Mercredi 1er juillet 2020
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Gouvernance et performance des ports maritimes - Examen du rapport d'information
M. Hervé Maurey, président. - Je salue notre nouveau collègue Stéphane Cardenes, qui remplace Pascale Bories, laquelle a choisi de rester maire : cher collègue, bienvenue parmi nous.
Nous examinons le rapport de Michel Vaspart au nom de la mission d'information relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes, présidée par Martine Filleul. Ce rapport est le fruit d'un travail de longue haleine, initié il y a plus de six mois, qui a donné lieu à une trentaine d'auditions et à une dizaine de déplacements dans des ports maritimes, en France mais aussi à l'étranger - à Anvers et Rotterdam. Ceci, dans un contexte particulier, d'abord celui des grèves liées à la réforme des retraites et ensuite celui de la crise sanitaire. Mais cette crise a aussi accentué l'intérêt de votre travail en mettant en lumière le caractère stratégique des infrastructures portuaires et des chaînes de valeur logistiques.
Malgré l'importance cruciale des ports, nous attendons encore la stratégie nationale portuaire du Gouvernement, annoncée en novembre 2017. En février 2019, nous avions publié un rapport avec Michel Vaspart intitulé : « La compétitivité des ports français à l'horizon 2020 : l'urgence d'une stratégie », à l'issue d'une table ronde en commission. Nous nous inquiétions de la faible performance des ports français au regard des objectifs qui avaient présidé aux différentes réformes portuaires d'une part et en comparaison avec les autres ports européens d'autre part.
L'heure est au bilan, et surtout aux propositions pour remédier à cette situation. C'est pourquoi je laisserai d'abord la parole à la présidente de la mission d'information, afin qu'elle nous en présente les principaux constats, puis à son rapporteur qui nous détaillera ses propositions.
Mme Martine Filleul, présidente de la mission d'information. - D'emblée, je tiens à souligner la bonne entente qui a régné dans notre travail, avec le rapporteur Michel Vaspart. Nos travaux ont débuté en décembre 2019 et se sont achevés la semaine dernière par des échanges avec les représentants des syndicats des dockers et des personnels des ports. Au cours de ces sept mois de travail de terrain et d'écoute, qui ont été perturbés par l'épidémie de Covid-19, nous avons réalisé une trentaine d'auditions et dix déplacements dans les grands ports maritimes (GPM) relevant de l'État en métropole ainsi qu'à Rotterdam et à Anvers. Nous avons reçu de nombreuses contributions écrites, notamment de la Commission européenne que nous avons sollicitée, et procédé à des échanges complémentaires avec d'autres acteurs.
J'évoquerai les principaux constats de notre mission et je laisserai notre rapporteur présenter ses propositions, sur lesquelles nous avons longuement échangé au cours des dernières semaines.
La crise de la Covid-19 et le projet chinois de « nouvelles routes de la soie » renforcent le caractère stratégique des infrastructures portuaires et cette mission, souhaitée de longue date par notre rapporteur, était nécessaire. Une revue globale de la situation s'imposait, notre commission et le Sénat n'ayant pas conduit de travaux sur ce sujet depuis le rapport de Charles Revet « Les ports français : de la réforme à la relance », adopté en juillet 2011.
Premier constat : malgré nos atouts maritimes considérables - un réseau portuaire dense, trois façades maritimes et un accès à tous les océans grâce à l'outre-mer - les performances de nos ports empêchent la France de tirer pleinement parti des échanges mondiaux.
Nous avons constaté que l'empreinte économique des ports est mal connue, faute de données consolidées sur l'ensemble du système portuaire. La valeur ajoutée totale associée au fonctionnement du système portuaire français dépasserait les 15 milliards d'euros, soit vingt fois le chiffres d'affaires des GPM, et représenterait 180 000 emplois directs et plus de 350 000 emplois directs et indirects, concentrés pour l'essentiel au Havre, à Marseille et à Dunkerque. L'importance du secteur logistique est également sous-estimée, malgré une prise de conscience récente au plus haut niveau de l'importance de ce sujet pour la croissance économique.
Sur le volet de la performance, le secteur portuaire connaît de profondes réformes depuis trente ans et la loi dite « Le Drian » de 1992, puis la réforme portuaire de 2008. L'orientation de ces réformes était positive car elles visaient à placer nos ports à armes égales avec leurs concurrents des ranges Nord et Sud en termes de compétitivité. Toutefois, le bilan est contrasté : les GPM ont gagné en compétitivité, amélioré leur situation financière et certains indicateurs sur le trafic de conteneurs sont encourageants mais globalement les trafics passant par les GPM ont reculé depuis 2008 et sont aujourd'hui à un niveau comparable à celui atteint au début des années 2000.
En 2019, le trafic de l'ensemble des GPM et Calais représentait 312 millions de tonnes, contre 470 millions de tonnes pour Rotterdam et 238 millions de tonnes pour Anvers. Le décalage est important : nos ports ne sont pas parvenus à s'imposer comme les principales portes d'entrée du commerce en Europe, alors même que 75 % des échanges commerciaux de l'Union européenne transitent par la mer et 25 % des échanges intra-européens.
Certes, d'autres facteurs expliquent les difficultés des ports français : la désindustrialisation, les restructurations affectant le secteur pétrolier et la conjoncture économique globale. Toutefois, pendant ce temps, les autres ports européens ont amélioré leur position.
Enfin, les récentes grèves et l'épidémie de Covid-19 ont durement éprouvé les GPM, avec de fortes baisses de trafics qui se traduisent par d'importantes pertes économiques, dont l'étendue n'est pas connue à ce jour.
Le rapport de l'inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), intitulé « La transformation du modèle économique des grands ports maritimes », dont nous avons entendu les auteurs, souligne d'autres difficultés pour nos GPM : des coûts de passage portuaire plus élevés que dans les ports européens voisins, une insuffisance de la desserte de nos ports par des modes massifiés et une image de fiabilité encore écornée.
Au total, le retard pris par la France représenterait de 30 000 à 70 000 emplois sur la filière des conteneurs - il faut savoir qu'à l'heure actuelle, plus de 40 % des conteneurs à destination de notre pays transitent par des ports étrangers.
Second constat : la faible massification des acheminements portuaires et les insuffisances de notre système logistique ne permettent pas aux GPM d'étendre leur hinterland. À l'heure actuelle, 80 % des pré- et post-acheminements portuaires reposent encore sur le mode routier (hors oléoducs) quand 50 % du fret conteneurisé du port d'Hambourg est acheminé par voie ferroviaire ou fluviale.
La question du faible recours au transport fluvial me tient particulièrement à coeur. Ce sujet, comme celui du fret ferroviaire, dépasse largement le cadre portuaire puisqu'à l'échelle nationale, la part modale du fluvial ne s'élève qu'à 3 %, alors que d'autres États, en particulier l'Allemagne et les Pays-Bas, ont réussi à tirer pleinement parti de ce mode. Le fluvial présente l'avantage d'être à la fois écologique - 1 barge équivaut à 125 poids lourds -, fiable et capacitaire. En France, le fluvial est loin d'être saturé : Voies navigables de France (VNF) estime que le trafic sur la Seine aval et le Rhône pourrait être quadruplé à infrastructures constantes. C'est pourquoi le mode fluvial est un levier important de compétitivité pour l'avenir de nos ports, d'autant plus dans un contexte de massification du transport maritime, sous l'effet de l'augmentation de la taille des navires. Certains de nos ports, à l'image de Dunkerque, ont mis en place des initiatives ambitieuses pour renforcer le transport fluvial, en mutualisant les Terminal Handling Charges (THC), pour lisser le surcoût lié à la manutention fluviale : en 2016, première année d'application de ce dispositif, le trafic fluvial a plus que doublé dans ce GPM.
Cette situation n'est donc pas satisfaisante alors que les potentialités de croissance sont importantes à court terme : selon le rapport IGF-GCEDD, la France pourrait augmenter de 10 % sa part de marché sur le trafic de conteneurs à destination de la France - qui atteindrait dès lors 70 %- avec des gains de plus d'1 milliard d'euros de valeur ajoutée et la création de 25 000 emplois directs et indirects.
Alors pourquoi en sommes-nous là ?
D'abord, notre système portuaire souffre des insuffisances globales de la politique de transport et de logistique et d'une absence de vision stratégique à long terme. La dernière stratégie nationale portuaire remonte à 2013 et elle ne traitait que des GPM de métropole - les GPM ultramarins ont été traités trois ans plus tard, à part, et les ports décentralisés ont été laissés de côté.
Depuis l'annonce d'une nouvelle stratégie portuaire par le Premier ministre en 2017 aux Assises de l'économie de la mer, rien ne s'est produit. Les nombreux rapports publiés ces dernières années - dont quatre rapports parlementaires en 2016 - soulignent tous que les résultats sont décevants, que des occasions ont été manquées mais aussi qu'il y a des potentialités à exploiter. L'ensemble démontre une inertie préoccupante de l'État : il est temps d'inverser la tendance. En comparaison, nos concurrents européens et internationaux, comme l'Allemagne et la Chine, portent une vision à très long terme de leurs ambitions maritimes.
Deuxième élément d'explication : le sous-investissement chronique dans la desserte et les infrastructures portuaires. Les investissements dans le domaine portuaire représentent moins de 3 % des investissements dans les infrastructures de transports. Les dépenses de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) consacrées au secteur portuaire ne représentent que 1,25 % du budget total de l'agence. Concernant l'accès aux GPM, la loi d'orientation des mobilités (LOM) fixe une trajectoire d'investissements ambitieuse en matière de rénovation des réseaux et de report modal vers des modes massifiés, mais encore insuffisante.
Troisième élément : le modèle économique de nos ports est à bout de souffle, ils subissent un « effet ciseau » entre la hausse de leurs charges, notamment non-commerciales et fiscales, et la baisse des trafics d'hydrocarbures, qui s'additionne au retard pris sur le segment des conteneurs.
Je laisse la parole au rapporteur pour qu'il présente ses propositions.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - C'est un moment assez particulier pour moi, puisque je vous présente ce qui sera plus que probablement mon dernier rapport sénatorial, ayant choisi de ne pas me représenter en septembre.
Avant de vous présenter nos propositions, je souhaite souligner deux points. D'abord, je suis très préoccupé non seulement par le projet chinois des « nouvelles routes de la soie », qui place l'Union européenne face à ses responsabilités en matière de protection de notre souveraineté et de notre autonomie stratégique, mais également par les liens entre notre principal armateur, CMA CGM, et l'armateur chinois Cosco, au sein de l'Ocean Alliance. En outre, depuis 2013, CMA CGM contrôle (à 51 %) avec China Merchants Group (à 49 %) la co-entreprise Terminal Link, qui détient notamment des participations dans les terminaux à conteneurs de Dunkerque, de Marseille et du Havre. Terminal Link s'est récemment vu transférer, avec l'accord de la Commission européenne, la cession d'actifs de CMA CGM dans huit terminaux. Ces exemples montrent une certaine porosité entre les participations portuaires chinoises et françaises, il est plus que nécessaire d'attirer l'attention du Gouvernement sur cet enjeu, j'ai déjà eu l'occasion de le faire en séance publique ou lors d'auditions en commission.
Ensuite, j'insiste sur la nécessité de saisir l'opportunité de la relance économique post-crise de la Covid-19 pour déployer un plan de soutien en direction de nos ports maritimes, que nous avons calibré à 150 millions d'euros par an sur cinq ans dans le rapport, avec en parallèle un doublement des moyens aux infrastructures de transports massifiées de fret, à 5 milliards d'euros sur dix ans. Ces deux programmes doivent permettre d'améliorer la compétitivité des ports français, d'accompagner la transition écologique de notre économie nationale et de favoriser des relocalisations industrielles, pour soutenir les trafics.
Au-delà de ces rappels, les propositions du rapport s'articulent autour de quatre recommandations de court terme et dix propositions.
S'agissant des recommandations, nous considérons que l'ouverture des ports sur leur environnement territorial - collectivités, universités, entreprises - doit encore être améliorée. Nous avons vu qu'à Anvers et Rotterdam, la relation avec le territoire est très bonne, les habitants connaissent leur port, et quand il y a des projets de développement, ils y adhèrent bien davantage que dans nos GPM. Nous appelons également à renforcer la connaissance sur l'empreinte économique des ports, en consolidant les données qui sont encore dispersées. Nous appelons également à la structuration d'un réseau de correspondants des ports au sein de l'Union européenne, pour promouvoir les intérêts français et tirer le meilleur parti des financements européens. L'affaire des « corridors » à l'été 2018, au sujet de laquelle nous avions adopté une proposition de résolution européenne, a marqué de nombreux acteurs du monde portuaire. Enfin, la dernière recommandation concerne la stratégie nationale portuaire et logistique : nous appelons le Gouvernement à la présenter sans plus tarder. Cette stratégie devra porter sur l'ensemble des ports français de métropole et d'outre-mer, en intégrant les ports décentralisés, qui sont trop souvent laissés de côté.
Nous proposons également de créer un « conseil national portuaire et logistique » (CNPL) pour piloter de façon transversale la politique maritime et portuaire. Je déplore que nous ne disposions plus d'un ministère de la mer, comme dans les années 1980. La création d'un conseil national serait un premier pas pour renforcer les liens entre les administrations de l'État, les acteurs économiques et les ports.
Nos dix propositions s'articulent en trois axes et visent d'une manière globale à « réarmer » nos ports dans la compétition internationale.
Le premier axe vise à améliorer le pilotage stratégique des GPM par l'État et la gouvernance interne des établissements publics portuaires.
Il faut inscrire la politique de dividendes de l'État dans une logique pluriannuelle, en créant des contrats d'objectifs et de performance, tels qu'ils existent pour de nombreux établissements publics. Notre commission avait défendu la création de cet outil lors de la réforme portuaire de 2008, à l'initiative de Charles Revet, mais le Gouvernement n'a pas respecté l'intention du législateur puisque la disposition prévoyant la conclusion de ces contrats a été déclassée de la partie législative à la partie réglementaire du code des transports lors de la codification du code des transports par voie d'ordonnance en 2010, avant d'être supprimée par le Gouvernement par décret. En complément, je souhaite que les lettres de mission aux directeurs généraux des ports soient généralisées, avec des objectifs précis, et que leur rémunération comporte une part variable plus importante en lien avec la performance du port dont ils ont la charge, à hauteur de 25 %.
La seconde proposition vise à mieux associer les acteurs économiques à la gouvernance des GPM et à renforcer le poids relatif des collectivités territoriales au conseil de surveillance. Ce sujet avait justifié en grande partie la création de cette mission d'information car les acteurs économiques ont été relégués dans un rôle purement consultatif au sein du conseil de développement, alors qu'ils faisaient précédemment partie des conseils d'administration des ports autonomes. Ces acteurs, qui investissent fortement dans le domaine portuaire, sont aujourd'hui à l'écart des décisions importantes, ce qui peut avoir des conséquences regrettables comme l'a montré le projet de terminal multimodal du Havre. La Cour des comptes considère que la présence des acteurs économiques au conseil d'administration des ports créé un risque de conflit d'intérêts mais ce risque est maîtrisé car nous disposons de nombreux instruments pour prévenir et faire cesser ces conflits d'intérêts.
Je suggère que la nomination des directeurs généraux des GPM se fasse sur proposition des conseils de surveillance de chaque GPM, avec la possibilité pour ces derniers de les révoquer, comme c'est le cas dans de nombreuses sociétés commerciales. À l'heure actuelle, la nomination est proposée par le ministre des ports maritimes, avec avis conforme du conseil de surveillance. Inverser cette procédure permettrait de diversifier le profil des directeurs et renforcerait le conseil de surveillance dans ses prérogatives de contrôle de la direction du port. Charles Revet avait déjà fait cette proposition en 2008 lorsqu'il était rapporteur de la loi de réforme portuaire.
Je vous propose également de prévoir la présence du président du conseil de développement et du président de l'Union maritime et commerciale locale au conseil de surveillance avec voix délibératives ; l'élection du président du conseil de surveillance au sein du collège des élus locaux ; une représentation unique de l'État au conseil de surveillance via le préfet de région, ce qui réduirait de 18 à 14 le nombre de membres du conseil de surveillance, pour une meilleure gouvernabilité des établissements - il y a actuellement cinq représentants des ministères; et une adaptation des instances de gouvernance à la taille des places portuaires en distinguant d'une part HAROPA (Le Havre-Rouen-Paris) et Marseille et, d'autre part, Dunkerque, Bordeaux, Nantes et La Rochelle. Les conseils de surveillance d'HAROPA et Marseille passerait ainsi de 18 à 14 membres et ceux des autres ports de 18 à 12 ou 14.
Le deuxième axe de nos propositions vise à renforcer la compétitivité de nos ports en agissant sur trois volets : financier, juridique et social.
Je propose de porter les investissements prévus par la loi d'orientation des mobilités de 2,3 à 5 milliards d'euros sur 10 ans, pour améliorer fortement notre politique pour le fret. L'association pour le fret ferroviaire du futur propose, quant à elle, une augmentation à 13 milliards d'euros, mais elle retient un périmètre plus large que la seule desserte des ports. En complément, il est nécessaire de tripler « l'aide à la pince », à 80 millions d'euros dès 2021, pour soutenir le transport combiné et donc encourager le report modal. Ces aides devront être calibrées pour servir nos ports et non nos concurrents : elles devront être attribuées seulement pour les trajets au départ et vers nos ports.
Une autre proposition vise à fixer un cap clair pour mieux réguler les services portuaires : certains services, comme le remorquage, sont insuffisamment régulés sur le plan de la concurrence, ce qui pèse sur la compétitivité-prix de nos ports. Nous devons envisager de confier à terme à l'Autorité de régulation des transports (ART) une compétence sur ce secteur ; d'ici à ce changement majeur, je propose que le CNPL soit chargé de veiller à l'évolution du coût des services portuaires. Je vous propose également de réduire à 4 ans la durée des agréments des entreprises de remorquage, contre 5 à 15 ans aujourd'hui en fonction des ports, afin de favoriser la concurrence.
S'agissant du volet social, nous avons eu de nombreux échanges : plusieurs propositions ambitieuses m'ont été soumises mais je retiens une approche mesurée. Nous devons renforcer les exigences de continuité et de disponibilité des activités de service public, comme le remorquage, en cohérence avec les possibilités que nous offre le règlement européen sur les services portuaires de 2017, pour améliorer la compétitivité de nos ports. Au-delà, pour la manutention, le dialogue social doit se poursuivre pour faire converger les acteurs autour d'une vision commune et d'un objectif de reconquête de parts de marché. Nos échanges avec les syndicats ont été riches et fructueux, je fais confiance à nos entreprises et à nos dockers pour adopter les organisations qui s'imposent, alors que les grèves liées à la réforme des retraites et la baisse des trafics liée à l'épidémie de Covid-19 ont durement éprouvé nos ports. En revanche, j'appelle l'État à utiliser les leviers à sa disposition, y compris la voie judiciaire, pour empêcher le blocage de l'accès aux ports, qui ne correspond pas à l'exercice classique du droit de grève, normalement limité au périmètre de travail des salariés et aux outils et équipements associés. Le port de Nantes a obtenu une décision en ce sens. L'État doit prendre ses responsabilités, il en va de notre image auprès des grands chargeurs et armateurs.
Je ne reviens pas sur le plan de relance portuaire que j'évoquais en introduction : une enveloppe de 150 millions d'euros par an sur cinq ans abondés par l'État me semble nécessaire pour soutenir nos ports.
Une autre proposition vise à sécuriser le modèle économique de nos ports, qui connaît un « effet ciseau » entre la hausse des charges et la baisse de la rente pétrolière. Il faut clarifier le périmètre des dépenses non commerciales prises en charge par l'État sur le budget général et je propose de porter à 170 millions en année « n » le montant des compensations versées par l'État, avec une trajectoire glissante pour atteindre 140 millions d'euros en année n+10 dans un objectif d'incitation à la performance. Aujourd'hui, les crédits budgétaires annuels représentent un peu moins de 100 millions d'euros.
S'agissant de l'entrée de nos ports dans la fiscalité foncière, un forfait fiscal adapté devrait être proposé par le Gouvernement dans le cadre du budget pour 2021, sur le modèle des autoroutes ou de certains équipements des ports de plaisance. J'y resterai attentif car c'est un enjeu majeur à la fois pour la situation financière de nos ports et pour les entreprises présentes sur le domaine portuaire, auxquelles les ports pourraient refacturer cette charge nouvelle. Quant à l'impôt sur les sociétés, le bilan d'ouverture des ports a été sécurisé sur plusieurs années et nous devrons veiller à la soutenabilité de cette charge à terme.
Enfin, le dernier axe de nos propositions vise à anticiper les défis à venir. Il est nécessaire que les GPM clarifient leur politique tarifaire en matière de droits de ports et réduisent leur dépendance à leur égard, car ils sont liés aux trafics et donc volatils. Les GPM doivent développer leurs recettes domaniales, sur le modèle de leurs concurrents.
J'appelle également l'État à accompagner puissamment nos ports dans la transition écologique et numérique : l'objectif de réduire de moitié les émissions des navires d'ici 2050 impose une ambition et des moyens. Des solutions existent - l'électricité à quai, le développement des propulsions décarbonées, etc. - l'État doit les encourager.
Enfin, s'agissant des « routes de la soie » chinoises, je propose d'établir une réponse coordonnée, par la négociation, à l'échelle européenne et, en France, de nommer un interlocuteur référent unique sur ce sujet, pour une veille permanente.
Au total, ces propositions doubleraient les moyens dédiés aux ports français, soit 7,3 milliards d'euros sur 10 ans. Nous devons accorder une priorité à nos ports, c'est un équipement stratégique, de souveraineté.
Un mot sur le canal Seine-Nord, dont la construction est actée. Nos interlocuteurs d'Anvers et de Rotterdam nous ont fait comprendre, dans un demi-sourire éloquent, que c'était à nos GPM de s'organiser pour ne pas subir les conséquences de l'ouverture d'un tel axe. Le canal ne sera pas ouvert avant dix ans, c'est le temps qu'il nous reste pour que Rouen et Dunkerque ne soient pas court-circuités par les grands ports du range Nord.
M. Hervé Maurey, président. - Merci pour ce travail de grande qualité, je salue tout particulièrement notre rapporteur, dont les compétences nous manqueront. Ce travail a été réalisé en bonne entente, au-delà des clivages politiques, c'est la marque de notre maison et de notre commission. J'espère que le Gouvernement entendra vos propositions, notamment sur la stratégie nationale portuaire, qui se fait trop attendre. Je souhaite aussi que ce travail fasse l'objet d'un débat en séance plénière.
Mme
Martine Filleul. - Je m'exprimerai au nom de mes
collègues du groupe socialiste et républicain, qui voteront ce
rapport. Il faut soutenir les ports par un plan d'urgence, car ils sont
à un moment critique de leur histoire, confrontés à des
problèmes qu'ils ne peuvent supporter seuls, qu'il s'agisse du
numérique ou encore de la crise sanitaire
- à Dunkerque, l'activité a été
réduite de moitié sous le coup de cette crise. Il faut un plan de
relance, faute de quoi nos GPM seront bien trop distancés par la
concurrence, les grands ports de l'Europe du Nord ayant, eux,
déjà pris les mesures nécessaires.
Je crois qu'il faut aussi changer de perspective sur nos ports, les regarder comme pourvoyeurs d'emplois, de développement. Il faut leur faire confiance, leur donner de la souplesse, pour qu'ils s'adaptent et s'ouvrent à l'environnement - alors qu'ils sont aujourd'hui placés sous la férule d'un État mauvais gestionnaire. Il faut aussi favoriser les alliances entre les ports, fluviaux, maritimes, en finir avec la fragmentation qui fait tant de mal. Nous devons aussi replacer les ports dans des enjeux globaux, environnementaux et européens, nous avons besoin d'une politique harmonisée des transports fluviaux, maritimes et ferroviaires. La France doit également être plus présente à Bruxelles pour défendre ses intérêts et participer à une convergence européenne des ports, plutôt qu'une concurrence entre les ports. Et c'est par ces politiques européennes d'envergure que l'on pourra faire face aux « routes de la soie ».
Mme Nelly Tocqueville. - Je félicite le rapporteur pour ce travail fouillé, complet : en réalité, on ne peut pas faire mieux que ce rapport sur le sujet, il serait bienvenu que les gouvernants nous entendent. Je déplore moi aussi l'obsolescence des installations ferroviaires sur les lignes dites capillaires, notamment à Rouen : ce mauvais état traduit le désintérêt public vis-à-vis de ces infrastructures, alors qu'elles sont nécessaires aux ports.
Le demi-sourire de vos interlocuteurs d'Anvers et de Rotterdam lorsque vous avez évoqué le canal Seine-Nord, peut être interprété comme un signe inquiétant ou, à l'inverse, encourageant : à nous de choisir ce qui en adviendra et le moins qu'on puisse dire aujourd'hui, c'est que la vigilance s'impose. Ce canal est nécessaire, mais attention à ne pas sacrifier Rouen et Le Havre, nous avons les solutions, elles réclament de la volonté et des moyens.
Je remercie tout particulièrement le rapporteur et le salue, nous avons beaucoup travaillé sur de nombreux sujets, en particulier littoraux, toujours dans la cordialité et l'intérêt des territoires.
M. Didier Mandelli. - Je me joins à ces remerciements, au nom du groupe Les Républicains, nous avons toujours apprécié la passion de notre rapporteur pour les sujets liés au littoral et au domaine maritime. Le diagnostic est unanime : depuis des décennies, la France souffre d'un manque de vision et de stratégie en matière maritime, comme sur d'autres grands enjeux. N'oublions pas que le fluvial et le maritime ont largement contribué à la richesse de notre pays. Et quand je vois comment le Gouvernement est parvenu, d'un trait de plume et en 48 heures, à trouver 1 milliard d'euros pour le canal Seine-Nord parce qu'il fallait à tout prix signer la convention avec le président de région, ceci sans recette supplémentaire, je suis quelque peu inquiet sur notre capacité à financer des infrastructures aussi importantes, et ce qu'il en adviendra. En réalité, tous les acteurs sont prêts à s'engager pour de tels équipements, les parlementaires aussi, mais il manque une ambition claire de l'État et de la constance dans le fait de tenir les engagements pris. J'espère donc que ce rapport aura un impact fort.
M.
Jean-Michel Houllegatte. - Je salue le travail de notre
rapporteur qui a su travailler au fond, s'investir dans la durée sur un
sujet au point d'en devenir un expert
- évoquer Michel Vaspart,
c'est aussitôt apercevoir un port maritime -, pour parvenir à
cette capacité de trouver les chemins du possible avec pragmatisme et
réalisme, à l'image du travail sénatorial.
Les espaces portuaires connaissent une profonde mutation, mais ils restent soumis à des tensions réglementaires et administratives : à Cherbourg, il a fallu 15 ans pour construire des terre-pleins, du fait des contraintes administratives, alors que c'était nécessaire pour implanter des entrepôts, donc faire vivre le port en y implantant des activités, de la valeur ajoutée. Une question : quelle place faites-vous dans votre rapport aux questions de la domanialité portuaire ?
M.
Pascal Martin. - À mon tour je remercie et
félicite notre rapporteur : j'ai participé à cette
mission et je me retrouve parfaitement dans les recommandations. Au Havre,
le port fait un travail important pour s'ouvrir sur son environnement et sa
population : Le Havre Port Center développe toute une
pédagogie, des visites, des formations, ses équipes travaillent
en réseau avec des ports internationaux comme ceux de Gênes et
Singapour
- ne serait-ce pas une réponse pour les autres
GPM ?
Ensuite, le canal Seine-Nord exige une stratégie nationale, ou bien Le Havre, Rouen et Dunkerque, donc la France, subiront la nouvelle donne. Nous constatons que les ports sont en compétition, sans démarche partagée. Si la compétition prédomine entre nos GPM, le risque est énorme - et je suis personnellement pessimiste. Il reste dix ans avant l'ouverture de ce canal, nous avons besoin d'une réponse collective aux défis qu'il nous pose.
M. Hervé Gillé. - Je salue à mon tour notre rapporteur et me félicite de la qualité relationnelle qui a présidé à nos travaux. Nous constatons tous combien notre pays manque dramatiquement d'une stratégie logistique nationale et même européenne, transversale, intermodale, combinée, propre à répondre aux enjeux de développement durable, et qui passe par des coopérations régionales et européennes. Regardez les documents contractuels de l'aménagement du territoire et autres contrats de plan : la réflexion intermodale y est quasiment absente, aucune clé de lecture sur les transports dans les territoires et leur insertion dans un territoire plus vaste. Aussi les initiatives sont-elles entre les mains des filières économiques et des opérateurs de transports, sans axe stratégique. Nous manquons aussi de vision prospective sur les nouvelles technologies : comment la logistique va-t-elle se développer avec les camions autonomes à hydrogène ? Quelles conséquences pour l'aménagement du territoire ?
M. Guillaume Chevrollier. - La question maritime engage effectivement notre souveraineté nationale, c'est bien à cette échelle qu'il faut poser l'enjeu. Vous proposez des réformes concrètes sur la gouvernance des GPM : la prochaine loi de décentralisation vous paraît-elle un bon véhicule ? Ensuite, que pensez-vous de la performance environnementale des ports français, en particulier pour la préservation de la biodiversité ?
M. Benoît Huré. - Le diagnostic est unanime : depuis au moins quinze ans, nous manquons de stratégie maritime, le problème demeure entier. Une question d'actualité : comment voyez-vous la mise en oeuvre du Brexit et ses conséquences sur nos ports maritimes ? Ensuite, si je conviens que la décentralisation pourrait apporter du dynamisme, il ne faut pas oublier que sans moyens financiers conséquents, les limites de l'action sont vite atteintes. Enfin, pour bien connaître la région des ports de l'Europe du Nord - le port fluvial de Givet, dans mon département, n'est qu'à deux heures de route d'Anvers -, je sais que nos concurrents disposent d'avantages géographiques que nous n'avons pas, en particulier la densité de population, la densité industrielle et économique, les équipements en voies d'eau, qui font en particulier que le fluvial y est resté le premier moyen de transport.
M. Jérôme Bignon. - Je salue à mon tour ce travail de grande qualité, dont je sais qu'il est d'un intérêt vif pour les acteurs et pour l'avenir de notre pays. Vos conclusions rejoignent celles qui étaient les nôtres, quand nous avons travaillé sur ce sujet dans une mission parlementaire avec René Vandierendonck à la demande du Premier ministre - où nous étions quatre sénateurs et quatre députés, représentatifs des différents axes et façades maritimes. Le drame des ports, c'est que les collectivités les considèrent pour leur notoriété un peu comme l'équipe de foot : toute l'activité est regardée au seul bénéfice du territoire local, comme dans un match avec les autres territoires, sans vision d'ensemble. C'est pourquoi il faut faire attention avec la décentralisation : régionaliser, c'est encourager la concurrence - je suis plutôt favorable à une vision nationale, seule capable d'imposer plus d'équilibre. Voyez certaines de nos règles, par exemple en matière de suivi douanier, d'entrée dans les ports : elles varient selon les places portuaires, ces différences accentuent la concurrence et nous désavantagent par rapport aux autres grands ports européens.
Comme membre du conseil de surveillance du canal Seine-Nord Europe, j'ai la chance de suivre le dossier de près. Regardez le trafic sur l'autoroute A1 : deux files sur trois sont saturées de camions, à longueur de journée, on en est à organiser des parkings à 50 kilomètres de Paris pour réguler les pauses nocturnes. C'est tout ce trafic routier qu'on pourra transférer sur l'eau, cela représente des dizaines de milliers de tonnes de CO2. D'où vient et où va ce fret ? En partie dans l'Europe du Nord, mais aussi dans nos territoires, et c'est cette partie qu'il nous faut récupérer pour nos ports, c'est l'enjeu des plateformes portées par les régions. Je crois donc que avancées existent - mais je constate que vous êtes aussi pessimistes que nous l'étions dans notre mission, ce qui m'attriste...
Mme Angèle Préville. - Une question : dans quelle proportion les conteneurs qui livrent la France transitent-ils par les ports étrangers ? Il faut faire connaître ce chiffre, c'est utile pour défendre nos ports maritimes. Je salue en notre rapporteur un sénateur de conviction, c'est très précieux pour tous ceux qui ne sont pas spécialistes de ces sujets, je salue aussi le lanceur d'alerte sur les « routes de la soie » - merci pour votre vigilance, cher collègue.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Je remercie chaleureusement les services de la commission, ils m'ont été d'une grande utilité, en particulier dans ce contexte rendu plus difficile par la crise sanitaire.
Je déplore avec constance l'état lamentable du réseau ferroviaire dit capillaire, c'est-à-dire les voies qui desservent les silos céréaliers, parmi d'autres équipements, et qui font que Rouen est le premier port céréalier de France - il a perdu récemment sa première place européenne. Attention : si l'on ne restaure pas ce réseau capillaire, les céréales seront transférées sur la route, c'est très concret, et urgent.
Je ne suis pas pessimiste sur le canal Seine-Nord, mais réaliste, et l'optimiste de nature que je suis n'a qu'un message : il faut aller vite. Avant la crise sanitaire, nous constations que le volume de conteneurs était en progression au Havre, certes, mais attention : cette progression est bien moindre qu'à Anvers et Rotterdam, c'est donc que nous perdons du terrain.
Notre rapport aborde la question de la domanialité, nous disons qu'il faut augmenter les recettes domaniales. Des progrès sont accomplis, voyez ce qui se passe dans le Nord, il faut s'en inspirer et aller plus loin.
Les questions environnementales sont décisives, en particulier la préservation de la biodiversité dans l'espace portuaire. En réalité, les mêmes règles européennes s'imposent aux différents ports, mais les approches sont différentes. En France, nous avons fait des réserves foncières considérables il y a des décennies, pour les plateformes portuaires - et comme le développement y a été arrêté, la nature y a repris ses droits, la biodiversité s'est développée et désormais il faut compter avec les règles d'urbanisme protectrices, avec des oppositions fortes localement. À Rotterdam, outre l'extension sur la mer, on considère que le domaine portuaire est une zone d'activité industrielle et que la compensation peut se faire à l'extérieur de ce domaine. Les solutions sont plus compliquées en France, les oppositions sont nombreuses, je crois qu'il faut ouvrir davantage les ports sur l'extérieur, Anvers et Rotterdam le font remarquablement.
Nous avons besoin d'une stratégie nationale et européenne, c'est tout à fait exact, cela fait des décennies que nous le répétons... parce que rien ne bouge ! Sur ce plan, il faut dire que le ministère de l'environnement ne fait pas son travail, alors que les hauts fonctionnaires ne manquent pas...
La prochaine loi de décentralisation est-elle un bon véhicule pour réformer nos ports maritimes ? Pourquoi pas, si un projet de loi spécifique n'est pas préparé d'ici là - mais il faut aussi compter avec la prochaine loi de finances, échéance importante, et j'envisage de déposer une proposition de loi.
Le Brexit a été un vrai sujet, avec le problème des « corridors » en 2018. Dès lors que les produits irlandais ne passeront plus par l'Angleterre, il faut définir des « corridors » depuis l'Irlande jusqu'au continent européen ; or, ceux que la Commission européenne a proposés allaient directement à Anvers et Rotterdam, sans passer par nos ports. Cela nous montre combien la France n'est pas suffisamment présente à Bruxelles, ce qui va bien au-delà de la question des ports maritimes. Avant la crise sanitaire, le Premier ministre anglais a annoncé qu'il envisageait d'autoriser des ports francs sur la Manche : ce serait une concurrence déloyale très inquiétante, y compris pour Anvers et Rotterdam.
Environ 40 % des conteneurs qui alimentent le marché français passent par Anvers et Rotterdam : c'est effectivement un chiffre-clé, à faire connaître.
L'aide à la pince est aussi une question importante, parce qu'elle joue contre nos ports maritimes. Cette subvention publique qui aide l'acheminement des conteneurs par voie ferrée, désavantage nos ports maritimes. En effet, un conteneur posé sur un train au Havre pour aller à Lyon, reçoit 34 euros d'aide à la pince ; mais le même conteneur, débarqué à Anvers, recevra une aide à la pince de 31 euros en Belgique, puis 130 euros au Luxembourg, et encore 17 euros pour aller de Luxembourg à Lyon - l'aide est cependant plafonnée à 150 euros : au total, le conteneur reçoit une aide à la pince de 150 euros s'il débarque à Anvers, mais 34 euros au Havre, c'est un vrai handicap. Nous proposons de tripler notre aide à la pince, à l'intérieur de notre territoire, à partir de nos ports.
M. Hervé Maurey, président. - Beaucoup d'entre vous soulignent l'absence de stratégie nationale, c'est vrai pour ensemble des questions d'aménagement du territoire, voilà notre réalité : l'aménagement du territoire est le parent pauvre des politiques publiques, depuis trop longtemps, nous n'avons de cesse de le dire. Monsieur le rapporteur, je pencherais pour le dépôt d'une proposition de loi, au moins à titre conservatoire, puis, selon ce que fera le Gouvernement suite à la publication de votre rapport, nous verrons s'il y a lieu d'inscrire cette proposition à notre calendrier.
À l'issue de ce débat, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable autorise la publication du rapport.
La réunion est close à 10 h 25.
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -
La réunion est ouverte à 10 h 35.
Table ronde relative aux impacts sanitaires et environnementaux de la 5G
M. Hervé Maurey. - Mes chers collègues, quelques jours après l'adoption du rapport de la mission d'information sur l'empreinte environnementale du numérique par notre commission, nous avons le plaisir d'organiser une table ronde relative aux impacts sanitaires et environnementaux de la 5G.
Cette table ronde arrive à point nommé, tant l'actualité des dernières semaines a été chargée sur ces sujets.
Je rappelle que les enchères pour les fréquences 5G, qui devaient initialement se dérouler en avril pour de premiers déploiements en juillet, ont été repoussées en raison de la crise sanitaire. Selon le nouveau calendrier fixé par l'Arcep, les enchères pourraient avoir lieu fin septembre.
Il y a quelques semaines, deux des quatre grands opérateurs français ont demandé à l'État et à l'Arcep de reporter plus encore ces enchères 5G, à la fin de l'année 2020 ou au début de l'année 2021. Bouygues Télécom, que notre commission a auditionné il y a près d'un mois, avance deux arguments principaux pour justifier ce report : le premier a trait à la crise économique que traverse notre pays ; le deuxième concerne la défiance croissante d'une partie de l'opinion publique contre cette nouvelle technologie mobile, en raison de craintes quant à ses impacts sanitaires et environnementaux.
En juin, la Convention citoyenne pour le climat s'est également exprimée en faveur d'un moratoire sur les enchères et le déploiement de la 5G. Quelques jours plus tard, la ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre des solidarités et de la santé ont demandé au Premier ministre d'attendre l'avis définitif de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sur les impacts sanitaires de la 5G pour lancer les enchères.
Dernier épisode en date : nous avons appris vendredi dernier que les ministères de l'économie, de la santé et de la transition écologique ont lancé conjointement une mission visant à évaluer l'impact environnemental de la 5G. Cette mission devra rendre son rapport début septembre, pour permettre le lancement des enchères fin septembre. Cette évaluation environnementale est réclamée depuis des mois par de nombreux acteurs, notamment par notre mission d'information sur l'empreinte environnementale du numérique. À cet égard, je rappelle que le Président du Sénat avait saisi en mars dernier le Haut Conseil pour le climat pour que cette évaluation soit menée.
Dans ce contexte, nous avons jugé nécessaire de tenir cette table ronde relative aux impacts sanitaires et environnementaux de la 5G. C'est également le rôle du Parlement que de permettre à l'ensemble des acteurs d'échanger librement sur un sujet d'intérêt majeur pour l'ensemble de nos concitoyens.
Pour ce faire, nous accueillons aujourd'hui : M. Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ; M. Guérin, président de la Fédération Française des Télécoms ; M. Merckel, chef de l'unité d'évaluation de l'unité des risques physiques à l'Anses ; M. Weill, chef du service de l'économie numérique, à la Direction générale des entreprises ; M. Ferreboeuf, directeur du projet « Numérique et environnement » dans le groupe de réflexion Shift Project ; M. Kerckhove, directeur général de l'association « Agir pour l'environnement », qui a formé un recours contre les textes lançant les procédures d'enchères 5G.
Cette table ronde se divisera en deux temps. Nous consacrerons une première partie aux impacts sanitaires de la 5G. Après un premier échange, je donnerai à mes collègues la possibilité d'interpeller les participants de la table ronde.
La deuxième partie de l'audition sera consacrée aux impacts environnementaux de la 5G. Je laisserai naturellement le président de la mission d'information relative à l'empreinte environnementale du numérique, Patrick Chaize, l'introduire.
Sur la partie sanitaire, en 2018, les ministères chargés de la santé, de l'environnement et de l'économie ont saisi l'Anses pour conduire une étude sur les effets sanitaires de cette nouvelle technologie mobile. Un rapport préliminaire recensant les études scientifiques existantes a été publié en janvier 2020. Le rapport final devrait être publié au premier trimestre 2021.
Mes premières questions s'adresseront tout naturellement à l'Anses, pour une présentation des principales conclusions du rapport préliminaire de 2020, un point sur l'état d'avancement de vos travaux et indiquer si l'échéance du premier trimestre 2021 est confirmée.
Olivier Merckel, chef de l'unité d'évaluation de l'unité des risques physiques à l'Anses. - Tout d'abord, je souhaite rappeler que l'Anses travaille depuis de nombreuses années sur la question de l'exposition à la téléphonie mobile, et ses risques éventuels sur la santé. Depuis 2009, l'Agence a produit quasiment un rapport par an sur la question des risques liés à l'exposition des radiofréquences et à la santé dans divers domaines : la téléphonie mobile, mais aussi les scanners millimétriques, qui peuvent être utilisés dans les aéroports, la compatibilité des dispositifs médicaux, exposés à des sources électromagnétiques, ou encore les compteurs communicants, type Linky.
Nous nous sommes intéressés également à des populations particulières, notamment les enfants pour identifier s'ils représentent une population à risque face à l'exposition aux radios-fréquences, ainsi qu'aux personnes qui se déclarent électro-hypersensibles.
En janvier 2020, nous avons rendu un rapport préliminaire qui donne les premiers éléments de réponse à la saisine que nous avons reçue en janvier 2019, des ministères de la santé, de l'environnement et de l'économie. Nous avions pour objectif de faire un point sur l'état des lieux technologique du déploiement de la 5G, ainsi que sur la question de l'exposition de la population aux champs électromagnétiques, et de donner notre avis sur les risques spécifiques sur la santé.
Nous avons travaillé avec l'ANFR (l'Agence nationale des Fréquences) qui a rendu, en juillet 2019, un rapport consacré à la description de la technologie 5G, afin d'expliquer les différences apportées par cette nouvelle technologie mobile par rapport aux précédentes.
L'ANFR a également publié un rapport en juillet 2019, sur l'exposition des personnes en se basant sur les expérimentations réalisées par les opérateurs, mises en place dans les villes pilotes. Ce rapport a été mis à jour en avril dernier par l'ANFR. En janvier 2020, nous avons publié un rapport préliminaire qui présente des éléments importants pour comprendre quelles différences apportent la 5G, notamment comme effets sur la santé.
Ce qu'il faut savoir, c'est qu'en matière d'interaction, entre le champ électromagnétique et le vivant, entre 6 et 10 GHz, les ondes électromagnétiques pénètrent de moins en moins profondément dans le corps. À partir de ces fréquences, l'interaction des champs électromagnétiques avec le vivant est donc superficielle. Les premiers millimètres de la peau absorbent toute l'énergie véhiculée par les ondes électromagnétiques.
Pour rappel, les projets de déploiement de la 5G se situent dans la bande 3,5 GHz, au sein de laquelle nous observons une relative pénétration des ondes dans les tissus humains. Quant à la bande 26 GHz, qui est prévue pour être déployée plus tardivement avec les objets connectés, nous observons cette fois, une absorption limitée à la surface de la peau.
Cela nous force à étudier ces deux domaines séparément. Concernant la bande de 26 GHz, nous recensons un nombre important de publications scientifiques, sur lesquelles nous pourrons nous appuyer pour mener une évaluation des risques. Ce sont ces données que nous remettrons au premier trimestre 2021 afin de mieux répondre à la question : « Y a-t-il oui ou non, des effets sur la santé, liés à l'exposition aux fréquences dans la bande à 26 GHz et au-delà ? ».
Une autre question que nous nous posons est la suivante : « Y a-t-il des risques pour la santé au déploiement dans la bande à 3,5 GHz ? ». Il existe de nombreuses publications et de données accumulées depuis plus de 20 ans dans des bandes qui courent jusqu'à 2,5 GHz, c'est-à-dire, jusqu'au Wifi et à la téléphonie mobile 2G, 3G et 4G.
En revanche, à 3,5 GHz, nous manquons d'informations. En effet, très peu de déploiements ont eu lieu dans ces bandes. Les laboratoires de recherche ne se sont donc pas intéressés à cette donnée. Notre groupe d'experts s'est penché sur cette question dans notre rapport préliminaire en cours d'étude. Les résultats seront transmis début 2021.
À la première question qui est de savoir si nous pouvons évaluer les risques sur la santé liés aux expositions dans la bande 26 GHz, nous tâcherons d'apporter une réponse.
Une deuxième question est de savoir si nous pouvons, en l'absence d'étude spécifique sur la bande 3,5 GHz, adapter, transposer, extrapoler les nombreuses données disponibles de la bande 2,5 GHz à la bande 3,5 GHz. Surtout, sous quelles conditions et avec quels critères pouvons-nous réaliser cette adaptation ?
Une troisième question est de connaître les nouvelles modalités d'exposition engendrées par la 5G. En effet, nous allons passer d'une situation où l'exposition était relativement stable dans l'espace et dans le temps, à une situation où les antennes relais focaliseront les émissions radio en direction des utilisateurs, avec une variabilité des expositions. Pour nous, il est difficile d'appréhender le sujet, car il nécessite de nouvelles données de la part des opérateurs, mais aussi de la part des laboratoires qui étudient ces secteurs. Ces données aideront à observer dans quelle mesure, nous aurons ou pas, en fonction des scénarios de développement, une augmentation de la consommation de données, et une plus forte exposition pour les personnes.
En matière de calendrier, nous pourrons répondre à ces questions au premier trimestre 2021. Pour autant, l'évaluation de la 5G ne sera pas terminée. En effet, cette nouvelle technologie mobile aura peut-être à peine commencé à se déployer. Nous disposerons donc de peu de données d'exposition. Nous ne pourrons pas répondre à toutes les questions, à moins de nous lancer dans des scénarios. Notre travail est donc amené à se prolonger, au fur et à mesure des déploiements et des informations que nous recueillerons sur les perspectives de déploiement. Les questions qui nous ont été posées sur les objets connectés, sur leur déploiement, notamment dans la bande 26 GHz, vont peser sur l'exposition des personnes. C'est une question que nous investiguerons plus tard.
M. Hervé Maurey, président. - Je me tourne vers M. Weill pour lui demander quelle est la position du gouvernement quant au calendrier qui indique que les enchères seront lancées fin septembre. Dans le même temps, on nous confirme que l'étude concernant l'impact sanitaire ne sera connue qu'en début d'année. Je rappellerai que la Convention citoyenne avait demandé un moratoire sur la mise en place de la 5G. Le Président de la République a déclaré qu'il faisait siennes les demandes de la Convention citoyenne. Nous aimerions un éclairage sur le calendrier du gouvernement.
M. Mathieu Weill, chef du service de l'économie numérique à la Direction générale des entreprises. - Effectivement selon la secrétaire d'État auprès de Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher, le plan du gouvernement envisage la tenue des enchères à la fin du mois de septembre 2020, en accord avec le calendrier fixé par l'Arcep.
On reste dans une approche d'examen prudent, comme l'a souligné Olivier Merkel. D'ailleurs, nous avons toujours été conscients des enjeux d'exposition du public aux champs électromagnétiques, bien avant la 5G.
Effectivement, la saisine de l'Anses date de juillet 2018. L'approche du gouvernement sur ce sujet reste méthodique. Les agences indépendantes chargées de conduire les études (ANFR, Anses) soulèvent des préoccupations de santé, d'environnement et de surveillance. Ce sont des enjeux qu'il faut traiter.
La raison du déploiement de la 5G est un élément du dialogue. La 5G est un enjeu de compétitivité pour l'industrie et un enjeu sur la capacité des réseaux. En effet, si le déploiement de la 5G est trop tardif, nous risquons la congestion des réseaux mobiles, phénomène que nous avons pu observer durant la crise sanitaire avec l'augmentation du trafic. La congestion des réseaux est un risque qui menace les zones urbaines. Les zones rurales rencontrent plutôt des problèmes d'accès.
Le déploiement de la 5G doit s'accompagner d'une transparence totale sur les résultats des enquêtes de l'Anses sur l'exposition du public. En France, nous avons la chance d'avoir un dispositif dans lequel chacun peut demander une information sur son niveau d'exposition aux champs dans un commerce, dans son habitation, et ce, de manière gratuite. Ce dispositif n'existe pas partout en Europe. L'ANFR effectue ce type de mesures régulièrement. Il est important de pouvoir donner cette transparence à nos concitoyens.
Par ailleurs, il faut pouvoir se donner les moyens d'être compétitif dans le climat économique actuel. Ce sont les paramètres pris en compte pour poursuivre la préparation de la 5G sur le territoire national, selon l'orientation du gouvernement.
M. Hervé Maurey, président. - M. Guérin, pourriez-vous faire le point sur le regard que vous portez sur les travaux de l'Anses et aussi sur la manière dont vous coopérez avec l'Anses par rapport à la transmission d'informations ? Nous posons cette question car nous avons eu les échos qu'à une époque, ce n'était pas toujours aussi fluide et simple que nous aurions pu le souhaiter.
M. Nicolas Guérin, président de la Fédération Française des Télécoms. - Les opérateurs sont conscients de l'importance du sujet et de la nécessité d'en débattre. Notre position est claire sur le sujet de la santé et elle se retranche derrière la technologie. Nous constatons que la 5G utilise une bande de fréquences comprise entre 3,5 et 3,8 GHz, donc très proches des bandes de fréquence 2G, 3G et 4G. Nous observons également, au travers d'expérimentations que nous menons depuis des mois, que leurs comportements d'absorption au corps humain sont tout à fait comparables.
Plus de 14 autorités dans le monde se sont prononcées sur l'impact sur la santé. Dans des pays comme l'Allemagne, l'Autriche, la Finlande, la Norvège, le Danemark, l'Irlande, les Pays-Bas, toutes ces autorités ont la même conclusion : il n'y a pas de raison de remettre en cause les analyses qui ont été réalisées, notamment dans le cadre de la 4G. De plus, ces résultats peuvent être transposés à la 5G. Rien ne justifie que nous remettions en question les seuils d'exposition, ni dans la nature des bandes de fréquence ni dans la façon de les exploiter. Selon moi, le coeur de la solution se situe sur le sujet des seuils d'exposition. Ces seuils démontrent depuis des années qu'ils sont suffisants et efficaces pour protéger la santé. Nous allons les respecter.
Pour ce qui concerne les relations avec l'Anses ou l'ANFR, nous travaillons à livre ouvert avec elles. Nous avons tous intégré dans nos appels d'offres avec les constructeurs des considérations sur la santé et le respect de l'environnement. Il existe des avantages concurrentiels derrière le choix d'un équipementier. Ces choix ont depuis été opérés pour la plupart des opérateurs. Aujourd'hui, nous sommes prêts à partager les résultats des expérimentations que nous avons menées.
Nous tenons à rassurer sur le fait que, dans le respect des seuils d'exposition, il n'y a pas de risques liés à la 5G, comme il n'y en avait pas liés à la 4G, la 3G et la 2G. Nous sommes dans la continuité de l'exploitation des services précédents.
M. Hervé Maurey, président. - M. Soriano, dites-nous pourquoi vous avez été aussi volontariste sur le fait qu'on ne prolonge pas le délai prévu pour lancer les enchères ? En quoi décaler le lancement des enchères au début de l'année prochaine serait-il préjudiciable, l'argument de ceux qui souhaitent le prolongement étant de dire que de toute manière, ce n'est qu'en 2023 que se développeront des usages innovants ? Est-ce que si on décale les enchères, les usages innovants seraient à leur tour décalés ? Quelles sont vos explications sur ce point ? Nous avons également beaucoup entendu de théories complotistes dans les derniers mois, associant 5G et Covid. Est-ce que, sur ce point, vous avez une idée de la manière dont nous pourrions lutter contre la prolifération de ces fausses nouvelles qui prennent de plus en plus d'ampleur ?
M. Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse. - L'Arcep n'est pas volontariste concernant le lancement de la 5G. Nous avons effectivement voulu faire notre mue par rapport à cette technologie. Je reconnais que ces dernières années, nous avons été partie prenante d'un « techno-enthousiasme ». Depuis le début de l'année, compte tenu des appréhensions dans la population, nous avons souhaité adopter une posture de neutralité.
Pourquoi ce calendrier ? Parce que la 5G est un projet industriel, porté par des opérateurs qui déploient des infrastructures et qui, ensuite, les commercialisent. Notre rôle en tant que régulateur de ce marché est de permettre que les opérateurs puissent porter des projets industriels dans une logique de développement économique et d'apporter à nos concitoyens les technologies que les opérateurs privés trouvent pertinentes. C'est la dynamique dans laquelle se situe l'Arcep par rapport à la 5G.
Dans le cadre d'un plan national défini en juillet 2018 avec le Gouvernement, nous avons défini un calendrier pour lancer les enchères au mois d'avril. Cela n'a pas pu être possible pour des raisons techniques. Ce décalage nous amène à organiser les enchères entre le 20 et le 30 septembre.
Toutefois, lorsque j'ai été auditionné au mois de janvier 2015, devant vous, et à l'Assemblée Nationale pour ma nomination, j'ai toujours dit que l'Arcep serait à l'écoute des priorités de la Nation. Nous sommes une autorité indépendante, nous prenons nos décisions en indépendance, mais c'est le pouvoir politique qui, de manière ultime, peut traduire les priorités nationales. J'ai donc souhaité, pour ce recalage du calendrier de la 5G, être à l'écoute du gouvernement. Si le gouvernement nous avait dit, pour des raisons de priorités nationales, qu'il fallait changer le calendrier de la 5G, nous l'aurions fait. Si le Gouvernement change d'avis, nous le ferons. Nous définissons un calendrier par rapport à des opportunités industrielles des opérateurs qui nous paraissent pertinentes. Si, pour des raisons politiques, il y a des orientations différentes qui sont prises, nous nous y plierons. Depuis le début, j'ai à coeur d'être à l'écoute de ces priorités.
Concernant les usages, un sujet récurrent revient souvent : il s'agit de l'utilité de la 5G. Pour rappel, lorsque la 4G est arrivée, nous avons entendu les mêmes discours. Il en était de même pour la 3G. En général, nous ne savons pas à quoi vont servir les technologies au moment où elles se déploient. Il en était de même à l'arrivée de l'ADSL. Nous nous rappellerons également que l'usage du téléphone était au départ le théâtrophone. En effet, le téléphone avait été imaginé pour écouter des pièces de théâtre à distance. C'est le seul usage qui avait été imaginé.
Quand on parle de technologies de communication, ce sont les usages de la société qui s'approprient ces technologies. La technologie ne fait qu'apporter des opportunités. En l'occurrence, la 5G amène des opportunités nouvelles, car elle va permettre d'augmenter les capacités, d'améliorer la rapidité des échanges, de réduire la latence, de démultiplier les échanges par rapport à des communications, non seulement entre des personnes et des ordinateurs, mais aussi demain avec des capteurs et des censeurs, avec l'Internet des objets.
À quoi la 5G servira-t-elle ? Mesdames et Messieurs, je n'en sais rien, car c'est la société qui va décider de son utilité. Quelle que soit la révolution technologique, nous sommes toujours confrontés au fait qu'à l'instant T, nous ne sommes pas forcément convaincus du besoin des nouvelles technologies. Toutefois, lorsque la technologie est installée, la société se l'approprie.
Concernant la théorie du complot, je crois que nous sommes arrivés à un moment où la technologie occupe une place très importante dans nos vies et où la question de l'appropriation de ces technologies devient un enjeu important. Sur la 5G, ce dont nous avons manqué, c'est de pouvoir l'expliquer et la partager. Les pouvoirs publics ne doivent pas toujours être dans une logique de pédagogie. Il y a un enjeu d'appropriation et de partage. Il faudrait que les citoyens puissent s'approprier ces technologies pour qu'ils comprennent qu'il ne s'agit pas d'un plan d'un État ou d'un grand opérateur privé, mais juste d'apporter une technologie qui sera utile.
M. Hervé Maurey, président. - Sur le lien entre technologie et usage, vous auriez pu remonter jusqu'à l'électricité... Personne n'imaginait combien l'électricité révolutionnerait nos vies. Nous imaginions tout au plus qu'elle remplacerait la bougie, mais pas davantage. Nous allons prendre une série de questions sur les impacts sanitaires, puis nous aborderons la partie environnementale.
M. Patrick Chaize. - Je voudrais rebondir sur les propos de Sébastien Soriano. Je n'ai pas tout à fait compris sa réponse sur la possibilité du report des enchères. La question était précise : est-ce que le report changera quelque chose ou pas sur la 5G ? J'ai une deuxième question, qui s'adresse plutôt à M. Guérin et à l'Anses. Concernant les autres pays du monde ayant déployé la 5G, l'ont-ils fait avec les mêmes fréquences (3,5 GHz et 26 GHz) et la même rupture technologique ?
M. Sébastien Soriano. - Qu'est-ce que cela change de reporter la 5G ? Cela décale dans le temps l'arrivée de la 5G. Derrière ce sujet se cache un premier enjeu qui est l'aménagement du territoire. Plus tardivement nous lancerons la 5G et plus tardivement nous achèverons la couverture nationale de 5G et 4G+. Vous savez que nous avons été en retard sur la 4G et qu'il a fallu un coup de collier extrêmement important du secteur. Nous étions en 2016, le 27ème pays sur 28, en couverture 4G. Grâce à tous les efforts réalisés par les opérateurs, en 2019, nous sommes 13èmes. Grâce à ce New Deal mobile conclu à l'initiative du gouvernement, et en particulier de Julien Denormandie, avec les opérateurs et l'Arcep, j'ai bon espoir que d'ici deux ans, nous soyons dans le peloton de tête en Europe sur la couverture 4G. En définitive, plus tard nous lançons la 5G, plus nous serons en retard sur ce chantier national d'aménagement du pays sur la 5G.
Le deuxième enjeu est économique. Nous attendons de la 5G une appropriation par les industriels. Pour être honnête, nous n'assistons pas à une ruée des industriels français vers la 5G. Néanmoins, c'est un enjeu de compétitivité. L'Allemagne et son tissu industriel sont très engagés sur la 5G. Par exemple, si vous jouez sur la compétitivité des infrastructures portuaires, le port de Hambourg est très avancé dans l'Internet des objets en 4G et demain en 5G. Lorsque les grands acteurs de la logistique se demanderont s'ils vont plutôt s'installer près de Hambourg, de Dunkerque ou du Havre, il est évident que la question de la 5G entrera en ligne de compte. Il y a un enjeu de compétitivité.
M. Nicolas Guérin. - Pour répondre à la question, nous parlons bien de la même chose, de la fréquence 3,5 GHz. Il est question de l'appel d'offres qui aura lieu entre le 20 et 30 septembre. La fréquence 26 GHz est à part.
Concernant les pays dont j'ai parlé tout à l'heure, notamment l'Allemagne, c'est cette bande de fréquence 3,5 GHz qui est étudiée. Quand l'OMS se prononce, elle intègre bien la bande de fréquences 3,5 GHz. Quand la Commission européenne se prononce avec cinq avis successifs sur les impacts santé de la 5G, elle parle également des fréquences 3,5 GHz. Par conséquent, cette bande de fréquences est le coeur du sujet. Plus de 12 autorités dans le monde, qui sont des agences de santé gouvernementales, ont pris des positions explicites pour dire que, sur les bandes de fréquence 3,5 GHz, il n'existe pas de problèmes d'impact de santé, à condition de respecter les seuils d'émission. Ce sont les seuils d'émission qui doivent être absolument respectés et c'est la réglementation qui existe aujourd'hui, qui est applicable en France.
M. Olivier Merckel. - Comme l'a dit M. Soriano, il y a un certain retard en France pour le déploiement de la 5G, par rapport à d'autres pays. Nous pourrions nous attendre à récupérer des informations qui proviennent de ces pays qui auraient développé cette technologie plus tôt. Toutefois, en réalité, les déploiements ne s'opèrent pas tout à fait de la même manière qu'en France, car les bandes de fréquence ne sont pas forcément les mêmes. Les États-Unis ont plutôt développé en 26 GHz et pas vraiment la bande 3,5 GHz. Finalement, nous avons des difficultés à récupérer des informations sur les expositions, notamment à l'étranger. Je tiens à ajouter que certains pays qui ont commencé à déployer la 5G se posent moins de questions. Dès lors, il existe moins d'études sur l'exposition.
Néanmoins, nous pouvons utiliser des positions d'agences, citées par M. Guérin. Cependant, elles s'appuient sur des hypothèses que tout est transposable directement à la bande 3,5 GHz, ce qui est une hypothèse tout à fait raisonnable, mais que nous examinerons.
Qu'entendez-vous par rupture technologique ?
M. Patrick Chaize. - Ce que j'entends par rupture technologique, c'est qu'il s'agit d'une « technologie parapluie ». La 5G est, quant à elle, plutôt une technologie de faisceaux. Est-ce que, là aussi, nous pourrons bénéficier de retours d'expérience d'autres pays ?
M. Olivier Merckel. - Encore assez peu. Cela fait partie des données dont nous avons besoin. Nous sommes en anticipation. Nous construisons des scénarios avec l'aide des opérateurs, pour imaginer qu'à telle échéance, nous aurons tant de personnes connectées dans un environnement et que, par conséquent, un niveau d'exposition, en découlera.
M. Nicolas Guérin. - La modulation du signal telle qu'elle va être faite dans la 5G est déjà utilisée par un grand nombre de technologies aujourd'hui en France. C'est le cas du Wifi des box. Il s'agit du même type de modulation et du même type d'usage.
M. Guillaume Gontard. - Je suis gêné par la différence de discours entre, d'un côté, celui des opérateurs et, de l'autre, celui de l'Anses.
Reprenons les trois termes « connaître, évaluer et protéger ». S'agissant de « connaître », on nous dit que nous ne savons pas encore, puisque les études sont en cours. Concernant « évaluer », les évaluations se feront au cours des installations et nous n'avons pas encore de retour. Par conséquent, sur le volet « protéger », nous manquons d'éléments. Quand les opérateurs disent qu'il n'y a rien de nouveau et que la 5G ne présente aucun risque, je ne suis pas sûr que ce discours rassure. Nous avons besoin de transparence et il faut accorder vos discours. C'est un peu comme si pour la mise en place du TGV, nous avions conduit les premiers essais en lançant un train à 400 km/h sur des rails, rempli de passagers avec des capteurs et que nous avions attendu de voir ce qui se passait. J'ai la même impression. Selon moi, l'urgence n'est pas forcément là. Bouygues s'est présenté récemment pour dire qu'il n'y avait pas une urgence totale. Par conséquent, j'émets quelques doutes sur cet empressement.
M. Jean-Michel Houllegatte. - Le débat sur la 5G est un débat complexe. Il génère des tensions entre les promesses économiques d'une part, qui vont être un facteur important de développement, et les craintes fondées ou non, d'autre part. Par conséquent, nous observons un besoin de rassurer l'opinion. Dans un monde de plus en plus complexe, quelle est la bonne méthode pour rassurer ? Nous avions cru que la Convention citoyenne pour le climat offrirait des perspectives. Finalement, elle propose un moratoire, qui ne semble pas suivi. Comment pensez-vous qu'une confiance dans les progrès technologiques puisse s'installer ?
Mme Marta de Cidrac. - Je voudrais aller dans le même sens que M. Gontard et M. Houllegatte. En effet, nous savons que même Mme Élisabeth Borne a écrit au Premier ministre pour obtenir davantage de réponses rassurantes quant à ce déploiement de la 5G. Ces discours contradictoires ne sont pas rassurants. Nous nous posons également la question de l'utilité de la 5G. L'objet de cette table ronde est de savoir si le risque sanitaire est avéré. C'est à cette question que les citoyens souhaitent avoir des réponses. Par conséquent, j'aimerais avoir un peu plus de précisions sur cet aspect purement sanitaire et que vous puissiez accorder mieux vos violons.
Mme Angèle Préville. - Je vais aller dans le même sens que mes collègues. J'ai un questionnement par rapport aux bandes utilisées. Ai-je bien compris qu'aux États-Unis, la bande utilisée est différente et qu'en Europe, nous utilisons une bande autour de 3,5 GHz ?
Avons-nous, par ailleurs mesuré le fait que si les objets connectés se multiplient, la puissance sera plus forte ? En effet, plus d'énergie circulera et, de facto, les impacts sur la santé seront plus forts. Mon raisonnement est-il logique ?
M. Guillaume Chevrollier. - La Fédération Française des Télécoms nous informe qu'il n'y a rien de nouveau sur la question des seuils d'exposition. Toutefois, nous ne pouvons pas ignorer que le déploiement de la 5G générera une multiplicité d'usages nouveaux, avec plus d'interactions et plus d'Internet des objets. Il serait bon que vous puissiez développer ce point-là en particulier.
M. Benoît Huré. - Nous avons fait allusion aux appréhensions qui ont existé lors de l'arrivée du téléphone, de la 2G, de la 3G... J'ai un peu d'inquiétude sur ces sociétés qui ne souhaitent plus prendre de risques. Pour rappel, les risques sont inhérents à la vie. Toutes les progressions de l'Humanité depuis des siècles se sont toujours faites au prix d'une prise de risque. Nous avons aujourd'hui un encadrement scientifique qui permet de limiter ces risques, encadrement dont nous ne disposions pas par le passé. Au-delà du devoir de précaution, nous avons un devoir d'innovation.
M. Stéphen Kerckhove, président de l'association « Agir pour l'environnement ». - L'Anses déclare que nous avons peu ou pas évalué la bande de fréquence de 3,5 et 3,8 GHz.
L'ANFR nous communique une donnée factuelle, avec des évaluations réalisées sur les sites expérimentaux. Dans l'hypothèse de l'ajout d'antennes 5G, le niveau d'exposition moyen augmente d'environ 30 % et génère environ 50 % de zones supérieures à 6 volts / mètre. Aujourd'hui, nous avons avec l'arrivée de la 5G, une augmentation des points atypiques. Évidemment, nous ne dépasserons jamais le seuil de plus de 60 volts / mètre. Toutefois, savez-vous dans quel contexte ce seuil a été créé en 2002 ? Je dirais juste que Jean-Noël Tronc était conseiller du Premier ministre et qu'il est devenu, quelques mois plus tard, le directeur d'Orange France.
Les 60 volts n'ont jamais été dépassés tout simplement parce que ce seuil évite les effets thermiques et les risques de brûlures. Si la loi pour la sobriété électromagnétique a fixé un seuil de point atypique à 6 volts, c'est notamment pour définir un seuil d'alerte. Nous constatons aujourd'hui que les opérateurs font tout pour développer et augmenter ce niveau de seuil atypique, pour le passer de 6 à 9, 10 ou 15 volts. Nous savons très bien qu'avec l'arrivée de la 5G, l'exposition sera croissante.
Puisque nous traitons la partie scientifique et sanitaire, il faut se questionner sur les effets psychosociaux du numérique. Certains enfants, de 13 à 18 ans, passent 6 heures 40 par jour devant un écran : cela représente 40 % de leur temps éveillé. Cette forte exposition entraîne des risques en termes d'hyperactivité ou d'obésité. Tous ces effets sont une sorte d'angle mort du numérique et de la 5G en particulier. Quand vous regardez l'augmentation de la myopie, la réduction du temps de sommeil des enfants, 1 heure 30 de moins en un demi-siècle, je trouve tout cela inquiétant.
Le 25 juin, l'AFP annonce qu'il n'y a aucune raison de repousser la 5G pour des raisons environnementales. Le 26 juin, nous rencontrons la ministre qui nous informe que les fréquences seront attribuées entre le 20 et le 26. C'est l'Arcep qui dit que la date ne sera pas modifiée. Or, que ce soit pour la concertation ou les évaluations, il faut du temps.
M. Sébastien Soriano. - Il ne faut pas confondre l'enjeu sanitaire et l'enjeu environnemental. L'enjeu environnemental, c'est la deuxième table ronde. Nous sommes en train de parler de l'enjeu sanitaire. Je ne me suis jamais prononcé sur autre chose. Je n'ai pas autorité pour le faire.
M. Nicolas Guérin. - Je souhaite apporter une précision. Jean-Noël Tronc n'est pas à l'origine du seuil, qui n'est pas un seuil d'alerte, mais de sécurité sanitaire. Ce dernier a été fixé par l'OMS et pas par Jean-Noël Tronc.
S'agissant de l'urgence, il y a plusieurs façons de répondre à cette question. Nous sous-estimons l'usage de l'Internet mobile en France. Nous pensons à tort que c'est l'Internet fixe, via les ordinateurs, qui est le plus utilisé. Nous avons 68,4 millions d'abonnements mobiles en France. Les débits sur ces abonnements mobiles ne cessent de croître. La consommation moyenne d'un abonné 4G a triplé depuis 2016. L'année dernière, le débit mobile moyen a augmenté de 50 %. 51 % des Français utilisent le smartphone pour se connecter à Internet, versus 31 % via un PC. Nous constatons cette attente sur un internet mobile avec de plus en plus de débit. 77 % des Français ont un smartphone, un terminal qui permet de se connecter à Internet. Cette attente est présente et il faut y répondre.
En 2022, les réseaux 4G que nous possédons seront saturés. Nous aurons besoin de fréquences supplémentaires pour faire face à cette augmentation des besoins. Nous devons faire une distinction très claire entre la question de la santé des réseaux et la santé de l'usage. Vous parlez de surexposition des enfants à des écrans. Les opérateurs ne sont pas responsables de cela, ce ne sont pas eux les fournisseurs de contenu et de services. Les opérateurs fournissent une connectivité, un abonnement qui permet d'accéder à ces services. Tous les opérateurs sont d'accord pour travailler sur la sobriété numérique et éviter un sur-usage des services. Nous sommes prêts à y travailler.
Pour la question de l'urgence, un second volet a été abordé. C'est la compétitivité de la France. Aujourd'hui, en Chine, des villes comme Pékin ou Shenzhen se déploient massivement en termes de mobile 5G. On considère que les opérateurs chinois auront 110 millions d'abonnés dès l'année prochaine. Ils ont fait de la 5G une priorité nationale, un axe de conquête économique majeur. Il est question ici de robotique, d'intelligence artificielle, de smart cities, d'énergie intelligente. Concernant tous ces sujets-là, tant que nous ne serons pas en capacité de les déployer, de les tester, nous ne pourrons pas faire de proposition, ni développer une industrie en Europe et en France. Nous aurons juste le choix dans quelques années d'acheter des services à nos camarades chinois ou américains, puisque de l'autre côté aussi, ils travaillent très intensément sur ce sujet-là. Nous rappelons qu'il faut 12 à 18 mois pour implanter un réseau, pour développer des pylônes. Par conséquent, si les fréquences ne sont pas attribuées assez rapidement, nous accuserons du retard à l'égard de nos concitoyens qui attendent toujours plus de débit, et à l'égard des industriels avec qui nous travaillons déjà pour leur permettre de développer des solutions françaises de robotique, d'intelligence artificielle... Sur l'urgence, il y a un désaccord entre les opérateurs, mais il n'y a pas de désaccord sur le fond. Nous avons besoin de la 5G et il faut commencer à s'y préparer maintenant, sinon nous allons manquer le train et nous serons incapables de rattraper ce retard.
La deuxième question portait sur l'Internet des objets et les conditions d'exposition. La 4G diffuse par zones. Tout le monde est exposé, c'est la notion de parapluie. La 5G va se connecter et va cibler un client qui utilise un service 5G. Si vous utilisez un service 5G, l'antenne va suivre l'objet connecté pour le raccorder. Si vous n'utilisez pas d'objet connecté ou de service 5G, vous n'êtes pas exposé aux ondes 5G.
Concernant la multiplication des objets connectés, la réalité est que chaque objet connecté ne va pas augmenter le niveau d'exposition. Nous respecterons ces seuils de sécurité sanitaire pour chaque émission. Il n'y aura pas de surexposition. Chaque émission respecte les normes de santé. Et le cumul fait que nous respectons les normes de santé
M. Olivier Merckel. - J'ai bien entendu les demandes de réponses claires sur la question des risques sanitaires. Nous comprenons bien l'importance et le souhait des pouvoirs publics qui veulent donner la réponse la plus facile à interpréter possible quant au déploiement.
Je suis obligé de vous décevoir, car vous savez très bien que l'on ne peut pas démontrer qu'il n'y a pas de risques liés à l'exposition des antennes relais de téléphonie mobile. Par ailleurs, nous avons toujours signalé que le téléphone mobile, de par sa proximité de cette source de radiofréquence avec le corps humain, était la source la plus préoccupante, à partir du moment où nous nous questionnons sur les dangers de l'exposition. La différence de niveau d'exposition entre un téléphone mobile et les antennes relais est très grande, de l'ordre de 100 ou 1 000 fois plus élevé pour le téléphone mobile.
Par ailleurs, dans un contexte d'incertitudes, nous ne pourrons pas donner de réponse claire, en affirmant qu'il n'y a pas de risque. Le risque est avéré, à moins d'un bouleversement scientifique dans les prochains mois. Nous sommes forcément dans une situation inconfortable pour les pouvoirs publics puisque la science ne peut pas donner une réponse claire sur ces domaines précis. Nous essayons donc de caractériser au mieux les données disponibles et les incertitudes qui sont associées pour pouvoir travailler sur ces points.
M. Hervé Maurey, président. - Nous allons passer à la deuxième partie de la table ronde. Je vais laisser Patrick Chaize enchaîner sur la partie environnementale de la table ronde.
M. Patrick Chaize. - En tant que président de la mission d'information sur l'empreinte environnementale du numérique, qui a rendu son rapport intermédiaire la semaine passée, il me revient d'introduire ce deuxième temps de notre table ronde consacré à l'impact environnemental de la 5G.
Comme l'a rappelé le président Maurey dans son introduction, nous avons appris vendredi dernier que le Gouvernement allait lancer une mission visant à évaluer l'impact environnemental de la 5G. Cette mission devra rendre son rapport début septembre, pour permettre le lancement des enchères fin septembre. Nous ne manquerons pas d'interroger M. Weill sur la composition de la mission lancée par le Gouvernement, son périmètre d'étude et sur son calendrier, qui semble restreint, alors même que ces travaux auraient pu être lancés il y a plusieurs mois déjà... Je rappelle en effet que cette évaluation environnementale est réclamée depuis des mois par de nombreux acteurs, des parlementaires, et notamment par notre mission d'information sur l'empreinte environnementale du numérique. Je rappelle aussi que le Président du Sénat a saisi en mars dernier le Haut Conseil pour le climat pour que cette évaluation soit enfin menée ! Nous ne pouvons donc pas dire que le Gouvernement ait découvert le sujet ces dernières semaines, notamment à l'occasion de ces dernières élections municipales.
Faute de pouvoir échanger aujourd'hui sur le fondement d'une étude d'impact complète et précise, nous allons pouvoir aujourd'hui confronter les arguments de l'ensemble des parties.
D'un côté, les opérateurs mettent en avant les gains d'efficacité énergétiques permis par la 5G. La Fédération Française des Télécoms nous expliquera pourquoi.
D'autres spécialistes du sujet, comme M. Ferreboeuf, affirment que la consommation d'énergie des opérateurs mobiles pourrait s'accroître et être multipliée par 2,5 à 3 dans les 5 ans à venir, la hausse des usages risquant de surpasser les gains d'efficacité énergétique permis par la 5G.
M. Ferreboeuf, comment êtes-vous arrivé à ce résultat d'une multiplication par 2,5 à 3 des consommations des opérateurs mobiles ? Ce résultat serait dû à ce que vous appelez l'effet rebond. Pouvez-vous nous rappeler ce qu'est l'effet rebond ? Par ailleurs, pensez-vous qu'il faut se focaliser à ce point sur les consommations d'électricité des opérateurs, alors même que la faible carbonation de l'électricité française atténuera de fait l'empreinte carbone des réseaux ? Le véritable impact de la 5G ne pourrait-il pas se produire hors du réseau, avec les émissions associées au renouvellement des smartphones, au développement de l'Internet des objets et des data centers ?
Je laisserai tout d'abord M. Ferreboeuf répondre à ces quelques questions. Puis je laisserai les rapporteurs de la mission d'information, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, interpeller les autres intervenants pour leur permettre d'exprimer leur point de vue.
M. Hugues Ferreboeuf, directeur du projet « Numérique et environnement » dans le groupe de réflexion Shift Project. - Tout d'abord, les chiffres que nous avions annoncés en janvier étaient des chiffres préliminaires. Je pense que, dans le cadre de l'étude associée à votre rapport, vous avez des chiffres plus précis, dérivant d'une analyse plus fouillée. Ceci dit, l'ordre de grandeur de 2 à 2,5 fois la consommation actuelle est le bon.
Concernant le fait d'avoir en 5G, le même degré de couverture géographique qu'en 4G, j'ai dénoté dans les discours publics une certaine ambiguïté sur ce point que nous devons lever. Pourquoi parvenons-nous à ce facteur multiplicatif ? Tout d'abord parce que, contrairement à ce que le langage courant pourrait laisser prédire, quand nous parlons d'introduire la 5G, nous n'en substituons pas immédiatement la 5G à des réseaux existants. Nous ajoutons un réseau à des réseaux existants : la 2G, la 3G et la 4G. Par conséquent, nous ne supprimons pas la consommation qui vient des réseaux existants. Nous pouvons penser que la 2G devrait disparaître un jour.
Si, en 2025, nous n'avons pas démantelé le réseau 2G, nous aurons alors probablement augmenté la consommation de l'ordre de 40 à 50 % par rapport à aujourd'hui. Si nous poursuivons ce déploiement et que nous démantelons bien la 2G en 2025 et que nous pensons qu'en 2030, nous aurons atteint une couverture du territoire équivalente en 5G à celle de la 4G, alors effectivement nous aurons un doublement de la consommation d'énergie par rapport à 2019. Et n'oublions pas que 2030, c'est sans doute la date d'apparition de la 6G, car nous en entendons de plus en plus parler, notamment en Chine.
Il faut bien garder à l'esprit que, dans cette évolution technologique, il n'y a pas de substitution rapide d'une technologie par une autre. Concernant la consommation d'électricité, nous avons consulté les scénarios élaborés par le ministère de la transition écologique ou par RTE et regardé les projections de consommations d'électricité à 2030, voire 2040. Nous nous apercevons que systématiquement, une hypothèse de réduction forte de la consommation d'électricité venant du numérique a été prise par ces scénarios. En soi, vous avez raison, cette augmentation n'a pas forcément un impact majeur en termes environnementaux. En revanche, il peut représenter un risque sachant que les scénarios de planification de la production d'énergie se font à une échéance d'au moins 10 ans. Par conséquent, toute hypothèse exagérément optimiste qui s'appliquerait au numérique fait courir un risque de non-couverture des besoins énergétiques par la production nationale et donc d'appel de la production d'électricité extraterritoriale, qui sera sans doute moins décarbonée que la production française.
Ne devons-nous pas nous pencher sur le problème du renouvellement des smartphones ? Les fabricants de smartphones se réjouissent de l'introduction de la 5G puisqu'elle va doper les ventes de smartphones qui, dans nos pays développés, ont tendance à stagner depuis quelques années. Nous observerons donc une accélération de l'obsolescence ressentie des terminaux 4G. Aujourd'hui, la majeure partie de l'empreinte carbone du numérique vient des émissions engendrées lors de la production des équipements. Pour rappel, l'immense majorité des équipements ne sont pas produits en France, mais bien dans des zones où l'énergie est peu décarbonée.
M. Mathieu Weill. - La mission qui a été annoncée conjointement par Élisabeth Borne, Olivier Véran et Agnès Pannier-Runacher, et qui doit rendre ses conclusions en septembre, est une mission confiée à des corps de contrôle, l'Inspection générale des affaires sociales, le Conseil général de l'environnement et du développement durable et le Conseil général de l'économie. Ils ont pour mission de rendre un rapport pour septembre, non pas sur l'évolution des normes d'exposition du public au champ électromagnétique, mais sur les bonnes pratiques internationales d'accompagnement au déploiement de la 5G. C'est plutôt notre préoccupation de la première partie de la table ronde.
À côté de cela, le gouvernement travaille effectivement sur le sujet de l'impact environnemental du numérique et va certainement s'inspirer des excellentes recommandations du rapport du Sénat. Le Conseil national du numérique avait été saisi en début d'année sur ce sujet. Il va remettre son rapport dans les jours qui viennent. Nous préparons également des travaux approfondis, entre le ministère de l'économie et le ministère de la transition écologique, pour préparer une feuille de route. Cependant, ils attendaient les conclusions de la Convention citoyenne. Une saisine de l'Arcep et de l'Ademe est également en préparation sur l'impact des réseaux.
L'enjeu n'est pas tellement l'impact environnemental spécifique de la 5G, mais celui de la trajectoire de l'impact du numérique sur l'environnement. Nos réseaux ne donnent pas de signe d'emballement de consommation énergétique.
Nous avons des questions cruciales sur lesquelles Hugues Ferreboeuf a très bien posé la problématique : la lutte contre l'obsolescence des terminaux, l'enjeu du reconditionnement, l'enjeu de l'éducation aux usages. Ce sont des questions politiques sensibles qui dépassent largement les opérateurs.
M. Guillaume Chevrollier. - Je voulais interroger de nouveau M. Guérin, de la FFT, pour savoir s'il partageait la position de Bouygues Télécom qui affirmait devant la commission que les consommations électriques des opérateurs augmenteront nécessairement avec la 5G, malgré les gains d'efficacité énergétique permis par cette nouvelle technologie.
Je souhaitais aborder la question des opérateurs et du renouvellement des terminaux. Ces terminaux produits à l'étranger représentent 80 % de l'impact environnemental. Comment se mobilisent les opérateurs sur cette question précise ?
M. Nicolas Guérin. - Pour répondre à la question de la consommation, je ne vais pas commenter le désaccord avec Martin Bouygues. C'est un marché concurrentiel. Je suis président de la FFT. Chaque opérateur a sa propre position.
Malgré l'augmentation du volume de données constante depuis des années, chaque nouvelle génération du réseau mobile a permis de réduire d'un facteur 10 la consommation d'énergie nécessaire. Quand nous sommes passés de la 2G à la 3G, puis de la 3G à la 4G, nous avons réduit la consommation avec différents moyens et différents efforts. Pour la 5G, nous considérons, au vu des échanges avec les industriels et des appels d'offres lancés, qu'elle sera 10 fois plus efficace énergétiquement que la 4G. Mais, comme la consommation des ménages va augmenter, évidemment, il y aura une augmentation de la consommation d'énergie.
Cette règle vaut pour le fixe également. La fibre consomme beaucoup moins d'énergie que l'ADSL. À chaque fois, nous essayons lors de l'implantation d'une nouvelle technologie d'intégrer de mieux en mieux ces sujets et de limiter nos consommations. Il faut garder en tête ce que représente l'empreinte environnementale du numérique. 44 % de l'empreinte du numérique est due à la fabrication des terminaux et aux réseaux. Pour 56 %, elle est due aux usages. Nous revenons donc sur le sujet de la sobriété numérique.
Pour rappel, 60 % du trafic Internet en France est consacré au streaming. Il est nécessaire de travailler sur ce sujet. Il faut éduquer nos usagers, et travailler avec les gros fournisseurs de contenu pour qu'ils compressent un peu plus leur volume, pour qu'ils injectent moins de qualité exceptionnelle de services. Nous obtiendrons ainsi un impact sur l'empreinte environnementale.
Sur la partie réseaux et terminaux, je vous rappelle que les opérateurs ne vendent pas beaucoup de terminaux. Ils sont achetés directement via les Apple Store, les Samsung Store et Amazon. Nous essayons de travailler sur des terminaux éco-responsables. Orange a lancé un modèle l'année dernière. Les coûts ont été très élevés et il n'a pas rencontré le succès escompté.
Nous travaillons également sur le recyclage des terminaux. C'est là que nous pouvons agir avec nos boutiques et nos agences. Nous avions mis en place une politique de subvention des terminaux il y a quelques années, pouvant être considérée comme incitante au renouvellement du téléphone. Ces politiques n'existent quasiment plus. Nous nous focalisons maintenant sur la partie réseaux. De nombreux opérateurs ont pris des engagements de réduction drastique de leur empreinte carbone. Pour Orange, cela fait partie du plan stratégique de réduire l'empreinte carbone avec des engagements très clairs. Et cela est visible dans tous les contrats que nous concluons avec nos fournisseurs. Cela devient une de nos exigences majeures et un critère pour le choix de nos équipementiers. Nous sommes conscients que nous sommes responsables sur ce sujet et nous allons agir dessus, pour réduire et éviter cette explosion des consommations.
Nous parlons beaucoup des effets négatifs du numérique. J'aimerais que nous abordions également les impacts positifs du numérique, surtout en cette période de sortie de Covid. Nous venons d'avoir une période où nous avons beaucoup télétravaillé grâce au numérique. Nous avons également observé une réduction de l'usage de l'automobile. Tout cela a été possible grâce au numérique. Nous avons mis à disposition de nos clients, des entreprises, de nos consommateurs, les données qu'ils attendaient pour télétravailler efficacement.
Je souhaite maintenant citer un autre exemple positif du numérique. Avec la 5G, nous pouvons envisager qu'à l'avenir, nous n'éclairerons pas toute la nuit toutes les vitrines de toutes les boutiques parisiennes. Elles pourraient ne s'éclairer qu'à l'approche d'un passant muni d'un terminal. Nous pourrions aussi arrêter d'éclairer les rues de 19 heures à 8 heures du matin, avec des terminaux capables d'activer l'éclairage public de façon plus intelligente. Il en va de même avec l'éclairage des routes et un système qui pourrait être mis en place avec les voitures connectées. C'est ce genre d'usages qu'il faut regarder et sur lequel il faut travailler. Il ne faut pas se focaliser sur le négatif.
Par conséquent, nous proposons un effort massif du secteur pour réduire l'empreinte et des travaux pour que la 5G soit au service de l'amélioration de l'environnement.
M. Patrick Chaize. -Monsieur Guérin, je vais vous rassurer. C'est une attention particulière que j'ai au sein de cette mission d'information que de tenir compte des côtés positifs. Néanmoins, l'objectif est qu'ils soient très positifs et, pour cela, il faut éliminer les impacts négatifs.
M. Hervé Maurey, président. - Pour rassurer à mon tour M. Guérin, je crois que, dans cette commission, nous sommes plus à demander une meilleure couverture numérique du territoire qu'une moindre couverture du territoire.
M. Jean-Michel Houllegatte. - Au Sénat, nous avons l'habitude d'objectiver les choses, et nous sommes conscients de l'impact positif du numérique sur l'environnement. Je voudrais revenir auprès de M. Weill et de M. Soriano, pour connaître le périmètre de l'étude annoncée la semaine dernière. Une étude d'impact environnemental est un travail de longue haleine, qui demande du temps et de la concertation. L'étude demandée devra pourtant être produite dans les deux mois à venir, ce qui est un délai très court. Quels sont les attendus de cette étude ?
Monsieur Soriano, est-ce que l'Arcep est partie prenante de cette étude ? Dans le rapport élaboré sous l'autorité de Patrick Chaize, nous proposons de créer un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique qui serait placé auprès de l'Ademe pour évaluer l'impact de ces technologies émergentes et analyser le bilan carbone net de certains usages numériques. M. Ferreboeuf nous dit que nous parlerons bientôt de la 6G, mais quid des technologies anciennes ? Monsieur Soriano, est-ce qu'on va vers un effacement de la 2G et de la 3G ?
M. Mathieu Weill. - Le champ d'études attendu pour septembre est étroit et n'a pas vocation à répondre à l'ensemble des questions environnementales des réseaux qui est effectivement un travail de longue haleine. Elle porte spécifiquement sur l'accompagnement du déploiement de la 5G.
Sur la partie de l'impact environnemental du numérique, nous nous inscrivons dans un travail auquel l'Arcep et l'Ademe seront associés. Ils auront pour but notamment d'objectiver les choses. Peut-être que votre recommandation de création d'un observatoire entrera dans les recommandations de cette mission. Elle se basera certainement sur les travaux qui ont déjà été menés au Sénat.
Le périmètre des travaux de l'Arcep et de l'Ademe portera sur l'impact des réseaux, en tenant compte de la 2G, la 3G, la 4G, la 5G et la fibre. Nous attendons d'une part, une objectivation, et d'autre part des recommandations sur les trajectoires pour permettre d'être le plus agressif possible sur la réduction tout en étant le plus ambitieux possible sur les effets positifs comme évoqués par Nicolas Guérin. M. Soriano en parlera en sa qualité de président de l'Arcep.
M. Sébastien Soriano. - Je vous propose que la régulation ouvre un nouveau chapitre aujourd'hui sur la question environnementale. Utilisons la régulation qui sait surveiller, inciter et parfois contraindre les acteurs économiques. Vous savez que nous n'hésitons pas à le faire lorsque c'est nécessaire avec des sanctions. Nous réalisons notre travail avec une extrême vigilance. Nous sommes un régulateur qui peut travailler avec ce marché pour lui amener une nouvelle exigence.
Nicolas Guérin nous a rappelé qu'il y avait des initiatives assez engagées chez certains opérateurs. Toutefois, avoir un tiers de confiance pour vérifier et obtenir des données serait souhaitable. Ce matin également, j'ai entendu à la radio, venant d'un grand responsable politique : « la consommation énergétique de la 5G va être multipliée par 3 ». Toutefois, nous n'en savons rien puisqu'elle n'est pas encore présente.
Ne pouvons-nous pas travailler ensemble pour définir des métriques, et même un objectif ? Un facteur multiplicatif maximum de la consommation énergétique des réseaux, inférieur à 3, -pourrait être discuté avec les acteurs économiques et politiques impliqués.
Inciter, contraindre, surveiller : voici notre proposition institutionnelle.
Concrètement, nous avons voulu développer des partenariats. Nous nous sommes rapprochés de l'Ademe et sommes en train de conclure une coopération sur un objectif de métrologie, pour pouvoir mettre des termes concrets sur tout ce dont nous parlons. À court terme, nous avons voulu créer un lien avec la société civile et avec des acteurs de l'ingénierie. Un nouveau chapitre de régulation est ouvert. Nous nous positionnons comme un bras armé futur. Cette plateforme sera lancée le 9 juillet. Nous avons provoqué et obtenu la création d'un groupe dédié au sein du BEREC, qui est l'organe de régulateur européen, dont un membre de l'Arcep préside ce groupe.
Pour rappel, nous sommes un régulateur et nous avons peu de pouvoir en la matière. Nous veillons à cette question environnementale, mais la seule chose que nous sommes capables de faire à court terme est de demander des informations aux opérateurs. Nous devrons réfléchir à une façon d'activer ces trois points que je mentionnais : la surveillance, l'incitation et, le cas échéant, la contrainte.
Des points ont été proposés dans votre rapport sur lesquels nous allons travailler. Le premier pourrait être celui des terminaux et des réflexions autour de l'éco-conception. Faut-il aller vers une économie de la fonctionnalité des terminaux ? Est-ce raisonnable que nous soyons propriétaires de nos smartphones ? Ne serait-ce pas mieux que ce soit le fournisseur du smartphone qui soit propriétaire et assure le renouvellement ? Par ailleurs, une partie de l'obsolescence est logicielle. L'Arcep propose, depuis presque 2 ans et demi, une extension de sa régulation aux systèmes d'exploitation, aux socles logiciels des terminaux et votre assemblée a voté à l'unanimité une proposition de loi allant dans ce sens. Cela nous permettra de demander des comptes à Android, Google et IOS, sur un certain nombre de mises à jour, de compatibilités qui ne sont plus assurées. N'y a-t-il pas plus largement un enjeu d'obsolescence programmée ?
Pour répondre aux questions de M. Houllegatte, concernant les choix technologiques, ne pouvons-nous pas éteindre la 2G et la 3G ? Oui. Je crois que c'est un sujet auquel nous devons nous atteler à travailler avec le gouvernement, l'Arcep et d'autres institutions. Devons-nous supprimer la 2G ou la 3G ? Je m'oriente plutôt vers la 3G, dans la mesure où beaucoup de nos concitoyens utilisent encore la 2G pour se connecter au réseau, ainsi que l'Internet des objets qui fonctionne sur la 2G (dans une machine à café Selecta, on trouve une carte Sim 2G).
M. Patrick Chaize. - Je souhaiterais rebondir sur les propos de Mathieu Weill. J'avais cru comprendre que la ministre avait parlé d'évaluation environnementale de façon globale. Selon vos propos, ce sont plutôt les réseaux qui sont visés et pas l'ensemble de la chaîne, incluant les terminaux. Je voudrais que vous puissiez être précis sur le sujet.
M. Mathieu Weill. - Il y a des travaux interministériels conduits sur l'ensemble de l'impact environnemental du numérique. Le mandat confié à l'Arcep et à l'Ademe, au regard des compétences de chacun, est plus centré sur les réseaux, car c'est là que nous avons aujourd'hui la compétence. Néanmoins, nous sommes ouverts pour déborder sur les terminaux et sur les usages qui contribuent à la consommation énergétique. Tous ces éléments devront être intégrés dans le champ d'une feuille de route globale gouvernementale, qui a fait l'objet d'une saisine du Conseil national du numérique, sur laquelle nous pouvons espérer dans les prochaines semaines commencer à esquisser les grandes lignes.
M. Stéphen Kerckhove. - Nous participons à beaucoup de comités de dialogue et essayons de ne fermer aucune porte, notamment avec cette mission estivale. Cependant, nous n'apprécions pas que les conclusions soient écrites à l'avance. À l'instant où on annonce que de toute façon, quel que soit le résultat de cette mission, l'attribution des fréquences sera effectuée entre le 20 et le 30 septembre, je ne vois pas bien quel est le sens de tout ce travail.
Il faudrait objectiver la controverse, écouter les scientifiques, mener à bien un travail d'investigation et d'enquête et ne pas préjuger des conclusions.
Éric Hardouin, directeur des domaines de recherche connectivité chez Orange conçoit pourtant qu'une antenne 5G consomme en moyenne 3 fois plus qu'une antenne 4G.
Le premier semestre 2020 a été le semestre le plus chaud enregistré en France depuis le début des mesures. Nous ne sommes pas en train de voir si nous allons multiplier par 1, 2 ou 3 les émissions des gaz à effet de serre du secteur numérique et notamment de la 5G. Ce chiffre doit être divisé par 4.
Je dresse un parallèle : le numérique émet plus que le secteur de l'aérien. Si nous améliorons les carburants, nous émettrons un peu moins de gaz à effet de serre. Mais si à côté de cela, vous multipliez le nombre d'avions, de voyages et de distances, il y aura un effet rebond.
La 5G, ce n'est pas la médecine à distance, c'est le streaming, la voiture autonome et l'Internet des objets. Le PDG d'Intel rappelle que 1 million de véhicules autonomes exigeraient autant d'échanges de données que 3 milliards de personnes connectées. Cela signifie que nous sommes à la veille d'une explosion des transmissions de données, et donc d'une consommation accrue d'électricité et d'un bilan carbone dégradé. Je ne parle même pas des terminaux, car nous savons bien que sur 40 ou 50 millions de terminaux qui devront être remplacés, ceux qui seront recyclés représentent des quantités anecdotiques. Nous constatons, depuis 20 ans, qu'environ 10 % des portables sont recyclés et que cette proportion n'évolue pas.
Des organismes officiels, l'Ademe, ou le Haut Conseil pour le climat, se sont interrogés sur le bilan carbone de la 5G. Ce sont des organismes publics mis en place pour trouver des solutions. Ce sont bien eux qui s'inquiètent de l'arrivée de la 5G et pas « Agir pour l'Environnement ». Que faisons-nous pour que le numérique ne multiplie pas par 3, mais divise par 4 ses émissions de gaz à effet de serre ? Je ne vois pas la mesure, si ce n'est culpabiliser le client en disant que c'est sa faute s'il utilise la 5G.
M. Patrick Chaize. - C'est le sens de la mission que j'ai l'honneur de présider et je souhaite que l'on aille dans ces directions. Ce sont les travaux que nous avons réalisés et qui déboucheront sur des propositions à l'automne je l'espère de façon très concrète.
Mme Marta de Cidrac. - Le numérique a un impact environnemental fort, que ce soit à l'échelle du pays ou à l'échelle mondiale. Dans ses propos, M. Ferreboeuf a évoqué le lien entre ce besoin croissant et les trajectoires énergétiques du numérique importantes sur lesquelles nous devons nous pencher. Nous sommes en train de fermer Fessenheim qui produisait une énergie décarbonée, une énergie nucléaire. M. Soriano a également dit que nous ne sommes pas capables d'évaluer réellement l'impact de la 5G sur les consommations des opérateurs. Existe-t-il aujourd'hui des études réelles, fortes, chiffrées en la matière ? Avons-nous des éléments factuels qui nous permettraient de préparer notre système énergétique à répondre à l'accroissement des consommations des opérateurs ?
M. Guillaume Gontard. - Aujourd'hui, sur la plupart des territoires, la fibre arrive et cette technologie va ouvrir de nouveaux usages, par exemple la télémédecine. Je n'ai pas entendu beaucoup d'amélioration que pouvait amener la 5G au-delà de regarder un film en streaming dans le TGV... Y a-t-il un réel besoin ou est-ce que l'on va créer le besoin ?
Nous venons de traverser une crise sanitaire, et nous sommes au coeur d'une crise climatique. Nous ne pourrons plus fonctionner comme avant et nous devons vraiment nous poser la question de l'utilité, prendre un peu de temps en nous posant la question en termes d'usage. Certes, il ne faut pas « manquer le train ». Mais souvenez-vous de la fable du lièvre et de la tortue. Il y a nécessité de prendre le temps.
M. Hervé Gillé. - Au travers de l'intervention de M. Gontard, nous voyons bien le contraste entre les utilités et les futilités de demain. La 5G va développer des futilités, qui elles-mêmes vont engendrer des effets pervers, notamment en termes d'impacts environnementaux. Toutefois, en revanche, elle va apporter des utilités économiques. Nous devons donc nous interroger sur les processus de régulation.
Un sujet manque d'éclairage, il s'agit de la complémentarité avec la fibre. Est-ce que la 5G doit se développer absolument partout en termes de mobilité ou est-ce qu'il existe une complémentarité, même technologique avec la fibre, pour limiter le développement des réseaux ? Avons-nous vraiment besoin d'avoir des réseaux en parallèle, puisque la fibre est écologiquement une solution très pertinente ?
Sur l'empreinte carbone de l'ensemble des organisations ou sur la responsabilité sociétale, il existe des outils qui mériteraient d'être développés pour en contrôler réellement les évaluations. La responsabilité sociétale des organisations pourrait intégrer d'une manière claire les objectifs à atteindre en matière d'empreinte carbone du numérique sous couvert d'un ensemble de parties prenantes qui vérifieraient les évaluations. Pour rappel, la RSO est rattachée à une norme AFNOR qui permet d'avoir un cadre normatif d'évaluations. Ce sujet mériterait d'être développé, pour mesurer les engagements des acteurs au-delà des mots.
Mme Angèle Préville. - Je voulais apporter une dimension sociale. Comme nous l'avons vécu lors de la crise de la pandémie, tous nos concitoyens n'ont pas accès à des terminaux assez performants pour être intégrés à la société numérique. Nous l'avons vu pour ce qui était du suivi de l'école, sur les déclarations d'impôts, l'accès au service public. Il y a maintenant l'obligation de passer par le numérique. Or nous avons quand même 14 millions de nos concitoyens qui sont dans l'illectronisme. Soit ils n'ont pas les équipements, soit ils sont sur un territoire où l'accès au numérique est difficile, soit ils ne savent pas faire. Pour ma part, je crains que, par le développement et par l'obsolescence des terminaux qu'ils possèdent déjà, ils soient encore plus à la peine pour pouvoir s'équiper et que la fracture numérique s'accentue. Elle est déjà très importante. Nous avons aussi à considérer cette problématique, celle des logiciels, des terminaux. Pendant la crise, nous avons constaté que certaines mères seules ne disposaient que d'un téléphone portable pour faire travailler leurs enfants. C'est un sujet dont il faut s'emparer.
Mme Nadia Sollogoub. - Je vais rebondir sur les propos de ma collègue. Je suis dans la même logique. Si, dans un monde parfait, nous parvenions à ce que tout le monde ait accès à ces nouveaux services qui font tant envie, alors les projections de consommation deviendraient encore plus effrayantes. Nous en étions à nous projeter sur une consommation avec un nombre d'usagers constant. Toutefois, les bases vont s'élargir. Dans de nombreux pays émergents, la population va vouloir accéder aux mêmes services. Les projections sont terribles, car nous avons l'impression que nous ne contrôlerons plus cette courbe qui explosera.
M. Hugues Ferreboeuf. - La première question était : disposons-nous de scénarios documentés nous permettant de comprendre l'évolution de la consommation énergétique du numérique ? Comment est-elle prise en compte dans les scénarios plus globaux, notamment le plan de programmation énergétique ?
Je me suis plongé dans les études ERTE, les scénarios développés au sein du ministère de la transition écologique lors de l'élaboration de la programmation pluriannuelle de l'énergie, et j'ai constaté qu'il n'y avait pas d'études du numérique en tant que telles. Puis, j'ai trouvé que toutes les hypothèses prises étaient très optimistes, car se basant sur la même approche que celle proposée par M. Guérin sur l'amélioration de l'efficacité énergétique, sans prendre en compte la multiplication des équipements ou l'apparition de nouveaux équipements. Or nous savons qu'en termes de numérique, nous ignorons ce qui se produira dans quelques années. Nous supposons qu'il y aura des terminaux qui existeront et qui n'existent pas aujourd'hui. Par conséquent, pour répondre à cette question, je n'ai pas le sentiment que l'État a les cartes en main pour bien intégrer l'évolution de la consommation énergétique du numérique dans les plans de programmation de l'énergie.
D'autres questions tournaient autour de « l'offre tire-t-elle la demande ou la demande tire-t-elle l'offre ? ». Il s'agit d'une éternelle question. Globalement, depuis une dizaine d'années dans le numérique, nous avons un phénomène où l'offre tire la demande. Nous avons clairement une dynamique impulsée par la technologie.
Dans tous ces documents rédigés par les analystes et universitaires, nous pouvons lire qu'à l'échelon de quelques années, l'introduction d'une technologie plus performante telle que la 5G conduira à développer d'abord des versions plus performantes des services existants (streaming HD pour du streaming 4K ou 8K, jeux en ligne classiques pour passer aux jeux en ligne en réalité virtuelle...). La constatation qui ne peut pas être démentie par la FFT est que 80 % de la croissance du trafic aujourd'hui vient d'usage vidéo de loisirs.
Ce phénomène va s'accroître. C'est pourtant lui qui justifie l'introduction de la 5G. Dans les zones denses, la 4G va être saturée, car les efforts que les producteurs de contenu ont accepté de faire pendant le confinement (réduire le débit de leurs services) ne seront pas poursuivis. Les 3 mois que nous venons de traverser nous ont conduits à nous interroger sur la priorisation de nos besoins.
Pour terminer, je reviens sur la discussion plus sociétale. La 5G sera-t-elle un outil pour améliorer le bien-être collectif ou, au contraire, intensifiera-t-elle la fracture numérique qui existe déjà ? Un intervenant faisait allusion au fait que la Chine faisait de la 5G un projet national et qu'elle souhaitait utiliser la 5G pour transformer la ville et la vie de ses concitoyens. C'est une vision technocentrée d'évolution de la société. La question est de savoir si nous souhaitons adopter cette vision ou si nous voulons privilégier une autre voie. Nous ne pourrons probablement pas faire les deux en même temps.
M. Nicolas Guérin. - Je voulais revenir sur une précision. M. Kerckhove a cité un représentant d'Orange qui aurait reconnu que la consommation électrique de la 5G était 3 fois supérieure à celle de la 4G. Il manquait juste la fin de la phrase : ces antennes délivrent 15 fois plus de débit. Par conséquent, la consommation est effectivement 3 fois supérieure, mais pour 15 fois plus de débit. Elle est donc plus efficace. Si vous partez du principe que la consommation va de toute façon augmenter parce que les usages vont augmenter, et que les clients attendent de plus en plus de débit, si vous ne faites pas de la 5G, vous allez augmenter la consommation électrique, en ne répondant pas efficacement aux usages. Par conséquent, ce n'est pas plus efficace.
Je voulais répondre également à une autre question. Nous entendons souvent des comparaisons entre le numérique et d'autres secteurs comme l'aérien. Le numérique est un monde de 4 milliards d'habitants. L'efficacité environnementale du monde du numérique est prouvée.
Je suis d'accord avec le président de l'Arcep. Il y a un débat à avoir pour parvenir à une transparence. Aujourd'hui, les engagements sont pris opérateur par opérateur. Pour Orange, notre positionnement est d'avoir un recours accru aux énergies renouvelables, jusqu'à 50 % d'ici 2025.
Vous avez posé la question du mix entre fibre et 5G. Les deux sont utiles. La 5G est mobile. La fibre est fixe. Nous pouvons utiliser la 5G fixe à la place de la FTTH. Les deux sont complémentaires. C'est vrai entre la 4G et l'ADSL, ou la 4G et la fibre. Nous l'avons vu pendant la période de confinement. Une box est utile. Toutefois, nous constatons aussi que beaucoup d'étudiants sont connectés avec des mobiles en cours. Les deux sont complémentaires sur le marché du grand public. Nous pouvons peut-être recommander aux utilisateurs de jeux vidéo de se connecter à partir d'une box, de ne pas télécharger les films à partir de mobiles via le réseau mobile. Cela serait effectivement moins consommateur. Toutefois, les gens sortent de chez eux et ont besoin de mobilité, de plus de débit dans les transports, sur les routes. Pour la robotique, il existe un intérêt sur la 5G.
M. Stéphen Kerckhove. -Quand je vois ces débats sur la 5G, les échanges me semblent un peu stratosphériques. En ville, vous aurez une concurrence sur la 5G, la 4G, la fibre, l'ADSL, une multiplication y compris avec la concurrence entre opérateurs et entre technologies. A la campagne, vous êtes obligé de vous battre quand un arbre tombe sur la ligne.
Depuis 2018, nous parlons de la 5G. Pourquoi, en 1 mois, entre le 14 juillet et le 15 août, faut-il mener une mission sur les évaluations environnementales, alors que nous aurions pu le faire avant ? Nous avons une multiplication d'agences dans ce pays et nous ne les saisissons plus. Pourquoi la Commission nationale du débat public n'est-elle pas mandatée pour mener à bien un débat qui permettrait d'avoir tous les gages d'indépendance et de mener correctement ces débats avec l'ensemble des parties prenantes ? Cet éparpillement génère de la frustration. Nous participons à un nombre incroyable de comités de dialogue et nous avons l'impression que les débats se font écho. Nous répétons les mêmes propos mais rien n'est approfondi. C'est beaucoup d'énergie perdue pour, finalement, aucune conclusion reconnue. Je crains qu'à vouloir gagner du temps en précipitant les choses en attribuant les fréquences très rapidement, nous ne nous retrouvions localement avec de vrais blocages.
M. Mathieu Weill. - Merci pour l'organisation de cette table ronde. Elle montre la nécessité d'un dialogue sur ces sujets qui ont pris une ampleur particulière ces derniers mois. La 5G n'est peut-être pas la bonne cible. L'enjeu est plus large. Il porte sur l'environnement et le numérique. Il est nécessaire de construire des éléments de régulation de l'impact environnemental du numérique qui reposeront sur des régulateurs indépendants et aussi sur des objectifs fixés par le législateur, et sur des pouvoirs confiés à l'exécutif.
C'est une dimension de la régulation globale du développement du numérique qui est à surveiller au même titre que la concurrence, la liberté d'entreprendre, l'aménagement du territoire, qui reste la première attente des Français, notamment depuis la crise, au même titre que l'inclusion numérique.
Derrière cela, il y a des décisions d'arbitrage politique qui relèvent du législateur et qui sont de l'ordre non pas d'une vision technocentrée, mais d'un arbitrage entre la liberté et une organisation de la vie sociale dirigée. Dans le monde du numérique, ces arbitrages ont été axés sur la liberté des usagers. Je pense que nous aurons le temps d'en reparler avec un dialogue clair entre le parlement, le Gouvernement et l'ensemble des parties prenantes et la société civile.
M. Sébastien Soriano. - M. Kerckhove, vous pouvez avoir l'impression qu'au sujet de cette préoccupation environnementale, vous vous trouvez face à un rouleau compresseur méprisant. Je comprends votre sentiment. En tant que citoyen, je le partage. À l'Arcep, nous faisons le choix de changer de posture et d'arrêter d'être dans le techno-enthousiasme. Cela a été un vrai changement au sein de l'institution et nous souhaitons vraiment nous engager dans cette voie. Cependant, sans vous, nous n'y parviendrons pas. Il nous faut cette co-construction.
Quid de l'articulation entre le fibre et la 5G ? Allons-nous couvrir tout le territoire en 5G ? Pour répondre à M. Ferreboeuf, cette commission que je fréquente depuis 5 ans et demi m'a beaucoup parlé de couverture mobile. Les citoyens veulent du fixe et du mobile. La fibre ne peut donc pas être un substitut à la 5G.
Comment la 5G sera-t-elle déployée en zone rurale ? Pas de la même manière qu'en zone urbaine, notamment concernant les fameuses fréquences de la bande 3,5 GHz dont nous sommes en train d'organiser l'attribution. Elles ne seront pas massivement utilisées en zones rurales. Nous nous attendons plutôt à des combinaisons entre des bandes dites basses (700, 800, 900) et des bandes moyennement hautes (1 800, 2 100, 2 600) et que ce soit l'agrégation de ces bandes qui apporte un service qui, parfois, sera une 4G+ (4 fois plus de débit minimum que la 4G avec 240 Mbit/s en débit théorique), parfois une 5G, mais qui n'utilisera pas cette bande coeur. Elle amènera une capacité qui sera plus importante, mais pas aussi importante que dans les zones urbaines. La bonne nouvelle est la suivante. En zone rurale, comme les personnes qui tirent sur le réseau sont moins nombreuses, l'expérience des utilisateurs devrait être relativement équivalente entre les zones urbaines et les zones rurales. C'est le pari que nous faisons.
M. Patrick Chaize. - Je voudrais vous remercier pour votre participation et la qualité de ces échanges qui, je crois, nous ont montré tout l'intérêt que nous portions aux réseaux de communication électronique en général et au réseau mobile en particulier.
Je voudrais retenir plusieurs points : nous souhaitons que les services numériques soient présents sur l'ensemble de notre territoire.
Je retiens, ensuite, l'appel de l'Arcep sur le volet environnemental. Nous aurons à travailler pour intégrer cet enjeu environnemental dans nos usages numériques.
Enfin, le troisième enseignement que j'ai tiré de ces échanges, c'est qu'il n'y aura pas d'évaluation environnementale préalable de la 5G par le gouvernement.
Je vous remercie encore de votre participation à un sujet d'importance pour notre commission et notre pays.
M. Hervé Maurey, président. - Le dernier point mérite d'être bien souligné. Je me tourne vers M. Weill. Nous avons lu dans la presse la semaine dernière que le gouvernement avait la volonté de conduire une étude environnementale. Ce matin, il nous a clairement été dit que ce ne serait pas le cas. Le Président Macron a dit qu'il avait trois jokers sur la Convention citoyenne. J'en ai compté un quatrième ce matin puisque la 5G ne fera pas l'objet d'un moratoire. Merci à tous les intervenants d'avoir participé à cette table ronde très utile et très intéressante.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 50.