- Mercredi 18 novembre 2020
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Action « Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives » (Mildeca) - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Santé » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2021 - Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion
Mercredi 18 novembre 2020
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » - Examen du rapport pour avis
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons ce matin quatre avis sur des missions du projet de loi de finances pour 2021. Nous commençons avec la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Je salue aussi les commissaires qui assistent à cette réunion à distance.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». - Je prends cette année la suite de notre ancien collègue Bruno Gilles afin de vous présenter les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Ces crédits s'élèveraient à plus de 2 milliards d'euros en 2021, soit une baisse d'un peu plus de 3 % par rapport à 2020.
La mission comprend trois programmes, dont l'importance en termes de volume budgétaire est très disparate.
Je commencerai par le programme 169, dédié au financement des pensions militaires d'invalidité et des droits connexes, de la retraite du combattant ainsi que des dispositifs en faveur des rapatriés d'Algérie et des descendants de harkis. Ces dispositifs de reconnaissance et de réparation représentent une dépense de près de 2 milliards d'euros, soit près de 95 % des crédits de la mission.
Il s'agit essentiellement de dépenses de guichet, qui évoluent donc avec le nombre de bénéficiaires de ces dispositifs. Or, le nombre d'anciens combattants connaît une baisse tendancielle à mesure que s'éteignent les générations qui ont connu la Seconde Guerre mondiale, la guerre d'Indochine et les conflits d'Afrique du Nord. En effet, 75 % des bénéficiaires de la retraite du combattant ont aujourd'hui plus de 75 ans et 83 % sont des anciens de la guerre d'Algérie ou des opérations d'Afrique du Nord.
Bien entendu, l'engagement de soldats français sur des théâtres d'opérations à travers le monde, qui est de plus en plus fréquent depuis la guerre du Golfe, crée une nouvelle génération d'anciens combattants. Les ordres de grandeur ne sont cependant pas les mêmes. En effet, pour 120 000 bénéficiaires de la carte du combattant qui décèdent chaque année, 12 000 soldats se voient accorder la carte du combattant au titre des opérations extérieures (OPEX).
En conséquence, les crédits du programme baisseraient de près de 80 millions d'euros. Cette programmation tient compte de l'assouplissement, prévu à l'article 54 du projet de loi, des conditions de majoration de la pension de réversion versée aux conjoints survivants d'un invalide de guerre. Cette mesure, que je soutiens, représente néanmoins un coût marginal puisqu'il s'élèverait à 1 million d'euros pour moins de 200 bénéficiaires.
La baisse des crédits dédiés à la reconnaissance et à la réparation est essentiellement liée à des facteurs démographiques, et en cela elle n'appelle pas d'observation spécifique de ma part. Toutefois, cette évolution pourrait permettre de répondre de manière favorable à certaines des demandes, parfois anciennes, du monde combattant.
Notamment, l'évolution du point d'indice des pensions militaires d'invalidité, qui conditionne le montant de nombreux dispositifs, a été inférieure à celle de l'inflation, du fait de son indexation sur le traitement des fonctionnaires. La ministre déléguée chargée des anciens combattants a annoncé la mise en place prochaine d'un groupe de travail afin de se pencher sur cette question.
Il me semble que la situation des conjoints survivants d'anciens combattants, qui sont souvent des femmes ayant peu travaillé, mérite une attention particulière. Par ailleurs, nous nous trouvons au début d'une transformation de la population des anciens combattants qui va s'accélérer au cours des années à venir. La plupart sont aujourd'hui des hommes âgés, qui ont servi en Algérie parfois contre leur gré et dans le cadre d'un service militaire dont la durée a pu atteindre 30 mois.
Ce qu'on appelle la quatrième génération du feu correspond à celle des opérations extérieures, les OPEX, dans lesquelles la France a engagé ses armées, essentiellement depuis le début des années 1990 et surtout depuis le début du XXIe siècle en Afghanistan et en Afrique. Il s'agit donc de soldats de métier, de moins en moins rarement des femmes, qui ont fait une carrière plus ou moins longue dans l'armée.
Leurs attentes ne sont pas les mêmes et l'action sociale en leur faveur consiste bien souvent davantage à accompagner leur reconversion dans le civil qu'à compléter une faible retraite ou à prendre en charge des blessures de guerre. L'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, l'ONACVG, a d'ailleurs engagé une évolution de ses actions pour tenir compte de l'évolution de ses ressortissants. Je note à ce sujet avec satisfaction que le budget de cet office est conforté en 2021 et que le maillage territorial permis par son réseau départemental n'est pas remis en cause.
Le programme 155 correspond aux crédits dédiés aux dispositifs de réparation en faveur des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations et d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale. Les personnes remplissant les conditions peuvent choisir entre une rente et le versement d'un capital. Là encore, le nombre de bénéficiaires continuera de baisser en 2021 pour une dépense d'environ 90 millions d'euros. Plusieurs nouvelles demandes continuent d'être adressées à la commission compétente chaque année.
Enfin, le programme 167 correspond aux crédits dédiés aux liens entre la Nation et son armée, et à la politique de mémoire.
Les crédits dédiés à la journée « Défense et citoyenneté » (JDC) progresseraient du fait de l'évolution du nombre de jeunes qui seront appelés en 2021, mais également pour permettre l'organisation des JDC qui n'ont pas pu être organisées cette année du fait de la crise sanitaire.
Il me semble que ce dispositif, tout comme les actions menées au sein des établissements scolaires ou encore le service militaire volontaire, sont sans doute plus que jamais nécessaires, compte tenu de la crise de la citoyenneté que nous connaissons et qui touche en premier lieu la jeunesse. Il me semble aussi que la JDC peut être l'occasion de déceler un certain nombre de situations de fragilité chez les jeunes. Je pense notamment, et cela me tient à coeur, aux jeunes aidants, qui passent parfois sous les radars de nos dispositifs sociaux.
L'an dernier, le budget dédié à la politique de mémoire avait été nettement réduit car une partie des actions avaient été financées par un prélèvement sur la trésorerie de l'ONACVG, dont l'excédent était particulièrement élevé pour un opérateur public. Le Gouvernement s'était engagé à rétablir les crédits correspondants dès l'exercice 2021. Il nous faut constater avec satisfaction qu'il a tenu parole. Les crédits dédiés à l'entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale progresseraient même de 3,5 millions d'euros.
En écho à ce que je disais tout à l'heure sur la quatrième génération du feu, il convient de noter que, parmi les célébrations mémorielles prévues en 2021 figurent l'anniversaire de l'inhumation du soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe et celui du serment de Koufra, mais également les 30 ans de la guerre du Golfe et les 20 ans de l'engagement des forces françaises en Afghanistan.
Au bénéfice de ces considérations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ainsi que de l'article 54 du PLF pour 2021.
M. Philippe Mouiller. - Les crédits de la mission baissent, mais cela n'est pas surprenant en raison de la baisse du nombre d'anciens combattants. On aurait toutefois pu saisir l'occasion pour engager certaines réformes, comme la revalorisation du point d'indice des pensions des anciens combattants. L'an dernier, déjà, le Gouvernement avait annoncé la création d'un groupe de travail... Je ne suis donc guère rassuré par les annonces de notre rapporteure. Ne pourrions-nous pas, à l'occasion de ce budget, transférer des crédits pour répondre à cette demande forte du monde combattant ? Une hausse de 2 points de l'indice coûterait 16 millions d'euros.
Le budget de l'ONACVG augmente, mais il avait baissé fortement l'an passé et nous avions exprimé notre inquiétude, notamment s'agissant des postes au sein des offices départementaux.
Nous sommes très favorables aux JDC. Mais faut-il s'attendre à une généralisation de ces journées à distance, qui coûtent moins cher, en raison de la crise sanitaire ? Quelle est l'articulation, enfin, entre les JDC et le service militaire volontaire (SMV) ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - La baisse des crédits peut se comprendre avec la baisse du nombre de bénéficiaires. Il aurait pourtant été pertinent de renforcer les actions en faveur du monde combattant, très frappé par la crise. Les anciens combattants sont souvent, en effet, des personnes âgées. À cause de l'épidémie, beaucoup ne peuvent plus participer aux commémorations. L'abaissement du seuil d'invalidité nécessaire à l'obtention de la majoration de la pension de réversion du conjoint survivant d'un invalide de guerre est une avancée ; elle concernera 197 bénéficiaires. Il faut aussi souligner la hausse des crédits consacrés à la mémoire pour financer l'aménagement ou la rénovation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale, comme le camp de concentration du Struthof en Alsace, ou au Maroc ou en Algérie.
Je regrette l'absence de revalorisation de la retraite du combattant, la dernière revalorisation remonte à 2017. L'extension de la demi-part fiscale aux veuves d'anciens combattants dont le défunt conjoint est décédé avant l'âge de 74 ans, entrera en vigueur le 1er janvier 2021. Toutefois, les veuves dont le mari est décédé avant 65 ans, donc avant d'avoir fait valoir son droit à la retraite du combattant, n'en bénéficieront pas. C'est pourquoi nous voterons contre les crédits de la mission.
Mme Pascale Gruny. - Le budget de cette mission baisse chaque année. Il est pourtant important de le préserver, car il permet de contribuer à entretenir la mémoire, notamment auprès de la jeunesse. Si l'on parvient à faire vivre le souvenir lorsque les enfants sont à l'école et sont emmenés aux cérémonies de commémoration, ce lien s'estompe avec le temps lorsqu'ils grandissent. Nous devons donc veiller à défendre la mémoire.
Il est important de soutenir l'ONACVG, qui aide les anciens combattants. Les soldats engagés dans des OPEX sont jeunes, ont une famille que nous devons aider lorsqu'ils partent.
Nous devons être très attentifs au devoir de mémoire et à l'entretien des monuments aux morts ou des sépultures. La réserve parlementaire nous permettait d'aider les communes. Malheureusement, ce n'est plus possible. Des moyens sont-ils prévus pour cela ?
Mme Victoire Jasmin. - Je voudrais insister sur l'accompagnement psychologique des anciens combattants et la prise en charge des psycho-traumatismes, parfois lourds de conséquences. Si les soldats sont pris en charge par une cellule de décompression à leur retour de mission, ils ne sont pas suivis dans la durée. Les blessés de guerre ne sont pas assez accompagnés non plus. La cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre manque de personnel, comme l'Institution nationale des Invalides. Il y a donc un vrai travail à faire pour aider ces personnes qui ont été blessées, qui sont parfois tétraplégiques ou invalides, qui n'ont pas toujours de famille.
Un mot aussi sur les pensions. Beaucoup d'ultramarins ont bravé les flots pour venir défendre la France. Mais leur situation n'est pas assez prise en compte. Je pourrais citer le cas d'un vétéran de 102 ans qui est resté longtemps isolé.
M. René-Paul Savary. - Rapporteur pour avis des crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions », je confirme que M. Mouiller a raison : la revalorisation de deux points de l'indice des pensions militaires coûterait 16 millions d'euros. Reste à savoir si l'on doit déposer un amendement sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ou sur le CAS « Pensions » qui dispose de réserves.
Mme Marie-Pierre Richer. - Certes le nombre d'anciens combattants diminue, mais la mission devrait aussi prendre en compte la problématique de l'illectronisme et de la formation au numérique. Ensuite, la question du fonds de prévoyance a été posée lors de nos auditions : que prévoit le texte à cet égard ?
Mme Brigitte Micouleau. - Comme tous les ans, je veux attirer l'attention sur la situation des supplétifs civils de droit commun durant la guerre d'Algérie. Ils ne sont plus que 25, mais leur statut n'est toujours pas réglé. Un geste symbolique à leur égard nous honorerait !
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - Beaucoup des questions que vous avez posées reviennent chaque année. Monsieur Mouiller, la revalorisation du point d'indice aurait dû intervenir l'an dernier, mais la covid est apparue depuis. J'espère qu'il y aura des avancées cette année.
L'an dernier, les crédits destinés à la politique de mémoire avaient baissé, s'établissant à 11 millions d'euros. Cette année, ils s'élèvent à nouveau à 18,5 millions.
Si les journées « Défense et citoyenneté » ont été organisées à distance en raison du confinement, j'espère que la situation sanitaire s'améliorera rapidement pour permettre leur accomplissement en présentiel en 2021. À la différence des JDC qui sont obligatoires, le service militaire volontaire est facultatif : 1 000 jeunes sont concernés et l'objectif est de passer à 1 200, ce qui a évidemment un coût.
Madame Apourceau-Poly, les crédits de la mission baissent de 3 %, mais le nombre d'anciens combattants baisse, lui, d'environ 5 ou 6 %. La stabilité prévaut, même si, effectivement, je comprends la tentation de réutiliser les économies réalisées au profit du monde combattant.
La demi-part fiscale a pour objet d'aider les anciens combattants, même si ce bénéfice est maintenu à leur veuve. Les crédits figurent d'ailleurs dans la première partie du projet de loi de finances, et non dans la mission. Lorsqu'une OPEX a lieu, les hommes partent en mission et laissent leurs femmes seules en France. Celles-ci, souvent, ne travaillent pas et n'auront donc qu'une petite retraite. Il est donc important de maintenir ce dispositif, même si l'aide fiscale ne bénéficie qu'à ceux qui paient des impôts.
Madame Gruny, les crédits destinés à la mémoire et aux liens avec la Nation progresseront de 32 %. L'ONACVG participe activement, au même titre que d'autres associations comme le Souvenir Français, à l'entretien des monuments aux morts et des sépultures. La subvention versée par l'État à ce titre augmenterait de 3,5 millions d'euros en 2021.
Il appartient au ministère des Armées d'accompagner les soldats de retour d'OPEX, même si je note que l'ONACVG joue un rôle croissant en la matière. Mais quelqu'un qui revient d'OPEX se sent toujours combattant, et non ancien combattant. Il faudrait sans doute revoir certaines formulations pour employer plutôt le terme de « combattant », de façon à viser explicitement tout le monde. Les associations y sont d'ailleurs favorables. On peut ainsi avoir la carte de combattant à 20 ans, mais peu le savent !
Mme Victoire Jasmin. - Qui s'occupe des anciens combattants victimes de traumatismes psychologiques ? Les anciens combattants font l'objet d'un accompagnement psychologique immédiatement après leur retour, mais ils ne sont plus accompagnés au-delà, alors que les séquelles psychologiques peuvent demeurer. On manque de personnels pour les aider.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - Un suivi psychologique était assuré pour les militaires. Nous réinterrogerons le Gouvernement sur ce point. Si les séquelles sont lourdes, avec une invalidité par exemple, c'est la sécurité sociale qui prend le relais.
La hausse du point d'indice PMI coûterait probablement plus que 16 millions d'euros, car plusieurs prestations sont indexées dessus. Il me semble difficile de prélever cette somme sur les crédits de la politique de la mémoire qui est dotée de 38 millions d'euros.
M. René-Paul Savary. - C'est pourquoi je propose d'amender le CAS « Pensions ». Il y a des marges.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - Pourquoi pas, mais je rappelle que nous ne pouvons pas transférer des crédits d'une mission à une autre. Attention à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul, en tout cas. Enfin, le fonds de prévoyance ne figure pas dans le budget de l'État. Je ne suis pas certaine que la difficulté soulevée lors de nos auditions est si importante que cela.
M. Patrick Boré. - Faut-il avoir la nationalité française pour bénéficier de la carte de combattant ? Je pense en particulier aux légionnaires, très sollicités lors des OPEX.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - Je vérifierai.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ainsi qu'à celle de l'article 54 qui lui est rattaché.
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Action « Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives » (Mildeca) - Examen du rapport pour avis
Mme Brigitte Micouleau, rapporteure pour avis de l'action « Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives ». - La Mildeca, dont il me revient de vous présenter les crédits, est chargée d'assurer auprès du Premier ministre la coordination des politiques publiques en matière de lutte contre les addictions, avec ou sans substances. L'examen de ce budget est l'occasion, pour notre commission, de faire un point sur la question des addictions dans notre pays. La crise sanitaire est source de stress intense et de mal-être pour l'ensemble de la population. Les enquêtes montrent néanmoins des impacts différenciés sur les consommations de produits addictifs.
La crise n'a pas fondamentalement bouleversé les habitudes de consommation de drogues des Français, mais des points d'attention sont à relever. Une part non négligeable de la population a augmenté son niveau de consommation durant le confinement du printemps : ces hausses concernent un quart des fumeurs de tabac et de cannabis et un dixième des consommateurs d'alcool, l'absence de cadre de travail ayant conduit à des usages plus nombreux et plus précoces dans la journée. Certains usagers de cannabis ont pris conscience de leur dépendance à l'occasion de ce confinement strict, faute de pouvoir s'approvisionner aussi aisément qu'à leur habitude. Le temps passé devant les écrans augmente quant à lui significativement en période de confinement.
Notons aussi que ce premier confinement a fragilisé les usagers les plus précaires. Les centres de soins ou de prise en charge des addictions ont maintenu tant bien que mal leur activité ; ils se sont saisis de l'outil de la téléconsultation, mais ont également continué à assurer une présence, notamment pour délivrer du matériel de réduction des risques et des dommages ainsi que des traitements de substitutions aux opiacés. Déplorons que ces structures n'aient pas été immédiatement identifiées comme prioritaires pour la délivrance de matériel de protection (masque, gel, etc). Les modalités du confinement actuel permettent aux personnes dépendantes prises en charge dans ces structures de bénéficier de rendez-vous en présentiel, ce qui est évidemment plus favorable.
Avec la crise sanitaire et économique à laquelle est confronté notre pays, les pouvoirs publics doivent être vigilants face au risque accru d'addiction, caractérisée, rappelons-le, par une perte de contrôle.
J'en viens maintenant à un tableau plus large des addictions en France.
Les addictions à très forte prévalence, c'est-à-dire celles qui concernent les usages de tabac et d'alcool, ont depuis plusieurs décennies tendance à diminuer. Rappelons ainsi qu'un Français consommait en moyenne 26 litres d'alcool pur annuellement au début des années 1960, un chiffre qui a été divisé par deux au début des années 2000 et qui continue à diminuer depuis. Pourtant, l'action des pouvoirs publics pour endiguer les consommations d'alcool semble en deçà des enjeux que représente encore ce fléau, responsable de plus de 40 000 morts par an en France. On estime que 30 à 40 % des crimes et délits sont commis sous l'influence de l'alcool, qui favorise les violences intrafamiliales. L'alcool est en outre la substance psychoactive la plus précocement et fréquemment utilisée chez les 18-24 ans. Les repères de consommation à moindre risque demeurent malheureusement profondément méconnus de nos concitoyens.
La structure de la consommation d'alcool est en pleine mutation, avec le passage de la consommation de vin à chaque repas, lié à une forte propension à « tenir l'alcool « et au rejet de l'ivresse, à une consommation à l'anglo-saxonne, avec des alcoolisations ponctuelles importantes dans la jeune génération. La phase aiguë d'alcoolisation nécessite une prise en charge somatique spécifique assurée aux urgences relevant parfois de soins intensifs en réanimation lorsqu'il s'agit de comas éthyliques. L'écart de consommation entre garçons et filles tend par ailleurs à décroître.
Si les résultats sont encourageants s'agissant de la guerre contre le tabac, la vigilance reste de mise : 75 000 décès sont encore attribuables au tabac chaque année et environ un tiers des Français continuent à fumer, dont 25 quotidiennement. Enfin, malgré six années de baisses consécutives de la consommation de tabac, la trajectoire de 2019 s'avère un peu moins bonne que celle de 2018.
Les tendances baissières des consommations d'alcool et de tabac engendrent un phénomène pernicieux que nous a exposé, lors d'une audition, le Pr Jean-Michel Delile, psychiatre et addictologue. Au fur et à mesure de la diminution de la consommation en population générale, les usages résiduels deviennent le fait de populations à risques. Ainsi, la chute du nombre de fumeurs de tabac a été socialement très marquée. Les traditionnelles campagnes d'informations destinées au grand public perdent donc de leur efficacité. Notre système de soins devra s'y adapter, notamment en améliorant le repérage précoce des usagers.
Du côté des drogues illicites, depuis le 1er septembre, l'usage de stupéfiants est puni d'une amende forfaitaire délictuelle de 200 euros. Cette mesure répressive, qui vise les consommateurs de cannabis, ne s'accompagne malheureusement pas des mesures d'information et de prévention indispensables pour faire prendre conscience des dangers de la consommation de cannabis avant l'âge de 20 ans. Les troubles de la mémoire, les maladies psychiques, les chutes du quotient intellectuel repérés chez les jeunes consommateurs de cannabis tranchent avec l'image positive, voire naturelle ou thérapeutique, du produit. En outre, cette mesure visera en premier lieu les publics les plus précaires, contraints de consommer dans l'espace public.
Autre motif d'inquiétude, la prévalence de l'usage de cocaïne ne cesse de s'accroître sous toutes ses voies d'administration. L'extension du crack, médiatisé depuis quelques années seulement, s'est en réalité déroulée à bas bruit depuis une quinzaine d'années et touche de plus en plus de personnes socialement insérées.
Les surdoses mortelles demeurent toutefois principalement liées à la consommation d'héroïne dont les usages restent globalement stables. Des projets de salles de consommation à moindre risque sont en cours d'élaboration à Marseille, Lyon et Bordeaux et j'espère qu'ils aboutiront d'ici octobre 2021, date limite pour ouvrir une nouvelle structure dans le cadre de l'expérimentation actuelle. Rappelons que seules deux salles de consommation à moindre risque existent en France, l'une à Paris et l'autre à Strasbourg, ce qui paraît notoirement insuffisant eu égard aux besoins recensés. L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) remettra en 2021 son évaluation de l'expérimentation et il nous faudra, en tant que législateur, pérenniser l'ouverture de ces salles, indispensables à la réduction des risques et des dommages.
Si on relève une augmentation du nombre d'hospitalisations liées à des intoxications, les conditions restreintes de prescriptions et la moindre puissance de l'industrie pharmaceutiques nous protègent d'une crise des opioïdes telle qu'a pu la connaître le continent nord-américain. La vigilance reste de mise, et l'Observatoire français des médicaments antalgiques assure une veille indispensable.
Les acteurs de terrain nous alertent enfin sur la vive augmentation du nombre de personnes s'adonnant à des jeux d'argent en ligne. Les paris sportifs ou le poker en ligne cumulent deux critères particulièrement addictifs : d'une part les écrans et d'autre part les paris d'argents.
Le budget de la Mildeca, de 16,7 millions d'euros, diminue pour la treizième année consécutive, pour atteindre seulement la moitié de ce qu'il était en 2009. La nouvelle baisse annuelle de 2,4 % peut néanmoins être partiellement justifiée par la dissolution du Centre interministériel de formation anti-drogue (Cifad) en février 2020. Située à Fort-de-France, cette structure assurait la coopération relative à la lutte contre le trafic de drogues dans les Antilles, la Guyane et la Caraïbe ; sa mission a été transférée au nouvel Office anti-stupéfiant (Ofast), rattaché au ministère de l'intérieur. Le président de la Mildeca était en total accord avec cette réforme, le Cifad rencontrant d'importantes difficultés organisationnelles. Plus de la moitié des crédits, soit 8,6 millions d'euros, sont destinés à son dispositif territorial, 2,6 millions sont alloués à l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), 2,1 millions à sa masse salariale, le reste du budget étant réparti à parts égales entre la mise en oeuvre du plan 2018-2022, la recherche et l'action internationale.
Second opérateur de la Mildeca, l'OFDT voit sa subvention pour charges de service public stagner à hauteur de 2,6 millions d'euros. En application de la loi Pacte et de l'ordonnance du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard, les missions de l'Observatoire des jeux ont été transférées à l'OFDT le 1er juillet dernier. Celui-ci rencontre des difficultés pour réaliser les enquêtes en cours et celles prévues l'année prochaine du fait de la crise sanitaire.
Pour 2021, la Mildeca bénéficie en outre d'un dixième du montant du fonds de concours « drogues », soit environ 2 millions d'euros.
Le budget très restreint de la Mildeca est heureusement couplé aux 115 millions du fonds de lutte contre les addictions de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). La Mildeca est représentée au sein du comité restreint de ce fonds, qui prépare les décisions ministérielles, mais aussi au sein du comité d'orientation stratégique, chargé de proposer chaque année les priorités de financement et de suivre l'exécution du fonds.
Je vous propose donc d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » du projet de loi de finances pour 2021.
Mme Laurence Cohen. - Je remercie Brigitte Micouleau pour son rapport. J'ai assisté à un certain nombre d'auditions qui étaient extrêmement intéressantes. Les addictions sont multiples, et elles nécessitent des politiques de prévention, d'accompagnement et éventuellement de sanction.
Depuis treize ans, les crédits de la Mildeca sont en baisse continue, et les projets mis en chantier sont à l'image de ces moyens. Même couplé au fonds de l'assurance maladie, le budget est minime, ce que je regrette. Parallèlement, on connaît l'état de la psychiatrie en France : il est difficile d'assurer le suivi psychologique et psychiatrique des patients souffrant d'addictions.
La pandémie a entraîné une coupure du lien social, notamment en raison du télétravail. Les personnes prises dans un tourbillon d'addictions devaient faire bonne figure devant leurs collègues ; le télétravail supprime cette obligation, ce qui peut les pousser plus avant encore vers leurs pratiques addictives. Ce phénomène a été aggravé par l'augmentation du nombre de déprimes et de dépressions constatées durant ce deuxième confinement. Quid du suivi de ces personnes ? Je n'ai pas l'impression que la crise ait été prise en considération.
Notre groupe ne sera donc pas favorable à l'adoption des crédits de la Mildeca.
Mme Michelle Meunier. - À mon tour de remercier la rapporteure qui a travaillé dans des conditions délicates. Elle a su trouver des éléments positifs dans cette mission dans laquelle on ne parle que de stagnation et de baisses des crédits...
Le spécialiste des addictions dans le milieu professionnel GAE Conseil a montré, sur la base d'un sondage mené en avril 2020, que les pratiques addictives liées à la consommation de médicaments et de psychotropes avaient augmenté durant le premier confinement en raison de l'anxiété et du stress.
Il est paradoxal de baisser les crédits alors que nous connaissons une crise sanitaire. La Mildeca ne va-t-elle pas connaître le même sort que la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) ? Chantal Deseyne, notre précédente rapporteure pour avis, dénonçait déjà l'année dernière une dispersion et une dilution des crédits.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne votera pas cette baisse des crédits de la Mildeca.
Mme Frédérique Puissat. - Je remercie Brigitte Micouleau pour son rapport.
Quel est le lien entre la lutte contre les conduites addictives et le rôle des maires et des relais communaux ? La Mildeca et l'Association des maires de France ont rédigé un guide qui tend à faire du maire un acteur majeur dans la lutte contre la prévention des pratiques addictives. Néanmoins, j'ai été maire pendant 20 ans et je n'ai jamais sollicité la Mildeca. Il est peut-être temps de réinventer la gouvernance, car la meilleure manière de préserver une institution est de la rendre pertinente aux yeux des élus, afin que ceux-ci en prennent la défense.
Mme Victoire Jasmin. - La mission d'information sur le trafic de stupéfiants en provenance de Guyane, dont le rapporteur était notre ancien collègue Antoine Karam, a récemment rendu son rapport.
Les Antilles et la Guyane sont des plaques tournantes de la drogue, en raison de leur proximité avec l'Amérique du sud. Il faut mettre davantage l'accent sur la prévention car de nombreux jeunes en Guyane deviennent des « mules », le transport de drogue étant une activité fort lucrative.
M. René-Paul Savary. - Nous sommes ici un certain nombre à penser que le tabac à chauffer peut permettre d'éviter les effets cancérigènes du tabac. Les 75 000 morts sont la conséquence de l'excès de substances cancérigènes, et non de l'accoutumance. Or le fait de chauffer à 250 degrés, et non de brûler, le tabac réduit de 90 % - c'est largement prouvé - les substances cancérigènes. Quelle est la position de la Mildeca sur ce sujet ? Je prépare un amendement au projet de loi de finances pour modifier la fiscalité du tabac à chauffer.
M. Jean Sol. - Je m'interroge sur l'usage récréatif du protoxyde d'azote chez les jeunes, qui semble être en recrudescence en ces temps de crise sanitaire, sociale et économique, avec, à la clé, des séquelles neurologiques et cardiaques. En décembre 2019, le Sénat avait voté à l'unanimité une proposition de loi tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Mme Jocelyne Guidez. - Dans les outre-mer, 45 % des jeunes sont sans emploi, ce qui les conduit à se tourner vers l'alcool et les substances addictives. Il est pour eux plus facile de trouver de la drogue que de l'emploi.
Mme Annick Jacquemet. - Le budget de la Mildeca diminue depuis treize ans, et on semble accepter les 45 000 morts de l'alcool et les 75 000 morts du tabac par an. Je suis interpellée par la différence entre les crédits de cette mission et ceux affectés à la lutte contre le covid, qui a fait 40 000 morts, même si je sais que l'alcool et le tabac permettent de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'État.
Les vétérinaires doivent mettre sous clé un médicament analgésique nommé Imalgene, qui est de la kétamine, une substance utilisée par les jeunes pour se droguer. Auriez-vous des chiffres sur l'usage de cette drogue chez les jeunes ?
Mme Florence Lassarade. - Je remercie Brigitte Micouleau. Bien que ce soit le mois sans tabac, nous n'avons aucune visibilité sur les actions qui sont menées, en raison du covid.
Je suis intervenue dans une maternité auprès de jeunes femmes enceintes qui fument du cannabis. Comment articuler les actions de la Mildeca et celles de la PMI ? Des actions sont menées en direction des professionnels de santé, mais pas du grand public.
M. Olivier Henno. - Je remercie la rapporteure de son excellent travail. Nous sommes tous d'accord pour constater le manque de moyens de la psychiatrie aujourd'hui, notamment pour lutter contre les addictions. Les addictions aux jeux et aux écrans sont très peu prises en compte alors même qu'elles provoquent des drames familiaux, des suicides et une marginalisation par rapport aux réalités de la vie.
Mme Brigitte Micouleau, rapporteure pour avis. - Madame Cohen, le budget très limité de la Mildeca sert à expérimenter des dispositifs ensuite généralisés à l'ensemble du territoire grâce au fonds de la CNAM.
Pour l'instant, le confinement n'a pas fait augmenter de manière significative la consommation de drogues, mais la solitude et l'absence de vie sociale liées au télétravail et au confinement sont un motif de vigilance. Pour le cannabis, par exemple, on constate que la consommation des usagers quotidiens a augmenté, mais que celle des usagers hebdomadaires ou mensuels a baissé.
Madame Meunier, face au stress et à l'angoisse liés à la crise sanitaire, il faut distinguer l'augmentation des usages de substances addictives - tabac, alcool, cannabis - des traitements médicamenteux prescrits par le médecin. Les consultations chez les psychologues ont été maintenues lors de ce deuxième confinement.
Madame Puissat, les relais locaux de la Mildeca sont les directeurs de cabinet des préfets, qui ont malheureusement de nombreuses missions à mener et sont diversement impliqués dans la lutte contre les addictions. En Haute-Garonne, une association a déposé un dossier auprès du directeur de cabinet du préfet le 6 mars dernier ; pour l'instant, elle n'a obtenu aucune réponse !
Monsieur Savary, je ne connais pas la position de la Mildeca sur le tabac chauffé. Je vous propose d'envoyer votre amendement à son président.
Monsieur Sol, la proposition de loi sur le protoxyde d'azote n'a pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, ce qui est regrettable. Gérald Darmanin a récemment fait part de sa volonté d'interdire la vente de ces cartouches, mais il existe des difficultés juridiques. Les jeunes pris en flagrant délit doivent payer des amendes forfaitaires.
Madame Annick Jacquemet, la consommation de kétamine est en augmentation en France. Cette substance est consommée dans des soirées privées, et non plus seulement dans les espaces dédiés à la fête.
Monsieur Henno, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ne reconnaît que les addictions aux jeux vidéo. Des semaines sans écran sont organisées au sein des écoles. L'addiction aux jeux - je pense notamment au poker en ligne - et aux écrans pose de graves problèmes dans les familles.
Madame Lassarade, il n'y a pas de lien direct entre la Mildeca et les PMI. Le mois sans tabac est organisé selon des modalités compatibles avec le nouveau confinement auquel nous sommes confrontés, donc forcément un peu dégradées. Les traitements de substitution nicotiniques ont connu une forte augmentation durant la première partie de l'année 2020.
Mme Véronique Guillotin. - S'agissant de la consommation de psychotropes en France, pourquoi avons-nous dans notre pays une réponse aussi « médicamenteuse » au moindre mal-être ? Ce sujet ne tourne pas qu'autour de la prévention ; il faut aussi s'interroger sur la formation médicale. Certains professionnels se tournent plutôt vers les thérapies comportementales.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » du projet de loi de finances pour 2021.
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Santé » - Examen du rapport pour avis
Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure pour avis de la mission « Santé ». - Au regard d'une progression annoncée de ses crédits supérieure à 17 % pour 2021, nous étions en droit d'espérer sinon une renaissance, du moins un renouveau stratégique de la mission « Santé ». D'autant que la crise sanitaire a mis en lumière le caractère pleinement régalien des politiques de sécurité sanitaire : une réaffirmation des moyens budgétaires de l'État dans ce domaine aurait ainsi eu du sens. Mais ne nous leurrons pas, les augmentations de crédits affichées sont loin d'être à la hauteur des espoirs que nous aurions pu nourrir.
Le programme 204 affiche la progression la plus significative, de 29 % pour 2021. Cette augmentation des moyens du programme est néanmoins essentiellement imputable à la majoration de la dotation de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna et au financement d'un plan d'investissement en sa faveur d'un montant de 45 millions d'euros. L'État ne fait en réalité là qu'assumer enfin ses responsabilités à l'égard de l'agence de santé de ce territoire ultramarin dont les moyens étaient chroniquement sous-budgétisés.
Un peu moins de 4 millions d'euros supplémentaires sont également consacrés aux actions juridiques et contentieuses, pour un montant total supérieur à 57 millions d'euros qui comprend notamment la dotation versée par l'État à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam).
À cet égard, un désaccord persiste entre l'État et le laboratoire Sanofi sur leurs responsabilités respectives à l'égard des victimes de la Dépakine®. Sanofi maintient qu'il a porté à la connaissance des autorités sanitaires dès le début des années 1980 les informations nécessaires sur les risques de malformations associés à la Dépakine® et continue donc de contester systématiquement devant la justice les notifications créances que lui adresse l'État.
L'éparpillement des crédits de sécurité sanitaire et de prévention inscrits sur le programme 204 et l'attrition de la part du financement des agences sanitaires privent ce programme de toute cohérence stratégique et continuent de poser la question de son maintien.
La commission s'était opposée l'an dernier au transfert intégral du financement de Santé publique France vers l'assurance maladie, alors que l'agence exerce, pour le compte de l'État, des missions d'importance vitale pour la nation en matière de sécurité sanitaire. Nous l'avons bien vu avec la question des masques au début de la crise liée à la covid-19. Alors qu'il captait près de 48 % des crédits du programme 204 en 2014, le financement des opérateurs sanitaires en représente désormais moins du quart. Le programme ne contribue désormais plus qu'au financement de deux agences sanitaires : l'institut national du cancer (INCa) et l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).
Le financement par l'assurance maladie autorise, par ailleurs, le Gouvernement à fixer le montant des dotations des opérateurs sanitaires par arrêté, sans possibilité pour le législateur d'en prendre connaissance lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La veille et la sécurité sanitaires constituant des missions régaliennes, je plaide pour le « rapatriement » sur le budget de l'État des crédits non seulement de Santé publique France, mais également de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui exerce des missions de police sanitaire au nom de l'État, et de l'école des hautes études en santé publique (EHESP).
Ma dernière observation sur le programme 204 concerne les moyens des comités de protection de personnes (CPP), qui n'augmenteront pas en 2021 alors même qu'ils ont été soumis à une charge de travail intense pour accompagner l'effort de recherche clinique déployé pendant la crise sanitaire. En dépit des promesses du ministère fin 2018, 34 CPP sur 39 fonctionnent toujours avec seulement un équivalent temps plein (ETP), ce qui continue de poser des problèmes pour l'instruction des projets de recherche pendant la période estivale.
J'en viens au programme 183 qui porte les crédits de l'aide médicale de l'État (AME). Alors qu'on nous promettait une maîtrise de la dépense pour 2019, le nombre de bénéficiaires a connu un rebond de 5 % à la fin de l'année dernière. Le confinement et la déprogrammation des soins non urgents devraient mécaniquement conduire à une moindre dépense d'AME en 2020, mais celle-ci rebondira logiquement en 2021. Le Gouvernement prévoit ainsi une augmentation du coût total de l'AME, intégrant l'AME de droit commun et l'AME de soins urgents, supérieure à 15 % pour s'établir en 2021 à plus de 1 milliard d'euros, un niveau qu'elle n'avait encore jamais franchi.
Les fondamentaux de la dépense d'AME restent préoccupants. L'AME de droit commun continue de couvrir majoritairement des prestations hospitalières à hauteur de 66 % en 2019, contre seulement 34 % pour les soins de ville. Le recours des bénéficiaires aux soins de prévention demeure donc limité.
En outre, la dette de l'État à l'égard de l'assurance maladie au titre de l'AME de droit commun s'établit, en 2019, à 15 millions d'euros. S'ajoute à cela une dépense d'AME de soins urgents de 66 millions d'euros en 2019, qui reste de 26 millions d'euros supérieure à la contribution forfaitaire consentie par l'État, conduisant l'assurance maladie à prendre en charge le différentiel pour les hôpitaux.
Dans ces conditions, je plaide pour que l'intégralité de la dépense d'AME de soins urgents soit compensée par l'État dès lors qu'elle correspond à la prise en charge de frais de santé de personnes qui ne relèvent pas du régime général de la sécurité sociale.
L'an dernier, un rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales sur la gestion de l'AME faisait état de détournements du dispositif et de la permanence de risques de fraudes et d'abus. Elle évoquait ainsi des cas caractérisés de tourisme médical et constatait une prévalence des naissances dans le cadre du dispositif des soins urgents et vitaux en 2018 suggérant une venue sur le territoire pour une prise en charge obstétricale.
À ces détournements s'ajoutent des fraudes et abus que les contrôles exercés par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), certes renforcés, peinent encore à endiguer : je pense, par exemple, aux fraudes à l'AME pour l'acquisition de produits psychotropes ou stupéfiants, ou à la problématique des multi-hébergeurs.
Face à ce constat préoccupant, les mesures introduites par le Gouvernement fin 2019 pour prévenir les risques de détournement du dispositif seront à mon sens insuffisantes. Elles comprennent le renforcement de la condition de résidence en situation irrégulière, le conditionnement de la prise en charge de certaines prestations programmées et non urgentes à un délai d'ancienneté dans le dispositif et l'obligation de comparution physique en CPAM pour le dépôt du dossier de demande d'AME pour les primo-bénéficiaires. Ces conditions ont dû néanmoins être aménagées ou suspendues pendant la crise sanitaire.
Afin de réunir les conditions d'une maîtrise durable de la dépense d'AME, je vous proposerai en conséquence d'adopter un amendement visant à recentrer le panier de soins de l'AME sur les soins urgents, d'une part, et sur les soins de prévention, d'autre part. Les soins pris en charge par cette nouvelle aide médicale dite de « santé publique » incluraient ainsi : la prophylaxie et le traitement des maladies graves et les soins urgents, alignant de ce fait le périmètre des soins pris en charge sur ceux couverts par le dispositif équivalent en Allemagne et dans de nombreux autres pays européens ; les soins liés à la grossesse et à ses suites ; un ensemble de soins de prévention comprenant les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.
Je suis, en outre, opposée à la réintroduction d'un droit de timbre pour l'accès à l'AME, qui pénaliserait l'accès aux soins de personnes dont la situation financière reste précaire. En contrepartie du recentrage du panier de soins de l'AME, je souhaite en effet lever les obstacles au recours aux soins, notamment de prévention.
Dans un souci de maximisation de l'accès des personnes en situation irrégulière aux soins et à la prévention, je vous propose ainsi de créer, au sein de la mission « Santé », un nouveau programme dédié au financement d'actions conduites par l'État, l'assurance maladie et les associations, notamment dans le cadre de maraudes, d'équipes mobiles de prévention ou encore de barnums de dépistage, destinés à aller à la rencontre des personnes en situation irrégulière, afin de leur proposer des examens et de les sensibiliser sur la nécessité de solliciter le dispositif de l'aide médicale de santé publique pour bénéficier d'examens complémentaires de prévention. Ce nouveau programme serait financé à hauteur de 10 millions d'euros, issus d'une partie des économies susceptibles de découler de la redéfinition du panier de soins de la nouvelle aide médicale de santé publique.
Mes propositions entendent répondre à une réalité que j'ai moi-même pu mesurer sur le terrain, en tant que médecin : le dispositif de l'AME tend à être dénaturé par la persistance de comportements frauduleux, au détriment de personnes qui n'ont pas accès aux soins faute de connaître leurs droits ou par crainte de se faire connaître de l'administration. Cette situation qui nous invite au pragmatisme : combattre la fraude de façon déterminée tout en maximisant l'accès aux soins des plus vulnérables.
Telles sont mes observations sur la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2021. Sous réserve de l'adoption des amendements que je vous soumets, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la mission.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je félicite la rapporteure pour son rapport. Sur la question de l'AME, elle a su, grâce à son expérience de médecin et sa connaissance du territoire de la Seine-Saint-Denis, trouver un équilibre. L'AME est un sujet difficile : ses crédits augmentent, car le nombre de personnes éligibles s'accroît, mais il faut rappeler que ce dispositif est transitoire. Soit les personnes sont accueillies sur notre territoire et basculent dans un régime de droit commun, soit elles doivent être reconduites à la frontière.
Mme Laurence Cohen. - Je remercie Annie Delmont-Koropoulis pour son rapport. La pandémie n'a eu qu'une faible incidence sur les crédits alloués à la mission, ce que je déplore. Le rapport évoque le transfert de Santé publique France à l'assurance maladie : il aurait fallu mobiliser les crédits de l'État.
Les crédits ne sont pas au rendez-vous. L'Oniam ne bénéficie pas de crédits supplémentaires, alors qu'il joue un rôle très important. Il en va de même par l'INCa. Le confinement a pourtant entraîné des retards de traitement en oncologie, avec des reports de chirurgies et de chimiothérapies.
S'agissant de l'AME, la rapporteure a trouvé une solution que nous n'approuvons pas. L'an dernier, nous nous étions opposés au durcissement des conditions d'accès à cette aide. Nous avions dénoncé une réforme contreproductive, injuste et inefficace. J'ai noté l'importance du volet prévention, mais nous ne sommes pas d'accord avec la notion de panier de soins, qui est une fausse bonne idée.
Nous voterons donc contre les crédits de la mission « Santé ».
Mme Florence Lassarade. - Comme médecin libéral, le panier de soins ne me convient pas. Lorsqu'un bénéficiaire de l'AME prend rendez-vous, nous ne connaissons pas la nature du problème médical qui justifie sa demande de consultation.
Mme Colette Mélot. - Je remercie la rapporteure pour son exposé. Le périmètre de la mission est limité puisque l'essentiel des mesures relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les propositions sur l'AME sont pragmatiques et équilibrées. Quant aux crédits du programme 204, ils sont en augmentation de 29 % en 2021.
Je voudrais attirer l'attention sur deux sujets : les ruptures de stocks des vaccins antigrippaux nous rappellent l'urgence du renforcement de nos politiques de prévention ; un retard de diagnostic de cancers a été observé pendant le premier confinement.
Mon groupe votera les crédits de la mission.
M. Jean Sol. - Je m'associe aux félicitations adressées à la rapporteure pour la qualité de son rapport. Je souscris à sa proposition sur l'AME.
Je suis consterné par la stagnation des moyens des CPP, alors même que ceux-ci ont été soumis à une intense charge de travail pour accompagner l'effort de recherche clinique déployé pendant la crise. Mme Buzyn s'était fortement engagée sur cette question, et il est regrettable que ses promesses n'aient pas été tenues : 34 CPP sur 39 ne fonctionnent qu'avec un ETP, ce qui va être un handicap pour poursuivre le travail engagé, notamment par le Sénat.
Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure pour avis. - Madame Cohen, en ce qui concerne le programme 204, on peut se féliciter que le Sénat ait introduit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 le principe d'une compensation à l'euro près par l'État du transfert de Santé publique France à l'assurance maladie.
Nous regrettons que les crédits de l'INCa diminuent très légèrement. Nous pourrons entendre les représentants de l'INCa afin de savoir si les moyens sont réunis pour une future stratégie décennale de lutte contre le cancer.
Le recentrage du panier de soins s'articule autour de trois volets de prise en charge.
Le premier couvre toutes les situations susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital du patient ou de dégrader durablement son état de santé : ce sont les « maladies graves et les soins urgents ». Cela suppose de prendre en charge les affections aiguës, comme une appendicite, des fractures, des blessures graves. Seront également pris en charge la prévention et le traitement de pathologies graves : maladies infectieuses graves, maladies chroniques comme les cancers, l'insuffisance rénale et le diabète. Le deuxième concerne les soins liés à la grossesse et à la maternité.
Le troisième couvre les soins de prévention en garantissant l'accès aux vaccinations réglementaires et aux examens de prévention. Le dispositif des examens de prévention en santé mis en oeuvre par les 85 centres d'examen de santé pourrait être mobilisé pour permettre l'accès des bénéficiaires à l'aide médicale de santé publique, afin de bénéficier de consultations et d'examens adaptés à l'âge et aux facteurs de risque. Les examens de prévention en santé permettent de bénéficier de consultations en lien avec les problèmes d'addiction, de santé sexuelle, de troubles cardiovasculaires, de dépistage du cancer et de troubles psychologiques.
Madame Lassarade, la consultation facturée par un médecin sera payée par l'assurance maladie si le patient a une carte d'AME. Le médecin n'est pas le flic de service ! Nous avons, vous et moi, régulièrement fait des consultations gratuites. Si l'on a réduit le panier de soins, c'est pour limiter les fraudes des réseaux mafieux, qui utilisent les cartes d'AME de personnes qu'ils ont fait venir sur le sol français pour obtenir, via des consultations médicales, des ordonnances de médicaments onéreux, de psychotropes, de Subutex®, d'hormones de croissance, d'insuline, etc. Cette fraude se chiffre en dizaines de millions d'euros. Cette mesure fait partie des « fermetures de robinet » indispensables pour que nous puissions aider plutôt ceux qui ne vont pas vers le soin alors même qu'ils en ont besoin.
Madame Mélot, le confinement a donné lieu à des chutes dramatiques des vaccinations réglementaires. Il faut être vigilant sur l'hésitation vaccinale. L'adhésion de la population aux vaccins contre le covid-19 est un véritable enjeu. Il faut que le Gouvernement rassure les Français, et soit transparent sur les effets secondaires et les risques.
Monsieur Sol, un article additionnel a été intégré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 pour créer une contribution additionnelle sur le chiffre d'affaires des industries pharmaceutiques afin de dégager des moyens supplémentaires pour les CPP. Le montant devrait être de 3 millions d'euros.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 33
Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure pour avis. - Dans un souci de maximisation de l'accès aux soins et à la prévention des bénéficiaires de l'aide médicale de santé publique, je vous propose un amendement qui crée, au sein de la mission « Santé », un programme dédié au financement d'actions conduites par l'État, l'assurance maladie et les associations, notamment dans le cadre de démarches d' « aller vers », telles que des maraudes, des bus de prévention ou encore des barnums de dépistage, pour aller à la rencontre des personnes en situation irrégulière, leur proposer des examens et les sensibiliser à la nécessité de solliciter le dispositif de l'aide médicale de santé publique pour bénéficier d'examens complémentaires de prévention. Le montant alloué à ce programme est de 10 millions d'euros.
Cet amendement est adopté.
Article additionnel après l'article 65
Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure pour avis. - Mon amendement prévoit de remplacer l'AME de droit commun par une aide médicale dite de « santé publique » recentrée.
La prise en charge comprendrait : le traitement des maladies graves et les soins urgents, couvrant l'ensemble des situations susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital de la personne ou d'affecter durablement son état de santé ; les soins liés à la grossesse et ses suites ; un ensemble de soins de prévention comprenant les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.
Cet amendement maintient enfin les apports de la réforme introduite par le Gouvernement en loi de finances pour 2020 : clarification de la condition de résidence, obligation de comparution physique et, pour les soins non vitaux, délai d'ancienneté dans le dispositif et accord préalable de l'équipe de soins.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Le premier amendement est-il gagé sur le second ?
Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteur pour avis. - Pour le premier amendement, il est prévu de transférer 10 millions d'euros du programme 183 vers ce nouveau programme.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2020, sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Examen du rapport pour avis
M. Jean Sol, rapporteur pour avis de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Les crédits de paiement de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s'élèvent à 26,1 milliards d'euros pour 2021, en légère baisse de 0,5 % par rapport aux crédits initialement ouverts pour 2020. Cette baisse intervient après de fortes hausses, de 21,6 % entre 2018 et 2019, et de 10 % entre 2019 et 2020.
En tenant compte de l'ouverture de crédits supplémentaires par les trois lois de finances rectificatives et par le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020, le total des crédits ouverts pour cette année a cependant été porté de 26,3 à 29 milliards d'euros.
Environ 80 % des crédits de la mission servent à financer deux prestations sociales : l'allocation aux adultes handicapés (AAH), portée par le programme « Handicap et dépendance » à hauteur de 11,1 milliards d'euros, et la prime d'activité, dont les crédits s'élèvent à 9,7 milliards d'euros au sein du programme « Inclusion sociale et protection des personnes ».
Après des revalorisations exceptionnelles de ces deux prestations en 2018 et 2019, entraînant notamment une forte croissance des dépenses au titre de la prime d'activité, leur montée en charge a été ralentie en 2020 par des sous-revalorisations, et semble s'interrompre en 2021.
En particulier, la crise économique et sociale consécutive à la crise sanitaire devrait avoir un impact négatif sur la prime d'activité, d'où la baisse de 1,7 % des crédits demandés à ce titre. Il s'agirait du premier reflux des dépenses au titre de cette prestation depuis sa mise en place en 2016.
Ce reflux intervient, paradoxalement, à l'heure où la situation du pays semble appeler un effort soutenu en matière de cohésion sociale et de lutte contre les inégalités.
Cette situation n'est pas entièrement imputable à la crise que nous traversons actuellement. Selon les données définitives de l'Insee, les inégalités de niveau de vie ont nettement augmenté en 2018 : l'indice de Gini est passé de 0,289 en 2017 à 0,298 en 2018. Le taux de pauvreté, qui s'établit à 14,8 % en 2018, s'est accru de 0,7 point sur un an.
Or, la crise sanitaire et ses conséquences économiques soulèvent des enjeux majeurs en termes d'inégalités sociales, ainsi que me l'a parfaitement exposé la déléguée interministérielle à la lutte contre la pauvreté, Marine Jeantet.
Premièrement, on peut constater que l'exposition au risque de contamination ainsi que le risque de développer des formes graves de la covid-19 sont inégalement répartis dans la population.
Deuxièmement, le confinement de la population a rendu plus criantes certaines inégalités existantes : l'inégalité des conditions de logement, les inégalités de genre, la fragilité des personnes isolées - à plus forte raison des personnes âgées ou handicapées -, les disparités entre milieu rural et milieu urbain, les inégalités scolaires, ou encore la fracture numérique.
Troisièmement, la crise économique et sociale qui résulte de cette crise sanitaire impacte davantage les personnes les plus précaires et elle risque de précipiter de nouvelles catégories de population dans la pauvreté.
Si la revalorisation de 90 euros du bonus de la prime d'activité au niveau du SMIC, décidée en décembre 2018 à la suite de la crise des gilets jaunes, a fait baisser de 0,5 point le taux de pauvreté monétaire en 2019, et même de 0,9 point pour les familles monoparentales, les effets positifs de la prime en matière de lutte contre la pauvreté seront altérés par la montée du chômage. Cette prestation présente en effet un caractère procyclique qui ne lui permet pas de jouer un rôle d'amortisseur en temps de crise.
Quant à l'AAH, après avoir été portée au 1er novembre 2019 à un niveau inédit depuis trente ans par rapport au seuil de pauvreté, elle sera indexée en 2021 sur un taux d'inflation faible. Il conviendra de veiller à ce que de prochaines mesures d'économies n'amorcent pas un nouveau décrochage pour le pouvoir d'achat des allocataires après cette année neutre. À cet égard, j'ai noté avec satisfaction que l'AAH ne serait pas intégrée dans le futur revenu universel d'activité (RUA) - si tant est que celui-ci voie le jour.
En 2020, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » a permis de financer des dispositifs exceptionnels visant à pallier les conséquences sociales des décisions prises pour faire face à l'épidémie de covid-19.
Une aide exceptionnelle de solidarité (AES) a ainsi été versée par les caisses d'allocations familiales (CAF) le 15 mai, d'une part, aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et d'autres minima sociaux, d'un montant de 150 euros complétés de 100 euros par enfant à charge, et, d'autre part, aux foyers bénéficiaires d'une aide personnalisée au logement (APL), pour un montant de 100 euros par enfant à charge. Les CAF ont également versé, fin juin, une aide exceptionnelle de 200 euros aux jeunes de moins de 25 ans percevant les APL, à l'exclusion des étudiants. Le Premier ministre a annoncé en octobre qu'une nouvelle AES serait versée le 27 novembre à l'ensemble des publics visés par les aides du printemps. Ces mesures représentent au total un coût de 2 milliards d'euros.
Par ailleurs, le Gouvernement a pris par ordonnance des mesures visant à sécuriser les droits des bénéficiaires de l'AAH pendant l'état d'urgence sanitaire, notamment en prolongeant automatiquement les décisions d'attribution de l'AAH arrivées à échéance pendant cette période. Compte tenu des conditions sociales du confinement, puis du déconfinement, le Gouvernement a également été amené à déclencher deux plans d'urgence en matière d'aide alimentaire d'un montant total de 94 millions d'euros.
Alors qu'une nouvelle période de confinement a débuté le 30 octobre, le relatif retour à la normale envisagé par les crédits de la mission pour 2021 apparaît en décalage avec la période exceptionnelle que traverse le pays sur le plan social. Sans doute faut-il s'attendre à ce que le Gouvernement reconduise en 2021 la méthode consistant à réviser plusieurs fois le budget en cours d'année pour répondre aux situations d'urgence.
De même, le plan de relance n'intervient dans le périmètre de la mission qu'à hauteur de 57,5 millions d'euros pour 2021, consacrés notamment à un soutien exceptionnel en faveur des associations de lutte contre la précarité ; celles-ci recevront au total 100 millions d'euros sur deux ans.
Le Premier ministre a cependant annoncé, le 24 octobre, une série de mesures visant à prévenir « la bascule dans la pauvreté » des personnes les plus précaires et présentées comme un « acte II » de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Parmi ces mesures, plus ou moins nouvelles, qui sont au croisement de plusieurs missions budgétaires et s'échelonnent entre 2020 et 2022, figure le lancement en janvier 2021 du service public de l'insertion, désormais dénommé « service public de l'insertion et de l'emploi » (SPIE), dans trente départements.
Par ailleurs, nous devrions suivre avec attention le projet d'expérimentation d'une recentralisation du RSA dans certains départements, notamment la Seine-Saint-Denis, après les recentralisations déjà réalisées dans trois collectivités d'outre-mer - la Guyane, La Réunion et Mayotte. Bien que les départements ne soient pas unanimes sur cette question, cette mesure permettrait aux départements les plus affectés par la situation sociale de bénéficier, sur la base du volontariat, d'un soulagement financier qui leur redonnerait des marges pour agir.
En revanche, malgré le ralentissement des entrées de mineurs non accompagnés (MNA) sur le territoire, un engagement plus fort de l'État reste attendu par les départements. Bien que la contribution exceptionnelle aux dépenses d'aide sociale à l'enfance (ASE) soit une nouvelle fois reconduite, son mode de calcul conduit à la contraction d'année en année de son montant. De plus, un arrêté du 23 octobre 2020 conditionne désormais la majeure partie de la participation forfaitaire de l'État aux frais liés à l'évaluation de la majorité et à la mise à l'abri des jeunes à la signature par le président du conseil départemental d'une convention avec le préfet. Je vous proposerai donc un amendement visant à rétablir à son niveau de 2020 la participation de l'État à la prise en charge des MNA, qui baisse de 42 millions d'euros dans le présent PLF.
Certaines actions connaissent toutefois une progression qu'il faut saluer, même si leur poids budgétaire est modeste en valeur absolue.
En 2021, l'enveloppe inscrite au titre du dispositif d'emploi accompagné s'élève à 15 millions d'euros, contre 10 millions d'euros en loi de finances pour 2020. Avec les 15 millions d'euros prévus dans le cadre du plan de relance, qui seront versés aux agences régionales de santé (ARS) sur deux ans, les crédits demandés pour 2021 au titre de l'emploi accompagné s'élèvent à 22,5 millions d'euros. L'assouplissement prévu par la troisième loi de finances rectificative pour 2020, qui a ouvert au service public de l'emploi la possibilité de prescrire un dispositif d'emploi accompagné, va également dans le bon sens et devrait permettre d'augmenter le taux d'emploi du public visé. Il en va de même de l'expérimentation actuelle d'un rapprochement de Pôle emploi et des Cap emploi.
Cet effort inédit en faveur de ce dispositif d'emploi accompagné, qui s'adresse aux travailleurs handicapés ayant besoin d'un accompagnement médico-social pour s'insérer durablement sur le marché du travail, doit être salué. Néanmoins, je m'interroge sur l'inscription dans la mission « Plan de relance » de crédits qui, compte tenu des caractéristiques du public concerné et de la nature des contrats conclus dans ce cadre, auront probablement vocation à être pérennisés.
Au titre du programme « Égalité entre les femmes et les hommes », la prise de conscience de l'ampleur des violences conjugales pendant la période de confinement a créé un choc favorable à une hausse substantielle des crédits consacrés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, concrétisant ainsi certains des engagements du Grenelle contre les violences conjugales. Au total, les crédits de paiement du programme progressent ainsi de 37,5 % pour atteindre 41,5 millions d'euros.
Quant au parcours de sortie de la prostitution, il semble commencer à trouver sa place, avec des crédits maintenus à leur niveau de 2020 et un nombre de bénéficiaires en augmentation progressive, même si cela reste, du point de vue de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), « un tout petit sujet ».
Enfin, l'exercice 2021 devrait voir le début de la mise en oeuvre, à travers un processus de contractualisation entre l'État et les départements, de la stratégie de prévention et de protection de l'enfance 2020-2022. Il convient de souligner que des crédits nouveaux, à hauteur de 115 millions d'euros, sont inscrits dans le projet de loi de finances à cette fin.
Les deux articles rattachés à la mission, insérés par l'Assemblée nationale, n'appellent pas de commentaire particulier. L'article 68 aligne les conditions d'attribution de l'AAH à Mayotte avec les règles en vigueur dans l'hexagone. L'article 69 formule une demande de rapport concernant les MNA.
À l'issue de cet examen, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la mission ainsi qu'aux articles rattachés.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je donne d'abord la parole à Philippe Mouiller, qui était notre précédent rapporteur pour avis sur cette mission.
M. Philippe Mouiller. - Merci pour cette intervention très claire et très précise, notamment sur l'évolution de cette mission. La crise sanitaire aura des incidences sur les revenus, et donc sur la prime d'activité. L'AAH est liée aux revenus de l'ensemble de la famille. Quel sera l'impact de la diminution potentielle des revenus sur l'évolution de l'AAH ? Le Gouvernement a fait machine arrière dans son projet d'intégrer l'AAH dans le RUA : je m'en réjouis comme vous. Quel sera le devenir de l'AAH au sein de la mission ? Ne sera-t-elle pas transférée prochainement à la branche autonomie de la Sécurité sociale ? Il est bien difficile d'en donner une définition, puisqu'on hésite entre un minimum social et la compensation du handicap - mais il y a aussi une prestation de compensation du handicap. De la définition retenue dépend la décision d'intégrer, ou non, les revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH. Les minima sociaux, par définition, prennent en compte l'ensemble des revenus de la famille. Mais s'il s'agit d'une compensation du handicap, l'individualisation de l'allocation s'impose. Avez-vous senti vos interlocuteurs motivés sur le transfert de l'AAH à la branche autonomie ?
Je salue le niveau des crédits affectés à l'emploi accompagné, qui est une dimension essentielle de la politique de l'emploi des travailleurs handicapés. Encore faudra-t-il suivre l'évolution de ces crédits dans la durée.
Considérez-vous les montants consacrés à l'aide alimentaire comme suffisants, au regard de la crise sanitaire que nous vivons ?
On ne peut qu'être critique sur les crédits alloués aux mineurs isolés, en décalage complet avec la réalité que nous vivons dans tous les départements. Cela nous renvoie au débat, plus général, de la compensation du reste à charge pour les départements.
J'ai le sentiment, en vous écoutant, que la stratégie du Gouvernement pour lutter contre la pauvreté est toujours axée sur les mêmes orientations, les mêmes lignes, avec les mêmes projets. Ne pensez-vous pas que la situation que nous vivons, dont l'impact social risque d'être fort en 2021, nécessiterait une évolution, voire une remise à plat, du plan pauvreté, qui date d'une période qui était beaucoup plus propice à la prise en charge des situations difficiles ?
Mme Laurence Cohen. - Comme tous les rapports qui nous ont été présentés ce matin, celui-ci est d'une grande qualité. Pour autant, je ne partage pas ses conclusions, même si je trouve pertinentes plusieurs des critiques qu'il formule.
Ce budget ne semble pas être réellement impacté par la crise que nous vivons. Il n'est absolument pas à la hauteur ! Pourtant, la situation est particulièrement préoccupante. Les banques alimentaires font état d'une hausse de 20 à 25 % de la demande. Selon le Secours populaire, 1,3 million de personnes supplémentaires sollicitent ses aides alimentaires. Et l'Unédic prévoit 900 000 chômeurs de plus en 2020. Or, l'action consacrée à l'aide alimentaire perd, à elle seule, 8 millions d'euros. Au moment où la faim s'étend comme rarement dans le pays, où l'on observe des files d'attente de plus en plus importantes, c'est incompréhensible.
La direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) estime que 963 000 jeunes de 16 à 25 ans ne sont ni en emploi ni en études. Or, depuis janvier 2019 et la suppression de l'aide à la recherche emploi, il n'existe plus aucune aide pour les jeunes qui entrent sur le marché du travail. Que pensez-vous d'un RSA qui pourrait être étendu aux jeunes de 18 à 25 ans dans cette situation ? Sur l'AAH, je partage les interrogations de M. Mouiller.
En tous cas, les crédits de cette mission ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux. Cette mission prévoit, je crois, le recrutement de 500 agents supplémentaires dans les agences régionales de santé (ARS) pour le suivi des contaminations au covid-19. Je ne suis pas persuadée que ces emplois supplémentaires doivent être consacrés aux ARS... Mon groupe votera contre ces crédits, qui sont insuffisants.
Mme Annie Le Houerou. - Vu le contexte, effectivement, ce budget peut difficilement être considéré comme à la hauteur des besoins : un million de pauvres supplémentaires sont annoncés pour la fin 2020, qui viennent s'ajouter à plus de 9 millions de personnes qui vivent déjà sous le seuil de pauvreté, sans parler de la situation des jeunes...
Les crédits du programme 304 diminuent, ce qui n'est pas approprié dans ce contexte. Certes, des modifications font qu'on ne peut les comparer directement à ceux de 2020. Pour autant, la baisse globale que l'on constate ne permettra pas de faire face à l'immense demande des associations caritatives, des communes et des centres communaux d'action sociale, qui nous alertent et sont submergés de demandes d'accompagnement, qu'il s'agisse d'aide alimentaire ou d'accompagnement psychologique et social. Et les choses ne vont pas s'arranger en 2021, avec de nombreuses suppressions d'emplois attendues, des faillites d'entreprises, d'artisans, de commerçants, sans parler des travailleurs indépendants, qui vont se retrouver sans revenus, ou des jeunes, sur lesquels je reviendrai.
La prime d'activité représente la plus grande partie du financement de cette mission. Elle est en baisse. Il faut rapidement travailler sur les difficultés dans lesquelles vont se retrouver nos jeunes, notamment : les petits boulots ne sont plus possibles ! Ce budget ne prévoit pas de financement pour un revenu de base, un minimum jeunesse que nous proposerons, pour permettre à nos jeunes de poursuivre sereinement leurs études, mais aussi de se préparer à l'emploi dans de bonnes conditions.
Concernant l'aide alimentaire, la situation qui nous attend en 2021 et le creusement des inégalités ne feront qu'accroître le nombre de personnes aux portes de nos associations. Il n'est pas certain que les crédits prévus permettent de faire face à cette augmentation sans précédent de la pauvreté dans notre pays.
L'action 19 est consacrée à la prévention de, et à la lutte contre, la pauvreté des enfants et des jeunes. Le Premier ministre avait annoncé, et devait amorcer, une nouvelle étape de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. On ne voit rien de concret dans ce budget. Pourtant, 54 % des étudiants auraient des problèmes pour payer leur loyer, 53 % n'ont pas une alimentation saine et équilibrée, 40 % ont subi une perte de leur revenu et, pour les jeunes femmes, 32 % avouent avoir des difficultés à acheter des protections hygiéniques. Ces problèmes financiers plongent notre jeunesse dans une détresse psychologique, qui impose de prévoir un accompagnement psychologique, dont les coûts de prise en charge sont inéluctables.
Sur l'action 17, relative à la protection et à l'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, on peut dire que les préconisations qui ont été faites sur les mille premiers jours ne débouchent pas sur des actions précises. Avez-vous des informations sur la création d'une application mobile des mille jours et d'une plateforme numérique correspondante ?
Sur le handicap et la dépendance, nous sommes très favorables à une déconjugalisation du versement de l'AAH, qui est liée à l'état de la personne et non pas à la situation familiale. Je pense particulièrement aux conséquences sur les femmes victimes de violences, qui hésitent à quitter le domicile lorsqu'elles sont dépendantes de la situation du foyer.
Sur l'égalité femmes-hommes, les crédits sont en très nette augmentation. Les besoins sont énormes, et les périodes de confinement aboutissent à de très fortes sollicitations de nos forces de l'ordre, mais également de nos associations, et créent un besoin, là aussi, d'accompagnement psychologique, qui ne semble pas prévu.
Sur les ARS, je rejoins la remarque de Mme Cohen. Je ne suis pas convaincue que ces moyens supplémentaires attribués aux ARS, pour la gestion du covid, aient leur place dans ce budget. Quid de l'accompagnement, notamment dans le secteur médico-social ?
Mon groupe votera donc contre cette proposition.
Mme Colette Mélot. - Il faut souligner et saluer les efforts qui ont été faits dans beaucoup de domaines, même s'il reste encore beaucoup à faire. Concernant la prise en charge du handicap, la question posée par Philippe Mouiller est primordiale, et nous espérons avoir une réponse rapidement. Les mesures prises sont tout de même importantes, puisque le montant de l'AAH s'élève désormais à 900 euros par mois, même s'il faut encore encadrer le dispositif, et que l'accompagnement des travailleurs handicapés se développe dans les établissements et services d'aide par le travail, avec la mise en place d'un dispositif de soutien afin de garantir la rémunération de 120 000 employés, en progression de 5 millions d'euros, complété par 15 autres millions d'euros issus du plan de relance. L'objectif est de redescendre sous le palier des 500 000 chômeurs handicapés. En ce qui concerne le handicap, s'il y a beaucoup à faire, il y a donc une prise de conscience, qui permettra d'avancer.
Le programme 137 concerne l'égalité femmes-hommes et affiche des crédits en augmentation, historique, de 40 % par rapport à 2020. Il est vrai qu'on partait de niveaux très bas. Ce programme s'attache notamment à développer les lieux d'écoute et d'orientation des femmes victimes de violences conjugales sur l'ensemble du territoire. Cela se matérialisera en 2021 par le déploiement d'une plateforme d'écoute 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Nous saluons la hausse des crédits et l'engagement du Gouvernement dans ce programme, qui permet de concrétiser et de prolonger les mesures issues du Grenelle contre les violences conjugales.
Enfin, pour ce qui concerne la lutte contre la pauvreté, le Président de la République avait annoncé une stratégie nationale, dont on voit les frémissements, notamment pour prévenir les sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance et favoriser l'insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA. La commission s'est beaucoup investie sur la question de l'insertion, notamment par la voix de Frédérique Puissat et par la proposition de loi relative à l'insertion par l'activité économique. Il faut multiplier les efforts pour favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA, en nous appuyant notamment sur les départements, comme nous le savons tous : certains sont d'ores et déjà volontaires pour expérimenter un nouveau dispositif d'incitation au retour à l'emploi autorisant de façon temporaire le cumul du RSA avec une activité à temps partiel. La proposition de loi déposée par Claude Malhuret pourrait bénéficier à de nombreux départements. J'espère qu'elle pourra être examinée dans les mois qui viennent.
Dans l'ensemble, notre groupe se prononcera favorablement sur les crédits de cette mission. L'amendement sur les MNA aborde un problème réel, auquel il faut proposer des solutions.
Mme Monique Lubin. - Je suis plus qu'effarée de voir qu'il n'y a quasiment rien, et même rien du tout, dans cette mission, sur la situation et l'emploi des jeunes.
Mme Frédérique Puissat. - Cela concerne la mission « Travail et emploi ».
Mme Monique Lubin. - Je pense à l'aspect social et à la mise en place d'un dispositif de type RSA. Y a-t-il quelque chose dans ce projet de loi de finances pour aider au moins de manière temporaire, pendant la durée de cette crise, des jeunes de moins de 25 ans qui n'ont pas d'emploi à s'alimenter et subvenir à leurs besoins primaires ? Non. Pourtant, une grande pauvreté est en train de s'installer chez un certain nombre de jeunes de moins de 25 ans, soit qu'ils soient étudiants, soit qu'ils ne soient pas soutenus par leur famille. J'avais cru comprendre, toutefois, que de nouveaux dispositifs allaient être confiés aux missions locales. Cela me semble très important, car il s'agit d'un outil très reconnu. Un gros effort est fait en faveur de l'emploi accompagné pour les personnes handicapées. De quel type d'emplois s'agit-il ? Qu'appelle-t-on emploi accompagné ?
Mme Élisabeth Doineau. - Je suis moi aussi très étonnée, pour ne pas dire plus, du total décalage que je constate, comme le rapporteur. Je parlerais même d'amnésie ! Il aurait été intéressant pour le Gouvernement d'établir ses projets de budget en fonction de la crise sanitaire que nous traversons. Là, on a vraiment le sentiment d'être hors-sol. Il est vrai que le Gouvernement avait anticipé, à travers le plan de lutte contre la pauvreté et la stratégie de protection de l'enfance. Mais c'était compter sans cette crise, qui nous offre sans doute l'opportunité de doubler ces budgets, au minimum ! On voit bien dans les départements qu'il s'agit de deux sujets majeurs, et que les dépenses ont augmenté pendant la crise.
Pour les MNA, par exemple, pendant le confinement et le déconfinement, nos dépenses ont augmenté, parce qu'il a fallu faire plus de lien entre ces jeunes, et davantage les accompagner pour l'alimentation, le logement et même les tests. Dans la Mayenne, les crédits que nous n'avons pas dépensés pour les assistants familiaux, parce qu'ils ont fait moins de déplacements pendant le confinement, nous les avons tous reportés sur la mission « Mineurs non accompagnés ». Toutes nos dépenses explosent en ce moment, d'ailleurs. La Seine-Saint-Denis est en cessation de paiement, et ce n'est que le début. Les digues ont sauté, et il faudrait absolument que le Gouvernement propose des politiques qui soient vraiment pensées en fonction de la crise que nous traversons.
La baisse du total des crédits, pour moi, n'est pas acceptable. Cela ne prend pas en considération les dépenses importantes des collectivités et des associations, dont les moyens s'amenuisent. Le Gouvernement aurait intérêt à écouter ce qui se passe sur le terrain et à adapter ses propositions de crédits sur des sujets aussi importants : la pauvreté ne va pas diminuer dans notre pays...
M. Laurent Burgoa. - Le budget consacré par l'État aux MNA diminuerait de 42 millions d'euros, si j'ai bien compris. Une telle décision n'a pu être proposée que par des personnes qui sont hors-sol par rapport à la réalité dans nos départements ! Je voterai avec plaisir l'amendement du rapporteur.
M. Jean Sol, rapporteur pour avis. - La suppression de la prise en compte des revenus du conjoint pour l'attribution de l'AAH est demandée depuis plusieurs années par les associations de personnes handicapées, qui considèrent, sans doute à juste titre, que la dépendance financière vis-à-vis du conjoint ne devrait pas s'ajouter à la dépendance due au handicap. Cependant, cette mesure doit être envisagée avec précaution, d'abord en raison de son coût budgétaire : elle représenterait une dépense supplémentaire de 560 millions d'euros par an. Puis, elle ne ferait pas que des gagnants, puisque, selon la DREES, 44 000 ménages seraient perdants et 21 % d'entre eux perdraient le bénéfice de l'AAH. Cela pose enfin une question d'équité, notamment vis-à-vis de nombreuses personnes en situation de handicap qui ne perçoivent pas l'AAH mais un autre minimum social. Une proposition de loi allant dans ce sens a été adoptée en février dernier à l'Assemblée nationale, mais n'a pas encore été examinée au Sénat.
Le montant de l'AAH est désormais de 902,70 euros. Les crédits de l'AAH sont sans doute assez mal calibrés pour 2021. Il n'y a pas de raison pour qu'ils diminuent. Le transfert de l'AAH à la branche autonomie est envisagé, dans le rapport Vachey, pour 2022. Pour l'instant, nous n'avons pas eu de confirmation sur ce point.
L'acte II annoncé ne modifie pas les grandes lignes de la stratégie initiale de lutte contre la pauvreté. Il est peut-être temps, en effet, de la remettre à plat. L'action consacrée à l'aide alimentaire ne diminue que facialement, madame Cohen. La baisse résulte de moindres remboursements au Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD), du fait d'une meilleure gestion. Sur le terrain, les dépenses d'aide alimentaire vont augmenter.
La question de l'extension du RSA aux jeunes est un enjeu important de la réforme du RUA. Le versement d'une aide exceptionnelle aux jeunes précaires cette année a montré que cela n'était pas impossible.
La baisse du programme 304 résulte du reflux de la prime d'activité, en lien avec la hausse du chômage. Il est vrai qu'un soutien exceptionnel serait attendu pour une année qui s'annonce compliquée, notamment sur le plan social. Sur l'aide alimentaire, il est probable que la situation appellera à d'autres ouvertures de crédits exceptionnels, mais les montants augmentent.
La question des jeunes est délicate. Il est vrai que les étudiants sont exclus de la prime exceptionnelle versée cette année. Quant au plan des « mille jours », la mission prévoit la création d'une application numérique, pour un coût de 2,5 millions d'euros.
Sur l'égalité hommes-femmes, le budget prévoit aussi la création d'un centre de suivi et de prise en charge des auteurs de violences conjugales, ce qui est une nouveauté prévue par le Grenelle des violences conjugales. Sur l'accompagnement des bénéficiaires du RSA, les départements risquent d'être confrontés à la hausse des demandes, qui sont déjà en augmentation de plus de 9 % en 2020.
Madame Lubin, il existe un RSA jeune actif financé par la mission « Solidarité », qui est trop restrictif et en quasi-extinction. Pour 2020, la mission a financé des aides exceptionnelles aux jeunes, versées en juin et en novembre. On ignore à ce stade si elles seront reconduites en 2021.
L'emploi accompagné peut concerner tout type d'emploi ou de contrat. Il consiste en un accompagnement médico-social, combiné à l'accompagnement dans l'emploi de personnes en situation de handicap. Il faudra veiller, en 2021, à la bonne consommation des crédits.
Sur les MNA, les flux semblent avoir diminué légèrement en 2019, et plus franchement en 2020, du fait du confinement. Mais il s'agit de dépenses durables, que les aides d'État sont bien loin de compenser. Il est regrettable que l'État profite de la mise en place de l'outil d'aide à l'évaluation de la majorité pour diminuer sa participation. Nous resterons vigilants.
M. Jean Sol, rapporteur pour avis. - Mon amendement augmente de 42 millions d'euros les crédits du programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », afin de maintenir à leur niveau de 2020 les crédits consacrés à la participation de l'État à la prise en charge des MNA. La nécessaire responsabilité de l'État dans la prise en charge d'un phénomène migratoire dont l'incidence sera durable sur la protection de l'enfance justifie d'accroître le montant de sa participation. Or, les crédits demandés dans le projet de loi de finances passent de 162 millions à 120 millions d'euros entre 2020 et 2021. Cette augmentation de crédits de l'action 17, « Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables », du programme 304 est gagée sur une diminution des crédits de l'action 17 au sein du programme 124.
L'amendement est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ainsi qu'aux articles rattachés, sous réserve de l'adoption de son amendement.
La réunion est close à 12 h 45.
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Projet de loi de finances pour 2021 - Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion
Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, nous accueillons cet après-midi Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, pour la présentation des crédits de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, que nous examinerons en commission la semaine prochaine et en séance publique le vendredi 4 décembre. Je salue les commissaires qui assistent à cette réunion à distance.
Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo diffusée en direct sur le site du Sénat qui sera disponible en vidéo à la demande.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. - Dans cette période difficile, le ministère du travail a un rôle fondamental à jouer. Je souhaite à cet égard saluer l'engagement des agents du ministère et de ses opérateurs, très mobilisés sur le terrain.
Pour les secteurs en difficulté ou concernés par les fermetures administratives, nous amplifions les mesures exceptionnelles de soutien aux emplois et aux entreprises. C'est pourquoi le 4e projet de loi de finances rectificative (PLFR) ouvre 20 milliards d'euros supplémentaires pour 2020, dont plus de 2 milliards d'euros sur l'activité partielle. Notre objectif est de maintenir des conditions très protectrices pour les entreprises et les salariés dont l'activité est partiellement ou totalement arrêtée.
La situation sanitaire, loin de remettre en cause les dispositifs du plan de relance, en montre au contraire toute la pertinence. Comme l'a rappelé le Premier ministre le 20 octobre dernier, la territorialisation du plan de relance est un gage d'efficacité et de cohésion et sera l'un des facteurs de sa réussite. Comme je l'ai indiqué dans une circulaire du 18 septembre dernier, les politiques de l'emploi et de l'insertion doivent donc, plus que jamais, faire l'objet d'une coopération renforcée avec chaque niveau de collectivité. C'est pourquoi les élus locaux ont été associés à l'élaboration des objectifs territoriaux partagés du plan « 1 jeune, 1 solution ».
Le budget de relance porté par le PLF pour 2021 est un budget ambitieux, qui mobilise des moyens sans précédent, pour à la fois donner à chacun les armes permettant d'accéder à l'emploi et de s'y maintenir durablement et donner à nos entreprises les compétences nécessaires aux métiers de demain, afin qu'elles soient plus résilientes et plus compétitives.
Pour 2021, les crédits alloués au ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion se décomposent en deux volets.
D'une part, les crédits de la mission « Travail et emploi », qui constituent le budget « socle » de mon ministère : ce budget est en augmentation de plus de 400 millions d'euros et s'élève à 13,2 milliards pour 2021, conformément aux trajectoires prévues avant la crise. En outre, dans le cadre du renforcement de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, nous avons proposé de nouvelles mesures dans le cadre du 4e PLFR pour 2020.
D'autre part, les crédits exceptionnels de la mission « Plan de relance » viennent s'ajouter à cet effort : 10 milliards d'euros de crédits de paiement sont alloués à mon ministère sur les 22 milliards d'euros de « France relance » pour 2021. Ce budget « de relance » permet ainsi de renforcer considérablement le budget « socle » du ministère et donc l'efficacité de son action d'insertion et de maintien de tous dans l'emploi. Cette action consiste à déployer quatre priorités, que j'aborderai successivement.
Premièrement, face à la crise, nous déployons une réponse massive, un véritable « bouclier anti-licenciements », pour sauvegarder et développer les emplois.
Dans le cadre de la relance, nous mobilisons un effort substantiel de 7,6 milliards d'euros, dont 2,2 milliards d'euros financés par l'Unedic, pour prendre en charge l'activité partielle et la formation des salariés pendant leur temps non travaillé. L'objectif est de réarmer nos entreprises pour qu'elles sortent de la crise plus compétitives grâce à des salariés qui seront montés en compétences, et, en même temps, de rendre aux salariés la maîtrise de leur parcours en leur donnant des perspectives crédibles de reconversion.
Sur ces fonds, 500 millions d'euros seront alloués au dispositif « Transitions collectives », présenté en Conférence du dialogue social il y a deux semaines et qui vise à favoriser les transitions professionnelles interbranches. Celui-ci consiste à prendre en charge tout ou partie de la rémunération et de la formation des salariés dont l'emploi est menacé de disparition pour qu'ils se reconvertissent dans des métiers porteurs présents sur le même territoire. Un appel à manifestation d'intérêt sera prochainement lancé pour déployer ce dispositif auprès de bassins d'emplois pilotes.
Deuxième priorité : veiller à donner à tous les jeunes, quelle que soit leur situation, des solutions d'insertion dans l'emploi. Le ministère du travail pilote ainsi la plus grande partie des 6,7 milliards d'euros du plan « 1 jeune, 1 solution », soit 5,7 milliards d'euros dont 3,6 milliards en 2021.
D'une part, nous faisons le pari du soutien à l'embauche : depuis l'été, nous avons mis en place des primes exceptionnelles pour encourager les embauches de jeunes et les signatures de contrats en alternance.
D'autre part, tous les dispositifs existants d'accompagnement et d'inclusion des jeunes dans l'emploi sont renforcés. Grâce aux crédits du plan de relance, nous ouvrons ainsi 300 000 places supplémentaires en accompagnement et inclusion à destination des jeunes : 50 000 nouvelles places en Garantie jeunes, soit une augmentation de 50 % ; 80 000 nouvelles places en parcours contractualisés d'accompagnement adapté vers l'emploi et l'autonomie (PACEA) pour 22 millions d'euros, en plus des places déjà prévues dans le budget « socle », soit un objectif total de 420 000 jeunes accompagnés en 2021 ; 140 000 places supplémentaires en Accompagnement intensif jeunes (AIJ) par Pôle emploi. Enfin, nous renforçons fortement le budget des missions locales en leur attribuant 100 millions d'euros supplémentaires, ce qui porte leur enveloppe à 472 millions d'euros.
Troisième priorité : nous renforçons tous les dispositifs d'insertion « sur mesure », destinés aux publics les plus fragiles et les plus éloignés de l'emploi.
Nous attribuons aux emplois francs 93 millions d'euros supplémentaires d'autorisations d'engagement pour 2021, ce qui correspond à plus de 33 000 nouvelles entrées. Nous mettons en place pour les jeunes 60 000 nouveaux parcours emplois compétences (PEC) en 2021, qui s'ajoutent aux 20 000 PEC supplémentaires déjà prévus dans le budget « socle ». Nous avons proposé, dans le 4e PLFR pour 2020, d'augmenter leur budget de 120 millions d'euros.
En plus de cet effort en faveur des jeunes, la Stratégie pauvreté renforce le dispositif en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et des zones de revitalisation rurale (ZRR) en doublant la cible en nombre de places, avec 12 000 places supplémentaires, et en augmentant à 80 % le taux de prise en charge de ces PEC. J'ai bien entendu l'alerte des maires sur la situation dans les QPV ; dans la crise que l'on traverse, les territoires fragiles doivent recueillir la plus grande attention.
Ensuite, nous augmentons de plus de 204 millions d'euros au total les crédits alloués aux dispositifs d'insertion par l'activité économique (IAE), dont 62 millions d'euros issus du plan de relance. Ces crédits permettront notamment la priorisation de 35 000 places dans l'IAE au bénéfice des jeunes et l'attribution de 25 000 aides à la création d'entreprises. En outre, nous avons proposé d'ouvrir 30 000 places supplémentaires et d'augmenter les crédits de 150 millions d'euros dans le cadre du 4e PLFR. En effet, tout doit être fait pour prévenir les risques de bascule de nos concitoyens dans la pauvreté.
Nous augmentons également de 23 millions d'euros le budget alloué aux entreprises adaptées pour les personnes en situation de handicap, en favorisant les passerelles vers les entreprises de droit commun.
Nous dotons l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » de 11 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'exécution 2020 afin d'en financer la deuxième phase. Je remercie d'ailleurs madame la rapporteure ainsi que les parlementaires de tous les groupes investis sur la proposition de loi autorisant la prolongation de l'expérimentation, qui a abouti à une commission mixte paritaire (CMP) conclusive.
Enfin, le service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE), devrait se déployer à titre expérimental dans 30 territoires en 2021, puis dans 35 supplémentaires en 2022. Nous avons proposé d'y consacrer 30 millions d'euros dès 2020 dans le cadre du 4e PLFR. Cette mise en oeuvre de l'expérimentation du SPIE repose sur la pleine association des conseils départementaux.
Quatrièmement, nous déployons un effort substantiel de formation à tous les moments de la vie professionnelle. Dans le cadre du budget « socle », le plan d'investissement dans les compétences (PIC) bénéficie d'un nouvel engagement de 3,3 milliards d'euros en 2021. Dans le cadre de la relance, nous investissons plus de 1,7 milliard d'euros, dont 1 milliard dès 2021, dans les formations aux métiers porteurs ou en tension, et 500 millions d'euros dès 2021 pour ouvrir 100 000 formations aux métiers d'avenir s'adressant aux jeunes. Dans les prochaines semaines, cet engagement supplémentaire dans la formation se matérialisera par la signature des avenants aux pactes régionaux d'investissement dans les compétences (PRIC). Nous engageons également près de 500 millions d'euros pour financer un vaste plan de digitalisation de l'offre de formation continue.
Ce budget 2021 présente de solides garanties d'efficacité.
Tout d'abord, les services déconcentrés du ministère du travail sont pleinement mobilisés pour faire connaître aux entreprises les outils de relance et les orienter vers les dispositifs qui leur sont le plus adaptés. Je compte également sur le haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, Thibaut Guilluy, pour accompagner l'appropriation des mesures par les entreprises.
Ensuite, les conditions d'exécution de ce budget seront souples. Certes, le ministère contribue à l'effort de maîtrise des finances publiques, mais, compte tenu de la hausse de charge de travail liée à la crise, j'ai veillé à ce que des recrutements soient possibles en contrat à durée déterminée (CDD) dans les services déconcentrés du ministère et à Pôle emploi.
Les conditions d'exécution seront également ajustées à la maille des territoires. Un comité régional de pilotage et de suivi du plan de relance est institué dans chacune des régions, sous la co-présidence du préfet de région et du président du conseil régional, comprenant notamment les représentants des collectivités locales. Leurs travaux permettront d'apprécier les éventuels redéploiements à effectuer, au fur et à mesure de la réalisation des projets locaux, pour obtenir une efficacité maximale des crédits. À cette fin, les préfets de département seront consultés dans le cadre d'un comité départemental du plan de relance comprenant notamment les présidents d'intercommunalités. Évidemment, les parlementaires doivent être associés à ces instances de pilotage.
Comme vous le voyez, tous les niveaux de collectivités sont donc associés à l'exécution du plan de relance. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi d'intensifier mes rencontres avec les présidents de région et avec Régions de France. Ainsi, j'ai installé le Comité emploi-formation État-régions le 6 novembre dernier. Très prochainement, nous nous appuierons également sur les nombreuses initiatives portées par le bloc communal afin d'illustrer de manière concrète les dispositifs du plan « 1 jeune, 1 solution » grâce à des territoires pilotes.
Déjà, des signaux positifs de mobilisation nous remontent du terrain.
En août et septembre, nous enregistrons près de 700 000 embauches de jeunes de moins de 26 ans recrutés en CDD de plus de 3 mois ou en contrat à durée indéterminée (CDI), soit une hausse de + 1,3 % par rapport à 2019.
Les primes à l'embauche de jeunes montent en charge. Les premiers chiffres montrent que la dynamique est engagée, avec plus de 100 000 demandes de prime à date. Il nous appartient collectivement d'accompagner leur montée en charge.
Les perspectives de l'apprentissage sont également positives : les demandes de prime à l'embauche d'un apprenti ont, elles aussi, dépassé la barre des 100 000. On observe en outre une dynamique très positive des signatures de contrats, avec 314 000 contrats signés à mi-octobre, ce qui nous permettra d'atteindre le niveau historique de 2019, voire de le dépasser.
Pour amplifier ces résultats, je m'assurerai que les secteurs bénéficiaires de « France relance » s'engagent pour l'emploi, notamment à travers des clauses de marchés publics en faveur de l'apprentissage et de l'insertion.
La crise a rendu ce budget plus que jamais nécessaire. Face aux défis qui sont devant nous, nous devons être collectivement au rendez-vous de l'augmentation des moyens de formation et d'inclusion de tous dans l'emploi, redonner à nos concitoyens des perspectives d'avenir et conforter l'évolution vers une économie plus compétitive et plus solidaire.
Mme Frédérique Puissat. - La commission des finances a nommé deux rapporteurs sur cette mission, qui ont des points de vue diamétralement opposés : l'un a recommandé d'adopter ces crédits, l'autre de les refuser...
Vous avez dit, madame la ministre, qu'au budget socle s'ajoutaient les crédits du plan de relance. Le montant de ces derniers est intéressant, mais cela rend ce budget difficile à lire. La véritable gageure reste toutefois le pilotage de ces actions, notamment avec l'arrivée des nouveaux sous-préfets à la relance, qui percutent la gouvernance existante dans nos territoires.
Le budget de la mission « travail et emploi » est stable par rapport à 2020 et est même inférieur à ce qui sera consommé en 2020, compte tenu des lois de finances rectificatives. En revanche, de nombreux dispositifs relevant de la politique de l'emploi sont financés par le plan de relance. Si cela permet certainement d'afficher un plan de relance plus important, cela nuit à la lisibilité du budget par le Parlement, certains financements étant fragmentés entre deux missions. Faut-il en déduire que les dispositifs relevant du plan de relance en 2021 en faveur, notamment, des jeunes ou des publics en difficultés, sont exceptionnels et n'auraient pas été nécessaires si nous n'avions pas connu une crise sanitaire ?
Chaque année, nous constatons que le plan d'investissement dans les compétences (PIC) regroupe d'une part des crédits destinés à financer des dispositifs qui n'ont rien d'exceptionnel - je rends hommage à l'analyse qu'en faisait déjà Michel Forissier -, comme la garantie jeunes, et d'autre part des crédits dont l'utilisation est faiblement documentée, ce que la Cour des comptes a critiqué. Pouvez-vous faire le point sur l'utilisation des crédits du PIC en 2020 et en 2021, ainsi que sur les nouvelles modalités de gouvernance, sur lesquelles les partenaires sociaux nous ont alerté ?
L'article 56 du projet de loi modifie substantiellement l'esprit de la loi de 2018, en faisant du financement des contrats d'apprentissage une variable d'ajustement du budget de France compétences, alors que ses autres dépenses sont largement déterminées par l'État. Pouvez-vous nous rassurer sur la soutenabilité à court et à moyen terme de la politique de formation professionnelle et d'apprentissage, sur laquelle l'Igas et l'IGF ont émis des doutes ?
Pouvez-vous faire le point sur la situation de l'apprentissage et présenter les perspectives pour 2021 ? Quelle sera l'enveloppe accordée en 2021 aux régions au titre du soutien aux CFA, dont certains pourraient ne pas accueillir assez d'apprentis pour boucler leur budget de fonctionnement ?
Ce budget fait appel à certains outils de la politique de l'emploi que le Gouvernement avait abandonnés, les jugeant inefficaces pour lutter durablement contre le chômage. Je pense notamment au recours aux contrats aidés ou aux différentes aides à l'embauche, parmi lesquelles je classe les emplois francs. S'agit-il d'un choix pragmatique uniquement lié à la situation actuelle ou d'un revirement dans la politique du Gouvernement ?
La crise sanitaire a entraîné une explosion sans précédent de la dette de l'Unedic. Cette dette semble soutenable à court terme mais expose fortement notre régime d'assurance chômage à un risque de remontée des taux d'intérêt. Or une partie importante de la dégradation des comptes de l'Unedic résulte de décisions qui ont été prises par l'État - certes, pas seulement par votre gouvernement. Envisagez-vous de soulager l'Unedic d'une partie de sa dette ou de lui affecter des recettes supplémentaires ? Enfin, où en est la réflexion sur la réforme de l'assurance chômage ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - J'ai bien conscience que la coexistence du budget socle et du plan de relance, sans parler des dispositions du quatrième projet de loi de finances rectificative correspondant à des annonces récentes, complique la lisibilité de l'exercice. Nous nous efforcerons de vous en rendre compte le plus clairement possible.
Un certain nombre de dispositifs ne sont pas pérennes, telles les primes à l'embauche, activées déjà lors de précédentes périodes de crise. La prime de 4 000 euros, par exemple, est destinée à des entreprises poursuivant leur activité mais qui, confrontées à une grande incertitude, hésitent à embaucher. De tels dispositifs s'éteindront au début de l'année 2021. D'autres actions seront mises en oeuvre en 2021 et 2022.
Les emplois aidés sont bien adaptés à certaines situations, mais nous avons souhaité depuis le début du quinquennat en revoir le mécanisme, en en faisant non pas un outil de traitement statistique du chômage mais de véritables parcours d'accompagnement des jeunes vers l'emploi, ce qui suppose de les utiliser de façon modérée. C'est ce que nous faisons dans le cadre du plan « un jeune, une solution ».
Au-delà des dispositifs d'urgence, nous devrons réfléchir aux actions structurelles qui seront nécessaires. Qu'il s'agisse de l'accompagnement intensif des jeunes, du PACEA ou de la garantie jeunes, nous devrons simplifier l'accès de tous à ces dispositifs. Sans parler des trous dans la raquette identifiés lors des échanges avec les associations de jeunes ou de lutte contre la pauvreté - des jeunes diplômés par exemple. Je suis convaincu que nous devons nous doter d'un continuum de solutions d'accompagnement des jeunes, avec une gradation entre l'accompagnement vers l'emploi et l'accompagnement plus social, adaptable en fonction du profil du jeune.
S'agissant de l'utilisation des crédits du PIC, nous n'avons pas eu beaucoup de retours, ni même d'échanges, avec les partenaires sociaux sur un dispositif qui pourtant fonctionne bien. Le PIC disposait de près de 3 milliards d'euros d'autorisations d'engagements et de 2,6 milliards d'euros de crédits de paiement dans la loi de finances initiale pour 2020. Son utilisation est satisfaisante, puisque nous en sommes à 2,7 milliards d'euros engagés et 2,4 milliards d'euros de crédits de paiement. Les programmes de formation des personnes en recherche d'emploi pas ou peu qualifiés s'amplifient au travers des pactes régionaux : une trentaine de programmes de formation et d'accompagnement au niveau national, notamment sous la forme d'appels à projets d'innovation, sont en cours. Le PIC a connu une légère sous-exécution en raison de la période de confinement, mais nous en avons profité pour digitaliser notre appareil de formation, ce qui sera poursuivi dans le cadre du plan de relance. Nous devrons mieux faire connaître le PIC auprès des partenaires sociaux.
Cela montre que France compétences, avec sa gouvernance quadripartite, doit monter en puissance et prendre toute sa place dans le pilotage des différents fonds ; cette instance est encore jeune. La question de la soutenabilité de son budget devra être abordée en deux étapes. Des dispositions devront être prises dès 2021, sur lesquelles nous devrons consulter le conseil d'administration de France compétences, pour recaler à bon niveau les coûts de contrats. Leur augmentation de 11 % entre la fin 2018 et la fin 2019 montre que des ajustements sont possibles sans pour autant freiner la dynamique de l'apprentissage - il ne saurait en être question. En effet, caler ces coûts sur les besoins déclarés des CFA - qui par ailleurs n'ont pas toujours de comptabilité analytique - sans les inviter à remettre ces coûts en question a eu un effet inflationniste. Nous aurons à travailler sur un objectif de bonne gestion, en gardant cette volonté de poursuivre la dynamique de l'apprentissage. Une règle d'or est ainsi prévue dans le PLF pour France compétences.
Nous aurons tout autant besoin de la promotion par alternance (Pro-A) pour gérer la transformation des métiers dans les branches. Nous aurons aussi besoin d'accompagner les transitions individuelles comme le fait le CPF de transition, d'encourager la mutualisation au profit des plus petites entreprises... Nous devrons prendre le temps de regarder les choses, alors que nous avons plus que jamais besoin de mécanismes de formation tout au long de la vie. Dans le cadre du plan de relance, des crédits de l'État abondent la Pro-A, le CPF, ou le FNE-formation, qui sera très mobilisé pour former des salariés en activité partielle, en activité partielle de longue durée ou pour accompagner ce nouveau dispositif de transition collective. Nous devrons garder en tête l'importance de conserver tous ces outils assurant des parcours professionnels plus fluides pour nos concitoyens.
Je vous confirme que, comme pour l'ensemble des comptes sociaux, nous aurons à isoler l'impact de la crise sanitaire sur la dette de l'Unedic. Ces travaux sur la dette covid devront démarrer prochainement. Il s'agit de ne pas faire porter par l'assurance chômage des dettes exogènes à leur activité, comme cela avait été fait pour l'assurance maladie.
M. Philippe Mouiller. - Cette audition intervient pendant la semaine européenne de l'emploi des personnes handicapées. Quel bilan dressez-vous de la réforme engagée en 2018 et quelles sont les perspectives pour 2021 ? Je souligne l'augmentation des crédits dédiés à cette politique dans votre budget.
Pendant la crise, les entreprises adaptées ont vu leur chiffre d'affaires diminuer. Comment se traduisent dans le PLF les mesures annoncées à l'été dernier dans le cadre du plan de soutien aux entreprises ?
Nous avons constaté lors de la première évaluation de la réforme de l'obligation d'emploi des personnes handicapées, avec l'abandon de la notion de lourdeur du handicap, que les personnes les plus lourdement handicapées sont souvent laissées à côté du chemin de l'emploi. J'attire votre attention sur ce point de vigilance.
Mme Florence Lassarade. - Le travail étudiant a été affecté par la crise sanitaire, notamment dans un secteur comme la restauration. Quelles sont les mesures spécifiques envisagées en direction de ce public ?
Mme Victoire Jasmin. - Vous avez évoqué, et c'est positif, des « parcours d'accompagnement des jeunes vers l'emploi » et la notion de « continuum ».
En Guadeloupe, le site de la préfecture propose à 600 jeunes de 18 à 25 ans et même jusqu'à 30 ans des contrats en service civique pour 6 à 9 mois, rémunérés à hauteur de 500 à 600 euros, par exemple dans l'éducation nationale, sans condition de diplôme. Est-ce cela le « continuum » ? Peut-être est-ce une solution à court terme pour aider ces jeunes mais pensez-vous qu'il puisse s'agir d'une perspective pérenne de développement des emplois dans des territoires durement frappés par le chômage ? J'aurais souhaité une politique volontariste dans ces territoires dans le droit fil de la logique d'accompagnement des jeunes que vous mettez en avant, pour leur donner des perspectives sur le long terme.
J'attire par ailleurs votre attention sur la situation de cadres guadeloupéens diplômés ne trouvant pas d'emploi dans leurs territoires en raison d'un certain entre-soi en matière de recrutement, y compris dans les services de l'État. Nombre de personnes originaires des outre-mer se retrouvent ainsi exclues des postes à responsabilité alors qu'elles ont les compétences et les titres nécessaires. Je souhaiterais que cela cesse.
Mme Pascale Gruny. - Nous sommes sollicités par des jeunes se destinant à des métiers - comme la coiffure, l'esthétique ou la restauration - comportant une part importante de formation pratique, dont le déroulement est empêché par la crise sanitaire. Quelles mesures d'accompagnement sont prises pour eux ?
S'agissant du compte personnel de formation, vous avez souligné un nombre important de téléchargements mais seulement 136 000 formations sont acceptées. J'attire par ailleurs votre attention sur le fait que les opérateurs de compétences (OPCO) cofinancent de moins en moins depuis la réforme de la formation professionnelle.
Sur le programme 111, je regrette la diminution des crédits de l'ANACT (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) alors que les besoins en prévention sont énormes, que ce soit pour la prise en charge des troubles musculo-squelettiques, qui ne sont pas évoqués dans le projet annuel de performance, ou encore pour l'accompagnement des très petites entreprises dans l'élaboration du document unique de prévention des risques professionnels.
Je regrette enfin qu'il ne soit jamais question des seniors. Alors que l'on parle de l'allongement du temps travaillé, à 50 ans, quand on est au chômage, on est vieux aux yeux des recruteurs et on ne trouve pas d'emploi.
M. Olivier Henno. - Il est sans doute encore tôt pour faire le bilan de la douzième réforme de la formation professionnelle engagée depuis 1971. Quelle part de formation revient aux salariés des ETI (entreprises de taille intermédiaire) ? Est-elle suffisante pour accompagner les besoins de montée en compétences, très importants pour la compétitivité française ? Les enjeux de gouvernance de France compétences et de régulation ont été relevés en effet dans un rapport des inspections générales.
Mme Laurence Cohen. - Les primes à l'embauche pour certains publics (apprentis, jeunes, travailleurs handicapés) prennent fin normalement en mars 2021. Que va-t-il se passer au-delà de cette date pour ces publics ? Je pense notamment aux jeunes frappés durement par la crise actuelle. Que pensez-vous d'étendre le bénéfice du RSA aux jeunes de 18 à 25 ans ?
Alors que 800 000 suppressions d'emplois seraient dues à la crise selon l'Insee, la réforme de l'assurance chômage expose les demandeurs d'emploi à un risque de diminution de leur indemnisation. Allez-vous enfin abandonner cette réforme ?
Les moyens de Pôle emploi dépendent de plus en plus en plus des ressources de l'assurance chômage, ce qui accroît les difficultés de ce service public : que comptez-vous faire pour y remédier ?
Les moyens de fonctionnement de votre administration diminuent ces dernières années avec environ 200 suppressions de postes au ministère et dans les Direccte. Ces coupes dans les effectifs ne conduisent-elles pas à fragiliser ces acteurs dans l'exercice de leurs missions ? Je pense notamment à l'inspection du travail dont le rôle est essentiel mais pour laquelle il est de plus en plus difficile d'assurer le respect des droits des salariés.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Concernant l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH), je vous rappelle que cette réforme est entrée en vigueur au 1er juin 2020 mais les déclarations des entreprises relatives à l'emploi des travailleurs handicapés pour l'année 2020 ne seront établies qu'au premier trimestre 2021. Nous ne sommes donc pas encore en mesure de connaître la situation pour cette année. Beaucoup de choses ne changent pas, telles que l'obligation d'emploi qui reste fixée à 6 %, la déduction pour adapter les moyens compensatoires au handicap pour le maintien dans l'emploi ou encore l'aide liée à la reconnaissance de la lourdeur du handicap. Ce qui change avec la réforme, c'est qu'il y a une responsabilisation de toutes les entreprises et une simplification des démarches déclaratives qui s'effectueront via la déclaration sociale nominative à compter du 1er janvier 2021. En outre, on prend dorénavant en compte toutes les formes d'emploi, on valorise les bénéficiaires de l'OETH de plus de 50 ans ainsi que le recours à la sous-traitance auprès d'entreprises adaptées et d'établissements et services d'aide par le travail (ESAT). Dans le même temps, nous maintenons nos engagements en faveur des entreprises adaptées, qui bénéficient d'aides destinées à prendre en compte leurs éventuelles pertes de chiffre d'affaires. Ces aides exceptionnelles ont pu être mobilisées par les entreprises inclusives. En outre, l'appel à projets destiné à soutenir les structures d'insertion par l'activité économique et les entreprises adaptées a permis de faire émerger des projets intéressants et innovants. Nous avons pour objectif de passer de 40 000 à 80 000 personnes accompagnées par les entreprises adaptées et je crois que nous disposons des leviers pour y parvenir, notamment grâce aux moyens du fonds d'accompagnement à la transformation des entreprises adaptées. Le Haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises y veille particulièrement.
Concernant la disparition des emplois étudiants, je rappelle que nous avons mis en place des mesures d'accompagnement pour les étudiants, dont les tickets pour les restaurants universitaires à 1 euro, même si leur fréquentation est en baisse. Je mentionne aussi l'aide exceptionnelle de 150 euros qui sera versée aux étudiants boursiers et aux jeunes bénéficiaires des aides au logement. Les dispositifs du plan jeunes et le service civique peuvent aussi être adaptés. Par ailleurs, il existe aussi le dispositif des volontaires territoriaux en entreprises (VTE), en particulier les « VTE verts », qui soutiennent l'embauche des jeunes dans les entreprises qui accompagnent la transition écologique. Pour autant, nous poursuivons le travail d'accompagnement des jeunes avec ma collègue Frédérique Vidal, notamment pour que les jeunes puissent renouveler leurs emplois étudiants. Nous menons aussi une réflexion sur le caractère complet de nos dispositifs d'accompagnement. Il en existe quel que soit le niveau de diplôme, par Pôle emploi et par les missions locales. Nous avons aussi mobilisé l'association pour l'emploi des cadres (APEC) pour les plus diplômés, pour lesquels la Garantie jeunes n'est pas un dispositif adapté. Je signale que nous avons eu près de 700 000 embauches de jeunes sur les mois d'août et de septembre soit plus qu'en 2019 sur la même période.
Madame Jasmin, je ne peux pas laisser dire qu'on fait du traitement statistique du chômage. Cela pu se faire par le passé avec le recours aux contrats aidés mais aujourd'hui je veille surtout à mettre en oeuvre des aides à l'embauches et des aides aux contrats d'apprentissage. Nous avons fait le choix de réactiver le recours aux contrats aidés mais à un niveau très modeste par rapport aux dernières années. Le service civique n'entre pas dans ce champ, il répond à des souhaits d'engagement de jeunes en faveur de l'intérêt général, pas de faire des petits jobs à bon compte ! Cela ne sert pas à masquer le chômage, ce n'est pas l'objectif. Que le service civique réponde au souhait des jeunes de s'engager me paraît très important. C'est d'ailleurs très valorisé et cela favorise leur embauche.
J'entends ce que vous dites sur les discriminations à l'embauche. Nous allons continuer à lutter contre ces discriminations car on sait que les périodes de crise peuvent les exacerber. Nous sommes très mobilisés sur le sujet et nous avons prévu de relancer des opérations de testing pour les évaluer. N'hésitez pas à nous signaler les situations dont vous auriez connaissance ou à en faire part à la Défenseure des droits.
Madame Gruny, il y a effectivement un certain nombre de jeunes qui ont signé un contrat d'apprentissage dans des entreprises qui rencontrent des difficultés. Dans ce cas il est prévu que l'apprenti bénéficie de l'activité partielle et qu'il puisse continuer sa formation dans son centre de formation si l'entreprise est fermée. Dans cette situation, contrairement à ce que l'on a pu entendre, il n'y a pas de problème d'assurance.
Le CPF a permis de financer 1 million de formations. Compte tenu de la période que nous vivons, je pense que le dispositif monte bien en régime. Nous partagerons avec vous les statistiques à ce sujet.
Nous ne négligeons pas la question de l'emploi des seniors. Tous les dispositifs que nous mettons en place permettent, je crois, de faciliter le maintien en emploi, en tenant compte de l'évolution des technologies, par l'actualisation permanente des compétences tout au long de la vie.
Monsieur Henno, concernant la formation professionnelle, je sais que les partenaires sociaux étaient dans l'attente de l'installation de la gouvernance de France compétences, qui a été perturbée par la crise. Nous avons partagé avec les partenaires sociaux un premier retour sur la mise en oeuvre de la réforme, en s'accordant sur le fait que la régulation ne doit pas affaiblir des dispositifs importants, tels que le CPF, la reconversion par l'alternance dite « Pro-A » ou les fonds mutualisés au profit des petites entreprises. Dans le cadre des concertations de notre agenda social, l'un des thèmes qui a émergé est la situation des entreprises de 50 à 250 salariés qui n'ont plus accès à ces financements mutualisés. Nous n'avons pas de réponse pour le moment mais cela fait partie de nos chantiers avec les partenaires sociaux.
Pour répondre à Mme Cohen, les dispositifs que nous mettons en place sont spécifiquement destinés à répondre à la crise. Il faut éviter que les jeunes entrants sur le marché du travail ne soient une génération sacrifiée. Espérons que notre économie rebondisse après la crise, comme elle l'a fait au troisième trimestre. L'Insee a parlé de 650 000 destructions d'emplois dans le privé au premier semestre et de 340 000 créations d'emplois sur le même périmètre au troisième trimestre. La situation de l'emploi n'est certes pas formidable mais ce ne sont pas 800 000 mais 300 000 destructions nettes d'emploi que nous avons connues. La priorité est de soutenir les entreprises pour qu'elles traversent la crise et, ensuite, le plan de relance a pour objectif de faire repartir l'économie. Je suis convaincue que l'activité partielle a permis d'éviter de nombreuses suppressions d'emplois.
Nous avons dégagé des moyens supplémentaires pour Pôle emploi. 250 millions d'euros serviront au recrutement d'agents pour accompagner les demandeurs d'emploi. Une enveloppe de 70 millions d'euros financera l'accompagnement des jeunes par le dispositif « accompagnement intensif des jeunes ». Ces recrutements sont nécessaires pour ne pas faire exploser la taille des portefeuilles des conseillers de Pôle emploi.
Nous veillons par ailleurs à ce que Pôle Emploi puisse faire des recrutements nécessaires et avoir les moyens pour continuer à produire un accompagnement de qualité.
Dans ce contexte, la réforme de l'assurance chômage fait l'objet de concertations avec les partenaires sociaux. La crise n'invalide pas, au contraire, les fondamentaux de cette réforme. Nous devons inciter les employeurs à avoir des emplois de meilleure qualité. Quand nous voyons aujourd'hui les difficultés de ceux dont le modèle de vie est d'enchaîner les contrats courts et les périodes de bénéfice d'allocations chômage, je pense que cet objectif d'un emploi de meilleure qualité, et donc d'une meilleure rémunération, est un bon objectif. Nous devons adapter les différents paramètres, que ce soit sur la période d'ouverture des droits, sur le système de bonus/malus, sur les modalités de calcul de l'allocation ou sur la dégressivité. C'est le sens de la concertation que nous menons avec les partenaires sociaux. Nous allons essayer de trouver les meilleurs réglages sur ces différents paramètres pour mener cette réforme de l'assurance chômage dont les objectifs ne sont pas invalidés par la crise.
Mme Corinne Féret. - Ma première question concerne l'activité partielle. Dans mon département, le Calvados, un grand quotidien de l'ouest a titré : « activité partielle sans modération pour Carrefour. 78 000 salariés seraient concernés par un recours à l'activité partielle ». Serait-il possible d'avoir un bilan actualisé des contrôles et des fraudes à l'activité partielle ? Je sais que votre ministère est particulièrement vigilant, mais cet article m'a interpellée.
Je souhaite également vous interroger sur l'assurance chômage. Vous avez déjà répondu à ma collègue Laurence Cohen sur ce sujet. Si la mise en oeuvre de la réforme a été repoussée, cette fois au 1er avril 2021, je pense que, maintenant plus que jamais, l'abandon de cette réforme apparaît nécessaire. Malgré la reprise amorcée au troisième trimestre, je ne sais pas si notre économie sera en meilleure forme au deuxième trimestre 2021. La deuxième vague de l'épidémie, avec ses conséquences économiques, a amplifié la fragilité d'un certain nombre de nos entreprises et fragilisé plus encore un certain nombre de travailleurs qui n'ont pu avoir d'activité. Je pense aux saisonniers et intérimaires ou encore aux secteurs du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration. C'est pourquoi je serais favorable, avec mon groupe, à l'abandon de cette réforme.
Enfin, ma collègue Pascale Gruny a évoqué la question de la santé au travail. Une grande loi sur la santé au travail avait été annoncée en 2018. Est-ce toujours d'actualité ? Je pense que oui. Compte tenu des conditions de travail qui évoluent aussi, je pense à la hausse du télétravail, aux nouvelles organisations du travail dues à la situation que nous subissons depuis plusieurs mois. Une loi est-elle envisagée dans les mois à venir ?
M. Martin Lévrier. - Un service public d'insertion par l'emploi fonctionnera dans 30 territoires à partir de 2021. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce dispositif universel qui tend à offrir des solutions personnalisées, modulables et de proximité aux entreprises qui en auront besoin ? Par ailleurs, si vous connaissez les 30 territoires, nous serions intéressés...
En outre, y aura-t-il des possibilités de synergies ou d'incitation entre les mesures de formation au service de la préservation de l'emploi et l'utilisation de « mon compte formation » ?
Mme Élisabeth Doineau. - Une aide exceptionnelle en faveur des contrats en alternance a été prévue. C'est une très bonne nouvelle, pour les jeunes, pour les entreprises et l'activité économique de nos territoires.
Cette prime exceptionnelle est ouverte pour l'embauche d'un apprenti préparant un diplôme jusqu'au bac+5 et son montant passe à 5 000 euros pour les mineurs et 8 000 euros pour les majeurs. Mais il reste une limite, et c'est sur ce point que je veux vous interroger : la taille de l'entreprise. Pour les entreprises de plus de 250 salariés, un quota de 5 % d'alternants doit être respecté dans les effectifs, quota qui peut être réduit à 3 % en cas d'augmentation d'au moins 10 % d'alternants.
Il se trouve que, parfois, des entreprises ont une maison mère ou sont éparpillées sur plusieurs territoires. Je trouve injuste que certaines entreprises qui n'ont que 50 salariés dans un territoire mais dépendent d'une plus grande, doivent respecter ce quota. Dans cette période difficile, peut-être serait-il utile de lever cette barrière. Cela pourrait permettre à des jeunes de bénéficier de l'alternance. Je rejoins ma collègue Laurence Cohen : le 28 février 2021 est sans doute une échéance bien trop rapide pour interrompre cette évolution qui me semble importante. Je pense que dans ce pays, nous n'avons jamais accompagné réellement les jeunes dans l'alternance qui est une vraie voie de l'excellence.
M. Daniel Chasseing. - Les crédits annoncés dans la mission et le plan de relance sont très importants et nous saluons cette hausse. Ils bénéficieront aux publics les plus fragiles frappés par cette crise sanitaire et économique. Nous approuvons l'augmentation des crédits des dispositifs d'insertion par l'emploi. C'est par l'emploi, par l'apprentissage, c'est par l'entreprise que nous pourrons avoir après la crise un rebond et des recettes pour la sécurité sociale, la retraite et l'Unedic.
Comment seront employés les crédits de la mission et du plan de relance ? Les seniors seront-ils intégrés dans les formations ? Peut-être par des emplois à temps partiel, en tant que tuteurs, pour la transmission du savoir-faire. Les entreprises adaptées ne sont pas accessibles aux travailleurs handicapés à partir du moment où ils ont pu travailler en milieu ordinaire. Je m'associe enfin à ce qui a été dit concernant les filiales des grandes entreprises, très importantes dans les territoires, qui devraient pouvoir davantage bénéficier de l'alternance.
Mme Marie-Pierre Richer. - Je souhaiterais formuler deux alertes. La première concerne l'industrie mécanique de précision qui travaille pour les secteurs de l'aéronautique et de l'automobile. Le département du Cher est particulièrement impacté et c'est le cas de ma commune, Dun-sur-Auron, avec une entreprise familiale, en pleine expansion, qui formait des jeunes du territoire. Ces PME ont aujourd'hui l'impression d'être laissées pour compte. Le chômage partiel tel qu'il est proposé ne répond pas à leur problématique. Elles n'ont plus de carnet de commande et sont conduites à licencier. Je pense à l'entreprise de ma commune mais il y en a d'autres. Qu'est-il prévu pour ces PME ? Y a-t-il un déficit de communication ? Je rencontre des entrepreneurs qui ont réduit leur salaire et essayent de sauver leur entreprise. Ils ont l'impression d'être face à un mur, et ce alors que des groupes passent des commandes à des fournisseurs étrangers.
Ma deuxième question concerne le télétravail. Cela peut être un plus, en effet. Mais je suis également alertée par des entreprises qui m'indiquent que cinq jours sur cinq, c'est aujourd'hui compliqué pour leurs salariés. Après le confinement, certaines personnes se sont retrouvées en situation difficile, il ne faut pas occulter cela. Je le dis, le télétravail est une opportunité, c'est une très bonne chose aussi pour nos territoires ruraux, mais il serait opportun de garantir une couverture numérique sur tout le territoire : il ne faut pas attendre 2025.
Mme Monique Lubin. - Je voudrais revenir sur les jeunes. Vous avez annoncé des mesures intéressantes : 100 millions d'euros supplémentaires pour les missions locales, l'extension de la Garantie jeunes qui est à mes yeux un excellent dispositif. Est-ce que ces mesures et budgets supplémentaires seront maintenus sur plusieurs années ? Même si l'emploi repart à la hausse, ce que nous souhaitons tous, nous le savons, cette crise aura des répercussions sur plusieurs années et des jeunes risquent de se retrouver en difficulté de manière assez durable. Je pense à des jeunes aujourd'hui lycéens qui ne peuvent pas suivre leur scolarité de manière sereine. Nous avons tous des exemples dans nos entourages. Certains rateront la sortie du lycée, auront des difficultés à trouver une orientation car ils n'auront pas fait un bon parcours. Ils seront des « clients directs » pour les missions locales. Je pense aussi à ces structures, qui vivent au gré des budgets, avec des crédits en plus et en moins et ont du mal à gérer leurs équipes. Comme pour Pôle emploi, ces équipes ont besoin, elles aussi, de sécurité.
J'avais également une question sur l'assurance chômage, qui a déjà été posée et vous y avez répondu.
Ma dernière question concerne les CDDU, des contrats précaires. Dans mon territoire, le département des Landes, l'emploi vient en majorité de trois secteurs : le thermalisme, le tourisme et l'agroalimentaire. Les trois secteurs sont aujourd'hui lourdement impactés. Le tourisme, comme dans d'autres territoires, le thermalisme car aucun établissement ne fonctionne. L'agroalimentaire, notamment du fait de la fermeture des restaurants et la menace d'une grippe aviaire qui serait la troisième en cinq ans... Je vous laisse imaginer les catastrophes économiques que cela pourrait engendrer. Vous avez dit plus tôt que l'un de vos objectifs était d'emmener les gens vers un emploi de meilleure qualité et donc, qu'il n'y ait pas quelques mois de travail puis du chômage. Je partage cet objectif. Mais dans certaines zones, nous avons autour de nous des gens qui vivent correctement, sans rien demander à personne, d'emplois intérimaires ou de courte durée. Ils font des saisons à la montagne, puis à la mer, puis vont dans l'agroalimentaire. Cette situation existe, j'imagine, partout en France. Ces gens vont d'un contrat à un autre, au gré des saisons, certains en vivent bien, ils ne demandent rien d'autre. Mais ils sont aujourd'hui sans rien, à la rue, sans possibilité de travailler et sans capacité donc de recharger des droits au chômage. Nous sommes dans l'impasse. Et je ne parle pas de l'événementiel ou des guides touristiques. Je renouvelle ma demande d'une année blanche pour ceux qui avaient des droits ouverts ou d'un dispositif qui permette permettre de vivre décemment en attendant que ces activités puissent repartir normalement.
Mme Brigitte Micouleau. - La crise sanitaire fait prendre conscience aux responsables politiques du rôle indispensable des services d'aide et d'accompagnement à domicile.
L'État a décidé de pérenniser une enveloppe financière de 200 millions d'euros dans le cadre du PLFSS.
Toutefois, il n'est pas compréhensible que ce soutien soit réservé à certains salariés ou à certains services. Il est nécessaire d'aligner le montant de la PCH dans cas de l'emploi direct d'un salarié ou du recours à un mandataire sur celui applicable dans le cas du recours à un service prestataire. Il est primordial que la prime « covid » soit étendue à tous les assistants de vie.
Par ailleurs, je connais une jeune personne qui a eu le courage d'ouvrir son salon de coiffure quelques jours avant le second confinement. Malgré la possibilité de recourir à l'activité partielle, elle se trouve dans une situation très difficile.
Mme Colette Mélot. - La multiplication des dispositifs peut nuire à leur lisibilité. Il faut que les services administratifs, et notamment les sous-préfets qui seront nommés pour mettre en oeuvre le plan de relance veillent à ne pas complexifier davantage le travail des artisans, commerçants et chefs de petites entreprises.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur les demandes de recours à l'activité partielle formulées par les entreprises du secteur de la grande distribution. Sur le principe, la fermeture d'un certain nombre de rayons peut entrainer une baisse de l'activité et donc le recours à ce dispositif.
Néanmoins, les demandes doivent être strictement proportionnées. J'ai donné des instructions en ce sens.
Nous poursuivons par ailleurs les contrôles, aussi bien a priori qu'a posteriori. Nous avons réalisé 357 000 contrôles, dont environ 300 000 a priori. Ces contrôles ont mis en évidence 11 500 suspicions de fraude. Je ne parle pas là des erreurs de bonne fois mais de vraies tentatives d'escroquerie. Nous travaillons en étroite collaboration avec les services fiscaux. L'activité partielle représente une masse de plusieurs dizaines de milliards d'euros, et il est important que cet argent public soit utilisé à bon droit.
- Présidence de M. Olivier Henno, vice-président -
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Les principes de la réforme de l'assurance chômage me semblent toujours pertinents. Pour autant, il est vrai que la crise a créé des difficultés notamment pour les personnes qui avaient l'habitude d'enchaîner les contrats courts. Cette problématique n'est pas propre à tel ou tel secteur, il faut donc une réponse transversale.
J'ai incité les employeurs du secteur de la montagne qui recourent à des contrats saisonniers renouvelables chaque année en application de dispositions législatives ou de conventions de branche à signer ces contrats pour la saison à venir, quitte à recourir à l'activité partielle.
Sur la santé au travail comme sur le télétravail, des négociations sont en cours entre les partenaires sociaux. Il me semble nécessaire de respecter ce temps de la concertation. Nous pourrons le cas échéant traduire les résultats de cette concertation dans la loi.
Les enquêtes montrent qu'une majorité de salariés qui sont passés en télétravail intégral souhaiteraient revenir dans leur entreprise au moins une journée par semaine. Nous allons probablement devoir maintenir une part de télétravail exceptionnellement élevée au début de l'année 2021, mais il nous faudra tenir compte de ces retours.
Nous avons une ambition forte s'agissant de l'expérimentation du service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE) dans 30 départements volontaires. Nous allons lancer un appel à manifestation d'intérêt. Il s'agit de coordonner les acteurs de terrain, de mettre en place un référent unique et de mettre en place un diagnostic social et professionnel ainsi qu'un suivi du parcours dans la durée. J'attends beaucoup de ce chantier que je porte avec Brigitte Klinkert.
S'agissant du CPF et des mesures que nous mettons en place pour faciliter le retour à l'emploi, je pense que tout s'articule bien. Le CPF donne accès à toutes les formations mises en place dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences (PIC) ; il est ainsi possible de localiser toutes les formations, gratuites, accessibles autour de soi. En outre, dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a prévu des abondements du CPF pour des formations de base dans le domaine du numérique ou d'autres secteurs stratégiques. Le CPF devrait monter en puissance, notamment au travers de l'abondement par les entreprises, qui est désormais possible, et par les régions d'ici la fin de l'année. Pôle emploi en fait également un outil d'accompagnement des demandeurs d'emploi ayant des besoins en formation. Ce sera donc de plus en plus un outil universel en matière de formation.
S'agissant des interrogations de Madame Doineau, je ne pense pas que les critères que nous avons prévus pour le bénéfice de la prime exceptionnelle soient trop restrictifs. D'ailleurs, les chiffres sur l'apprentissage me donnent confiance. À cet égard, la communication sur les primes a été efficace, le coût d'un apprenti devenant quasiment nul pour l'employeur la première année, ce qui a amené de nouveaux employeurs à s'y intéresser.
J'ai entendu les questions sur les prêts garantis par l'État. Les dossiers individuels méritent sans doute un examen particulier mais j'ai prévu de faire un point plus général sur les dispositifs d'aide dont bénéficie le secteur de l'aéronautique avec le groupement des industries françaises aéronautiques (Gifas). Il est important que cela ruisselle des grands vers les moins grands. Bien sûr, toutes ces entreprises sont très percutées par la crise actuelle, avec des perspectives de reprise qui restent floues, au moins sur les vols long courrier.
Madame Lubin, en ce qui concerne la garantie jeunes, le Gouvernement n'a pas tout misé sur un seul dispositif mais dispose plutôt d'une palette de dispositifs qui s'inscrivent dans la durée. Notre idée est qu'à partir de 18 ans, tout jeune qui suit une formation qualifiante pour aller vers l'emploi dispose d'une rémunération de l'ordre de 500 euros par mois, quel que soit son parcours - et ces parcours sont très divers. Le Gouvernement compte d'ailleurs amender l'un des textes financiers en cours d'examen par le Parlement afin de combler les quelques « trous dans la raquette » qui subsistent.
Je suis par ailleurs consciente du décrochage de certains lycéens à l'occasion de la crise actuelle. C'est pourquoi nous avons conçu avec l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) un dispositif spécifique pour les 16-18 ans. Il s'agit d'un accompagnement de 35 000 décrocheurs - dont une première promotion de mille jeunes d'ici quelques jours - dans lequel ces jeunes qui n'ont pas encore bâti un projet professionnel pourront découvrir différents métiers pendant quatre mois. Ils pourront ensuite s'orienter vers l'apprentissage ou vers un autre dispositif qui complètera leur qualification.
S'agissant des aides à domicile, Madame Micouleau, le sujet relève davantage de la compétence d'Olivier Véran et de Brigitte Bourguignon, au ministère des solidarités et de la santé. Mais je pense qu'il y a dans ce domaine un gisement d'emplois, bien au-delà de la crise actuelle. Le rapport de Myriam El Khomri a mis en lumière ce qui reste à faire en termes de revalorisation, de parcours professionnel ou de validation des acquis d'expérience pour les personnels concernés. C'est un chantier que nous devons prendre à bras-le-corps entre le ministère chargé de l'enseignement supérieur, le ministère des solidarités et de la santé et mon ministère.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 10.