Mercredi 2 février 2022

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

La réunion est ouverte à 8 h 35.

Proposition de loi relative à l'aménagement du Rhône - Procédure de législation en commission - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous examinons aujourd'hui la proposition de loi du député Patrick Mignola, relative à l'aménagement du Rhône,

Cet examen intervient selon la procédure de législation en commission, prévue par les articles 47 ter à 47 quinquies du Règlement du Sénat, conformément à la décision prise en ce sens par la Conférence des présidents.

Selon cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce uniquement en commission, la séance plénière étant centrée sur les explications de vote et le vote du texte. La réunion est ouverte à l'ensemble des sénateurs. Si chacun d'entre nous peut donc s'exprimer à l'occasion de l'examen des articles et des amendements, seuls les membres de notre commission peuvent voter. Notre réunion est ouverte au public et fait l'objet d'une captation vidéo, retransmise en direct sur le site Internet du Sénat.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Cette proposition de loi vise à prolonger et à moderniser la concession du fleuve Rhône, attribuée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

Il s'agit d'un texte d'une grande importance pour l'avenir de cet opérateur, mais aussi au-delà, alors que les concessions hydroélectriques sont l'objet d'un contentieux entre la France et la Commission européenne depuis dix ans.

D'emblée, et au nom de la commission des affaires économiques, je veux indiquer que nous souscrivons pleinement aux objectifs poursuivis : ils sont essentiels pour notre souveraineté et notre transition énergétiques.

À l'occasion de mes auditions, j'ai sollicité l'ensemble des parties prenantes : la CNR, ses concurrents, l'État, Voies navigables de France (VNF), les syndicats, les associations d'élus locaux et les chambres d'agriculture. J'ai été saisi par la densité des travaux préalables conduits par la CNR, mais aussi par le large soutien entourant la prolongation de la concession du Rhône : c'est suffisamment rare pour être signalé !

J'apprécie profondément le modèle économique de la CNR. C'est un opérateur exemplaire, à tous les points de vue : pour la conciliation des activités économiques avec les enjeux environnementaux, l'implication des collectivités publiques aux côtés d'entreprises privées, et la complémentarité des missions énergétiques avec celles agricoles ou fluviales.

Je soutiens résolument l'hydroélectricité, pour laquelle notre commission a fait adopter une proposition de loi, à l'initiative du président du groupe d'études « Énergie », Daniel Gremillet, qui a été intégrée depuis lors à la loi « Climat et résilience » de 2021.

Créée en 1933, la CNR s'est vu confier la concession du Rhône l'année suivante avec trois missions : la production d'hydroélectricité, la navigation fluviale et l'irrigation agricole. Il s'agit d'une société anonyme d'intérêt général, dont le capital est détenu pour un tiers par l'État et un sixième par les collectivités territoriales. Dotée de 47 ouvrages hydroélectriques, dont 20 centrales, la CNR assure 25 % de la production hydroélectrique nationale. Elle est aussi très impliquée en matière de photovoltaïque, d'éolien et d'hydrogène.

Or, cette concession arrive à échéance en 2023. Faute d'une prolongation, elle serait placée sous le régime transitoire dit des « délais glissants », qui permet la prolongation des concessions aux conditions antérieures, en contrepartie du versement d'une redevance. Actuellement, 39 concessions hydroélectriques sur 400, soit 10 %, sont placées sous ce statut - l'essentiel d'entre elles étant détenues par le groupe EDF.

Compte tenu de l'enjeu, je suis étonné que la prolongation de la concession intervienne tardivement et législativement. Le Gouvernement aurait pu et dû prolonger la concession par voie réglementaire sitôt les travaux préalables achevés !

Je prends acte de la méthode retenue et des garanties avancées par le Gouvernement quant à la conformité du texte avec notre cadre constitutionnel et européen, notamment le régime des aides d'État ou la directive « Concessions » du 26 février 2014 ; sur ce point, le Gouvernement indique disposer d'une « lettre de confort » adressée par la Commission européenne.

Je souhaite que la proposition de loi mette la CNR à l'abri du contentieux européen ; j'attends également du Gouvernement qu'il propose enfin une solution globale, pérenne et négociée, pour en faire de même avec les concessions placées sous le régime des « délais glissants ». Cette insécurité juridique est délétère pour l'avenir de l'hydroélectricité, ses entreprises, ses investissements et ses emplois. Car, rappelons-le, l'hydroélectricité représente notre première source d'énergies renouvelables : à l'heure où le Pacte européen « Ajustement à l'objectif  55 » fixe un objectif de 40 % d'énergies renouvelables dès 2030, l'importance de cette source d'énergie n'a jamais été aussi grande !

Dans ce contexte, la proposition de loi comporte plusieurs dispositions. L'article 1er prolonge la concession jusqu'en 2041 ; l'article 2 annexe le cahier des charges à la loi ; l'article 3 confère une assise législative à son schéma directeur, qui doit fixer des actions et des objectifs à atteindre via des programmes pluriannuels quinquennaux. Ces programmes doivent être soumis à la consultation du comité de suivi de la concession, auquel seraient intégrés des parlementaires ; l'article 4 approuve le cahier des charges et le schéma directeur ; l'article 5 consacre la compétence du préfet dans l'énergie réservée, c'est-à-dire la rétrocession aux acteurs locaux d'une portion de l'énergie produite par la concession. Il lui permet aussi d'abroger les décisions prises antérieurement ; l'article 6 offre une base législative aux obligations comptables ou aux procédures domaniales applicables à la CNR.

Fait notable, le cahier des charges et le schéma directeur sont annexés à la proposition de loi.

La matière étant technique, je ne retiendrai que les évolutions les plus saillantes opérées par ces documents.

En premier lieu, un transfert de 3 000 hectares du domaine public fluvial de VNF vers la CNR est prévu. Cela représente un volume de 300 titres d'occupation et un montant de 500 000 euros de redevances. En deuxième lieu, un programme pluriannuel quinquennal comporte des investissements : 165 millions d'euros par plan et 500 millions d'euros au total. En troisième lieu, un programme de travaux supplémentaires prévoit des opérations de modernisation, d'augmentation ou de construction d'ouvrages hydrauliques. Un projet d'aménagement hydroélectrique, à Saint-Romain-de-Jalionas, est en suspens, car il est conditionné à la réalisation d'une étude de faisabilité. C'est un sujet d'attention dans la mesure où son coût est de 190 millions d'euros hors études.

Par ailleurs, la redevance acquittée par le concessionnaire intègre davantage l'évolution du prix de l'électricité et peut être alourdie en l'absence de réalisation du projet en suspens.

Enfin, les énergies réservées allouées aux professionnels agricoles confortent les usages liés à l'irrigation. Ce sont en outre 10 000 kilowatts d'énergies réservées supplémentaires qui pourraient être réaffectés vers ces professionnels.

Les amendements que je proposerai ne modifient pas substantiellement l'équilibre général de la proposition de loi. En revanche, ils la consolident selon quatre axes.

Tout d'abord, je propose de développer davantage les énergies renouvelables, en intégrant pleinement la CNR, sur le plan programmatique, dans la promotion de la transition énergétique et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec, pour ligne de mire, l'atteinte de la neutralité carbone à l'horizon de 2050. Plus concrètement, je suggère de favoriser deux projets énergétiques innovants : l'hydrogène renouvelable et bas-carbone et le photovoltaïque innovant.

Plus encore, je souhaite mieux associer les collectivités territoriales, en consacrant l'organisation du comité de suivi de la concession en commissions territoriales et en prévoyant leur consultation sur le programme de travaux supplémentaires. Je souhaite aussi rétablir l'avis des conseils départementaux et régionaux sur la modification du cahier des charges et du schéma directeur. Je veux enfin garantir l'éligibilité des groupements de collectivités, notamment communaux, aux projets de la CNR qui les concernent.

Un autre enjeu est de soutenir les professionnels agricoles, en assurant l'association du ministère de l'agriculture dans l'élaboration des statuts de la CNR et le fonctionnement du comité de suivi de la concession. Pour l'énergie réservée, je souhaite éviter tout « effet de bord » s'agissant du champ des bénéficiaires et garantir l'allocation de la compensation financière prévue aux acteurs de terrain. Il me semble aussi utile de veiller, là encore sur le plan programmatique, à développer les emplois induits par l'irrigation agricole.

Le dernier point est de renforcer la sécurité juridique de la concession. Il me paraît important de maintenir la référence aux missions d'intérêt général de la CNR, de préciser les obligations comptables et d'encadrer les autorisations d'occupation du domaine public.

À l'issue de mes auditions, mon travail de rapporteur s'est donc voulu concret, consensuel et concerté, pour enrichir le texte en faveur de la transition énergétique, du dialogue territorial et du développement agricole. Il répond directement aux demandes formulées par les associations d'élus locaux et des professionnels agricoles. Il est sans incidence négative sur la CNR ; en revanche il est nécessaire pour garantir la sécurité juridique de la concession du Rhône dont elle dispose, et ainsi la prolonger rapidement et solidement.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. - Je vous remercie de cette réunion qui nous donne l'opportunité de débattre de ce fleuve - ce n'est pas chose habituelle - et de toute la spécificité de ce projet et de la CNR. Ce sujet mêle des enjeux environnementaux, économiques, énergétiques, de transports et de mobilité. C'est un projet emblématique qui attire l'attention du Parlement.

Cette concession suit un modèle original. Le Rhône, qui s'étend des Alpes suisses à la mer Méditerranée, est le quatrième fleuve européen, riche d'une biodiversité exceptionnelle et de plus de 300 kilomètres de voies navigables. La concession porte sur trois missions : production d'hydroélectricité, navigation fluviale et irrigation des terres agricoles. La gestion fluviale est résolument tournée vers l'avenir, avec des projets d'aménagement durable, une valorisation du territoire rhodanien et une protection de nos écosystèmes. Nous sommes donc particulièrement heureux de pouvoir examiner cette proposition de loi relative à l'aménagement du Rhône et à la prolongation de cette concession.

Le Gouvernement est profondément attaché à la CNR, acteur central du maillage territorial rhodanien. Ce n'est pas seulement un concessionnaire qui aménage et exploite un fleuve, c'est aussi et avant tout un acteur de la coopération avec les collectivités et du développement du territoire rhodanien. Les projets réalisés se sont enrichis avec des missions d'intérêt général au bénéfice des territoires, notamment sur l'énergie, la navigation, le transport fluvial, l'irrigation et les autres usages agricoles, de même que sur les questions environnementales. Nous avons 27 hectares de domaines concédés le long du Rhône à des fins de valorisation économique ou environnementale qui vont nous permettre d'accompagner les projets territoriaux des collectivités en faveur de ces énergies renouvelables, de la protection de la biodiversité, du tourisme et de l'agriculture durable.

La CNR est sur tous les fronts. Depuis 2003, elle a financé plus de 500 millions d'euros de projets avec les collectivités territoriales. Dans le cadre de la prolongation de la concession, nous prévoyons d'allouer 165 millions d'euros aux projets de la CNR tous les cinq ans. Ce lien profond avec les acteurs locaux se retrouve au coeur même de la gouvernance de la CNR et de son capital, avec 183 collectivités locales actionnaires aux côtés du groupe Caisse des dépôts et consignations (CDC) et du groupe Engie, qui est l'actionnaire industriel de l'entreprise. La CNR a donc un double mérite : celui de développer, protéger et valoriser nos territoires, et celui de savoir le faire main dans la main avec les collectivités. Cette concession est un atout pour l'avenir, que ce soit pour mener la transition écologique et énergétique, comme pour protéger la biodiversité. La CNR s'est engagée dans cette transition, avec une renaturation des berges, une réhabilitation des lônes du Rhône - ses bras en retrait du lit principal - ou encore une lutte active contre les espèces exotiques envahissantes.

La CNR agit également pour protéger la nature et la biodiversité à l'international, par des actions de connaissance aux côtés, par exemple, de Tara Océan pour sa récente campagne sur la pollution plastique des fleuves, ou en étant partenaire de l'organisation en France du Congrès mondial pour la nature de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en septembre 2021 à Marseille. Cela nous a permis de réaffirmer nos ambitions et de montrer que les enjeux économiques et environnementaux sont conciliables, et même qu'ils nous permettent de démultiplier notre action.

Sur le plan climatique, la CNR mène une action essentielle au travers de la navigation fluviale, en développant ce mode de transport qui contribue à réduire le transport routier, beaucoup plus polluant, notamment avec les poids lourds. Elle permet de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. La CNR a une importante production d'électricité décarbonée. La programmation pluriannuelle de l'énergie nous fixe un objectif très ambitieux de 40 % d'électricité produite par des énergies renouvelables en 2030, contre un peu plus de 20 % seulement actuellement. Avec ses 3 gigawatts de puissance installée, la CNR est le premier producteur d'énergie exclusivement renouvelable en France, avec un mix complet d'eau, de soleil et de vent. Ce modèle est un exemple de l'association des différents piliers de la transition énergétique, nécessaires pour tenir nos objectifs.

Sur l'irrigation, nous avons souhaité prévoir un volume constant des ressources utilisées, sachant qu'il nous faut raisonnablement anticiper une baisse du débit à terme de ce fleuve.

Nous avons un calendrier très serré. La concession arrive à son terme à la fin de l'année 2023, soit dans moins de deux ans. Cela nécessite une véritable mobilisation. Depuis 2014, l'État a organisé une concertation avec les différentes parties prenantes : en 2019, d'abord sous l'égide de la commission nationale du débat public (CNDP), et par une consultation du public ensuite, menée en 2020 et 2021. Cette proposition de loi consacrera ces évolutions et ce renouvellement de la concession dans un processus démocratique, participatif, et la conviction, que je partage avec l'ensemble du Gouvernement, que nous disposons là d'un texte équilibré et satisfaisant.

À ce stade, la Commission européenne n'identifie pas d'éléments constitutifs d'une aide d'État. C'était un enjeu extrêmement fort.

En droit interne, cette proposition de loi a le mérite d'inscrire cette concession dans une disposition législative ad hoc permettant la prise en compte de sa spécificité, tout en sécurisant cette prolongation. La prolongation jusqu'en 2031 a comme avantage évident de donner une visibilité aux collectivités locales avoisinantes et à tous les actionnaires de la compagnie. La CNR rassemble plus de 1 300 salariés, il y a donc un enjeu en termes d'emplois.

Cette proposition de loi renforce les exigences et les ambitions de son cahier des charges. Je pense notamment à la possibilité introduite par l'Assemblée nationale, pour les parlementaires des circonscriptions limitrophes de la concession, de participer à son comité de suivi. Il est difficile d'empêcher des parlementaires qui le souhaitent de s'investir dans ces débats.

Les missions d'intérêt général au bénéfice des territoires feront l'objet d'un schéma directeur et de programmes pluriannuels quinquennaux, sur lesquels le comité de suivi aura à se prononcer. Il est d'autant plus important d'y faire participer le plus largement possible les acteurs et les élus du territoire. La prolongation de la concession permettra aussi de renforcer et de consolider les actions de la CNR dans l'ensemble des champs de la concession, de la navigation durable à l'agriculture. Dans ce cadre, nous avons inscrit au programme de travaux supplémentaires les études préalables à la réalisation d'un nouvel ouvrage de 40 mégawatts dans le secteur de Saint-Romain-de-Jalionas. Ce projet est seulement à l'état d'étude : il n'y a encore aucune certitude sur sa nécessité. Si nous devions en convenir, il renforcera la décarbonation de notre mix énergétique. Dans le cas où cet ouvrage ne serait pas jugé nécessaire, les budgets seront fléchés vers d'autres missions d'intérêt général. Les études et la concertation publique nous permettront de déterminer la nécessité, ou non, de sa réalisation, pour des enjeux énergétiques ou environnementaux. L'équilibre économique sera maintenu à travers la redevance ou par la réallocation des montants des programmes pluriannuels quinquennaux dédiés.

Nous veillerons au renfort du programme d'action pour la protection et la restauration des écosystèmes, avec l'appui de l'Agence de l'eau, que ce soit au travers d'obligations de travaux imposées aux concessionnaires comme par des missions d'intérêt général. Des travaux supplémentaires ont été prévus avec l'équipement de six barrages existants pour combiner la compensation de l'augmentation des débits réservés avec la continuité piscicole. De même, l'axe du schéma directeur consacré à l'environnement et à la biodiversité a été renforcé en mentionnant explicitement cette dernière. Je me réjouis de cet échange sur la concession et sur un projet de territoire auquel nous sommes tous résolument attachés.

Mme Sophie Primas, présidente. - Le Sénat est particulièrement attaché à la CNR. Je rends hommage au management des présidentes, formidables, qui ont été ou sont à la tête de la CNR.

M. Bernard Buis. - Cette proposition de loi atterrit en douceur après plus de neuf ans de concertation avec les parties prenantes. Élu de la Drôme, je sais combien la CNR doit conforter son rôle énergétique, économique, touristique, agricole, mais aussi environnemental. La vallée du Rhône constitue un écosystème remarquable, dans lequel la préservation et la reconquête de la biodiversité doivent être mises sur le même plan que la performance énergétique du fleuve. Il y a 3 000 mégawatts de capacités hydroélectriques installées sur le fleuve, soit 12 % de la puissance hydroélectrique française. Les enjeux et l'ambition que porte la CNR pour notre territoire doivent être entendus ; c'est l'objet de la prolongation de la concession qui nous est proposée.

Vous noterez qu'il s'agit bien d'une proposition de loi et non d'un projet de loi ; plus qu'un symbole, cela démontre une volonté de porter ce projet au plus près des besoins des territoires et de nos élus locaux. C'est un symbole historique, car la CNR est née de la loi de 1921 sur l'aménagement du Rhône voulue par les élus locaux.

Nous apprécions aussi que la Commission européenne ait donné son feu vert pour une telle prolongation. Le droit européen de la commande publique aurait normalement imposé une remise en concurrence de la concession à l'échéance des soixante-quinze ans. L'histoire particulière de cette concession justifie une prolongation sans remise en concurrence.

Pour parvenir à ses fins, la direction de la CNR a mis en avant une ambitieuse feuille de route annonçant qu'au cours des dix-huit ans à venir, elle effectuera 500 millions d'euros d'investissement sur le Rhône, afin d'accroître la navigation fluviale, notamment pour le transport des marchandises - son point faible. Parmi les projets en cours, il sera également question du projet de barrage de Saint-Romain-de-Jalionas en Isère, qui cristallise les tensions. C'est d'ailleurs l'objet d'un des amendements du rapporteur, qui souhaite que le comité de suivi de l'exécution de la concession prenne position sur ce projet.

L'amendement COM-6 du rapporteur vise à supprimer la présence envisagée des parlementaires au sein de ce comité de suivi. Dans l'exposé des motifs, il justifie cela par le nombre potentiel de personnes concernées, sur onze départements ; les parlementaires pourraient alors être plus nombreux que les autres représentants. Pourquoi ne pas proposer un compromis permettant à deux parlementaires de chaque assemblée de siéger ?

Le rapporteur a déposé quarante-deux amendements - c'est beaucoup. Nous veillerons à respecter l'esprit de cette proposition de loi, qui est très attendue sur le terrain.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je ne ferai pas de commentaire sur le fait d'avoir un projet ou une proposition de loi, malgré mon envie...

M. Daniel Gremillet, président du groupe d'études « Énergie ». - Je remercie notre rapporteur du travail sur ce dossier historique, et qui est une belle histoire territoriale. C'est aussi une projection sur l'avenir, afin d'atteindre des objectifs centrés sur la « neutralité carbone » à l'horizon 2050, que nous avons adoptés dans la loi « Énergie-Climat » de 2019.

Nous sommes devant deux défis : la souveraineté énergétique et la souveraineté alimentaire. Ces deux défis sont liés, avec pour ligne de mire l'atteinte de cette « neutralité carbone ». Comme nous l'avions déjà imaginé, il a une place importante et ambitieuse ancrée dans les territoires. Ce projet vise à faire confiance à la libre initiative des entreprises et des collectivités territoriales aux côtés de l'État stratège. L'État doit jouer un rôle majeur sur cette indépendance énergétique, notamment en matière d'hydroélectricité.

Nous avons eu un exemple fabuleux de la manière dont la CNR travaille sur le terrain, lors de notre visite en 2019 à Pierre-Bénite. Nous avons pu constater le dialogue territorial sur un projet ambitieux. Je rends aussi hommage à l'ancienne présidente, qui a fait un excellent travail, et à la nouvelle présidente que nous avons reçue récemment. Je lui souhaite de « prendre sa chance », comme disent les Canadiens.

Nous venons d'obtenir les derniers chiffres d'Eurostat sur l'énergie : avec 19 % d'énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale, la France est le seul pays européen très en deçà de ses objectifs. La loi « Énergie-Climat » nous a fixé un objectif de 33 % dès 2030. Le paquet européen « Ajustement à l'objectif 55 » prévoit, quant à lui, un objectif de 40 %. En réalité, la colonne vertébrale de l'énergie pour atteindre cette « neutralité carbone » est l'hydroélectricité et le bois-énergie, largement plébiscités sur nos territoires, plus que le solaire ou l'éolien. Notre commission a redit son attachement à l'hydroélectricité en 2019 à l'occasion de l'examen de la loi « Énergie-Climat » - à l'époque, nous étions bien seuls... Nous l'avons démontré en faisant adopter, au printemps dernier, une proposition de loi transpartisane sur le sujet, intégrée depuis lors dans la loi « Climat-Résilience » de 2021 - ce qui n'a pas été facile... Je constate avec satisfaction que le Gouvernement envisage une publication des textes d'application du portail national de l'hydroélectricité et du médiateur national de l'hydroélectricité pour avril prochain. J'espère que les délais seront tenus et que l'intention du législateur sera respectée : nous serons très attentifs à éviter tout décalage entre ce que nous avons voté et l'application qui en résultera !

Sur le contexte européen, au-delà de cette loi, il faut offrir une réponse aux concessions hydroélectriques placées sous le régime des « délais glissants » ; il y a même urgence. Nous avons la capacité d'accroître notre volume de production d'hydroélectricité ; ne nous en privons pas, afin d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

Mme Cécile Cukierman. - Je salue le travail du rapporteur. L'avantage d'une concession, c'est que l'on connaît son terme : normalement, on ne décide pas dans l'urgence de rédiger une proposition de loi pour la renouveler.

Je salue ce très bel outil au service de la production électrique, de la navigation, de l'irrigation, et, plus largement, de l'aménagement des territoires pour toutes les collectivités territoriales.

Nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas décidé de déposer un projet de loi, mais que cela ait dû être une proposition de loi cosignée par des députés de tous bords issus des départements limitrophes de la concession.

Il y a plusieurs enjeux : maintenir une irrigation agricole, maintenir le développement de l'hydroélectricité. Le développement de l'hydrogène nécessitera aussi des besoins en eau supplémentaires. Le maintien du parc nucléaire, voire son développement dans un certain nombre de projets envisagés sur le territoire, nécessitera une sécurisation en eau.

La navigation fluviale existe, mais elle est très faible : nous pouvons l'observer en longeant un Rhône vide lorsque nous dépassons des files de camions sur l'A7. Il reste beaucoup à faire.

Lors de notre déplacement, auquel notre collègue Daniel Gremillet a fait référence, l'une des problématiques observées était celle du port de Fos, avec des enjeux d'aménagement du territoire, climatique, de mobilité et de transport qui restent à développer de façon exponentielle sur le fleuve.

Nous suivrons les recommandations du rapporteur et voterons ce texte attendu par tous les élus locaux.

Mme Florence Blatrix Contat. - Je salue le travail du rapporteur et partage les propos de Mme Cukierman sur la forme : il est regrettable que ce soit une proposition de loi, en fin de mandat, qui tienne finalement une promesse. Mais je suis satisfaite que le sujet soit traité. Les inquiétudes européennes ont été levées. La prolongation de la concession est une bonne nouvelle. Elle confortera la CNR dans ses missions d'aménagement agricole, fluvial, territorial. Élue de l'Ain, je connais le lien entre la CNR et les communes.

Je partage l'inquiétude du rapporteur sur les autres concessions. Nous souhaitons maintenir les concessions hydroélectriques sous contrôle public.

Je suis rassurée par la réponse de la ministre sur Saint-Romain-de-Jalionas : si le projet ne se fait pas, les sommes seront fléchées vers d'autres travaux.

Sur les amendements du rapporteur, je partage l'idée que la CNR doit participer à l'objectif de transition énergétique en développant les énergies renouvelables et en renforçant la participation des collectivités territoriales. Par contre, j'émets quelques doutes sur la suppression des parlementaires du comité de suivi. Leur nombre envisagé est important - il est vrai. On pourrait trouver des solutions pour que certains soient présents et qu'ils soient informés des travaux du comité. C'est un point de vigilance.

M. Daniel Salmon. - Je remercie le rapporteur de son travail sur ce texte très attendu, et que nous soutenons, pour une prolongation jusqu'en 2041 de la concession. Il était indispensable de prolonger cette concession le plus rapidement possible pour donner de la visibilité aux entreprises et pour pouvoir relever les défis climatiques. Le débit du fleuve se réduira de 10 à 40 %. Le Rhône est le fleuve le plus nucléarisé de France, et très certainement du monde.... La prolongation est d'autant plus indispensable qu'elle permettra à la CNR de poursuivre la réalisation de missions d'intérêt général qui participent au développement de la vallée du Rhône et au maintien des emplois, voire à des recrutements.

Ce texte nous permet de réaffirmer notre opposition à l'injonction de la Commission européenne d'ouvrir à la concurrence nos barrages hydroélectriques. Si nous voulons aller plus loin avec la mise en place d'un service public des énergies renouvelables, nous ne pouvons que soutenir ce texte qui fait écho à notre proposition de loi visant à maintenir ces barrages dans le domaine public. Nous soutenons ce texte qui permettra à un opérateur historique de garder la main sur l'hydroélectricité.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Sur la quarantaine d'amendements que j'ai déposés, la moitié est de nature rédactionnelle. Et le nombre d'amendements est aussi dû au grand nombre d'articles de cette proposition de loi... Plus de 70 au total compte tenu du cahier des charges et du schéma directeur annexés !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Nous avons essayé de trouver un modèle afin d'éviter les mises en concurrence pour le renouvellement des concessions d'EDF, en passant par une quasi-régie qui serait détenue à 100 % par l'État. Ce projet est encore en discussion. Nous avons essayé, avec la Commission européenne, de porter une vision globale qui inclut le nucléaire. Cette discussion n'a pour l'instant pas abouti, mais nous poursuivons les démarches en ce sens.

Les décrets sur le médiateur de l'hydroélectricité et celui sur le portail internet de l'hydroélectricité, prévus en application de la loi « Climat-Résilience », sont en cours de consultation, au niveau du Conseil supérieur de l'énergie (CSE), et devraient être publiés d'ici à avril 2022. Nous sommes donc bien dans les délais prévus.

J'entends les réflexions connexes sur la part de l'hydroélectricité dans le mix énergétique. Nous avons à redessiner la part du nucléaire dans ce mix. Les débats seront riches et nombreux.

Au niveau parlementaire, dans les mois et années à venir, nous devrons aboutir à une nouvelle stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et à une nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) d'ici à 2023 ou 2024.

Nous sommes très attachés au report modal le plus large possible, notamment pour les mobilités lourdes, sur le transport fluvial - c'est l'ancienne rapporteure de la loi d'orientation des mobilités (LOM), de 2019, qui vous le dit. Nous voulons diriger une part des certificats d'économie d'énergie (C2E) vers ces projets pour favoriser ce report modal.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Je félicite le rapporteur pour son travail. Sur la présence des parlementaires au comité de suivi, je ferai un parallèle avec les chartes forestières des territoires. En Côte-d'Or, nous avons mis en place des chartes fluviales avec VNF. C'est un bon outil de gouvernance territoriale, mieux adapté à des stratégies territorialisées, dans lequel les parlementaires pourraient prendre toute leur place.

EXAMEN DES ARTICLES SELON LA PROCÉDURE DE LÉGISLATION EN COMMISSION

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous entamons l'examen des articles. Conformément au vade-mecum sur l'application des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient à présent d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi.

Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives aux missions, projets, plans, obligations ainsi qu'aux modalités d'organisation, d'association ou de fonctionnement applicables à la concession du Rhône ou à la Compagnie nationale du Rhône, fixées dans la loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d'aménagement du Rhône, la loi du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône, le cahier des charges ou le schéma directeur de la concession, et les dispositions législatives auxquels ces lois, cahier des charges ou schéma directeur renvoient ; à l'application et à l'adaptation du comité de suivi de l'exécution de la concession au cas de la concession du Rhône attribuée à la CNR ; à l'application et à l'adaptation de l'énergie réservée au cas de la concession du Rhône attribuée à la CNR.

Article 1er

L'amendement rédactionnel COM-1, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Avant l'article 2

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - La loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d'aménagement du Rhône a fixé à la concession du Rhône trois missions historiques : la production d'hydroélectricité, l'irrigation agricole et la navigation fluviale. Un siècle plus tard, le contexte a évolué, les enjeux de transition énergétique étant devenus centraux. C'est pourquoi je vous propose d'adopter mon amendement COM-2 : il vise à faire de la transition énergétique et de l'atteinte de la neutralité carbone à l'horizon de 2050 l'aiguillon de la mise en oeuvre des missions précitées. Il est sans incidence sur le contenu des missions en tant que telles, dans la mesure où les articles visés n'ont qu'une valeur programmatique, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Par ailleurs, il correspond à une réalité déjà bien établie : la CNR produit 25 % de notre production hydroélectrique nationale et dispose d'importants parcs photovoltaïques et éoliens.

À l'inverse, je ne juge pas souhaitable d'adopter le sous-amendement COM-43, qui tend à faire référence à la préservation de la biodiversité, pour plusieurs raisons. Sa rédaction est problématique, car il viserait les objectifs en matière de biodiversité définis par code de l'énergie alors que ce code n'en comprend naturellement aucun. De plus, il est éloigné de l'objet de la concession. La CNR est un énergéticien et il est donc logique d'évoquer les objectifs de la politique énergétique nationale, car ses objectifs sont dans la continuité directe de ses missions ; ce n'est pas le cas de la préservation de la biodiversité. Enfin, il est contraignant, car il ne mentionnerait que la préservation de la biodiversité, prohibant toute modification, alors que la logique actuelle est plus fine, puisqu'elle vise dans ce domaine à « éviter, réduire ou compenser ».

M. Daniel Salmon. - S'agissant du sous-amendement COM-43, il importe de prendre en compte la préservation de la biodiversité, sans l'opposer à l'hydroélectricité.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Je suis favorable à l'amendement, comme au sous-amendement : préserver la biodiversité participe à la lutte contre le réchauffement climatique, et inversement. Nous devons concilier ces deux enjeux.

M. Daniel Gremillet. - Je soutiens la position de notre rapporteur. Ceux qui, sur le terrain, luttent pour la préservation de la biodiversité n'ont pas attendu ce texte.

Le sous-amendement COM-43 n'est pas adopté. L'amendement COM-2 est adopté et devient article additionnel.

Article 2

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Tel qu'il est rédigé, l'article 2 conduirait à supprimer la référence aux ministres actuels de l'agriculture, de l'environnement et des finances, dans la proposition du décret en Conseil d'État approuvant ou modifiant les statuts de la CNR. C'est dommage, car cette mention garantit un pilotage interministériel cohérent avec l'activité plurielle de la concession. Par ailleurs, le ministère de l'agriculture a jugé nécessaire d'être bien associé au suivi de l'exécution de la concession. Mon amendement COM-3 vise donc à maintenir la mention des ministres précités, dont celui de l'agriculture.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis favorable, même s'il conviendrait aussi de remplacer l'expression « des travaux publics », qui n'est plus utilisée, par celle de : « chargé de l'énergie. »

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Nous pourrons affiner la rédaction en commission mixte paritaire (CMP).

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Le programme de travaux supplémentaires ne bénéficie d'aucune assise législative. C'est incohérent, car les autres documents programmatiques - le cahier des charges, le schéma directeur et les programmes pluriannuels quinquennaux - sont déjà mentionnés aux articles 2 à 4 de la proposition de loi. Par ailleurs, le programme de travaux supplémentaires mérite un dialogue territorial, car les enjeux sont importants. C'est pourquoi je vous propose d'adopter mon amendement COM-5, qui vise à conférer une assise législative au programme de travaux supplémentaires et, partant, à conforter la consultation sur ce programme du comité de suivi de l'exécution de la concession. Cet amendement est d'autant plus justifié que sa rédaction est souple et n'oblige pas le concessionnaire à revoir le schéma directeur. De plus, le Gouvernement a indiqué vouloir réaliser, sur un simple fondement réglementaire général, offrant donc peu de garanties, une consultation sur ce programme de travaux supplémentaires. Au demeurant, cette consultation est attendue par le garant de la consultation et les collectivités territoriales interrogées.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis défavorable : le programme de travaux supplémentaires mentionne les obligations à la charge du concessionnaire et n'a donc pas vocation à être inclus dans le schéma directeur, qui définit le cadre des missions d'intérêt général. Le cahier des charges et les programmes pluriannuels quinquennaux ont, par ailleurs, déjà une dimension législative dans cette proposition de loi.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Il me semble que cet amendement apporte davantage de souplesse.

L'amendement COM-5 est adopté.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-6 vise à modifier les modalités d'organisation et de composition proposées pour le comité de suivi de l'exécution de la concession applicable à la concession du Rhône attribuée à la CNR.

Premièrement, il clarifie le lien entre le comité de suivi spécifique à la CNR et celui prévu par le droit commun, à l'article L. 522-2 du code de l'énergie. Deuxièmement, il consacre les commissions territoriales de ce comité de suivi. Troisièmement, il offre deux garanties. La première est que les collègues prévus pour le comité de suivi seront bien mis en oeuvre dans chaque commission territoriale, durant toute la durée d'exécution de la concession. La seconde garantie est que la direction régionale chargée de l'agriculture sera bien représentée aux côtés de celle de l'environnement, car elle ne l'est pas actuellement, ce qui est regrettable, compte tenu de la mission d'irrigation agricole exercée par la CNR. Ce point a été soulevé par le ministère de l'agriculture à l'occasion de mes travaux préalables.

Enfin, mon amendement supprime la présence envisagée des parlementaires au sein du comité de suivi par un arrêté interpréfectoral : en effet, l'article dérogerait sur ce point à la récente loi du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination, qui a limité le nombre de parlementaires dans les organismes extérieurs au Parlement et qui a confié la compétence de désignation pour ceux restants aux seuls présidents des assemblées parlementaires ou aux commissions parlementaires permanentes.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Le comité de suivi est une instance de consultation, qui n'a vocation qu'à émettre des avis. Il semblerait curieux que l'on ne permette pas aux parlementaires du territoire concerné de participer. Cela ne pose aucune difficulté en termes de gouvernance.

M. Patrick Chaize. - Une fois n'est pas coutume, je soutiens la position de la secrétaire d'État. Il est important que les parlementaires puissent participer à ces commissions qui se prononcent sur des projets structurants pour les territoires.

Mme Sophie Primas, présidente. - Cet amendement comprend d'autres dispositions. Sans doute pourrions-nous faire confiance à notre rapporteur pour trouver une autre rédaction en CMP.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Le Gouvernement est en effet favorable à la première partie de l'amendement, qui apporte une précision utile, mais défavorable à la seconde partie.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - La rédaction actuelle est contraire à la loi du 3 août 2018. Elle ne prévoit pas seulement que les parlementaires peuvent participer, à l'occasion, à ces comités, mais bien qu'ils y siègent en tant que membres.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Aucun quorum n'est prévu. S'il devait arriver que les parlementaires ne puissent être présents, le fonctionnement de ces comités ne serait pas perturbé. Si l'on s'inquiète du nombre de parlementaires dans ces instances, peut-être est-ce plutôt le nombre global de parlementaires qu'il faudrait revoir, plutôt que le fonctionnement de ces comités de suivi...

Mme Sophie Primas, présidente. - N'injurons pas l'avenir, vous redeviendrez peut-être parlementaire un jour !

Mme Florence Blatrix Contat. - Je ne souscris pas à ce trait d'humour de la secrétaire d'État, mais si le Sénat, qui représente les collectivités, supprimait la présence des parlementaires dans ces comités, ce serait mal compris ! Il importe que les parlementaires puissent y siéger.

M. Daniel Gremillet. - L'objet principal de l'amendement ne concerne pas la présence des parlementaires. Si chacun loue l'action de la CNR, c'est parce qu'elle a toujours agi en parfaite harmonie avec les élus et les parlementaires. Je fais confiance à notre rapporteur pour trouver un compromis en CMP.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Néanmoins, si vous adoptez cet amendement en l'état, vous supprimez la présence des parlementaires dans les comités de suivi...

Mme Sophie Primas, présidente. - Je ne doute pas qu'en période électorale le Gouvernement saura s'emparer de la question et la faire mousser... Mais ce sujet pourrait aisément être réglé en CMP et d'autres aspects dans cet amendement me semblent plus importants.

M. Patrick Chaize. - Nous faisons confiance à notre rapporteur pour modifier la rédaction en CMP et nous voterons l'amendement.

Mme Florence Blatrix Contat. - Peut-être pourrions-nous sous-amender le texte dès maintenant ? Sinon, nous nous abstiendrons.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Nous examinons cette loi avec bienveillance. Mes amendements visent à fiabiliser le texte sur le plan juridique. Je m'engage à modifier la rédaction avec pragmatisme en CMP. Cet amendement ne fait que rappeler la loi. Cela étant, je ne m'oppose pas à un sous-amendement.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je vous propose de suspendre nos travaux quelques instants pour rédiger le sous-amendement.

La réunion, suspendue à 9 h 45, reprend à 9 h 50.

Mme Florence Blatrix Contat. - Le sous-amendement COM-44, que je cosigne avec Patrick Chaize, prévoit que les parlementaires du territoire concerné peuvent faire partie du comité de suivi ou de ses commissions territoriales.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Avis favorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis favorable.

Le sous-amendement COM-44 est adopté. L'amendement COM-6, ainsi modifié, est adopté.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - De façon curieuse, et sans doute involontaire, l'article 6 abroge la référence aux missions d'intérêt général de la Compagnie nationale du Rhône. C'est regrettable pour l'intérêt général et la sécurité juridique attachés à la concession. Mon amendement COM-4 rectifié tend à maintenir cette référence dans le schéma directeur de la concession.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis favorable.

L'amendement COM-4 rectifié est adopté.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-7 vise à permettre explicitement la modification du schéma directeur par voie réglementaire, à l'instar de ce qui est prévu pour le cahier des charges. Il s'agit d'une précision utile pour éviter que le législateur n'ait à intervenir sur les futures révisions de ce document. De plus, l'amendement permet le maintien de deux garanties : le recours à un décret en Conseil d'État, et l'avis préalable des conseils départementaux et des conseils régionaux dans un délai de quatre mois. Vu l'ampleur des enjeux, ce décret et cette consultation sont justifiés pour garantir la sécurité juridique et associer les collectivités territoriales. Au surplus, cette consultation a été demandée par les collectivités territoriales interrogées.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis favorable, même si nous préférerions un décret simple, plutôt qu'un décret en Conseil d'État, pour donner plus de souplesse au dispositif.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4 (et rapport annexé)

L'amendement rédactionnel COM-8, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-11 vise à supprimer une référence à l'arbitrage, procédure prohibée pour les personnes publiques. À la place, il lui est préféré l'indication selon laquelle la décision finale est prise par l'autorité concédante, à l'issue de la procédure contradictoire prévue entre VNF et la CNR pour déterminer avec précision le domaine public fluvial transféré. Cette rédaction est moins ambiguë et donc plus sécurisée.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis favorable.

L'amendement COM-11 est adopté.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-12 tend à introduire une référence au développement des emplois liés à l'irrigation agricole dans les missions assignées à la CNR pour valoriser le domaine public concédé. Il s'agit de répondre à une demande forte formulée par les chambres d'agriculture à l'occasion de la consultation avec garant mais aussi de mes travaux préalables. Cette référence ayant une valeur indicative, compte tenu de sa rédaction souple, elle constitue un signal bienvenu en direction du monde agricole sans contraindre pour autant la CNR.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis favorable, même si la rédaction aurait pu viser l'ensemble des emplois, plutôt que ceux agricoles.

L'amendement COM-12 est adopté.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-13 tend à introduire une référence à la promotion de la transition énergétique et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), dans certaines missions conduites par la CNR pour valoriser le domaine public concédé. Mon amendement viserait seulement les missions de production d'énergies renouvelables, laissant inchangées celles qui sont liées à la navigation fluviale ou à l'irrigation agricole. La rédaction proposée étant souple, ici encore, cette référence a une valeur indicative : elle constitue un signal bienvenu en vue de la réalisation de la transition énergétique, sans contraindre pour autant la CNR.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Cet amendement n'a guère de portée juridique immédiate, mais donne du sens à l'action de la CNR. Avis favorable.

L'amendement COM-13 est adopté.

Les amendements rédactionnels COM-14 et COM-15, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-19 vise à ne faire référence qu'à des « programmes pluriannuels quinquennaux », de manière uniforme, dans le cahier des charges.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - C'est une précision utile. Avis favorable.

L'amendement COM-19 est adopté.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-20 prévoit que les collectivités territoriales ou leurs groupements seront bien associés aux consultations préalables à l'élaboration des programmes pluriannuels quinquennaux. En effet, la référence actuelle aux « parties intéressées », définies dans une note de méthode adressée par la CNR à l'État, semble, sur ce point, quelque peu imprécise et fluctuante, pour garantir l'association des élus locaux dans les meilleures conditions. Cette précision est d'autant plus utile que l'article 3 prévoit que les « parties intéressées » sont associées « dans les conditions prévues par le présent cahier des charges ». Elle est très attendue par les collectivités territoriales interrogées. Je vous propose d'adopter mon amendement.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Il me semble que cela va de soi, mais cette précision ne soulève pas de difficulté. Avis favorable.

L'amendement COM-20 est adopté.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-21 a pour objet de mieux associer le comité de suivi de l'exécution de la concession du Rhône attribuée à la CNR, en indiquant explicitement que le programme de travaux supplémentaires et son état d'avancement lui sont présentés. Il prévoit également que ce comité émette un avis sur l'étude de faisabilité du projet hydroélectrique en suspens, ainsi que sur les modalités de réaffectation des sommes correspondantes.

La précision proposée est d'autant plus utile que l'article 3 prévoit, je le rappelle, que le comité de suivi de l'exécution de la concession est consulté sur le programme de travaux supplémentaires « dans les conditions prévues par le présent cahier des charges ». Elle ne ferait pas doublon avec la saisine volontaire de la Commission nationale du débat public (CNDP), déjà prévue, puisque des procédures de consultation du public et du comité, qui ne sont pas de même nature, ont été conduites en parallèle à l'occasion des travaux préalables à la prolongation de la concession. Elle ne contraindrait pas excessivement la CNR dans la mesure où le Gouvernement a indiqué souhaiter réaliser, sur un simple fondement réglementaire général, offrant là encore peu de garanties, une consultation sur ce programme de travaux supplémentaires. Enfin, cette précision est très attendue par les collectivités territoriales. Le garant de la consultation et les syndicats de la CNR l'ont aussi évoquée.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - J'entends vos interrogations et inquiétudes sur la réalisation de l'équipement de Saint-Romain-de-Jalionas. Aussi j'émets un avis favorable.

L'amendement COM-21 est adopté.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-22 vise à ne faire référence qu'au « programme de travaux supplémentaires », de manière uniforme, dans l'ensemble du présent cahier des charges.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis favorable.

L'amendement COM-22 est adopté.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-23 vise à ne faire référence qu'au portail d'information fluviale « infoRhône », et non à celui Rhône-Saône, qui n'est pas encore opérationnel. Cette difficulté a été relevée par VNF à l'occasion de mes travaux préalables.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis favorable.

L'amendement COM-23 est adopté.

Les amendements rédactionnels COM-24 et COM-25, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-16 vise à préciser l'autorité administrative compétente, en l'espèce le préfet de département, dans plusieurs procédures liant l'État, autorité concédante, à la CNR, son concessionnaire.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - C'est une précision utile. Avis favorable.

L'amendement COM-16 est adopté.

Les amendements rédactionnels  COM-18, COM-26, COM-27, COM-28, COM-29, COM-30, COM-31, COM-17, COM-32, COM-33, COM-34, COM-35, COM-36 et COM-37, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-39 vise à intégrer le photovoltaïque innovant parmi les procédés énergétiques favorisés par la CNR. Or, seul l'agrivoltaïsme est mentionné dans le schéma directeur, qui plus est dans le volet « irrigation agricole », et non dans le volet « énergie ». Dans le cadre du bilan de la consultation avec garant, des rédactions plus complètes avaient été examinées sur ce point. Le paquet européen « Ajustement à l'objectif 55 » accorde une place importante photovoltaïque et à la recherche et développement en son sein. Par ailleurs, depuis les lois « Énergie-climat », de 2019, et « Climat-résilience », de 2021, la législation intègre pleinement les problématiques de prévention de la lutte contre l'artificialisation des sols et des conflits d'usage évoquées par l'amendement. Tous ces arguments concourent à conférer au photovoltaïque innovant un rôle mieux identifié dans le schéma directeur. C'est l'objet de mon amendement.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis favorable.

L'amendement COM-39 est adopté.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-38 a pour objectif d'intégrer l'hydrogène vert parmi les vecteurs énergétiques favorisés par la Compagnie nationale du Rhône. En effet, ce procédé fait déjà l'objet de projets prometteurs. Or, l'hydrogène n'est mentionné que dans le volet « navigation fluviale » du schéma directeur, et non dans le volet « énergie », ce qui est réducteur. Depuis le lancement de la consultation avec garant, l'hydrogène a acquis une place centrale dans les stratégies française et européenne : il doit d'ailleurs être intégré à la « taxonomie verte européenne » et être promu par le paquet européen « Ajustement à l'objectif 55 ». L'ensemble de ces éléments plaident pour lui offrir une place de choix dans le schéma directeur. C'est l'objet de mon amendement.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Dans la mesure où il est précisé que cet ajout a un lien avec la concession, avis favorable.

L'amendement COM-38 est adopté.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-40 prévoit explicitement l'éligibilité des groupements de collectivités territoriales, notamment communales, aux actions conduites par la Compagnie nationale du Rhône dans le soutien aux projets locaux prévus. C'est une précision utile, dans la mesure où les intercommunalités et les syndicats mixtes jouent un rôle important dans ces domaines. Elle est conforme à l'intention du concessionnaire et du Gouvernement, qui m'ont indiqué que les groupements de collectivités territoriales avaient vocation à être associés. Les collectivités territoriales interrogées ont été réceptives à cet enjeu. Comme tous les autres amendements, la rédaction souple proposée ne crée aucune contrainte pour la CNR.

L'amendement COM-40 est adopté.

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Mon amendement COM-41 vise à mentionner les établissements publics de coopération intercommunale, aux côtés des communes, dans la mesure où ils exercent la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) ici concernée. Il s'agit d'une précision utile sur un sujet important pour les collectivités interrogées.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis favorable.

L'amendement COM-41 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-42, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Le dispositif de l'énergie réservée pratiqué par la CNR est différent de celui prévu par le droit commun : d'une part, l'énergie réservée est livrée par le concessionnaire sur réquisition du préfet, et non par les soins des conseils départementaux ; d'autre part, ce dispositif est centré sur les réserves d'énergie pour usage agricole. Le présent article vise à élever ce schéma au niveau législatif. Mes travaux préalables ont montré qu'il s'agissait d'une attente forte des chambres d'agriculture et du ministère de l'agriculture.

Pour autant, mon amendement COM-9 est nécessaire pour consolider le dispositif envisagé. Tout d'abord, il prévoit la référence à un décret en Conseil d'État, plutôt qu'à la « voie réglementaire », pour la définition des modalités pratiques et de la compensation financière du dispositif. De plus, il permet de prévenir tout « effet de bord » dans la détermination des bénéficiaires du dispositif, en évitant de figer un champ trop restreint dans la loi, dont les conséquences ne sont pas évaluées pour les 300 bénéficiaires actuels ; la rédaction proposée par mon amendement, plus souple, vise à laisser le champ des bénéficiaires inchangé, et à laisser au préfet de département le soin de prendre ou d'abroger les décisions d'attribution idoines au cas par cas. Cette démarche au cas par cas me semble répondre à l'objectif que le Gouvernement m'a indiqué poursuivre. Enfin, l'amendement vise à exclure l'État des bénéficiaires potentiels de la compensation financière des énergies réservées non attribuées, dans le but de préférer sa redistribution aux acteurs de terrain.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Même si, à nouveau, un décret simple m'aurait paru préférable, avis favorable.

L'amendement COM-9 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - L'amendement COM-10 tend à consolider l'article 6, qui vise à moderniser les obligations comptables et les procédures domaniales prévues pour la CNR, en faisant référence à la séparation comptable prévue pour les entreprises électriques, à l'exclusion de celles gazières ; en indiquant que la CNR produit un compte de concession et met en place une comptabilité analytique, et non qu'elle doit prendre les dispositions nécessaires à cette fin, puisque ce compte et cette comptabilité existent déjà ; en inscrivant dans la loi, sans renvoyer au cahier des charges, les autorisations d'occupation temporaire (AOT) du domaine public pouvant être accordées par la CNR - elles ne doivent intervenir que sur le domaine concédé, pour la durée de la concession et avec l'accord du préfet.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis favorable, même si cet amendement me semble être déjà satisfait.

L'amendement COM-10 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7 (Supprimé)

L'article 7 est supprimé.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente. - À l'unanimité !

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

TITRE Ier : DATE D'ÉCHÉANCE DE LA CONCESSION GÉNÉRALE DU RHÔNE
À LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE

Auteur

N° 

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. CHAUVET, rapporteur

1

Amendement rédactionnel.

Adopté

TITRE II : CAHIER DES CHARGES GÉNÉRAL DE LA CONCESSION GÉNÉRALE DU RHÔNE

Article(s) additionnel(s) avant Article 2

M. CHAUVET, rapporteur

2

Inscription des missions historiques de la concession du Rhône attribuée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) dans la réalisation des objectifs de la politique énergétique nationale, et notamment de l'atteinte de la « neutralité carbone » à l'horizon 2050.

Adopté

M. SALMON

43

Ajout d'une référence à la préservation de la biodiversité dans les objectifs précités

Rejeté

Article 2

M. CHAUVET, rapporteur

3

Maintien de la mention des ministres, et notamment de celui de l'agriculture, dans la proposition du décret en Conseil d'État fixant les statuts de la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

Adopté

Article 3

M. CHAUVET, rapporteur

5

Octroi d'une assise législative au programme de travaux supplémentaires de la concession du Rhône attribuée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

6

Modification des modalités d'organisation et de composition du comité de suivi de l'exécution de la concession prévues pour la concession du Rhône attribuée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

Adopté

Mme BLATRIX CONTAT

44

Ajout de la présence des parlementaires au sein du comité de suivi précité

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

4 rect.

Maintien d'une référence aux missions d'intérêt général de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) dans le schéma directeur de la concession.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

7

Modification des modalités de révision du cahier des charges et du schéma directeur applicables à la concession du Rhône attribuée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

Adopté

Article 4

M. CHAUVET, rapporteur

8

Amendement rédactionnel.

Adopté

RAPPORT ANNEXÉ

M. CHAUVET, rapporteur

11

Suppression de la référence à la procédure d'arbitrage dans la procédure contradictoire prévue entre Voies navigables de France (VNF) et la Compagnie nationale du Rhône (CNR) pour déterminer avec précision le domaine public fluvial transféré.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

12

Introduction d'une référence au développement des emplois liés à l'irrigation agricole, dans les missions conduites par la concession du Rhône attribuée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) pour valoriser le domaine public concédé.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

13

Introduction d'une référence à la promotion de la transition énergétique et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans certaines missions conduites par la Compagnie nationale du Rhône (CNR) pour valoriser le domaine public concédé.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

14

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

15

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

19

Uniformisation des références aux « programmes pluriannuels quinquennaux » dans le cahier des charges de concession du Rhône attribuée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

20

Association des collectivités territoriales ou de leurs groupements aux consultations préalables à l'élaboration des « programmes pluriannuels quinquennaux ».

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

21

Consultation du comité de suivi de l'exécution de la concession du Rhône attribuée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) sur le programme de travaux supplémentaires.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

22

Uniformisation de la référence aux « programmes de travaux supplémentaires » dans le cahier des charges de concession du Rhône attribuée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

23

Précision de la référence au portail d'information fluviale info Rhône.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

24

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

25

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

16

Précision de l'autorité administrative compétente dans plusieurs procédures liant l'État à la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

18

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

26

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

27

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

28

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

29

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

30

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

31

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

17

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

32

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

33

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

34

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

35

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

36

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

37

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

39

Ajout du photovoltaïque innovant dans le volet « Production d'électricité hydraulique et autres usages énergétiques » du schéma directeur de la concession du Rhône attribuée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

38

Ajout de la production d'hydrogène renouvelable et bas-carbone dans le volet « Production d'électricité hydraulique et autres usages énergétiques » du schéma directeur de la concession du Rhône applicable à la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

40

Garantie de l'éligibilité des groupements de collectivités, notamment communaux, à certaines actions de soutien conduites par la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

41

Mention des établissements de publics de coopération intercommunale, aux côtés des communes, s'agissant de l'exercice de la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi).

Adopté

M. CHAUVET, rapporteur

42

Amendement rédactionnel.

Adopté

TITRE III : ÉNERGIES RÉSERVÉES

Article 5

M. CHAUVET, rapporteur

9

Modification de l'énergie réservée applicable à la concession du Rhône attribuée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

Adopté

TITRE IV : COMPTABILITÉ ET TITRES D'OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC

Article 6

M. CHAUVET, rapporteur

10

Modification des obligations comptables et des procédures domaniales applicables à la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

Adopté

Article 7 (Supprimé)

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Politique spatiale - Audition de M. Philippe Baptiste, président-directeur général du Centre national d'études spatiales (CNES)

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

La réunion est ouverte à 10 h 15.

Mme Sophie Primas, président. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui M. Philippe Baptiste, président du Centre national d'études spatiales (CNES), qui a bien voulu accepter cette invitation formulée la semaine dernière. Je l'en remercie.

Monsieur le président, nous vous avions reçu au mois d'avril de l'année dernière pour une audition préalable à votre nomination. Désormais en fonction depuis plusieurs mois, vous êtes à pied d'oeuvre pour permettre à la France de relever les nombreux défis qui se posent pour l'avenir du secteur spatial. À cet égard, l'année 2022 sera rythmée par des échéances importantes, que je souhaiterais successivement aborder avec vous.

Échéance déterminante pour l'année à venir, la conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA) devrait être organisée au mois de novembre. Une première réunion de négociation avec vos homologues européens est prévue dès le 16 février prochain.

En tant que parlementaires, nous souhaitons vous faire part de nos interrogations, voire de nos inquiétudes, quant aux négociations à venir.

En effet, si la France demeure aujourd'hui le premier contributeur au budget de l'Agence spatiale européenne, nous observons, d'une part, une tendance de plus en plus marquée à la « renationalisation » des politiques spatiales au sein même de l'Union européenne et, d'autre part, l'émergence d'une véritable concurrence entre États membres. En témoignent les annonces de l'Allemagne relatives à la création d'un port spatial dans le nord du pays, concurrençant ainsi directement le port spatial européen de Kourou, en Guyane française. L'unité des Européens en matière spatiale est en question.

Notre efficacité est également en jeu, puisque nous avons pris du retard par rapport aux États-Unis qui, en soutenant financièrement Space X, ont bâti une organisation industrielle intégrée à 100 %. Au contraire, la production des lanceurs Ariane fonctionne selon la règle du retour géographique, ce qui explique que la chaîne de production compte 600 entreprises, dont 350 PME réparties dans 13 pays ! Sur le papier, c'est logique. En pratique, je comprends que c'est difficile. C'est pourquoi certains en appellent à un big-bang de la gouvernance des lanceurs européens.

Dans ce contexte si incertain, comment rattraper collectivement notre retard ? Quelle sera la stratégie de la France lors de ces négociations ? La France maintiendra-t-elle le niveau de sa contribution au budget de l'Agence spatiale européenne ? Quelles modifications de la gouvernance des lanceurs européens vous paraissent souhaitables ? Faut-il réformer la règle du retour géographique, au moins pour certains grands projets ?

Une autre échéance particulièrement importante à nos yeux est le lancement d'Ariane 6, prévu pour la fin de l'année. C'est un projet important, un bel exemple de coopération européenne et une opportunité nécessaire pour soutenir le développement économique et technologique de la filière spatiale industrielle française. Mais avec déjà deux années de retard, nous avons du mal à comprendre, Monsieur le président, les véritables raisons d'un tel décalage de calendrier. Mais surtout, certains experts, y compris européens, considèrent déjà ce lanceur comme obsolète, car celui-ci ne sera pas réutilisable.

Pourriez-vous nous faire un point de situation sur le lancement prévu d'Ariane 6 ? Quelles sont les dernières difficultés techniques à surmonter ?

Pourriez-vous également nous éclairer sur la stratégie poursuivie par la France en matière de micro-lanceurs réutilisables, et nous parler du projet « Maïa Space » confié à ArianeGroup ?

M. Philippe Baptiste, président du Centre national d'études spatiales. - L'année 2022 sera une année riche et cruciale pour le CNES, qui fêtera ses 60 ans.

Nous nous sommes toujours attachés à encourager l'activité industrielle par le biais de transferts de connaissances. Les succès d'ArianeGroup, de Thalès et d'Airbus sont autant d'exemples du travail étroit que nous menons avec l'ensemble de l'écosystème industriel spatial en France et en Europe.

La force européenne spatiale s'appuie pour une grande part sur les forces vives françaises - il est d'ailleurs peu de secteurs technologiques dans lesquels la France et l'Europe sont aussi bien placées. À titre d'exemple, Airbus et Thalès captent 55 % du marché international des télécommunications géostationnaires.

Le CNES s'efforce donc de servir l'État et la science tout en contribuant à renforcer la compétitivité de l'écosystème spatial, au sein duquel émergent aujourd'hui les acteurs du New Space.

Nous sommes sur le point de signer avec l'État un nouveau contrat d'objectifs et de performance reposant sur quatre piliers : la souveraineté nationale ; les activités scientifiques, qu'elles soient menées avec l'ESA ou en collaboration avec d'autres pays comme les États-Unis ou le Canada ; le climat, car les travaux des scientifiques et des climatologues s'appuient en grande partie sur des données spatiales ; et le renforcement de la compétitivité spatiale, à travers le soutien apporté à la recherche et au développement de l'écosystème spatial.

Ces derniers mois, le CNES a connu une réorganisation visant à répondre de manière plus cohérente à ce contrat d'objectifs et de performance. Nous sommes une agence de programme, mais aussi de financement et nous jouons un rôle d'appui technique qui est essentiel. Nous avons donc structuré notre organisation autour d'une direction technique unique et d'une direction de la stratégie qui a vocation à prendre le pouls de nos entreprises pour leur proposer les bons outils.

L'année 2022 sera marquée par le Sommet spatial européen qui se tiendra dans deux semaines. L'enjeu pour l'Europe spatiale est de se doter d'une ambition politique, afin de construire, dans le cadre de la conférence ministérielle que vous évoquiez, un budget pour les trois prochaines années.

En septembre, se tiendra également le Congrès international d'astronautique (IAC), organisé par le CNES à Paris.

L'année 2022 sera donc une année très importante pour le spatial en France. Parmi de nombreuses échéances importantes, je citerai le lancement de Syracuse IV, et surtout celui d'Ariane 6, qui est notre objectif numéro un. Tous nos spécialistes des lanceurs sont mobilisés pour tenir le calendrier serré que nous nous sommes fixé, et pour réussir techniquement ce lancement. Nous avons récemment inauguré le pas de tir, qui constitue véritablement l'étage zéro du lanceur et renferme une petite usine - son coût s'élève d'ailleurs à 700 millions d'euros.

La réussite d'Ariane 6 reposera aussi sur notre capacité à lui ménager un avenir commercial. Sous la responsabilité du ministre Bruno Le Maire, nous avons travaillé étroitement ces derniers mois avec nos partenaires italiens et allemands pour parvenir à un accord sur le modèle d'exploitation. À ce stade, je suis assez confiant, car Ariane 6 permettra non seulement de répondre de manière modulable aux mêmes besoins que les lanceurs Ariane 5, mais comprend, de plus, un dernier étage « animable » susceptible de répondre à de nouveaux besoins.

Du fait du développement de Space X, nous sommes effectivement passés d'un statut de leader du marché mondial à celui de challenger. Cela s'explique par le volume d'activité considérable de Space X.

Celui-ci repose tout d'abord sur les investissements gigantesques réalisés tant par le Department of Defense que par la National Aeronautics and Space Administration (NASA). Les vols effectués dans ce cadre sont payés à des prix très élevés par le gouvernement américain, ce qui permet d'amortir les coûts fixes de Space X.

Ce rôle de leader s'explique ensuite par un important volume d'activité intégrée, puisque Space X utilise ses propres lanceurs pour lancer ses satellites de télécommunication. Une grande constellation placée en orbite basse permet ainsi une connexion Internet partout dans le monde avec des temps d'attente très faibles.

Le commissaire européen Thierry Breton promeut lui aussi une nouvelle constellation européenne de satellites en orbite basse. Space X utilise déjà ses lanceurs à cette fin grâce à son modèle économique intégré et verticalisé.

Space X propose enfin des lancements commerciaux partout dans le monde à des prix très compétitifs, ses coûts fixes étant couverts. Notre politique tarifaire doit s'aligner sur ces tarifs dans la durée.

Space X utilise un modèle de lanceurs réutilisables. Je ne sais pas si le lanceur remplaçant Ariane 6 - qui n'a pas encore décollé - sera réutilisable. Il est encore trop tôt pour le dire. Quoi qu'il en soit, nous devons impérativement maîtriser cette technologie : tel est l'objectif du projet Maïa Space ; cela nous permettra d'accélérer la maîtrise de cette nouvelle brique technologique.

Toutefois, des développements avaient déjà été initiés par le CNES et l'ESA depuis plusieurs années, ce qui nous permet de proposer un calendrier agressif pour la construction du premier étage de la fusée Maïa, prévu dès 2025. Un moteur peu onéreux et réutilisable représente l'avenir de la filière. Des programmes de démonstration, à l'image du lanceur Themis, ont été créés.

Même si les gros lanceurs représentent l'essentiel du marché, les lancements ponctuels répondent également à d'autres besoins, afin de remplacer des satellites en panne au sein d'une constellation ou de lancer de petits satellites par exemple ; ils offrent en outre une réactivité bien plus importante que les gros lanceurs, même si leur coût est plus élevé. Les entrepreneurs sont prêts à assumer cet effort financier afin de disposer très rapidement d'une fenêtre de tir.

Maïa est certes le programme le plus visible, mais plusieurs projets entrepreneuriaux de nanolanceurs et de mini-lanceurs sont également développés par des start-up françaises. Nous devons parier sur ces avancées technologiques reposant sur des méthodes nouvelles et sur le modèle d'un développement à bas coût : c'est pourquoi nous soutiendrons ces entreprises, qui ont engagé un dialogue fructueux avec ArianeGroup, au sein desquelles les compétences technologiques sont exceptionnelles.

En Guyane, le CNES prépare actuellement le prochain pas de tir pour ces nouveaux lanceurs et réhabilite le site historique du Diamant. Nous sommes prêts à accueillir d'autres lanceurs européens sur le site du Centre spatial guyanais (CSG).

Certes, l'attention se cristallise sur la question des lanceurs, mais il est excessif d'évoquer une renationalisation des programmes spatiaux européens. Notre continent connaît une profusion de projets de petits lanceurs. Toutefois, les pays de l'Union européenne ne seraient pas capables de financer plusieurs projets de gros lanceurs : ce sont des programmes industriels majeurs, dont le coût se chiffre en milliards d'euros. De plus, les capitaux ne font pas tout : Jeff Bezos dispose de nombreuses ressources ; or il rencontre de nombreuses difficultés techniques pour faire fonctionner les moteurs de ses lanceurs, qui sont des objets techniques très complexes. Les lancements subissent de nombreux échecs et nos amis américains répètent souvent cette formule : « space is hard. »

La concurrence est féroce en Europe s'agissant des mini-lanceurs. La France souhaite conserver son avance en la matière : voilà pourquoi nous accélérons le projet Maïa. Je suis convaincu que les pays européens trouveront un terrain d'entente à ce sujet.

Toutefois, le choix de la coopération européenne ne doit pas avoir pour corollaire la cherté du lanceur. Un mini-lanceur européen à bas coût est nécessaire ; sinon, celui-ci sera très beau, très cher, et nous raterions alors notre cible.

Les projets européens concurrençant Maïa ne s'inscrivent pas dans le principe du retour géographique. Ce dernier a constitué un formidable levier de développement du secteur spatial européen. Chaque pays avait intérêt à investir : en contrepartie du financement du développement des fusées, chaque partenaire est fondé à recevoir une part de la fabrication, indépendamment de toute considération de cohérence économique ou de productivité industrielle. Les pays pouvaient faire progresser leur outil industriel en investissant dans l'ESA. Loin de s'assimiler à une compétition brutale, la coopération dans la science et dans l'observation de la Terre était exemplaire. Cet outil formidable doit être pérennisé.

Aujourd'hui, la compétition est féroce. Certes, Elon Musk a une usine produisant des lanceurs. Cependant, grâce au principe du retour géographique, l'Union européenne dispose de dizaines de sites de production et de centaines de sous-traitants : cela représente de nombreuses contraintes à chaque étape et pour tous les acteurs. Je suis convaincu que le prochain lanceur sera produit au sein de l'ESA, mais le principe du retour géographique sera abandonné. Je ne pense pas que ce sujet sera abordé lors de la prochaine conférence ministérielle, car celui-ci ne fait pas consensus au niveau européen. Pourtant, la question est centrale.

Nous discutons des enjeux de la conférence avec l'ensemble des acteurs de l'écosystème industriel français. Nous devons entamer une réflexion sur les segments tels que l'observation de la Terre, la science, les lanceurs ou le soutien à l'innovation. Des aides directes de l'ESA sont-elles préférables à des soutiens spécifiques via des programmes nationaux pour ces entreprises ?

Les rebondissements tardifs et nocturnes pour arracher un accord sur les budgets ont ponctué l'histoire des précédentes conférences ministérielles ; je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur moyen de construire une politique spatiale européenne efficace. Nous devons par ailleurs veiller à une répartition claire des rôles entre la Commission européenne et l'ESA.

L'Union européenne assume de consacrer beaucoup moins d'argent pour l'espace que les États-Unis - le rapport est de 1 à 7. Elle ne couvre pas tous les sujets ; pourtant, nous n'avons pas à rougir de certains succès : certains de nos industriels sont exceptionnels et le CNES est un partenaire de choix de la NASA.

Plusieurs facteurs plaident en faveur de l'ouverture du débat sur l'exploration et le vol habité.

Premièrement, ces technologies ont considérablement progressé, et leur coût a baissé. Il « suffirait » à l'Union européenne d'investir quelques milliards d'euros, contre plusieurs centaines milliards d'euros voilà quelques années.

Deuxièmement, plusieurs acteurs industriels souhaitent utiliser ces outils à des fins de recherche et de développement. Des expériences dans le domaine végétal ou de la fibre optique seraient par exemple possibles dans une future station européenne placée en orbite basse.

Troisièmement, les grandes puissances spatiales - la Russie, la Chine, l'Inde et les États-Unis - sont des acteurs importants du vol habité et préparent des expéditions vers la lune et la planète Mars. L'Inde lancera son premier vol habité dès l'année prochaine. Nous devons donc nous interroger : quelle est l'ambition spatiale de l'Union européenne ? Nous pouvons nous contenter d'être des fournisseurs de briques technologiques. Mais nous pouvons aussi avoir une ambition plus forte en matière d'exploration.

M. Jean-Pierre Moga. - En tant que rapporteur pour avis de notre commission sur la mission « Recherche et enseignement supérieur », je constate que la tendance est à la complexification des circuits de financement de la politique spatiale, que ce soit à travers le plan de relance ou France 2030. Les crédits sont certes bienvenus, mais j'estime que le secteur a plus que jamais besoin de stabilité et doit disposer de crédits pérennes. Que pensez-vous de cette situation ?

Compte tenu de la concurrence internationale dans le secteur, de la nécessité d'accompagner nos industries et de favoriser un écosystème innovant, l'année 2022 sera une étape importante. Monsieur le président, vous nous avez présenté vos priorités en termes de recherche : quel projet européen défendez-vous ?

Selon vous, enfin, à quel horizon l'ambition liée aux vols habités se concrétisera-t-elle et sous quelles réserves ?

Mme Viviane Artigalas. - Monsieur le président, au travers de l'Agence spatiale européenne, la France est avant tout l'un des partenaires des autres agences spatiales dans le monde.

Le lancement du télescope de la NASA, James Webb, successeur de l'emblématique Hubble, depuis le centre spatial de Kourou a été un important succès, notamment médiatique, tant pour le spatioport français que pour le lanceur européen. Cependant, Français et Européens restent le plus souvent les partenaires d'autres agences spatiales dans ce qui semble être un retour à la course à l'espace. Malgré un réel savoir-faire, le programme spatial franco-européen semble parfois être le sous-traitant du programme spatial américain.

Dès lors, outre son budget modeste, le CNES a-t-il les ressources scientifiques pour développer un programme de missions habitées ? Quel rôle le CNES peut-il jouer dans le cadre d'un programme spatial habité d'envergure européenne, et ce dans un contexte de fortes tensions sino-américaines ?

M. Bernard Buis. - À l'occasion du dernier Forum de Paris sur la paix, le CNES a été signataire, avec d'autres agences spatiales, universités et société civile, de l'appel « Net Zero Space » qui a pour but de favoriser une utilisation durable de l'espace extra-atmosphérique d'ici 2030, au travers d'engagements concrets pour réduire d'urgence le nombre de débris en orbite terrestre. En effet, quelque 10 000 tonnes de déchets polluent actuellement l'espace.

Si cette initiative est à saluer, des mesures coercitives doivent être prises, car le problème va s'aggraver dans les prochaines années, alors que SpaceX et Elon Musk voudraient expédier 42 000 satellites dans le ciel.

Monsieur le président, cet appel international évoque l'interdiction de produire de nouveaux débris spatiaux dangereux et le nettoyage des débris spatiaux dangereux existants. Comment faire de cet appel une règle qui puisse s'imposer à tous ?

M. Serge Mérillou. - Monsieur le président, le secteur spatial évolue rapidement. Ainsi, les agences nationales sont concurrencées par de nouveaux acteurs privés, qui prennent de nombreux risques que les agences tentent de contrôler.

Face à l'émergence de ces nouveaux acteurs, comment le CNES s'adapte-t-il ? Quelles conséquences cette évolution a-t-elle sur la stratégie de développement et les projets du CNES ? Les agences telles que le CNES risquent-elles d'être dépassées, et dans quelle mesure pouvez-vous collaborer avec ces acteurs privés ?

Par ailleurs, quelles sont vos attentes concernant la prochaine conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne ?

Enfin, comment expliquer le retard pris par une société comme Arianespace en matière de vols habités ? Quelles sont les ambitions françaises et européennes dans ce domaine ?

Mme Anne-Catherine Loisier. - Monsieur le président, l'Internet par satellite est un secteur de croissance stratégique pour notre avenir et pour notre souveraineté numérique. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet depuis le lancement réussi du satellite Konnect VHTS par Ariane 5 en 2020 ? Comment le CNES s'implique-t-il dans les projets de consortium européen pour une constellation de satellites européens ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Depuis quelques années, nous voyons l'influence des acteurs privés dans le domaine spatial. Je pense bien entendu à SpaceX. Cette influence peut-être perçue par beaucoup de personnes comme inquiétante.

Monsieur le président, vous semblez être assez favorable aux partenariats public-privé ; vous défendez une constellation spatiale de satellites au niveau européen. Pouvez-vous détailler votre politique et les apports du secteur privé en la matière ?

Mme Martine Berthet. - Monsieur le président, mon département abrite dans la vallée de la Maurienne une soufflerie de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera). J'ai été alertée par les élus et les syndicats de la baisse des financements attribués ces deux dernières années, et d'un nouveau contrat d'objectifs 2022-2026 qui contraint la structure à un plafonnement de ses effectifs.

Cette réduction des moyens de l'Onera ne risque-t-elle pas de vous empêcher d'atteindre vos objectifs et de mener à bien les projets que vous venez de nous présenter ?

M. Olivier Rietmann. - Monsieur le président, pourriez-vous faire un point sur la présence des déchets dans l'univers ? Bernard Buis a parlé de 10 000 tonnes de débris : notre espace est-il pollué à ce point ?

En outre, quel intérêt y a-t-il à envisager une mission habitée vers la Lune ? Pourquoi y retourner ?

M. Laurent Duplomb. - Les systèmes satellitaires vont permettre de réaliser de grandes avancées en matière de prévisions météorologiques, ce qui est essentiel pour prévenir les aléas climatiques. Ces satellites seront-ils capables de mesurer plus précisément les effets de la photosynthèse des plantes pour prévenir les sécheresses ?

M. Philippe Baptiste. - Pour répondre à M. Moga, selon moi, le financement de la politique spatiale est satisfaisant. Le volet spatial du plan de relance est très important.

Le volet spatial du plan France 2030 est également d'un montant élevé - 1,5 milliard d'euros -, mais ce plan est intéressant d'un autre point de vue : il permet en effet d'avoir une vision globale et de créer des synergies entre les différents projets.

Pour répondre à MM. Buis et Rietmann, j'estime en effet qu'il faut être particulièrement attentif à la problématique de la pollution spatiale et des déchets en orbite. Pour vous donner une idée, le nombre de satellites en orbite basse double tous les dix-huit mois. Cependant, pour vous rassurer, il y a en moyenne l'équivalent d'une surface d'une centaine de kilomètres carrés entre deux satellites, si bien que, malgré les alertes, le nombre d'incidents reste relativement faible.

La régulation du trafic constitue un enjeu majeur, l'élaboration de règles communes dans l'espace étant dans l'intérêt de chacun.

De ce point de vue, la première action à mener est de réduire le nombre de débris en orbite. Un certain nombre de projets existe d'ores et déjà, mais il faut savoir que ce sera long et complexe.

Autre mesure indispensable, il faut faire en sorte de vérifier que chaque objet envoyé dans l'espace soit étudié pour revenir rapidement dans l'atmosphère et ne pas rester en orbite. C'est essentiel et probablement plus simple à mettre en oeuvre que la destruction des débris existants. La France est en pointe dans ce domaine et s'active au travers notamment de la loi relative aux opérations spatiales (LOS). J'espère que ce rôle de régulateur suscitera l'adhésion de l'Europe, voire des autres grandes puissances spatiales.

M. Buis a évoqué les 40 000 satellites d'Elon Musk ; il est même parfois question de projets mobilisant quelque 300 000 satellites. Ces chiffres semblent effrayants, mais il faut en relativiser l'importance : la plupart de ces satellites sont de toute petite taille.

M. Duplomb m'interroge sur la fiabilité des prévisions météorologiques grâce aux satellites. D'après moi, l'observation précise et détaillée des paramètres vitaux de la Terre, c'est-à-dire la température, les niveaux de gaz carbonique et de méthane, l'altimétrie, est sans doute l'un des défis d'envergure qu'aura à relever l'Europe dans le domaine spatial. Aujourd'hui, la France fait d'ailleurs partie des États les plus performants en la matière. Maîtriser toutes ces données permet de délivrer des prévisions fiables sur le court, le moyen et le long terme.

Mme Artigalas et MM. Moga, Mérillou, Buis et Rietmann m'interrogent sur les vols habités. Pourquoi les vols habités ? Aujourd'hui, la situation n'est pas comparable avec celle du programme Apollo : aller sur la Lune était alors un défi. Cela étant, le spatial représente une part de rêve pour l'ensemble des citoyens européens en mêlant à la fois confiance en l'avenir et confiance en la technologie. Retourner sur la Lune permet aux scientifiques de réaliser un certain nombre d'expériences et de manipulations impossibles ailleurs. En outre, c'est un préalable à toute mission vers Mars : c'est sur la Lune qu'on va apprendre, par exemple, à se ravitailler en oxygène et en carburant par l'utilisation des ressources disponibles sur place - en premier lieu l'énergie solaire - afin de nous doter des moyens d'aller plus loin. On dit souvent que, pour aller sur Mars, il faut passer par la Lune. Compte tenu des capacités d'emport très limitées des lanceurs - il faut bien qu'ils puissent échapper à l'attraction terrestre -, il faut pouvoir produire sur place de l'oxygène et du carburant, de manière à être autonome, sans dépendre exclusivement de moyens de ravitaillement envoyés depuis la Terre.

C'est aussi un enjeu industriel : de plus en plus d'entreprises s'intéressent à un environnement en gravité réduite qui permettrait de mener à bien des projets impossibles à réaliser sur Terre. Il ne s'agit pas tant d'extraire des minerais de la Lune - les rapporter sur Terre serait d'un coût prohibitif - que de mener des expériences en biologie, en agronomie, etc.

Pour réponse à Mme Renaud-Garabedian, s'agissant du rôle des agences dans ce nouveau partenariat public-privé, de fait, de nombreux acteurs privés s'intéressent au spatial, d'autant plus si les coûts baissent. Auparavant, ce champ était « réservé » aux grandes agences spatiales, avant qu'elles ne fassent appel à des industriels, lesquels portent désormais eux-mêmes des programmes. Notre rôle est double : un rôle de régulation de ce système qui est en train de se constituer et un rôle d'encouragement de nos champions nationaux et européens.

Cela présente également un intérêt pour nous et pour nos « donneurs d'ordres » que sont les scientifiques, les militaires, l'État. L'arrivée de ces industriels sur le marché du spatial permet de faire baisser les coûts et de réduire les délais de réalisation des projets. On peut donc être gagnant-gagnant dès lors qu'on peut nouer un partenariat intelligent avec un certain nombre d'entreprises.

Au cours des soixante dernières années, c'est ce à quoi s'est toujours employé le CNES, dans un environnement qui a beaucoup évolué. Mais l'histoire et le développement d'Ariane, de Thales Alenia Space ou d'Airbus Defence and Space sont intimement liés à la commande publique, qui a donc permis l'émergence de ce tissu industriel.

Mme Berthet m'interroge sur l'Onera de Bruno Sainjon, qui est un partenaire important du CNES, lequel n'est pas un établissement de recherche en tant que tel. Il compte de nombreux ingénieurs, mais pas de chercheurs. Nous travaillons également beaucoup avec le CNRS et les universités. En effet, la presse a rapporté dernièrement qu'il était question de plafonner les effectifs de l'Onera : à ce jour, cela n'affecte en rien la qualité de la relation que nous entretenons avec l'Office, avec lequel nous menons de beaux programmes de R&D.

Enfin, Mme Loisier m'interroge sur l'Internet par satellite, qui est un enjeu majeur de souveraineté numérique pour l'Europe : c'est l'un des moyens dont elle dispose pour y prendre pied. Grâce à une constellation de satellites en orbite basse, c'est le moyen de fournir une grande partie de la planète un accès à Internet en temps quasi réel.

La question du temps réel est essentielle pour les utilisateurs, pour les applications industrielles : seul un satellite en orbite basse, au contraire d'un satellite géostationnaire, permet au signal d'être diffusé suffisamment vite pour éviter tout décalage, par exemple dans une conversation téléphonique. Pour un certain nombre d'applications, un tel décalage est rédhibitoire. Selon les projections, 20 % des données seront à l'avenir échangées en temps réel - par exemple, la conduite autonome.

Elon Musk place des satellites en orbite basse, cependant, son entreprise Tesla produit des véhicules autonomes. Si j'étais un constructeur automobile européen, je m'inquiéterais.

En outre, les enjeux de souveraineté et en matière de communications sécurisées entre États sont là aussi extrêmement importants.

Les enjeux sont à la fois commerciaux et régaliens : développer une telle constellation coûte cher, plusieurs milliards d'euros. D'où l'importance de la question des partenariats public-privé : probablement a-t-on intérêt à développer les investissements à la fois privés et publics.

Mme Sophie Primas, présidente. - Monsieur le président, nous vous remercions de la qualité de votre intervention.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Proposition de loi relative à l'aménagement du Rhône - Désignation des candidats à l'éventuelle commission mixte paritaire

La commission soumet au Sénat la nomination de Mme Sophie Primas, M. Patrick Chauvet, Mme Martine Berthet, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, Mme Florence Blatrix-Contat et M. Bernard Buis comme membres titulaires et de M. Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Laurent Somon, M. Loïc Hervé, M. Gilbert-Luc Devinaz, M. Henri Cabanel et M. Fabien Gay comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'aménagement du Rhône.

Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Anne-Catherine Loisier rapporteure sur la proposition de loi n° 315 (2020-2021) visant à simplifier l'accès des experts forestiers aux données cadastrales.

La réunion est close à 11 h 25.