- Lundi 25 juillet 2022
- Mercredi 27 juillet 2022
- Projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat - Examen des amendements proposés par le rapporteur pour avis
- Audition de M. Jean Castex, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf)
- Vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Jean Castex, aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf)
- Jeudi 28 juillet 2022
Lundi 25 juillet 2022
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 15 h 05.
Projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat - Examen du rapport pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner les dispositions du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, pour la partie qui nous a été déléguée au fond par la commission des affaires sociales, à laquelle le texte a été envoyé.
Ce projet de loi, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 7 juillet dernier, comportait initialement 20 articles, traitant de dispositions diverses organisées en quatre grands thèmes : la protection du niveau de vie des Français par la revalorisation du travail et de certaines prestations sociales ; la protection des consommateurs ; la souveraineté énergétique ; le soutien à la décarbonation du transport routier de marchandises et à la protection des professionnels de ce secteur face à la hausse des prix des énergies de propulsion des poids lourds.
À l'issue de son examen par les députés, le texte soumis à la Haute Assemblée compte désormais 33 articles. Au Sénat, la commission des affaires sociales a été saisie du texte au fond et a délégué à notre commission le traitement au fond de 3 articles du projet de loi initial : les articles 14, 16 et 20. Ce périmètre de délégation a été complété après l'adoption du texte par les députés, et notre commission s'est vu attribuer l'article 21. Nous examinerons donc au fond quatre articles au total.
J'en profite pour renouveler mes remerciements à la commission des affaires sociales, qui a accepté de confier à notre commission l'expertise de dispositions relevant de ses compétences. Plusieurs thématiques chères à notre commission sont ici, en effet, concernées à titre principal : l'évaluation environnementale, l'information et la participation du public, les ports maritimes et la prévention des risques ; dans le cadre de sa compétence « climat », le suivi de la mise en oeuvre de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) pour respecter la trajectoire française de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre ; le secteur du transport de marchandises, notamment l'accompagnement de sa décarbonation, qui fait l'objet d'une attention constante de la part de notre commission.
La commission des affaires économiques a également reçu une délégation au fond pour traiter une dizaine d'articles et a désigné Daniel Gremillet rapporteur pour avis. Enfin, la commission des finances s'est saisie pour avis du texte et a désigné Christine Lavarde rapporteur pour avis, sans délégation au fond.
Nous entamons le sprint qui était annoncé, puisque nous débattrons de ce projet de loi en séance publique dès jeudi.
Je remercie sincèrement Bruno Belin, notre rapporteur pour avis, qui a trouvé le temps de mener des auditions en un temps record dans le cadre de ses travaux préparatoires afin de nous présenter ses conclusions.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Je vous présente aujourd'hui le rapport que vous avez bien voulu me confier sur le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.
Je tiens à souligner que l'examen de ce texte s'effectue dans des délais particulièrement contraints, qui ne sont pas les plus indiqués pour légiférer sereinement, même si je ne nie pas l'urgence qui s'attache au traitement d'un certain nombre de sujets indispensables pour protéger le niveau de vie des Français face à l'inflation très forte que nous connaissons.
Malgré ces délais contraints, j'ai pu rencontrer les principaux acteurs concernés par les articles que nous examinons au fond, au travers d'une douzaine d'auditions. J'ai ainsi pu échanger avec les professionnels du transport routier de marchandises, avec les services de l'État, des acteurs du secteur énergétique, ainsi que des représentants d'associations de protection de l'environnement, qui, je le précise sans malice, n'avaient pas été entendues par les députés.
Avant de partager avec vous les quatre observations principales que ce projet de loi m'inspire, puis de vous présenter les amendements que je proposerai à la commission d'adopter, je souhaite présenter brièvement les quatre articles dont nous avons la charge.
L'article 14 tend à créer un régime ad hoc applicable à la construction des infrastructures nécessaires pour le raccordement d'un terminal méthanier flottant, qui sera situé dans le port du Havre, au réseau national de distribution de gaz naturel.
Le gaz représente environ 16 % de la consommation d'énergie primaire en France et nous sommes largement tributaires de nos importations, principalement auprès de la Norvège - à hauteur de 36 % -, de la Russie - pour 17 % -, de l'Algérie - pour 8 % - et des Pays-Bas - pour 8 %. Notre approvisionnement en gaz naturel et nos exportations se font via sept gazoducs. Nous disposons également de quatre terminaux méthaniers terrestres, mais nous n'avons aucun terminal méthanier flottant. La première différence entre ces deux types d'infrastructures est de nature juridique : les terminaux méthaniers flottants ne sont pas des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), mais constituent, au sens du droit international, des navires, soumis à un corpus riche de normes de sécurité qui encadrent la manutention des produits qui les concernent. La seconde différence est le caractère plus facilement réversible d'un terminal flottant par rapport à un terminal terrestre : il « suffit », en effet, de débrancher le terminal du réseau.
Compte tenu de la baisse très forte des exportations de gaz russe par gazoduc vers l'Union européenne, l'objectif est de sécuriser l'approvisionnement national en gaz, qui pourra venir des pays que j'ai cités, mais aussi des États-Unis. Il importe de pouvoir mettre en service cette infrastructure en septembre 2023, pour l'hiver 2023-2024. En l'espèce, le projet consiste à installer un navire regazéifieur de 283 mètres de long sur 43 mètres de large, sous pavillon norvégien et appartenant à TotalEnergies, pour recevoir des livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL) par des navires méthaniers et de créer une canalisation d'environ 3,5 kilomètres de long, qui traverse, sur la majorité de son parcours, la zone portuaire du Havre et, sur une petite partie de son parcours, une zone boisée, tout en évitant une zone humide située à proximité.
Pour construire cette canalisation et installer l'ensemble des équipements nécessaires au fonctionnement du terminal et à la gestion de la pression de gaz dans les délais prévus, le projet de loi prévoit la possibilité de dispenser le projet d'évaluation environnementale et d'enquête publique. Il prévoit également des dérogations aux dispositions en vigueur concernant l'atteinte à des espèces protégées, tout en maintenant des garanties, que je vous proposerai d'ailleurs tout à l'heure de conforter. Au total, ces dérogations, conformes au droit de l'Union européenne, permettront de réaliser le projet en six mois environ, contre vingt-quatre mois en cas d'application des procédures de droit commun.
L'article 16 prévoit une obligation de compensation carbone en cas de mobilisation accrue de centrales à charbon, qui pourrait être rendue nécessaire pour garantir la sécurité d'approvisionnement en électricité du pays l'hiver prochain.
Il est clair que le prolongement du fonctionnement des centrales à charbon au-delà de 2022 constitue une régression dommageable d'un point de vue environnemental et un manque d'anticipation, sur lequel je reviendrai tout à l'heure.
Le projet de décret en cours de consultation prévoit d'augmenter le plafond d'émissions sur la période allant du 1er octobre 2022 au 31 mars 2023, en autorisant, sur cette période, l'émission de 2 500 tonnes CO2 par mégawattheure supplémentaires, correspondant à 2 700 heures de fonctionnement pour les centrales à charbon. Cette hausse conduirait à des émissions totales de 4,5 millions de tonnes de CO2. Le Gouvernement assure que la France sera malgré tout en mesure de respecter le budget assigné au secteur de l'énergie dans le cadre de la deuxième stratégie nationale bas-carbone (SNBC 2) pour la période 2019-2023, même si les cibles annuelles, quant à elles indicatives, pourraient être dépassées pour 2022 et 2023.
La mobilisation des trois tranches permettra de produire 5 térawattheures supplémentaires et d'augmenter ainsi d'environ 1 % la consommation annuelle d'électricité et d'absorber 2 % de la pointe de consommation.
Nous pourrons discuter du principe du redémarrage des centrales à charbon, bien entendu, mais ce n'est pas l'objet de cet article, qui a au moins le mérite de poser une obligation de compensation carbone des émissions supplémentaires, laquelle représentera environ 120 millions d'euros pour les deux exploitants concernés.
L'article 20 vise à élargir le dispositif d'indexation gazole applicable aux contrats de transport de marchandises à l'ensemble des produits énergétiques. En l'état actuel du droit, ce mécanisme fait uniquement référence aux « carburants », qui correspondent aux carburants liquides et gazeux - gazole, essence, gaz -, ce qui exclut de fait les poids lourds fonctionnant grâce à certaines énergies alternatives - électricité et hydrogène. Dans ce contexte, le fait que le mécanisme d'indexation soit circonscrit à la motorisation gazole est susceptible de freiner les transporteurs dans le verdissement de leurs flottes face à la hausse du coût du carburant.
Cette mesure permettra d'accompagner les transporteurs routiers dans la décarbonation de leur flotte et de sécuriser les contrats de transport réalisés à l'aide de véhicules dotés de motorisations alternatives face à la hausse des coûts du carburant. Elle contribuera également à renforcer la compétitivité des entreprises de transport routier de marchandises, qui est un secteur atomisé, composé en grande majorité des très petites entreprises (TPE) ou des petites et moyennes entreprises (PME), et dont les marges économiques et financières sont très faibles - 1 à 2 %.
L'article 21, introduit en séance publique par l'Assemblée nationale, vise à autoriser l'utilisation comme carburant pour véhicules des huiles alimentaires usagées - autrement dit les « huiles de friture » - utilisées dans les secteurs de l'industrie agroalimentaire ou en restauration collective ou commerciale. Cette solution présente un pas en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, puisque l'on estime que l'utilisation de ces huiles contribue à les faire diminuer de 90 % par rapport au gazole, et en matière d'économie circulaire, en donnant une nouvelle vie à ces huiles de cuisson usagées. Compte tenu des incertitudes sur les émissions de polluants atmosphériques générées par l'utilisation de ces huiles usagées, un sous-amendement de la rapporteure de l'Assemblée nationale a opportunément encadré leur utilisation, en prévoyant que leur performance ne peut être inférieure à celle des carburants autorisés.
J'en viens aux quatre observations principales que je souhaitais partager avec vous.
D'abord, si nous sommes aujourd'hui dans cette situation, qui nous oblige à augmenter la production de la centrale de Cordemais et à redémarrer la centrale de Saint-Avold, mais aussi à mettre en place en urgence un terminal méthanier flottant raccordé au réseau national de distribution de gaz naturel, c'est bien parce que les gouvernements qui se sont succédé depuis 2012 ont manqué de vision stratégique à long terme s'agissant de la sécurité de notre approvisionnement et de notre indépendance énergétiques.
Au rang des décisions inopportunes, je citerai bien entendu la fermeture de Fessenheim et le manque d'anticipation du vieillissement de nos centrales nucléaires, qui fait que nous avons aujourd'hui 29 réacteurs sur 56 à l'arrêt, dont 12 pour des problèmes de corrosion sous contrainte. Ainsi, en sept ans, le volume de notre production d'électricité via le nucléaire a baissé de 25 %.
S'ajoute à ces décisions notre retard sur le déploiement des énergies renouvelables - je pense en particulier à l'éolien marin, ainsi qu'au photovoltaïque.
Nous sommes et serons donc confrontés, comme rarement depuis les années 1970, à une situation de tension extrême pour répondre à la demande d'électricité et de gaz des Français et de nos entreprises au moment des pics de consommation des hivers à venir et pendant les vagues de froid. C'est pourquoi nous pouvons réfléchir collectivement aux moyens qui nous permettront de passer ces moments difficiles avec succès. C'est l'objet de plusieurs mesures de ce texte, en particulier de l'article 14.
Ensuite, l'étude d'impact du projet de loi est lacunaire et ne nous permettait pas, en l'état, de légiférer avec l'ensemble des éléments nécessaires. On sent que ce texte a été préparé à la hâte... Les auditions que j'ai menées ont permis de combler la plupart des angles morts de l'étude d'impact, mais je tenais à souligner ce point, car nous en faisons souvent le constat. Il importe, même en cas d'urgence, que le Gouvernement remplisse cette exigence constitutionnelle d'évaluation préalable, faute de quoi il ne permet pas à la représentation nationale d'être pleinement éclairée.
Par ailleurs, les mesures contenues dans ce projet loi, pour celles qui relèvent de notre commission, ne constituent pas directement des mesures en faveur du pouvoir d'achat des Français. Ainsi, la mise en place du terminal méthanier flottant au Havre vise un objectif de sécurité d'approvisionnement ; la compensation des émissions de gaz à effet de serre des centrales à charbon a une finalité environnementale ; enfin, les mesures relatives au transport ont pour objectif de soutenir financièrement les professionnels dans la décarbonation des modes de propulsion des poids lourds et dans la préservation de leurs marges face à la hausse des prix des carburants. Il convient d'ailleurs de relever la dimension inflationniste de cette dernière mesure, dont la répercussion ne pourra se faire entièrement au détriment des consommateurs finaux.
C'est pourquoi je soutiendrai avec force les propositions avancées par mes collègues Didier Mandelli et Philippe Tabarot s'agissant du forfait mobilités durables (FMD) et du prêt à taux zéro pour les poids lourds (PTZ), qui reprennent ou s'inscrivent dans la continuité des dispositions adoptées par notre commission au cours des dernières années et qui permettront de soutenir puissamment le niveau de vie des Français tout en incitant les entreprises à s'engager davantage dans la transition écologique.
Enfin, j'exprimerai un regret : ce projet de loi ne traite pas tous les enjeux et comporte, à mon sens, un angle mort majeur, à savoir la notion de sobriété énergétique. Je l'affirme, le meilleur gain pour le pouvoir d'achat des Français en matière de factures d'énergies est l'économie d'énergie. L'énergie la moins chère est celle que l'on ne consomme pas.
Aussi, je regrette que le Gouvernement ne nous ait toujours pas présenté un plan national complet de sobriété énergétique à destination des particuliers pour organiser la diminution de la consommation finale de gaz et d'électricité dans une triple logique de sécurisation des réseaux de distribution, d'économies financières pour les ménages et de transition écologique. S'il a annoncé qu'il travaillait d'ores et déjà avec ses administrations, ses établissements publics et les acteurs économiques pour parvenir à réduire la consommation globale, aucun plan pour les particuliers n'a à ce jour été préparé. Je rappelle qu'une réduction d'un degré de la température de chauffe représente, en moyenne, une diminution de la consommation de gaz de 8 % ! Voilà le véritable levier pour garantir la sécurité de notre réseau, préserver le niveau de vie des Français et accélérer la transition écologique, en lien avec les objectifs que nous nous sommes fixés : la consommation énergétique finale devra baisser de 30 % par rapport à 2012 d'ici à 2030 et de 50 % d'ici à 2050.
J'en viens maintenant aux amendements que je proposerai à la commission d'adopter. Ils visent, d'une part, à apporter des garanties complémentaires pour l'information du public, l'environnement et la santé s'agissant du raccordement du terminal méthanier flottant au Havre et mieux encadrer la compensation carbone des émissions des centrales à charbon ; et, d'autre part, à améliorer, de manière générale, la qualité juridique du texte, en l'enrichissant ponctuellement de précisions et de coordinations techniques. C'est notamment le cas pour l'article 20 ou encore pour l'article 21, que je vous proposerai de mieux encadrer, en particulier en prévoyant un suivi de l'autorisation d'utilisation des huiles alimentaires usagées comme carburants pour véhicules.
M. Ronan Dantec. - Je remercie Bruno Belin de ce travail, réalisé en un temps particulièrement restreint. J'espère que ces conditions de travail ne deviendront pas la norme.
J'abonde totalement dans son sens : il est incompréhensible que ce texte ne comporte aucune disposition sur la rénovation des logements. C'était pourtant l'occasion d'envoyer un signal, puisque c'est là que sont les grandes marges en matière de pouvoir d'achat. Je rappelle que nos collègues députés n'ont pas repris certains amendements assez consensuels du Sénat, par exemple sur les crédits d'impôt pour les TPE-PME, que nous avions voulu allonger. À l'Assemblée nationale, l'article 45 de la Constitution a fauché les amendements qui voulaient relancer cette question. Or celle-ci est incontournable - je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point.
Par ailleurs, il me semble qu'il manque un mot dans la présentation du rapporteur pour avis : si la France accuse un retard dans sa production électrique, c'est d'abord à cause de l'éolien « terrestre », qui, malheureusement, suscite parfois des oppositions incompréhensibles, y compris de présidents de région qui se targuent de vouloir être Président de la République, mais qui ont fait perdre à la France une partie de sa souveraineté énergétique.
On sait aujourd'hui que l'éolien terrestre rapporte à l'État 8,5 milliards d'euros. Cependant, le Sénat a parfois été une caisse de résonance d'oppositions locales contre l'intérêt de la France - nous pourrons le souligner de nouveau en séance.
M. Didier Mandelli. - Je félicite le rapporteur pour avis pour le travail qu'il est parvenu à réaliser sur ce texte compte tenu des délais.
Je souscris en partie à ce qu'a dit Ronan Dantec, sauf sur l'éolien terrestre. Je veux le rassurer, après ce texte sur le pouvoir d'achat, nous examinerons, la semaine prochaine, le projet de loi de finances rectificative (PLFR) et, à l'automne, un texte sur les énergies renouvelables. Nous aurons donc l'occasion de débattre de tous ces sujets.
Cette profusion de textes rapprochés crée tout de même une difficulté : nous ne savons plus sur lequel de ces textes les amendements doivent être déposés... Cela ne facilite pas le travail et ne permet pas d'avoir une vision globale sur les questions de sobriété, d'économies d'énergie ou d'énergies renouvelables. Nous subissons le calendrier. Nous y allons par petites touches en déposant des amendements ici ou là. Je ne trouve pas que, en ce début de mandat présidentiel et de législature, les choses soient abordées dans le bon ordre. Il faudrait une grande loi d'orientation sur ces questions.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer que le périmètre indicatif du projet de loi soumis à la commission des affaires sociales, saisie au fond, comprend les dispositions relatives à l'accompagnement de la transition écologique du secteur des transports routiers et de marchandises, à l'exclusion des modes de propulsion des poids lourds ; au soutien des professionnels et de ce secteur face à la hausse des prix de l'énergie ; aux émissions de gaz à effet de serre des installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles et aux mesures de compensation associées ; aux modalités de construction et de fonctionnement des infrastructures et installations concourant à la sécurité de l'approvisionnement en gaz du territoire national ; aux modalités d'évolution des impacts de ces projets sur l'environnement et la santé et aux conditions et modalités permettant au public d'être informé et de participer aux décisions y afférentes.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Supprimer l'article 14 serait une mauvaise chose : avis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-11 rectifié et COM-73.
La commission proposera à la commission des affaires sociales de ne pas adopter les amendements identiques COM-11 rectifié et COM-73.
L'amendement COM-237 est adopté.
La commission proposera à la commission des affaires sociales de ne pas adopter les amendements COM-74 et COM-54.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-238 prévoit une obligation de présenter les mesures permettant d'éviter et de réduire les incidences du projet sur l'environnement et la santé humaine dans le dossier établi en application de l'alinéa 9 de l'article 14.
L'amendement COM-238 est adopté.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-239 vise à supprimer l'alinéa 11.
Mme Martine Filleul. - Pourquoi supprimer cet alinéa prévoyant une notification à la Commission européenne ?
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Cette mention n'est pas nécessaire d'un point de vue juridique.
M. Ronan Dantec. - L'obligation d'information de la Commission européenne est systématique dès lors qu'il y a dérogation.
L'amendement COM-239 est adopté.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-240 abaisse de six à quatre mois le délai dans lequel les mesures de compensation nécessaires seront prescrites par l'autorité compétente à compter de la délivrance de la dérogation concernée et de deux ans à dix-huit mois le délai maximal pour la mise en oeuvre de ces mesures.
M. Ronan Dantec. - L'amendement du rapporteur pour avis va dans le bon sens, mais, dès lors que les autorisations environnementales ne valent que pour cinq ans, il faut que les mesures compensatoires puissent être mises en oeuvre très vite - c'est une question de donnant-donnant. Si elles ne sont pas colossales, un délai d'un an semble suffisant. Tel est l'objet de mon amendement COM-12 rectifié.
L'amendement COM-240 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-12 rectifié devient sans objet.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-241 propose plusieurs améliorations.
Il apporte trois modifications au dispositif adopté par les députés visant à ce que l'exploitant du terminal méthanier flottant réalise une étude sur « les conséquences en termes d'émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes induites sur la durée de vie de l'installation ».
En premier lieu, il précise que la mise à disposition du public de l'étude est opérée par le préfet de département, qui doit également la transmettre sans délai aux collectivités territorialement concernées. En second lieu, il supprime la notification de l'étude aux ministres compétents en matière d'installations classées, d'énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, considérant que la notification au préfet suffit pour assurer l'information du Gouvernement. En troisième lieu, il insère une procédure permettant au préfet de demander à l'exploitant de compléter le contenu de cette étude, dans le cas où celui-ci apparaîtrait insuffisant ou incomplet. Cette procédure n'a aucune incidence sur les délais de réalisation du projet visé par l'article 14 puisqu'elle n'emporte aucune conséquence sur les conditions d'exploitation et de mise en service de l'infrastructure.
L'amendement COM-241 est adopté.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-242 augmente de quinze jours le délai laissé aux communes traversées par la canalisation de transport de gaz naturel ou à l'établissement public de coopération intercommunale exerçant la compétence en matière d'urbanisme ainsi qu'aux communes situées à moins de 500 mètres de la canalisation pour rendre un avis sur la demande d'autorisation de la canalisation.
L'amendement COM-242 est adopté.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Je suis défavorable à l'amendement COM-55, le but étant d'aller plus vite.
La commission proposera à la commission des affaires sociales de ne pas adopter l'amendement COM-55.
L'amendement de précision COM-243 est adopté.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-244 vise à assurer une meilleure information aux membres de la commission de suivi de site (CSS) et prévoit par ailleurs un avis de la CSS sur la décision de dispense d'évaluation environnementale.
L'amendement COM-244 est adopté.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-245 prévoit une intervention sans délai du BEA-RI sur des incidents significatifs et accidents qui pourraient survenir sur le périmètre du projet.
L'amendement COM-245 est adopté.
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 14 ainsi modifié.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-246 vise à rehausser au niveau législatif le principe de la compensation, par les exploitants, des émissions supplémentaires induites par la mobilisation accrue des centrales à charbon.
Je suis défavorable à l'amendement COM-75, notamment au montant plancher de compensation de 50 euros par tonne de CO2 émise, loin des 27,5 euros évoqués lors des auditions.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-13 rectifié prévoit que le décret relatif à l'obligation de compensation est pris après avis du Haut Conseil pour le climat (HCC).
J'y suis favorable, sous réserve d'une rectification de pure coordination pour le transformer en sous-amendement à mon amendement COM-246.
M. Ronan Dantec. - Je suis d'accord pour le rectifier en ce sens.
Le sous-amendement COM-13 rectifié est adopté.
L'amendement COM-246, ainsi modifié, est adopté. En conséquence, l'amendement COM-75 devient sans objet.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-247 vise à préciser que les programmes de compensation devront être situés sur le territoire français et favoriseront, notamment, le renouvellement forestier.
M. Ronan Dantec. - Je suis défavorable à cet amendement.
La compensation est un sujet extrêmement important : il y va véritablement de la stabilisation du climat. De manière générale, le projet de loi est lié à la géopolitique et à la situation en Russie et en Ukraine, qui va avoir d'importantes conséquences sur les émissions mondiales de CO2. Nous sommes un peu trop centrés sur la situation française.
Je remercie le rapporteur pour avis de son avis favorable sur mon amendement sur le HCC. La commission a décidé de nous confier, à Philippe Tabarot et à moi-même, une mission sur la compensation, qui devrait se dérouler au premier trimestre 2023.
Il faut d'ores et déjà se dire que la compensation sert à réduire les émissions de gaz à effet de serre sur l'ensemble du globe. Certains - y compris des personnalités qui me sont proches - ont tendance à réduire les débats aux émissions françaises. Les flux financiers de la compensation, c'est aussi ce qui va permettre d'accompagner l'Afrique dans la réduction de ses émissions ! Si l'on considère que tous les flux de compensation doivent rester en France, on ne tiendra pas les objectifs de stabilisation du climat. Je préférerais une solution plus équilibrée : même si une partie de l'argent doit rester en France, il faut que l'on puisse accompagner les mutations des sociétés en développement.
Inspirons-nous de ce que nous avons fait sur la taxe « Chirac » sur l'aérien, que nous avions rehaussée au niveau de la tonne carbone et dont nous avons réparti le produit pour moitié en direction de l'Agence française de développement (AFD), sur des programmes de solidarité internationale, et pour moitié en direction de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), sur nos propres programmes de développement d'infrastructures, notamment ferroviaires.
Un tel équilibre en matière de compensation serait plus juste compte tenu des dynamiques mondiales dont nous avons besoin pour réduire la crise climatique.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Je comprends parfaitement votre position, mais, il semble important d'orienter les compensations sur notre territoire, pour réduire nos propres émissions de gaz à effet de serre.
M. Ronan Dantec. - Ce débat est absolument essentiel.
L'amendement COM-247 est adopté.
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 16 ainsi modifié.
Après l'article 16 (délégué)
La commission proposera à la commission des affaires sociales de déclarer les amendements COM-110, COM-111, COM-289 rectifié ainsi que l'amendement COM-167 irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-248 est un amendement de coordination avec les dispositions de l'article 20.
L'amendement COM-248 est adopté, de même que l'amendement COM-249 et l'amendement COM-250.
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 20 ainsi modifié.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Je suis favorable à l'excellent amendement COM-45 rectifié, qui vise à créer un prêt à taux zéro pour financer l'acquisition de poids lourds peu polluants affectés au transport de marchandises.
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'amendement COM-45 rectifié.
La commission proposera à la commission des affaires sociales de déclarer l'amendement COM-288 rectifié bis irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 21 (nouveau) (délégué)
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Nous n'avons découvert l'article 21 que ce week-end. Il serait souhaitable que l'on puisse mener quelques auditions à son sujet.
M. Jean-François Longeot, président. - Je souscris à cette proposition : il serait raisonnable que le rapporteur pour avis procède à des auditions sur cet article, comme il l'a fait sur les articles 14, 16 et 20.
La commission proposera à la commission des affaires sociales de ne pas adopter les amendements identiques de suppression COM-78 rectifié bis, COM-85 et COM-290.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-251 encadre les risques liés à l'utilisation d'huiles alimentaires usagées comme carburant, notamment en précisant les catégories de véhicules concernés par leur autorisation.
L'amendement COM-251 est adopté.
L'amendement COM-252 est adopté.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Mon amendement après 2 ans de mise en oeuvre.
L'amendement COM-253 est adopté.
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 21 ainsi modifié.
Après l'article 21 (nouveau) (délégué)
La commission proposera à la commission des affaires sociales de déclarer les amendements COM-296, COM-306 rectifié, COM-89, COM-90, COM-94, COM-95, COM-105, COM-107, COM-108, COM-109, COM-24, COM-25, COM-218, COM-219 et COM-254 irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
La commission proposera à la commission des affaires sociales de ne pas adopter l'amendement COM-297.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci au rapporteur pour avis d'avoir réalisé ce travail dans des délais aussi courts.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 15 h 55.
Mercredi 27 juillet 2022
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 11 h 30.
Projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat - Examen des amendements proposés par le rapporteur pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons ce matin les amendements de séance proposés par le rapporteur sur le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, compte tenu du travail accompli depuis notre dernière réunion de commission, lundi 25 juillet 2022, au cours de laquelle nous avons examiné la partie du texte de commission relative aux articles qui nous avaient été délégués au fond par la commission des affaires sociales.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS
M. Bruno Belin, rapporteur. - L'article 14 concerne le projet d'installation d'un terminal méthanier flottant dans le port du Havre. Dans ce contexte, l'amendement n° 394 vise à mieux en mesurer l'impact environnemental.
L'amendement n° 394 est adopté.
Article 21
M. Bruno Belin, rapporteur. - À la demande du président Longeot et du premier vice-président Didier Mandelli, j'ai conduit sept auditions depuis notre dernière réunion. Ce travail d'écoute a mis en lumière que la faisabilité et l'opportunité de l'utilisation d'huiles alimentaires usagées valorisée comme carburant, même là où ce procédé avait été expérimenté, n'étaient pas encore bien appréhendées par des études précises. Aussi, afin d'éclairer les décisions que nous pourrions prendre, je vous propose de présenter un amendement pour demander au Gouvernement de dresser un état des lieux sur ce sujet sous forme d'un rapport avant la fin de l'année.
M. Ronan Dantec. - Et en attendant ce rapport, que fait-on ? On sursoit à statuer ?
M. Didier Mandelli. - Oui, l'amendement propose une réécriture complète de l'article 21 pour demander au Gouvernement un rapport sur le sujet. La remise de ce rapport pourrait d'ailleurs s'inscrire dans le cadre de l'examen d'un projet de loi plus large sur l'énergie, cela nous semblerait plus cohérent. En effet, les auditions organisées par le rapporteur n'ont pas permis de définir une ligne claire sur la question. En particulier, des réserves se sont exprimées, entre autres de la part l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Or, on le sait, l'adoption de cette mesure à l'Assemblée nationale a eu lieu à 5 heures du matin, dans des conditions inhabituelles. Il faut donc creuser davantage ce sujet et disposer d'éléments fiables et vérifiés avant de prendre une décision, les enjeux sont trop importants.
M. Bruno Belin, rapporteur. - Nous avons demandé aux interlocuteurs que j'ai entendus hier quels étaient les enjeux et les répercussions d'une telle mesure et, chaque fois, la réponse était : « on ne sait pas », ne serait-ce que sur les conséquences en matière de pouvoir d'achat.
M. Didier Mandelli. - J'invite d'ailleurs ceux de nos collègues qui ont déposé un amendement de suppression de l'article 21 à y réfléchir à deux fois, car une suppression pure et simple empêcherait toute évolution en la matière. Il paraît préférable d'étudier davantage la question.
M. Jean-Michel Houllegatte. - Cet amendement du rapporteur me paraît opportun, d'autant plus qu'on ne peut pas vraiment parler de temps perdu : le 1er janvier 2023, c'est demain. Il ne faut pas non plus se faire trop d'illusion : l'utilisation des huiles alimentaires usagées reste marginale.
M. Jean-François Longeot, président. - L'amendement proposé par le rapporteur nous permettra de disposer d'une analyse sérieuse sur la base d'un rapport qui devra être publié en décembre prochain. Je suis d'accord avec Didier Mandelli qui a invité les auteurs des amendements de suppression à les retirer, sans quoi on perdra non pas six mois, mais bien plus. Ce sujet mérite d'être approfondi , afin de légiférer à partir d'éléments plus solides.
M. Gilbert Favreau. - Je suis réservé sur la proposition du rapporteur. Il ne faut pas donner l'impression d'une farce. Nombre d'arguments ont été soulevés pour refuser de considérer cette hypothèse comme sérieuse et je serais plutôt d'avis de supprimer l'article 21. Je ne vois pas dans l'argumentation du rapporteur d'éléments probants de nature à justifier une demande de rapport au Gouvernement.
M. Bruno Belin, rapporteur. - Des collectivités territoriales ont tout de même expérimenté ce procédé. Il semble opportun d'étudier la question, d'examiner sous quelles conditions cette évolution serait possible, voire s'il convient de l'expérimenter, de la développer. On lit tout et n'importe quoi sur le sujet et c'est à l'honneur du Sénat que de dire que nous ne savons pas. Le Gouvernement est à l'origine de ce projet de loi sur le pouvoir d'achat, alors qu'il fasse son travail ! Pour ma part, je n'en sais rien.
M. Gilbert Favreau. - Je rappelle que le plus gros producteur d'huile est l'Ukraine, ce n'est pas neutre...
M. Frédéric Marchand. - Quel serait le volume d'huile produit par rapport au volume actuel de carburant ? S'agirait-il d'un mélange avec le carburant actuel ? Y aurait-il une garantie du constructeur d'un véhicule qui utilise l'huile de friture usagée comme carburant ? Par ailleurs, ne court-on pas le risque d'importer des huiles de Chine ou d'Inde, qui pourraient faire concurrence à nos producteurs ?
M. Bruno Belin, rapporteur. - Toutes ces questions sont pertinentes, mais, pour y répondre, il nous faut des éléments précis, qui requièrent plus que les douze ou treize heures d'auditions que j'y ai consacré ces deux derniers jours. Si l'économie d'émissions de CO2 est plus que compensée par le surcroît de transport engendré par la mesure - récupération des huiles usagées, etc. -, celle-ci perd de son intérêt. En outre, le produit qui sort de nos friteuses présente un indice de viscosité de 77, alors que cet indice ne doit pas dépasser 7 ; il faudrait donc potentiellement mettre en place un processus de transformation chimique avant de pouvoir l'injecter dans les moteurs. Je ne suis pas technicien ; il me faut donc des données précises, objectives pour fonder une décision politique qui nous appartient.
Mme Marta de Cidrac. - J'ai également quelques sérieuses réserves sur la pertinence de légiférer sur ce sujet. Aurons-la garantie d'avoir balayé l'ensemble des questions nous permettant ensuite de décider ? Pour reprendre le terme, prenons garde que ce ne soit pas perçu comme une farce...
Sous ces conditions, je voterai cet amendement.
M. Bruno Belin, rapporteur. - Ce sera précisément le contenu de notre commande, ma chère collègue, le rapport devra répondre à toutes ces questions. Nous ne voulons pas, justement, que le Sénat participe à une farce.
De même, quelle sera la garantie des constructeurs automobiles ? Ces derniers ont également besoin d'éléments précis et dans un délai très court.
Mme Marta de Cidrac. - Faut-il vraiment un rapport du gouvernement ? N'existe-t-il pas beaucoup d'autres technologies alternatives ?
M. Didier Mandelli. - Politiquement, ce serait une erreur que de supprimer purement et simplement la possibilité d'étudier cette piste.
M. Jean-François Longeot, président. - Difficile de dire, sans rapport, si une telle technologie alternative au carburant classique est intéressante ou non.
M. Frédéric Marchand. - Le sénateur nordiste que je suis, loin d'y voir une farce, y voit une véritable question à expertiser. Or il faut un rapport pour cela. Dans le Nord, nous avons une entreprise leader en la matière, Gecco, dont le dirigeant souligne l'enjeu de la saisonnalité de l'utilisation de l'huile dans certains moteurs. Il ne faut donc pas fermer la porte, nous avons besoin d'un rapport.
Mme Évelyne Perrot. - J'adhère aux propos du rapporteur. J'avais abordé cette thématique dans mon rapport pour avis sur les crédits budgétaires relatifs crédits alloués aux transports aériens. Effectivement, il est nécessaire de nourrir notre information.
M. Jacques Fernique. - Je comprends parfaitement la nécessité de mesurer précisément les enjeux en la matière. Le sujet n'est pas ancien ; en Alsace, Adrien Zeller avait mis en place, dès 2005, une filière de récupération en circuit court. Néanmoins, cet amendement vise à réécrire complètement l'article 21 pour y substituer cette demande de rapport. Or, dans sa rédaction actuelle, cet article n'impose pas de foncer tête baissée dès demain, il renvoie à un décret et demande un bilan. En quoi cette rédaction constitue-t-elle une mesure précipitée ? Elle comporte toutes les précautions nécessaires.
M. Bruno Belin, rapporteur. - Le Parlement prend ainsi la main, plutôt que de la laisser au Gouvernement ou au Conseil d'État. Cela permet de montrer que le Sénat peut être réfléchi et exiger les études requises sur le sujet pour le cas échéant, agir. On se donne quelques semaines, en impliquant le Gouvernement. Pour ma part, je le répète, je ne suis pas capable de vous dire ce qu'il faut en penser à l'issue d'une petite douzaine d'heures de travail sur le sujet.
L'amendement n° 395 est adopté.
Audition de M. Jean Castex, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf)
M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons été informés que le Président de la République envisageait de nommer, sur proposition de la Première ministre, M. Jean Castex au poste de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), en application de la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Monsieur le Premier ministre, permettez-moi tout d'abord de vous souhaiter la bienvenue dans cette maison que vous connaissez bien. Pendant près de deux ans, de juillet 2020 à mai 2022, nous avons entretenu un dialogue exigeant mais respectueux avec votre gouvernement, dans une période évidemment marquée par la crise sanitaire, mais également par des textes législatifs de première importance ; je pense en particulier à la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « Climat et résilience »), si chère à notre commission.
Notre commission vous reçoit aujourd'hui en qualité non pas d'ancien Premier ministre mais de candidat à des fonctions essentielles au sein d'une agence qui joue un rôle stratégique pour l'avenir des infrastructures de transport dans notre pays.
L'Afitf est chargée de financer, au nom de l'État, les grands projets d'infrastructures de transport et de mobilités, mais aussi la part de l'État dans les contrats de plan État-régions (CPER), et d'assurer les investissements de régénération ou de sécurisation des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux.
Après sa nomination, le futur président du conseil d'administration de l'Afitf héritera d'une agence pleinement intégrée dont le cadre d'intervention a récemment été renouvelé depuis l'adoption de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), dont Didier Mandelli était le rapporteur, de la signature en avril 2021 du premier contrat d'objectifs et de performance (COP) de cette agence et compte tenu de son implication dans la mise en oeuvre du volet transport du plan France Relance.
Toutefois, L'Afitf aura à faire face à de nombreux défis : je pense à sa trajectoire financière, qui est source d'inquiétudes, comme le soulignait Philippe Tabarot dans son dernier avis budgétaire, et plus globalement aux choix que nous ferons, collectivement, pour réussir la décarbonation du secteur des transports, qui aura forcément d'importantes conséquences sur le financement des infrastructures, donc sur le coeur de métier de l'agence. Autant de points sur lesquels notre commission sera particulièrement vigilante...
Notre collègue Didier Mandelli, désigné rapporteur pour préparer cette audition, vous interrogera sans doute sur un certain nombre de sujets qui sont au coeur des préoccupations de l'Afitf. Pour ma part, je souhaiterais vous entendre sur les principaux objectifs que vous vous fixerez si vous prenez la tête de l'Agence. En 2018, Christophe Béchu nous indiquait que ses trois priorités étaient l'efficacité, la soutenabilité et la transparence. Quelles seront les vôtres ?
Avant de vous laisser la parole, je vous rappelle, mes chers collègues, que cette audition publique sera suivie d'un vote, qui se déroulera à bulletin secret. Je rappelle que les délégations de vote ne sont pas autorisées et que seuls les Sénateurs présents physiquement pourront y prendre part. Le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale, dont les commissaires du développement durable et de l'aménagement du territoire vous ont entendu ce matin même en audition, monsieur le Premier ministre.
Je vous cède à présent la parole pour nous présenter votre candidature, ce qui la motive et la façon dont vous envisagez de diriger cette agence face aux grands défis que je viens d'évoquer.
M. Jean Castex, candidat aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France. - Je vous remercie de m'accueillir pour cette audition. J'ai effectivement été sollicité pour me porter candidat à la présidence de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), Christophe Béchu ayant accepté des fonctions gouvernementales. Je n'y avais pas spontanément pensé, je l'avoue, mais cela m'a spontanément intéressé. Les défis auxquels cette agence fait face sont en effet en cohérence avec l'intérêt que j'ai toujours porté aux transports ou aux « mobilités », comme l'on dit désormais.
Je suis très intéressé par cette fonction mais, au-delà de mes goûts personnels, qui ne présentent que peu d'intérêt pour vous, je pense que les sujets relevant de cette agence sont essentiels pour la transition écologique, la compétitivité économique de notre pays, le développement équitable des territoires et la vie quotidienne de millions de nos concitoyens.
L'Afitf, qui a un rôle stratégique majeur, est un établissement public de l'État ; par conséquent, les choix portant sur la nature et le contenu de ses investissements, ses modes de financement et les ressources qui doivent y être consacrées relèvent du Gouvernement et de la représentation nationale. J'ai bien évidemment parfaitement conscience d'avoir changé de rôle et, si ma nomination était confirmée, je ne serais plus en état de prendre des décisions relevant de l'autorité politique. Je le précise, car j'arrive de l'Assemblée nationale, où beaucoup de questions de vos collègues s'adressaient en réalité à l'ancien Premier ministre...
La première chose que je veux dire est que cette agence, dont vous connaissez bien l'histoire, a gagné en maturité. Je rends d'ailleurs hommage à Christophe Béchu, qui la présidait jusqu'alors et qui a mis en oeuvre les axes prioritaires que vous rappeliez. Ainsi, au cours des dernières années - c'est une bonne nouvelle pour les infrastructures de transport -, le niveau des dépenses réalisées dans les transports a été bien plus élevé qu'au cours des premières années de vie de cet établissement.
La première partie de la trajectoire financière de la LOM, dont l'agence est l'un des bras armés, a été grosso modo respectée et je me plais à souligner que le plan de relance y a beaucoup contribué, entre 2020 et 2022. En septembre 2020, j'avais rendu des arbitrages et, sur les 7 milliards d'euros consacrés à la mobilité par ce plan, plus de 3 milliards ont transité ou transiteront par l'agence. Cela a permis d'assainir sa trésorerie et de résorber ses impayés. La priorité donnée par le législateur au transport décarboné - ferroviaire et autres - au travers de la LOM a été respectée par l'agence, de même que la réorientation des investissements vers les infrastructures existantes, notamment en matière ferroviaire, puisque, en 2021, 45 % des crédits de paiement de l'agence ont été consacrés à ces infrastructures et à leur régénération.
Cela étant dit, beaucoup reste à faire. Le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) avait parlé, dans son rapport du printemps dernier, d'un « mur d'investissement ».
Trois échéances de court terme se présentent à l'agence et seront l'occasion de débats et de choix politiques : à la fin de cette année, le volet mobilité des CPER 2023-2027 devra être finalisé ; à peu près au même moment, le COI remettra un nouveau rapport au Gouvernement ; et, à la mi-2023, la trajectoire financière de la LOM devra être révisée.
Les « coûts partis », c'est-à-dire résultant de décisions déjà prises, représentent déjà quelque 14 milliards d'euros mais on sait que le total sera plus important une fois pris en compte les volets mobilité des CPER, d'autant que Gouvernement a accéléré certains projets, notamment de lignes à grande vitesse (LGV), dont l'Afitf est le support financier.
Ainsi, mon premier rôle sera de préparer ces échéances majeures, ce qui supposera de s'accorder sur une tendance d'investissement et de déterminer quels investissements seront supportés par l'Afitf. Cela nécessitera des arbitrages sur le panier de ressources de l'agence, qui devra continuer de mêler, d'après moi, de la fiscalité affectée, le produit de redevances et des crédits budgétaires. Il faudra également conserver une structure permettant de s'inscrire dans le temps long, c'est-à-dire la pluriannualité budgétaire.
Le socle des priorités dégagées par Christophe Béchu restera le même ; simplement, il faudra accélérer. Nous aurons à faire des choix difficiles, eu égard à l'exigence de soutenabilité des finances publiques, mais, pour l'essentiel, nous avons affaire principalement à des dépenses d'investissement, qui peuvent même parfois avoir des retours sur investissement, y compris en termes de fonctionnement. Le rapport de la Cour des comptes sur l'agence a souligné les progrès accomplis sur la gestion et la transparence. Un contrat d'objectifs et de performance (COP) a été signé, mais, là aussi, des marges d'amélioration demeurent.
Je conclus en indiquant que la force de cette agence est de savoir gérer la pluriannualité et la transversalité. Y siègent des parlementaires et des représentants des collectivités territoriales, et, dans le domaine des mobilités, les compétences sont partagées ; il faut en faire une force. Le fait qu'il s'agisse d'un établissement public ne doit pas faire obstacle au contrôle et à la transparence vis-à-vis du Parlement, j'en prends l'engagement ; on peut s'améliorer, surtout si l'on considère que les efforts doivent être accrus et les moyens de l'agence amplifiés.
J'ai donc une vision pragmatique : il faut maintenir et accroître les efforts, stabiliser le panier de ressources et veiller au meilleur emploi des deniers publics.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Quand Christophe Béchu a été nommé au Gouvernement, nous nous sommes demandé qui lui succéderait à la présidence de l'Afitf, interlocuteur important pour le Sénat, et - je vous l'avoue - ce n'est pas votre nom qui est arrivé en tête de nos pronostics. Cela étant dit, il faut mettre à votre crédit certaines de vos réalisations en tant que Premier ministre, comme la ligne Perpignan-Rungis et votre nuit passée dans le train Paris-Nice...
M. Jean Castex. - J'ai passé beaucoup de nuits dans les trains de nuit ...
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'Afitf est en quelque sorte le bras armé de l'État en matière de financement des infrastructures de transport. La LOM a permis de lui donner de la visibilité sur la trajectoire de ses dépenses sur la période 2019-2027, même si nous avons pu constater que cette trajectoire était surtout théorique et qu'il fallait l'ajuster en permanence, compte tenu des nouvelles missions attribuées à l'Afitf au fil du temps : je pense au chantier de la liaison Lyon-Turin, au canal Seine-Nord Europe, au plan de relance ou encore au développement des mobilités douces. J'ai d'ailleurs pu voir tout cela de près en tant que membre du conseil d'administration de l'agence jusqu'en 2021, date à laquelle j'ai été remplacé par Philippe Tabarot.
Je souhaite d'abord vous interroger de manière prospective sur votre vision du rôle de l'Afitf, dont le président est désormais membre de droit du Conseil d'orientation des infrastructures, qui a été créé et officiellement et pérennisé par la LOM. Selon vous, l'Afitf a-t-elle vocation à sortir de son rôle d'« exécutante » et à être davantage intégrée dans les décisions en matière d'infrastructures de transport ? Comment voyez-vous l'articulation entre le COI et l'Afitf ?
Ensuite, je souhaiterais vous entendre sur la manière dont vous envisagez d'appliquer les décisions qui ont été prises lorsque vous étiez Premier ministre. Certains arbitrages avaient pu créer la surprise, voire susciter l'incompréhension ; je pense notamment à la priorité claire qui avait d'abord été donnée aux « transports du quotidien », avant l'annonce de la création de nouvelles LGV par le Président de la République.
Ma troisième question concerne les recettes de l'Afitf. La plupart de ces recettes proviennent de prélèvements sur le transport routier et bénéficient non seulement à la route mais également à d'autres modes de transport, comme le ferroviaire et le fluvial, qui a vu ses moyens largement multipliés ces dernières années. Plusieurs de ces recettes sont versées par le secteur autoroutier. Dans ce contexte, comment envisagez-vous la perspective de l'arrivée à échéance des contrats de concession, qui priverait mécaniquement l'Afitf d'une part de ses ressources ?
Ma dernière question porte sur la politique de gestion et d'adaptation au recul du trait de côte dans les territoires littoraux, pour laquelle l'agence participe au financement d'études locales et à la mise en oeuvre de solutions à hauteur de 5 millions d'euros de crédits de paiement inscrits en loi de finances pour 2022. Il s'agit aujourd'hui du seul levier permettant à l'État de cofinancer entre 30 % à 80 % des opérations de lutte contre l'érosion côtière. Alors que la loi « Climat et résilience » d'août 2021 a créé de nouvelles obligations applicables aux collectivités, la mise en oeuvre de stratégies locales d'adaptation impose une participation bien plus élevée au financement des mesures de protection et d'adaptation que le seul financement de la cartographie. Quel regard portez-vous sur cette problématique qui touche des milliers de collectivités locales ? Êtes-vous prêt à demander, dans le cadre des arbitrages budgétaires, une augmentation des crédits de l'Afitf affectés à cette question ?
M. Jean Castex. - En ce qui concerne l'articulation avec le COI, soyons francs, je ne le sais pas encore. Je n'ai jamais siégé au COI, je vais voir. Je vois à peu près quelle est l'architecture : une agence de financement, d'une part et un COI qui cristallise le débat sur les choix d'investissements. Je devrai trouver le bon équilibre entre ce qui relève des autorités légitimes pour faire les arbitrages - bien sûr, je souhaite que l'on accroisse les crédits consacrés à la lutte contre le recul du trait de côte, mais cela vient forcément en concurrence d'autres actions - et le rôle de l'Afitf. Il faut tout à la fois respecter les décisions prises par les autorités légitimes et trouver sa place pour peser, car j'entends jouer mon rôle à part entière, y compris au sein du COI, y compris en concourant à une réflexion sur l'efficience de cette gouvernance. Je me suis d'ailleurs déjà entretenu avec le député qui préside le COI. La question est plutôt de voir où en sont les CPER, et je sais où en était ce dossier lorsque j'ai quitté Matignon.
Je n'ai donc pas de réponse a priori ; simplement, je veux que cela fonctionne et le mieux possible. Nous avons réinvesti beaucoup d'argent dans les infrastructures, sans doute pas assez en comparaison avec l'Allemagne, mais beaucoup plus qu'au cours des trente années antérieures.
En tout cas, il faut continuer. Dans quel sens ? Je sors de l'Assemblée nationale, où l'on m'a reproché tantôt d'avoir fait trop pour les routes, tantôt, si l'on reconnaissait que je me suis intéressé au train, d'avoir versé dans le tout-TGV. Il y a aujourd'hui une priorité claire : la décarbonation des modes de transport. Mais je considère pour ma part que l'on a aussi besoin de lignes fines du territoire, de la grande vitesse et des routes, notamment dans le milieu rural. Je revendique une forte implication dans le soutien aux LGV, que nous avions décidé de régénérer avant de poursuivre leur développement. Nous avons ainsi accru cette régénération, puis, avec le plan de relance, nous avons ouvert plus de crédits. Le moment m'a alors semblé opportun d'accélérer trois grands projets : le grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), plus mûr puisque déclaré d'utilité publique, le projet de Montpellier-Perpignan et celui de la LGV Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). Je pense qu'il faut à la fois poursuivre l'effort de régénération et développer ces trois projets, car je ne sais pas comment expliquer aux habitants de Toulouse, de Montpellier ou de Nice pourquoi ils auraient moins le droit à la grande vitesse que ceux de Rennes ou de Strasbourg. C'est aussi une question d'équité entre territoires.
J'en viens aux recettes. C'est vrai, les amendes radar ont été moins productives en raison de la crise des « gilets jaunes », l'entrée en vigueur de la taxe sur les billets d'avion a été sagement différée à cause de la crise de la covid et les perspectives de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sont défavorables puisque nous décarbonons les modes de transport. Il faudra y réfléchir et cela n'est pas sans lien avec l'arrivée à échéance des contrats de concession. La première échéance aura lieu en 2031 ; il n'est pas certain, si ma candidature est confirmée par les deux assemblées, que je sois encore président de l'Afitf à cette date, mais il faut préparer cette échéance, en lien avec les questions relatives aux recettes.
J'ai découvert que l'agence s'occupait effectivement du recul du trait de côte. La question est : l'Afitf, jusqu'où ? Je n'ai pas de réponse a priori, mais il faudra encadrer les priorités de cet établissement jusqu'en 2023.
M. Philippe Tabarot. - Pour notre part, la proposition de votre candidature par le Président de la République ne nous a pas étonnés. Nous connaissons votre appétence pour les questions de mobilité et vos engagements pour les petites lignes ferroviaires, malgré la signature avec SNCF Réseau d'un contrat de performance très décevant. Je peux en témoigner personnellement, je sais quel rôle prépondérant vous avez joué dans la réouverture du train de nuit Paris-Nice et dans le dossier de la ligne nouvelle Provence-Côte d'Azur.
En tant qu'administrateur de l'Afitf, je constate que cette agence est sur le chemin du redressement et de la transparence. Pour autant, elle fait face à deux défis.
Le premier consiste à affirmer le rôle permanent du président de l'Afitf au sein du COI, afin de ne pas réitérer les erreurs du passé - difficultés de financement des chantiers Lyon-Turin et canal Seine-Nord Europe, qui avaient été « oubliés » des trajectoires budgétaires - et de devenir un acteur majeur qui ne se limite pas à un rôle de spectateur « tiroir-caisse », payant pour des choix qu'il n'a pas faits.
Second défi : l'Afitf est une agence aux dépenses certaines et aux recettes incertaines, comme le disait souvent votre prédécesseur. De fait, elle a joué de malchance avec les recettes qui lui avaient été attribuées et qui ont pâti de certaines décisions ou évènements : la privatisation des autoroutes, dont les bénéfices devaient financer l'agence, l'abandon de l'écotaxe, qui devait lui bénéficier, ou encore la crise sanitaire, qui a mis un coup d'arrêt au transport aérien alors que la taxe de solidarité sur les billets d'avion lui avait été affectée. Or la question des recettes est la mère de toutes les batailles et la soutenabilité financière de l'agence, dont je souhaite que vous preniez la présidence, nous inquiète.
Comment allez-vous franchir le fameux « mur d'investissement », ce que nous appelons de nos voeux, avec des recettes si incertaines comme les amendes radar - ou en passe de se tarir - comme la TICPE ?
M. Jean Castex. - Je suis d'accord avec vos propos. Je ne peux pas créer de recette nouvelle mais je veux promouvoir une méthode : il faut que l'on s'accorde d'abord sur un niveau de dépenses, en révisant la trajectoire de la LOM - à la hausse, si l'on veut tenir compte des besoins réels de décarbonation et de mobilité -, puis, dans un second temps, il faut arrêter un panier de recettes, sans exclure les crédits budgétaires, qui feront, comme toujours, la jointure. Il faudra, dans cette matière, être imaginatif et trouver des recettes affectées. Je partage votre inquiétude pour l'avenir, mais je veux vous rappeler un constat : ce diagnostic a souvent été posé. On disait déjà cela entre 2008 et 2010 et l'agence est toujours là. Essayons donc de trouver un panier de recettes avec des recettes affectées ; le reste sera constitué de crédits budgétaires.
J'en viens au contrat de performance signé avec SNCF Réseau. On aurait pu faire mieux, mais je veux rappeler un constat, tiré du dernier rapport de la Cour des comptes sur les petites lignes ferroviaires : entre 2015 et 2018, la moyenne annuelle des investissements s'élevait à 60 millions d'euros par an ; entre 2020 et 2022, elle s'établissait à 180 millions par an. Peut-être pourrait-on faire plus, mais puissions-nous au moins maintenir cette tendance.
M. Jacques Fernique. - Le rôle de l'Afitf est capital, mais ses moyens humains sont réduits. Confier sa présidence à une personnalité comme la vôtre sera un atout certain.
À Strasbourg, il est facile de comparer la situation avec nos voisins suisses et allemands, confrontés aux mêmes défis. Ils travaillent selon des trajectoires pluriannuelles sécurisées et avec des recettes importantes, notamment issues de la contribution du transport routier de marchandises. Comment mieux faire converger recettes et dépenses et investir durablement en faveur de la décarbonation du transport ? La comparaison avec nos voisins européens met en lumière nos retards.
Malgré une dynamique positive, le retour du TGV et le poids du projet Lyon-Turin posent problème. Le contrat d'objectifs et de performance discrètement signé ne dessine pas la trajectoire du doublement de part modale : il manque au minimum 1 milliard d'euros par an. La contribution de l'État au CPER, via l'Afitf, sera-t-elle à la hauteur des ambitions de développement des transports collectifs urbains ? À Strasbourg, la construction, avec la région Grand Est, du réseau express métropolitain, ferroviaire mais aussi cyclable, se passe bien. Il y va de la décongestion de l'agglomération, du recul de la voiture individuelle, d'une amélioration du pouvoir d'achat et de la qualité de l'air.
M. Stéphane Demilly. - Le ferroviaire est un acteur clef du verdissement de nos transports et de la lutte contre le réchauffement climatique.
L'entretien et la rénovation des infrastructures existantes sont la priorité et non les nouveaux projets : dans les Hauts-de-France, la ligne Amiens-Paris rencontre de grandes difficultés et la région est la dernière du classement en matière de régularité des trains. Les 200 000 usagers quotidiens sont massés dans des trains pleins à craquer, sans réseau, sans chauffage, sans climatisation, voire sans lumière. Les canicules récentes compliquent la situation : rails et caténaires se déforment, des incendies se déclenchent sur le bord des voies. Les infrastructures ne sont pas préparées à de telles températures.
En tant que président de l'Afitf, feriez-vous de l'entretien et de la rénovation des lignes existantes une priorité, au même titre que leur nécessaire adaptation au changement climatique ?
L'architecture des sociétés de projet - depuis 1997, j'ai beaucoup suivi le projet de canal Seine-Nord Europe - est celle des établissements publics industriels et commerciaux (ÉPIC) locaux, que l'État dote de recettes affectées, comme la taxe d'aménagement sur les bureaux. Cette architecture sera-t-elle un modèle pour tous les futurs grands projets d'après vous ?
Mme Marta de Cidrac. - En tant que membre du Conseil national du bruit (CNB), ma question porte sur les nuisances sonores et vibratoires engendrées par les transports. L'Afitf semble ne pas avoir de stratégie en la matière ni de financement spécifique alloué à ces enjeux qui sont très importants : le coût pour les Français de la mauvaise qualité de l'environnement sonore a été chiffré par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) à 147 milliards d'euros pour 2021, dont 106 milliards d'euros dus au bruit des transports, véritable fléau pour les riverains.
L'Afitf doit-elle faire, sous votre mandat, de la lutte contre les nuisances sonores un axe de travail, avec une stratégie dédiée ? Dispose-t-elle de moyens suffisants pour agir en la matière ?
M. Hervé Gillé. - La trajectoire financière de l'Afitf n'est pas claire : 2,78 milliards d'euros sont prévus en 2023, contre 3,4 milliards d'euros pour 2022, incluant le plan de relance. Je suppose que des crédits du plan de relance seront reportés en 2023. En définitive, on a peu de lisibilité sur ces montants. Dans tous les cas, le montant est inférieur à celui de 2020, qui s'établissait à 2,82 milliards d'euros.
En matière de recettes, l'incertitude est aussi importante. La contribution financière volontaire des sociétés d'autoroute fait l'objet d'un contentieux : que pouvez-vous nous en dire ?
J'en viens à la LOM, aux petites lignes et aux lignes d'équilibre : les grands projets en Occitanie impliquent des sommes importantes, qui ne seront pas investies ailleurs ; or la décarbonation doit avant tout porter sur le transport du quotidien. Quelles sont vos priorités ?
En ce qui concerne le GPSO, les seuls engagements dont nous avons connaissance sont relatifs à la ligne Bordeaux-Toulouse, et non à la ligne Bordeaux-Dax, maillon de la liaison vers l'Espagne ; or le GPSO porte bien sur les deux lignes, bien qu'il existe un tronçon de ligne commun depuis Bordeaux. La poursuite de la LGV Bordeaux-Dax reste dans l'incertitude. Le plan de financement des LGV s'appuie notamment sur des crédits européens, qui, pour le GPSO, sont dans le flou. Les crédits d'étude ont été reportés, alors que 20 % de crédits européens sont attendus, à tout le moins, pour la ligne Bordeaux-Espagne. Les recettes suscitent donc la plus grande interrogation.
Mme Martine Filleul. - Mes questions concernent les effets du changement climatique. D'année en année, les épisodes de canicule se multiplient et entraînent de nombreuses perturbations sur les réseaux de transport. Quand bien même le Gouvernement se décidait enfin à adopter des mesures ambitieuses pour lutter activement contre le réchauffement climatique, les scientifiques alertent déjà sur les conséquences irrémédiables des activités humaines sur l'environnement et le climat. Il faut en tenir compte dans les investissements pour le réseau de transport français.
Afin de limiter les perturbations pour les Français et de réduire les dépenses de maintenance, il est nécessaire de faire les bons choix de matériaux, d'anticiper les dilatations de l'acier lors de la pose des rails et d'entretenir mieux la végétation pour prévenir le risque d'incendie. Toutes les infrastructures sont concernées : ferroviaires, routières et fluviales. Quelle est votre stratégie de prise en compte du réchauffement climatique dans les infrastructures de transport ?
J'en viens au report modal et au canal Seine-Nord Europe. Le report modal s'impose à nous, mais rien ne va comme prévu. Ce canal est censé décongestionner l'A1, lutter contre les inondations dans l'Oise et développer l'attractivité des ports de Dunkerque et du Havre. Quatre plateformes multimodales, associées à des ports intérieurs, étaient prévues à l'origine du projet ; or seuls deux d'entre elles disposeront de desserte ferroviaire, en raison de contraintes financières. Quelle stratégie avez-vous prévu de mettre en oeuvre afin d'inclure l'exigence du report modal dans les investissements de l'agence ?
M. Jean Castex. - Je commencerai par évoquer les moyens humains de l'Afitf. Ils sont très restreints, et même la Cour des comptes préconise leur renforcement. Le système de mise à disposition de personnel n'est pas attractif ; à la faiblesse numérique s'ajoute un « turnover » trop rapide pour que nous soyons efficaces. Il faudrait une ossature humaine plus solide.
Les moyens de l'agence ont été renforcés en matière de transports collectifs urbains, grâce au plan de relance et au quatrième appel à projets, qui approche le milliard d'euros. Nul doute que la question sera au coeur de nos priorités.
J'en viens à la régularité des trains. L'État et les régions investissent beaucoup d'argent dans le système ferroviaire. Les autorités organisatrices des mobilités doivent veiller, auprès de la SNCF, à la qualité du service rendu, tout en soulignant que toutes les questions sont liées : un sous-investissement entraîne des défaillances, tout comme le changement climatique. Cependant, des exigences s'imposent à la SNCF pour ce qui concerne la gestion des voies.
La structuration en ÉPIC locaux permet de lever des financements. Pour le GPSO, tout n'est pas encore stabilisé, car les élus ont souhaité prendre un peu de temps ; nous avons respecté leur choix. Le modèle fait ses preuves et mérite d'être pérennisé. Je n'y vois pas d'obstacle.
Tout ce que j'ai signé comprend bien la branche jusqu'à Dax et 20 % de financements européens sont attendus. L'Europe a pris des décisions : il était normal que le GPSO ne soit pas inclus dans le récent train d'annonces, car n'étaient ciblés que de travaux déjà commencés ou sur le point de l'être. Le préfet de la région Occitanie a communiqué précisément sur la question. Vous savez aussi bien que moi que rien n'est jamais gagné en matière de financements européens. L'objectif reste non seulement Dax, mais aussi l'Espagne, même si la collectivité basque a montré des réticences, je ne l'ignore pas. Bordeaux est bien desservie, il est logique de poursuivre la ligne à grande vitesse vers Toulouse et vers la frontière espagnole.
J'en viens au contentieux autoroutier. Nous avons essayé de réunir les instances de conciliation en 2021, mais sans aboutir à un accord, ce qui est regrettable. L'agence a émis les titres de recettes, ce que les sociétés d'autoroute ont contesté. Les tribunaux rendront une première décision à la fin de l'été, mais il s'agit pour le moment de savoir qui est compétent pour juger : l'ordre judiciaire ou l'ordre administratif. Si je suis nommé président de l'agence, je souhaite contribuer à la reprise des discussions, en laissant le contentieux suivre son cours, pour préserver les intérêts de l'État, tout en espérant pouvoir le solder dans l'intérêt de l'agence. Voilà qui illustre que le financement des transports décarbonés passe par une contribution du transport routier : au-delà des montants, la valeur symbolique du contentieux est grande.
Sans doute faudra-t-il que l'agence élabore une stratégie pour la prise en compte du changement climatique. Cela doit passer d'abord par les choix technologiques, la régénération des réseaux et le COP de SNCF Réseau, qui présente un axe spécifique sur ce sujet.
Pour le canal Seine-Nord Europe, j'examinerai la question en détail, je m'y engage.
Quant aux nuisances sonores, j'ignore si une stratégie de l'agence existe en la matière ; je m'engage également à examiner ce point. Le problème est effectivement réel.
M. Rémy Pointereau. - « Le bien ne fait pas de bruit, et le bruit ne fait pas de bien », aurait dit saint François de Sales.
Le dernier rapport du COI indique que, pour 2018-2022, le total des engagements s'élève à 15 milliards d'euros par an, en additionnant les efforts de l'État, de l'Afitf, des collectivités, de la Société du Grand Paris (SGP) et de SNCF Réseau. Le rapport évalue l'effort nécessaire à 22 milliards d'euros par an pour 2023-2028 et 2028-2032. Il manque 7 milliards annuels.
J'apprécie votre position équilibrée sur l'exigence de régénération du réseau existant et d'investissement pour les lignes nouvelles. Je suis très heureux pour Nice, Toulouse ou Perpignan, mais des territoires restent oubliés, comme dans le Centre et l'Auvergne. Si 45 % des crédits sont consacrés au ferroviaire, il faudrait peut-être aller au-delà.
Quant aux recettes, des marges d'amélioration existent. Vous avez indiqué qu'il faudra sans doute nous tourner vers une taxe affectée, sans quoi une contribution supplémentaire de l'État et des collectivités sera nécessaire. Dans un contexte où l'argent sera de plus en plus rare, étant donné la volonté gouvernementale d'atteindre les critères européens de déficit public inférieur à 3 % du PIB et de dette inférieure à 60 % du PIB, le « mur d'investissement » ne deviendra-t-il pas infranchissable ?
M. François Calvet. - Monsieur le Premier ministre, je me réjouis de votre candidature.
J'ai du mal à oublier le chaînon manquant Montpellier-Perpignan. Toutefois, je vous remercie d'avoir su concrétiser des avancées concernant le tronçon Montpellier-Béziers.
Nous parlons beaucoup d'argent ; je voudrais parler des procédures, qui sont souvent extrêmement longues. Nous payons deux ou trois fois le coût fixé au départ ! Le contribuable devrait comprendre que les emprunts coûtent cher et que les atermoiements entraînent des dettes importantes. Ne pourrait-on pas alléger les procédures, à l'instar de ce qui existe pour les Jeux Olympiques ?
La route nationale 116 bénéficie d'un programme très important de 72 millions d'euros. Le transfert de gestion des routes nationales aux régions et aux départements, inclus dans la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (« 3DS »), doit être plus rapide. C'est le seul moyen pour que les choses avancent, car l'État se désintéresse de la question. Nous pourrions par exemple créer des routes d'intérêt régional. Sinon, le milieu rural et de montagne ne connaîtra jamais de véritable désenclavement.
M. Bruno Belin. - Je vous remercie pour vos propos sur les routes en milieu rural. N'oublions les routes 147 et 149 entre Poitiers et Limoges.
Ma question porte sur la sécurité des ponts et des ouvrages d'art. Notre commission s'intéresse au sujet depuis longtemps ; elle a produit un premier rapport en 2019 et un second le mois dernier. Nous ne connaissons toujours pas exactement le nombre de ponts et d'ouvrages d'art en France : entre 200 000 et 250 000. La situation nous inquiète au plus haut point car la dégradation de nos ponts se poursuit. Nous estimons que 7 % des ponts de l'État, 10 % des ponts départementaux et 20 % des ponts communaux sont en mauvais état structurel, ce qui représente un total de 30 000 à 35 000 ouvrages. Les communes rurales n'ont pas les moyens financiers, ni techniques, ni humains de s'y intéresser.
Les efforts de l'État ont augmenté, mais ne sont pas encore à la hauteur. L'appui du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) est déterminant, pour l'assistance à maîtrise d'ouvrage, mais qu'en est-il des moyens ? L'Afitf dispose de crédits spécialisés pour l'entretien des ouvrages d'art du réseau national, mais pas pour celui des ouvrages des collectivités territoriales. Quelle est la trajectoire prévisionnelle de l'Afitf pour l'entretien des ouvrages d'art relevant de sa compétence ? Comment l'Afitf pourra-t-elle soutenir les collectivités en la matière ? Nous comptons continuer à travailler sur ce sujet et comptons déposer prochain une proposition de loi car les défis sont immenses.
M. Guillaume Chevrollier. - La décarbonation de la mobilité est une question majeure. Les investissements de l'Afitf sont-ils suffisants pour respecter les engagements européens, comme ceux du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » ou du paquet « Mobilité verte », et ce dans les délais impartis ?
Ma seconde question concerne la fin des concessions autoroutières en 2031 et 2036. Un rapport sénatorial souligne un niveau de rentabilité hors norme. Qu'attendez-vous des négociations ? Les versements des concessionnaires doivent-ils être augmentés ?
M. Joël Bigot. - La fin des contrats de concessions autoroutières arrive à grands pas, mais sans véritable préparation. Il nous faut absolument l'anticiper. M. Jacquin et ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avaient déposé un projet de résolution en février dernier visant à créer un établissement public qui aurait vocation à gérer l'ensemble du réseau routier non concédé, puis les autoroutes à la fin des contrats de concession. En mutualisant les ressources, des financements seraient ainsi dégagés pour rénover le réseau routier non concédé, qui en a grand besoin.
La fin des concessions impliquant la fin des péages, des redevances devront être instaurées, comme des écotaxes poids lourds, pour alimenter les recettes de l'Afitf et donc les infrastructures ferroviaires et fluviales, en appliquant le principe du pollueur-payeur. Il faudra être imaginatif, disiez-vous : que pensez-vous de cette proposition ?
Mme Angèle Préville. - Que serait cette nouvelle ressource affectée ? Quelle serait sa logique ? Nous avons besoin de cohérence.
Le ferroviaire de tous les jours est à la peine et la voiture reste indispensable. Nous devons rénover et développer de nouvelles lignes ferroviaires, pour les déplacements quotidiens comme pour partir en vacances. Il s'agit de modifier massivement les habitudes de transport pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. Les CPER sont essentiels en la matière. Quelle est votre vision pour encourager ce changement fondamental de nos habitudes de transports ?
M. Jean-Michel Houllegatte. - Vous êtes un lecteur assidu de La Vie du Rail. Le dernier numéro du magazine met en avant le retour de l'inflation, à 5,8 % par an, qui fait que, sur 2,7 milliards, plus de 150 millions s'évaporent.
Le président-directeur général (PDG) de SNCF Réseau, Luc Lallemand, a récemment confirmé, lors d'une réunion des parties prenantes, que, d'une part, les besoins s'élèvent à 3,7 milliards par an et que, d'autre part, l'inflation conduira la SNCF à procéder à des mesures d'arbitrage, qui vont consister à réduire son périmètre d'intervention, en séparant le réseau structurant classé UIC 2 à 4, dans lequel SNCF Réseau continuera d'investir, du réseau classé UIC 5 à 6, dans lequel SNCF Réseau désinvestira.
Premièrement, que pensez-vous d'une telle décision ? Deuxièmement, que prévoyez-vous pour contrer la diminution des recettes de l'Afitf due à l'inflation ?
M. Éric Gold. - Ma question rejoint celle de M. Demilly. Depuis 2014, l'agence intervient dans la modernisation et le renouvellement des trains d'équilibre des territoires (TET). Des promesses ont été faites, y compris par votre gouvernement, pour régénérer les lignes TET. Le 19 juillet dernier, les passagers du Paris-Clermont ont mis vingt heures, au lieu de trois heures et demie, pour réaliser leur trajet.
Serez-vous l'homme de la situation ? Il s'agit de faire ce qui n'a pas été fait depuis trente ans, à savoir la mise à niveau rapide de certaines infrastructures défaillantes, qui nécessite des investissements dépassant les annonces faites jusqu'à présent.
M. Ronan Dantec. - En 2050, la France aura des températures de +4 °C par rapport à la période préindustrielle. Les investissements dans les infrastructures ignorent ce fait, ne serait-ce que pour les enrobés et les bitumes. Il y a urgence.
Je ne suis pas sûr que Bercy apprécie votre idée de recettes fléchées. Concernant la taxe Chirac sur le transport aérien, vous pouvez compter, grâce à la reprise du trafic post-covid, sur des recettes s'élevant à 200 voire 300 millions d'euros. En Allemagne ou en Grande-Bretagne, les taxes sur le transport aérien sont beaucoup plus importantes : les recettes s'élèvent à plus de 3 milliards d'euros. Si vous voulez aller dans ce sens pour imaginer une recette affectée, je vous soutiendrai. Où va s'exercer votre capacité d'influence en matière ?
Votre vision des LGV est très fléchée vers le Grand Sud. Et le Nord ? Et le Massif central ? Peut-être n'est-ce pas un mal, mais cela veut dire que d'autres investissements ne seront pas possibles. Nous sommes surtout très en retard sur les ports français et sur l'offre ferroviaire en sortie de port. Un vrai maillage de transport combiné coûte très cher ; or c'est une priorité. Vous restez silencieux sur ce point.
M. Fabien Genet. - La route Centre Europe Atlantique (RCEA) est essentielle, mais extrêmement dangereuse. Comme Premier ministre, vous vous êtes rendu sur le terrain et nous avez garanti les financements nécessaires. À la tête de l'Afitf, poursuivrez-vous votre oeuvre et serez-vous présent à l'inauguration de la mise à deux fois deux voies de la totalité du linéaire de la RCEA ?
Vous pourriez ensuite vous intéresser aux lignes ferroviaires en Saône-et-Loire, en particulier à l'axe Paray-le-Monial-Lyon.
Mme Nicole Bonnefoy. - Le trafic routier de marchandises est en augmentation constante, y compris sur les routes nationales secondaires, qui sont devenues de fait des autoroutes gratuites empruntées majoritairement par des camions. Les conséquences sont dramatiques, en matière de sécurité routière, de pollution et de coût d'entretien. Le Sénat a soulevé le problème depuis longtemps, mais nos propositions n'ont pas été retenues.
S'agissant des autoroutes, il serait intéressant de créer des tarifs particuliers pour le transport international, pour que les camions empruntent bien les autoroutes.
M. Philippe Tabarot. - Mes chers collègues, je me permets une précision. Ne soyez pas envieux, la nouvelle ligne Provence-Côte d'Azur n'est pas une ligne à grande vitesse. Elle améliore le transport du quotidien sur le réseau le plus vétuste de France.
M. Jean Castex. - Je le confirme. Nous tenons à votre disposition la convention signée avec les collectivités territoriales.
Par ailleurs, je serai volontiers présent aux inaugurations.
La RCEA est un excellent projet. J'ai accéléré des projets routiers et je l'ai fait en prélevant sur des enveloppes du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), ce que je ne regrette pas. Dans tous les cas, je ne peux accélérer la réalisation que de projets déclarés d'utilité publique. C'était le cas pour le GPSO, à la suite de la décision du Conseil d'État. Il en va de même pour la RCEA ou le contournement d'Auxerre.
Monsieur Pointereau, le « mur d'investissement » est une formule du président du COI. Les investissements requis sont immenses, mais les finances publiques sont en difficulté. Donc soyons cohérents ! Investir ou restaurer les finances publiques : il faudra à un moment ou un autre mettre de l'ordre.
Il s'agit d'investissements qui sont absolument inévitables - étant donné la nécessaire transition écologique - et qui donneront lieu à un vrai retour sur investissement. À ma nouvelle place, je plaiderai pour franchir ce « mur d'investissement ». Une dynamique a été insufflée, même si elle est encore insuffisante. Mais avançons. Bercy n'aime pas les recettes affectées, certes, mais celles-ci offrent la meilleure garantie de sanctuarisation des crédits. Reste à bien définir les priorités. Vous, élus, aurez la main, avec le Gouvernement. Nous devons tenter de franchir « ce mur d'investissement », en sécurisant les recettes et en déterminant les priorités. Il nous faut amplifier les investissements, car il y va de la réussite de la transition écologique. Le plus difficile restera de faire des choix.
J'en viens aux ponts : entre 200 000 et 250 000, voilà qui ne relève pas d'une précision d'horloger suisse. Dans le plan de relance, 40 millions d'euros ont été alloués à la réalisation de diagnostics fins. Environ 5 000 sur 11 000 maires ont déjà reçu le carnet de santé de leurs ouvrages. Le Cerema pilote ce diagnostic.
Pour les ponts relevant de l'État, l'effort budgétaire consenti est aussi très important. La trajectoire définie dans la LOM croît chaque année de près de 10 %, pour atteindre 120 millions d'euros pour 2023-2027, et 180 millions d'euros pour 2028-2032. Le sujet des ponts est identifié, des interventions sont déjà actées.
Je suis un farouche partisan de l'allègement des procédures. Les procédures françaises font que la réalisation des projets est de 20 à 30 % plus longue que dans les autres pays européens.
Concernant les routes nationales, la loi « 3DS » laisse jusqu'à la fin septembre aux régions et aux départements pour savoir qui prend les rênes. Je ne sais pas encore où en sont les négociations.
Quant à SNCF Réseau, son PDG a bien raison : avec l'inflation, le « mur d'investissement » prendra deux rangs de briques de plus. Mais il n'y a pas que l'inflation qui soit à l'origine de l'enchérissement des coûts ; je n'en dirai pas plus...
Quant au rapport sénatorial, madame Bonnefoy, je confesse ne pas l'avoir lu ; mais je vais le faire rapidement.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, de l'ensemble de ces précisions.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Jean Castex, aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf)
M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons achevé l'audition de M. Jean Castex, candidat proposé par le Président de la République pour exercer les fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition.
Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Le scrutin sera dépouillé à l'heure du déjeuner et les résultats seront communiqués à l'issue du dépouillement.
La commission procède au vote puis au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Jean Castex aux fonctions de président de l'Afitf, simultanément à celui de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale.
M. Jean-François Longeot, président. - Voici le résultat du scrutin, qui sera agrégé à celui de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale :
Nombre de votants : 31
Bulletins blancs : 3
Bulletin nul : 1
Suffrages exprimés : 27
Pour : 27
Contre : 0
La réunion est close à 13 h 30.
Jeudi 28 juillet 2022
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 8 h 30.
Projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat - Examen des amendements aux articles délégués
M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons ce matin les amendements de séance déposés sur les articles 14, 16, 20 et 21 du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, qui ont été délégués au fond à notre commission par la commission des affaires sociales.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'amendement n° 420 du Gouvernement, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement n° 450, qui permet de conserver les améliorations rédactionnelles que nous avions adoptées, en maintenant le principe de compensation au niveau législatif et en renvoyant l'instauration d'un régime de sanctions au décret.
Le sous-amendement n° 450 est adopté. La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 420, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 450. Elle émet un avis défavorable à l'amendement n° 230 rectifié.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 51.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 421.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Je vous propose d'émettre un avis défavorable à l'amendement n° 389 de Mme Préville.
Mme Angèle Préville. - Dans sa rédaction actuelle, l'article n'inclut pas la possibilité de compenser le surcroît d'émissions de gaz à effet de serre résultant du rehaussement du plafond par des changements de pratiques agricoles réalisés en vue de l'adaptation au changement climatique. Cela me semblerait pourtant pertinent.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Votre amendement va au-delà de ce que permet le principe de compensation carbone.
M. Didier Mandelli. - L'alinéa 3 de l'article 16 du texte vise bien « l'adoption de toute pratique agricole réduisant les émissions de gaz à effet de serre ». L'amendement me paraît donc satisfait.
Mme Angèle Préville. - Je propose d'inclure parmi les compensations possibles les changements de pratiques agricoles réalisés en vue de l'« adaptation au changement climatique », même s'ils n'ont pas d'impact de court terme sur les émissions de gaz à effet de serre.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 389, ainsi qu'à l'amendement n° 436.
Après l'article 16
La commission proposera à la commission des affaires sociales de déclarer les amendements nos 271 rectifié bis, 272 rectifié bis, nos 273 rectifié bis et 274 rectifié bis irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. - Les amendements nos 105 rectifié et 106 rectifié me paraissent irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
M. Didier Mandelli. - Je m'étonne de la façon dont est appliqué l'article 45 de la Constitution : les amendements nos 197 rectifié et 198 rectifié, qui n'ont aucun lien direct avec la notion de pouvoir d'achat, sont recevables ! Mes amendements nos 105 rectifié et 106 rectifié sont tout de même relatifs à la facturation au consommateur...
La commission proposera à la commission des affaires sociales de déclarer les amendements nos 105 rectifié et 106 rectifié irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution, de même que les amendements nos 199 rectifié et 126 rectifié.
M. Michel Dagbert. - Permettez-moi une observation, monsieur le président : je regrette que mon amendement n° 428 rectifié visant à alléger les contraintes pesant sur les exploitants de gaz fatals - les gaz de mines - ait été déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution. Il serait intéressant, dans une période où l'on risque de manquer de gaz, de récupérer ce gaz qui s'échappe dans l'atmosphère par des évents. Cela occasionne une perte sèche - je rappelle que l'effet de serre du méthane (CH4) est 28 fois plus important que celui du dioxyde de carbone (CO2).
Mon amendement avait pour objet de lever une contrainte née de la disparition de Charbonnages de France et de la récupération par l'État de la couverture des risques et de l'entretien des dispositifs de sécurité. Aujourd'hui, le code minier impose à un candidat à l'exploitation du gaz de mines de reprendre et d'entretenir l'ensemble des installations de prévention des risques. Cette obligation peut constituer un frein, car les galeries sont interconnectées. Sur le bassin minier du Pas-de-Calais, par exemple, cela implique de reprendre 400 ouvrages.
Je proposerai cette disposition à une autre occasion. En attendant, je vous invite, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, à venir dans le Pas-de-Calais voir comment on exploite le gaz de mines, qui est ensuite réinjecté dans le réseau de gaz naturel ; cette activité permet d'alimenter le chauffage urbain d'une ville comme Béthune, par exemple.
La commission a également donné les avis suivants sur les autres amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
La réunion est close à 8 h 45.