Mercredi 2 novembre 2022
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables - Examen des amendements de séance sur les articles délégués au fond
Mme Sophie Primas, présidente. - Mes chers collègues, nous allons examiner les amendements de séance sur les articles du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables qui nous ont été délégués au fond. 650 amendements ont été déposés en vue de la séance publique, dont 280 sur les articles délégués à notre commission.
J'en profite pour remercier notre rapporteur pour avis, M. Patrick Chauvet, du travail qu'il a réalisé en vue de préparer cette réunion et la séance de cet après-midi, dans un contexte qui n'était pas facile.
EXAMEN DE LA MOTION DU RAPPORTEUR POUR AVIS
Exception d'irrecevabilité
Mme Sophie Primas, présidente. - L'amendement n° 249 vise à étendre le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance prévue à l'article 6 du projet de loi. Il est donc contraire au premier alinéa de l'article 38 de la Constitution.
Je vous propose que nous demandions la déclaration d'irrecevabilité de cet amendement à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, en application de l'article 44 bis, alinéas 3 bis et 8, du règlement du Sénat.
EXAMEN DES SOUS-AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS
M. Patrick Chauvet, rapporteur pour avis. - Le sous-amendement n° 650 vise à préciser la rédaction de la mesure proposée relative à la délimitation, au sein des schémas de cohérence territoriale (SCoT), de zones prioritaires pour l'implantation des projets d'énergie renouvelable.
La rédaction proposée reprend la notion de « zones prioritaires pour l'implantation » introduite en commission des affaires économiques. Elle précise les dispositions relatives à l'acceptation des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés. Enfin, elle étend également au stockage de l'énergie la planification rendue possible au sein des SCoT.
Le sous-amendement n° 650 est adopté.
Après l'article 6 bis
Le sous-amendement de précision rédactionnelle n° 651 est adopté.
Après l'article 19
Le sous-amendement de précision rédactionnelle n° 653 est adopté.
Article 19 bis
Le sous-amendement de précision rédactionnelle n° 652 est adopté.
Après l'article 21
Le sous-amendement de précision rédactionnelle n° 654 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE
M. Patrick Chauvet, rapporteur pour avis. - Sans refaire le débat que nous avons eu la semaine dernière, je rappelle que nous avons souhaité introduire l'article 11 decies parce que nous avons considéré que l'agrivoltaïsme était une source d'énergie renouvelable à promouvoir mais aussi à encadrer.
Ma position de principe est que le Sénat s'est déjà prononcé sur le sujet, en adoptant, par 251 voix pour et 3 contre, la proposition de loi, le 20 octobre dernier. Je proposerai donc des avis défavorables sur les amendements qui reviendraient sur cet équilibre.
Mme Sophie Primas, présidente. - Par conséquent, nous émettrons un avis défavorable sur l'ensemble des amendements déposés sur cet article. Nous débattrons suffisamment du sujet en séance publique...
La commission a également donné les avis suivants sur les autres amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
Communication
Mme Sophie Primas, présidente. - Mes chers collègues, je vous informe que, la semaine prochaine, notre commission ne se réunira pas mercredi matin. En revanche, nous auditionnerons, dans le cadre du projet de loi de finances, M. Olivier Klein, ministre chargé de la ville et du logement, mardi après-midi, et M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, mercredi après-midi.
La réunion est close à 9 h 20.
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 45.
La réunion est ouverte à 09 h 45.
Audition de M. Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement
Mme Sophie Primas, présidente. - Mes chers collègues, nous accueillons ce matin M. Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement (SGPI) depuis janvier de cette année, ancien membre de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, avec lequel nous avons eu plaisir à échanger et même parfois à batailler lors du dernier quinquennat - je me rappelle en particulier de la loi Pacte.
Nous ne pouvons que nous réjouir qu'un parlementaire et ancien chef d'entreprise dans des domaines innovants comme les jeux vidéo, l'informatique et la robotique ait été désigné à la tête du SGPI pour - je cite - « assurer la cohérence et le suivi de la politique d'investissement de l'État ». Ce n'est pas une mince affaire !
Avant de vous donner la parole, puis de permettre à mes collègues de vous soumettre leurs questions, je souhaiterais vous interroger sur deux aspects.
Ma première interrogation porte sur la lisibilité et la gouvernance du plan France 2030. De multiples plans, programmes, fonds, se sont sédimentés ces dix dernières années et ce qui, en 2009, était une bonne idée pour gagner en agilité, a peu à peu perdu en clarté et en cohérence.
Le dernier de ces plans en date est le plan France 2030. C'est celui qui va essentiellement nous intéresser ce matin.
Je rappelle que le plan France 2030 représente 34 milliards d'euros à proprement parler, auxquels s'ajoutent les 20 milliards d'euros du PIA 4, soit un total de 54 milliards d'euros.
Le PIA 4, fondu dans le plan France 2030, était déjà le mieux doté depuis le PIA 1, sauf à considérer les 57 milliards d'euros du grand plan d'investissement sous le précédent quinquennat qui avait, lui, absorbé le PIA 3.
Bref, entre crédits recyclés, crédits réellement investis et crédits des précédents plans et effets d'annonce, nous espérons que vous vous y retrouvez mieux que nous - et surtout que les investisseurs privés et les entreprises s'y retrouvent : ces derniers, à l'exception des très grandes entreprises, bien dotées juridiquement, sont souvent perplexes, un peu perdus et parfois rebutés par la complexité des dossiers à déposer.
Pouvez-vous donc nous expliquer par qui les sélections sont opérées, et selon quels principes ?
Nous avons connaissance d'un comité interministériel de l'innovation, d'un comité France 2030 auprès de la Première ministre, d'un conseil d'orientation stratégique auprès du Président de la République. Au milieu de ces instances, quel est votre rôle ? Quel est celui des opérateurs et des ministères ?
Depuis un an, quelles décisions avez-vous prises pour améliorer la cohérence de l'action de l'État et la faire gagner en souplesse ? L'approche « holistique » de l'innovation recherchée par l'État est-elle enfin devenue réalité ?
Ma seconde interrogation porte sur l'efficience des investissements de l'État, dans un contexte de fort endettement public.
D'après l'Insee, la dette publique s'établit à 2 916,8 milliards d'euros, en hausse de près de 100 milliards d'euros sur les six premiers mois de l'année, et atteint désormais 113,3 % du PIB. « En même temps », les taux d'intérêt remontent.
La Cour des comptes a régulièrement souligné les lacunes de l'évaluation des précédents plans d'investissement. Or, il s'agit de montants considérables, qui dépassent parfois les montants des missions budgétaires classiques. Avez-vous, dans vos fonctions, identifié des freins, par exemple réglementaires ou législatifs, qui pourraient être levés pour améliorer l'efficience des investissements à coût constant ?
C'est d'autant plus crucial qu'il semble que la nécessité de dépenses massives et rapides pour la relance de l'activité a, temporairement, diminué la sélectivité des appels à projet des PIA et, du même coup, diminué l'efficience des investissements portés par le SGPI, pourtant censés être « stratégiques ».
Les critères de sélection ont-ils été depuis resserrés ? Quels critères objectifs pour prioriser les investissements de qualité et de long terme, s'agissant par exemple des 5 milliards d'euros de soutien à l'innovation « de rupture » ?
Au sujet de l'exigence de résultats, vous aviez indiqué que « l'évaluation de France 2030 ne sera pas seulement financière, mais qu'elle englobera des impacts sociétaux ».
C'est parfait, mais il me semble important que les décisions qui engagent les deniers publics soient fondées sur une évaluation scientifique rigoureuse et non sur de simples opinions et intuitions, qui ont pu nous égarer sur les deux derniers quinquennats - je pense bien sûr à la question du nucléaire.
Comment, donc, ces « impacts sociétaux » sont-ils évalués ? Les évaluations internes auxquelles vous procédez sont-elles ou seront-elles rendues publiques ? Selon quelle méthode les dix objectifs de France 2030 pourront être adaptés, pour tenir compte, au fil de l'eau, des premiers retours d'expérience ?
M. Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement. - J'ai en effet eu l'occasion de siéger « de l'autre côté », en tant que parlementaire, et je répondrai bien entendu à toutes vos questions.
France 2030 vient d'un constat : nous sommes non seulement dans une transition, mais également dans une métamorphose énergétique. On va passer d'une énergie fossile, qui contrôle et pilote tout ce qu'on a appelé la révolution industrielle, à l'électricité, qui a une caractéristique particulière : au-delà de sa puissance maintenant comparable à celle du thermique, elle a vu naître l'électron qui pense, l'électron qui apprend, l'électron du numérique. On passe d'un monde de la machine et des fossiles à un monde qu'on pourrait presque qualifier de monde du robot, grâce à l'énergie électrique.
La cohérence du plan France 2030 vient d'une analyse plus globale qu'un simple enchaînement à la suite des PIA précédents. Il fallait absolument changer de perspective, et c'est pourquoi le plan France 2030 porte ce nom. Il intègre totalement le budget de 20 milliards du PIA 4 précédent, qui concernait des stratégies d'accélération, afin de redonner une cohérence d'action à l'État.
À chaque grande transition, la dernière en date étant la révolution industrielle, qui a été suivie par les reconstructions qui ont succédé aux guerres mondiales, l'État a été déterminant pour changer la donne, « dérisquer », redonner de l'audace, encourager l'industrie privée à repartir dans de nouvelles directions.
France 2030 se situe à la fois dans la continuité des PIA mais est également en rupture totale avec eux. Le SGPI pilote toujours ces plans avec une équipe compétente depuis 2009. Certains de ses membres, comme Claude Girard, qui est à mes côtés, sont là depuis l'origine. S'il existe une continuité de l'action, on assiste néanmoins à une rupture de philosophie.
Nous allons en effet à la fois soutenir l'innovation et l'industrialisation en allant de la recherche fondamentale à l'industrialisation. Il y a dans la grande famille France 2030 des appels à projets (AAP) ou des appels à manifestation d'intérêt (AMI), comme « Première usine ». Ils concernent jusqu'à la fabrication des produits.
Au-delà de la cohérence de ce plan, qui réside dans sa transformation, quelle est sa lisibilité ? En premier lieu, j'ai réorganisé le SGPI en cinq pôles.
Le premier pôle est celui de la santé. C'est vendredi dernier qu'a été créée l'Agence de l'innovation en santé, qui va s'occuper des dispositifs médicaux ou de la recherche fondamentale en santé. Tout ce qui nous a manqué pendant la crise du Covid sera regroupé autour de cette agence.
Le deuxième pôle est celui de la transition éco-énergétique, et comporte deux grands volets avec, d'un côté, un volet production d'énergie décarbonée dans le photovoltaïque, la production d'hydrogène décarboné, les petits réacteurs nucléaires, l'éolien en mer ou sur terre, la géothermie, la biomasse. Et, de l'autre, un budget très important sur les usages et la décarbonation du quotidien - industrielle ou agricole. Y figure aussi ce qui relève de l'objectif d'une alimentation saine, durable et traçable.
Le troisième pôle, central, porte le nom de Connaissances. Il regroupe l'enseignement scolaire ou supérieur, la recherche et sa valorisation et la culture. Mettre tant de milliards sur la table sans former des femmes et des hommes aux nouveaux métiers qui nous attendent, c'est être à terme en déficit de bras et de cerveaux pour mettre lesdits métiers en place.
Ce pôle intègre la culture, car on s'est aperçu que le soft power, sur le plan des produits et des méthodes, est critique et souvent culturel. On renforce donc le pôle dans les industries culturelles et créatives.
Le quatrième pôle concerne la souveraineté numérique et cybernétique. Il regroupe le cloud, la cybersécurité, l'intelligence artificielle, mais également l'électronique et la robotique.
C'est dans ce pôle que sont logées les grandes opérations de Crolles, qui visent à redéployer en Isère des fabrications importantes de semi-conducteurs, éléments critiques pour les industries, notamment l'automobile.
On s'interroge par ailleurs sur les chemins qu'il va falloir emprunter en matière de robotique. 80 % des robots industriels sont en effet chinois ou japonais et seront déterminants dans le futur. Il est donc important de savoir comment renforcer nos positions dans ces domaines.
Enfin, le dernier pôle porte le nom de Nouvelles frontières. Il regroupe l'espace, l'exploration des fonds sous-marins et le domaine quantique, qui seront certainement dans les dix prochaines années des zones de compétitivité déterminantes.
Cette organisation a permis de classer à la fois les stratégies d'accélération, qui sont intégrées dans les différents pôles, et de mettre en place les dix objets clés que le Président de la République a cités dans son discours d'octobre dernier, dont les 2 millions de véhicules électriques fabriqués sur notre territoire d'ici 2030 ou les 20 biomédicaments fabriqués sur notre territoire.
La sélectivité moyenne du plan France 2030 se situe à hauteur de 30 %. Seul un projet sur trois passe la barre des jurys. Les juges sont des scientifiques, de préférence internationaux, avec une certaine distance par rapport aux problématiques locales.
Comment cela fonctionne-t-il ? Il existe une gouvernance interne et une gouvernance vis-à-vis des bénéficiaires.
Le SGPI constitue une direction interministérielle, placée sous l'autorité de la Première ministre. Le comité de suivi est piloté par Mme Patricia Barbizet. Il regroupe des parlementaires et des personnalités qualifiées indépendantes. Nous nous rencontrons tous les deux mois, dressons un rapport et discutons de certains des termes du pôle choisis par la présidente du comité.
Nous travaillons avec BPIfrance, l'Ademe, l'Agence nationale de la recherche (ANR) et la Caisse des dépôts et consignations. Ces quatre opérateurs sont chargés d'instruire des dossiers soit sur appels à projets soit, de plus en plus, sur appels à manifestation d'intérêt.
Un AMI vise des domaines comme l'innovation et l'eau, afin de ne pas restreindre l'innovation à quelque chose de trop précis et de pouvoir donner l'occasion à différentes structures de proposer des solutions associant l'innovation et l'eau.
Mme Sophie Primas, présidente. - Les bassines !
M. Bruno Bonnell. - Avec France 2030, nous ne faisons ni du bâtimentaire, ni du capacitaire. Nous ne finançons donc pas les bassines !
Mme Sophie Primas, présidente. - C'est une mauvaise plaisanterie !
M. Bruno Bonnell. - Un AMI peut concerner des techniques de désalinisation de l'eau, d'optimisation des circuits d'eau, ou de recyclage de l'eau dans certaines structures industrielles. L'appel à projets sera quant à lui beaucoup plus précis et comportera des directions et un cadre plus bien plus contraints.
Ces AAP et AMI sont décidés par un comité de pilotage ministériel regroupant les ministères et les cabinets, le SGPI, ainsi qu'un certain nombre de personnalités qualifiées extérieures expertes dans leur domaine.
Le comité de suivi représente une instance interne, une sorte de conseil d'administration d'entreprise, qui vérifie nos procédures, et qui est capable de challenger la gouvernance opérationnelle.
Le comité de pilotage ministériel est l'instance qui donne le feu vert aux AAP et aux AMI. Nous confions ces dossiers à quatre opérateurs. Les dossiers entrepreneuriaux sont plutôt orientés vers BPIfrance, les dossiers environnementaux vers l'Ademe. Les dossiers de recherche sont exclusivement orientés vers l'ANR, et les dossiers plus globaux, comme l'AMI sur les compétences et les métiers d'avenir, sont orientés vers la Caisse des dépôts et consignations.
Ces opérateurs ont la charge d'informer leur réseau et d'instruire les dossiers avec des jurys composés de trois à cinq jurés maximum, qui sont chargés de faire remonter les informations et de donner leur opinion.
Quelques chiffres pour illustrer mon propos : à ce jour, nous avons engagé 7,5 milliards d'euros. 810 projets ont été soutenus, pour un nombre total de 1 260 bénéficiaires. 50 % des crédits ont été alloués à des projets de décarbonation diminuant l'empreinte carbone de nouvelles méthodes de production. 45 % de PME figurent parmi les bénéficiaires. Pour mémoire, seuls 7 % sont de grandes entreprises, les autres étant des ETI, des centres publics de recherche.
Enfin, 56 % des fonds ont été alloués en province et non en Île-de-France.
J'ai beaucoup parcouru les territoires et je veille, sur instruction de la Première ministre, à l'installation dans chaque région d'un comité de suivi régional de France 2030, sous l'autorité du préfet de région. C'est une instance qui n'est pas décisionnaire, mais qui veille à ce que l'information se fasse bien dans la région. Elle réunit, sous l'autorité du préfet de région, l'ensemble des acteurs socio-économiques du territoire.
Enfin, tout cela a été très perturbé par France Relance, qui constituait un dispositif de guichet. Dans les premiers mois de mon intervention, beaucoup de sociétés ne comprenaient pas que leur dossier ne soit pas accepté. Le plan France Relance avait en effet pour objectif de soutenir la relance économique à périmètre égal, alors que France 2030 concerne l'innovation en tant que réponse aux demandes sociétales nouvelles auxquelles nous avons à faire face.
Quant aux fonds de rupture, qui représentent environ 10 %, soit 5 milliards d'euros, ils ont été prélevés sur toutes les allocations budgétaires. Ces fonds constituent la troisième jambe de France 2030, les deux premières représentant la prise de risques et le fait de consacrer 50 % de l'investissement total aux acteurs dits émergents que sont les TPE, PME, ETI, spin-offs de grandes entreprises ou acteurs intervenant sur des territoires dits émergents, où il faut pousser les feux.
Sachez que, dans le Cantal, la somme de toutes les subventions publiques dans le cadre des PIA a été de 80 000 euros sur 50 milliards déjà investis depuis 2009. Bonne nouvelle : il existe un énorme projet à Aurillac en matière de bioproduction qui, dans le cadre de France 2030, va largement être soutenu et venir rééquilibrer la situation ! L'innovation peut donc toucher tous les territoires.
J'étais en déplacement la semaine dernière en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il existe aujourd'hui, dans les Hautes-Alpes, grâce à la réflexion sur les nouvelles énergies et le stockage d'un gaz comme l'hydrogène, notamment dans les mines salines, un très beau projet qui est en train de se formaliser. Nous espérons qu'il ira au bout. Cela permettra de relancer l'activité grâce à la transformation énergétique.
Comment ce milliard annuel de rupture va-t-il être alloué ? Nous le ferons à travers des projets d'exception. Il s'agit de voir comment soutenir, avec ces moyens considérables, des projets d'innovation extrêmement décalés par rapport aux cinq pôles dont j'ai parlé, par le biais de l'expertise technologique et scientifique.
France 2030 assume totalement le risque d'échec. Nous acceptons donc l'idée que le projet ne puisse aller au bout. C'est pourquoi l'évaluation est importante, non seulement avant et après, mais surtout pendant.
Nous utilisons un processus d'évaluation permanente des projets, in itinere, qui permet d'évaluer les chances de succès des projets.
Dans le domaine quantique, cinq sociétés proposent aujourd'hui, en France, de fabriquer un calculateur quantique. Elles offrent toutes des technologies différentes, l'une recourant à la thermodynamique, les autres à la supraconductivité, à l'optique et à la photonique.
Ne sachant pas aujourd'hui quelle technologie a le plus de chances d'être la bonne, il a été décidé de soutenir les cinq. Nous les avons mises autour d'une table pour définir leurs critères de maturité et nous éliminerons progressivement les technologies qui ne sont pas à la hauteur de ce que nous attendons.
J'ai rencontré Alain Aspect, prix Nobel de photonique et de physique quantique. Il a bien sûr son idée de la technologie qui serait la plus performante. Il est intéressant de recevoir ce genre de personnes, qui jouent le rôle d'avocats des sociétés que nous soutenons.
Nous nous entourons donc d'experts de façon permanente, soit au niveau national, soit au niveau local, notamment des Société d'accélération du transfert de technologies (SATT) et de 150 plateformes technologiques où se trouvent de nombreux chercheurs en recherche appliquée.
Mme Sophie Primas, présidente. - La parole est aux commissaires.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Vous avez parlé de la gouvernance de France 2030, mais vous n'avez pas évoqué le Commissariat général au plan.
Or la réindustrialisation doit être articulée avec la mutation de l'existant, où l'on n'enregistre pas toujours des sauts technologiques considérables et où les évolutions nécessaires sont lentes. Il existe d'autres secteurs où il nous faut regagner de la souveraineté, et cela ne peut être que dans la très haute technologie. Cela s'impose aussi dans toute une série de secteurs classiques.
Ce saut technologique, par l'innovation, est par ailleurs nécessaire. Or la France connaît une grande dispersion des acteurs, et ce manque de visibilité entretient un doute profond sur la capacité de notre pays à se réindustrialiser. Je le déplore personnellement, car c'est de nature à décourager l'investissement d'un certain nombre de jeunes dans ces domaines essentiels.
Il n'existe pas de ministère de l'industrie, puisque le ministre de l'industrie est sous la dépendance de Bercy. Historiquement, l'industrie ne se résume pas à une vision financière, même si celle-ci est évidemment essentielle. Pensez-vous qu'il faille rester sur cette sorte de dispersion générale, ou est-il nécessaire de prévoir un meilleur regroupement et une plus grande lisibilité ?
Le second sujet que je souhaite aborder est celui de l'ampleur du plan, comparée à ce qui se passe dans d'autres pays. Il me semble qu'il existe des besoins financiers supplémentaires, peut-être sous forme de fonds souverains, en matière de capitalisation.
Les prises de risques sont indispensables dans certains domaines, au moins en termes de portage de capital de moyenne durée. À défaut de longue durée, certaines sociétés vont voir ailleurs faute de capital. Or la BEI accompagne les banques mais ne veut pas, pour l'instant, assumer cette mission.
Vous nous avez dit qu'un tiers seulement des projets est retenu. Pourquoi les deux tiers restants passent-ils à côté ? S'ils sont d'une priorité moindre par rapport à vos critères, il est cependant normal d'essayer de les aider. Un travail avec les régions ou d'autres mobilisations financières ne permettraient-ils pas d'éviter une trop grande démoralisation ?
Enfin, on rencontre un immense problème d'investissement dans le domaine de la recherche. Quoi qu'on en dise, malgré les PIA, nous n'avons pas développé la recherche publique, et nous sommes très en retard par rapport à nos concurrents, notamment l'Allemagne. J'ai l'impression qu'on nous annonce de très grosses sommes mais que, finalement, l'investissement n'est pas à la hauteur de l'enjeu, considérable.
M. Franck Montaugé. - Vous avez évoqué les objectifs en matière de mise en service de véhicules électriques. Or les fabricants nous disent leur inquiétude sur la question du déploiement des bornes de recharge.
On leur a fixé des objectifs extrêmement forts, mais on est à la traîne et la situation est particulièrement inquiétante. Cela fait-il partie des éléments que vous prenez en compte ?
Par ailleurs, au regard de quels critères de politique industrielle procédez-vous à l'évaluation de l'action du SGPI ?
Quelle articulation -existe-t-il par rapport à la dimension européenne de la plupart des projets industriels, en particulier pour les projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC) ?
Enfin, avez-vous une action spécifique, à travers les projets dont vous êtes chargés, s'agissant de la souveraineté nationale dans le domaine des données numériques, où les acteurs sont principalement américains ou asiatiques ? Les opérateurs français et européens nous disent tous qu'on est complètement à côté du sujet, et que l'on reste dépendant du reste du monde.
Mme Daphné Ract-Madoux. - J'ai eu la chance de participer à un projet du PIA 4 qui contenait une grosse part d'investissements. Les PIA se déroulent en général sur dix ans. Comment les derniers PIA vont-ils s'interconnecter avec France 2030 ?
Il existait dans ces PIA une dimension de projet scientifique très intéressante, mais également portée par les territoires. Ces projets sont-ils pérennisés ? Tout le monde y gagne en effet localement.
Enfin, je relève que les membres des jurys de PIA 4 venaient du monde scientifique, du monde de l'entreprise ou du monde industriel, et comptaient également des élus. Cette mixité semblait intéressante, notamment dans un objectif d'industrialisation et d'ancrage dans les territoires.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - On sait que 44 % seulement des actions du PIA 4 ont été évaluées. On sait également que notre pays manque cruellement d'une culture de l'évaluation.
On vous présente souvent comme l'homme qui dépense notre argent. Une potentielle gabegie budgétaire a également été mise en avant. Comment l'éviter ? Y aura-t-il un contrôle a posteriori en dehors de l'évaluation ? Peut-on imaginer que la Cour des comptes puisse exercer un contrôle sur ce qui a été engagé ? Cela a-t-il déjà été évoqué ?
Par ailleurs, quel rôle joue aujourd'hui François Bayrou à vos côtés, même s'il est particulièrement discret comme haut-commissaire au plan ? Il a parlé d'une ardente obligation à un retour au plan en octobre 2021. Les investissements que vous avez engagés depuis le début de l'année sont-ils compatibles avec la mission de François Bayrou, dont on a du mal à définir les contours ?
Il n'y a pas grand-chose sur le logement dans France 2030, hormis peut-être sur la rénovation énergétique. Or on constate aujourd'hui une véritable crise du logement dans notre pays, en particulier en ce qui concerne la construction. Y aura-t-il des projets dans ce domaine ?
En matière de formation, pensez-vous que des investissements puissent être fléchés vers des structures existantes ? Je pense par exemple aux lycées professionnels ou aux écoles de la seconde chance.
Mme Françoise Férat. - Vous avez évoqué l'Agence de l'innovation en santé. Je souhaiterais savoir si les nanotechnologies y tiennent une place prépondérante, alors que même les chercheurs prévoient que le marché mondial de la nanomédecine atteindra plus de 482 milliards de dollars d'ici 2027, avec un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 11,9 % entre 2020 et 2027.
Avec un tel potentiel d'amélioration des soins aux patients et de la santé humaine, la nanomédecine est une priorité pour de nombreuses entreprises de technologie médicale, même si elle est difficile à développer. Pouvez-vous nous apporter quelques indications à ce sujet ?
Mme Marie-Christine Chauvin. - Ma question est en lien avec la précédente.
Nous avons en France de nombreuses agences, dont la Haute Autorité de la santé, Santé publique France, qui se décline en ARS sur les territoires. Comment allez-vous articuler cette nouvelle agence avec l'existant ? Cela me semble compliquer encore la gouvernance...
Mme Sophie Primas, présidente. - Les mots « agence » et « rapport » hérissent généralement les sénateurs.
M. Bernard Buis. - Le salon de l'automobile rappelle que la production de batteries électriques en France est un enjeu de souveraineté industrielle. Le 20 octobre dernier, un investissement de 600 millions d'euros a été annoncé pour développer une usine de batterie dans les Hauts-de-France. D'autres projets devraient être validés.
Qu'en est-il des investissements dans les bornes de recharge, qui préoccupent légitimement les usagers ?
France 2030 dispose d'un centre de ressources qui flèche les candidats éligibles aux appels à projets. La question de la simplification se pose et pourrait dissuader certains petits acteurs. Comment pouvez-vous faciliter la procédure ?
Enfin, le premier comité de pilotage ministériel du volet spatial de France 2030 a dévoilé la liste des quinze premiers lauréats concernés par ce domaine. Cette réunion a permis de tracer les orientations pour les mois à venir. Le premier projet concerne des microlanceurs capables de placer en orbite des charges inférieures à 500 kilos. La France est en retard dans ce secteur par rapport aux Britanniques, aux Allemands et aux Américains. Ces investissements vont-ils nous permettre de nous maintenir dans la course spatiale ?
M. Christian Redon-Sarrazy. - Rien ne semble spécifiquement prévu pour la forêt, pourtant essentielle dans la lutte contre le changement climatique. Or celle-ci souffre de plusieurs problèmes - gouvernance, stratégie de gestion, manque criant d'ingénieurs forestiers. Qu'en est-il de leur formation et de la recherche, centrale pour l'étude des essences adaptées au nouveau contexte climatique, mais aussi aux nouveaux usages de la forêt ? Comment -la forêt est-elle intégrée dans vos AMI ?
Je rejoins enfin les propos précédents concernant la faiblesse des moyens, qui touche bien des secteurs.
M. Fabien Gay. - La mission que vous remplissez est d'une grande importance. Après la crise du Covid, qui a montré toutes les limites d'une politique de désindustrialisation sur les 20 ou 30 dernières années, il est nécessaire de se redonner des priorités extrêmement fortes. J'ai du mal à les identifier dans vos propos.
Certains ont parlé du spatial, et je partage leur point de vue. Dans le domaine de la santé, nous avions bien un champion français, mais nous avons été incapables de produire un vaccin.
Dans le secteur industriel, il ne suffit pas seulement d'éviter les délocalisations, il faut aussi relocaliser toute la chaîne de la valeur. Dans le secteur de l'automobile par exemple, si l'on construit quelques véhicules, on ne fabrique pas toutes les pièces, et on est extrêmement dépendant de la grande usine du monde.
Je réitère donc la question qu'ont posée Marie-Noëlle Lienemann et Dominique Estrosi Sassone : quels sont vos échanges avec le haut-commissariat au plan, qui se fait plus que discret ? Comment tout cela s'harmonise-t-il et se construit-il ?
Enfin, je n'ai pas fait beaucoup d'études, mais je n'ai rien compris à ce que vous avez dit à propos de la gouvernance du SGPI. Si on faisait une interrogation surprise à la sortie, j'aurai une mauvaise note, mais je ne suis pas sûr qu'un seul d'entre nous ait la moyenne !
Sans faire du populisme, ni critiquer les technocrates, je voudrais dire que le pluralisme est nécessaire au sein de comités d'experts. Ce n'est pas le cas, par analogie, du comité d'experts du groupe du SMIC, dont les membres sont tous plus libéraux les uns que les autres. Or il existe dans ce pays des ouvrières et des ouvriers qui ont des choses à dire. Comment peut-on les associer, ainsi que d'autres, à cette entreprise destinée à reconstruire la France industrielle ? Il ne faut pas les oublier !
M. Daniel Gremillet. - Certains projets quasiment identiques ne sont pas retenus par le SGPI - et je ne suis certainement pas le seul à le remarquer à travers les territoires. Vous parlez des collectivités régionales, mais : elles n'ont aucune dynamique financière. On arrive donc à une forme de distorsion terrible en fonction des choix effectués.
Cette semaine a eu lieu au Sénat un débat sur les énergies renouvelables. Vos travaux seront-ils cohérents par rapport aux choix politiques que nous sommes en train de réaliser ? Ces travaux nous permettront-ils de réaliser les investissements nécessaires sur notre territoire ou dans l'Union européenne ? Dans le cas contraire, cela n'a pas de sens.
Par ailleurs, je rejoins ce qu'a dit Christian Redon-Sarrazy concernant la forêt, qui représente un tiers de la surface de notre territoire. Quelque chose est-il prévu autour de la chimie verte d'origine forestière ?
Enfin, la recherche va-t-elle déboucher sur une production industrielle dans notre pays, sans reconduire l'aventure que nous avons vécue avec le crédit d'impôt recherche (CIR), dans lequel des moyens publics considérables ont été investis sans jamais se traduire sur notre territoire ?
Mme Martine Berthet. - Vous avez indiqué qu'un projet sur trois est examiné par des juges scientifiques internationaux afin d'éviter les interférences avec les territoires français. Pouvez-vous nous préciser votre pensée ?
Ma deuxième question porte sur l'Agence de l'innovation en santé. Quelles sont ses relations avec le ministère de la santé et les autres agences ? L'article 30 du PLFSS prévoyait que le Gouvernement lance des appels d'offres pour les médicaments en vue de retenir les moins-disants, fabriqués en Inde, en Asie du Sud-Est, voire aux États-Unis. Or ceux-ci ne répondent pas aux exigences que l'on est en droit d'attendre actuellement. Plusieurs d'entre nous sont donc intervenus, et ce point a été retiré du PLFSS.
L'Agence de l'innovation en santé, avez-vous dit, doit déboucher sur des fabrications françaises et non favoriser des productions qui viennent de l'étranger. Je ne comprends pas comment ces produits pourront être remboursés.
M. Bruno Bonnell. - Tout d'abord, les nanotechnologies font bien partie des projets spéciaux. J'ai visité à Besançon le laboratoire Femto-ST, qui travaille sur des microrobots dans le domaine de la photonique. Ils vont chercher les cellules une par une chez un patient cancéreux et injectent de l'ADN grâce aux nanotechnologies pour les transformer. Ce sont des médicaments que l'on peut qualifier de miraculeux dans le traitement de certaines pathologies, la leucémie notamment.
Je voudrais tuer ici une idée que j'ai trop entendue autour de cette table et vous dire que la France n'est pas en retard ! Il faut le marteler et cesser de répéter ce qu'affirment les médias. Par mon expérience professionnelle, je suis spécialiste d'un certain nombre de technologies dans le domaine de la robotique, de l'électronique, du logiciel et de l'interactivité : la France est en avance dans de très nombreux domaines.
Toutefois, vous avez raison : nous manquons considérablement de moyens - mais ce n'est qu'un premier pas. J'espère que la réussite de France 2030 entraînera un plan France 2040, puis un plan France 2050, et que d'autres prendront le relais. Si l'État n'intervient pas massivement comme « dérisqueur », le secteur privé considérera les choses à court terme.
J'ai appris hier que le projet Safran de redéploiement en Rhône-Alpes d'une nouvelle usine annoncé par le Président de la République était mis en pause, faute d'anticipation face aux nouveaux coûts de l'énergie : d'ici trois ans, le projet Safran sera passé par pertes et profits !
Je rejoins M. Gay, à qui je me suis parfois opposé sur les plateaux, sur le fait que l'intervention de l'État est importante. Je ne parle pas ici de politique. Je suis dans mon rôle de directeur d'administration centrale : je voudrais tuer l'idée que la France est en retard dans certains secteurs, comme les nanotechnologies ou la photonique. Comment les finance-t-on ? Grâce aux fonds de rupture. Ce sont des projets dits spéciaux.
La forêt est totalement intégrée dans notre plan. Elle n'est pas dénommée en tant que telle, mais figure dans la masse qui doit représenter 2,8 milliards d'euros d'aides en faveur d'une agriculture décarbonée, dans laquelle on inclut la chimie verte de la forêt.
Nous avons aujourd'hui de très beaux projets d'innovation dans ce domaine. Nous avons notamment financé, dans l'Ardèche ou dans l'Aube, l'installation de cogénérateurs afin que les gens qui exploitent la forêt puissent utiliser les déchets pour réaliser le séchage des planches. Je vous donnerai individuellement des informations plus précises à ce sujet.
Vous avez raison, nous ne finançons pas de logements, pas plus que des bâtiments d'usines ou des capacitaires. Cependant, nous réalisons tout le reste, comme la décarbonation des grands producteurs de ciment en vue de la construction de logements au moindre impact carbone. Nous finançons des actions spécifiques en faveur des démonstrateurs de ville durable. Il en existe 39 en France aujourd'hui. Nous soutenons, généralement sous forme de subventions, les initiatives de promoteurs pour montrer que l'on peut se loger autrement. On mène ainsi de grandes réflexions sur les zones pavillonnaires et leur transformation en zones de résidence partagée afin d'optimiser les flux.
Concernant les énergies renouvelables, dura lex, sed lex : nous mettrons évidemment notre action en cohérence avec ce qui va être décidé dans les prochaines semaines ou les prochains mois par les parlementaires. Nous faisons tout pour recréer une chaîne complète de fabrication du silicium en France, jusqu'à la fabrication des panneaux. Ne nous faisons toutefois aucune idée : si on continue à avoir une stratégie d'appel d'offres dont le prix serait le seul critère, on court à la catastrophe !
Je vais tenter de simplifier mon explication relative à la gouvernance...
Le bénéficiaire peut consulter sur france2030.gouv.fr l'ensemble des AAP et des AMI, qui sont assortis d'un système multicritères mentionnant le nom de l'opérateur. L'entreprise intéressée peut envoyer son dossier, qui est instruit, et elle reçoit une réponse.
50 % du travail du bénéficiaire doit porter sur les acteurs émergents et 50 % sur la décarbonation. C'est le comité de suivi qui donne son avis à mon équipe.
Tous les préfets de région reçoivent à l'avance les programmes d'AMI et d'AAP. Depuis la semaine dernière, le ministère de l'intérieur leur a délégué un sous-préfet à l'investissement au niveau régional. Une partie de son travail porte sur France 2030. Dans chaque département le préfet de région délègue une personne auprès des préfets de département, qui sont chargés de diffuser l'information.
En PACA, nous allons qualifier des dossiers à titre expérimental pour travailler avec les territoires. Charge au préfet d'organiser cette préqualification comme il l'entend.
Je rejoins M. Gay concernant la diversification. J'ai pris la décision de faire figurer un jeune par jury quoi qu'il en soit, quelle que soit son origine, car nous travaillons pour les générations futures, et l'avis des jeunes est important. Je suis prêt à ouvrir le jury à d'autres personnes pour amener de la diversité.
Quant à nos rapports avec le haut-commissariat au plan, je ne voudrais pas me mettre en difficulté politique face à cette assemblée, car ce n'est pas mon rôle. Le SGPI, qui compte 45 personnes, a des rapports permanents avec le haut-commissariat, lui-même constitué d'une dizaine de personnes. J'ai eu deux rendez-vous avec M. Bayrou pour mettre nos actions en cohérence.
Je ne considère pas que France 2030 +-soit un plan, mais plutôt une mise en perspective d'une nouvelle société dans laquelle tous ces objets vont apparaître indispensables, dans une optique de souveraineté. Nous comptons sur les territoires pour monter des projets. Je n'arrête pas de demander qu'on nous en propose. Nous n'en avons pas assez.
Vous avez évoqué la formation : je suis « bluffé » par la dynamique de l'AMI en matière de compétences et de métiers d'avenir. Nous avons reçu 85 réponses lors de la première relève, 300 pour la deuxième, et je pense que nous allons dépasser les 500 réponses pour la troisième.
Mme Sophie Primas, présidente. - Qui les dépose ?
M. Bruno Bonnell. - Tout le monde ! Des structures existantes, de nouvelles écoles, des CFA et des structures professionnelles, des entreprises qui veulent créer leur propre école. Renault veut notamment convertir 10 000 techniciens thermiques en techniciens électriques.
On trouve à la fois du privé et du public. Nous cherchons à être très ouverts. Ce sont les projets et les capacités plutôt que les structures qui les portent qui nous intéressent. L'AMI connaît un grand succès.
Concernant la simplification, dont je présente le plan à la fin de l'année, vous avez raison de dire que nous avons hérité d'une situation assez lourde. Après un changement de Gouvernement et un certain nombre d'autres événements, nous visons deux étapes. Le projet est exposé en deux pages, qui permettent de dire très vite si on entre ou non dans les critères de France 2030.
Si ce n'est pas le cas, la réponse est très rapide, et la société n'a pas à entrer dans un cycle complexe d'investissement et de recherche de budget. Si elle est au contraire éligible, nous cherchons avec les chambres de commerce et d'industrie, les pôles de compétitivité et les structures territoriales à renforcer sa crédibilité pour qu'elle puisse se faire accompagner dans l'élaboration du dossier final.
Soyons clairs : en calibrant leurs dossiers, nous permettons à davantage d'entre eux d'être sélectionnés. Notre modèle est donc plutôt vertueux : les dossiers vont s'améliorer. Les choses seront en place au tout début de l'année prochaine.
Par ailleurs, nous avons demandé aux préfets de région, à travers une circulaire que je pourrais vous communiquer, qu'un repérage des AMI et des AAP soit effectué pour cibler certaines entreprises et les encourager à être candidates.
Concernant les critères d'évaluation, nous avons l'intention de les diffuser publiquement. À partir de la fin de l'année, nous serons à même de vous apporter des éléments plus tangibles sur ces évaluations.
Ces critères d'évaluation sont assez arbitraires, je préfère vous le dire. On a établi une liste d'indices permettant de déterminer si, lorsqu'on aide une entreprise, cela a un impact sur le développement local, s'il existe un meilleur équilibre entre les hommes et les femmes travaillant dans le secteur soutenu. Cette liste vous sera soumise. Je suis preneur de tous compléments si on estime qu'il manque des critères.
Il a fallu partir d'une base. Une dizaine d'indices cherchent à déterminer l'impact sociétal et non simplement économique. Je ne peux prétendre à la fois jouer l'audace et le risque et miser seulement sur un taux de retour sur investissement.
J'en viens à la remarque de Mme Lienemann sur la capitalisation. Il existe pour cela d'autres structures de l'État, comme l'Agence des participations de l'État (APE), mais nous avons 10 milliards de fonds propres qui vont monter à 12 milliards dans le plan France 2030. Cela passe généralement par la Caisse des dépôts et consignations, qui les transmet elle-même à des fonds.
On trouve parmi ces fonds Ecotech, SPI, French Tech Souveraineté, avec lequel nous avons monté une opération pour que Sanofi demeure dans notre champ de souveraineté. Nous avons participé par ce biais à la recapitalisation des usines de médicaments pour une somme considérable afin qu'elles demeurent en France.
Cette action est-elle suffisante ? Non, mais ce n'est pas notre mission. Je ne peux pas apporter 54 milliards d'euros en fonds propres. Environ 16 % du total va être apporté en fonds propres. C'est un bel effort. Nous travaillons évidemment sur des effets de levier. L'effet de levier moyen représente une multiplication par trois, soit 200 milliards d'euros d'impact sur l'économie, pour 54 milliards d'euros, le privé venant en renfort du dérisquage de l'État.
Deux tiers des projets ne passent pas la sélection, mais on n'est jamais exclu définitivement de France 2030. On peut se représenter plusieurs fois, en tenant compte des remarques des jurés. On a donc une chance de revenir. Cela explique aussi pourquoi il existe un phénomène amplificateur dans « Compétences et métiers d'avenir ». Des gens se représentent en effet pour partie.
Pourquoi ne sont-ils pas toujours soutenus ? Ils peuvent ne pas avoir compris l'innovation transformatrice. Ils sont dans ce cas éliminés sur le fond. Parfois, c'est une question de gouvernance ! Il faut inviter les consortiums à être très clairs sur la gouvernance. J'ai reçu personnellement plusieurs dossiers d'écoles dans lequel ne figurait aucun directeur, la gouvernance étant partagée entre quatre ou cinq centres...
Mme Sophie Primas, présidente. - C'est innovant !
M. Bruno Bonnell. - ... un très beau projet d'école sur la forêt, qui vient d'Avignon.
Quant au spatial, nous étions, jusqu'à une date relativement récente, dans une coopération spatiale européenne. Ariane ne serait pas née sans tout cela. De cette coopération, on passe à une compétition, l'Allemagne et l'Italie ayant notamment décidé de se remettre aux micro-lanceurs.
Nous sommes tous au même niveau à l'heure où nous parlons, si ce n'est que l'Italie et l'Allemagne vont utiliser des technologies américaines, notamment SpaceX, pour rattraper un certain retard dans le domaine militaire concernant les micro-lanceurs. La bataille commence. Elle est critique, parce qu'elle est dédiée au développement de la science et à l'exploration de l'espace civil, mais elle est fondamentalement dans la dualité militaire.
Certains budgets qui ne relèvent pas du SGPI viennent en appui. Je n'en ai pas connaissance, mais je trouve cela logique. Je ne pense donc pas que nous puissions parler de retard au sujet de l'espace dans ces domaines. Je ne fais pas ici référence aux gros lanceurs, qui exigeront d'être d'accord sur le plan continental. Une importante base située dans les pays scandinaves s'organise pour devenir un site de lancement de micro-lanceurs. Nous travaillons activement avec eux pour être sûrs d'avoir nos slots.
Concernant la Cour des comptes, nous sommes régulièrement audités et contrôlés. Cela nous permet de nous améliorer. Je ne m'attends pas à ce qu'elle nous félicite. Je ne peux prétendre que nous sommes parfaits, mais nous sommes au clair sur ce sujet.
Concernant l'automobile, une de mes passions dans la vie, c'est l'histoire industrielle. Le passage du cheval à l'automobile, en France, a nécessité 65 ans. Cela va être la même chose pour passer du thermique à l'électrique. Il faut être lucide par rapport au futur. La Commission européenne parle de véhicules à zéro émission de CO2.
La mise au point de l'essence, qui paraît banale aujourd'hui, a demandé 30 ans. Au départ, on partait du pétrole brut ou on distillait dans son jardin. Comment roulaient les premières automobiles ? Il n'y avait pas de pompes ! Il fallait trouver de l'essence. C'était du « bidouillage » ! Je pense que les bornes électriques sont aujourd'hui du « bidouillage ».
Nous sommes tous d'accord sur le fait que passer une demi-heure à charger sa voiture un 15 août sur l'autoroute va constituer un léger problème. Les files d'attente qu'on a connues aux pompes à cause de la grève ne sont rien à côté.
Faisons confiance à la technologie, qui va considérablement évoluer, à commencer par celle des batteries. Les premiers téléphones portables avaient une autonomie extrêmement courte. Ceux qui ont connu le Bi-Bop, à Paris, le savent : lorsqu'on s'éloignait à plus de 200 mètres de la borne, cela ne fonctionnait plus. Faisons donc confiance à la technologie !
Je ne suis pas d'accord avec M. Tavares sur la voiture électrique, et je lui ai dit : il y avait les mêmes débats quand les voitures sont apparues en France. Je vous recommande un livre, que vous pourrez trouver sur Amazon ou Le Bon Coin, intitulé Chauffeurs. « Chauffeur » vient de « chauffard ». On prétendait que les voitures allaient écraser tout le monde et qu'il ne fallait pas stimuler l'industrie automobile.
L'énergie électrique est l'énergie de demain. Certes, il existe plein d'obstacles technologiques, mais peut-être que le véhicule de demain n'est pas le véhicule automobile d'aujourd'hui.
La Chine développe les véhicules intermédiaires, quelque part entre le vélo électrique et la première Zoé. Ce sont des machines dont le prix est compris entre 7 000 et 10 000 euros, qui peuvent parfois descendre à 4 000 euros. Peut-être qu'une partie de nos concitoyens décideront de louer une voiture pour le week-end et utiliseront un petit véhicule de ce genre le reste du temps. Certains ont déjà commencé. Quand ils achètent des vélos électriques, ils changent de méthode de mobilité.
Si l'on croit que l'on va reproduire les schémas du thermique avec l'électrique, on se trompe. Cela n'enlève rien au fait qu'on dépense quand même 300 millions d'euros dans le plan pour développer le réseau des bornes électriques.
Enfin, s'agissant des applications industrielles, celles-ci constituent mon travail de chaque jour. Il ne faut pas commettre d'erreur. La science est inépuisable, et ceux qui pensent qu'on a tout découvert se trompent considérablement.
Ma rencontre avec Alain Aspect m'a fait découvrir un autre monde. Les plus vieux ne la connaîtront pas, mais il y aura une révolution quantique réelle d'ici 50 à 60 ans, voire un siècle. C'est une nouvelle manière de voir le monde, qu'on a du mal à comprendre aujourd'hui. De la même façon qu'il y a eu une révolution électrique, il y aura une révolution quantique. Il ne faut donc pas négliger la science fondamentale et continuer à investir dans la science. Les chercheurs cherchent mais ne trouvent pas forcément. Il est important de creuser ce sillon.
Je suis d'accord avec vous sur le fait que l'heure est grave en termes d'industrialisation. En dehors du budget consacré aux sciences fondamentales, qui représente 10 % du total tout confondu, tout le reste doit être mis sur l'industrialisation.
Plutôt que parler de réindustrialisation ou de relocalisation, je préfère parler de néo-industrialisation. Des aciéries passent au four électrique, des cimenteries commencent à faire du ciment avec des technologies qui divise par dix l'énergie dont elles ont besoin. Les technologies fines proposent du sur-mesure industriel, avec des usines plus concentrées, plus petites, qui vont forcément contribuer au réaménagement des petites villes.
Je crois à tout cela, mais notre vrai problème réside dans l'appétence des jeunes vis-à-vis de la science. Nous avons, dans l'Est de la France, de très nombreuses formations professionnalisantes industrielles qui ne sont remplies qu'à 40 %, alors que les machines-outils ont coûté très cher.
Le noeud du problème est de redonner confiance à la jeunesse dans une science plus propre, plus vertueuse pour la planète, qui permette de vivre avec des salaires décents et de gagner en compétitivité grâce à l'innovation.
N'hésitez pas à m'adresser des questions précises par écrit. Je me ferai un devoir d'y répondre. J'ai une mission territoriale essentielle, et vous en êtes les relais.
La réunion est close à 11 heures 10.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.