Mercredi 15 avril 2020
- Présidence de M. Alain Milon, président -
La téléconférence est ouverte à 10 heures.
Audition de M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) (en téléconférence)
M. Alain Milon, président. - Nous avons le plaisir d'accueillir M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie. Cette audition en visioconférence est ouverte à la presse.
Nous avons de nombreuses questions à vous poser. Pour ma part, je souhaiterais savoir comment la situation actuelle se reflète dans les chiffres de la CNAM, savoir si l'on enregistre effectivement une diminution du nombre de consultations dans les cabinets privés, et s'il faut s'attendre à un effet rebond à l'issue du confinement et quels effets sur l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), notamment l'Ondam de ville.
M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie. - L'assurance maladie est évidemment fortement mobilisée depuis le début de la crise, dans une coordination étroite avec le ministère des solidarités et de la santé et, au niveau territorial, avec les agences régionales de santé (ARS). Nous avons le souci d'un dialogue permanent avec les différentes fédérations et syndicats professionnels. De nombreux ajustements ont eu lieu et il y en aura encore beaucoup d'autres à l'avenir.
Nous avons rapidement eu à faire face à trois grands enjeux.
Le premier a été le maintien de notre capacité opérationnelle pour assurer nos missions essentielles, dans un contexte où nous avons basculé nos 64 000 collaborateurs en télétravail pour les protéger d'un risque de contamination. Aujourd'hui, nous parvenons à assurer nos missions socles - versement des prestations en nature, remboursement de soins, versement des indemnités journalières (IJ) - dans de bonnes conditions, avec une maîtrise convenable des délais.
Dans le même esprit, nous avons fermé les accueils physiques dans les caisses primaires, au profit des canaux de contact que constituent l'assurance maladie en ligne (Ameli), qui connaît une très forte progression, mais aussi notre messagerie électronique. Le nombre d'e-mails que nous recevons a doublé, passant de 40 000 à 80 000 par jour. Nous parvenons à en traiter à peu près autant que nous en recevons chaque jour, avec un décalage de trois jours. Le nombre d'appels téléphoniques a également doublé, passant de 35 000 à 70 000 par jour. Nous avons rencontré, la semaine dernière, de petits problèmes de connexion VPN à distance, mais la situation est en train de se rétablir.
Notre deuxième grand enjeu est d'assurer la meilleure protection de nos assurés en cette période de Covid-19.
Pour ce faire, nous avons déployé de nouveaux types d'arrêts de travail, dérogatoires par rapport à l'arrêt traditionnel pour cause de maladie : arrêt pour garde d'enfants, arrêt préventif lié à une vulnérabilité et, depuis peu, arrêt pour les conjoints ou les proches de personnes vulnérables. Le traitement de ces arrêts a nécessité de développer, en quelques jours, toute une ingénierie et de nouveaux téléservices, en veillant à ne pas emboliser la médecine de ville.
Nous avons permis l'essor important de la télémédecine et nous assurons une information régulière de nos assurés, notamment par des campagnes d'e-mails, que nous allons encore renforcer dans les prochains jours.
Notre troisième grand enjeu est de soutenir les professionnels de santé dans la crise.
Nous avons ainsi rendu possibles les téléconsultations par des médecins hors parcours. Nous avons prévu une prise en charge à 100 % des téléconsultations. Nous avons récemment ouvert les téléconsultations à de simples consultations par téléphone. Nous avons donné aux spécialistes la possibilité de coter des consultations dites « complexes », pour ouvrir la téléconsultation le plus largement possible. Nous avons également ouvert la télémédecine à d'autres professions : sages-femmes, orthophonistes et infirmiers. Très prochainement, un texte sera publié afin d'ouvrir cette possibilité aux masseurs-kinésithérapeutes.
Nous avons également adapté nombre de nos nomenclatures - notamment celle des infirmières - et de nos tarifications pour accompagner les prises en charge liées au Covid-19.
Des majorations supplémentaires pour les médecins effectuant des visites en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont désormais prévues.
Nous avons aménagé nos contrôles afin que des « centres Covid » en ville, spécialisés dans la prise en charge des malades, avec des règles de facturation allégées, puissent être créés.
Nous avons engagé une concertation avec les représentants des professions de santé sur un dispositif d'accompagnement financier car elles connaissent une baisse d'activité tout à fait notable : sur les trois dernières semaines, l'activité a diminué de 40 % pour les médecins généralistes et de 50 % pour les spécialistes. Certaines professions sont quasiment à l'arrêt, comme les chirurgiens-dentistes, les masseurs-kinésithérapeutes ou encore les orthophonistes. D'autres connaissent une baisse d'activité très légère, comme les infirmières. Globalement, nous constatons un très fort ralentissement de l'activité, qui dure désormais depuis trois à quatre semaines selon les professions, qui risque de se poursuivre pendant un certain temps et qui appelle évidemment, comme le ministre l'a annoncé voilà quinze jours, la mise en place d'un dispositif ad hoc.
Mme Catherine Deroche, rapporteure pour l'assurance maladie. - Les professionnels de santé libéraux vont subir des pertes d'activité importantes.
Lorsque je l'ai interrogé à l'occasion de de la séance de questions au Gouvernement du 1er avril dernier, le ministre des solidarités et de la santé a annoncé l'ouverture de négociations avec l'assurance maladie et les représentants des professionnels libéraux. Où en sont ces discussions ? Avec quelles professions sont-elles menées ? De quelle nature pourraient être les aides apportées et comment s'articuleront-elles avec le fonds de solidarité ? Certains craignent une usine à gaz. Un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale sera-t-il soumis au Parlement ?
Sur l'espace participatif qui leur a été ouvert par le Sénat, les professionnels libéraux ont exprimé de vives inquiétudes quant aux conditions restrictives de l'accès dérogatoire aux indemnités journalières.
Certains assouplissements en matière de télémédecine pourraient-ils être pérennisés après la crise actuelle ? On sait qu'il y a une demande en ce sens, antérieure à la crise actuelle.
Allez-vous réaliser des études utilisant les bases de données de l'assurance maladie pour déterminer si les patients dont la polyarthrite rhumatoïde ou le lupus sont soignés par hydroxychloroquine sont moins atteints par le Covid-19 ?
Quid de la prise en charge par l'assurance maladie des personnes hospitalisées pour Covid-19 et des tests qui vont arriver sur le marché ?
M. Nicolas Revel, directeur général. - Pour ce qui concerne le dispositif d'accompagnement financier des professions de santé, la mission qui m'a été confiée par le ministre des solidarités et de la santé consiste à mener une concertation puis à faire des propositions au Gouvernement. In fine, c'est ce dernier qui arrêtera le dispositif de compensation de la non-activité, par voie d'ordonnance, conformément à l'habilitation qui lui a été donnée dans la loi d'urgence sanitaire votée il y a peu. Cette concertation n'entre pas dans le champ de la négociation conventionnelle, le cadre législatif ne nous autorisant pas à créer un tel dispositif de compensation.
Avec les directions concernées des ministères des solidarités et de la santé, de l'action et des comptes publics et de l'économie et des finances et avec les représentants des professionnels, nous réfléchissons à un dispositif qui s'appliquerait à toutes les professions de santé conventionnées. Ce dispositif a vocation non pas à maintenir les honoraires et chiffres d'affaires des différentes professions de santé, mais bien à accompagner la perte d'activité.
Les orientations que j'ai présentées à l'ensemble des représentants des différentes professions s'articulent autour de deux objectifs. Le premier est l'accompagnement financier de chaque professionnel pour couvrir ses charges, afin qu'il puisse se maintenir et reprendre son activité après la crise. De fait, il peut être difficile de faire face aux charges fixes - loyers, emprunts, charges sociales, fiscales, salariales, amortissement des équipements... - lorsque l'activité se réduit. Le second objectif est d'éviter l'effet désincitatif de cette aide pour les professionnels de santé, qui, pour certains, peuvent continuer à travailler.
Pour contribuer à la couverture des charges, nous allons prendre en compte les autres aides susceptibles d'être mobilisées par les professionnels, au titre du fonds d'urgence ou du chômage partiel, afin d'éviter les doublons. Nous prendrons également en compte les revenus d'activité réalisés au cours de la période, mais de manière partielle, pour inciter les professionnels à continuer d'exercer le plus possible. En effet, il y a aussi, en cette période, des enjeux de continuité des soins, de renoncement et de perte de chances.
Nos concertations ne sont pas encore terminées. Le Gouvernement arbitrera sur les paramètres financiers et arrêtera un dispositif par voie d'ordonnance dans les toutes prochaines semaines. Notre objectif est que, par la voie d'un téléservice que nous sommes en train de développer, les professionnels éligibles à ce dispositif puissent, de manière simple et rapide, déclencher, dès la fin avril et au plus tard début mai, le versement d'un premier acompte de l'aide économique, couvrant au moins les six premières semaines. Si la baisse d'activité devait se poursuivre en mai, ils pourront activer le versement d'un nouvel acompte.
Je n'ai pas bien compris les inquiétudes sur les IJ qui ont été relayées par les professionnels de santé sur la plateforme participative. Nous avons ouvert, de manière dérogatoire, trois types d'arrêt de travail qui n'existaient pas pour les professions de santé : arrêt pour garde d'enfants ; arrêt préventif, en cas de risque pour leur santé lié à une pathologie chronique ; arrêt pour maladie, en cas de contamination par le Covid-19. Ces arrêts ne sont soumis à aucun délai de carence. Les arrêts pour garde d'enfants et pour cause de vulnérabilité en cas d'affection de longue durée (ALD) peuvent être obtenus en ligne, par téléservice. Les autres nécessitent une prescription médicale établie par un médecin de ville.
Nous avons opéré trois ajustements en matière de téléconsultations médicales.
Tout d'abord, nous avons permis le recours à un médecin en dehors des notions de parcours de soins coordonnés et d'organisation territoriale, qui sont au coeur de l'avenant conventionnel que nous avons élaboré. En effet, nous avons estimé que, la médecine de ville pouvant être totalement débordée par le Covid-19, il fallait simplifier l'accès à un médecin, y compris à un médecin qui ne connaît pas le patient, ce qui n'était pas prévu par l'avenant initial. Envisageons-nous de pérenniser cet assouplissement ? Non. Ce qui est nécessaire dans le cadre de la crise actuelle ne le sera pas au-delà.
Le développement de la téléconsultation est spectaculaire. Ainsi, le nombre de téléconsultations est passé de 40 000 en février à 1 million sur la seule avant-dernière semaine. Au demeurant, 85 % d'entre elles ont été réalisées par un médecin qui connaissait déjà le patient. Ce développement très important de la téléconsultation se fait donc dans le respect des règles de prise en charge qui ont été posées dans le cadre de l'avenant 6.
Avec cette crise, nous sommes en train d'atteindre l'objectif que nous nous étions fixé, à savoir que la téléconsultation ne doit pas rester l'apanage de quelques médecins qui se spécialiseraient dans la prise en charge à distance de patients nomades mais qu'elle soit intégrée dans la pratique professionnelle du plus grand nombre de médecins, pour suivre leurs patients. Voilà huit jours, on dénombrait 30 000 généralistes pratiquant la téléconsultation de manière régulière avec leur propre patientèle - le chiffre a encore pu augmenter depuis. Nous entendons capitaliser sur ce gain afin que la téléconsultation se développe encore. Aujourd'hui, la France est le pays le plus avancé au monde dans le développement de la télémédecine et de la téléconsultation.
Nous avons également prévu une prise en charge de l'acte de téléconsultation à 100 %, pour en simplifier la facturation. Cependant, il ne me paraît pas évident qu'une téléconsultation ait vocation à être prise en charge à 100 % en dehors du contexte sanitaire actuel.
Plus récemment, sur proposition de l'assurance maladie, que le ministre a validée, les consultations par téléphone ont été rendues possibles dans le cadre de la crise. De fait, la téléconsultation se heurte à la limite de l'équipement informatique de certains patients - je pense notamment à des patients en affection de longue durée (ALD) ou à des patients âgés. Cependant, il ne s'agit pas de mettre durablement un signe égal entre une consultation en présentiel, une téléconsultation et un simple appel téléphonique. Il faudra remettre les choses d'aplomb après la crise. Quoi qu'il en soit, la consultation téléphonique ne me semble pas appelée à être pérennisée.
La possibilité d'actes de télé-soins a été ouverte aux orthophonistes, aux sages-femmes et aux masseurs-kinésithérapeute par voie réglementaire pour la durée de l'épidémie, mais il me paraît évident qu'il faudra réfléchir à l'inscrire dans un cadre pérenne, même si l'évaluation préalable de la Haute Autorité de santé (HAS) sera nécessaire à chaque fois pour permettre une inscription conforme à nos procédures actuelles.
Pour pouvoir mener des études sur le Covid-19, nous avons besoin des données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) sur ce qui se passe à l'hôpital depuis quatre semaines. Or ces données remontent lentement. Nous essayons de faire en sorte qu'elles soient mises à la disposition de toute la communauté des chercheurs beaucoup plus rapidement. Il sera ainsi possible de savoir si les personnes traitées par hydroxychloroquine de manière chronique ont autant contracté le Covid-19 que le reste de la population. Ces études vont démarrer rapidement.
La prise en charge à 100 % des personnes hospitalisées au titre du Covid-19 n'est pas une décision que l'assurance maladie peut prendre seule. Juridiquement, cette décision relève du ministère, donc d'un texte réglementaire. Je n'ai pas de position personnelle sur le sujet. Une réflexion sur la prise en charge des tests virologiques et sérologiques est évidemment en cours. L'assurance maladie y participe, mais la décision revient au ministre. Je n'ai pas à me prononcer sur ce point.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Dans l'espace participatif, les professionnels de santé libéraux souhaitent un accès aux indemnités journalières facilité. Ils attendent aussi une clarification des conditions de leur mise en arrêt de travail en cas de maintien d'une activité partielle.
M. Nicolas Revel, directeur général. - La règle, dans notre pays, est simple : on ne cumule pas arrêt travail et activité.
Nous regarderons si une activité résiduelle a subsisté pendant la période de versement des IJ. En cas de très forte activité, nous pourrons être amenés à nous interroger sur la légitimité de ce versement.
M. René-Paul Savary. - Les ARS ont décidé d'annuler toute la programmation des établissements hospitaliers privés. Les cliniques se sont donc trouvées à l'arrêt, disponibles pour le Covid-19, sur lequel elles n'ont pas pu travailler tout de suite, car l'articulation avec le secteur public n'a pas été évidente. Elles ont pris en charge des malades en médecine, pour lesquels leurs spécialistes ne sont pas formés. Elles ont donc dû faire appel aux généralistes qui les connaissent, mais ces derniers n'ont pu établir de feuilles de consultation classiques, puisque ces patients étaient hospitalisés - alors que cela est possible dans les hôpitaux publics. L'assurance-maladie ne pourrait-elle pas être un peu plus souple ? Il faudrait dans le cas contraire qu'ils soient embauchés en contrats à durée déterminée de quelques heures, ce qui représente des contraintes administratives considérables.
Ne pourrait-on pas utiliser une partie de ces cliniques pour la convalescence - nous savons que le Covid-19 nécessite une convalescence longue, notamment pour les personnes âgées. Le secteur privé va en effet connaître des difficultés financières terribles.
M. Yves Daudigny. - Quelle est la position de la CNAM sur la prise en charge du dépistage dans le cadre du déconfinement, notamment via les tests sérologiques ou autotests, si tant est qu'ils soient fiables. Dans quelles conditions peut-on envisager une prise en charge à 100 % ? Doit-on les réserver à certaines catégories ou doit-on les ouvrir à tous ? Dans ce cas, doit-on les conditionner à une prescription médicale, ou envisager une démarche « au labo sans ordo » comme pour le VIH en Île-de-France ?
Sur le plan financier, disposez-vous d'une évaluation du coût d'un dépistage sérologique sur toute la population ?
La CNAM a mis en place un document unique de traçabilité pour la délivrance en officine des masques aux professionnels libéraux. Quel bilan en faites-vous ? Constatez-vous des tensions ? Sur l'espace participatif mis en place par notre commission, les professionnels de santé en ville sont nombreux à témoigner de difficultés d'approvisionnement.
Mme Corinne Imbert. - Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, c'est l'assurance-maladie qui finance l'agence Santé publique France, ce qui réduit la vision qu'en ont les parlementaires. La CNAM a-t-elle connaissance des dotations dont bénéficie cette agence, notamment d'éventuels abondements exceptionnels pour faire face à la crise ? Le Président de la République a annoncé une dotation de 4 milliards d'euros : sera-t-elle versée à partir des crédits de l'État ?
Constatez-vous une augmentation des arrêts de travail que peuvent prendre les personnes considérées comme à risque, notamment celles qui souffrent de pathologies chroniques ? Beaucoup de médecins généralistes craignent que ces personnes renoncent aux soins : l'assurance maladie y apporte-t-elle une vigilance particulière ?
Une ordonnance a permis de supprimer temporairement l'obligation de dépôt physique des premières demandes d'affiliation à l'aide médicale d'État (AME). Avez-vous constaté un maintien du nombre de dossiers ou une diminution ? Pour lutter contre la renonciation aux soins chez les bénéficiaires de l'AME, les associations sont-elles soutenues pour que ces derniers aient accès aux téléconsultations ?
Mme Michelle Gréaume. - Concernant les indemnisations journalières des familles gardant leurs enfants, le Gouvernement avait annoncé qu'il n'y aurait exceptionnellement pas de jour de carence ni d'examen des conditions d'ouverture des droits. En combien de temps ces familles obtiennent-elles le versement des indemnités sur leur compte ? Un accompagnement financier ou tout autre dispositif est-il prévu pour les familles qui touchent une indemnité à hauteur de 50 % du salaire, mais qui n'ont pas reçu et ne recevront pas le complément de l'employeur, qui n'est prévu par le code du travail qu'après douze mois d'ancienneté ? Plusieurs familles ont été confrontées à cette difficulté.
Mme Laurence Cohen. - Merci pour la clarté de vos réponses, monsieur le directeur général. La traçabilité des patients atteints par le Covid-19 soulève une forte polémique. La CNAM possédera beaucoup de données concernant ces personnes : comment continuer à respecter leur confidentialité - à moins que vous ou le Gouvernement ayez prévu autre chose ?
Le ministre de la santé a ouvert les tests de dépistage aux laboratoires de ville, aux laboratoires départementaux, aux laboratoires vétérinaires... Avez-vous un aperçu des coûts pour la CNAM ?
Beaucoup de professionnels de santé sont atteints par le Covid-19. Disposez-vous de données sur l'ampleur de cette épidémie ? Quelles en sont les répercussions sur le fonctionnement des établissements de santé - hôpitaux et centres de santé ?
Nous n'avons pas voté de projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif, ce que mon groupe et moi déplorons. Les journaux parlent de milliards dégagés pour les masques et le matériel. Le secrétaire d'État Olivier Dussopt m'avait indiqué que cela donnerait uniquement lieu à un dépassement de l'Ondam. Disposez-vous de plus d'informations sur cette question ?
M. Nicolas Revel, directeur général. - Monsieur Savary, vous m'interrogez sur la possibilité pour les généralistes qui exercent dans les hôpitaux privés de ne pas signer de convention, comme il s'en conclut habituellement ; c'est la première fois que cette question m'est posée. Les fédérations n'ont pas abordé le sujet. La situation ne doit donc pas concerner beaucoup de médecins et d'établissements. À ce stade, j'estime que le droit commun, qui semble très praticable, peut s'appliquer.
Monsieur Daudigny, votre question sur les modalités de prise en charge du dépistage sérologique est au coeur des travaux du Gouvernement et du conseil scientifique qui l'assiste. Le principe de modestie me conduit à ne pouvoir vous dire ce que devrait être cette politique - pour les tests sérologiques du moins. Doit-on les utiliser massivement, alors que les premiers retours montrent que le taux d'immunisation de la population est assez faible ? C'est une décision qui appartient au Gouvernement. Sur leur coût, il est encore plus difficile de répondre, puisqu'on n'en connaît ni le volume ni le prix. Doit-on prévoir une prise en charge à 100 % ou selon les conditions du droit commun ? Je vous ferai la même réponse.
Le Gouvernement l'a dit : il faudra augmenter massivement le recours aux tests virologiques - il progresse déjà en France de semaine en semaine. Notre future capacité à tester toute personne ayant un symptôme ou ayant croisé une personne atteinte est donc crédible. Concernant ces tests, la question d'un remboursement à 100 % se pose, puisqu'il faudra que ce dépistage soit le plus accessible possible. En revanche, elle est moins évidente pour les tests sérologiques.
Nous avons mis à la disposition des pharmaciens un outil leur permettant de tracer les professionnels auxquels ils ont fourni des masques et de savoir quel est l'état de leur stock. Cela évite que des professionnels de santé fassent le tour des pharmacies et se fassent attribuer plus de masques que ceux auxquels ils ont droit. Cela permet aussi à un pharmacien qui n'a plus de masques d'orienter un professionnel vers un confrère qui en a encore, puisque l'outil lui permet de connaître aussi le stock des autres officines. Toutes les régions ont adopté cet outil, sauf trois d'entre elles, qui en avaient déjà développé un autre. Il est trop tôt pour vous donner des retours : l'outil ayant été déployé la semaine dernière, il est en train d'être alimenté par les officines. Dès que j'en saurai un peu plus, je vous en ferai part.
Madame Imbert, une dotation exceptionnelle de 4 milliards d'euros a été allouée à Santé publique France, dotation portée par l'assurance-maladie, puisque cette agence est financée depuis 2020 par l'Ondam - comme c'était déjà le cas il y a quelques années. Geneviève Chêne, directrice générale de l'agence, et moi-même, avons signé une convention concernant cette dotation dont la moitié a déjà été versée. Pour l'essentiel, elle finance l'acquisition d'équipements de protection individuelle, notamment les masques.
Concernant les arrêts de travail pour les personnes vulnérables, nous nous appuyons sur un avis du Haut conseil de santé publique, qui a défini sa doctrine sur les pathologies chroniques et situations - les femmes enceintes à partir du deuxième trimestre et les personnes en situation d'obésité sont concernées - qui exposent les personnes à un risque accru en cas de Covid-19. Nous avons défini deux voies d'accès : une voie de droit commun, via un médecin de ville, et une autre par un téléservice ouvert il y a deux ou trois semaines, réservée aux patients qui sont en affection de longue durée (ALD). Sur les 374 000 demandes d'arrêts de travail en ligne, nous avons dû en refuser 30 %, qui n'étaient pas en ALD - alors que les conditions étaient très claires sur le site... Nous renvoyons les demandeurs vers les médecins de ville. Ces derniers prononcent ces arrêts, que nous pouvons tracer notamment s'ils utilisent le téléservice Arrêt de travail en ville : il y en a eu 125 000.
Vous me demandez s'il y a eu un renoncement au soin ou un moins bon suivi des patients atteints d'une pathologie chronique. C'est difficile à objectiver. Le seul élément statistique dont nous disposons est la comparaison entre la diminution du recours au soin pour ces patients et pour la population générale. Cette diminution est malheureusement identique, alors que nous aurions espéré qu'elle fût moindre. Le ministre de la santé, le Premier ministre et le Président de la République ont appelé chacun à être vigilant sur sa santé. Nous avons récemment envoyé un mail aux personnes en ALD pour leur rappeler la nécessité d'une bonne prise en charge.
Concernant l'AME, comme nos accueils sont fermés, nous avons levé la condition d'une remise en mains propres des demandes. Je ne sais pas si une baisse de demandes a été enregistrée, mais je subodore que c'est le cas. Avec le ministère, nous avons aussi pris la décision de proroger automatiquement pour trois mois les droits des bénéficiaires qui arrivaient à échéance, afin de leur éviter toute démarche - c'est aussi vrai pour la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC).
Madame Gréaume, les arrêts de travail pour garde d'enfant ne sont pas déclarés par le salarié, mais par l'employeur. Dès lors qu'il l'a fait et qu'il a envoyé les éléments de salaire généralement via la déclaration sociale nominative (DSN), nous payons les indemnités dans un délai très rapide - une quinzaine environ, soit 22 jours tout compris. Cela permet à chacun de recevoir un revenu mensuel. Ces arrêts de travail ont été conçus comme des arrêts normaux, donc soumis aux règles relatives à la mensualisation, qui, effectivement, privent le salarié du complément versé par l'employeur lorsque son ancienneté est de moins de douze mois. Nous appliquons le droit commun. Il n'était pas possible de faire autrement dans l'urgence. Le Gouvernement sera amené dans les prochains jours à évoquer ce sujet qui est en cours d'arbitrage au niveau interministériel.
Madame Cohen, l'assurance maladie collecte des données de santé massives mais systématiquement pseudonymisées, en dehors de celles qui sont aux mains des médecins conseils du service médical de la CNAM. Avons-nous tant de données que cela sur le Covid-19 ? Non. Les données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) remontent plus lentement que la consommation de soins de ville - et nous nous efforçons d'accélérer ce mouvement - mais, le moment venu, nous aurons la traçabilité des séjours hospitaliers dus à cette pathologie grâce à un groupe homogène de séjours (GHS) traçant. Il ne sera pas facile, en revanche, de suivre les 80 % de patients qui n'ont pas été hospitalisés, faute d'une consommation de médicament traçante ; les actifs ont eu un arrêt de travail - et nous saurons le moment venu qui a été arrêté pour le Covid-19 - mais cela ne concerne pas toutes les classes d'âge. Notre compréhension de la maladie n'est donc pas si bonne.
Je ne dispose pas encore de données concernant les arrêts maladie des professionnels de santé : ils ont été délivrés en ville par des médecins, et ce n'est qu'une fois liquidés dans nos bases que nous pourrons connaître ceux qui ont été donnés à des professionnels libéraux et à des salariés de santé.
Il me semble évident qu'il y aura un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif courant 2020 : nous ne sommes pas dans une exécution linéaire de ce qui a été voté, c'est le moins que l'on puisse dire. Est-ce que c'est maintenant qu'il faut en débattre ? C'est au Gouvernement d'en décider. Je pense, personnellement, que cela n'aura de sens que lorsque l'on disposera d'éléments stabilisés ; sinon, on devrait soumettre au Parlement un texte rectificatif tous les mois ! Je serais donc plutôt d'avis d'attendre que les choses soient stabilisées d'ici l'été.
M. Jean-Noël Cardoux, président de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS). - Il est bien sûr trop tôt pour mesurer l'impact en 2020 des indemnités versées par la branche maladie, même si le chiffre de 7 milliards d'euros a circulé - mais il est très provisoire. Fin 2019, M. Darmanin nous avait dit lors d'une audition qu'il ne savait pas encore si les mesures destinées à résoudre la crise des gilets jaunes à la charge de la branche maladie seraient ou non remboursées par l'État. On connaît maintenant la réponse... ce qui a pesé sur les comptes sociaux.
Dans l'optique d'une dissolution de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) en 2024, nous avions évalué le stock de dette supporté par l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) à 47 milliards d'euros, soit une somme égale à ce qu'était le déficit quand la Cades avait été créée. À nos interrogations sur le sort de cette dette, le ministre avait répondu que la croissance attendue pourrait l'absorber. Cela n'est bien sûr plus d'actualité. Olivier Véran et Gérald Darmanin ont déclaré lors d'une conférence de presse : « à moyen terme, le Gouvernement entend mobiliser la Cades, ce qui viendra réduire le besoin de financement à court terme de l'Acoss, et proposera des mesures permettant de poursuivre le remboursement de la dette sociale. » Si je comprends bien, ils envisagent une prorogation de la Cades au-delà de 2023, ce qui nécessite de lui donner des ressources et donc une loi organique. Je sais qu'il est difficile pour vous de répondre, mais pensez-vous que la prorogation de la Cades soit inéluctable ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Je vous rejoins, monsieur le directeur général, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale : il n'est pas possible de l'examiner maintenant. En juillet, il sera opportun de prendre en compte les conséquences de cette pandémie. Nous interrogerons bientôt le ministre de la santé sur ce point.
Chacun s'accorde à dire qu'il y a un niveau de cotisations beaucoup plus faible, avec un report de paiement acté pour un grand nombre d'entreprises, qui pourrait se transformer en annulation pour certaines. Avez-vous pu mettre au point avec l'Acoss des projections de baisse de recettes, sachant que le Gouvernement parle d'une récession de 8 % en 2020 ?
Disposez-vous d'une estimation du coût de la prise en charge des soins des malades du Covid-19 ? En dehors de ces dépenses, avez-vous une idée de la contraction des dépenses liée au moindre recours aux soins ?
Quel sera le montant des indemnités journalières versées ?
Vous êtes en charge de la gestion du dossier médical partagé (DMP) qui - on s'en aperçoit aujourd'hui - aurait pu être un outil précieux, notamment pour la traçabilité, anonyme bien sûr, de la circulation du virus. Est-il prévu de profiter de cette crise pour en accélérer la mise en place ?
M. Daniel Chasseing. - Les médecins libéraux constatent une baisse d'activité, sans doute due à une auto-limitation des patients par peur du coronavirus. C'est préoccupant pour ceux atteints de maladies de longue durée, mais aussi pour ceux qui souffrent de maladies graves non diagnostiquées. Certains parlent d'une troisième vague de mortalité. Avez-vous des données à ce sujet ?
Les établissements privés ont reporté les soins non urgents et font face à un surcoût lié à la prise en charge des patients atteints du Covid-19 - 1 à 2 millions d'euros par établissement. Les 80 millions d'euros prévus sont donc largement dépassés. Comment leur venir en aide ?
Le Gouvernement envisage d'améliorer le fonctionnement de l'hôpital et de se pencher sur la question de la dépendance. Avec 8 millions de chômeurs pendant plusieurs mois et des diminutions de cotisations, comment la sécurité sociale pourra-t-elle mener à bien ses missions avec ces importantes pertes de recettes ? Avez-vous des pistes pour y remédier dans le cadre d'un futur projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif ?
Mme Victoire Jasmin. - Une première question pour les professionnels de santé qui exercent à la fois en indépendant et en salarié, comme les orthophonistes, mais cela concerne bien d'autres professionnels : l'assurance maladie tiendra-t-elle compte de ces situations dans la compensation de la perte globale d'activité ? Comment les travailleurs indépendants pourront-ils accéder à une aide ou à une prise en charge ?
Mme Martine Berthet. - Vous avez indiqué que les ordonnances sur l'indemnisation des professionnels de santé interviendraient dans les prochaines semaines. Il va falloir aller très vite, car ces professionnels doivent honorer leurs charges. Dans combien de temps ces ordonnances seront-elles prêtes ? Ensuite, s'agissant des infirmiers libéraux qui exercent en montagne, si utiles pour la prise en charge des sorties d'hôpital, est-ce que l'avenant n°6 de la convention nationale des infirmiers sera revu ? Cela aiderait à leur maintien dans les territoires de montagne.
M. Nicolas Revel, directeur général. - Vous souhaitez savoir comment le déficit de la branche maladie sera pris en charge. Cela ne relève pas de la Cnam, mais du Gouvernement : je passe donc mon tour... Il y aura un trou d'air sur les recettes, mais je n'ai pas connaissance de projections sur l'évolution des recettes de la branche assurance maladie ; je vous invite à vous rapprocher de mon homologue de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).
À ce stade, pour les trois dernières semaines, le système d'acompte par douzième que nous avons mis en place dans les établissements de santé, toutes fédérations confondues, stabilise les dépenses, malgré des surcoûts ponctuels, en particulier de transports, qui seront compensés ultérieurement. Du côté de la médecine de ville, nous observons un freinage de la dépense, d'environ 350 millions d'euros de moins par semaine, et une augmentation des indemnités journalières, d'environ 185 millions d'euros de plus par semaine, liée notamment aux arrêts de travail dérogatoires - gardes d'enfants, personnes vulnérables, etc. Nous serons très attentifs à ce qui va se passer après puisqu'il y aura le coût du dispositif d'accompagnement pour les professionnels de santé, et un effet de rattrapage de la consommation de soins, après le confinement. Il faut donc être prudent sur les constats d'aujourd'hui, d'autant qu'il y aura les surcouts liés à l'épidémie même - les 4 milliards d'euros versés à Santé publique France, les dépenses pour les tests...
Mon sentiment personnel est que nous devrions dépasser l'Ondam 2020, mais je reste prudent sur l'ampleur de ce dépassement. Les 4 milliards d'euros pour Santé publique France constituent déjà un élément très fort, qui ne sera pas couvert par les moindres dépenses de la ville - d'autant que ces dépenses pourraient baisser bien moins que ce que ces trois premières semaines nous laissent penser aujourd'hui.
Sur le DMP, nous ne constatons pas une hausse des créations, du fait que les accueils des caisses sont fermés, que les pharmacies ont une activité moindre, et que nous n'avons pas voulu relancer par mail la création de nouveaux dossiers, car ils entraînent de nombreuses demandes d'informations auprès de nos plateformes téléphoniques, lesquelles connaissent déjà une forte pression. Le DMP, cependant, reste un outil utile pour une bonne gestion des parcours et pour l'enregistrement de l'historique - lequel, d'ailleurs, n'est pas un outil à mettre au service de la traçabilité des cas en contact : ce n'est pas sa vocation et il n'a rien d'anonyme.
Il n'y aurait pas beaucoup de téléconsultations ? Si, un million par semaine, et c'est beaucoup. Cependant, nous constatons effectivement une moindre consommation globale de soins, en médecine générale et spécialisée. Doit-on craindre une deuxième vague de mortalité liée au moindre recours aux soins ? Tout dépend de son ampleur et de sa durée ; la baisse est actuellement de 40 % à 50 %, c'est très important et si la baisse devait durer, il faudrait communiquer davantage sur le besoin de poursuivre les soins ; nous avons commencé à le faire.
Enfin, le soutien aux établissements est prévu, nous les invitons d'ores et déjà à tracer les dépenses supplémentaires liées au Covid-19.
Pour les professionnels qui ont une activité salariée et libérale, par exemple les orthophonistes, le principe est que l'assurance maladie compense la perte activité libérale, mais pas la partie liée au salariat - la compensation, alors, relève du chômage partiel. Quant aux difficultés d'accès aux droits, il faut se rapprocher des caisses locales, pour examiner les dossiers au cas par cas.
Nous dépendons des ordonnances pour le calendrier de l'indemnisation des professionnels de santé. Nous sommes en cours de concertation et déboucherons dans les meilleurs délais. L'ordonnance devrait être prise rapidement, ce qui autoriserait le versement de premiers acomptes dès le début mai.
Enfin, nous n'avons pas prévu de suspendre l'avenant n°6 de la convention nationale des infirmiers, en particulier la prise en charge des frais kilométriques. Pour mémoire, cet avenant légalise ce qui était une pratique des infirmiers pour le décompte des frais kilométriques : dans les zones de montagne, au lieu de compter les kilomètres effectivement parcourus, ils comptabilisaient un retour au cabinet entre chaque patient, comme si la tournée était « en étoile » avec retour systématique au cabinet. Considérant que ces pratiques étaient entrées dans le modèle économique des professionnels, nous les avons reconnues dans l'avenant n°6 mais en prévoyant un plafond, de plusieurs centaines de kilomètres - et nous ne touchons pas à ces avancées.
Mme Michelle Meunier. - Le 27 mars, le Gouvernement a annoncé la prise en charge du coût de déplacement des personnels mobilisés dans la lutte contre le Covid-19, ce qui passe par le remboursement de compagnies de taxis et de VTC. En Loire-Atlantique, j'ai été saisi du cas d'une coopérative spécialisée dans le transport de personnes handicapées qui, faute d'entrer dans la nomenclature, ne pouvait bénéficier du remboursement et perdait donc de l'activité. Une meilleure coordination avec le ministère des transports est-elle possible pour inclure plus largement les compagnies de transport, qui sont toutes utiles, comme cela s'est fait pour les masques ?
Une question très concrète, également, sur les modalités de paiement des soins en sortie d'hospitalisation ou dans le traitement du Covid-19 : quand il n'y a pas le tiers payant, les infirmières doivent recevoir des chèques ou des espèces, qui sont autant de vecteurs de transmission du virus. Ne peut-on pas prévoir un télépaiement dans tous les cas ?
Mme Brigitte Micouleau. - Le Gouvernement demande que la télé-consultation soit privilégiée en cas de circonstance sanitaire exceptionnelle, et des mesures très utiles d'assouplissement ont été prises dans ce sens. Mais qu'advient-il des zones « blanches », quand le faible débit du réseau empêche les échanges vidéo ? Est-il acceptable que dans ces territoires, qui sont nombreux, on doive se contenter de consultations par téléphone ?
Mme Elisabeth Doineau. - Première observation : les malades Covid-19 qui ne sont pas hospitalisés se sentent isolés et invisibles, personne n'en parle alors qu'ils souffrent : il ne faut pas les oublier, merci de transmettre ce message au Gouvernement.
Ma deuxième observation concerne l'accompagnement des personnes âgées : s'il est bien normal que les professionnels de santé aient dû être arrêtés pour se confiner eux aussi, les personnes âgées qu'ils suivaient se trouvent au bout de quelques semaines en situation de détresse, voire de désespérance, avec des douleurs et des symptômes angoissants, en particulier dans les cas de maladie chronique. Peut-on envisager le retour de ces professionnels de santé, avec les mesures nécessaires pour éviter toute contagion ?
Enfin, la crise et le déconfinement seront l'occasion d'évaluer les différentes formes d'organisations territoriales des soins. Il me semble que les centres de santé et, en général, les équipes pluridisciplinaires sont les plus agiles pour gérer la crise, et qu'ils auront plus de facilité avec le déconfinement : partagez-vous cette idée ?
Mme Florence Lassarade. - Le délai de carence, attribué exceptionnellement, est tout à fait injuste pour les professions libérales qui, elles, sont obligées de s'assurer pour les trois mois concernés : ne peut-on pas supprimer ce délai de carence, ou le raccourcir à 15 jours ? Vous nous dites, ensuite, que le parcours de santé est utile dans la crise actuelle, je n'en suis pas convaincue, sauf pour les patients en ALD. La téléconsultation s'est développée à un point que Mme Buzyn n'espérait pas. Vous nous dites que ce ne serait que transitoire : j'attends de voir.
Les sujets à risque, face à ce virus, sont bien les personnes âgées et les personnes obèses. N'est-ce pas un argument de plus pour conforter la prévention, en particulier via les réseaux de prévention et prise en charge de l'obésité pédiatrique (Reppop) ? Enfin, avez-vous estimé les conséquences de la crise sur le taux de vaccination des nourrissons - ne pensez-vous pas que le renoncement à la consultation risque de relancer des maladies comme la méningite ? Disposez-vous de données ?
M. Stéphane Artano. - Les médecins du travail étant habilités à effectuer des tests, la Cnam participera-t-elle à la fourniture et au financement de ces tests, ou bien seront-ils à la seule charge des employeurs ? Je n'ai pas obtenu de réponse de la ministre du travail... Que peut-on envisager, ensuite, sur la prévention des pandémies ? Il faut une réflexion sur le temps long : quelles règles se fixer, quels assouplissements pour les initiatives des entreprises ?
M. Nicolas Revel, directeur général. - Le remboursement des frais de transports domicile-travail des personnels soignants a été réservé aux transporteurs conventionnés, donc les compagnies de taxis et pas les VTC, sauf s'il n'y a aucun taxi disponible sur le territoire. Pour le cas que vous citez d'une société de transport de personnes handicapées qui n'est pas conventionnée, il faut regarder de plus près avec le directeur de la caisse de la Loire-Atlantique, mieux à même de vous répondre.
Les risques de contagion lors du paiement des actes de suivi médical à domicile sont limités, le tiers payant étant déjà souvent appliqué et les patients n'étant plus contagieux en sortie d'hospitalisation, en théorie. Cependant, nous réfléchissons au basculement à 100 % pour le Covid-19, ce qui généraliserait le télépaiement.
Les téléconsultations téléphoniques sont possibles depuis la semaine dernière en zones « blanches », de même que partout ailleurs pour les patients en ALD, les patients âgés d'au moins 70 ans, ou les patients atteints du Covid-19. Nous examinerons quelles suites donner à cette nouvelle possibilité.
Les professions paramédicales ont suspendu leur activité, suite à des décisions prises par leurs ordres professionnels. Cela dit, je crois comme vous que la reprise doit être envisagée, car de plus en plus de besoins en santé sont mal couverts, ce qui devient un sujet aigu avec le temps.
Quant au bilan de l'organisation de soins, il faudra effectivement le conduire aux différents échelons. Nous avons assoupli, accompagné, écouté pour adapter nos cadres d'action. Ce que nous constatons d'ores et déjà, c'est que les acteurs ont été au rendez-vous, il y a des éléments positifs, comme la télémédecine ou l'accélération de la coopération territoriale. Nous examinerons ces points dans notre bilan annuel.
S'agissant du délai de carence, les professions libérales n'ont mécaniquement pas les mêmes droits que les professionnels de santé, car ils n'ont pas de cotisations ni de régime collectif qui vienne couvrir leur arrêt de travail : c'est la conséquence de leur choix. Pour les professionnels de santé, le délai de carence de 90 jours, a été ramené à 0 pour le Covid-19 ; le fait de réduire plus généralement le délai de carence posera nécessairement la question du financement.
La très forte augmentation des téléconsultations s'est faite dans le respect du parcours de soins, 85 % des téléconsultations ont lieu dans le cadre du parcours de soins, c'est une bonne chose car cet outil ne doit pas devenir un levier du nomadisme médical : il doit être compatible avec le suivi des patients au long cours. Nous sommes dans le bon modèle, et cela se confirme depuis trois semaines.
Sur le risque d'obésité de l'enfance, je crois effectivement qu'il faut renforcer la prévention. Nous avons une expérimentation dans trois départements, pour solvabiliser la prise en charge de psychologues, de nutritionnistes, ainsi que les activités physiques des enfants.
Je n'ai pas d'éléments indiquant les conséquences de la crise actuelle sur le recours à la vaccination, mais je vais regarder de plus près.
Enfin, les tests réalisés par les médecins du travail ne sont pas remboursés par l'assurance maladie, les règles actuelles disposent que c'est à l'entreprise de les financer. Cependant ces règles ne sont pas intangibles. Enfin, la branche accidents du travail maladies professionnelles (AT/MP) réfléchit déjà à la prévention des risques professionnels liés à de nouvelles pandémies, avec l'idée en particulier d'orienter des moyens vers les petites entreprises pour les aider à s'équiper d'éléments de distanciation, par exemple des vitres de protection pour les personnels qui accueillent le public.
M. Alain Milon, président. - Nous étions 80 participants avec 41 sénateurs présents. Vos réponses précises ont été très appréciées, Monsieur le directeur, et nous vous en remercions
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