanismes ont été mis en place, depuis longtemps, pour faire bénéficier les agents de droits spécifiques, qui trouvent leur expression dans des abaissements d'âge de départ ou des majorations des durées de service, à due proportion de la pénibilité de leur métier. Ces calculs se font de manière assez fine : un agent peut changer de catégorie ou de sous-catégorie de pénibilité à l'échelle d'un mois, voire d'une semaine : chaque période est prise en compte spécifiquement dans le calcul des droits.

Notre régime se distingue aussi par une assez forte individualisation des droits. Le critère générationnel est très peu pertinent dans ce régime. Chaque salarié, en fonction de son appartenance à tel ou tel tableau, en fonction des périodes passées dans telle ou telle catégorie, peut largement prévoir et individualiser sa pension, même si elle est basée sur les six derniers mois. Chaque salarié peut assez facilement définir le moment et les conditions de son départ en retraite, ainsi que le montant de sa pension. Nous avons à cette fin développé un simulateur, véritable outil de pré-liquidation.

S'agissant de la trajectoire financière, je n'ai pas d'élément à vous apporter, car cela doit être décidé dans le cadre des lois de finances à venir. Je reprendrai simplement un chiffre figurant dans l'étude d'impact : il y a actuellement entre 1 500 et 2 000 embauches sous statut à la RATP, ce qui représente de 20 à 25 millions d'euros de cotisations par an, qui ne seront plus perçues si ces recrutements se font au régime général. Je rappelle que la CRPRATP verse un peu de moins de 1,3 milliard d'euros de prestations, dont 780 millions d'euros subventionnés par l'État.

Je ne dispose pas d'éléments supplémentaires pour ce qui est de la troisième question concernant la garantie donnée par le Gouvernement d'une compensation de la perte de cotisation. Les modalités restent à définir, soit par une majoration de la subvention de l'État, soit dans le cadre d'un transfert des régimes qui seront récipiendaires, c'est-à-dire le régime général et l'Agirc-Arrco.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Quelle échéance est-elle prévue pour l'extinction du régime, concrètement à la fin des pensions de réversion ?

M. Christophe Rolin- Pour vous donner un ordre d'idée, j'ai à l'esprit les cas d'une veuve qui bénéficie d'une pension de réversion depuis 1947 et d'un retraité qui perçoit une pension de réforme depuis 1952. On serait donc plus proche des 80 ans que des 40 ans.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - L'extension du dispositif de retraite anticipée s'appliquera-t-elle à votre régime ? Combien d'assurés exercent-ils actuellement en cumul emploi-retraite ?

M. Christophe Rolin. - Le dispositif de retraite anticipée de carrière longue s'applique, mais est peu utilisé : il concerne actuellement 152 personnes. Cela peut s'expliquer par la possibilité de partir tôt à la retraite.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Les gens qui pouvaient partir à 52 ans ne le pourront-ils désormais qu'à 54 ans et ceux qui pouvaient le faire à 57 ans n'en faire de même qu'à 59 ?

M. Christophe Rolin- En réalité, ceux qui peuvent partir à 52 ans - le tableau B - ne le font en moyenne qu'à plus de 56 ans, et ceux qui peuvent le faire à 57 ans
- le tableau A - le font à 57 ans et demi. L'âge de départ augmente chaque année d'un trimestre et environ 85 % des salariés de la RATP ne partent que lorsqu'ils n'ont plus de décote.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Le décalage de l'âge légal ne changerait donc pas grand-chose ?

M. Christophe Rolin- En effet, je ne le crois pas, d'autant que la réforme Touraine n'a pas encore produit tous ses effets sur notre régime. Cela pourrait en revanche affecter les montants des pensions, qui ne seront plus calculées sur 168 trimestres, mais sur 172.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Le cumul emploi-retraite est-il utilisé par beaucoup de personnes ?

M. Christophe Rolin- Il y en avait assez peu jusqu'à présent, entre 500 et 600 par an, mais nous sommes passés l'an dernier à 1  477, soit une multiplication par trois, ce qui peut s'expliquer par le fait que de plus en plus de salariés ne partent pas en retraite au taux maximum, mais qu'ils le font relativement jeunes et peuvent facilement reprendre une activité - y compris dans l'entreprise, sous le statut du régime général.

Actuellement, près de 5 000 salariés de la RATP sont contractuels et relèvent du régime général ; ils représentent plus du tiers du recrutement annuel.

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure pour avis de la commission des finances. - Comment l'ouverture à la concurrence se mêle-t-elle à cette réforme ? Quelle est votre estimation du coût du déséquilibre démographique et de celui des droits spécifiques ? Par ailleurs, nous venons d'auditionner le directeur de la Cnav, qui ne semble pas envisager de compenser les pertes de cotisations liées à la fermeture du régime RATP. Comment envisagez-vous l'avenir de la CRPRATP ? Comment comptez-vous compenser la perte de 20 à 25 millions d'euros par an que vous avez évoquée ?

M. Christophe Rolin. - L'ouverture à la concurrence est un sujet très important. Si elle a été prévue par la loi d'orientation des mobilités (LOM) au 1er janvier 2025, les décrets d'application n'ont pas été pris. Parmi les presque 43 000 salariés du régime, plus de 40 % vont quitter l'entreprise d'ici à cette date, soit pour des filiales de la RATP, soit pour des organismes qui auront remporté les marchés. Ceux-ci vont perdre leur statut, mais pas leur droit à la retraite au régime spécial. La CRPRATP devra donc gérer, si j'en crois la LOM, quelque 20 000 personnes, réparties dans diverses entreprises relevant du secteur privé et du régime général, en leur garantissant les mêmes droits que s'ils étaient restés dans le régime. C'est un enjeu complexe, à la fois technique et financier : comment récupérer les cotisations et gérer les droits de ces salariés ?

Il est évident que le manque à gagner des cotisations qui ne seront plus perçues en 2023 dégradera fortement les comptes du régime. Pour le moment, nous faisons des prévisions sur les bases existantes. L'année dernière, la subvention de l'État était de 780 millions d'euros. Dans quatre ans, selon les estimations qui ont été faites en septembre - et qui devront être revalorisées -, à régime constant, le besoin de financement sera de 960 millions d'euros, et même plus si on retranche les cotisations actuellement perçues. L'État s'est engagé à compenser, selon des modalités qui seront déterminées par les prochaines lois de finances : cela peut passer par une majoration de la subvention actuelle, ou par un reversement de la Cnav, ce qui serait somme toute logique compte tenu du maintien des droits aux régimes spéciaux des personnes qui cotiseront auprès de celle-ci.

En ce qui concerne les droits spécifiques, je n'ai pas eu de demande ; la Cour des comptes a abordé le sujet il y a quelques années, concluant à la difficulté de chiffrer ceux-ci.

S'agissant du devenir de la CRPRATP, je ne sais pas si elle existera toujours dans 80 ans pour gérer les droits des derniers retraités, mais je conclurai en soulignant deux choses : cet organisme est actuellement très efficient, avec des coûts de gestion de 0,4 %, et la qualité du service est très bonne, selon tous les indicateurs dont nous disposons. Quel que soit le gestionnaire futur, ces éléments devront rester en ligne de mire.

Mme Chantal Deseyne, présidente. - Nous vous remercions de votre participation.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Proposition de loi relative aux outils de lutte contre la désertification médicale des collectivités - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Daniel Chasseing rapporteur sur la proposition de loi n° 102 (2022-2023) relative aux outils de lutte contre la désertification médicale des collectivités présentée par M. Dany Wattebled et plusieurs de ses collègues.

Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture - Désignation des membres de la commission mixte paritaire

La commission soumet au Sénat la nomination de Mmes Catherine Deroche, Pascale Gruny, MM. Laurent Duplomb, Hervé Maurey, Didier Marie, Mmes Corinne Féret et Nicole Duranton comme membres titulaires, et de Mme Chantal Deseyne, MM. Cyril Pellevat, Jean-François Rapin, Michel Canévet, Mme Monique Lubin, M. Stéphane Artano et Mme Cathy Apourceau-Poly comme membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.

La réunion est close à 12 h 15.

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 18 h 30.

Audition de Mme Caroline Semaille, candidate proposée à la direction générale de Santé publique France

Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique qui prévoit l'audition par les commissions compétentes du Parlement des présidents, directeurs et directeurs généraux d'institutions visées à divers articles du même code avant leur nomination par l'exécutif.

Nous entendons Mme Caroline Semaille, candidate proposée aux fonctions de directrice générale de l'Agence nationale de santé publique, Santé publique France (SPF).

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat.

Comme je l'ai fait pour l'audition de la future directrice générale de l'Agence de la biomédecine, je voudrais rappeler que l'avis de vacance pour le poste de directeur général de l'Agence nationale de santé publique, a été publié le 27 juillet 2022, que le poste est vacant depuis la fin octobre et que nous n'avons été saisis que très récemment de cette demande d'audition.

Après la crise sanitaire, on ne présente plus Santé publique France, qui a par ailleurs fait l'objet d'une enquête de la Cour des comptes, qui nous a été remise récemment.

Notre commission est particulièrement attentive aux missions de l'Agence, à son financement, ainsi qu'à ses relations avec sa tutelle, le ministère de la santé.

La réflexion en cours sur la réforme du ministère devrait également avoir des implications sur les dispositifs d'alerte et de veille sanitaires auxquelles nous serons attentifs.

Je vous laisse la parole pour présenter votre parcours, les enjeux que vous identifiez pour l'Agence et la façon dont vous entendez y répondre.

Mme Caroline Semaille. - Madame la présidente, madame la rapporteure générale, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, ma candidature à la direction de Santé publique France qui vous est proposée par le Gouvernement me permet d'avoir l'honneur d'être entendue par votre commission.

Celle-ci a produit de nombreux travaux sur le rôle des agences sanitaires, mais aussi sur les enjeux majeurs de santé publique. J'ai moi-même, au cours de ces dernières années, eu la chance de contribuer au développement des trois principaux opérateurs de cet écosystème sanitaire. J'y reviendrai dans le cadre de mon propos.

Directrice générale adjointe depuis presque deux ans à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), j'ai acquis au cours des vingt dernières années au sein des trois agences sanitaires une assez large expérience de la gestion de crise, des politiques de santé publique, de la démocratie sanitaire, du management et de la gestion d'établissements publics à vocation d'expertise dans le domaine de la santé et de l'environnement. C'est sur ces bases, ainsi que sur l'ensemble de mon parcours professionnel, que se fonde ma candidature au poste de directrice générale de Santé publique France.

Je suis médecin de santé publique, praticien hospitalier, épidémiologiste et j'ai consacré les dix premières années de ma vie professionnelle aux maladies infectieuses, en particulier à la lutte contre le VIH/Sida, afin de soutenir des projets de prévention dans le cadre de missions d'appui ou de missions humanitaires.

Parallèlement à une activité clinique pratiquée depuis plus de quinze ans, j'ai rejoint en 2000 l'Institut de veille sanitaire - aujourd'hui Santé publique France - en tant que médecin épidémiologiste en charge de la surveillance du VIH, des IST et des hépatites.

Pendant ces dix années, j'ai animé une équipe à la frontière entre la surveillance et la recherche, au sein de laquelle j'ai développé des systèmes de surveillance innovants, mis en place des enquêtes auprès des populations vulnérables comme les populations carcérales ou usagers de drogue.

Titulaire d'une habilitation à diriger des recherches, j'ai aussi conservé des fonctions d'encadrement et d'enseignement pendant plusieurs années.

Dans le cadre de mes fonctions, j'ai également été très engagée, dès le début des années 2000, dans un dialogue avec les associations de patients - Aides et Act-Up notamment - qui a été finalement précurseur de l'ouverture à la société civile que nous connaissons aujourd'hui.

En décembre 2013, j'ai rejoint l'ANSM en tant que directrice produits, à la tête d'une équipe pluridisciplinaire. J'ai notamment contribué, en 2018, à définir les conditions de réussite de la politique vaccinale chez les nourrissons : concertations publiques et informations transparentes ont contribué à restaurer la confiance et l'adhésion des familles à cette politique de santé publique.

J'ai toujours conservé un lien avec l'expertise en santé publique et une sensibilité aux questions déontologiques. Ainsi, j'ai été membre du Haut Conseil de santé publique (HCSP) et j'ai participé à la Commission nationale de déontologie des alertes en matière de santé publique et d'environnement (CnDAspe).

Forte de ces expériences en matière de santé humaine et de management, j'ai été nommée en 2019 directrice générale déléguée de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Je dirigeais alors une équipe de 350 personnes et j'étais chargée de l'évaluation des produits phytopharmaceutiques et biocides. Je supervisais également l'activité de l'Agence nationale des médicaments vétérinaires (ANMV). Les dossiers que j'ai traités à l'Anses mêlaient intimement les questions de santé humaine, de santé animale et de santé environnementale.

Je retiens notamment de cette expérience l'importance du dialogue avec les parties prenantes, en particulier sur des sujets à forte dimension de controverse, et évidemment les enjeux environnementaux.

J'ai aussi été amenée à participer à la lutte contre de nombreuses crises sanitaires qui ont marqué ces vingt dernières années : SRAS, H1N1, MERS-CoV, Ebola en 2014 et, plus récemment, Covid.

Dès mars 2020, je suis venue en appui pendant quelques mois à la recherche auprès de REACTing-INSERM, devenue l'ANRS-MIE. C'est un partenaire privilégié de Santé publique France.

C'est toujours en pleine crise sanitaire, en avril 2021, que j'ai rejoint mes anciens collègues de l'ANSM au poste de directrice générale adjointe en charge des opérations, où j'ai dirigé une équipe de 800 personnes.

Outre les enjeux liés à l'évaluation et à la surveillance en vie réelle des vaccins et des traitements Covid, l'ANSM est garante d'un cadre assurant le même niveau d'exigence sur chacune des 80 000 autorisations délivrées chaque année grâce à la collégialité de l'expertise, un cadre déontologique strict, une transparence et un dialogue permanent avec les parties prenantes.

C'est mon parcours professionnel, puis mes vingt dernières années au sein de ces trois grandes agences sanitaires qui m'amènent aujourd'hui devant vous pour poursuivre mon engagement au service de l'intérêt général, à la tête de Santé publique France.

Santé publique France occupe une position particulière dans mon parcours, vous l'aurez compris, mais surtout au sein de l'écosystème sanitaire. C'est l'Agence qui surveille et décrit la santé de 67 millions de Français, qui identifie les risques qui menacent leur santé. C'est une agence qui accompagne les Français au travers d'actions de prévention et de promotion de la santé. C'est une agence qui éclaire les décideurs, apporte son expertise, y compris aux autres institutions, met à disposition des données de santé robustes, au travers notamment de l'Observatoire cartographie Géodes. En 2021, ce sont 18 millions de visiteurs qui ont consulté la plateforme Géodes.

C'est une agence qui contribue aussi à soutenir le système de santé par la mobilisation de la réserve sanitaire et assure la gestion des stocks stratégiques grâce à l'établissement pharmaceutique. Ce sont plus de 200 millions de doses de vaccins qui ont été distribuées en métropole et outremer. L'Agence s'appuie sur des compétences variées, des équipes implantées dans toutes les régions et sur des dispositifs de surveillance multiples, des grandes enquêtes, des outils de prévention, du marketing social et des services d'aide à distance.

Ces dispositifs de surveillance multisources ont montré leurs performances pendant la crise sanitaire, mais il faut les moderniser, les fiabiliser, les doter d'un schéma directeur, ainsi que l'a relevé le récent rapport de la Cour des comptes.

Rappelons que SPF et ses partenaires ont réussi, en un temps record, à élaborer des systèmes d'information pour la gestion de crise, sur laquelle bien sûr il faut capitaliser et créer des systèmes pérennes, connectés et interopérables.

Santé publique France, ce sont aussi de grandes enquêtes dont les résultats éclairent l'état de santé des Français. Je pense à l'étude sur le bien-être des enfants de moins de onze ans. Je pense aussi à l'étude Kanarri sur l'imprégnation de la population antillaise par le chlordécone ou aux Baromètres santé, ces études répétées depuis 30 ans qui constituent le véritable observatoire de l'évolution des comportements des Français. Ces études sont indispensables pour nourrir les politiques publiques et évaluer leur efficacité.

Les données issues de la surveillance des enquêtes permettent de suivre les déterminants de santé, de décrire le fardeau lié à chaque pathologie et contribuent à orienter les mesures de prévention et de promotion de la santé, incarnant ainsi le continuum de l'Agence, de la connaissance à l'action, de la surveillance à la prévention.

SPF n'est pas la seule à intervenir dans le champ de la prévention. Elle fait partie d'un vaste réseau d'acteurs institutionnels ou associatifs avec, en chef de file, bien entendu, le ministère de la santé et de la prévention.

L'enjeu pour l'Agence est de concentrer ses efforts sur des interventions efficaces, évaluées. Il peut s'agir d'intervention que l'Agence conduit en direct ou non. C'est le cas de dispositifs basés sur des référentiels, comme Nutri-score. C'est aussi SPF qui anime et héberge le régime français des interventions efficaces et prometteuses en prévention et promotion de la santé.

L'Agence dispose donc d'un large périmètre, qui est la traduction d'une volonté, née en 2016, de doter notre pays d'une agence de santé publique forte scientifiquement et incarnant le continuum de la connaissance à l'action et de la surveillance à la prévention.

Cela confère à la direction générale une responsabilité que j'entends assumer pleinement, si vous m'accordez votre confiance, en éclairant la décision publique et le citoyen sur la base d'expertises et de données scientifiques, et en favorisant les environnements favorables à la santé de tous.

Pour mener à bien ces missions, l'Agence a besoin de moyens. Je préciserai à ce propos que j'ai bien pris connaissance du fait que la Cour des comptes, dans son récent rapport, a relevé qu'il conviendrait que le Parlement dispose d'une information précise sur les projections budgétaires, ce à quoi je souscris également.

Le budget de Santé publique France a été adapté aux besoins de la crise. Il était de 4,5 milliards d'euros en 2022, dont 250 millions d'euros pour les missions socles, hors Covid, mais les moyens restent contraints, comme ceux de l'État, notamment en ce qui concerne les effectifs.

Compte tenu des enjeux sanitaires, de son périmètre et des attentes toujours plus fortes, les effectifs pourraient être quasiment illimités, mais nous savons que tel ne peut être le cas. Dès lors, l'Agence doit entretenir des relations de confiance avec sa tutelle, de manière à bien conduire ses missions au regard des arbitrages rendus. La direction générale, quant à elle, doit également agir en manager, attentive à ses équipes, faire des choix, hiérarchiser et garder un difficile équilibre entre les sujets « chauds » et les sujets « froids ».

Je souhaiterais ici, devant la représentation nationale, rendre un hommage appuyé à ces femmes et hommes de santé publique qui ont construit cette agence et qui, sans relâche depuis trois ans, ont lutté contre le Covid. Je pense en particulier au déploiement en temps réel de la surveillance, à la production quotidienne d'indicateurs, aux centaines de millions de doses de vaccin disponibles en tout point du territoire, aux enquêtes sur l'impact hors Covid et notamment l'alerte donnée sur la santé mentale des Français, aux affiches, dépliants et campagnes diffusés dans toute la France, à la traque des variants, aux décryptages auprès de la presse.

C'est donc également pour mes futurs collaborateurs que je suis ici devant vous, car j'aspire à contribuer à donner un sens au travail de chacun, à consolider la communauté de travail au sein de Santé publique France et à porter les valeurs qu'ils incarnent.

Pour y parvenir, trois priorités pourraient résumer mes objectifs de mandat.

La première des priorités est celle de mettre en place une expertise indépendante, collégiale, au service des politiques publiques. Santé publique France est une agence scientifique, dont les travaux d'expertise viennent en appui des politiques publiques. De la surveillance à la prévention, c'est avant tout la science qui fonde ses travaux et ses interventions. Elle doit s'appuyer sur une expertise pluridisciplinaire, collégiale, que ce soit pour l'expertise interne, très robuste à Santé publique France, ou l'expertise externe.

Ce qu'elle produit doit être utile aux politiques publiques et doit se traduire en décisions, en leviers d'action. Son organisation avec un niveau national et seize cellules régionales placées auprès des ARS doit être confortée, car c'est ainsi que l'Agence pourra adapter son action aux particularités territoriales.

La deuxième priorité consiste à faire de Santé publique France une agence ouverte. C'est le gage pour gagner en visibilité et en crédibilité. L'ouverture, c'est le développement des collaborations, avec des partenaires dont le périmètre d'action est aux frontières de ce que fait Santé publique France, comme SPF l'a engagé avec l'ANSES sur l'exposition aux substances chimiques ou lors de la future enquête conjointe, déjà engagée avec l'Inserm, l'ANRS-MIE, le HCSP, dans le domaine de la santé sexuelle, de la périnatalité ou de la santé des travailleurs.

Des collaborations spécifiques sont également nécessaires, avec la recherche des questions intéressant directement l'Agence sur les maladies émergentes ou sur la modélisation. C'est d'ailleurs ensemble que Santé publique France et l'ANRS-MIE ont porté la création du consortium Emergen, qui a permis de doter notre pays d'une capacité de séquençage hors norme pour surveiller les variants du Covid.

Santé publique France ne dispose pas, comme l'Anses, de moyens propres de financement pour la recherche, mais l'Agence doit pouvoir adresser ses questions à la recherche. Elle doit interagir étroitement avec elle.

Il s'agit aussi de renforcer l'ouverture de l'Agence et le dialogue avec les parties prenantes, la société civile, mais également les professionnels de santé et les acteurs du secteur médico-social. Ils sont des facteurs clés de la prévention. Nous nous appuierons aussi sur eux pour déployer la feuille de route du ministère.

Il convient aussi de contribuer à la diffusion d'informations scientifiques adaptées à tous les publics. C'est ainsi que nous pourrons lutter contre la diffusion de fausses informations et restaurer la confiance.

Sur le plan européen et international, l'Agence doit poursuivre l'impulsion donnée par la précédente directrice générale.

Troisième priorité : je voudrais une agence qui anticipe, qui innove. C'est l'analyse des signaux précoces, par exemple, au travers des systèmes multisources et du travail en réseau. Il s'agit de développer les approches qualitatives, mais c'est aussi l'analyse de données massives en santé, en partenariat avec les autres institutions, au travers notamment du Health Data Hub ou du Green Data Hub. Il convient par ailleurs de poursuivre la mise à disposition en open data de centaines d'indicateurs.

Au sortir de ces trois années de Covid, je souhaite, aux côtés de tous les agents de Santé publique France, donner un élan fort et mobilisateur à l'Agence, en faire une agence d'expertise de haut niveau, ouverte aux partenariats, aux parties prenantes et à l'innovation.

Je souhaite enfin que Santé publique France reste à la disposition de votre commission. Je considère qu'éclairer la représentation nationale fait partie du rôle de l'Agence et du mien. Je me livrerai à cet exercice chaque fois que j'y serai invitée.

Je vous remercie.

Mme Chantal Deseyne. - Merci pour cette présentation de votre parcours.

La Cour des Comptes avait présenté devant notre commission son rapport en décembre dernier et insisté sur les lacunes des systèmes de surveillance de veille sanitaire, en particulier dans le domaine médico-social. Comment envisagez-vous cet important chantier de modernisation ?

Le Sénat avait par ailleurs relevé en 2020 l'inadaptation aux crises du dispositif de la réserve sanitaire. Comment faudrait-il moderniser son cadre d'action ou sa gestion administrative pour faire face aux crises futures ?

Enfin, en matière de prévention et promotion de la santé, la Cour des comptes relève un défaut de stratégie globale conduisant à ce que certains champs restent absents des préoccupations de l'Agence, comme la santé mentale, la santé des personnes âgées ou les accidents vasculaires cérébraux. Comment envisagez-vous de couvrir plus largement ces domaines ?

M. René-Paul Savary. - On a découvert Santé publique France au moment de la crise sur le terrain. On connaissait les ARS, l'action des préfets. Santé publique France a eu du mal à trouver sa place dans le dispositif pendant un certain temps. Vos seize cellules régionales sont une bonne chose, mais les régions sont très grandes. Avez-vous une déclinaison départementale présente en permanence ou ne l'activez-vous qu'en période de crise ? J'ai l'impression que les choses se sont à nouveau perdues dans le paysage administratif.

Par ailleurs, quelles conséquences tirez-vous de cette crise, notamment en termes d'organisation en cas de récidive ?

En ce qui concerne les données, des efforts extraordinaires ont été réalisés avec des innovations fantastiques. Le Health Data Hub permet de concentrer un certain nombre de données. Ne pensez-vous pas qu'il faut mettre sur pied avec vos partenaires une sorte de Crisis Data Hub, c'est-à-dire la possibilité, en cas de crise, d'activer différentes données pour pouvoir les croiser et agir directement sur la population grâce au numérique, ce qu'on ne sait pas forcément faire aujourd'hui de façon ciblée ?

Mme Catherine Deroche, présidente. - Lors de la commission d'enquête sur la crise du Covid, nous nous sommes beaucoup intéressés au fait de savoir comment les choses avaient été anticipées. La commission d'enquête a été unanime sur la méconnaissance totale des acteurs locaux au sujet de Santé publique France.

Par ailleurs, vous avez beaucoup parlé de l'expertise scientifique. On voit comment la crise a mis un doute sur la parole scientifique. Certains ont dit tout et son contraire, ce qui a engendré une forme de méfiance.

Nous avions préconisé dans le rapport une expertise scientifique indépendante permettant d'anticiper de nouvelles crises, quelles qu'elles soient. On voit, dans un sondage récent d'IFOP, qu'un pourcentage relativement élevé de jeunes - qui a beaucoup augmenté ces dernières années - ne croit plus à la science. Cela tient peut-être à un enseignement scientifique qui s'est dégradé au fil du temps, mais quel regard portez-vous sur la notion d'expertise scientifique ?

Mme Caroline Semaille. - Tout d'abord, la création de Santé publique France est très récente, puisqu'elle remonte à 2016. La crise est arrivée très peu de temps après. Dans les autres pays, le Center for Diseases Control and Prevention (CDC), par exemple, a 70 ans.

La crise est arrivée à un moment où Santé publique France était une toute jeune agence, probablement trop tôt par rapport à sa création. Je pense que Santé publique France est à présent connue. On a donc un devoir très important de production scientifique de qualité pour que le public puisse s'en emparer.

Vous m'avez interrogée sur les systèmes de veille sanitaire et médico-sociale. Vous avez raison : il existe beaucoup de systèmes de surveillance à Santé publique France, mais il y en avait aussi dans les Ehpad. Certains étaient liés à la grippe et ont été utilisés pour la surveillance du Covid.

Au sortir de la crise, il faut renforcer ces systèmes existants, qui ont été détournés pour réaliser la surveillance du Covid. Il faut les sanctuariser et les pérenniser. C'est une évidence. On le sait tous : la population française va vieillir. Il y a là un enjeu de protection des personnes âgées et de surveillance dans tous les établissements médico-sociaux, qui ont eux-mêmes subi de plein fouet quelques scandales qui n'ont probablement pas facilité le recueil des données.

Vous m'avez d'autre part questionnée sur la santé mentale. Vous avez raison : la santé mentale des Français, au sortir de la crise du Covid, est une problématique. Santé publique France a été l'une des premières à tirer la sonnette d'alarme et à mettre en place plusieurs enquêtes, notamment une enquête à venir sur la santé des enfants de moins de onze ans. La santé mentale nous préoccupe et appelle des actions. Pour cela, il faut pouvoir surveiller. Ces enquêtes sont donc essentielles.

Il faudra ensuite qu'on développe des outils. Il est vrai qu'on pourrait qualifier cette problématique d'épidémie silencieuse. J'en suis consciente, et je m'attacherai à ce que l'on puisse développer des outils auprès des populations, quels que soient les âges. Nous allons étudier plus spécifiquement les moins de onze ans, mais il y a eu aussi un impact très net de la crise du Covid chez les adultes en termes de santé mentale.

Soyez assurés que Santé publique France s'est emparée du sujet et continuera à le traiter, en lien avec les professionnels de santé spécialisés, notamment les psychiatres.

Une autre question portait sur la réserve sanitaire. Au cours de la crise, la réserve sanitaire a dû déployer énormément de personnel sur le terrain, notamment outremer. Beaucoup de réservistes y ont été envoyés. La réserve sanitaire a joué un rôle majeur. C'est un outil formidable, mais dont il faut probablement revoir le modèle.

Au moment de la crise, les demandes ont été multipliées par dix par rapport à ce que faisait la réserve sanitaire auparavant. Elle a été au rendez-vous, mais il est clair qu'il faut revoir son modèle et probablement le cadre d'emploi. La Cour des comptes a également souligné que près de 60 000 personnes sont inscrites, alors que seulement 7 000 réservistes peuvent être mobilisés parce qu'ils ont rempli totalement leur dossier d'inscription. Finalement, seuls 2 000 vont sur le terrain. Pourquoi une telle différence ? Je m'attacherai à essayer de le comprendre et à tenter de renouveler ce vivier.

C'est évidemment un vivier qui s'appuie sur les professionnels de santé, eux-mêmes mobilisés au quotidien. On le voit bien dans la crise que traversent l'hôpital et la médecine de ville. L'idée n'est pas de déshabiller Paul pour habiller Pierre. Il va falloir trouver d'autres solutions et probablement mobiliser la réserve sanitaire sur des problématiques en métropole, en cas de situation sanitaire exceptionnelle.

Toutefois, même si le modèle est perfectible, il est important de rester opérationnel. Nous avons face à nous des enjeux. Nous connaîtrons probablement d'autres menaces émergentes, mais nous avons aussi deux enjeux qui sont la coupe du monde de rugby et l'accueil des jeux Olympiques en 2024. Il est donc très important pour Santé publique France de rester opérationnel concernant la réserve sanitaire.

Vous n'avez pas évoqué l'établissement pharmaceutique. Venant de l'Agence de sécurité du médicament, je serai très attentive aux évolutions de l'établissement pharmaceutique. Avec la réserve sanitaire, ce sont des outils utiles, importants en temps de crise, et il faut qu'ils puissent rester opérationnels dans les mois et les années à venir et qu'il n'y ait pas de rupture.

Pour en finir avec l'établissement pharmaceutique, il est vrai qu'il y a le stock et la distribution. Force est de constater que l'établissement pharmaceutique a été en capacité de distribuer des milliards de masques et des millions de doses de vaccins contre le Covid.

Vous m'avez interrogée sur les cellules régionales. C'est une question qu'on me pose souvent. Certains directeurs d'ARS souhaiteraient les récupérer. Je pense qu'il est très important que les cellules régionales puissent avoir un ancrage territorial. Il existe des spécificités dans ce domaine, et Santé publique France ne peut être coupée de ces territoires.

Par exemple, face au chlordécone dans les Antilles, au plomb en Guyane ou à l'accès à l'eau potable et à la vaccination à Mayotte, Santé publique France ne peut être aveugle : l'Agence a besoin d'une représentation en région.

Je peux comprendre que les ARS aient besoin de cellules opérationnelles en temps de crise. Je comprends qu'ils se posent ces questions. On peut aussi avoir des espaces de dialogue et de concertation. En tout cas, je m'attacherai, une fois que je serai à la direction de Santé publique France, à avoir un dialogue avec les directeurs des ARS.

J'admets leurs besoins, notamment en période de crise. Ils peuvent parfois avoir le sentiment que le temps de l'expertise est trop long par rapport au temps de l'action. C'est vrai qu'en période de crise, il faut des circuits courts et il faut aller vite. Peut-être peut-il y avoir des modalités qui ne soient pas les mêmes en période « chaude » et en période « froide ». Ce sont des choses dont on peut discuter.

M. René-Paul Savary. - Vous n'avez pas opéré de réorganisation territoriale suite à la crise. Vous n'en avez donc pas tiré les conséquences. Pourquoi cette inertie ? Il faut être prêt !

Mme Caroline Semaille. - Les cellules régionales sont aussi investies dans des investigations, et il ne faut pas oublier tout le reste. C'est le difficile équilibre dont je parlais. Les cellules régionales sont en première ligne en termes d'investigations en cas d'épidémie, ou lorsqu'il y a une suspicion de clusters de cancers pédiatriques. Elles sont très importantes pour être le relais de Santé publique France sur le terrain.

En revanche, je comprends qu'en période de crise, certaines ARS puissent se poser des questions.

M. René-Paul Savary. - Ils ont également découvert un certain nombre de choses, notamment dans le domaine médico-social. Il faut reprendre ses marques.

Mme Caroline Semaille. - Cette crise a été majeure. J'ai connu le Sras en 2003, MERS-CoV en 2018 et Ebola en 2014, mais cette pandémie a été d'une ampleur inimaginable.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Elle a entraîné des prises de décisions qu'on n'avait jamais connues (confinement, etc.).

Mme Caroline Semaille. - En 2003, confiner une ou deux personnes avait été extrêmement compliqué. On appelait la personne le matin puis l'après-midi pour lui dire qu'il fallait qu'elle demeure confinée. En 2020, on a réussi à confiner la population entière. Imaginez le chemin parcouru. C'est stupéfiant !

Je pense que cet ancrage territorial est important. C'est ce qu'on peut reprocher aux agences européennes, comme l'agence britannique, qui peuvent parfois connaître une absence d'ancrage territorial.

Santé publique France a été extrêmement mobilisée, et je tire mon chapeau à l'investissement des 700 collaborateurs durant ces trois dernières années, mais cela a été aussi très difficile pour les autres agences, en Angleterre comme aux États-Unis. Leurs personnels étaient pourtant bien plus nombreux que celui de Santé publique France. Cela n'a pas empêché la dissolution de notre alter ego anglais après la crise.

M. René-Paul Savary. - Compte tenu de la crise que nous avons traversée, je verrais bien sur les territoires des périodes d'exercice. J'habite près d'une centrale nucléaire : en cas d'accident, il faut distribuer des comprimés d'iode, etc. Il me semble que ce devrait être organisé en période « froide ». Dans un contexte mondial compliqué, comment fait-on si des gaz toxiques arrivent ?

Je pense qu'on a les moyens numériques d'avoir des cellules de crise qui activent la géolocalisation des données afin de croiser toutes les informations numériques pour être le plus rapide possible. Un virus arrive par vague. Le Covid a mis un peu de temps à venir de Chine. Il existe d'autres agents pathogènes qui peuvent être beaucoup plus dangereux et qui peuvent arriver bien plus rapidement.

Je pense qu'il faut en France un système d'exercices comme chez les pompiers. Avez-vous quelque chose de prévu dans votre organisation future ?

Mme Caroline Semaille. - En effet, dans le cas de la crise du Covid, le virus a mis quelques semaines à arriver. Demain, les menaces pourraient arriver en quelques heures. Ce sont des scénarios de crise qui sont différents, mais qui devraient reposer sur des organisations « crantées ».

Des réflexions sont menées par le ministère de la santé en matière de retour d'expérience pour créer une direction des crises. Cela a été annoncé par le ministre de la santé lors de ses voeux, lundi dernier.

J'y serai associée. Cela fait partie des scénarios qui sont sur la table. Il faut pouvoir avoir une organisation cible qui puisse être rapidement « crantée » ; du jour au lendemain, en quelques heures, quelques jours ou quelques semaines, en fonction de la menace.

M. René-Paul Savary. - Cela nécessite des dispositions législatives au titre de la protection des personnes, des données, de la Cnil, etc.

Si on n'a pas « cranté » par anticipation, c'est ensuite trop tard. C'est avant qu'il faut voir tout cela pour prendre les dispositions législatives nécessaires.

Mme Caroline Semaille. - Vous avez soulevé l'importance des données massives. C'est pour cela que la troisième de mes priorités porte sur l'innovation. Je pense qu'il faut penser autrement, aller rechercher des ressources chez d'autres partenaires, comme des ingénieurs, qui savent parfaitement analyser des données massives.

Je ne dis pas que les épidémiologistes, dont je fais partie, ne savent pas le faire, mais il est important de croiser les compétences. C'est ce que j'ai souhaité faire tout au long de ma carrière. C'est pour cela que je propose d'ouvrir Santé publique France davantage encore, parce que les partenariats sont indispensables. Mais il faut les prévoir maintenant, pour que tout puisse se mettre en place en période de crise.

De toute façon, en période de crise, nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de la santé. Je vais tous les mercredis en réunion de sécurité sanitaire ; c'est le minimum.

Malheureusement, on n'a pas tant de périodes « froides » que cela. Au sortir du Covid, on a connu la crise du Monkey Pox. Six à huit mois après, nous sommes plus tranquilles. On ne l'était pas tout à fait au mois de mai. La France a eu la chance d'avoir un stock de vaccins contre la variole.

M. René-Paul Savary. - Elle a touché moins de personnes, c'était différent.

Mme Caroline Semaille. - On avait peur que cela puisse toucher une population différente, car on sait que le Monkey Pox peut être bien plus grave chez les enfants.

Entre-temps, on a eu la triple épidémie bronchiolite-grippe-Covid, qui était d'une ampleur et d'une précocité importante. L'ANSM a également été confrontée aux pénuries. Les crises se succèdent. C'est le difficile équilibre entre le « chaud » et le « froid ».

M. René-Paul Savary. - Oui, et puis les données épidémiologiques arrivent tard, même encore maintenant. On voit que l'analyse prend du temps.

Mme Caroline Semaille. - Il y a des données qui remontent très vite, comme celles des dépistages du Covid réalisés par le Système d'information de dépistage populationnel (SI-DEP). L'idée est que le système mis en place pour le dépistage du Covid puisse basculer sur tous les autres dépistages.

M. René-Paul Savary. - Oui, mais il faut des dispositions législatives. C'est pourquoi il faut anticiper, afin que vous ayez les mains libres pour agir sans délai.

Mme Chantal Deseyne. - Je voulais revenir sur la prévention. On a évoqué les AVC, la santé des personnes âgées, la santé mentale, etc.

Un sujet majeur de santé publique qu'on n'a pas encore abordé me tient à coeur. Il s'agit de la prévention de l'obésité. Comment l'Agence envisage-t-elle de s'emparer de la question ? Pour l'instant, on a le sentiment d'une certaine dispersion des discours et des acteurs.

Comment l'Agence pourrait-elle piloter cette action de prévention ?

Mme Caroline Semaille. - Vous avez raison, même si la prévalence de l'obésité est plus faible chez nous que dans certains autres pays. On est toutefois à 15 ou 17 %. C'est donc un enjeu de santé publique.

Un plan contre l'obésité est conduit par le ministère.

L'obésité a un lien en commun avec l'épidémie de Covid en ce que celle-ci a augmenté la sédentarité. Elle a aggravé la santé mentale des Français, mais aussi la sédentarité. Même si le télétravail est une très bonne chose, il a également tendance à augmenter la sédentarité. Je suis d'accord avec vous : il faut absolument qu'on se saisisse du sujet. Je pense que nous le ferons en lien avec l'Anses, qui est en charge de toute la problématique sur l'alimentation.

J'ai travaillé deux ans à l'Anses. Je connais très bien ses collaborateurs. J'aurai à coeur de travailler avec eux.

Je peux aussi parler du Nutri-Score, qui a été mis en place en 2017. Cinq ans après, il a acquis une certaine notoriété. 95 % des adultes et des jeunes le connaissent. Il est maintenant accepté dans les autres pays. Six pays nous ont suivis. Cette dynamique va dans le sens de ce que souhaite l'Europe, qui a adopté une politique « de la ferme à la fourchette ». Il faut qu'on capitalise sur ce sujet et que l'on travaille avec l'Anses.

Je souhaite développer des partenariats, et l'Anses est un partenaire naturel de Santé publique France.

M. René-Paul Savary. - Le Nutri-Score a ses limites. J'admets difficilement, en bon paysan, que le Nutri-Score soit plus péjoratif pour un fromage que pour une pizza. Il faut que le Nutri-Score soit adapté à la dose que l'on va consommer, sans quoi on pénalise des produits de terroir extraordinaires, locaux qui, mangés en quantité raisonnable - c'est le médecin qui parle -, seront moins nuisibles pour la santé qu'une pizza congelée ! Je ferme la parenthèse.

Mme Caroline Semaille. - Le Nutri-Score ne porte en effet pas sur une portion, mais sur des grammes. On ne mange pas la même quantité de pizza que de fromage au lait cru.

Le Nutri-Score étant basé sur un référentiel scientifique, on est cependant obligé d'avoir la même base.

Le référentiel ne peut répondre à toutes les problématiques. C'est une première étape, mais j'entends ce que vous dites, et j'y suis d'autant plus sensible que je me suis beaucoup rapprochée des cultivateurs à l'Anses.

Mme Chantal Deseyne. - Le Nutri-Score sert à sensibiliser les gens pour qu'ils adoptent une meilleure alimentation, mais il y a quelque chose de relativement simple à mettre en place, c'est la teneur en matière grasse ou en sel sur une portion.

Mme Caroline Semaille. - Elle y figure souvent. Vous trouvez sûrement qu'elle n'est pas assez mise en évidence. Tout est perfectible.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Au-delà, on cherche à recommander aux gens de ne pas manger trop sucré, trop salé ni trop gras.

On a parlé de la réorganisation du ministère. Serez-vous impliquée ? C'est votre ministère de tutelle.

Mme Caroline Semaille. - Oui, le ministère de la santé est notre seul ministère de tutelle. Les agences sont de toute façon consultées. Je suis actuellement un peu entre deux fonctions.

Tout cela se fait en concertation, et pas dans le cadre de la réunion de sécurité sanitaire du mercredi matin. Je peux vous affirmer que les agences sont parties prenantes.

M. René-Paul Savary. - C'est votre seul ministère de tutelle ? Quand on doit gérer des crises, je ne suis pas sûr que ce soit légitime. En période de crise, perdez-vous la main ? C'est plutôt le ministère de l'intérieur qui gère la crise et qui détient un véritable savoir-faire.

Mme Caroline Semaille. - Nous n'avons pas la prétention, avec 700 personnes, de gérer la crise. Toute crise se gère en réseau, en partenariat, d'où l'importance d'avoir organisé le réseau et de pouvoir « cranter ».

Nous sommes partenaires et alimentons le débat avec des données robustes et de l'expertise, dans le cadre de contributions aux travaux du HCSP et de la Haute Autorité de santé (HAS), ainsi qu'au travers de notes. Nous faisons énormément de notes pour éclairer le ministère de la santé.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Collaborez-vous  avec les autres agences de santé publique européennes ?

Mme Caroline Semaille. - Il y a beaucoup de collaborations entre Santé publique France et les agences équivalentes en Europe. Il existe aussi un réseau des agences sanitaires, dont Santé publique France héberge le secrétariat.

Il faut savoir que le conseil scientifique de Santé publique France est présidé par un Anglais qui est un ancien de l'agence anglaise de santé publique. Cela crée des liens.

Le conseil scientifique de Santé publique France est composé d'un tiers de personnalités étrangères, dont beaucoup d'Anglais qui occupaient des postes importants dans l'équivalent de Santé publique France au Royaume-Uni.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je voulais vous remercier, madame, de nous avoir fait partager l'ensemble de votre parcours et d'avoir démontré votre enthousiasme à la suite des questions qui vous ont été posées.

Mon attention se porte sur la transparence des moyens donnés à l'Agence Santé publique France. Je n'ai pas l'intention de vous ennuyer avec les chiffres, mais il est vrai que, pendant la crise du Covid, des montants substantiels ont été impliqués. C'est pourquoi nous avons demandé à la Cour des comptes de se pencher sur le sujet.

Vous parliez d'un nécessaire rapprochement avec les associations de patients. Celles-ci attendent beaucoup de transparence sur le plan financier. J'aimerais donc que vous communiquiez sur les dépenses et les recettes de l'Agence, afin que chacun puisse savoir où va l'argent des Français.

Mme Caroline Semaille. - Nous en avons pris bonne note et en avons déjà discuté avec Marie-Anne Jacquet. Il est vrai qu'il s'agit de sommes assez importantes.

M. René-Paul Savary. - Votre budget était, de mémoire, de 4 milliards d'euros au moment de la crise, mais il est redescendu.

Mme Caroline Semaille. - Il tourne autour de 200 millions d'euros pour les fonctions socles. Si on n'achète plus de vaccins contre le Covid, cela permettra de faire beaucoup d'économies. Ce qui a coûté très cher, ce sont les masques et les vaccins ARN.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci pour cet échange.

Nous vous souhaitons d'être nommée à la tête de cette agence importante dans le système de santé.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 h 25.