- Mercredi 26 juin 2019
- Table ronde sur la refonte du dispositif public d'appui au commerce extérieur
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobile - Examen des amendements de séance au texte de la commission
- Proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles - Désignation des membres de l'éventuelle commission mixte paritaire
- Groupe de travail relatif aux conséquences économiques des violences commises en marge des manifestations des gilets jaunes - Présentation du rapport d'information
Mercredi 26 juin 2019
- Présidence de Mme Élisabeth Lamure, vice-présidente -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Table ronde sur la refonte du dispositif public d'appui au commerce extérieur
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mmes Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor au ministère de l'économie et des finances, et Caroline Malausséna, directrice de la diplomatie économique au ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Madame la Directrice générale Renaud-Basso, c'est la première fois que notre commission vous reçoit depuis votre nomination à la tête de la DG Trésor, et nous sommes très heureux que vous ayez accepté notre invitation. C'est la seconde audition de notre commission sur la thématique de la transformation du système de soutien à l'internationalisation des entreprises françaises. Il s'agit là d'un enjeu que vous connaissez bien, ayant vous-même été chargée par le passé des sujets européens et internationaux à la Direction générale du Trésor.
Madame la Directrice Malausséna, votre direction, récemment renommée « Direction de la Diplomatie économique », coordonne notamment les travaux relatifs aux secteurs prioritaires à l'export. Plus largement, la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international est chargée du commerce extérieur et de l'attractivité de la France à l'international. Vous-même êtes également depuis peu représentante de l'État au sein de la COFREX, la compagnie qui organise les pavillons français dans les grands salons : vous avez donc une expérience concrète de l'accompagnement des entreprises françaises.
La compétitivité à l'export des entreprises, en particulier des PME, est un facteur déterminant pour la santé de notre économie. La situation de notre balance commerciale ne s'améliore pas, avec un déficit commercial qui s'élève, je le rappelle, à près de 59,9 milliards d'euros en 2018, alors que l'Allemagne dégage dans le même temps un surplus commercial de 244 milliards d'euros... Les producteurs allemands ont depuis longtemps su valoriser le « made in Germany » et chasser en meute. Or, sans gain de parts de marché à l'international, pas de croissance de nos PME et ETI ; moins de bénéfices à réinjecter dans la modernisation et l'innovation ; et au bout du compte, la fragilisation de notre base industrielle. Il est donc urgent de relever le défi de l'export.
Le Gouvernement annonçait il y a un peu plus d'un an une nouvelle « Stratégie en matière de commerce extérieur » et une réforme de l'accompagnement des entreprises à l'export. Nous avons reçu le mois dernier CCI France, Business France et Bpifrance, qui nous ont présenté cette réforme et l'évolution de leurs rôles respectifs. Parmi les objectifs figure une meilleure coordination entre les acteurs via une « Team France Export ». Cependant, au sein même de l'administration, les compétences sont éclatées. Ma question est la suivante : alors que la logique de « guichet unique » semble appelée à se mettre en place sur le terrain, ne faudrait-il pas rationaliser l'organisation de l'administration en matière de commerce extérieur et de développement international des entreprises ? La fragmentation des compétences n'est-elle pas source de complexité ou de doublons ?
D'autre part, je m'interroge sur l'évolution du financement de l'accompagnement à l'export. Les subventions budgétaires de Business France, de l'Assurance Export de Bpifrance, se réduisent (- 2,5 millions et - 7,6 millions d'euros respectivement), ainsi que les effectifs. Le Gouvernement compte-t-il mobiliser tous les moyens financiers et humains nécessaires au succès de cette réforme ?
Enfin, j'aimerais que vous nous donniez davantage de précisions sur la mise en oeuvre concrète de la « Team France Export » à l'étranger. Comment les partenaires privés, autres que Business France ou que les CCI à l'international, qui se verraient confier l'accompagnement des entreprises, seront-ils labellisés ? Comment s'intègreront-ils dans les services économiques ? Est-ce certain que la qualité et le coût soient au rendez-vous ?
Je vous cède maintenant la parole pour un propos liminaire. Mes collègues vous adresseront ensuite leurs questions.
Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor au ministère de l'économie et des finances. - Madame la Présidente, comme vous l'avez indiqué, c'est la première fois que je m'exprime devant vous depuis ma nomination. La refonte du dispositif public d'appui au commerce extérieur est importante et nous mobilise beaucoup. Cet échange est donc très utile. Vous avez auditionné les opérateurs - Business France, Bpifrance et les CCI France. Je vais essayer d'apporter le point de vue de la tutelle de ces opérateurs sur le déploiement de cette réforme et la mise en place de la « Team France ». Je vous présenterai également les défis que nous avons à relever en matière de commerce extérieur et de performance à l'export de nos entreprises. Cela touche à des sujets allant au-delà des seules institutions, mais liés à la politique économique. C'est la raison pour laquelle nous travaillons main dans la main avec le Quai d'Orsay.
La mise en oeuvre des annonces de Roubaix et la réforme du dispositif du soutien à l'export, lancée par le Gouvernement, sont en cours de déploiement.
Le constat - tel que vous l'avez décrit - appelait une réforme. Nous faisons face à un déficit commercial significatif et récurrent depuis le début des années 2000 : 59,3 milliards de déficit en 2018. Cela a des conséquences sur notre solde courant : il est légèrement négatif. Nous sommes ainsi dans une situation très différente de celle de l'Allemagne, et qui témoigne du manque de vitalité à l'export de notre appareil productif. Or, la capacité de vendre à l'extérieur dans un monde de plus en plus mondialisé se traduit en emplois et en capacité à innover sur notre territoire. Nous observons depuis plusieurs années une augmentation du nombre d'entreprises exportatrices - 125 000 en 2018. C'est le niveau le plus élevé depuis 10 ans, mais il reste inférieur à celui du début des années 2000 où plus de 130 000 entreprises françaises exportaient. S'il témoigne d'une amélioration progressive de nos performances à l'export, nous restons en deçà de l'Allemagne, mais également de l'Italie qui possède un tissu dynamique à l'export de PME et ETI, malgré ses difficultés économiques.
Le précédent dispositif d'accompagnement à l'export n'offrait pas satisfaction. Trop d'acteurs publics comme privés agissaient sans coordination, voire en concurrence. Ce système était illisible pour les entreprises et peu efficace. En outre, le dispositif à l'international fonctionnait de manière autonome, sans lien avec le dispositif présent sur les territoires, alors même que la bataille de l'export se joue en premier lieu dans ceux-ci.
Les principes de la réforme ont été annoncés le 23 octobre 2018. Je pense que les opérateurs vous les ont présentés en détail. Son objectif premier est d'avoir un dispositif unifié, complet et lisible par les entreprises, avec des guichets uniques chargés d'identifier et de préparer efficacement les entreprises à l'export sur la base d'un nouveau partenariat entre les régions - dans la logique de la loi NOTRe -, Business France, les CCI et Bpifrance.
À l'étranger, nous avons rationalisé le dispositif afin de gagner en efficacité. Des correspondants uniques à l'export ont été désignés. Nous nous appuyons sur des outils numériques ; un système de gestion de la relation client (CRM) public pour l'export est en cours de déploiement entre les différents acteurs. Enfin une plateforme régionale des solutions a vu le jour. Elle permet de faciliter le travail en commun et, pour les entreprises, d'identifier et d'avoir accès à l'ensemble des appuis possibles en matière d'aide à l'export.
Seize mois après, des guichets uniques existent dans onze régions. Depuis le 1er janvier 2019, 235 conseillers internationaux issus de Business France et des CCI ont été désignés dans toutes les régions, afin de d'identifier en amont les entreprises. En effet, l'un des enjeux est de détecter le plus tôt possible les entreprises qui ont du potentiel à l'export, mais qui n'iraient pas d'elles-mêmes vers cette voie, vue comme trop coûteuse, trop compliquée.
À l'étranger, la réforme se déploie selon le calendrier prévu. Business France a mis en place des concessions de services publics avec des acteurs privés dans six pays. Nous avons décidé de tester ce système dans les pays suivants : la Belgique, la Norvège, Singapour, le Maroc et la Hongrie. En effet, ils représentent une palette diversifiée de pays : membres de l'Union européenne, non membres de l'Union européenne, un pays asiatique. En outre, Business France teste un deuxième type de solution dans trois autres pays (Hong Kong, le Japon et la Russie) à partir du 1er juillet : les marchés de services publics.
Les outils numériques sont en cours de déploiement. Les plateformes régionales ont été lancées à Rouen le 17 juin en présence du Premier ministre. Elles seront déclinées sous la forme de quatorze portails régionaux. L'outil de gestion des clients a été lancé dans quatre régions en avril : la Nouvelle-Aquitaine, la Normandie, les Hauts-de-France et l'Île-de-France. Ces outils seront déployés sur l'ensemble du territoire en septembre.
En parallèle à cette réforme institutionnelle et organisationnelle, nous adaptons nos outils de soutien à l'exportation aux petites entreprises. Cette responsabilité incombe à la DG Trésor qui doit évaluer les besoins des entreprises et les risques financiers. Les PME sont essentielles pour atteindre l'objectif de 200 000 entreprises exportatrices. Nous avons réformé l'assurance prospection. Elle est gérée par Bpifrance. Nous l'avons rendu plus simple et plus attractive. Les premiers résultats sont là : + 17 % en un an du nombre d'assurances distribuées. Ces assurances aident les entreprises à aller prospecter de nouveaux marchés, en couvrant une partie du risque qu'elles prennent. Cela représente pour l'État un risque non négligeable, mais cet outil est utile aux PME. Nous sommes également passés d'une logique de guichet à une logique de conquête pour les outils financiers, afin de mieux aider les primo-exportateurs et combattre l'idée selon laquelle les garanties financières seraient réservées aux grands groupes. Nous souhaitons que le nombre de bénéficiaires de l'assurance-crédit croisse de 25 % par an. Bpifrance est maintenant gestionnaire de cette assurance. L'accès devrait donc être plus structuré et spontané avec le tissu des PME en France. Cela devrait faciliter ce développement.
Enfin, les outils financiers ont été complétés avec des projets stratégiques. Ils permettent de soutenir des opérations stratégiques pour l'économie française, même en l'absence de contrats d'exportation sous-jacents. Les premiers projets sont en cours d'instruction. Il s'agit d'accompagner des projets de développement à l'international qui ne comportent pas seulement un volet exportation, mais bien une implantation à l'étranger.
Dans ce contexte, nous travaillons étroitement avec la direction générale de la mondialisation du Quai d'Orsay (DGM). Vous posiez la question de l'articulation et du rôle des différentes administrations centrales. Nous travaillons chacun avec son prisme - nous plutôt économique, la DGM avec une approche plus diplomatique. Une convention a été signée en 2014. Elle définit les principes de coopération. Tous les services chargés du commerce extérieur et du développement international doivent travailler en bonne intelligence, afin de faciliter l'articulation et renforcer les synergies. Nous travaillons particulièrement au titre du commerce extérieur sur la situation macroéconomique. Nos équipes analysent son évolution. Nous intervenons également dans d'autres domaines : le financement des exportations, la tutelle de Bpifrance, les investissements directs étrangers et l'attractivité du territoire, ainsi que les sujets relatifs aux négociations commerciales multilatérales et bilatérales, pour lesquelles nous assurons la représentation française au niveau européen et dans les instances internationales - à l'OMC. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères participe aux différents comités présidés par le Trésor ou Bpifrance afin d'attribuer les garanties export ou des fonds. Il est associé à toute mesure d'internationalisation des outils de financement à l'exportation. Notre coopération est très étroite. Elle permet aux deux ministres de disposer d'un outil directement opérationnel, professionnel et dédié à l'ensemble des missions relevant de nos deux directions.
Lorsque l'on réfléchit aux enjeux à l'export, il y a certes l'efficacité des dispositifs, mais plus fondamentalement notre compétitivité et son amélioration. Pour exporter, il faut avoir le bon produit au bon prix, par rapport aux positionnements de nos concurrents. Nous partons d'une situation avec un déficit de compétitivité aux conséquences graves. Toutefois, celui-ci se réduit. La détérioration de notre compétitivité à partir du début des années 2000 s'explique par la dynamique défavorable de notre commerce extérieur depuis une vingtaine d'années. Cela s'est traduit par l'accumulation de déficits commerciaux et la réduction de nos parts de marché au niveau mondial. En 2000, nos parts de marché représentaient 5 % du marché mondial. Elles sont aujourd'hui de 3 %. Il faut toutefois noter que nos parts de marché se stabilisent depuis plusieurs années : nous avons enrayé la baisse régulière de celles-ci.
La compétitivité d'un pays peut être
mesurée indirectement par l'écart du solde courant de la balance
des paiements par rapport à son niveau d'équilibre. Selon ce
critère, la France a un léger déficit de
compétitivité. Nous sommes donc en situation défavorable
par rapport aux autres grands pays de la zone euro et à la zone euro
dans son ensemble
- à l'équilibre.
En matière de compétitivité coût, les coûts de production de la France apparaissent aujourd'hui globalement dans la moyenne. Cela est dû aux efforts réalisés sur les coûts salariaux unitaires, et notamment l'effet des allégements de charges sur le travail instaurés à compter de 2013-2014 : le CICE, le pacte de responsabilité, les nouvelles mesures d'allégement de charges autour du SMIC décidées par le présent gouvernement. Ces mesures ont un effet clair sur le coût du travail. Elles contribuent à améliorer notre compétitivité coût.
Notre compétitivité hors coût est relativement stable depuis 2000. Toutefois, elle a souffert de l'affaiblissement de notre appareil productif industriel et de gains de productivité limités ces dernières années. Cette faiblesse n'est pas spécifiquement française, mais elle limite le rattrapage possible de la France sur la compétitivité hors coût.
Afin de répondre à ce constat, plusieurs mesures de politiques économiques apparaissent fondamentales, afin de traiter les problèmes à la racine : la réforme du marché du travail, la transformation du CICE en baisse de charges pérenne afin de donner plus de stabilité aux entreprises, la réforme de la formation professionnelle. Il faut améliorer l'employabilité de la main d'oeuvre, stimuler l'emploi et accroître la productivité du travail. Nous sommes face à un paradoxe : il existe des difficultés de recrutement sur des emplois spécifiques, nécessitant un besoin d'adaptation de la main d'oeuvre. La loi PACTE doit permettre un allégement des règles applicables aux entreprises, en matière de seuils par exemple. La réduction du taux de l'impôt sur les sociétés, la réduction de la fiscalité du capital, laquelle vise à soutenir l'investissement dans l'innovation et à libérer le potentiel de nos économies, doivent contribuer à améliorer notre compétitivité. Il en est de même des investissements dans la transition écologique, des innovations de rupture et des mesures prises dans le cadre du Grand plan d'investissement. Tous ces éléments sont essentiels afin de préparer l'avenir et renforcer notre potentiel productif à long terme. J'inclus dans ce champ le renforcement du système éducatif. À long terme, l'effet est important sur les performances de l'économie.
Le Gouvernement travaille actuellement sur le pacte productif. Comme indiqué précédemment, plusieurs mesures ont été prises pour agir sur le niveau macro-économique. Nous travaillons désormais sur une approche méso-économique, au niveau des filières et des secteurs d'activités. Elle vise à identifier les opportunités et les besoins de financement, à moyen et long termes, à travers la mobilisation de leviers transversaux et sectoriels. Des groupes de travail ont été mis en place par grands secteurs d'activités : numérique, industrie, agriculture... Des consultations sont prévues.
L'amélioration de notre performance à l'export ne peut se concevoir que dans un contexte équitable et de juste concurrence à l'international. C'est l'enjeu des négociations commerciales. Si les autres pays ne respectent pas les règles du jeu, ou en appliquent des différentes, la France part avec un handicap initial important. Il y a tout d'abord la question de l'égalité concurrentielle dans le soutien à l'export. C'est un sujet de préoccupation. Les règles de l'OCDE sont contraignantes. Elles permettent d'encadrer ce que chacun fait. Or, certains pays n'appliquent pas ces règles. Nous essayons aujourd'hui de les inciter à participer aux dispositifs de coordination et de respect de standards minimum.
En outre, il ne faut pas négliger la politique commerciale européenne. Cette dernière fait l'objet aujourd'hui d'une attention particulière dans un contexte de recrudescence des tensions commerciales et de crise du multilatéralisme. La mise en place d'une nouvelle Commission européenne et d'un nouveau Parlement européen est le bon moment pour définir un nouvel agenda stratégique de l'Union européenne, dans un monde en profond bouleversement. Il nous parait très important que l'Union européenne assume réellement son rôle. Elle est le bon niveau pour négocier en termes de poids relatif. Elle doit pouvoir assumer pleinement un rôle de leadership dans un système multilatéral fondé sur des règles de level-playing field renforcées, avec l'OMC en son centre. Or, de très fortes tensions existent entre une stratégie bilatérale de négociations et des mesures de tarification mises en place de façon unilatérale. En outre, l'Union européenne peut peser sur le débat en cours relatif à la possibilité de renforcer les règles de l'OMC, afin de disposer de règles permettant de régler les différends, mais aussi de traiter les questions de subventions et de prise en compte des distorsions dans le fonctionnement d'un certain nombre d'économies.
Sur le plan européen, nous plaidons très fortement pour un rééquilibrage de la politique commerciale européenne. L'Union européenne a concentré ses efforts sur la négociation d'accords bilatéraux, comme le CETA ou avec le Japon. Ces accords sont importants. Ils constituent une assurance dans un moment de remise en cause du système multilatéral. Toutefois, il nous paraît important d'insister sur d'autres aspects aujourd'hui négligés : le fait d'avoir une politique plus proactive, afin de s'assurer du respect par nos partenaires commerciaux des règles du commerce international, qu'il s'agisse des engagements pris à l'OMC, ou dans les accords bilatéraux. Aujourd'hui, le suivi et la mise en oeuvre des accords précédents et le respect des règles d'antidumping sont peu développés. Très peu de moyens sont mis en place par la Commission européenne dans ce domaine. Les moyens de la DG Commerce se concentrent sur la négociation, mais très peu sur le suivi des accords signés. Or, cela constitue un enjeu majeur pour défendre nos entreprises sur les marchés internationaux, mais aussi sur le marché européen face à des entreprises pratiquant le dumping ou bénéficiant de subventions massives. Aussi, nous proposons la mise en place d'un chief trade enforcer, une personne chargée de la mise en oeuvre des accords multilatéraux, afin de donner plus de visibilité et de moyens à ces actions.
Nous travaillons également à l'adoption de nouveaux outils, notamment de surveillance des investissements. Nous avons renforcé notre propre dispositif national d'autorisation des investissements étrangers en France. Nous avons poussé pour l'adoption d'un règlement prévoyant la surveillance des investissements étrangers en Europe. Chaque pays garde une marge de manoeuvre, mais cela permet de sensibiliser nos partenaires à ces enjeux, et avoir une meilleure visibilité sur les risques potentiels d'acquisition qui auraient des effets stratégiques sur la France et plus globalement au niveau européen.
Une des grandes priorités de l'Union européenne en matière commerciale est d'afficher plus nettement les objectifs de développement durable et le renforcement des droits sociaux. Ils participent à l'équité des conditions de concurrence.
Le dispositif de soutien à l'export est une condition clairement nécessaire, mais pas suffisante à l'amélioration de notre performance à l'export. L'ensemble des outils de politique économique et la stratégie en matière de politique commerciale sont des éléments importants.
La réforme est en cours de déploiement. Il est trop tôt pour tirer un bilan. On peut déjà se féliciter du rythme de déploiement, notamment des outils informatiques. Nous referons un bilan dans un an, afin de mesurer l'impact sur les entreprises.
Caroline Malausséna, directrice de la diplomatie économique au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. - J'ai senti dans vos propos introductifs une interrogation sur le rôle de ma direction et son changement de nom.
Qu'est-ce que la diplomatie économique et pourquoi cette direction a-t-elle été créée ? La diplomatie est la défense et la promotion des intérêts et valeurs de la France. À ce titre sont inclus nos intérêts économiques. Tous nos ambassadeurs et ambassadrices ont toujours soutenu la diplomatie économique, en soutenant nos entreprises à l'étranger. Certes il y a eu des changements. Mais cette action est partie prenante de la diplomatie.
Quels sont les changements récents ? La diplomatie économique a été mise en avant par M. Laurent Fabius. Mais, ce concept est plus ancien. En réalité, le prisme « entreprises » a commencé sous le mandat de Jacques Chirac. Dès 2000, il insistait beaucoup sur le rôle de nos ambassadeurs, qui devaient apporter personnellement un soutien à nos entreprises. M. Hubert Védrine, en tant que ministre des affaires étrangères, a pour sa part créé la « mission entreprises ». Pour la première fois, le terme « entreprise » entrait au Quai d'Orsay. D'ailleurs, pour l'anecdote, ce terme n'était à l'époque pas présent à Bercy : la direction générale des entreprises s'appelait la DG 6. La « mission entreprises », que j'ai eu l'honneur de diriger, était petite - 4 personnes - mais elle représentait un point d'entrée. En 2009, la direction générale de la mondialisation est créée. Il nous est apparu, comme chez nos partenaires, que de nouveaux enjeux liés à la mondialisation faisaient leur apparition. On ne pouvait plus simplement travailler de manière bilatérale avec un pays. Je pense par exemple aux sujets environnementaux et climatiques. La direction générale de la mondialisation voulait rassembler dans une direction au Quai d'Orsay l'ensemble des grands problèmes transversaux et des questions liées à l'influence de la France. Il y a eu une sous-direction des entreprises qui est devenue une direction indépendante sous Laurent Fabius. Ce dernier a d'ailleurs souhaité que le tourisme soit rattaché au ministère des affaires étrangères : cette entité est devenue la direction des entreprises, des affaires internationales et de la promotion du tourisme. Récemment, j'ai proposé un changement de nom car il était désormais plus important d'afficher l'identité de diplomatie économique en tant que partie prenante des actions diplomatiques.
Ma direction comprend 60 personnes. Elle est composée de diplomates. Nous essayons également de croiser les compétences de nombreux contractuels.
Vous vous interrogiez sur la mise en place de la réforme au niveau international. Il est important d'ancrer le soutien aux PME dans nos régions avec la « Team France Export ». Nous avons souhaité introduire de la simplicité et de la lisibilité. Par exemple, une PME accompagnée en région, développe son projet et souhaite exporter vers le Japon. Que se passe-t-il une fois que le projet se concrétise ? Au Japon se trouve la chambre de commerce franco-japonaise, des opérateurs privés, Business France. Comment ces différents acteurs articulent-ils leurs actions ? Notre idée première était de se dire que Business France, dans un certain nombre de pays - comme l'indiquait Christophe Lecourtier dans son rapport - pouvait lancer des appels d'offres et proposer aux chambres de commerce à l'international et aux opérateurs privés qui le souhaiteraient de reprendre en concession de service public, l'accompagnement des PME.
Il est rapidement apparu que ce n'était pas si simple. Nous avons essayé d'être pragmatiques. Chaque pays est différent. Nos ambassadeurs se sont d'ailleurs fortement mobilisés pour cette réforme. Ainsi, notre ambassadeur au Japon a consulté les acteurs sur place. Il nous a indiqué que l'appel d'offres risquait de ne pas être conclusif. Aucun acteur, ni même Business France ou la chambre de commerce franco-japonaise ne pourra le reprendre tel quel. Nous nous sommes dits que nous pourrions dans certains pays passer un marché public de services. Dans notre réflexion, nous sommes donc partis des concessions de services publics, puis avons proposé des marchés de services publics. Dans certains pays - ce n'était pas prévu initialement - où il n'y a pas de bureau de Business France ou de chambre de commerce, nous avons imaginé mettre en place un référencement. En effet, dans ces pays se trouvent des acteurs privés qui pourraient aider nos entreprises souhaitant exporter. Nous sommes très prudents, car nous orientons nos PME vers un opérateur privé qui doit être sérieux et fiable. Tous les référents ne sont pas encore en place. Mais, dans un certain nombre de pays, nous référencerons un ou deux opérateurs privés, conventionnés pour un an.
La vraie nouveauté de la réforme se situe dans le rôle des régions, en raison de la loi NOTRe. En effet, les compétences qu'elles exercent désormais en matière économique doivent se poursuivre à l'international.
Il serait paradoxal que nous incitions tous les acteurs de l'export à travailler en équipe France, et qu'en administration centrale, nous ne soyons pas capables de travailler intelligemment au sein de cette équipe. La DG Trésor est leader sur les questions de financement en accompagnement à l'export. Les réseaux doivent être capables de produire des analyses macroéconomiques très importantes. Nous travaillons en complémentarité. Deux exemples sont le conseil national de l'industrie (CNI) et les comités stratégiques de filière d'une part, et d'autre part, pour le ministère des affaires étrangères, la mise en place de fédérateurs par secteur. Il s'agit de personnalités privées qui acceptent à titre bénévole de s'impliquer auprès du ministre des affaires étrangères dans la structuration de notre offre.
Classiquement, la diplomatie s'est occupée des grands contrats stratégiques : l'énergie, le nucléaire civil, les transports, l'énergie renouvelable, les contrats militaires. Depuis quelques années, nous considérons comme stratégiques des domaines où la France est excellente et où pourtant nos performances ne suivent pas. Je pense à l'agroalimentaire, au domaine de la santé - notre savoir-faire hospitalier - aux énergies renouvelables, à la ville durable - sujet multidimensionnel pour lequel il n'y a pas vraiment une filière unique. Nous avons des PME très innovantes. Il faut les promouvoir. Nos équipes et les fédérateurs ont besoin de réfléchir à la structuration de notre offre, en partant de la demande internationale. En matière de santé, pour la Chine, la lutte contre le diabète est un enjeu important. Nous sommes bons dans ce domaine. Dès lors, il s'agit de voir comment promouvoir notre savoir-faire.
Les comités stratégiques de filières au sein du CNI ont une démarche inverse. Il y a des filières qui réfléchissent à leur structuration en France. Au bout du raisonnement se trouve un référent export. Les deux démarches doivent se rencontrer. Nous discutons avec la DG Trésor et les ministres, pour que ce soit la même personne qui soit chez nous le fédérateur et au sein du CNI le référent export. Ainsi, dans le domaine de la santé, M. Jean-Patrick Lajonchère, directeur de l'hôpital Saint-Joseph, est à la fois notre fédérateur, nous aidant à réfléchir auprès des entreprises pour la structuration de l'offre dans le domaine de la santé à l'international, mais aussi le référent export. Pour la ville durable, c'est M. Gérard Wolf qui s'occupe de ce sujet au MEDEF. Ce sujet va d'ailleurs être au coeur du sommet Afrique-France de 2020. Cela doit contribuer à la structuration de nos offres.
La convention de 2014 précise la répartition des rôles entre nos deux directions : la façon de préparer un dossier pour le ministre, le Président de la République, de répondre à une commande... Mais, je crois que compte tenu des enjeux, il va falloir approfondir cette convention.
Mme Evelyne Renaud-Garabedian. - Je souhaite en savoir davantage sur le « Pass export » mis en place l'an dernier. En échange d'un certain nombre d'engagements sur la valorisation de sa production française, une entreprise peut obtenir à l'export une garantie de l'État. Comment l'État est contre-garanti ? Cela m'intéresse d'autant plus que la direction générale du Trésor a gelé en septembre dernier les garanties d'État qui pouvaient être accordées aux lycées français à l'étranger, afin de développer leurs parcs immobiliers et accueillir plus d'élèves, en raison du risque potentiel que représentait cette garantie pour le budget étatique. Il ne s'agit pas, il est vrai, pour ces établissements d'exportation de biens. En revanche, ils exportent des savoirs. Ils sont tout aussi importants pour le rayonnement international de notre pays que l'est le commerce.
Mme Françoise Férat. - Vous avez évoqué la réforme présentée en février dernier. Même si je mesure que cette décision est relativement récente, avez-vous des premiers retours ? Je pense aux partenaires sociaux, aux OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés), aux régions pour la formation, aux universités, aux organisations patronales telles que la CPME.
Par ailleurs, mon collègue M. Pierre Cordier, député des Ardennes a rendu fin 2018 un rapport d'information intitulé « Objectif 200 000 exportateurs pour une diplomatie économique aux services des PME ». Ce rapport contient dix-neuf préconisations. Une retient mon attention : la mise en place d'une plateforme numérique qui répondrait aux questions que se posent les PME ne possédant pas de services juridiques adaptés. Il peut s'agir des règles de procédures douanières, des règles applicables en matière de contrat dans tel ou tel pays, les pratiques de paiement, de facturation, de livraison, de fiscalité. Que pensez-vous de cette recommandation ?
M. Laurent Duplomb. - Le groupe d'études « Agriculture et alimentation » vient de publier un rapport. Il ne partage pas tout à fait votre optimisme. L'agriculture et l'agroalimentaire certes constituent le troisième excédent commercial français. Celui-ci a été divisé par deux en cinq ans. Nous sommes le seul pays au monde à avoir perdu de façon aussi importante des parts de marché au niveau mondial depuis dix ans. Nos concurrents, qu'ils soient mondiaux ou européens, sont de plus en plus importants. Qui aurait pu penser que la France agricole d'aujourd'hui puisse consommer et faire consommer aux Français plus d'un jour par semaine des produits importés ? Qui aurait surtout pu penser qu'à travers ce jour et demi par semaine de produits importés, un quart de ceux-ci ne respectent pas nos normes ? L'OCDE le dit clairement. Nous sommes le pays au monde qui impose le plus de normes environnementales. Lorsque vous nous parlez d'optimisme sur les gains permettant de corriger les écarts de compétitivité, je tiens à rappeler que 70 % de la différence de compétitivité avec nos voisins est due en premier lieu au coût de la main d'oeuvre - 1,5 fois plus élevé qu'en Allemagne, 1,7 fois plus élevé qu'en Espagne, près de deux fois plus élevé qu'en Pologne pour les produits agroalimentaires. Les charges sont plus élevées chez nous qu'ailleurs. Entre 2016 et 2019, la France a vu augmenter ses charges de 4 à 7 % auxquelles s'ajoutent les contraintes imposées par la loi EGALIM non intégrées dans cette augmentation.
Toutes nos industries agroalimentaires subissent depuis des années des contraintes économiques liées notamment à une pression infernale de la grande distribution. Aujourd'hui, il n'y a plus aucune capacité d'investissement, à la différence de nos concurrents. Tout cela me conduit un peu plus, malheureusement, à avoir une vision pessimiste de l'avenir. Ce rapport indique que le commerce extérieur de la France deviendrait déficitaire pour les produits agroalimentaires en 2023. Qui aurait pu penser que la France agricole puisse en 2023 acheter plus que ce qu'elle n'exporte ?
M. Serge Babary. - Je me félicite des propos des deux directrices sur le renforcement du dynamisme à l'exportation. Tout le monde se réjouit des bonnes dispositions mises en oeuvre, que ce soit sur la mobilisation du dispositif institutionnel ou l'accompagnement financier et commercial. Toutefois, un élément devrait être pris en compte au même niveau que les autres : les ressources humaines. Madame la directrice, vous l'avez évoqué à deux occasions : le manque de main-d'oeuvre et l'importance de l'enseignement pour l'avenir
On peut avoir des bons produits, on peut recruter des commerciaux, trouver des arrangements favorables avec le banquier, si on n'est pas sûr de pouvoir assurer la production et desservir les marchés nouveaux, on va au fiasco. Ce qui est vrai au niveau microéconomique pour une entreprise l'est également pour l'ensemble de l'appareil productif français. Pouvoir embaucher dans les entreprises exportatrices est un enjeu fondamental. Afin d'atteindre l'objectif de 200 000 entreprises exportatrices, il faut enrôler nos plus petites entreprises. Or, ce sont celles qui ont le plus de mal à recruter. Nos chefs d'entreprise sur les territoires nous le disent. On ne peut pas attendre plusieurs années avant de se mettre au niveau, sinon tous les efforts faits seront voués à l'échec et mettront en difficulté nos entreprises qui ne peuvent pas répondre à une demande supplémentaire.
M Joël Labbé. - Je vous remercie pour vos présentations, qui permettent de susciter un débat. Mes propos rejoignent la thématique abordée par mon collègue, M. Laurent Duplomb. Il est dommage que nous ne parlions pas le même langage car nos objectifs sont au final les mêmes. La performance des produits de l'agroalimentaire que vous dites excellents par leur nature, ne l'est pas à l'exportation.
Je vais prendre l'exemple de la viande de volaille. 45 % de la volaille consommée en France est importée, alors que nous sommes un pays exportateur de cette viande. Nous aidons nos entreprises à l'exportation de volailles. N'y a-t-il pas un non-sens complet de ce système ? Notre salut à tous et celui de nos agriculteurs passera par la relocalisation de notre alimentation. La canicule que nous subissons actuellement est un effet du dérèglement climatique. La semaine prochaine, avec notre collègue Mme Françoise Laborde, nous présentons une résolution sur la résilience alimentaire et la sécurité civile. Nous sommes en situation d'urgence. Il faut prendre des mesures. Certes, il faut exporter, mais attention à ne pas exporter pour exporter.
Enfin, qu'en est-il du contrôle des investissements étrangers ? Dans la commune dont j'ai été maire, se trouve le siège de la société InVivo, immense coopérative qui en regroupe 206 - et 300 000 agriculteurs. Elles avaient une filiale Néovia qui vient d'être vendue à l'Américain ADM pour 1,5 milliard d'euros. Elle a bénéficié d'aides à l'investissement pour construire un laboratoire moderne, pour une maison de l'innovation, du CICE, et du crédit impôt recherche ; elle a profité du statut juridique de la coopérative - soit encore de l'argent public perdu. Or cette entreprise est vendue aux Américains qui sont en train de préparer un plan social. Nos compatriotes ne l'acceptent plus. Cet ultralibéralisme produit des effets horribles.
M. Alain Duran. - Nous avions reçu les trois acteurs majeurs du dispositif public. C'est au niveau des territoires que se jouera la bataille de l'export. Les régions ont récupéré par la loi NOTRe la compétence en matière de développement économique. C'est un gage d'efficacité en raison de la proximité voulue par cette réforme. Vous avez évoqué la mise en place des portails régionaux et leur généralisation à l'automne prochain. Pouvez-vous nous en dire plus sur leurs contenus ainsi que sur les moyens dont disposeront les régions ? Aujourd'hui, sur dix entreprises se lançant dans l'export, seules trois sont toujours exportatrices au bout d'un an, et une seule au bout de trois ans. Les élus de la région Occitanie ont à coeur de relever le défi de l'export, mais elles ont besoin de moyens. Quels moyens l'État mettra-t-il à disposition des territoires ?
M. Daniel Gremillet. - Je souhaite remercier nos intervenants pour la qualité de leurs propos. Cette réforme doit permettre de rebattre les cartes. La compétence des régions en matière de soutien à l'export est nouvelle. Certes, chaque région mène sa politique, mais de l'extérieur, cela reste la France. Je connais une entreprise dans l'Est de la France présente dans des foires et salons au côté d'une région du Sud de la France. Cela n'est pas choquant. Il ne faudrait pas que sur le territoire national chacun fasse du soutien à l'export sous sa propre bannière, sans aucune coordination à l'international. Or je crains que cela n'arrive.
Vous indiquez que la présence et les connaissances des équipes des ambassades sont stratégiques. Pouvez-vous être plus explicites ?
M. Roland Courteau. - Vu l'importance du déficit commercial, une réforme du système du soutien de l'export s'imposait. Cette réforme est à la fois de terrain, de proximité mais aussi digitale. Il y avait en effet trop de dispersion entre les acteurs, voire même de la concurrence entre eux. En outre, les régions étaient trop faiblement impliquées dans le soutien à l'export. J'espère que cette réforme, cette convergence des énergies, cette promesse de conseiller les entreprises afin de les aider à l'export seront concluantes. Certes, il est trop tôt pour tirer un premier bilan, mais je souhaite savoir si des objectifs ont été définis : si oui, lesquels et à quels horizons ?
Enfin, je souhaite évoquer les actions à l'export pour les grands secteurs stratégiques. Ils représentent un challenge pour nos entreprises. Vous en avez cité plusieurs dont celui de l'énergie et des énergies renouvelables. La France dispose d'un maillage d'entreprises bénéficiant d'un savoir-faire mondialement reconnu dans le domaine des énergies renouvelables. Il s'agit de l'une de nos vitrines. Or, le marché mondial dans ce domaine est appelé à croître de 50 % d'ici quelques années. Trois questions se posent : comment promouvoir ces filières dans le monde ? Comment les soutenir à l'export ? Quelles actions le ministère entend-il lancer ? Ne nous laissons pas doubler par nos concurrents sur ces secteurs d'avenir, comme c'est en train de se passer sur le secteur viti-vinicole. Certes, notre solde reste positif (8 milliards d'euros), mais nous perdons régulièrement des parts de marché au profit de l'Espagne, de l'Italie et sommes sous la menace des pays de l'Océanie ou des États-Unis.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Pour faire du commerce extérieur, il faut des entreprises compétitives, mais aussi des débouchés. Dernièrement, beaucoup de grands chefs d'entreprise nous informent des difficultés qu'ils rencontrent face à des marchés qui se ferment pour de multiples raisons : on peut penser à l'Iran, à la Chine, aux États-Unis. Quelles sont vos propositions face à cette problématique ?
Vous évoquez la nécessité de renforcer les règles à l'OMC. J'ai parfois le sentiment que cet objectif n'est pas partagé par tous. Quels sont les pays favorables à une réforme de l'OMC ?
Enfin, disposez-vous d'éléments concernant la révision de la directive TVA, qui devrait permettre d'éviter la concurrence déloyale intracommunautaire ?
M. Fabien Gay. - Les réformes du Gouvernement provoquent un débat. Vous indiquez que le CICE a des effets sur l'export. Il représente 40 milliards d'euros cette année, 20 milliards l'année prochaine, 100 milliards depuis cinq ans. Or, France Stratégie, opérateur rattaché aux services du Premier ministre, indique que les effets du CICE sur l'export et sur l'emploi sont à débattre, voire sont très limités.
Je suis assez surpris de ne jamais entendre parler du modèle social français, permettant d'avoir des salariés bien formés, bien protégés, des services publics d'infrastructures performants - même s'ils ont été malmenés récemment -, lorsque l'on évoque la compétitivité de notre pays. Or, ce modèle nous permet d'avoir les salariés les plus productifs au monde. C'est un élément de compétitivité que l'on n'évoque jamais.
Lorsque l'on parle d'export, il faut également parler des traités de libre-échange. Il y en a au niveau de l'Union européenne, entre 15 et 17, dont le CETA. J'ai été directement impliqué dans sa négociation. Je me réjouis que le Gouvernement présente ce texte enfin à la ratification. Cela fait deux ans qu'il aurait dû être ratifié. Or, il le sera en plein été. De manière générale, pensez-vous que ces traités apportent encore des bénéfices en matières sociale et environnementale à nos entreprises, notamment agricoles ?
Mme Anne-Marie Bertrand. - Le gouvernement a tenu à réformer certains financements publics à l'international. Fin 2019, l'ensemble des offres d'accompagnement à l'export devrait être regroupé sur une plateforme numérique. Pouvez-vous nous en dire plus sur les critères d'attribution ? Cela intéresse nos PME.
Mme Elisabeth Lamure, présidente. - Madame la directrice générale, vous avez indiqué qu'une évaluation de la réforme sera réalisée dans un an. Avez-vous déjà prévu des dispositifs précis pour analyser ses effets ?
Mme Odile Renaud-Basso. - L'objectif pour le « Pass export » est d'avoir une approche différente d'une approche classique où l'on garantit contrat d'exportation par contrat d'exportation. Il s'agit d'avoir un contrat pluriannuel entre l'État via Bpifrance et une entreprise, avec une visibilité sur 2 ou 3 ans. L'entreprise a une obligation de fabriquer un certain pourcentage de ses produits sur le territoire français. Cette part est évaluée en moyenne et non pas projet par projet. Cela donne un peu plus de flexibilité à l'entreprise. En contrepartie, elle doit respecter des engagements socio-environnementaux. L'État n'est pas contre-garanti. C'est la raison pour laquelle cet outil présente un risque. Si l'entreprise perd de l'argent et fait jouer la garantie, c'est l'État qui la rembourse via l'assurance export de Bpifrance. Cela a un effet budgétaire. Depuis plusieurs années, nous sommes excédentaires sur le risque de l'assurance-crédit. Nous n'avons pas eu de sinistres majeurs. Cette assurance est de nature différente de la garantie pour les lycées français. Le dispositif a d'ailleurs été débloqué pour les projets en cours des lycées. Nous nous sommes rendu compte que le dispositif existant était très fragile sur le plan juridique : les lycées disposaient de peu de capitaux propres et bénéficiaient d'un important effet de levier entraînant un niveau de risque considérable porté par une petite structure. Un groupe de travail est en cours avec la DG Trésor, la DG Budget et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, afin de remettre sur pied un dispositif pérenne plus solide. Toutefois, afin d'éviter que les projets en cours ne soient bloqués, nous les garantissons.
L'objectif est de déployer la plateforme numérique dans toutes les régions et de couvrir l'ensemble des questions que se posent les entreprises intéressées par l'exportation. Il s'agit d'intégrer des approches différentes entre les outils de financement, d'accompagnement, du coaching... Tous les acteurs régionaux, nationaux vont poster sur cette plateforme les éléments d'information utiles aux entreprises. Ces outils sont évolutifs afin de répondre à de nouveaux besoins ou traiter des questions qui ne le seraient pas. C'est à mon avis un outil extrêmement puissant pour les acteurs économiques.
Nous sommes dans la phase de mise en oeuvre de cette réforme. L'ensemble des acteurs a été largement consulté. Il y a eu dans le volet international de la loi PACTE un travail de consultation réalisé par le binôme Jung - Kaiser. Il faudra un peu de recul afin d'analyser la mise en place de la réforme.
Caroline Malausséna. - Les plateformes des solutions sont déjà en place. Le Premier ministre les a lancées à Rouen l'année dernière. Je vous invite à consulter les sites. Cela vous donnera une idée du type d'accompagnement que la PME peut trouver. Il s'agit d'un parcours. Plusieurs questions lui sont posées : avez-vous déjà exporté ? Si oui, dans quels pays ? Avez-vous dans votre équipe quelqu'un susceptible de s'occuper de l'international ? ... Les régions pilotent ces plateformes et vont travailler en partenariat avec les 235 conseillers internationaux évoqués précédemment.
Nous sommes au tout début de la réforme. Deux exemples concrets montrent qu'elle prend sur le territoire : lors d'un déplacement à Nice de M. Jean-Baptiste Lemoyne, nous avons constaté de la part de la région et des CCI une appropriation de celle-ci. Par ailleurs, hier se tenait l'assemblée générale des chambres de commerce CCI France international. Lors du dîner étaient réunis les CCI France, mais aussi le MEDEF et toutes les entreprises concernées, ainsi que des présidents de régions. Il y avait une vraie unanimité pour dire que cette réforme allait dans le bon sens. Cependant, nous sommes conscients que tout n'est pas parfait. J'ai proposé aux régions qui le souhaiteraient de me rendre ponctuellement à un comité régional, au moment de l'analyse de ses effets sur les territoires.
Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères organise chaque année un « speed-dating » dédié aux PME à l'occasion de la conférence des ambassadeurs et ambassadrices fin août. Les entreprises s'inscrivent sur une plateforme et peuvent dialoguer avec les ambassadeurs des pays qui les intéressent. Cette année, nous demandons à nos ambassadrices et nos ambassadeurs, à la fin de la conférence de se rendre dans les régions et d'organiser par groupe des rencontres avec les PME. Nos ambassadeurs doivent être pleinement en contact avec les PME.
Mme Odile Renaud-Basso. - Dans son contrat avec l'État, Business France est soumis à des indicateurs très précis d'activité : nombre d'entreprises suivies, nombre d'entreprises accompagnées, chiffre d'affaires généré... Cela va nous donner des outils fins d'évaluation. Nous évaluerons les outils financiers notamment via l'analyse du recours à l'assurance export de Bpifrance. En outre, il sera important de consulter les clients de la réforme. Dans le cadre de la réforme de l'État, nous devrions disposer de capacités d'accompagnement afin de réaliser des sondages auprès des entreprises pour évaluer l'impact de la réforme de leur point de vue. Nous interagissons également régulièrement avec les entreprises, notamment celles qui font appel à la garantie. Nous organisons des réunions « cercle de l'export » nous permettant d'obtenir un retour des entreprises et des opérateurs sur l'adéquation des instruments financiers.
Aujourd'hui, les services économiques sont complétement intégrés dans les ambassades, sous l'autorité de l'ambassadeur. Ils donnent un appui à l'ambassadeur sur l'ensemble des sujets économiques et financiers, et sont à la disposition des entreprises. Ils n'interviennent pas dans l'accompagnement opérationnel afin de chercher des marchés, mais ils peuvent régler des contentieux lorsque les entreprises ont du mal à se faire payer, ils ouvrent l'accès aux décideurs de projets, ils animent les filières à l'étranger et valorisent les savoir-faire français. Souvent, ils ont une très bonne connaissance des acteurs français implantés dans un pays, ainsi que des besoins et perspectives de développement. Ils travaillent en lien avec le bureau de Business France ou la chambre du commerce. Enfin, ils apportent un éclairage sur le risque macroéconomique. Ils peuvent ainsi donner un certain nombre d'informations clés pour les entreprises souhaitant exporter.
Le secteur agricole représente un enjeu particulier. Il y a eu une prise de conscience récente. Vous nous accusez de dresser un constat trop optimiste. Notre constat est réaliste. Il est important pour pouvoir exporter de disposer d'éléments de compétitivité et d'entreprises capables de se projeter à l'export. Les mesures prises en matière d'allégements du coût du travail apportent une première réponse, mais qui ne doivent pas être uniques. Nous avons globalement stabilisé nos parts de marché, et dans certains domaines, nous voyons un regain d'activité. Il reste beaucoup de choses à faire. La France dispose de nombreux atouts, mais elle s'est fait doubler ces dernières années dans un certain nombre de domaines. Le problème agricole reflète la dégradation générale de la compétitivité française. Des éléments plus sectoriels doivent être pris en compte. Il faut faire des distinctions entre filières. Dans la filière des vins et spiritueux, de nouveaux acteurs émergent. La France n'est plus en position dominante comme elle a pu l'être. Mais nous restons une puissance exportatrice compétitive avec un effet de marque extrêmement important. Il en est de même pour les produits laitiers, les céréales et les produits transformés. En revanche, c'est plus difficile pour les produits de l'élevage, notamment le boeuf, avec la concurrence intra-européenne : Espagne, Pologne et depuis peu émergence de l'Allemagne.
Nous devons également adapter l'offre à la demande. Nous constatons dans certains cas un décalage. Les problèmes de la France à l'exportation ne se limitent donc pas à la compétitivité coût. La filière agriculture est un pilier du pacte productif. Dans le dernier comité de filière, présidé par le ministre de l'économie et des finances, il a été demandé aux professionnels de la filière de définir un plan d'action afin de progresser sur ces sujets.
Dans les négociations internationales, nous essayons d'ouvrir des marchés agricoles à l'exportation. En effet, il y a eu de nombreuses restrictions phytosanitaires. En outre, ce sont souvent des marchés protégés. Nous portons une attention particulière à ces questions dans chaque discussion bilatérale et chaque accord multilatéral, afin de faire lever les embargos ou les restrictions d'accès aux marchés. Le secteur agricole était un élément important dans les accords de libre-échange avec le Japon et le traité CETA. L'accord avec le Japon ouvre des opportunités pour des exportations de viande de boeuf, de fromages, de vins et spiritueux. Pour le CETA, nous avons obtenu un quota pour les fromages français. Enfin, le gouvernement français agit pour que les appellations d'origine contrôlée soient prises en compte dans les négociations internationales. Nous sommes assez entendus sur ce point par la Commission européenne : dans l'accord avec le Japon et le Canada, les indications géographiques sont protégées.
L'accord de libre-échange avec le Vietnam représente un potentiel d'exportation pour nos produits agricoles. Enfin, s'agissant de la Chine, nous avons des négociations difficiles mais permanentes. Dans chaque discussion bilatérale, qu'il s'agisse de la négociation mixte avec le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, des négociations portées par le ministre des finances dans le dialogue économique et financier, nous demandons la levée des restrictions. Nous avons obtenu des évolutions favorables sur la viande bovine. Toutefois, cela reste un sujet à suivre de manière très précise. Ce sont des marchés importants sur lesquels notre accès est de facto limité.
Vous avez raison de souligner qu'il faut une prise de conscience. La France s'est endormie sur ses lauriers. Une mobilisation générale est nécessaire.
Mme Caroline Malausséna. - J'ai parlé d'excellence en matière agro-alimentaire. Je ne parlais pas de nos performances à l'export. Nous avons conscience de l'érosion que nous connaissons, mais cela concernait notre savoir-faire.
Nous travaillons avec le ministère de l'agriculture afin d'identifier des priorités à l'export. La nomination d'un fédérateur agro-alimentaire témoigne de la prise en considération de nos atouts dans ce secteur, mais également de nos faiblesses à l'exportation. M. Jean-François Loiseau, notre fédérateur, travaille étroitement avec le référent export du comité stratégique de filière, M. Michel Nalet. Un travail d'identification des priorités est en cours.
Mme Odile Renaud-Basso. - Nous pensons qu'il est utile de continuer à négocier des accords de libre-échange. L'Asie représente un potentiel très important pour les produits agricoles français. Les accords de libre-échange sont également un moyen de faire avancer nos priorités comme le développement durable : en effet, nous conditionnons l'application des traités au respect de l'accord de Paris ainsi que des conventions de l'OIT. Ainsi, avec la Corée du Sud, l'Union européenne a engagé le mécanisme de règlement des différends, car ce pays n'a pas encore ratifié toutes les conventions de l'OIT, comme elle s'y était engagée dans l'accord de libre-échange. Les accords de libre-échange sont donc des facteurs pour permettre la mise en place d'une concurrence équitable. Le Vietnam est en train de ratifier les conventions de l'OIT, car cela fait partie des engagements pris dans l'accord de libre-échange avec l'Union européenne.
Nous souhaitons utiliser de façon active l'ensemble des outils prévus dans les accords de libre-échange, afin de lutter contre le dumping et la concurrence dommageable.
La modernisation de l'OMC est un sujet extrêmement difficile. Les pays ont des positions différentes sur l'importance et l'acceptabilité des règlements de différends de valeur supranationale. L'Europe l'accepte, car cela fait partie de son ADN. Or, ce principe est remis en cause par les Américains. Ils bloquent d'ailleurs les nominations à l'organe de règlement des différends, alors que cette institution est une clé du fonctionnement du multilatéralisme. En effet, il est bien d'avoir des règles, mais il est indispensable de pouvoir régler les litiges. S'il n'y a pas d'organe d'appel, la portée du système s'en trouve affaiblie. Pour l'instant, le partenaire américain est peu enclin à changer sur ce sujet.
D'autres sujets sont mis sur la table dans le cadre de la réforme de l'OMC, notamment la transparence en matière d'intervention dans le secteur public, avec une préoccupation particulière sur la situation d'entreprises publiques extrêmement subventionnées de façon directe ou indirecte - ce qui biaise les marchés. Un groupe de travail multilatéral entre l'Union européenne, les États-Unis et le Japon a été mis en place. Il travaille au renforcement des règles internationales, notamment sur les subventions industrielles. En ligne de mire se trouve l'importance des subventions directes ou indirectes de la Chine. Des convergences de vues et d'intérêts existent. Cela progresse plutôt bien. Les discussions seront difficiles lorsque le sujet sera porté devant l'OMC, mais nous avons un début de coalition.
Un groupe de travail Union européenne-Chine existe. L'objectif est de maintenir la discussion avec la Chine.
Le Canada a également constitué le groupe d'Ottawa avec l'Union européenne, le Japon et un certain nombre d'autres pays, visant à contribuer au débat à la réforme de l'OMC.
Le G20 va être un moment important. L'année dernière, cette rencontre avait permis de donner une impulsion à la réforme de l'OMC. Depuis, peu de progrès ont été accomplis. Les discussions lors des réunions préparatoires de ce sommet ont été très difficiles. On voit qu'il y a une remise en cause du multilatéralisme. L'Europe doit continuer à promouvoir ces sujets. Mais nous ne pouvons pas être les seuls.
La France a beaucoup d'atouts en matière d'énergies renouvelables, davantage comme intégrateur que comme producteur directs de biens. Vous connaissez la problématique des panneaux solaires. Nous avons des entreprises extrêmement compétitives et très bien positionnées pour offrir des solutions intégrées, sans forcément composer l'ensemble de la chaîne de production. Les acteurs sont mobilisés, via l'assurance protection - elle aide les entreprises à aller prospecter des marchés et rechercher des contrats - ou l'assurance-crédit. C'est un domaine où nous espérons pouvoir mobiliser la garantie des projets stratégiques. C'est déjà le cas avec des entreprises dans ce secteur. Nous visons des projets permettant de conquérir de nouveaux marchés, et de sécuriser l'approvisionnement énergétique de la France. Il s'agit de l'un des projets phare du plan de relance du commerce extérieur. Ce sont souvent des investissements lourds. Disposer d'une stratégie globale avec des projets à moyen terme est primordial. Les premières instructions sont en cours.
Mme Caroline Malausséna. - Il y a une dizaine de jours, nous avons organisé au Quai d'Orsay un atelier permettant la mise en valeur de nos entreprises dans le domaine des énergies renouvelables. Nous avons fait venir toutes nos plus belles pépites et avons invité l'ensemble du corps diplomatique étranger présent à Paris à les rencontrer. Cela a été une vraie réussite, à la fois du point de vue des ambassades étrangères et de celui de nos entreprises. Ce séminaire était ouvert par Mme Brune Poirson et clôturé par M. Jean-Yves Le Drian. La démarche visant à donner de la visibilité à nos PME et les mettre en contact avec les ambassadeurs étrangers a été appréciée. Nous allons sans doute le refaire dans d'autres domaines.
M. Roland Courteau. - Vous aviez indiqué avoir nommé un fédérateur. Par ailleurs, serait-il possible d'avoir accès au compte rendu de cette réunion ?
Mme Caroline Malausséna. - Je suis allée un petit peu vite. Le fédérateur pour les énergies renouvelables va être nommé. Nous avions pour fédérateur Michel Crémieux, qui a souhaité avoir plus de disponibilités, car il est également engagé auprès de l'ONG « Electriciens sans frontières ». Nous allons dans quelques jours nommer un nouveau fédérateur « énergies renouvelables ». Plus que le compte rendu, le plus important est les rencontres entre nos entreprises et les diplomates étrangers. Je vous transmettrai la synthèse de cette journée.
Mme Odile Renaud-Basso. - Un des objets de la réforme est la diffusion d'une culture de l'export. À la suite des annonces de Roubaix, il a été décidé de financer à chaque étudiant une certification internationale à l'anglais. Dès 2019-2020, 40 000 étudiants dans les établissements universitaires passeront cette certification. C'est un premier pas.
Pour aider les entreprises à se projeter à l'export, je souhaite souligner l'importance des volontaires internationaux à l'export (VIE). Ce dispositif permet d'envoyer plus de 10 000 de nos jeunes dans plus de 130 pays, afin d'effectuer des missions temporaires à l'étranger au sein d'une entreprise française. 2 000 entreprises françaises à l'étranger bénéficient de ce dispositif. Nous instaurons la possibilité de recourir à un VIE commun à plusieurs entreprises, lorsqu'elles n'ont pas, individuellement, la capacité à occuper un VIE à temps plein. Cet outil permet d'aider les entreprises - car ce sont souvent des jeunes dynamiques, intéressés par l'international - mais aussi de former des jeunes à se tourner vers les marchés d'export - une expertise acquise dont ils pourront ensuite faire bénéficier d'autres entreprises françaises.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobile - Examen des amendements de séance au texte de la commission
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous avons 19 amendements à examiner. Je suggère que la rapporteure propose brièvement son avis. Celles et ceux qui souhaitent prendre la parole pour défendre leur amendement pourront le faire. Cependant, il est souhaitable que l'essentiel des débats aient lieu en séance.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Un certain nombre d'amendements ont déjà été déposés en commission. Nous en avons déjà débattu et nous pourrons en débattre en séance.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 15, qui propose de supprimer la référence à la 5G alors que c'est l'un des apports importants du texte de la commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 8 qui impose une notification de toute modification des appareils, ce qui serait beaucoup trop lourd.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Avis favorable aux amendements nos 3 rectifié quinquies et 1 rectifié bis, à condition que leurs auteurs retirent toute référence aux équipementiers. J'avais proposé leur retrait en commission pour pouvoir en discuter en séance.
Mme Patricia Morhet-Richaud. - J'ai rectifié mon amendement.
Mme Sylviane Noël. - Il en est de même pour celui que je propose.
La commission émet un avis favorable aux amendements nos 3 rectifié sexies et 1 rectifié ter.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Avis défavorable aux amendements identiques nos 9 rectifié et 17, qui reviennent sur la position de la commission.
Mme Viviane Artigalas. - L'article précise que le dossier de demande d'autorisation ne mentionnera pas le périmètre géographique d'exploitation du réseau, alors que le fait de savoir où les équipements seront déployés sera essentiel dans l'instruction de la demande par les services de l'État. Supprimer cette mention pourrait d'ailleurs aboutir à ce qu'on ne veut pas, c'est-à-dire, à l'interdiction, par précaution, d'un équipementier sur l'ensemble du territoire. Nous partageons avec le rapporteur la préoccupation selon laquelle l'État n'a pas à conduire la politique d'achat des opérateurs. Cet amendement ne remet pas en cause cette orientation. Il se contente de réinsérer la mention du périmètre géographique de déploiement dans le dossier de demande. Ne pas le faire serait, à mon sens, une erreur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Je maintiens mon avis défavorable. Nous pourrons obtenir des réponses du Gouvernement en séance, notamment lors de l'examen de l'amendement n° 10 rectifié.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 9 rectifié et 17.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - L'amendement n° 13 rectifié porte sur le commissariat aux communications électroniques de défense. Personne n'a défendu la nécessité de son avis durant les auditions. Ne rajoutons pas une étape dans la procédure. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement identique no 13 rectifié.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Avis de sagesse à l'amendement n°10 rectifié.
Mme Viviane Artigalas. - Cet amendement n'a de sens que pour contrebalancer la mention du périmètre géographique dans le dossier de demande d'autorisation. Si on la supprime, il n'aura plus d'objet.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Nous pourrons en discuter en séance avec la ministre.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 10 rectifié.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Avis défavorable sur les amendements nos 11 rectifié et 19, qui reviennent sur la position adoptée en commission.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 11 rectifié et 19.
Article additionnel après l'article 4
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°12 rectifié, conformément à notre position constante sur les demandes de rapport.
Mme Viviane Artigalas. - Nous avons été au moins trois à demander cette évaluation. Madame la rapporteure, vous nous aviez dit qu'il n'y avait eu ni étude d'impact, ni avis du Conseil d'État. Le rapporteur pour avis de la commission de la défense et Mme Anne-Catherine Loisier ont réclamé cette évaluation.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Grâce à une proposition de résolution émanant de votre groupe, il revient au rapporteur du texte de suivre l'application de la loi. N'en doutez pas, je m'y emploierai.
Mme Viviane Artigalas. - Un rapport aurait plus d'impact.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Je n'en suis pas certaine.
M. Marc Daunis. - Je ne suis pas favorable aux rapports. Cependant, veillons à ne pas nous priver d'instruments d'évaluation. Dans cette commission, nous avons voté un rapport, il n'y a pas si longtemps. Nous observons une convergence de vues dans l'hémicycle sur la nécessité d'une évaluation. Ayons le débat en séance. Ce serait une erreur de ne pas intégrer cette demande de rapport dans le texte.
M. Fabien Gay. - N'interdisons pas complètement les rapports, même s'il ne faut pas les multiplier. On pourrait donner un avis de sagesse à cet amendement pour avoir le débat en séance.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Soit. Sagesse.
M. Franck Montaugé. - Je me réjouis qu'il revienne au rapporteur de procéder au suivi et à l'évaluation des textes votés. Cependant, cette disposition n'est pas exclusive de la production d'un rapport par les services concernés. Il s'agit de donner des moyens aux forces de sécurité. Le travail de la rapporteure pourrait s'alimenter au contenu d'un rapport. La 5G va évoluer en fonction des technologies mobilisables. Nous devrons revenir régulièrement sur le sujet. Il faut que nous en discutions en séance.
Mme Catherine Procaccia, rapporteure. - Sagesse, tout en sachant que dans le rapport, on n'aura que l'avis du Gouvernement, pas celui des opérateurs. Le rapport ne sera que partiel.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 12 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous nous retrouverons pour l'examen de ce texte, cet après-midi, en séance.
À la suite d'un débat, la commission a prononcé un avis sur l'ensemble des amendements de séance, ces derniers sont repris dans le tableau ci-après :
Proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles - Désignation des membres de l'éventuelle commission mixte paritaire
La commission soumet au Sénat la nomination de Mmes Sophie Primas, Catherine Procaccia, M. Pascal Allizard, Mmes Anne-Catherine Loisier, Viviane Artigalas, M. Rachel Mazuir et Mme Noëlle Rauscent, comme membres titulaires, et de MM. Patrick Chaize, Olivier Cigolotti, Yvon Collin, Fabien Gay, Franck Montaugé, Mmes Patricia Morhet-Richaud et Sylviane Noël, comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire qui pourrait se tenir à l'Assemblée nationale le mercredi 3 juillet prochain à 18h30.
Groupe de travail relatif aux conséquences économiques des violences commises en marge des manifestations des gilets jaunes - Présentation du rapport d'information
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Je laisse la parole à notre rapporteur sur ce groupe de travail.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteure. - Lorsque nous l'avons auditionné le 19 mars, nous avons tous entendu le ministre de l'économie et des finances nous annoncer que les mesures de soutien aux commerçants et artisans impactés par les violences en marge du mouvement de gilets jaunes permettraient d'éviter toute faillite.
Dans la foulée, notre commission a annoncé la création d'un groupe de travail pour évaluer les conséquences économiques de ces violences, et leur prise en charge par les pouvoirs publics. Je souhaite aujourd'hui vous présenter nos conclusions et nos recommandations. Je souhaite au préalable remercier l'administrateur qui m'a assistée dans cette mission. Il a réalisé à mes côtés un travail de grande qualité.
Nous avons échangé avec environ quarante-cinq personnes, reçu environ une trentaine de contributions écrites. Il ressort de notre travail que les violences commises sont amenées à accentuer le phénomène de dévitalisation des centres-villes à l'oeuvre depuis de nombreuses années et que notre collègue Martial Bourquin a minutieusement étudié l'an dernier lorsqu'il a proposé un Pacte national de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs.
Nous avons pu nous en rendre compte facilement : les violences et débordements ont eu un impact dramatique sur leur activité - en moyenne, 30 % de baisse de chiffre d'affaires sur plusieurs mois. Surtout, leurs conséquences continuent de se faire sentir aujourd'hui, et le pire est peut-être à venir en termes notamment de défaillances d'entreprises. Les évènements ont eu lieu hier, les conséquences sont demain.
Ces violences et débordements sont inédits tant par leur intensité que par l'ampleur et la durée de leur impact sur les commerçants et artisans. La répétition hebdomadaire des violences pendant six mois traduit une défaillance de l'État dans sa fonction régalienne de maintien de l'ordre public et un manque dans la protection de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce et de l'industrie.
Il me semble également que les premières victimes de ces agissements sont les salariés, qui sont loin d'être des privilégiés : plusieurs d'entre eux sont traumatisés psychologiquement par les agressions, qu'elles soient physiques ou verbales. Ils sont en outre victimes d'une réduction de leurs revenus et témoins d'une diminution brutale des opportunités d'emploi.
Rendez-vous compte, mes chers collègues, que les violences se sont déroulées dans les centres-villes alors que ces derniers sont déjà fragilisés depuis de nombreuses années par une désertification croissante, comme en témoigne l'évolution des taux de vacance commerciale. Ces débordements ne peuvent qu'accentuer ce phénomène déjà critique.
Au total, les préjudices économiques se comptent en plusieurs centaines de millions d'euros pour les dommages matériels et même en plusieurs milliards d'euros pour les pertes d'exploitation des entreprises. En moyenne, l'activité dans les centres-villes a diminué entre 20 % et 30 % depuis six mois.
Par ailleurs, les conséquences économiques sont multiples : les pertes sont souvent irrécupérables, des stocks sont vendus à faibles prix, les commerçants réalisent des promotions désespérées pour compenser les pertes, la trésorerie s'assèche dramatiquement, leurs dossiers bancaires se dégradent, des retards de paiement des fournisseurs sont constatés et entraînent des réactions en chaîne.
Certaines entreprises ont souscrit une clause assurantielle « perte d'exploitation » qui les indemnise de ces pertes en cas de dommages matériels ; mais très rares sont les entreprises qui sont protégées par une garantie « perte d'exploitation » lorsqu'il n'y a pas de dommage, en raison notamment du coût très élevé de ces contrats.
Nous l'avons entendu tout au long de nos auditions : les violences ont accompagné et parfois initié un changement des habitudes de consommation qu'il sera difficile d'inverser (que ce soit le report vers le commerce en ligne ou la désertification des centres-villes le samedi et même en semaine). Ces conséquences économiques sont en outre appelées à se poursuivre.
Pour prendre en charge ces conséquences économiques, le Gouvernement a préféré rappeler les dispositifs existants et les intensifier légèrement plutôt que de prendre des mesures nouvelles. Ces dispositifs sont les suivants : l'activité partielle, l'ouverture le dimanche, les reports d'échéances sociales et fiscales, quelques remises fiscales, la médiation du crédit, les prêts garantis par Bpifrance. Une seule mesure nouvelle a été décidée : une enveloppe de 5,5 millions d'euros destinée à cofinancer des opérations de communication dans les centres-villes afin de les redynamiser.
Il faut reconnaître qu'une partie de ces dispositifs existants présente une certaine efficacité et que les leviers de communication utilisés ont été nombreux. Toutefois, cette communication a été affaiblie par le trop grand nombre d'interlocuteurs mobilisés ; un sentiment de confusion est né d'un nombre trop important de « mesurettes ».
Surtout, et je crois que ce point est clef, mes chers collègues : plusieurs de ces mesures sont insuffisamment ciblées, donc inadaptées à la situation de TPE qui n'ont ni le temps ni les moyens d'affronter tant de complexité administrative.
À l'issue de nos travaux, je crois que nous pouvons conclure que cette réponse témoigne d'une mauvaise compréhension de l'ampleur des impacts que ces violences ont pour les entreprises.
Certes l'exécutif a été contraint de réagir en urgence, j'en conviens tout à fait. La violence de certaines manifestations nous a tous pris de court. Mais rien ne justifie que les mesures les plus utiles aux entreprises et les plus demandées aient été repoussées ou retardées volontairement (je pense à l'idée d'un fonds d'indemnisation nationale, à une exonération de certains impôts plutôt que leur report, ou tout simplement au fait de faire respecter les interdictions de manifestation lorsqu'elles ont été prises !).
On pourra certes nous rétorquer qu'aider ces entreprises coûte cher : mais l'État a prévu 17 milliards d'euros pour répondre à la crise, contre seulement 5 millions d'euros pour aider nos entreprises qui font vivre tant de nos territoires. Il y a un vrai sentiment de « deux poids, deux mesures ».
Bien sûr, des mesures d'ampleur sont nécessaires face aux situations économiques que vivent nombre de nos concitoyens, mais les artisans et commerçants impactés ne doivent pas être les grands oubliés de la solidarité nationale !
Pourtant, les appels à l'aide de nos artisans et commerçants sont restés sans vraiment de réponse à la hauteur, alors qu'ils ont été relayés dès le début du mouvement... Par conséquent, les entreprises ont très peu sollicité ces aides, par pudeur mais surtout par peur de la complexité de ces dossiers et car elles ne répondaient que peu à leurs attentes.
Les CCI et les CMA ont été très sollicitées afin de diffuser l'information auprès des entreprises, de les accompagner dans leurs démarches et de remonter leurs difficultés. Elles ont assumé ce rôle avec beaucoup d'engagement et d'efficacité, dans un contexte budgétaire pourtant très contraint. Ce professionnalisme doit être salué.
De nombreuses collectivités territoriales ont également répondu présentes. Nous pouvons dire que ces collectivités, ces chambres consulaires, ont assumé en lieu et place de l'État une grande part de sa responsabilité : elles ont pris en charge les conséquences économiques par des fonds d'aides directes locaux, des exonérations de droits d'occupation du domaine public et tentent aujourd'hui de redynamiser les centres-villes. Tout cela vient réparer des dégâts alors qu'à l'origine, il y a eu une défaillance de l'État dans le maintien de l'ordre public, dans sa première fonction régalienne !
Malheureusement, ces mesures d'aides ont également atteint leurs limites, étant donné que les critères d'éligibilité ont souvent été fixés à des niveaux qui empêchaient, dans les faits, les entreprises de s'en saisir.
En conclusion, il y a eu un manque de l'État dans sa gestion de l'ordre public, qui s'est traduit par des conséquences économiques terribles pour les commerçants (environ 30 % de pertes dans les centres-villes, sans compter les dégâts matériels). Pour soutenir ces entreprises, l'État a annoncé des mesures qui n'étaient ni nouvelles, ni bien adaptées à la démesure de la situation. Ce sont donc les collectivités locales et les chambres consulaires qui ont pris le relai, alors que cela relevait de la responsabilité de l'État.
À la suite de ce constat, nous effectuons plusieurs recommandations, qui s'articulent autour de trois axes.
- Le premier axe concerne la protection des entreprises en amont, lorsqu'une manifestation violente est susceptible d'intervenir et qu'il faut les prévenir. Nos collègues de la commission des lois avaient proposé neuf mesures, le 10 avril dernier, pour améliorer le maintien de l'ordre public. Par exemple : amplifier l'effort de renseignement en amont des manifestations et systématiser la pratique des retours d'expérience en préfecture, pour s'adapter à la prochaine. L'État doit se saisir de ces propositions équilibrées ! J'en profite pour vous dire que nous avons rencontré sur les Champs-Elysées une grande marque de distribution, Publicis, qui a subi des violences à la suite de la finale de la coupe du monde de football en 2018 : les conséquences ne sont toujours pas réglées à ce jour. Publicis n'a donc pas tiré profit de ce qu'il s'est passé depuis en termes d'activité.
Nous pouvons également recommander de mieux cibler les périmètres d'interdiction de circuler. Certains étaient trop larges et duraient bien après la manifestation, ce qui a pénalisé inutilement les commerçants des centres-villes.
- Le deuxième axe concerne le fait que l'État doive prendre ses responsabilités. Tous les commerçants le disent : les mesures les plus utiles ne sont pas des prêts à taux zéro ou des reports d'échéances. Il faut un fonds national d'indemnisation, avec des critères d'éligibilité qu'il ne nous appartient pas de fixer ici.
L'autre solution est de s'inspirer d'une clause de « retour à meilleure fortune » : l'État abandonnerait certaines créances fiscales jusqu'à ce que la situation de l'entreprise puisse s'améliorer.
Nous recommandons aussi de s'inspirer de ce qui se fait en matière agricole : l'État pourrait ainsi prendre en charge une partie de la prime d'assurance liée à la garantie « perte d'exploitation sans dommage matériel ». Le nombre d'entreprises protégées augmenterait et les primes d'assurance baisseraient en conséquence.
J'ai bien conscience que la probabilité que l'État reprenne entièrement à son compte ces mesures est faible. Je crois qu'il est important que l'on puisse alimenter le débat public en propositions, charge au Gouvernement ensuite d'expliquer pourquoi aucune amélioration de la protection des entreprises n'était possible.
Une quatrième recommandation dans cet axe concerne le fait de faciliter le recours au tribunal afin d'engager la responsabilité de l'État du fait des attroupements. Aujourd'hui un tel recours a peu de chance d'aboutir et coûte cher : l'article de loi est assez flou, et la jurisprudence qui est venue le compléter est complexe et un peu hasardeuse. Il faudrait réécrire cet article afin de clarifier certains points. En outre, un tel recours coûte cher pour le justiciable. Nous proposons de réfléchir à une protection juridique de type « garantie défense recours » qui serait souscrite dans les polices d'assurance, sous forme d'une prise en charge financière des frais d'avocat à l'occasion d'un tel recours lié à ces sinistres.
- Le troisième axe, enfin, concerne le fait de favoriser l'accès des entreprises aux aides publiques. Pour ce faire, il importe de recommander d'une part que les critères d'éligibilité des fonds d'aides soient assouplis, afin de ne pas exclure bon nombre d'entreprises. D'autre part, il serait utile de généraliser à tout le territoire le principe des « guichets uniques » au sein des CCI et CMA qui réunissent tous les acteurs publics de soutien. Ainsi, les aides seraient beaucoup plus lisibles et les petites entreprises seraient aidées dans la constitution de leurs dossiers.
D'autres éléments et recommandations figurent dans le rapport, mais nous avons souhaité nous en tenir à l'essentiel.
Mes chers collègues, je vous remercie pour votre attention, et je suis prête à répondre à toutes vos questions, notamment sur les auditions réalisées.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Merci beaucoup pour ce rapport qui nous rappelle en effet des événements assez douloureux. Je note au passage que les medias sont très présents sur l'événement, l'oublient vite et, surtout, oublient les conséquences de l'événement et c'est bien ce dont il est question aujourd'hui.
Nous avions reçu ici-même le ministre de l'intérieur et le ministre de l'économie sur ce sujet. J'avais alors posé la question de la possibilité d'un fonds d'aide qui pourrait être alimenté par la taxe GAFA, qui est censée rapporter 500 millions d'euros. Le ministre avait alors écarté cette idée mais, à la lumière de ce rapport, je maintiens que cette piste reste à creuser.
M. Roland Courteau. - J'adresse mes félicitations à la rapporteure. Vous aviez interrogé la semaine dernière le directeur de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) sur les pertes de revenus commerciaux imputables au mouvement des gilets jaunes. J'avais également posé la question, après vous, des initiatives éventuelles pouvant être prises par la CDC sur ce sujet mais je ne me souviens pas de la réponse qui a été apportée...
Mme Viviane Artigalas. - Les grandes villes ont été particulièrement médiatisées, mais les villes moyennes qui avaient déjà de nombreuses difficultés en centre-ville ont été très impactées également. La situation était déjà fragilisée par la crise des centres-villes et bien que les violences aient été moins spectaculaires, les dégâts économiques sont considérables. Je précise que le blocage des ronds-points dans les départements ruraux a été particulièrement préjudiciable aux commerces de ces centres-villes car les habitants du département ont changé leurs habitudes et leurs parcours d'achats et ont cessé de venir dans ces centres-villes. Ils ne se sont pas tous rabattus sur le commerce électronique mais, en tous cas, de nombreux commerces de centre-ville ont été amenés à licencier du personnel pour survivre. Me confirmez-vous ces difficultés des villes moyennes ?
M. Daniel Gremillet. - Je voudrais vous dire combien je partage votre diagnostic qui rejoint parfaitement les remontées de terrain des maires et commerçants. On a beaucoup parlé des grandes villes mais l'impact sur les territoires a été bien plus profond et bien plus fin que cela. Il y a des changements d'habitude, qui durent. Enfin, s'agissant des propositions, je suggère de prolonger la réflexion pour prendre en compte toute la chaîne commerciale, avec, en particulier, le cas des entreprises qui ont été pénalisées à cause de retards de livraison imputables à des facteurs exogènes.
M. Laurent Duplomb. - Ma principale réflexion porte sur le phénomène nouveau auquel on assiste dans la gestion des crises : l'État n'est plus capable de les gérer, mais surtout l'État fait des choix. L'image que je garde en mémoire est celle des forces de l'ordre qui reculent et laissent piller les magasins par certains manifestants. Cela me paraît inacceptable : l'État doit garantir la sécurité des personnes mais aussi des biens. Si l'on poursuit dans cette voie, les manifestants auront désormais beau jeu de s'organiser pour piller magasins, maisons ou autres. Ce n'est pas acceptable dans une société organisée. Il est intolérable de laisser piller, en quelques minutes, le résultat du travail de toute une vie. Il faut que ce rapport soit mis en avant.
J'ai assisté à la réunion avec les ministres qui nous assuraient avoir pris la mesure du problème, tant sur la problématique sécuritaire que sur celle du remboursement ou du moins des aides aux commerçants. Au vu de ce rapport, nous voyons que tout cela était des mots et que l'action est loin d'être acquise.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Madame la Rapporteur, vous avez la parole.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteure. - Monsieur Courteau, vous avez entièrement raison : je n'ai pas eu de réponse à ma question durant l'audition du directeur général de la CDC. L'État peut pourtant consulter la Caisse pour trouver la solution. Si on veut faire un fonds d'indemnisation géré par la CDC, c'est l'une des solutions à envisager. Quant au fond du problème, il ressort de nos auditions qu'il y a eu une défaillance de l'État dans le maintien de l'ordre public. Le droit de manifester existe, mais celui d'entreprendre librement aussi.
M. Laurent Duplomb. - Sans oublier le fait que les commerçants ont payé pour se protéger !
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteure. - Tout à fait, ils sont en outre très résignés. Ils ont subi ces manifestations et ont été victimes de dommages, ont perdu du chiffre d'affaires, ont rencontré des problèmes avec leurs salariés et pour poursuivre l'activité. Ils ne demandent que le retour à l'ordre public. Une crise qui dure durant six mois est impossible à supporter pour une PME. Une grande entreprise peut le supporter, mais la France ne se résume pas à ces entreprises : c'est avant tout des PME, des PMI, des artisans, des commerçants, des professions libérales. Les grandes entreprises qui ont des succursales ont fermé certains points de vente et restitué le bail au propriétaire. Mais la petite entreprise, elle, dépose le bilan !
À titre personnel, je suis convaincue que pour les commerçants, le problème se posera au deuxième semestre, car le chiffre d'affaires au cours des six premiers mois de l'année n'était pas au rendez-vous. Certes ils ont obtenu des reports d'échéances, mais ils vont avoir à payer maintenant les arriérés et les charges courantes. Or, le chiffre d'affaires n'est toujours pas suffisant. Nous avons rencontré plusieurs présidents de CCI, qui attestent que pour l'instant les procédures de dépôts de bilan n'augmentent pas mais que le deuxième semestre sera très dur pour les entreprises.
Les salariés sont traumatisés psychologiquement. Dans certains magasins, des casseurs ont voulu rentrer avec des tronçonneuses ! Les salariés dans ces zones sont bloqués par l'absence de transport en commun, leurs revenus sont amoindris et ils vivent dans une atmosphère de violence physique et verbale. Certains ont perdu jusqu'à 1 000 euros de salaire par mois. Ce ne sont pas des privilégiés ! Les difficultés sont les mêmes, quel que soit l'endroit où le salarié travaille.
Les impacts ont été ressentis aussi bien dans les métropoles (Bordeaux, Dijon, Marseille, etc.) que dans les plus petites villes. La plus grosse conséquence de ces violences est le changement de comportement du consommateur vis-à-vis de l'acte d'achat. Le transfert n'a certes pas été automatique vers les sites internet, mais le mode de consommation a changé. On a observé par exemple une baisse de la consommation, car l'achat plaisir du samedi a disparu durant six mois. Samedi dernier en revanche, le chiffre d'affaires est reparti à la hausse. Espérons que cela dure !
Des avantages ont été consentis comme l'ouverture le dimanche. Mais le commerçant ne peut pas ouvrir le dimanche ou bénéficier de l'activité partielle : il veut garder son salarié, et a souvent baissé son salaire pour faire vivre ses salariés.
Ce que demandent les commerçants n'est pas un report d'échéance mais un abandon de créances. Par exemple, avec « retour à meilleure fortune ». Ce qui compte, c'est de ne pas avoir de délai fixe de remboursement. Car si le commerçant n'a pas de trésorerie, cela ne servira à rien de lui imposer un paiement qui accentuera ses difficultés.
M. Michel Raison. - Il pourrait être pertinent de reprendre les propos du ministre de l'économie qui nous avait dit qu'aucune entreprise ne sera affectée et qu'il fera tout pour qu'il n'y ait pas de difficulté. Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent. Il y a eu des reports de charges certes, mais cela n'a jamais supprimé les difficultés. Nous pourrions lui adresser un courrier à ce sujet, comparant ses propos avec la réalité.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteure. - Nous avions tous entendu la même chose. Au début de notre rapport, nous rappelons ces propos.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Donc il faut lui envoyer le rapport.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteure. - Nous pourrions le ré-auditionner au deuxième semestre.
La commission des affaires économiques autorise la publication du rapport.
La réunion est close à 11 h 30.