- Mardi 9 mars 2021
- Mercredi 10 mars 2021
- Expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale - Examen du rapport d'information
- Proposition de loi tendant à appliquer vingt-quatre mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales - Examen des amendements au texte de la commission
- Proposition de loi visant à établir le droit de mourir dans la dignité - Examen des amendements au texte de la commission
- Audition de M. Alain Fischer, professeur d'immunologie pédiatrique et président du Conseil d'orientation sur la stratégie vaccinale
- Désignation de rapporteurs
Mardi 9 mars 2021
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 14 heures.
Proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale - Examen des amendements au texte de la commission
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons aujourd'hui les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement no 4 exclut les créances nées du devoir de secours ou d'une prestation compensatoire de la base de calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). L'avis est défavorable, sous réserve d'une analyse plus approfondie du Gouvernement.
En effet, la pension versée en application du devoir de secours vise le conjoint qui se retrouverait dans le besoin. La logique étant proche de celle de l'AAH, il n'est donc pas absurde que les deux prestations ne soient pas cumulables.
La prestation compensatoire, aux termes du code civil, vise à « compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives », mais, en principe, celle-ci n'est pas prise en compte dans le calcul de l'AAH, puisqu'elle n'est pas imposable. L'amendement serait donc satisfait.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Articles additionnels après l'article 3 bis
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement no 2 rectifié oblige la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) à verser l'AAH sur le compte bancaire individuel du bénéficiaire. Or la Cnaf peut déjà verser la prestation sur un compte individuel. Cette obligation rendrait le système plus complexe pour certaines personnes handicapées. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2 rectifié.
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement no 1 rectifié bis demande un rapport sur l'impact de la proposition de loi sur les perdants à la déconjugalisation de l'AAH. Nous avons essayé de trouver un mécanisme transitoire ; sans doute faut-il aller plus loin, mais mon avis sur cet amendement n'en reste pas moins défavorable. L'enjeu consiste non pas à produire un rapport sur ces mécanismes ni sur les perdants de la déconjugalisation, mais à effectuer un travail global sur l'évolution de l'AAH. Ce sera l'un des sujets à traiter au moment de l'examen de la loi sur l'autonomie...
Mme Catherine Deroche, présidente. - Quand elle arrivera...
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - Nous l'écrirons nous-mêmes !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié bis.
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement no 6 concerne le renvoi au pouvoir réglementaire de la fixation de l'âge limite pour bénéficier de la prestation de compensation du handicap (PCH) et la réévaluation de celui-ci tous les cinq ans. L'argument invoqué est celui de la simplification pour les gestionnaires. Il est douteux qu'une modification régulière de l'âge limite puisse simplifier le système.
De plus, pourquoi tenir compte des évolutions démographiques pour réévaluer ce seuil ? La PCH a vocation à couvrir les besoins existants des personnes en situation de handicap. Il importe de mettre en place une évolution de la PCH ; tous les travaux sur la notion de parcours de vie vont dans ce sens. L'avis est donc défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.
Article additionnel après l'article 4
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement no 3 rectifié retire de la base de calcul de l'AAH des aides publiques ponctuelles destinées aux sportifs paralympiques. Nous avions déjà évoqué ce sujet en commission et la demande de réécriture que nous avions demandée a été prise en compte. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3 rectifié.
TABLEAU DES AVIS
La réunion est close à 14 h 10.
Mercredi 10 mars 2021
Expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale - Examen du rapport d'information
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales, et de Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons ce matin, conjointement avec la commission des lois, le rapport d'information de nos collègues Jean Sol et Jean-Yves Roux sur l'expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale. Je salue nos collègues de la commission des lois et ceux qui participent à notre réunion à distance.
Décidé par le bureau de nos deux commissions l'an dernier, ce travail commun a subi les vicissitudes de la crise sanitaire et a dû être reporté. Notre collègue Nathalie Delattre qui en était à l'origine et avait été désignée rapporteure n'appartient plus à la commission des lois et c'est donc un binôme différent qui nous présente ses travaux ce matin.
Comme nous avons pu le constater avec la crise, le recours à l'expertise est d'un maniement difficile. Les experts ne sont pas forcément unanimes, ce qui peut créer de la confusion et ils ne dispensent en rien de décider et de porter une responsabilité pour les décisions prises. C'est tout l'enjeu de bien préciser leur positionnement et les conditions de leur intervention.
C'est ce que nous allons examiner ce matin en matière psychiatrique et psychologique.
Mme Catherine Di Folco, présidente. - Je tiens à excuser l'absence de François-Noël Buffet, retenu par une réunion avec le président Larcher, et à remercier nos deux rapporteurs, Jean-Yves Roux et Jean Sol pour leur important travail.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - Fruit d'une réflexion de longue haleine, nos travaux ont été rejoints par une actualité tragique, dont les conséquences judiciaires ne sont pas achevées : je veux bien entendu parler du meurtre de Sarah Halimi, dont l'examen par la Cour de cassation a débuté mercredi 3 mars dernier. Tout en l'intégrant à notre réflexion, nous avons cependant tenté de prendre le recul nécessaire à l'appréciation sereine du problème auquel nous faisons face.
Ce problème est celui de la relation entre le magistrat et l'expert chargé de l'éclairer par son savoir scientifique dans un domaine particulièrement sensible, celui de l'état mental d'une personne accusée d'un crime ou d'un délit. Paradoxalement, alors même que la scientificité de l'expertise psychiatrique connaît encore des détracteurs, on lui demande de plus en plus de se prononcer sur des questions graves, susceptibles de déterminer le sort de l'accusé et la perception de la justice rendue par les victimes et leurs familles. On a tendance aussi à la confondre avec ce qu'elle n'est pas, notamment l'expertise criminologique quand il s'agit de déterminer le risque de récidive ou la dangerosité.
Avant de laisser la parole à Jean Sol, je me concentrerai sur le nombre de sollicitations d'expertises et sur la question fondamentale du discernement.
Je souhaite tout d'abord rappeler le principe énoncé à l'article 427 du code de procédure pénale : c'est le juge qui décide, nul ne peut se substituer à lui et il ne peut se défausser sur personne de cette obligation qui lui est faite de rendre justice.
Si le juge peut recourir à des experts pour l'aider dans sa tâche, dans quelque domaine que ce soit, il n'est pas tenu par leurs avis - la jurisprudence de la Cour de cassation est constante sur ce point. Le juge peut aussi choisir librement un expert, au-delà des listes établies par les cours d'appel ou la Cour de cassation.
Le lien de confiance entre le juge et l'expert est donc essentiel, ce qui explique pourquoi les magistrats préfèrent travailler avec certains experts, dont ils partagent les analyses en matière de responsabilité pénale. La psychiatrie est en effet partagée en écoles scientifiques et théoriques, qui peuvent peser sur l'appréciation du discernement ou du risque de récidive.
Comme l'a souligné la Chancellerie lors de son audition, les fondements permettant de recourir à une expertise psychiatrique en matière pénale sont multiples - compatibilité de l'état de santé d'une personne avec une mesure de garde à vue, détermination de la responsabilité pénale au sens de l'article 122-1 du code pénal, recueil d'éléments de personnalité et, en « post-sentenciel », évaluation de la dangerosité d'une personne condamnée et des risques de récidive, etc.
De surcroît, en dehors des hypothèses dans lesquelles l'expertise est obligatoire, la juridiction de l'application des peines peut toujours diligenter une expertise si elle l'estime utile.
La Chancellerie a insisté sur le nombre finalement réduit d'expertises obligatoires dans la masse des expertises conduites, et sur une forme de sur-sollicitation des experts par les magistrats et les parties. Clairement, une mise à plat doit intervenir et conduire à la définition de bonnes pratiques dans une circulaire du garde des sceaux, pour éviter tout recours excessif. Un équilibre doit être trouvé entre la multiplication des avis et la nécessité de juger.
Depuis 2008, le nombre de cas où le juge se voit imposer l'obligation de recourir à une expertise a augmenté. Or aucun bilan n'a été fait de ces mesures, qui touchent pourtant aux limites de ce que peut la psychiatrie : prédire le comportement à venir. De nombreux experts auditionnés nous ont indiqué que ce travail serait sans doute mieux fait par d'autres professionnels que les psychiatres. Nous souhaitons donc qu'un bilan de ces expertises obligatoires en matière de dangerosité puisse être conduit par les inspections des ministères.
A minima, les expertises obligatoires posent d'importantes difficultés si elles ne sont pas conduites dans des délais raisonnables, et lorsque la réalité des faits ne correspond pas aux conclusions de l'expertise. C'est ce bilan précis qui nous manque.
J'en viens à la raison historique du recours à l'expertise psychiatrique en matière pénale, la détermination du discernement. Je rappelle que l'article 122-1 du code pénal prévoit deux cas dans lesquels le discernement entraîne une absence totale ou partielle de sanction pénale : l'abolition du discernement, qui interdit la condamnation, et son altération, qui entraîne une réduction de peine.
Nos deux commissions se sont penchées il y a plus de dix ans sur cette question et le rapport de nos collègues de l'époque reste malheureusement d'actualité. Trop de personnes atteintes de troubles mentaux sont en prison. À l'inverse, l'assassinat de Mme Halimi a montré que, malgré les réformes de procédure mises en place en 2008 pour que le prononcé de l'irresponsabilité ne puisse être assimilé à une exonération, un important travail reste à conduire pour que les parties civiles ne s'estiment pas trahies quand une décision d'abolition du discernement est rendue.
La décision d'irresponsabilité rendue en première instance et en appel dans l'affaire Halimi est pendante devant la Cour de cassation. Elle pose une question de droit, que notre collègue Nathalie Goulet avait soulevée en février 2020 lors d'un débat en séance publique. Dans quels cas l'utilisation de psychotropes est-elle une circonstance aggravante ? Dans quels cas au contraire est-elle une cause d'abolition du discernement ? La question de droit est celle de la lettre de l'article 122-1, qui reconnaît le « trouble psychique ou neuropsychique » comme seule cause de l'abolition du discernement. Or l'intoxication peut provoquer des bouffées délirantes en dehors de toute pathologie. Si l'intoxication est volontaire, on peut considérer qu'il y a été procédé en connaissance de cause.
Toutefois, si les conséquences psychiatriques de l'intoxication ont été subies involontairement, l'abolition nous paraît possible. Nous souhaitons donc contribuer au débat actuel en formulant une proposition de rédaction en ce sens. Concrètement, l'intoxication peut avoir été recherchée pour commettre une infraction, mais il peut aussi exister des cas dans lesquels cette intoxication a eu des conséquences psychiques que l'auteur de l'acte ne pouvait anticiper. Il nous paraît important que le juge puisse prendre en compte cette réalité.
Il s'agit à l'évidence d'un sujet complexe, sur lequel les débats doivent se poursuivre. La frontière entre altération et abolition reste et restera particulièrement difficile à déterminer. C'est pourquoi l'expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale demeure essentielle. Il nous paraît donc indispensable de la recentrer sur ce point et d'oeuvrer pour que les relations entre magistrats et experts soient les plus efficaces possible, au service de la justice.
M. Jean Sol, rapporteur. - Permettez-moi avant toute chose d'adresser des remerciements particuliers à Mme Nathalie Delattre, à qui revient l'initiative du travail que nous vous présentons. Étalé sur plus d'une année et temporairement suspendu en raison du contexte pandémique, le groupe de travail commun à nos deux commissions a tenté de mettre à profit ce délai rallongé pour approfondir sa réflexion et rencontrer de nombreux acteurs qui se sont penchés sur cette question ancienne, délicate et à notre sens non tranchée de la responsabilité pénale du criminel lorsque le crime est commis en l'absence de discernement.
Notre rapport s'inscrit dans le contexte douloureux du meurtre de Mme Sarah Halimi, survenu dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, de la main d'un individu ayant agi sous l'emprise de psychotropes. L'information judiciaire qui a suivi ce drame s'est offerte au grand public, légitimement ému de cette affaire, comme la chronique désarmante d'une justice tributaire d'expertises aux avis inexplicablement divergents.
Pour vous en livrer brièvement le résumé, l'auteur des faits a successivement été soumis à trois expertises ayant chacune livré des conclusions différentes. Alors que la première, conduite par un expert seul, évoquait une altération du discernement et, par conséquent, un maintien de la responsabilité pénale du commettant, les deux suivantes, collégiales, ont pour leur part identifié une abolition du discernement, conduisant à son irresponsabilité pénale.
Les motifs de la troisième expertise ont suscité les plus grandes interrogations : l'abolition du discernement y était retenue, non sur le fondement d'une pathologie mentale préexistante dont la substance psychoactive aurait aggravé les effets, mais sur le fondement déconcertant d'une ignorance initiale du commettant quant à ces mêmes effets.
Au cours de l'examen du pourvoi de la famille de la victime par la Cour de cassation mercredi dernier, le parquet général a explicitement déploré un état du droit insatisfaisant, qui ne permet pas de trancher le débat sur l'impact de la « faute antérieure », autrement dit le geste accompli en conscience qui prépare l'éclipse du discernement. C'est là, à notre sens, que la loi présente une lacune et que l'intervention du législateur, désormais éclairée par de nombreux débats, est attendue.
En plus du problème de fond soulevé par cette affaire, rappelé par Jean-Yves Roux, les suites judiciaires du meurtre de Mme Halimi sont une illustration éloquente des heurts auxquels expose le recours itératif aux expertises et contre-expertises.
Reconnaissons, mes chers collègues, que le code de procédure pénale, légitimement soucieux d'augmenter la place du contradictoire dans l'expertise pénale présentencielle, a conduit à une multiplication parfois dommageable des interventions d'experts.
Non seulement cette multiplication est susceptible d'allonger la procédure, mais elle fait en plus intervenir l'expert à des moments différents de l'instruction ou du jugement, alors que les professionnels font unanimement dépendre la fiabilité de leur travail de sa précocité après les faits.
Les vingt propositions figurant dans notre rapport esquissent un début de régulation de la demande d'expertises par le magistrat. Nous suggérons ainsi de limiter la possibilité ouverte aux parties de demander une contre-expertise à deux stades différents de l'instruction, parfois très éloignés dans le temps.
De façon plus générale, nous pointons le danger qui guette une justice dont la demande d'expertises connaît un dynamisme important, dans un contexte de diminution constante du nombre d'experts disponibles.
Cet effet de ciseaux, relevé par l'ensemble des professionnels auditionnés comme préjudiciable à l'indispensable qualité de l'expertise en matière pénale, est le produit de trois causes : l'absence totale de contrainte limitative énoncée par la loi à l'égard des juges demandeurs ; la technicisation accrue des actions judiciaires et leur exposition médiatique ; enfin, l'objectif de réinsertion sociale des anciens détenus, qui contraint les juges d'application des peines à solliciter des avis et des compétences extérieurs afin d'anticiper au mieux le parcours post-carcéral.
De la loi Guigou de 1998 relative au suivi sociojudiciaire à la loi Dati de 2008 relative à la rétention de sûreté, les demandes d'expertise ont en effet connu une véritable prolifération, reflet du souci croissant et légitime de prévenir et d'évaluer le risque de récidive d'un prévenu ou d'un détenu arrivé au bout de son parcours pénitentiaire. Cette mission mobilise de plus en plus intensément les experts psychiatres, qui sont unanimes à questionner l'utilité de ces sollicitations, non régulées et jugées dans leur majorité redondantes et chronophages.
Cette dérive confirme un mouvement préoccupant, à savoir l'attribution d'une mission prédictive de dangerosité à un professionnel de santé chargé de la détection des pathologies psychiatriques.
Cette attention accrue portée au risque de récidive a fini par déteindre sur l'expertise présentencielle, témoignant d'un glissement problématique de la mission du magistrat, moins soucieux de l'accessibilité du prévenu à une sanction pénale que de l'utilité de cette dernière.
Ce mouvement doit être replacé dans le contexte de ces dernières décennies, qui a alternativement connu la « disqualification » de la peine d'emprisonnement au profit de mesures de réinsertion du délinquant, et, a contrario, la volonté politique de renforcer la peine par des mesures de rétention en cas de dangerosité avérée.
Sans contester l'opportunité de l'une ou l'autre de ces inflexions, nous nous devons de rappeler qu'elles n'ont pas pour autant fait disparaître du code pénal l'absolue nécessité pour le juge de fonder prioritairement la peine sur l'acte commis, et d'envisager la réinsertion ou la rétention du délinquant dans un temps distinct.
En matière post-sentencielle, l'évaluation du risque de récidive par un expert peut venir directement concurrencer celle des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, l'absence totale d'articulation entre ces travaux pouvant conduire à des résultats contradictoires susceptibles de compliquer l'office du juge de l'application des peines.
À mesure que se diffuse la formation criminologique des SPIP au risque de récidive, il nous semble parfaitement envisageable que la nécessité de l'expertise post-sentencielle se réduise nettement d'ici dix ou vingt ans.
J'évoquerai à présent quelques éléments ayant trait à la pratique de l'expertise et aux difficultés concrètes rencontrées par les experts.
La première d'entre elles tient bien évidemment à leur rémunération. L'article R. 117 du code de procédure pénale, issu d'un décret du 27 février 2017, prévoit explicitement de ne pas appliquer de grille tarifaire uniforme aux actes d'expertise, pour tenir compte de la nature et de l'étendue des actes prescrits. Toutefois, la grille tarifaire adoptée dans un arrêté du même jour ne prévoit aucune variation selon le nombre d'examens requis par l'autorité judiciaire, et ne tient que très partiellement compte de l'intensité du travail fourni...
Une expertise réalisée par un praticien hospitalier est invariablement tarifée à 312 euros, que cette dernière porte sur un cas clinique simple ou sur un dossier étoffé aux incidences pronostiques majeures. Outre la réévaluation de la tarification des actes de psychiatrie et de psychologie légales, il paraît indispensable de prêter une attention particulière à la modulation de la rémunération en fonction de l'ampleur de l'affaire et de l'investissement requis de l'expert.
C'est toutefois en matière d'assujettissement au régime général de la sécurité sociale que les modalités de rémunération des experts pénaux ont été le plus vivement critiquées.
Jusqu'en 2015, le ministère de la justice, pourtant employeur des experts, ne retenait aucune cotisation sociale de la rémunération qu'il leur versait ! C'est un décret du 2 juin 2016 qui a posé le principe d'une affiliation de l'ensemble des experts collaborateurs occasionnels du service public au régime général, régularisant enfin leur situation sociale. Les augmentations de crédits budgétaires consacrées à la couverture de leurs frais doivent donc essentiellement se comprendre comme des mesures de compensation destinées à couvrir les cotisations sociales désormais mises à la charge de l'État, et non comme des mesures de revalorisation de leur tarif.
Le passage pour l'expert d'une rémunération nette à une rémunération brute peut parfois dissimuler des phénomènes de perte sèche : si le projet élaboré en 2019 par le ministère de la justice avait été mis en oeuvre, la déductibilité directe des cotisations sociales du montant versé à l'expert se serait traduite par une amputation d'environ 7,5 % de sa rémunération, compensée par une augmentation tarifaire de 5,45 % seulement, soit une perte nette de près de 2 %. Il est urgent que les pouvoirs publics adoptent un pilotage plus précis de cette dépense, essentielle à l'attractivité de la mission.
Au terme de ce travail, nous avons acquis la certitude que le sujet de l'expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale ne peut plus faire l'économie d'une réforme dédiée. Jusqu'à présent traité de façon incidente, au gré des grandes lois pénales par lesquelles tous les gouvernements ont souhaité imprimer leur marque à notre appareil répressif, l'expert souffre aujourd'hui de n'avoir jamais été considéré en tant que tel.
À cheval entre justice et santé, sa mission croise différentes traditions de l'action publique. Nous espérons que notre rapport clarifiera les zones d'ombre qui entourent son action et ouvrira la voie à d'éventuelles traductions législatives.
M. Jean-Pierre Sueur. - J'appelle également de mes voeux un débat parlementaire qui pourrait traiter frontalement de ce sujet, si possible à l'occasion d'un projet ou d'une proposition de loi.
Cette histoire d'intoxication est vraiment très complexe. Où commence et où finit la responsabilité individuelle ? Imaginons un crime commis par une personne après une forte consommation de drogue : on peut considérer que son état la rend irresponsable, ou estimer au contraire que la prise répétée de stupéfiants ayant préparé la commission de l'acte relève de la volonté personnelle.
Je vois également une contradiction dans l'idée de limiter les contre-expertises, sans toutefois parvenir à la résoudre. Évidemment, plus les expertises sont proches des actes, plus elles ont une chance d'être pertinentes. Toutefois, pour les procès qui durent des années, voire des décennies, comment restreindre le droit à la contre-expertise sans porter atteinte au principe du contradictoire ?
Lorsque nous visitons des prisons, nous voyons en effet que beaucoup de détenus relèvent de la psychiatrie. Il faudrait suffisamment de places dans des établissements adaptés, mais aussi plus de psychiatres dans les prisons.
Mon intervention soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. J'en ai bien conscience !
Mme Florence Lassarade. - J'habite à dix kilomètres de l'unité de malades difficiles de Cadillac. Ne nous faisons pas d'illusions : même si des soins y sont dispensés, il s'agit d'un milieu carcéral. Je ne suis donc pas sûre qu'il soit plus facile d'être placé dans ce genre d'établissements, en cas d'irresponsabilité, que de passer plusieurs années dans une prison traditionnelle.
En effet, le nombre de psychiatres est insuffisant. Il manque aussi une formation en criminologie au cours des études de médecine. À l'inverse, les juristes sont sans doute formés à la criminologie, mais peut-être pas à des notions de psychiatrie.
Mme Laurence Cohen. - Il est difficile d'examiner cette problématique sans se pencher sur l'état très critique de la psychiatrie dans notre pays.
Quand nous visitons les prisons, nous constatons en effet que certains détenus auraient besoin de recevoir des soins psychiatriques.
J'ai participé, avec Brigitte Micouleau, à une mission sur les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) : nous nous sommes posé beaucoup de questions sur la prise en charge des patients, parfois sous camisole chimique. Je n'ai pas vraiment de solutions, mais le problème doit être considéré dans sa globalité.
Le syndicat de la magistrature s'est récemment inquiété d'une surpénalisation de la maladie mentale. Cela doit nous interroger.
Nous avons vraiment besoin d'une formation psycho-légale approfondie des internes en psychiatrie. Il faut aussi revisiter la rémunération des experts et leur reconnaissance par l'État.
Mme Marie Mercier. - Nous sommes tous conscients de la complexité de la maladie mentale. Il est très difficile de comprendre ce qui peut se passer dans la tête d'une personne atteinte d'un trouble psychiatrique.
On peut s'interroger sur la responsabilité individuelle, certes, mais il est difficile d'expliquer, par exemple, pourquoi telle personne va ressentir le besoin de se noyer dans l'alcool.
Je pense enfin qu'il est encore difficile d'évaluer toutes les conséquences de la pandémie en termes de déprogrammation de soins psychiatriques.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - Le but de ce rapport est évidemment qu'une proposition de loi soit déposée le plus rapidement possible.
En pratique, aujourd'hui, c'est le juge qui décide si une intoxication aux stupéfiants peut conduire à une altération ou à une abolition du discernement. Doit-on préciser le code pénal sur ce point ? Nous le pensons.
La place des personnes atteintes d'un trouble mental n'est pas en prison. Un rapport réalisé par nos deux commissions en 2010 pointait déjà cette triste réalité.
Enfin, je suis bien entendu favorable au renforcement de la formation des psychiatres, un problème qui est ressorti des auditions que nous avons menées.
M. Jean Sol, rapporteur. - Nous proposons d'ajouter un critère légal à l'irresponsabilité pénale, fondé sur le caractère involontaire de l'intoxication. Autrement dit, si une faute antérieure du commettant a conduit à son manque de discernement, la responsabilité pénale de ce dernier me semble devoir être maintenue.
La restriction du principe de contre-expertise doit selon nous être inscrite dans la loi pour être valable. Elle doit bien entendu respecter l'égalité des armes entre les parties.
Notre rapport contient plusieurs propositions sur les UHSA, dont il convient de revoir les missions et de renforcer les moyens.
Pour combler le déficit de formation des psychiatres, nous proposons d'ajouter une option nationale en psychiatrie ou psychologie légale à l'issue des formations de médecine ou de psychologie.
Enfin, d'après de nombreux professionnels que nous avons auditionnés, le problème de l'emprisonnement de personnes atteintes de troubles psychiatriques provient de décisions judiciaires ayant conclu à l'altération, et non à l'abolition de leur discernement. Sans doute est-ce là le reflet d'une demande de la société de voir les criminels enfermés, quel que soit leur état mental.
Mme Brigitte Lherbier. - Lors de la bien triste affaire d'Outreau, l'affrontement des experts fut désastreux. En revanche, le fait que la contre-expertise ait été espacée du pic de médiatisation de l'affaire a plutôt été bénéfique. À cette occasion, de nombreux experts ont également alerté sur leur faible rémunération.
J'ai enseigné dans un institut d'études judiciaires et un institut de criminologie. Des formations de psychiatrie légale y sont dispensées, essentiellement tournées vers l'enquête. Mais elles sont réservées aux étudiants qui souhaitent passer les concours de magistrats et de commissaires de police. Il faudrait une formation plus générale pour les juristes.
Du côté des études de médecine, je ne sais pas en revanche si la formation de médecine légale est bien assurée.
M. Jean Sol, rapporteur. - Après l'affaire d'Outreau, le rapport Houillon avait soulevé le problème des liens d'intérêts des experts psychiatres ou psychologues.
Nous proposons dans notre rapport de renforcer la déontologie des experts, notamment au moyen d'une déclaration obligatoire de leurs liens d'intérêts.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Il me reste à vous demander l'autorisation de publier ce travail sous la forme d'un rapport d'information.
La commission des affaires sociales et la commission des lois autorisent la publication du rapport d'information.
La réunion est close à 9 h 50.
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Proposition de loi tendant à appliquer vingt-quatre mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales - Examen des amendements au texte de la commission
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons maintenant les amendements de séance sur la proposition de loi tendant à appliquer vingt-quatre mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales, qui sera discutée ce jeudi 11 mars 2021 en séance publique.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Je vous propose tout d'abord d'adopter un amendement à l'article 15, visant à corriger une erreur rédactionnelle.
La commission adopte l'amendement n° 18.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 2 vise à rétablir l'article 2 pour inscrire dans les dispositions relatives aux contrats d'objectifs et de gestion des organismes du régime général la lutte contre le non-recours. Je ne partage pas l'analyse de Mme Lubin sur ce point et, comme je l'ai évoqué la semaine passée sur l'article 23, cette intention est à mon sens satisfaite.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Les amendements nos 11 et 16 visent à supprimer cet article. En cohérence avec ce que nous avons dit la semaine dernière, il ne me semble pas souhaitable que cet article soit retenu dans le texte en séance. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable aux amendements nos 11 et 16 identiques.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 1 propose d'étendre l'expérimentation de traitements informatisés et automatisés aux administrations des collectivités locales. Je n'y suis pas favorable : j'avais émis des réserves sur cet article au regard de la complexité de mise en oeuvre de cette expérimentation dans une sphère sociale éclatée dans de nombreux organismes, en ajouter conforte mes réticences.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
Article additionnel après l'article 6 (Supprimé)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 7 propose d'étendre le droit de communication aux agents des départements et d'habiliter ces derniers à échanger des informations en vue de lutter contre la fraude sociale. C'est une reprise d'une disposition du texte adopté par la commission sur la proposition de loi de notre ancien collègue Éric Doligé en 2016. Avis favorable
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 7.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 12 est un amendement de suppression. L'avis est défavorable, je soutiens le maintien de cette disposition qui va dans le sens d'une recommandation de la Cour des comptes
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.
Article additionnel après l'article 8
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 8 propose de permettre des échanges d'informations entre organismes en vue de l'attribution du RSA. C'est également une reprise de la proposition de loi précitée. Je soutiens l'idée de cet amendement mais suis réservé sur sa mise en oeuvre : je pense que nous devons engager une réflexion sur les échanges d'informations entre organismes à l'issue du rapport de l'inspection générale des affaires sociales sur le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS). Je vous propose donc un avis de sagesse.
La commission émet un avis de sagesse à l'amendement n° 8.
Article additionnel après l'article 12
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 15 demande un rapport sur la fraude aux cotisations patronales. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 13 est un amendement de suppression. L'avis est défavorable, je considère que cet article doit demeurer dans le texte, le versement des prestations sur des comptes en France ou en Europe est de nature à renforcer les contrôles.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13.
Article additionnel après l'article 14
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 9 propose de créer un procès-verbal de flagrance sociale. Je trouve cette idée intéressante, mais la notion de « flagrance » me pose problème, cela correspond pour moi à des délits. Je vous propose de nous en remettre à la sagesse du Sénat.
La commission émet un avis de sagesse à l'amendement n° 9.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 5 propose de compléter l'article 15 réécrit la semaine dernière par la commission. La précision rédactionnelle proposée est à mon sens satisfaite par le texte que nous avons adopté. Je vous propose donc une demande de retrait, à défaut un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.
Article additionnel après l'article 17
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 6 propose de ne permettre l'ouverture du revenu de solidarité active qu'à compter de la réception d'une demande complète. Il concerne non pas les procédures de contrôle et de sécurisation du versement de la prestation mais bien les conditions d'ouverture des droits. En cela, je considère qu'il n'entre pas dans le champ de la proposition de loi, tel que défini par le périmètre que nous avons adopté la semaine passée.
L'amendement n° 6 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 10 entend intégrer aux éléments permettant d'apprécier le train de vie les biens mobiliers et immobiliers détenus à l'étranger. Il se trouve que la rédaction codifiée que l'amendement prévoit de modifier comporte déjà ces éléments. Demande de retrait car satisfait.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Ce sont deux amendements de suppression de l'article. J'y suis favorable. Il s'agit de supprimer la possibilité d'habiliter des agents des organismes de sécurité sociale ou de l'inspection du travail à mener des enquêtes judiciaires. Nous avions transformé l'article en expérimentation pour bien marquer notre désaccord et le maintien uniquement à la demande de l'auteur de la proposition de loi.
La commission émet un avis favorable aux amendements nos 14 et 17 identiques.
Intitulé de la proposition de loi
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Je suis défavorable à la modification proposée. Il n'y a pas que des fraudes organisées, il y a également bien aussi des fraudes individuelles et il s'agit de lutter contre toutes les fraudes.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
TABLEAU DES AVIS
Proposition de loi visant à établir le droit de mourir dans la dignité - Examen des amendements au texte de la commission
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons les amendements de séance sur la proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité. Je rappelle que, la semaine dernière, notre commission n'avait pas adopté de texte.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Michelle Meunier, rapporteure. -L'amendement n° 2 vise à supprimer l'article 1er qui reconnaît le droit à l'aide active à mourir. Comme je suis favorable à cette reconnaissance, je ne peux que donner un avis défavorable, mais je doute que la commission me suivra...
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 7 vise à rendre obligatoire la consultation par le médecin référent d'un psychiatre dans l'examen d'une demande d'aide active à mourir. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'objet de l'amendement n° 5 est d'ajouter un troisième médecin dans l'examen d'une demande d'aide active à mourir. Avis défavorable : la procédure est déjà collégiale.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - La proposition de loi est suffisamment claire : elle permet à toute personne ayant formulé une demande d'aide active à mourir de révoquer sa demande, à tout moment et par tout moyen, sans aucune condition. Les précisions apportées par l'amendement n° 1 rectifié apparaissent ainsi superflues. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 3 vise à supprimer l'article 3. Avis défavorable.
M. René-Paul Savary. - Pourquoi déclarer qu'un décès consécutif à une aide active à mourir est une mort naturelle ? C'est une mort assistée !
Mme Catherine Deroche, présidente. - En effet.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - La qualification de mort naturelle est déterminante pour les garanties dont pourraient bénéficier les ayants droit de la personne, notamment au titre de contrats de prévoyance ou d'assurance décès. La législation belge prévoit une disposition analogue.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement n° 8 qui tend à préciser les moyens à développer sur le territoire pour la mise en oeuvre du droit à l'accès aux soins palliatifs.
M. René-Paul Savary. - Cet amendement est déjà satisfait par la loi Claeys-Leonetti, même si je reconnais que celle-ci est mal appliquée.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Justement, c'est pour cela que nous demandons un accès universel aux soins palliatifs dans les trois ans !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.
Articles additionnels après l'article 9
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 6 rectifié tend à préciser la contribution des centres hospitaliers et universitaires à la formation des professionnels de santé à la réalisation de l'aide active à mourir. Avis favorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6 rectifié.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement n° 9 rectifié dont l'objet est de demander un rapport au Gouvernement sur la formation des étudiants et des professionnels de santé à l'accompagnement de la fin de vie.
M. René-Paul Savary. - Prévoir une formation, n'est-ce pas du domaine réglementaire ?
Mme Catherine Deroche, présidente. - En effet, mais les demandes de rapport ont souvent pour objet de contourner les règles d'irrecevabilité !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9 rectifié.
TABLEAU DES AVIS
Audition de M. Alain Fischer, professeur d'immunologie pédiatrique et président du Conseil d'orientation sur la stratégie vaccinale
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous recevons maintenant M. Alain Fischer, professeur d'immunologie pédiatrique et président du conseil d'orientation sur la stratégie vaccinale, que je remercie d'avoir accepté notre invitation avec un faible préavis.
Je salue les commissaires qui assistent à cette réunion à distance. J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
Monsieur le professeur, vous étiez intervenu devant notre commission le 16 décembre dernier pour présenter le rôle et les missions de l'instance que vous présidez et préciser sa place parmi les différentes institutions chargées de gérer le dossier de la vaccination contre la covid-19.
Vous nous aviez alors exposé la stratégie vaccinale préconisée et les questions qui se posaient encore pour les décideurs publics. La campagne vaccinale a ensuite connu un démarrage plutôt poussif - un million de personnes vaccinées au Royaume-Uni, quelques centaines en France fin décembre - lié à des problèmes de logistique et à des difficultés d'approvisionnements. La stratégie elle-même a connu plusieurs évolutions, avec une redéfinition des publics prioritaires.
Sur la période récente, il semble que les doses rencontrent des difficultés à parvenir jusqu'aux patients et que la prudence affichée sur le vaccin AstraZeneca alimente la défiance d'une partie de l'opinion quand une autre partie, qui n'y a pas accès, l'attend désespérément ! Un quart des doses reçues ont été administrées et seul un soignant sur trois est vacciné. Près d'un tiers des Britanniques sont vaccinés, moins de 6 % des Français le sont.
Nous attendons tous beaucoup de cette campagne vaccinale qui fait entrevoir la perspective d'une vie sans le virus. Beaucoup de questions subsistent sur les vaccins en cours de développement, sur les variants, mais aussi sur la stratégie à adopter, le recours à des passeports immunitaires... Autant de questions qui m'ont conduite à vous demander de revenir ce matin.
M. Alain Fischer, coordonnateur de la stratégie vaccinale contre la pandémie de covid-19. - Je vous remercie de cette invitation. Vous avez évoqué un démarrage poussif par rapport au Royaume-Uni, ce qui est exact, mais je me permets de vous rappeler que le contexte de réception des vaccins n'est pas le même. En effet, la négociation et la réception des vaccins par la France s'effectue dans un cadre commun avec ses partenaires de l'Union européenne et les volumes qu'elle reçoit sont au prorata de sa population.
Au sein de l'UE, la France affiche le même rythme de vaccination que celui des autres pays qui lui sont comparables. Il y a bien sûr des nuances à apporter, sur lesquelles je reviendrai, notamment pour les personnes âgées. Le Royaume-Uni a certes commencé sa campagne vaccinale plus tôt et a adopté un circuit d'obtention des vaccins différent, mais ce succès apparent des Britanniques s'explique surtout par leur stratégie particulière, qui consiste à n'administrer qu'une seule dose de vaccin, avec le risque - semble-t-il assumé - de moins bien vacciner. Or les études ont démontré que pour les vaccins ARN et adénovirus, deux doses - espacées de 3 à 4 semaines pour les premiers et de 12 semaines pour les seconds - assuraient une protection optimale. Je me plais donc à penser que la stratégie européenne est la meilleure.
La France a choisi selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), compte tenu d'un nombre limité de doses, de vacciner d'abord les personnes les plus fragiles, dont l'hospitalisation aurait représenté le plus de risques. Priorité a donc été donnée dès janvier aux résidents d'établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) ; lorsque l'on connaît les difficultés logistiques liées à la conservation des vaccins ARN, alors seuls disponibles, il me semble que l'on peut saluer la prouesse de cette première campagne. Aujourd'hui, 85 % des résidents d'EHPAD sont vaccinés et 60 % d'entre eux ont eu les deux doses. Grâce à l'adhésion des populations concernées, les résultats sont déjà visibles, à travers une diminution importante des clusters en EHPAD.
Le second mouvement a été celui de la vaccination des professionnels de santé : les 2,3 millions de personnes concernées sont éligibles mais seuls 800 000 sont aujourd'hui vaccinés, en raison d'une problématique spécifique au vaccin AstraZeneca sur laquelle je reviendrai. Je signale simplement à ce stade qu'il est absolument fondamental que la couverture vaccinale des professionnels de santé soit infaillible, afin notamment d'éviter les contaminations nosocomiales. Si cet objectif tardait à être atteint, une obligation vaccinale pourrait alors être envisagée.
À partir du 18 janvier, la campagne vaccinale s'est ouverte à tous les personnes âgées de plus de 65 ans, soit 5 millions de personnes supplémentaires, dont 30 % ont reçu au moins une dose. L'efficacité du vaccin AstraZeneca ayant été depuis peu démontrée auprès des personnes âgées par l'exemple britannique, ce vaccin est aujourd'hui ouvert aux personnes âgées de 50 à 75 ans avec comorbidités, ce qui représente presque 5 millions de personnes.
La suite du programme dépend complètement des livraisons de vaccins. Le rythme de livraison hebdomadaire s'accélère de mois en mois : partant de 1 million en février, il passe à 2 millions en mars et devrait se situer entre 3,6 et 4,2 millions en avril, 4,5 millions en mai, 5 millions en juin et 6,5 millions en juillet.
Ces perspectives nous permettent d'entrevoir une vaccination généralisée à toutes les personnes âgées de plus de 65 ans sans restriction de comorbidités d'ici avril. D'ici la fin du mois de mai, l'essentiel des personnes vulnérables auront été vaccinées.
Le reste de la population pourra commencer à se faire vacciner en juin et tout le long de l'été, à condition de bien appréhender le sujet de l'adhésion des jeunes à la vaccination, qui reste assez délicat.
Le bilan actuel montre que 6 millions de personnes ont reçu au moins une dose en France, parmi lesquelles 2 millions de personnes ont reçu deux doses.
Au-delà de la poursuite du rythme de la campagne vaccinale, il faut travailler davantage la question des structures qui se chargent de son déploiement. Les centres de vaccination dédiés doivent voir leur nombre et leurs capacités augmenter. Par ailleurs, les circuits peuvent désormais se diversifier : depuis la semaine dernière, les médecins généralistes sont habilités à administrer le vaccin AstraZeneca. Pour nombre d'entre eux, cela représente une contrainte supplémentaire et seuls 40 000 s'y sont portés volontaires, ce qui est nettement insuffisant et pose un grave problème d'égalité territoriale d'accès au vaccin. Enfin, à partir de lundi prochain, il sera aussi possible d'être vacciné en pharmacie, ce que je considère comme un progrès certain.
J'en viens à présent aux polémiques injustes dont le vaccin AstraZeneca fait encore aujourd'hui l'objet. Les études cliniques menées par le laboratoire exploitant s'étaient limitées à des patients âgés de moins de 65 ans, ce qui avait conduit, dans un premier temps, la HAS à limiter son autorisation à ces seuls publics, considérant sagement que les connaissances étaient insuffisantes pour en étendre le bénéfice aux personnes âgées de plus de 65 ans. C'était indéniablement une difficulté. Fort heureusement, dans les 15 derniers jours, nous sont parvenues, d'Ecosse et de Grande-Bretagne qui n'avaient pas calqué leurs recommandations sur celles de la HAS, des données robustes nous démontrant que le vaccin AstraZeneca était aussi efficace que le vaccin Pfizer pour les personnes âgées de plus de 65 ans. Les recommandations de la HAS ont donc légitimement changé et il est aujourd'hui parfaitement démontré que les patients âgés bénéficiant d'un vaccin AstraZeneca ne sont pas exposés à des pertes de chances. Un important travail de pédagogie auprès des professionnels de santé qui dispensent ce vaccin reste à fournir à cet égard.
Ce vaccin présente un dernier problème, surtout constaté chez les personnes plus jeunes, notamment professionnels de santé : il peut donner un syndrome grippal dans les 48 heures de son administration, absolument bénin et qui peut se prévenir facilement avec du paracétamol.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie, il était en effet important de clarifier ce dernier point sur le vaccin AstraZeneca. Bien que je comprenne parfaitement votre mise au point initiale sur les différences stratégiques entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, je relève cependant que c'est à l'avance prise par le Royaume-Uni que nous devons les données actualisées sur l'AstraZeneca que vous venez d'évoquer.
M. Bernard Jomier. - J'ai pour ma part deux questions. D'abord, les données hospitalières semblent indiquer que de plus en plus de personnes de moins de 65 ans soient atteintes de formes sévères de la covid-19, voire soient admises en réanimation : la baisse de l'âge moyen des patients de réanimation ne serait donc pas qu'un effet de la diminution du nombre de patients âgés, mais également le produit d'une augmentation du nombre des patients plus jeunes. Or la stratégie vaccinale visait prioritairement les 14 à 15 millions de Français considérés comme vulnérables, dont les personnes âgées de moins de 65 ans ne faisaient pas partie. Ces chiffres modifient-il notre stratégie vaccinale et, surtout, notre capacité à protéger le système hospitalier de la vaccination ?
Ma deuxième question porte sur la vaccination des personnes atteintes de pathologies mentales sévères. La HAS, dans un avis du 2 mars dernier, a recommandé leur vaccination, sans retenir de critère d'âge. Or le ministre de la santé reste inexplicablement silencieux sur ce sujet : savez-vous si cet avis de la HAS sera bien appliqué ?
M. Alain Fischer. - Je confirme cette augmentation du nombre de personnes jeunes en réanimation. Elle s'explique par la réduction du nombre de personnes âgées, mais aussi par les effets du variant britannique, largement prédominant partout sur le territoire sauf en Moselle, à La Réunion et à Mayotte.
Ce variant n'est pas plus sévère, mais plus contagieux, et se trouve être la cause principale de la persistance de la maladie. Le virus initial s'estompe et ce variant prédomine. Cela ne doit pas forcément appeler à modifier la stratégie vaccinale, car l'âge - et les comorbidités pour les personnes plus jeunes - restent les principaux facteurs de fragilité. En revanche, cela nous oblige à une accélération de la campagne vaccinale. Comme je l'indiquais tout à l'heure, j'ai bon espoir que la vaccination atteigne pour les plus de 50 ans dès début avril, puis au courant du mois, celle de plus de 65 ans.
Concernant votre seconde question, notre conseil a la même recommandation que la HAS. Il faut que les personnes atteintes de pathologie mentale sévère soient vaccinées sans retenir de critère d'âge et il faut effectivement que le ministère communique officiellement à ce sujet.
Mme Florence Lassarade. - Quel est votre sentiment sur la façon dont les médecins sont traités dans la mise en oeuvre de cette stratégie vaccinale ? Certains ne disposent que d'un petit flacon par semaine et se voient contraints de ne convoquer leurs patients qu'au maximum deux jours à l'avance pour utiliser le flacon. Alors qu'ils ont commencé à bien organiser leur système de vaccination, on leur indique finalement qu'ils ne le pourront pas cette semaine. Or on constate des inégalités, sur le terrain, parmi les personnes de plus de 50 ans qui cherchent à se faire vacciner : certains mobilisent plusieurs portes d'entrée pour accéder à la vaccination, les plus débrouillards sollicitant des rendez-vous auprès de plusieurs centres de vaccination et leur médecin traitant, quand d'autres, qui n'arrivent pas à manier Internet, restent sur la touche.
Je m'interroge également sur la vaccination des jeunes par lesquels l'épidémie galope. Ne pensez-vous pas qu'il pourrait être envisagé de vacciner plus vite les étudiants ?
Mme Corinne Imbert. - J'aimerais revenir sur le démarrage poussif de notre campagne de vaccination par rapport au Royaume-Uni. Lors d'une audition au Sénat du groupe interparlementaire d'amitié entre la France et l'Allemagne, l'ambassadeur d'Allemagne en France a indiqué que chaque pays conserve la possibilité de commander des doses supplémentaires au-delà des achats groupés européens. La France, en misant sur le candidat vaccinal de Sanofi-Pasteur, aurait-elle renoncé à certaines commandes de vaccins ?
Mme Marie-Pierre Richer. - Je tiens à saluer tous les élus qui permettent la diffusion sur leurs territoires de la vaccination et qui, de façon proactive, l'ont proposée très tôt.
On commence à proposer le vaccin AstraZeneca à des personnes de plus de 80 ans qui contactent le numéro vert national. Pourtant, en préambule, vous avez indiqué que le vaccin AstraZeneca s'adressait aux personnes âgées jusqu'à 75 ans, tout en mentionnant une étude suggérant qu'il soit possible de l'étendre au-delà. Que doit-on entendre par personnes âgées ?
Mme Chantal Deseyne. - Quelle analyse faites-vous du problème de la sous-vaccination des professionnels de santé ? Les médecins seraient largement vaccinés, mais, plus on descend dans la chaîne de soins, plus la proportion de professionnels de santé vaccinés baisse, si bien que seulement 30 % d'entre eux seraient vaccinés. Quelle est votre position sur une éventuelle obligation vaccinale pour les professionnels de santé ?
M. Laurent Burgoa. - Depuis quelques semaines, le Gouvernement souhaite territorialiser sa politique vaccinale. Pour la vingtaine de départements où le taux d'incidence est élevé, peut-on envisager une adaptation de la campagne vaccinale afin d'éviter des mesures plus coercitives comme un confinement ?
M. Alain Fischer. - Les médecins peuvent vacciner depuis une huitaine de jours. Ils ont, pour 40 000 d'entre eux - médecins généralistes -, soit environ les deux tiers, commandé des vaccins. Parmi ceux de nos concitoyens qui ont un médecin traitant, un tiers a donc un médecin traitant qui ne vaccine pas aujourd'hui, c'est un problème qui j'espère se résoudra par une plus grande implication des médecins dans la vaccination et par le développement de la vaccination en pharmacie.
En effet, le nombre de flacons disponibles était initialement limité. Néanmoins, et c'est l'une des difficultés qui expliquent l'incompréhension et les maladresses de communication auxquelles on a assisté en début de semaine, il y avait lundi 400 000 doses du vaccin d'AstraZeneca qui se situaient quelque part entre les médecins et les pharmaciens et qui n'ont pas été utilisées alors qu'en principe elles auraient dû l'être. D'un côté, un certain nombre de médecins généralistes ont joué le jeu à fond : ils se sont engagés, ont passé commande et ont organisé leurs rendez-vous, mais se sont retrouvés transitoirement en difficulté, en l'absence de dose, pour vacciner. De l'autre, des médecins qui se sont pourtant engagés à vacciner n'ont pas vacciné beaucoup. En résulte une situation déséquilibrée avec, d'un côté, une accumulation de doses non utilisées, et, de l'autre, une frustration chez des médecins qui n'arrivent pas à vacciner.
Il faut toutefois relativiser : dès la fin de cette semaine, les médecins vont pouvoir recommander des doses. Mais l'engagement des médecins dans cette campagne doit aussi s'intensifier. La vaccination par les pharmaciens sera un complément utile avec, je l'espère, une bonne entente locale avec les médecins : les deux circuits de vaccination doivent pouvoir fonctionner de façon complémentaire.
La surveillance immédiatement après l'injection des personnes qui se voient administrer le vaccin d'AstraZeneca n'est pas nécessaire. Le risque de choc anaphylactique concerne les vaccins à ARN, il est infiniment plus faible pour le vaccin d'AstraZeneca. Il n'est donc pas nécessaire pour un médecin ou un pharmacien de maintenir à proximité la personne un quart d'heure après l'injection. C'est un élément de simplification de la vaccination.
Globalement, compte tenu des doses commandées et à venir, les médecins généralistes devraient disposer d'1,6 million de doses pour vacciner.
Si l'on décide de vacciner plus rapidement les étudiants, on vaccinera mécaniquement moins les personnes âgées et malades. Même si nous avons tous envie d'un retour à la normale aussi rapide que possible, il paraît décemment difficile de priver de vaccination des personnes présentant un risque accru d'hospitalisation. La France a fait le choix de privilégier les personnes fragiles, il semble délicat de remettre en question cette priorisation. Les étudiants devraient commencer à pouvoir être vaccinés à partir du mois de juin.
À ma connaissance, il n'est pas possible d'acheter des vaccins complémentaires en plus de ceux commandés via les achats groupés européens. Seuls quelques pays de l'Est s'y sont aventurés, comme la Hongrie et la Pologne qui ont commandé des doses du vaccin russe. La France, tout comme l'immense majorité des pays européens et l'Allemagne elle-même, joue le jeu de la commande européenne groupée de vaccins qui ont reçu l'autorisation de l'agence européenne du médicament. Rapporté au nombre d'habitants, le taux de vaccination de l'Allemagne est quasiment le même que celui de la France.
Il n'existe pas de limite d'âge pour l'administration du vaccin d'AstraZeneca. Il est donc tout à fait légitime de proposer ce vaccin à une personne de plus de 80 ans qui n'arrive pas à obtenir un rendez-vous dans un centre. Des études conduites en Écosse et en Angleterre démontrent un niveau d'efficacité de ce vaccin équivalent à celui de Pfizer.
Au 7 février, 34 % des professionnels de santé hors établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ont été vaccinés et cette proportion s'établit à 46 % pour les professionnels de santé en Ehpad. On assiste à un frémissement positif ces derniers jours dans le sens d'un rattrapage de la vaccination des professionnels de santé. Localement, les messages des différents ordres de professionnels de santé visant à inciter leurs collègues à se faire vacciner commencent à porter leurs fruits.
Selon moi, il reste encore de la place pour plus de pédagogie et de concertation avec tous les professionnels de santé afin de développer cette vaccination, en s'appuyant sur leurs collègues, notamment au travers de leurs ordres et syndicats, comme on l'a vu avec les infirmiers. Néanmoins, si ce travail s'avère insuffisant d'ici quinze jours, je pense que la notion d'obligation vaccinale se discute. Les professionnels de santé font déjà l'objet d'une obligation de vaccination contre l'hépatite B, il y a donc bien un précédent. Le sujet pourra être évoqué pour que les soignants se protègent eux-mêmes et entre eux, évitent au maximum les infections nosocomiales et se montrent exemplaires à l'égard de la population. L'obligation vaccinale est le dernier recours et vous auriez à en débattre.
La modulation de la vaccination en fonction de l'incidence de l'épidémie dans certains territoires peut s'envisager, sur le plan quantitatif comme qualitatif. À Dunkerque ou dans les Alpes-Maritimes, des doses supplémentaires ont ainsi été livrées, quand, en Moselle, le vaccin de Pfizer a été privilégié contre le variant sud-africain - dont on sait qu'il est plus problématique en termes d'échappement à l'immunité naturelle - prédominant sur ce territoire et dès lors que nous ne disposons pas de suffisamment d'informations sur l'efficacité du vaccin d'AstraZeneca contre ce variant. On peut donc concevoir une modulation de la délivrance des vaccins selon les spécificités de la circulation du virus dans le territoire. Il convient néanmoins de garder à l'esprit qu'il existe un délai d'acquisition de l'immunité - de 12 à 14 jours pour les vaccins à ARN et de 18 à 21 jours pour les vaccins à adénovirus - pour lequel la vaccination ne soulage pas la situation.
M. Dominique Théophile. - Je vous remercie pour ces informations utiles.
Je voudrais attirer l'attention sur la situation préoccupante outre-mer. Celle-ci est très hétérogène, tant par la hausse des cas en Guadeloupe ou les confinements à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie que par les réalités logistiques et les caractéristiques démographiques différentes de ces zones. Enfin, les chiffres de vaccination des personnes prioritaires sur ces territoires sont bien plus faibles que dans l'hexagone.
Dans quelle mesure la vaccination pourrait être accélérée dans ces territoires où la confiance est parfois une barrière supplémentaire et vraiment supérieure à d'autres ?
Mme Brigitte Micouleau. - Je voudrais d'abord me faire l'écho des médecins mécontents, que j'ai entendus récemment à Toulouse : après avoir passé des heures à prendre des rendez-vous, ils se sont vu refuser des vaccins et passent des heures à décaler les rendez-vous !
L'intérêt de la vaccination est avant tout d'atteindre l'immunité de groupe. Concernant l'obligation vaccinale et la vaccination des enfants, vous avez déclaré « c'est un mal transitoire pour un bien sur le long terme ». Vous l'avez dit en réponse à Chantal Deseyne, une obligation vaccinale est du domaine législatif. Mais avant d'envisager cela, il faudrait peut-être élaborer une stratégie pédagogique pour les rassurer et lever les doutes.
Mme Nadia Sollogoub. - Je vous remercie, professeur, pour ces informations. Si j'ai bien compris, la vaccination protège des formes graves mais nous n'avons pas de certitude concernant la possibilité de contracter la maladie ou de la propager. C'est pour cela que j'attendais avec impatience une campagne de communication grand public annoncée afin que les personnes vaccinées continuent à bien observer les gestes barrières pour que la campagne vaccinale ne s'accompagne pas d'une flambée de la propagation de la maladie.
Or j'ai vu hier un spot de la campagne de communication : on y voit une grand-mère contente de se faire vacciner et, juste après, ses petits-enfants se jettent dans ses bras puis tout le monde s'embrasse. En tout petit, il est écrit qu'il faut conserver les gestes barrières. Il m'a semblé que le film ne correspondait pas à la légende.. N'est-il pas maladroit de laisser penser que la vaccination permettra de se sauter dans les bras ?
Mme Catherine Deroche, présidente. - J'ai pensé la même chose !
M. Daniel Chasseing. - Les professionnels sont peu vaccinés. Leur réticence viendrait de la faible action du vaccin AstraZeneca sur les variants, notamment le variant sud-africain.
Par ailleurs, lors de vaccinations en maisons de santé, l'idéal est d'être en binôme avec une infirmière, pour la préparation et l'examen du malade - prise de la tension artérielle, surveillance, carnet de vaccination. Vous avez indiqué que pour AstraZeneca la surveillance n'était pas nécessaire. Nous avons interrogé la sécurité sociale, l'infirmière n'a pas le droit au remboursement. Dans ma maison de santé, des honoraires sont reversés à l'infirmière mais je regrette ce non remboursement.
M. Bernard Bonne. - Avez-vous le comparatif en pourcentage entre les différents pays cités, notamment l'Allemagne, l'Italie et Israël ?
Comment expliquez-vous les paroles du ministre de la santé qui prévoyait qu'avant la fin du mois de juillet ou le début du mois d'août 60 millions de personnes seraient vaccinées quand nous en sommes, après deux mois et demi de vaccination, à 6 millions : il reste donc 54 millions à faire en cinq mois.
Pourrait-on clarifier le calendrier réel et communiquer correctement sur la vaccination pour les personnes avec ou sans comorbidité. Aujourd'hui, on ne sait pas, on entend des choses différentes selon les jours.
Enfin, je trouve très ennuyeux de montrer du doigt les médecins. Nous avons reçu des plaintes de la part de syndicats de médecins nous expliquant les directives successives et parfois contradictoires qu'ils ont reçues en un mois. Il y a parfois des problèmes ridicules avec des interdictions d'aller d'un département à un autre... Ne mettons pas les médecins en difficulté, si nous voulons vacciner les 54 millions de personnes qu'il reste, aidons-les !
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je voudrais revenir également sur les 35 % de soignants vaccinés. Il faut le rappeler, mon collègue vient de le dire : ces campagnes de stigmatisation des professionnels de santé sont assez désagréables. Pour les soignants, il y a eu une sorte de « stop and go » sur leur vaccination ou, du moins, d'organisation de systèmes de rotation pour les vaccinations dans des services. Je connais un service de soins infirmiers à domicile qui a été désorganisé par l'absentéisme dû aux effets secondaires et qui désormais vaccine au goutte-à-goutte. Ces espacements de vaccination se font dans des services tendus en termes d'effectifs.
Je voudrais vérifier que j'ai bien compris votre propos. Beaucoup de soignants souhaitent avoir le choix avec le vaccin à ARN messager. Pas tant pour les effets secondaires que pour l'efficacité réputée faible sur les variants, notamment le variant sud-africain. Je voudrais vérifier qu'à Mayotte, à La Réunion et en Meurthe-et-Moselle, les vaccins proposés sont bien les vaccins à ARN messager. Pour aller plus loin : pourrait-on, pour les soignants, réserver les vaccins à ARN messager ?
M. Alain Fischer. - Concernant l'outre-mer, il y a en effet un vrai sujet, les chiffres de vaccination sont significativement moindres qu'ils ne le sont en métropole. Il y a des notions contradictoires : les populations sont plus jeunes, donc les personnes à vacciner en priorité sont moins nombreuses mais en proportion elles sont aussi moins vaccinées. Il y a des difficultés, de logistique notamment, même si des efforts sont faits pour que les vaccins arrivent. Il y a un problème qui a été évoqué qui est celui de confiance en la vaccination, infiniment plus prégnante outre-mer qu'en métropole - le conseil scientifique s'y est intéressé. Un gros effort de pédagogie doit être fait, plus encore dans ces territoires et cela prendra du temps ; les professionnels de santé doivent convaincre leur patientèle du bien-fondé de la vaccination. Pour La Réunion et Mayotte, les deux territoires avec une présence du variant sud-africain, le vaccin Pfizer-BioNTech est préconisé et, de fait, utilisé. La préoccupation est réelle pour ces territoires et il faut arriver à convaincre les populations de se faire vacciner.
Plusieurs d'entre vous sont revenus sur la problématique des médecins. Il n'y a aucune raison de les stigmatiser. Nous n'avons qu'une envie : les remercier et les encourager à participer à l'effort national de vaccination. Ils ont réclamé depuis longtemps et à juste titre à être associés à la campagne vaccinale. Ils le sont désormais grâce à la possibilité d'utiliser le vaccin AstraZeneca.
Il y a des contraintes liées au fait du mode de livraison des vaccins, non unidoses. Ce n'est pas comme la vaccination antigrippale, il faut organiser des séances de vaccination, mais qui mieux que les médecins pour connaître leur patientèle et savoir leurs malades prioritaires ? Il y a eu un cafouillage mais il y a encore beaucoup de doses à utiliser par les médecins. J'espère que les médecins qui ne sont pas encore engagés dans la campagne s'engageront, en complément des pharmaciens. Il y a eu des maladresses dans la communication du Gouvernement et les expressions de ce lundi, mais la priorité est d'associer les médecins. De manière juste, les médecins sont rémunérés pour cette pratique.
Sur la question de l'immunité de groupe, je ne suis pas sûr d'avoir compris une partie de votre question - vous évoquez les enfants. Vous faites sans doute référence aux obligations vaccinales pour les nourrissons, débattues il y a quelques années ; ce n'est pas le même sujet. Pour le moment, il n'est pas prévu de vacciner les enfants, même s'il n'est pas rigoureusement impossible que ce sujet arrive en fonction de la circulation du virus chez les enfants. Certains laboratoires font des essais à ce sujet pour tester l'efficacité et la sécurité des vaccins. Ce serait éventuellement envisageable si nécessaire à l'automne ou plus tard mais ce n'est absolument pas d'actualité.
Concernant la pédagogie, c'est en effet une priorité, avant d'envisager une quelconque obligation vaccinale. Cette stratégie pédagogique implique les professionnels de santé au contact des populations, les communications des agences régionales de santé, j'interviens chaque jour moi-même pour faire des exposés auprès des professionnels de santé des différentes régions et leur donner les informations dont je dispose sur les vaccins. C'est un effort collectif qu'il faut développer.
Concernant la transmission et la protection apportée à ce sujet par les vaccins. Si la réponse est positive, nous arriverons plus vite à l'immunité de groupe même s'il faudra vacciner tout le monde compte tenu de la contagiosité du variant britannique par exemple. Il y a quelques notions, non encore assez solides : les données de la vaccination en Israël laissent penser que le vaccin agit sur la transmission avec une réduction des formes dites asymptomatiques fondées sur les PCR. Nous suivons ce sujet de manière attentive, les données ne sont aujourd'hui pas consolidées.
Sur le sujet des gestes barrières et du spot télévisé : compte tenu du nombre de personnes vaccinées, il n'est pas envisageable de réduire les gestes barrières. Cependant, je pense que dans un cadre intrafamilial de personnes vaccinées, nous pourrions proposer des recommandations nouvelles : il s'agit de contextes précis et en fonction de la situation des gens. Vous critiquez le spot et le jugez maladroit, pouvant laisser penser aux personnes âgées qu'elles pourraient retrouver leurs enfants. Permettez-moi de ne pas être d'accord : pour une personne en Ehpad, c'est aujourd'hui une réalité possible. Une personne vaccinée peut quitter l'Ehpad et dans des conditions précises retrouver sa famille et ses petits-enfants. Ce n'est pas encore possible pour toutes les personnes âgées mais c'est une perspective pas si lointaine je pense. Ce spot tend vers une réalité à relativement court terme. Il est important de sensibiliser la population à l'importance de la vaccination, ce sera un enjeu majeur et je défends fortement ce spot - nous avons poussé pour qu'il soit diffusé rapidement.
Nous n'avons pas d'élément prouvant l'efficacité du vaccin AstraZeneca sur le variant sud-africain, mais les premières données dont nous disposons, issues notamment d'études sur des hamsters, semblent encourageantes.
Ainsi, c'est parce que nous ne disposons pas de suffisamment de données et non parce que nous avons des doutes sur l'efficacité de ce vaccin qu'il n'est pas utilisé dans les zones fortement touchées par le variant sud-africain comme la Moselle.
J'espère que la Haute Autorité de santé va réviser sa recommandation s'agissant du rôle des infirmières car il nous semble qu'elles devraient être autorisées à vacciner sans être nécessairement sous l'autorité d'un médecin.
L'exemple d'Israël est un cas très particulier du fait notamment de la taille de cet État. Entre 60 % et 70 % des Israéliens ont reçu une dose de vaccin et près de 50 % en ont reçu deux. Pour vacciner la même fraction de la population européenne, il nous aurait fallu un nombre de doses supérieur à la totalité des doses produites dans le monde à ce jour. Cela nous permet néanmoins d'avoir une confirmation en vie réelle de l'efficacité du vaccin Pfizer.
Les chiffres de la vaccination en Allemagne et en Italie sont assez proches des nôtres, même si nous avons vacciné davantage de personnes âgées.
L'objectif fixé par le ministre de la santé consistant à vacciner l'ensemble de la population d'ici à l'été ne me paraît pas irréaliste. Le nombre de personnes vaccinées chaque mois ne progresse pas de manière linéaire mais exponentielle.
Nous espérons pouvoir compter sur 5 millions de doses par semaine en juin et 6 millions en juillet. Si ces livraisons sont réalisées et si nous parvenons à obtenir l'adhésion de la population, en particulier des jeunes, nous devrions être en mesure de vacciner tous ceux qui le souhaitent d'ici l'été.
Le calendrier prévu consiste à assurer une première dose à toutes les personnes de plus de 75 ans et à 60 % voire 70 % des professionnels de santé avant la fin du mois de mars, puis à l'ensemble des personnes à risque avant la première moitié du mois d'avril. Je rappelle que l'objectif est d'ouvrir la vaccination sans restriction aux personnes de plus de 65 ans à partir de début avril, puis aux personnes de plus de 50 ans fin avril et enfin à l'ensemble de la population en mai ou juin.
Il est difficile de présenter un calendrier plus précis compte tenu de la nécessité d'augmenter le nombre et la capacité des centres de vaccination, ce qui suppose des recrutements, notamment d'étudiants.
Il ne faut évidemment pas stigmatiser les professionnels de santé, ce serait scandaleux. Il a effectivement été recommandé d'échelonner les vaccinations avec le produit AstraZeneca pour les professionnels d'un même service afin d'éviter que plusieurs personnes ne s'arrêtent en même temps du fait d'effets secondaires. Je rappelle toutefois que le paracétamol permet de réduire grandement les syndromes grippaux et d'éviter tout absentéisme. Encore une fois, sauf dans les zones où le variant sud-africain est particulièrement répandu, et pour les raisons que j'ai évoquées, il n'y a aucune raison de ne pas recourir au vaccin AstraZeneca, qui est parfaitement efficace, y compris sur le variant anglais.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Pourrez-vous nous faire un point sur les candidats vaccins actuellement en cours d'homologation ainsi que sur la recherche de traitements. Le variant anglais entraîne-t-il moins de symptômes gênants, comme on l'entend parfois ?
M. Alain Duffourg. - Il semble que la vaccination soit la solution à la pandémie que nous traversons. Pour autant, j'ai du mal à croire aux projections faites par le ministre de la Santé. Celles qu'a annoncées le Premier ministre me semblent plus plausibles, mais elles ne prévoient que 30 millions de personnes vaccinées d'ici l'été, ce qui sera encore insuffisant. Pourquoi la France ne s'est-elle pas procuré des vaccins supplémentaires en dehors des commandes organisées par l'Union européenne ?
Pourrons-nous réellement venir à bout de cette pandémie ou devrons-nous nous habituer à certaines mesures comme le port du masque ? Où en sont les recherches sur les traitements ?
Mme Viviane Malet. - Le variant sud-africain est très présent à La Réunion et à Mayotte. Vous avez évoqué le vaccin AstraZeneca, que savons-nous de l'efficacité des autres vaccins sur le variant sud-africain, qui est très présent à La Réunion et à Mayotte ? Est-il prévu d'ouvrir des centres de vaccination dans ces territoires, où la vaccination ne pourra pas se faire dans les cabinets médicaux ni dans les officines pour des raisons logistiques ? Pourront-ils bénéficier de doses supplémentaires ?
Mme Laurence Cohen. - L'élargissement de la possibilité de vacciner aux pharmaciens est une bonne chose, mais elle a conduit à bouleverser l'organisation du fait du manque de doses. Il y a des progrès à faire en matière de logistique.
Il ne faut pas jeter l'opprobre sur les personnels médicaux qui sont réticents à se faire vacciner. Je rappelle que pendant le pic de la pandémie, on a demandé à des soignants d'aller travailler même en étant malade de la covid-19.
L'obligation vaccinale ne me convainc pas, surtout quand on manque de doses. Il faut faire preuve de pédagogie. Plutôt qu'un passeport vaccinal, je plaide pour un passeport sanitaire permettant de prouver qu'on a été vacciné. À défaut de vaccination, l'accès à certains lieux publics, quand ils rouvriront, pourrait être conditionné à un test négatif.
Je suis surprise que les enseignants ne soient pas considérés comme prioritaires.
La communication doit être plus claire si on veut venir à bout de cette pandémie.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Il me semble qu'il faudrait prévoir une filière privilégiée de prise de rendez-vous pour les auxiliaires de vie et les infirmières qui interviennent à domicile.
Serait-il possible de disposer d'un tableau complet et actualisé de la vaccination, comme cela a été le cas en janvier ?
Il y a des disparités territoriales en ce qui concerne la vaccination mais également les tests. On a beaucoup plus testé dans le Pas-de-Calais, ce qui peut contribuer à expliquer la flambée de cas que nous constatons. Peut-on espérer à l'avenir une répartition plus claire et transparente ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - La situation continue de se dégrader dans le Pas-de-Calais. Le confinement le week-end qui s'ajoute au couvre-feu durant la semaine est particulièrement lourd pour les habitants de mon département. Il est donc nécessaire d'accélérer la vaccination dans ce territoire. L'ARS a contacté les élus en fin de journée vendredi dernier pour mettre à disposition 18 000 doses de vaccins. Il a fallu organiser en urgence la vaccination afin de ne pas perdre ces doses. Ne serait-il pas plus efficient de distribuer les vaccins au fil de l'eau aux médecins généralistes ? Je suis en colère et je m'associe pleinement aux propos du président des maires de mon département : on confine, on vaccine !
M. René-Paul Savary. - La territorialisation dans la distribution des doses est intéressante mais elle se fait au détriment d'autres territoires, ne l'oublions pas. Vous nous dites qu'il y a eu 8,5 administrations de doses pour 100 personnes mais dans mon département, la Marne, nous sommes à 5,7 à la date d'hier, comme dans les régions des Hauts-de-France et du Grand Est. Soyons donc attentifs à la répartition des doses.
Il faut faire attention aux directives envoyées, outre le contre-ordre adressé aux médecins. Une directive est partie dans les centres hospitaliers de vacciner plutôt la veille d'un jour de congé qu'un jour de travail. Ces directives mettent une mauvaise ambiance chez les professionnels et elles sont contre-productives. Mettons de côté les directives administratives pour laisser la place au bon sens du terrain.
Enfin, le recours au criblage plutôt qu'au séquençage n'est-il pas problématique pour assurer une bonne traçabilité des variants ?
M. Alain Fischer. - La vaccination est bien sûr un élément majeur pour sortir du tunnel, même si elle n'est pas le seul. Nous verrons bien combien de doses pourront être administrées d'ici cet été mais les commandes effectuées font que nous pourrons vacciner rapidement, pourvu que nos concitoyens en soient d'accord. Ce point reste une préoccupation car je vous rappelle que la réticence vaccinale concerne 30 % à 40 % de la population, avec une prédominance chez les jeunes générations.
Certains pays comme la Hongrie se procurent des vaccins ailleurs en parallèle des commandes groupées de l'Union mais je ne recommande pas de procéder ainsi, pour la sécurité de nos concitoyens. Les autres pays de l'Union européenne restent dans le cadre des commandes mutualisées et il faut avoir en tête qu'il y a une tension mondiale sur l'approvisionnement. À l'échelle mondiale, le nombre de doses administrées équivaut à 4 % de la population et il est à zéro dans certains pays. De façon étonnante certains pays aisés comme l'Australie et le Japon, n'ont pas commencé à vacciner. C'est également le cas de toute l'Afrique qui n'a pratiquement pas vacciné. Il y a des tensions sur les produits nécessaires à la fabrication et au conditionnement des vaccins, notamment sur les flacons et le verre. Il me semble donc compliqué de faire mieux dans les conditions actuelles.
Concernant le sujet de la transmission du virus, j'ai fort espoir que la vaccination prévienne la transmission, je n'ai pas dit l'inverse. Je fais preuve d'un optimisme prudent compte tenu des données aujourd'hui disponibles.
Sur les thérapeutiques, au-delà des médicaments tels que les corticoïdes et les anticoagulants qui permettent de diminuer la mortalité des cas graves, il y a potentiellement un intérêt à administrer des anticorps monoclonaux, qui agissent directement sur le virus. Pour faire effet, ils doivent toutefois être administrés assez tôt, ce qui laisse une fenêtre de tir assez étroite. C'est également le cas pour les interférons qui ont un effet à un stade précoce, en administration par voie respiratoire ou par injection.
Enfin, plusieurs molécules antivirales sont en cours de test à travers le monde mais aucune n'a été validée à ce jour. On peut espérer en voir émerger prochainement et mieux vaut que plusieurs d'entre elles présentent un intérêt thérapeutique car si nous n'en trouvons qu'une seule, le virus risque d'y être assez vite résistant.
Le vaccin de Pfizer garde probablement une assez bonne efficacité contre le variant sud-africain mais nous n'avons pas encore de données précises. Son utilisation est donc tout à fait justifiée. Il faut dire qu'à ce stade aucune étude n'a établi qu'il y avait une résistance au vaccin, quel qu'il soit, il faut donc être positif.
Pour répondre à Mme Cohen, il y a eu des maladresses mais je ne suis pas tout à fait d'accord sur le fait qu'on aurait bouleversé le programme de vaccination des médecins. Il y a encore des progrès faire. La livraison des vaccins d'AstraZeneca est très irrégulière. La reprise de la vaccination par les médecins devrait pouvoir se faire grâce aux livraisons de la semaine prochaine qui seront plus importantes.
Il ne faut pas jeter l'opprobre sur les professionnels de santé et il n'y a pas de contradiction entre le fait de les applaudir et de les inciter à se faire vacciner, cela fait partie de la même conscience professionnelle. On sait qu'il y a eu beaucoup d'infections nosocomiales, il y a des cas documentés de professionnels de santé qui ont contaminé leurs malades. Je crois en leur conscience professionnelle et j'espère que nous n'aurons pas besoin d'aller jusqu'à une obligation vaccinale.
Concernant le passeport sanitaire, les résidents d'Ehpad qui sont vaccinés sont déjà autorisés à sortir, c'est une première traduction de ce principe. Ensuite, pour l'accès à des lieux tels que les restaurants, la faisabilité est incertaine.
Si l'on effectue la vaccination de certaines professions en priorité on peut bien sûr penser aux enseignants mais il faudrait aussi penser au personnel de sécurité ou de nettoyage par exemple. Aujourd'hui les personnes à risque, dont les enseignants à risque, sont prioritaires et, par la suite, il faudra vacciner massivement mais l'approche par profession est compliquée et aucun pays n'a adopté ce mode de priorisation. Les auxiliaires de vie et aides à domicile sont tout à fait légitimes à se faire vacciner et s'il y a des difficultés, elles sont locales et il faut les faire remonter car on doit pouvoir les résoudre.
Le ministère de la santé devrait pouvoir vous fournir un tableau recensant toutes les informations telles que je les ai indiquées tout à l'heure, il n'y a pas de raison que vous n'ayez pas ces informations.
Concernant les inégalités de répartition, il n'y en a pas trop en principe car la répartition se fait en fonction du nombre de personnes éligibles, selon les critères définis, par région et par département. Les ARS font ensuite des adaptations pour résoudre d'éventuelles difficultés.
Je partage votre cri du coeur, Mme Apourceau-Poly, et je vous rejoins sur l'impératif de confiner et vacciner. Je ne suis pas certain que les vaccins venaient d'un fond de tiroir. Pour le vaccin de Pfizer, il n'est pas possible que les médecins l'administrent compte tenu de ses conditions de conservation. C'est pourquoi il n'est administré qu'en centres de vaccination et il faut poursuivre cette campagne, au moyen d'une grande mobilisation pour que les choses se passent au mieux.
Monsieur Savary, la territorialisation se serait faite au détriment d'autres territoires si elle avait été mise en place en janvier et en février mais aujourd'hui, compte tenu des volumes qui nous sont livrés, ce n'est pas le cas. Le nombre de doses qui nous arrivent nous donne une certaine marge de manoeuvre. Le taux de vaccinés à l'échelle du Grand Est est un peu supérieur à celui de la Marne, dont je n'avais pas le chiffre en particulier. Je suis d'accord avec vous sur les consignes et sur le fait qu'il faut laisser les acteurs de terrain s'organiser.
Le séquençage du virus intervient après le criblage, il faut procéder en deux temps. Le processus fonctionne bien maintenant et il permet à Santé Publique France d'avoir des données assez précises sur la circulation des variants.
S'agissant des perspectives sur les futurs vaccins disponibles, celui du laboratoire Janssen, autorisé aux États-Unis, devrait l'être très prochainement dans l'Union européenne. Le nombre de doses de ce vaccin qui nous seront livrées est encore flou car il devrait être livré en priorité au territoire nord-américain. Des négociations sont en cours. Ensuite, le vaccin de CureVac a pris un peu de retard et son utilisation est envisagée à compter du mois de juillet. C'est également le cas du vaccin de Novavax qui devrait être disponible au début de l'été.
Enfin, la variant britannique n'entraine pas, à ma connaissance, de symptômes différents de ceux que l'on connait. On sait qu'il est plus contagieux sans être plus sévère, ce qui contribue à accroitre la tension hospitalière.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Il était important que nous fassions un point d'étape sur la vaccination et nous vous remercions vivement pour le temps que vous avez consacré à notre commission.
Désignation de rapporteurs
Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, nous devons procéder à la nomination de rapporteurs.
La commission désigne M. Daniel Chasseing rapporteur de la proposition de loi (n° 34 rectifié, 2020-2021) d'expérimentation visant à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active
Le bureau de notre commission a décidé de mener un travail conjoint avec la commission des lois sur les mineurs non-accompagnés. Je vous propose de désigner nos collègues Laurent Burgoa et Xavier Iacovelli. Compte-tenu de l'ordre du jour chargé de la commission des lois, ce travail ne devrait commencer qu'à la reprise des travaux parlementaires après l'interruption d'avril.
La commission désigne MM. Laurent Burgoa et Xavier Iacovelli rapporteurs sur les mineurs non-accompagnés.
La réunion est close à 12 h 40.