- Mercredi 3 juillet 2019
- Certification des comptes de la sécurité sociale pour 2018 et situation financière de la sécurité sociale en 2018 - Audition de M. Denis Morin, président de la 6e chambre de la Cour des comptes
- Questions diverses
- Politique de prévention et de prise en charge du VIH - Audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes
Mercredi 3 juillet 2019
- Présidence de M. Alain Milon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 5.
Certification des comptes de la sécurité sociale pour 2018 et situation financière de la sécurité sociale en 2018 - Audition de M. Denis Morin, président de la 6e chambre de la Cour des comptes
M. Alain Milon, président. - Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin M. Denis Morin, président de la 6e chambre de la Cour des comptes, accompagné de MM. David Appia, conseiller maître et Stéphane Guéné, conseiller maître en service extraordinaire, pour la présentation de deux rapports sur la sécurité sociale.
Le premier, que je pourrais qualifier de saisonnier à pareille époque, est le rapport de la Cour sur la certification des comptes de la sécurité sociale pour 2018, publié le 23 mai dernier. Le second, une nouveauté, présente l'analyse des comptes de la sécurité sociale afin de « permettre au Parlement de disposer désormais avant l'été d'une appréciation sur la situation financière des différentes administrations publiques pour l'année écoulée. »
Je voudrais saluer tout particulièrement la décision de la Cour d'avancer avant l'été la publication de ses analyses sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année écoulée. Cela correspond à une demande réitérée - pour reprendre le vocabulaire de la Cour - depuis plusieurs années par notre commission qui, à l'initiative de son rapporteur général, procède chaque année depuis cinq ans à ce travail lors du débat d'orientation des finances publiques. Je me réjouis tout particulièrement que cette demande ait pu être satisfaite.
M. Denis Morin, président de la 6ème chambre de la Cour des comptes. - Merci de nous donner l'occasion de présenter nos travaux devant votre commission - c'est toujours un plaisir ! Le deuxième rapport que je vous présenterai, plus modeste que les autres publications, porte sur l'analyse de la Cour sur les comptes de la Sécurité sociale. Ce rapport, annexé à celui sur la situation et les perspectives des finances publiques n'épuise pas nos observations, que nous reprendrons en particulier dans le prochain rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) qui sera publié en octobre.
Quelques mots sur le contexte de ce 13ème exercice de certification. En 2018, les comptes sont proches de l'équilibre ; ils n'y sont pas tout à fait, en dépit de la communication sur ce sujet : il y a encore un signe moins ! Mais par rapport aux 30 milliards de déficit en 2010, la situation s'est clairement améliorée. La branche famille renoue pour la première fois depuis dix ans avec l'excédent - peut-être par contrecoup de la baisse des naissances, ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle.
Ces comptes sont ceux d'une nouvelle génération de conventions d'objectifs et de gestion (COG), qui régissent pluri-annuellement les relations entre l'État et les différentes caisses et constituent un mode de gestion moderne et efficace. Dans ceux-ci, l'accent a été mis plus vigoureusement sur la nécessité d'améliorer la maitrise des risques, la cartographie des risques et le contrôle interne pour s'assurer que l'argent public va bien là où il doit aller.
Autre élément de contexte, la consolidation de deux grandes réformes systémiques : la déclaration sociale nominative (DSN), qui continue à se déployer - nous y consacrons un chapitre dans le dernier Ralfss - et la LURA (liquidation unique des régimes alignés de retraite), sans parler de l'intégration du régime social des indépendants (RSI) dans le régime général. Enfin, l'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) fait évoluer les responsabilités du comptable public en identifiant bien le contrôle interne dans ses missions.
Sans beaucoup d'hésitations, après tous les filtres collégiaux, nous proposons pour la sixième année consécutive, de certifier les neuf jeux de comptes du régime général avec un nombre de réserves comparable à celui de l'année précédente, puisqu'il y en a 29 au lieu de 28 - cette petite augmentation traduisant moins une dégradation de la fiabilité des comptes qu'un changement dans l'agencement de nos remarques. Nous nous situons donc plutôt sous le régime de la stagnation - que j'espère non séculaire....
Nous certifions ainsi 576 milliards d'euros de prélèvements obligatoires et 473 milliards d'euros de charges - la différence s'explique par le fait que le réseau collecte des ressources pour le compte de tiers. L'ensemble des dépenses publiques est de l'ordre de 1 200 milliards d'euros : le périmètre de certification en représente donc un peu plus du tiers.
Si nous faisons une réserve de plus, nous avons plutôt allégé, dans notre dialogue habituel avec les caisses, un certain nombre d'entre elles, en levant 28 points d'audit - ce n'est pas mal. L'année dernière, nous en avions levé 46. Les progrès sont toujours plus difficiles à faire à la marge.
Je ferai deux observations majeures, la première concernant la sincérité des comptes. À l'inverse de l'année dernière, nous n'avons pas identifié d'écritures qui la fausseraient, même à la marge. Le ministère des comptes publics souhaite « resincériser » les comptes, si vous me permettez cet affreux néologisme. Il y avait des marges de progrès - c'est le moins qu'on puisse dire ! C'est plutôt une réussite : les chiffres ne sont pas frappés d'aléas comme précédemment. C'est d'autant plus appréciable que quand on est à 30 milliards de déficit, un ou deux milliards d'écritures pas tout à fait conformes ne changent pas l'apparence des comptes ; mais lorsque le solde est proche de l'équilibre, la tentation peut être forte de donner un petit coup de pouce... Nous pouvons attester de la sincérité des écritures et saluer le résultat de la « resincérisation ». Peut-être y a-t-il, dans ce domaine, un cycle électoral : la vertu qui s'exprime dans les premières années du mandat tend à s'épuiser à l'approche des élections... Vous pouvez compter sur la Cour pour s'assurer qu'elle ne faiblit pas.
La réserve supplémentaire que nous constatons concerne la façon dont un certain nombre d'éléments de passifs sont retracés dans les comptes des caisses nationales ou des caisses primaires.
Le certificateur, en vertu du principe de l'image fidèle, doit s'assurer que le passif est retracé là où est retracé l'actif qui lui correspond. Il est anormal que les provisions sur des actifs des caisses primaires figurent au passif des caisses nationales. Cela ne change rien à la certification des comptes consolidés, mais comme nous certifions les comptes des caisses nationales, mais pas ceux des caisses primaires, cela donne un résultat bancal. Les caisses nationales ont pris habitude de comptabiliser ces provisions globalement pour aller plus vite dans la production des comptes - objectif louable. Mais cela peut susciter des tentations... La bonne méthode consisterait à les retracer dans les comptes des caisses primaires. Cette démarche globalisatrice de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) est ancienne. Nous ne l'avions jamais sanctionnée, car l'agent comptable avait pris l'engagement d'y mettre bon ordre. Or les comptes de cette année accusent une divergence pour 1,8 milliards d'euros, contre 1 milliard seulement l'année dernière. Nous avons donc voulu pousser la Cnam à y mettre bon ordre. Mais nous comprenons bien qu'il est compliqué de faire appliquer des règles prudentielles identiques à la centaine de caisses primaires.
Note deuxième observation nous préoccupe davantage : elle rejoint la doctrine ancienne de la 6ème chambre de la Cour concernant le paiement à bon droit des prestations. Nous touchons là à des notions très concrètes, prouvant que la certification n'est pas un exercice théorique. Nous parlons là de la fraude, par exemple. Nous avions travaillé sur le sujet de la fraude aux prestations famille, retraite et maladie pendant un an - pensant produire un rapport public thématique à la fin de l'année - lorsque nous avons appris que le Premier ministre avait confié un rapport sur le même sujet à deux parlementaires. Nous mettrons bien évidemment à leur disposition les informations collectées, dont ils feront ce qu'ils veulent...
Nous parlons des erreurs de liquidation, ou du non-recours : des allocataires ne comprennent pas la complexité de la législation et ne bénéficient pas de prestations auxquelles ils auraient eu droit. Pour certaines d'entre elles, le taux de non-recours approche parfois 50 % ! Avant la prime d'activité, le non-recours au RSA-activité était de plus d'un tiers. La réforme avait notamment pour objectif d'attaquer ce point - je ne suis pas sûr qu'on l'ait atteint.
Pour s'assurer du paiement à bon droit des prestations, le certificateur doit s'assurer que tous les dispositifs de contrôle interne fonctionnent. Or nous constatons, dans notre dialogue avec les caisses, que les indicateurs de risque résiduel ne s'améliorent pas depuis trois ans : une pension liquidée sur sept est frappée d'inexactitude, que cela soit au bénéfice ou au détriment du bénéficiaire. Les ministres nous répondent que les erreurs sont d'un petit montant. Ce n'en est pas moins inacceptable. Dans les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) outre-mer, c'est une pension sur trois !
L'indicateur de risque résiduel est une méthode statistique ex-post, consistant pour les services de contrôle interne à vérifier a posteriori un volant de dossiers représentatifs. Grâce à ces contrôles, nous constatons qu'une prestation de RSA sur six est inexacte, comme une prime d'activité sur quatre. Je ne dis pas que les inexactitudes portent sur des montants énormes. Mais ce n'est pas négligeable, sachant que le nombre d'allocataires de la prime d'activité s'accroit. Cela peut jeter le trouble chez les bénéficiaires, les obliger à prendre contact par internet, par téléphone, voire prendre un rendez-vous. Cela impose plus de complexité à nos concitoyens dans l'exercice d'un droit déterminé par des lois que vous avez votées. Il serait tout à fait essentiel que cette situation s'améliore. Or, dans ce domaine, nous sommes confrontés à la stagnation.
Nous faisons cependant la part des choses. La situation est plus préoccupante pour la branche vieillesse que pour la branche famille, car cette dernière gère beaucoup d'allocations relevant de l'État et est confrontée à des évolutions - je ne dirai pas excessives mais rapides - de la législation et de la règlementation. Lorsque le réseau voit évoluer en quelques jours la prime d'activité et doit soudainement gérer 1,2 million d'allocataires en plus, sa priorité est la production... Les erreurs sont compréhensibles pour le RSA ou les autres allocations différentielles, c'est-à-dire prenant en compte d'autres éléments de revenus : cela signifie que la situation de chaque allocataire peut changer au cours de l'année, ce qui nécessite une liquidation de droits différente à chaque fois. Grace à la DSN, cette liquidation pourra se faire à partir de données de revenus actualisées, ce qui règlera le problème des indus, dont on parle depuis quarante ans.
Nous savons que dans certaines circonstances, les contraintes de la production l'emportent. Mais l'action des caisses doit néanmoins s'inscrire dans les COG, lesquelles mettent l'accent sur le contrôle interne. Nous ne pouvons pas admettre qu'il y ait, en rythme de croisière, un arbitrage entre production et certification. Imagine-t-on un industriel qui arbitrerait pour la production au détriment de la sécurité ?
Tout cela peut sembler se relier à un référentiel lointain - celui des commissaires aux comptes. Le rapport reste donc difficile à lire, même si nous avons essayé de le rendre plus clair en intercalant des notices. Nous sommes malgré tout tenus par des normes professionnelles. Pourtant, les constats renvoient à des choses concrètes, qui parlent à tous nos concitoyens.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Je voudrais tout d'abord faire part de mon incompréhension concernant la fraude, vous nous dites que le rapport est prêt mais vous ne le publiez pas. Il aurait été intéressant de comparer les deux démarches lors de la publication du rapport des parlementaires en mission. La commission a publié un rapport sur la fraude à l'inscription de la sécurité sociale - question différente de la fraude à la prestation.
Ce que vous dites est frappant : une pension sur sept est inexacte, ou une prestation de RSA sur six... Vous nous dites que les montants ne sont pas forcément énormes, mais avez-vous une idée du montant total de ces erreurs ou fraudes par secteur ?
Quelles seraient vos recommandations ? J'ai pu constater, lors des rencontres avec les différents organismes prestataires, qu'un gros effort avait été fait depuis une dizaine d'années pour resserrer les mailles du filet sur la fraude à l'inscription. Avez-vous constaté la même chose ?
M. Alain Milon, président. - Je le dirai de manière moins policée que M. Vanlerenberghe, la commission des affaires sociales n'a pas du tout apprécié le fait pour le Gouvernement de couper l'herbe sous le pied à des travaux en cours.
M. Jean-Noël Cardoux, président de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss). - Concernant le décalage dans l'inscription des provisions et des créances qui s'y rapportent, j'ai eu le sentiment en vous écoutant que vous le signaliez parce que, n'ayant pas grand-chose à dire de nouveau par rapport à l'année dernière, vous signaliez un aspect technique que vous n'aviez pas eu l'occasion de signaler les années précédentes.
La globalisation des provisions pourrait-elle camoufler certains défauts de transparence dans les comptes de certaines caisses primaires ?
M. Denis Morin. - Les montants globaux de ces inexactitudes sont évalués grâce aux indicateurs de risque résiduel. Pour la branche famille, les erreurs seraient de 4,9 milliards d'euros d'enjeu, contre 4,3 l'année dernière. En retranchant les indus récupérés, la perte serait de 2,9 milliards d'euros. Ce n'est pas marginal !
Pour la branche vieillesse, les erreurs sur la durée de service représenteraient 815 millions d'euros, contre 700 millions l'année précédente. Pour le recouvrement, nous n'avons pas d'indicateur de risque résiduel. Nous débattons à ce sujet avec le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et la direction de la sécurité sociale. Nous en débattons aussi, concernant la branche maladie, avec la Cnam, qui, compte tenu de la faiblesse de ses effectifs, a pris l'habitude de retenir des échantillons de faible dimension, et produit donc des indicateurs erratiques. Si 7 000 dossiers sont ainsi examinés a posteriori chaque année pour la vieillesse, c'est beaucoup moins pour la maladie, ce qui n'est pas satisfaisant. La Cnam nous indique en effet un enjeu d'1 milliard en 2016, de 2 milliards en 2017, de 500 millions en 2018... La méthodologie mériterait donc d'être renforcée.
La globalisation des provisions dans les comptes de la caisse nationale nous inquiéterait davantage si elle devait porter sur un montant plus important que 1,8 milliard d'euros ou être étendue à d'autres branches ; or l'article 25 de la LFSS pouvait laisser croire que la direction de la sécurité sociale (DSS) eût envie de développer cette méthodologie pour accélérer la reddition des comptes. C'est un objectif valable, mais nous certifions les comptes consolidés et ceux de la tête de réseau, et non ceux des caisses primaires. Pour les comptes consolidés, cela ne change pas d'un iota. Mais nous certifions les caisses nationales, et si les provisions ne sont pas là où elles doivent l'être, les normes comptables ne sont pas respectées et nous ne pouvons certifier que leurs comptes donnent une image fidèle. La DSS a décidé de ne pas pousser les caisses nationales autres que la Cnam à comptabiliser les provisions et de continuer le dialogue avec les caisses primaires pour qu'elles retracent les provisions comme il convient, la Cnam corrigeant les errements progressivement. Cela nous convient. Cela perturbe-t-il les comptes des caisses primaires ? Oui, car si l'actif de l'une d'entre elles est grevé d'une créance irrécouvrable, le fait que la provision qui la couvre soit au compte de la caisse nationale peut perturber la gestion.
Accélérer la production des comptes est un objectif louable. Je comprends que les commissions des finances et des affaires sociales souhaitent accélérer la reddition des comptes. Je comprends que certains aimeraient ouvrir ainsi une séquence consacrée à l'évaluation des politiques publiques... Mais cela ne doit pas être au prix d'accommodements avec les règles comptables et les normes professionnelles que nous devons appliquer.
M. René-Paul Savary. - Je n'ai pas compris en quoi consistait l'écart de 100 milliards d'euros entre dépenses et recettes. Le montant des dépenses que vous citez comporte-t-il toutes les pensions ?
M. Denis Morin. - Non. L'ensemble des dépenses sociales, tous comptes publics confondus, représente 680 milliards d'euros. Les dépenses dont nous parlons sont celles payées par les organismes de sécurité sociale. L'écart correspond aux recettes collectées par la branche recouvrement pour compte de tiers.
M. René-Paul Savary. - Et le RSA, dont une partie est payée par les départements ?
M. Denis Morin. - Le RSA géré par la CAF est dans le périmètre de la certification.
M. René-Paul Savary. - Dans votre rapport de synthèse, un chapitre important est consacré à l'objectif national de dépense d'assurance maladie (Ondam), qui n'a pas dépassé 2,5 %, mais vous regrettez que tout n'y soit pas compté. Avec Catherine Deroche, nous travaillons sur ce sujet en ce moment. Pensez-vous que l'Ondam devrait être pluriannuel ; pensez-vous qu'il pourrait être intéressant d'avoir un Ondam régional ? Pensez-vous qu'il faudrait plus de fongibilité entre la part de l'hôpital et la part de la médecine de ville ? Que pensez-vous des remarques du rapport de Jean-Marc Aubert ?
Mme Michelle Gréaume. - Le 1er juillet 2017, devait se mettre en place le régime général des carrières uniques pour compiler l'ensemble des régimes et des complémentaires, mais le dossier a pris du retard. Les suppressions de postes du COG en sont-elles en partie responsables ?
Mme Victoire Jasmin. - Vous nous dites qu'une pension sur trois outre-mer est liquidée avec un montant faux : cela ne m'étonne pas ; j'ai souvent évoqué ici les difficultés des retraités ultramarins, qu'ils soient anciens salariés ou indépendants.
Les dirigeants de la sécurité sociale avaient évoqué des problèmes de comptabilité entre des logiciels, qui auraient causé les erreurs. Avez-vous des pistes d'amélioration ? Comment faire pour sortir de ce décalage ? Une liquidation fautive sur trois au lieu d'une sur sept, c'est préoccupant !
M. Guillaume Arnell. - Dans votre synthèse, vous indiquez que le solde des régimes de base autres que le régime général s'était dégradé, passant d'un excédent de 0,3 milliard d'euros à un déficit de 0,2. Cela serait dû à la forte dégradation de la situation financière de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), qui accuse un déficit de 0,6 milliard d'euros en 2018 alors qu'elle était en équilibre en 2017. Pourriez-vous nous en dire plus ?
M. Denis Morin. - Nous certifions le bon fonctionnement de la branche famille, même lorsqu'elle liquide des prestations pour le compte de l'État. C'est d'ailleurs précisément sur ces dernières prestations que nous constatons les plus grandes difficultés de gestion.
Sur l'Ondam, nous avons déjà eu un échange avec M. Savary qui m'a auditionné avec Mme Deroche... La Cour regrette régulièrement que des dépenses ne soient pas comptées dans l'Ondam. C'est un débat récurrent avec la DSS, qui veut exclure les dépenses sur lesquelles il n'existe pas de dispositif de régulation. Comme l'Ondam est géré quasi budgétairement, il serait absurde, selon elle, d'y mettre des dépenses impossibles à réguler. Mais nous répétons qu'il doit être le plus exhaustif possible... Nous avons du mal à avancer sur ces sujets.
L'Ondam est en grande partie déjà pluriannuel. La prévision affichée est-elle autre chose que l'ombre portée d'une perspective financière ? Clairement non, mais il peut y avoir des éléments d'affichage, comme lorsque le Gouvernement annonce 2,5 % au lieu de 2,3 % - il veut que l'on sache qu'il veut desserrer l'Ondam.
Je suis donc plutôt favorable à la pluri-annualité si c'est le résultat d'une démarche financière. Certains dispositifs de régulation en médecine de ville ne peuvent être actionnés que de manière pluriannuelle. Le très bon accord avec les laboratoires, reconduit depuis 2014, repose sur un effet prix-volume : le chiffre d'affaires du secteur est capé à la suite d'une négociation et lorsqu'il dépasse un certain niveau, les prix doivent diminuer. Mais lorsqu'il y a un dépassement, il est difficile de le rattraper sur l'année en cours ; il est donc préférable de le constater en fin d'année et de faire ajustement l'année suivante. Nous avons travaillé sur des dispositifs de régulation de l'Ondam dans la partie médecine de ville - ce n'est pas la partie la plus facile, puisque c'est contre ce sujet que la réforme d'Alain Juppé en 1996 a buté. Nous serons amenés à proposer une vision pluriannuelle.
Faut-il un Ondam régional ? Vu l'évolution des agences régionales de santé (ARS) et du paysage territorial de l'État, cette question ne se pose plus. Il est probablement plus important de s'assurer que les dépenses listées dans l'Ondam sont affectées au mieux pour les patients et qu'elles soient versées à bon droit. Personne au sein de l'État, de toute façon, ne porterait une telle régionalisation : la DSS s'y est toujours opposée. Ou alors il faudrait changer totalement de système de santé, et adopter un système régionalisé, et où l'État se contente de faire de la péréquation - comme en Espagne, par exemple.
Pourtant, de grandes divergences entre régions sont révélées par les Ordam, les objectifs régionaux, qui sont des constructions totalement statistiques ; elles doivent nous conduire à nous interroger. Ces divergences seraient dues à une part de l'hôpital bien plus faible dans les déserts médicaux.
Le Fonds d'intervention régional (FIR) à disposition des ARS assure en théorie une fongibilité asymétrique de l'hôpital vers la ville, le médico-social et la prévention. C'est justifié en théorie, car notre système est trop hospitalo-centré. Mais je ne suis pas convaincu qu'il soit une illustration très convaincante de la fongibilité. Il faudrait analyser les déports indépendamment de la conception de l'Ondam et connaître l'ampleur des dépenses de ville qui sont prescrites à l'hôpital et réciproquement. La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) y travaille et nous pourrions y travailler davantage si vous nous y invitez.
Madame Gréaume, dans le prochain Ralfss, nous travaillons sur l'impact du numérique sur les caisses. Il représente une amélioration décisive du service, même si la fracture numérique territoriale et générationnelle rend indispensable un accompagnement. Nous constatons que les réductions d'effectifs ont beaucoup porté sur la relation physique avec les assurés sociaux, sans que cela porte atteinte à la qualité de service. Le développement du numérique a dégagé de la productivité. Un jour viendra où nous aurons tous notre dossier médical partagé (DMP) sur nos smartphones.
Madame Jasmin, nous n'avons pas de solution miracle à vous proposer. Dans certains endroits des outre-mer, les contraintes de la production sont extrêmes. Je pense à la Guyane, qui doit gérer beaucoup de dossiers d'aide médicale d'État, avec l'afflux de migrants. L'ordre des contraintes n'est pas le même qu'en métropole. Nous ne pointons les défaillances dans la maitrise des risques que pour pousser à l'amélioration. Nous mesurons pleinement les contraintes de la production : nous savons qu'il peut être difficile d'intégrer 1,2 million de bénéficiaires de la prime d'activité d'un coup. Notre art bien français de faire évoluer législation et règlementation sans cesse crée clairement des contraintes à la production.
En effet, monsieur Arnell, nous avons souligné la dégradation de la situation de la CNRACL. Nous avons observé sans pouvoir l'expliquer un très fort ralentissement de la croissance de la masse salariale des collectivités territoriales et de l'hôpital : moins d'1 %, ce qui représente une très grande modération, par rapport aux 2 % observés pour l'État. Il faut maîtriser l'emploi public, bien sûr, mais moins de cotisants, cela représente moins de cotisations. Ce phénomène a été d'une ampleur étonnante en 2018.
M. Yves Daudigny. - Vous annoncez 700 milliards de dépenses de solidarités sur 1 200 : la différence entre les deux sommes représente donc les dépenses de l'État et des collectivités. Les dépenses de RSA des départements sont-elles comptées deux fois ?
M. Denis Morin. - Il s'agit d'une décomposition fonctionnelle, par nature de dépense : lorsque je parle de 680 milliards de dépenses sociales, je parle de dépenses sociales telles que retracées par l'OCDE, y compris si elles sont versées par l'État et les départements.
Mme Frédérique Puissat. - La Cour des comptes vérifie que l'argent public aille bien là où il doit aller. Le budget de la sécurité sociale est lié à celui de l'assurance chômage, puisqu'une partie de la fraction de la TVA affectée à l'assurance maladie doit revenir à l'Unédic via l'Acoss. Or on constate un différentiel entre les contributions manquantes et la ressource censée les compenser. Comment expliquez-vous cela ? Avez-vous une vision globale sur les autres budgets, y compris celui de l'Unédic, dans votre périmètre d'intervention ?
M. Denis Morin. - L'Unédic n'appartient pas au champ de la sécurité sociale, le chômage étant traité par la 5ème chambre. Je ne peux donc pas vous répondre sur ce point. Mais nous pourrions travailler conjointement sur le budget des administrations de sécurité sociale (ASSO) pour vous faire une présentation commune.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Ce serait une très bonne idée.
M. Denis Morin. - La 6ème chambre traite du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), un champ assez réduit. Par ailleurs, nous travaillons en comptabilité en droits constatés et non en comptabilité nationale.
Nous suivons les décisions du Gouvernement sur le financement de la sécurité sociale et réfléchissons sur la fiscalisation croissante de la sécurité sociale, depuis la création de la contribution sociale généralisée (CSG) il y a trente ans, et qui s'est accélérée récemment, en dépassant le champ des régimes de bases. Nous avons un débat légitime entre la logique professionnelle, assurancielle, reposant sur les cotisations, et la logique de solidarité, qui repose sur l'impôt. Le régime de base a dépassé cette approche, et dans le régime assuranciel actuel, le régime complémentaire vieillesse et le régime chômage seront financés par l'impôt.
M. Michel Forissier. - À chaque fois que j'ai interrogé des intervenants sur la dette de l'assurance chômage, ils m'ont répondu : pas d'inquiétude, même si la dette atteint 39 milliards d'euros, c'est un système assuranciel... Or ce n'est pas le cas, et ce n'est pas bon d'avoir un système, même assuranciel, toujours dans le rouge... Tant que le débat n'est pas tranché sur l'Unédic, cela reste inquiétant pour la maîtrise des dépenses publiques.
M. Alain Milon, président. - Nous passons à l'examen de la situation financière de la sécurité sociale en 2018.
M. Denis Morin. - Le premier président de la Cour des comptes s'est engagé, le 18 juin 2018, à transmettre au Parlement l'ensemble de nos analyses sur les comptes N-1, avant l'été. Pour la sécurité sociale, nous le faisions précédemment dans le premier chapitre du Ralfss, au moment où le Gouvernement présente la LFSS. Il n'y a pas de loi de règlement de la sécurité sociale, et rarement des collectifs budgétaires. Comme je vous l'indiquais, nous travaillons en comptabilité en droits constatés et non en comptabilité nationale, contrairement à une partie des ASSO. À vous de nous dire si vous souhaitez des études complémentaires.
Nous faisons trois constats : la sécurité sociale se rapproche de l'équilibre en 2018, avec un excédent de 0,5 milliard d'euros du régime général seul, un déficit de 1,2 milliard du régime général et du FSV, et un déficit de 1,5 milliard de l'ensemble des régimes et du FSV. Nous pourrions nous féliciter si la situation ne se dégradait pas en 2019 ; comme dans un mauvais film, nous repartons en arrière...
Tous les éléments de la déclaration du Gouvernement sur la trajectoire des finances publiques, et notamment des finances sociales, sur l'équilibre de la sécurité sociale et l'apurement de la dette sociale d'ici 2024, restent à reconstruire. Le Gouvernement présentera sa nouvelle trajectoire lors de la présentation du PLFSS.
En 2018, nous avions une photo positive, qui a bien évolué depuis les 30 milliards d'euros de déficit de 2010. Nous avons tutoyé l'équilibre avant de repartir à la hausse. Il sera difficile de maintenir le cap du suréquilibre des comptes sociaux.
La Cour des comptes, selon certains commentateurs, est un « père fouettard », qui fustige l'accélération de la progression des dépenses sociales. Mais ces dépassements connaissent une accélération inquiétante - 1,7 % en 2016, 2 % en 2017 et 2,4 % en 2018 - d'autant plus que nous devrons faire des ajustements structurels pour respecter notamment le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) ; Nous devons appliquer ces bonnes règles financières.
Mme Laurence Cohen. - Cela dépend...
M. Denis Morin. - Malgré une évolution des dépenses sociales modérée, nous n'arriverons pas à l'équilibre structurel des comptes publics, prévu lors de l'adoption du TSCG en 2012, sous deux majorités différentes.
Cette hausse est due à une accélération des dépenses, notamment de la branche vieillesse, par un effet de génération. Malgré le relèvement de l'âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans et des mesures en faveur des carrières longues, les assurés sociaux finissent par prendre leur retraite, et c'est un élément structurel. Cela nous interroge sur l'évolution future des régimes de retraite, qui vont se dégrader. Le Gouvernement présentera bientôt sa réforme systémique.
Pour la neuvième année consécutive, l'Ondam est respecté, à 2,2 % au lieu des 2,3 % annoncés. Les dépenses de ville, hors médicaments, croissent beaucoup plus vite que celles de l'hôpital, de plus de 3 % par an. C'est dû notamment à la croissance des soins infirmiers et paramédicaux.
À l'inverse, les dépenses hospitalières sont plus modérées, en raison d'un très fort ralentissement de l'activité de l'hôpital public - 2,8 à 3 % en moyenne. L'Ondam hospitalier progresse un peu moins rapidement que l'Ondam de ville - médicaments inclus. Comme il faut le réduire à 2 %, les tarifs baissent, sans compter les ratios prudentiels. Du coup, certaines délégations de crédits sont débloquées durant les derniers jours de gestion.
En 2018, il y a eu des points communs avec 2017 : l'activité hospitalière a continué à évoluer moins vite, de 1,5 à 1,7 % - mais les données ne seront pas consolidées avant l'automne. Ce tassement n'est pas totalement expliqué. Le Gouvernement a donc dégelé tous les tarifs et les dotations, et a fait du « surdégel » en accordant 300 millions d'euros de délégations de crédits durant les derniers jours de la gestion. Cela ressemble un peu à du pilotage à vue... Ces difficultés perdureront tant que nous n'aurons pas identifié la cause du ralentissement de l'activité hospitalière. Or respecter l'Ondam mais creuser en même temps la dette n'est pas faire preuve de bonne gestion...
En 2018, l'Ondam a été respecté et la situation des hôpitaux publics s'est plutôt améliorée. Le déficit de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) s'approchera de 150 millions d'euros, au lieu de 180 millions d'euros prévus, et celui de l'ensemble des déficits hospitaliers de 600 millions d'euros au lieu de 900 millions d'euros. Cette situation est due à la très grande modération de la masse salariale, qui n'augmente que de 1 %. L'emploi n'était pas très dynamique en 2018.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Merci de ces éléments importants à mi-parcours de la réalisation des comptes. Lorsque nous avions ces informations au moment de l'examen du PLFSS, nous nous penchions moins sur les résultats antérieurs.
Les raisons - méconnues - du ralentissement de l'activité hospitalière m'inquiètent. Ce n'est pas seulement une question de flux financiers. Nous entendons beaucoup parler des urgences saturées - certes, pas partout - qui sont un facteur d'inquiétude. Nous devons impérativement savoir pourquoi cette activité ralentit, la Cour des comptes devrait se pencher sur ce sujet.
L'amélioration du solde de la sécurité sociale, conjoncturel, est tirée par les recettes, car la conjoncture et les mesures annoncées à la fin de l'année dernière altèreront les résultats de 2019. Pouvez-vous évaluer la sensibilité à l'activité économique des recettes du régime général, notamment les produits plus élevés sur les revenus patrimoniaux et le tabac ? Les 400 à 500 millions d'euros supplémentaires seront-ils conjoncturels ou pérennes ?
La croissance continue de la part des impositions de toute nature dans le financement de la sécurité sociale concerne aussi l'Acoss et l'Unédic. La LFSS pour 2018 a créé un système de solidarité de fait entre l'Unedic et le régime général, ce dernier ayant supporté un écart de 103 millions d'euros entre la baisse des cotisations chômage des salariés et la fraction de TVA qui devait la compenser. Cela concernera l'Acoss et l'Unédic en 2019 avec la baisse des cotisations patronales. Cela justifie-t-il l'inclusion de l'assurance chômage et retraite complémentaire dans le périmètre de la loi de financement de la sécurité sociale ?
Sur la certification des comptes, quel est votre avis, à la fois en tant que certificateur et analyste des comptes de la sécurité sociale, sur les risques financiers ? Il peut y avoir des effets pernicieux sur les indemnités journalières. Ils sont compliqués à mesurer, et l'assurance maladie ne les maîtrise pas totalement. C'est un sujet sensible et inquiétant pouvant susciter des dérapages incontrôlés. Ne faut-il pas que ces organismes revoient leur culture afin de prévoir des moyens supplémentaires de contrôle de leurs comptes et de leurs prestations ?
Mme Catherine Deroche. - La progression plus faible de l'activité hospitalière est connue depuis plusieurs années et s'est confirmée en 2018, permettant le dégel des mises en réserve. Mais le déficit demeure de 660 millions d'euros. Cela a-t-il conduit à un décrochage des tarifs hospitaliers par rapport à la réalité des besoins ? M. Alain Milon l'avait rappelé lors de la loi santé : il est difficile d'obtenir un financement correspondant à la réalité des besoins, notamment pour les urgences, certains établissements hospitaliers, les innovations thérapeutiques ou la dépendance.
Mme Laurence Cohen. - Merci pour ces informations importantes. Vous avez qualifié la progression des comptes de 2 à 2,5 % d'« assez modeste », mais vous parlez toutefois d'« accélération ». Certes, il y a une légère évolution, mais le terme d'accélération ne semble pas correspondre à votre terminologie habituelle, plus prudente...
La progression de l'Ondam est insuffisante pour le secteur hospitalier. La Fédération hospitalière de France a évalué à 4 % la progression nécessaire pour faire face à ses besoins. Vous examinez le respect de la comptabilité, mais derrière, il y a des implications en termes d'offre de soins ou de ressources humaines...
Vous vous interrogez sur les raisons de l'affaissement de l'activité hospitalière en 2017 et en 2018. Ne sortons pas les chiffres de leur contexte ; il y a un faisceau de raisons, notamment les conséquences de l'ambulatoire et la fixation des tarifs. Le Gouvernement a manqué d'anticipation, et continue d'utiliser les mêmes recettes sans tirer tous les enseignements de la situation.
Vous pointez la chute de l'emploi de personnel non médical. Oui, certains services sont externalisés, sans que la qualité en soit améliorée, notamment sur des tâches ouvrières.
Quel est l'avis de la Cour des comptes sur les locaux hospitaliers et leur entretien ? Ils expliquent en partie le déficit des hôpitaux, or cela nous semble très injuste.
M. René-Paul Savary. - Le Gouvernement devrait faire preuve de plus d'humilité dans son approche des comptes sociaux, car on constate une dégradation. L'activité des hôpitaux est en train de reprendre, donc nous allons rencontrer un sérieux problème en 2019, surtout que s'annoncent la réforme de la dépendance et l'effet des mesures paramétriques sur les retraites.
Pensez-vous que le seul allongement de la durée de travail, sans toucher à l'âge légal de la retraite, sera suffisant ? Si nous passons à un système par points, il faudra recalculer toutes les carrières. N'allons-nous pas casser la confiance de nos concitoyens dans notre système de protection sociale ?
M. Denis Morin. - Monsieur Savary, je ne suis pas au courant d'une reprise de l'activité des hôpitaux en 2019. S'agissant du ralentissement de l'activité que nous avons en revanche pu observer ces dernières années, j'y vois l'effet du développement de la prise en charge ambulatoire par l'hôpital public, qui était à la traîne du privé en la matière. Des réticences culturelles ont sauté, des adaptations organisationnelles ont été entreprises, et nous avons assisté à une réduction du séjour moyen à l'hôpital public. C'est la première explication qui me vient à l'esprit.
Mais nous avions assisté à une forte progression au tournant des années 2010, les investissements importants effectués dès 2007 ayant fait revenir les patients vers l'hôpital public. Par ailleurs, dans les cliniques privées que nous contrôlons - 16 contrôles l'an dernier et 19 cette année - nous avons mis au jour une pratique massive des dépassements d'honoraires, ce qui oriente nombre de nos concitoyens vers l'hôpital public. Tous ces facteurs jouent ensemble, mais je ne saurais dire exactement dans quelle mesure.
L'amélioration du solde des comptes sociaux renvoie à l'amélioration de la conjoncture. Néanmoins, le déficit repart très fort, sur une pente de 4,5 milliards d'euros pour 2019. N'oubliez pas que nous étions à 30 milliards d'euros en 2010... On peut dire que, dès que la conjoncture redevient difficile, le déficit repart très fort. Il y a une sensibilité conjoncturelle très importante des comptes sociaux. Aussi, il me semble que nous aurions dû faire mieux l'année dernière pour anticiper un éventuel retournement conjoncturel.
Sur le tabac, je déplore une insuffisance de l'action des pouvoirs publics. L'augmentation des prix a certes rapporté 500 millions d'euros, mais elle n'a pas les effets escomptés en matière de santé publique. Il y a notamment une prévalence très forte des cancers du poumon dus au tabac chez les femmes.
Mme Catherine Deroche. - Le tabac coûte plus qu'il ne rapporte.
M. Denis Morin. - Il faut par ailleurs savoir que la progression des produits sur le capital, sur laquelle vous m'avez interrogé, résulte de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique ou flat tax.
La fiscalisation croissante du financement de la sécurité sociale pose la question de l'extension du périmètre des LFSS mais, pour certains, elle pose aussi la question du regroupement des lois financières. M. Migaud avait poussé en ce sens, notamment pour les parties de ces textes relatives aux recettes. La question est à mon sens légitime.
Madame Deroche, vous m'avez interrogé sur l'évolution des tarifs à l'hôpital, me demandant quelles étaient, selon moi, les conditions optimales de son financement. Autrement dit, entre la tarification globale et la tarification à l'activité (T2A), quel est le meilleur point d'équilibre ? Nous menons une réflexion sur cette question. Il faut certainement trouver des convergences.
La principale préoccupation reste la recherche d'une meilleure adéquation entre les tarifs et les coûts de production. C'est une question très complexe. Nous essayons de mener ce travail d'objectivation. Il s'agit de mettre fin aux rentes de situation, comme les dialyses, quand certains soins sont sous-financés.
Madame Cohen, le terme d'accélération est peut-être excessif, mais le fait est que le déficit augmente. Parlons d'accélération modeste, si vous préférez... En augmentant l'Ondam de 4 %, on aurait moins de tensions à l'hôpital, c'est certain. Reste qu'il y a réellement un problème avec la carte hospitalière. Certains établissements ont une activité vraiment très faible. De toute façon, une telle hausse de l'Ondam n'est pas finançable, sauf à creuser encore la dette sociale, qui est déjà de 280 milliards d'euros.
Mme Laurence Cohen. - Nous avons d'autres propositions.
M. Denis Morin. - Nous avons été très étonnés de la modération salariale hors État. Je l'explique par une modération de l'emploi infirmier.
Enfin, je veux dire que le déficit de l'hôpital public n'est pas le déficit de tous les hôpitaux publics. Beaucoup d'entre eux se portent très bien et un certain nombre de CHU sont à l'équilibre. Le déficit se concentre surtout à l'AP-HP, dans les outre-mer, et dans quelques établissements en situation difficile, comme le CHU de Caen. Il y a ainsi de gros déficits dans un nombre réduit d'établissements, ce qui amène à relativiser les diagnostics.
Monsieur Savary, je ne peux pas commenter la réforme des retraites, vous le comprenez. Ce qui est sûr, c'est que la période de transition sera longue. En tout cas, nous restons préoccupés par la situation financière de nos régimes de retraite.
Questions diverses
La commission désigne M. Michel Forissier, Mmes Catherine Fournier et Frédérique Puissat, rapporteurs d'une mission d'information sur le droit social applicable aux travailleurs indépendants économiquement dépendants.
Elle désigne Mme Catherine Deroche, rapporteur d'une mission d'information sur l'obligation de signalement applicable à certains professionnels en cas de suspicion de violence sur mineur.
Politique de prévention et de prise en charge du VIH - Audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes
M. Alain Milon, président. - Nous prolongeons l'audition de M. Morin par la présentation de l'enquête que notre commission a sollicitée de la Cour des comptes en application de l'article LO 132-3-1 du code des juridictions financières sur la politique de prévention et de prise en charge du VIH. M. Morin est accompagné de MM. François de la Guéronnière, président de section, Ali Saïb, conseiller maître, Didier Selles, conseiller maître, Clélia Delpech, conseillère référendaire et Jean-Christophe Bras, rapporteur.
Dans un contexte de relâchement de la prévention chez les jeunes et de recrudescence des infections sexuellement transmissibles (IST) au sein de cette population particulièrement vulnérable, cette enquête s'imposait.
Santé publique France relevait ainsi l'année dernière que le recours au préservatif devenait de moins en moins systématique chez les jeunes de moins de 25 ans. Votre enquête fait état d'une « épidémie cachée », que nous n'arrivons toujours pas à circonscrire : le nombre d'infections nouvelles chaque année ne faiblit pas.
Il n'y a désormais plus de place pour les hésitations dans la lutte contre le VIH : il nous faut nous engager dans une politique de prévention résolument décomplexée, en levant les barrières juridiques et financières à l'accès du plus grand nombre aux outils de dépistage et aux traitements préventifs. Démultiplier les points d'accès gratuit aux tests sanguins, autotests et tests rapides d'orientation diagnostique (TROD), mais aussi à la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et au traitement post-exposition (TPE), représente certes un coût pour l'assurance maladie, mais il sera toujours inférieur au coût de prise en charge d'une affection de longue durée.
Enfin, votre rapport souligne l'effort de recherche de notre pays et la place particulière qu'il occupe, sur la scène internationale, dans la lutte contre le Sida, de par notamment sa contribution substantielle au fonds mondial de lutte contre le Sida, dont la reconstitution aura lieu en octobre prochain à Paris. À cet égard, pouvez-vous nous indiquer si notre agence de recherche française (ANRS) parvient à mobiliser en retour le soutien financier de ce fonds pour ses projets de recherche en partenariat avec les pays du Sud ?
M. Denis Morin. - Je ne peux être que redondant par rapport à votre présentation. J'ajouterai seulement quelques constats. Il y a actuellement en France 172 700 personnes séropositives en France ; 30 000 d'entre elles ignorent leur statut sérologique et 60 % des contaminations nouvelles sont liées à cette épidémie cachée. 6 000 personnes ont découvert leur séropositivité en 2017. L'épidémie n'est donc pas finie en France, alors qu'elle stagne ou régresse dans d'autres pays. Cela justifie des initiatives audacieuses en matière de prévention si nous souhaitons atteindre les objectifs non seulement de l'organisation mondiale de la santé (OMS), mais aussi du Gouvernement, lequel est encore plus ambitieux. Selon l'OMS, on pourra considérer que le Sida est éradiqué quand trois conditions seront réunies : 90 % des séropositifs au clair sur leur statut, c'est le principal point de fragilité de la situation française aujourd'hui ; 90 % des personnes dépistées traitées par un traitement antirétroviral ; 90 % des personnes traitées avec une charge virale indétectable et donc potentiellement non contaminantes. C'est ce que l'on appelle la cascade de l'OMS, qu'elle identifie comme la condition d'une éradication de l'épidémie. La France est encore plus ambitieuse, puisqu'elle porte ces taux à 95 %.
En France, l'épidémie est très concentrée dans les grandes villes - Paris, Lyon, la Côte d'Azur - et sur certaines populations. La situation sanitaire est aussi très difficile dans les outre-mer, particulièrement en Guyane. La contamination concerne principalement la population masculine, en partie des migrants d'origine subsaharienne. Les transmissions materno-foetales sont maîtrisées, tandis que les transmissions par seringues usagées dans les populations toxicomanes ont quasiment disparu.
Outre le préservatif, il y a d'autres moyens de prévention, tels que les traitements antirétroviraux à titre préventif. Reste que le préservatif est indispensable pour se protéger d'autres types d'IST.
Nous devons considérablement faire porter notre effort sur la prévention, qui est un des défauts de notre système de santé au sens large, alors que nous sommes bons en curatif. Le coût d'une bonne politique de prévention représente moins de 10 % de celui du traitement de l'épidémie, qui est de l'ordre d'1,5 milliard d'euros dans notre pays. Il serait possible de dégager des ressources supplémentaires en accélérant la réduction du coût des traitements sous l'impulsion du comité économique des produits de santé (CEPS), qui pourraient être mobilisées pour le développement d'actions plus vigoureuses de prévention. Nous défendons dans notre rapport le programme de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) « Au labo sans ordo », dont l'expérimentation vient de débuter à Paris et en Côte d'Azur, qui permet de réaliser gratuitement, sans ordonnance ni rendez-vous, un dépistage du VIH dans des laboratoires d'analyses médicales.
Nous avons le sentiment que le seul moyen d'atteindre le premier taux de 95 % de la cascade, c'est de saturer l'espace public en moyens de dépistage gratuit accessibles sans médiation. Il faut stimuler le recours aux autotests et aux TROD. J'ai le souvenir, lors de l'introduction sur le marché des autotests, qu'il avait été objecté qu'ils ne devraient être mis à disposition que dans le cadre d'un accompagnement médical très étroit, la découverte d'une séropositivité dans cette démarche pouvant être problématique. La réalité est différente : il faut mettre l'accent sur la mise à disposition gratuite des autotests partout où c'est possible. Pour les sérologies en laboratoire, c'est ce que propose la Cnam pour un coût modeste de 20 euros par personne, chiffre à comparer, encore une fois, avec le coût des traitements. Il faudra bien entendu évaluer ce programme.
Enfin, s'agissant de la gouvernance, nous ne faisons pas de propositions spectaculaires.
Mme Corinne Imbert. - Vous proposez un dépistage en population générale et vous avez rappelé votre soutien au programme « Au labo sans ordo ». Est-ce à dire que vous envisagez un accès illimité aux dépistages gratuits en laboratoire ou faudra-t-il, selon vous, mettre des conditions afin de maîtriser le coût pour l'assurance maladie ?
Le renforcement de la participation du ministère de la santé à la politique de recherche sur le VIH passe-t-il nécessairement par une augmentation des crédits en ce sens dans la mission « Santé » ? Ne serait-il pas plus cohérent d'inscrire l'ensemble des crédits de la recherche sur le VIH dans la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (Mires) ? Dans quelle mesure la France peut-elle avoir accès au fonds mondial de lutte contre le Sida, auquel elle est l'un des premiers contributeurs ?
La commission des affaires sociales dénonçait la non-compensation intégrale des soins urgents liés à la prise en charge des migrants non éligibles à l'aide médicale de l'État (AME). Les frais irrécouvrables de prise en charge des migrants au titre de leur santé sexuelle font partie de ces frais. La Cour des comptes soulève-t-elle cette problématique dans la certification des comptes 2018 du budget de l'État pour la mission « Santé » et plaide-t-elle pour une compensation intégrale des établissements de santé au titre de ces dépenses ? Cette compensation est aujourd'hui forfaitaire et se situe autour de 40 millions d'euros dans la loi de finances pour 2019.
Mme Catherine Deroche. - Avez-vous des informations sur la recherche sur le vaccin, préventif ou thérapeutique ? Ne pensez-vous pas que nous pourrions encourager la télémédecine pour faciliter l'accès aux consultations pour la délivrance de la PrEP en centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) et en centres de santé sexuelle hospitaliers ou associatifs, qui sont parfois vécues de manière assez stigmatisante ?
M. Yves Daudigny. - Nous avons été alertés lors des auditions sur un nombre croissant de ruptures d'approvisionnement en antirétroviraux. Ne pensez-vous pas que les écarts de prix avec d'autres pays risquent d'amplifier le risque ? L'offre thérapeutique est-elle suffisante et adaptée pour les enfants ?
Par ailleurs, l'accès au traitement post-exposition (TPE) est-il principalement concentré dans les services d'urgences des centres hospitaliers universitaires (CHU) ? N'aurait-il pas fallu prévoir une mission, pour les hôpitaux de proximité, dans la prévention et la prise en charge des IST afin d'y garantir l'accès au TPE ? Observez-vous des inégalités territoriales dans l'accès au TPE ?
Enfin, la recherche avance-t-elle, selon vous, sur l'identification et la destruction des cellules réservoirs du VIH chez les personnes à la charge virale indétectable ?
Mme Laurence Cohen. - Il y a encore de nombreux défis à relever, notamment pour combattre les discriminations. Que pensez-vous de la mise en place d'un « pass santé sexuelle » qui pourrait être distribué gratuitement en services de médecine scolaire et universitaire, ainsi que dans les CeGIDD, aux jeunes de moins de 25 ans et aux populations à risque, pour leur permettre un accès gratuit et permanent à tous les outils de dépistage ?
Votre rapport évoque des discriminations dans la prise en charge des personnes séropositives. Le code de la sécurité sociale prévoit pourtant la possibilité pour les organismes d'assurance maladie de prononcer des sanctions à l'encontre des professionnels de santé coupables de ces discriminations. Avez-vous pu vérifier si de telles sanctions avaient déjà été prononcées ?
Enfin, je crois avoir compris que vous étiez favorable au programme « Au labo sans ordo » mis en oeuvre depuis le 1er juillet à Paris et dans les Alpes-Maritimes. Nous sommes, dans notre groupe, favorables à la généralisation de cette expérimentation.
Mme Michelle Meunier. - Je m'étonne que la contamination par seringue ait quasiment disparu : quelle est la place de la prévention tertiaire dans ce résultat ? Est-ce la conséquence des politiques de mise à disposition et d'échange de seringues ou d'autres types de drogues sont-elles apparues ?
Mme Jocelyne Guidez. - La prophylaxie pré-exposition est-elle accessible aux mineurs sans information des parents ? Faut-il, selon vous, l'envisager ? Si oui, faut-il étendre la possibilité de délivrer la PrEP aux services de médecine scolaire et universitaire, avec les précautions nécessaires pour que la prise en charge de la PrEP ne figure pas dans les données de remboursement des parents ?
Avez-vous, par ailleurs, constaté des inégalités d'accès aux traitements post-exposition ? Ne serait-il pas souhaitable d'autoriser la médecine de ville et les pharmacies d'officine à délivrer au moins les premières prises de TPE ?
M. René-Paul Savary. - Pouvons-nous imaginer de développer les TROD en pharmacie ? Dans le cadre du dernier projet de loi « Santé », nous avons automatisé l'ouverture du dossier médical partagé et de l'espace numérique de santé : dans ce cadre, peut-on envisager un dépistage périodique de la population tous les 5 ans ?
Mme Victoire Jasmin. - Il y a eu une augmentation de l'AME, mais le problème linguistique crée des barrières chez les migrants, en particulier en Guyane. Avez-vous identifié un lien de causalité ? Pouvez-vous nous parler du programme Interreg Caraïbes ? Pour ce qui est de l'utilisation du préservatif, je pense que nous devons vraiment mettre l'accent en milieu scolaire.
M. Ali Saïb, conseiller maître à la Cour des comptes. - La recherche française est très bien placée. Nous y consacrons 40 millions d'euros annuels. Dès la fin des années 1980, l'agence nationale de recherches sur le sida (ANRS) s'est positionnée en mettant tout le monde autour de la table, devenant une véritable plateforme de coordination et de financement de la recherche sur le Sida.
La question du vaccin a été posée dès le départ par les chercheurs, mais ils n'ont pour l'instant rencontré aucun succès majeur en matière de prévention. On parle aujourd'hui de vaccins curatifs, qui permettent d'éliminer les cellules, mais, pour pouvoir atteindre cet objectif, il faut identifier les cellules infectées. On arrive à limiter la réplication du virus, et faire en sorte qu'il soit indétectable au niveau du sang périphérique des individus infectés, mais, dès que l'on arrête les traitements, le virus réapparaît, ce qui sous-entend qu'il y a des réservoirs et non pas un seul. L'enjeu est de tous les identifier en réactivant éventuellement le virus pour pouvoir cibler ces réservoirs et les éliminer de l'organisme.
Des personnes sont également naturellement résistantes au virus. Il y a donc également un volet immunologique, que l'on ne connaît pas encore très bien.
Il y a un laboratoire d'excellence en France qui est en connexion avec un réseau international pour partager les connaissances sur le vaccin. Le tout est toujours plus que la somme des parties.
M. Denis Morin. - Dans un schéma financièrement équilibré, nous préconisons effectivement d'ouvrir largement et sans condition l'accès aux laboratoires pour effectuer des sérologies, ce qui serait financé par les économies réalisées sur le curatif. Nous ferions une évaluation au bout de deux ou trois ans. Il faut le généraliser à toute la France au nom du principe d'égalité : dans certains territoires, il est sans doute plus aisé de trouver un laboratoire qu'un médecin traitant. A fortiori dans des territoires où moins de monde est concerné, cela coûtera moins cher. Nous évaluons le coût global de la mesure à une centaine de millions d'euros, même si les estimations restent compliquées. Nous proposons également d'ouvrir largement la PrEP, y compris grâce à la télémédecine. Les conditions d'accès aux CeGIDD ne sont pas toujours simples, les horaires d'ouverture sont souvent restreints, et ces centres sont souvent raturés. Encore une fois, il est préférable de jouer la redondance des capacités de prescription que le resserrement sur des centres dédiés.
M. François de la Guéronnière, président de section à la Cour des comptes. - Les ruptures d'approvisionnement sont encore limitées. Nous en avons recensé 18 de moins de 15 jours. Pour l'avenir, nous recommandons le développement des génériques, ce qui réduira le risque de rupture. Pour ce qui est des enfants, nous n'avons pas pointé de difficultés particulières.
S'agissant de l'accès aux traitements post-exposition, le point clé est l'accessibilité 24 heures sur 24, donc les services d'urgence des CHU sont les endroits les plus adaptés. Il y a sans doute une méconnaissance du dispositif. Nous recommandons que la circulaire de 2008 qui en détermine les conditions de délivrance soit réactualisée à la lumière d'études de la Haute Autorité de santé, notamment concernant les modalités pratiques de sa dispensation.
M. Ali Saïb. - Quels sont aujourd'hui les grands enjeux de la recherche sur le VIH ? L'identification des réservoirs, à partir desquels le virus se réactive. On a évoqué tout à l'heure le réservoir populationnel : 30 000 personnes qui ignorent leur statut ou ne sont pas prises en charge. Mais il existe un correspondant au niveau de la recherche : le réservoir cellulaire.
Pour revenir sur le fonds mondial et sur son champ d'intervention, l'ANRS est en réseau avec un grand nombre de laboratoires dans les pays du Nord comme du Sud. Les statuts du fonds mondial ne permettent pas à l'agence de pouvoir y accéder. Un des points de discussion de la réunion d'octobre 2019 portera sur l'ouverture du fonds à des agences nationales.
M. Denis Morin. - Je suis évidemment favorable à la mise en place du « pass santé sexuelle ». Il ne faut pas non plus multiplier à l'infini les intervenants pour ne pas risquer des brouiller les messages.
S'agissant des discriminations, une étude de l'association Aides relève que 80 % des personnes séropositives ont déjà été victimes de discriminations. Près du quart de ces attitudes discriminatoires étaient le fait de personnels médicaux ou paramédicaux. Nous n'avons pas la possibilité de vérifier ces chiffres. Je ne peux que conseiller aux victimes de saisir les structures ordinales.
Madame Meunier, nous pensons effectivement que la fin des contaminations par seringue est la conséquence des politiques de santé publique qui ont été menées.
Madame Guidez, la PrEP n'est pas accessible aux mineurs, mais c'est envisageable, en particulier à titre préventif pour un traitement antirétroviral dont il est établi aujourd'hui qu'il évite des contaminations. Nous évoquons un dépistage général de la population dans le rapport. D'aucuns nous ont répondu que ce n'était pas le sujet. Je n'en suis pas persuadé. Personnellement, l'idée ne me choque pas qu'il y ait au moins une fois au cours de la vie un dépistage.
S'agissant de l'accès aux TROD en pharmacie, cela demande une formation des pharmaciens. L'ordre des pharmaciens y est hostile.
M. François de la Guéronnière. - Madame Jasmin, la Haute Autorité de santé a formulé des recommandations pour essayer de surmonter la question linguistique dans le cadre de la médiation sanitaire. Le comité de la coordination régionale de la lutte contre l'infection par le VIH (Corevih) d'Île-de-France a par exemple mis en place des expérimentations sur ce point en 2015, de même que l'université Paris XIII a ouvert des formations pour surmonter ces problèmes linguistiques. Malheureusement, nous n'avons pas d'éléments sur le plan Interreg Caraïbes.
M. Denis Morin. - Madame Imbert, vous avez raison, il faut une compensation intégrale des frais engagés dans le cadre de l'AME, qui du reste ne concernerait que quelques établissements.
La commission autorise la publication du rapport.
La réunion est close à 12 heures.