Mercredi 12 décembre 2018
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Audition de M. Alain Weill, président-directeur général d'Altice France
Mme Sophie Primas, présidente. - Nous accueillons aujourd'hui Alain Weill en sa qualité de président-directeur général d'Altice France. Nous sommes heureux de vous recevoir, près de deux ans et demi après avoir accueilli M. Patrick Drahi. Altice est la maison-mère d'un groupe actif dans de nombreux secteurs d'activité : SFR dans les télécoms, ou BFM et RMC dans l'audiovisuel, avec une stratégie constante de convergence entre télécoms et audiovisuel. Vous êtes également présents dans la presse et le cinéma, et vous souhaitez désormais vous positionner sur les services financiers. Le groupe est actif aux États-Unis, au Portugal, en Israël et en République dominicaine. SFR représente tout de même plus des trois quarts du chiffre d'affaires du groupe hors États-Unis.
Votre groupe a dû faire face, en fin d'année dernière, à d'importantes difficultés boursières en raison du niveau singulièrement élevé de son endettement. Il a, par conséquent, engagé de substantielles réorganisations et réorientations stratégiques. Pour la première fois dans l'histoire du groupe, vous avez procédé à de nombreuses cessions, notamment sur les infrastructures françaises. En juin dernier, vous avez cédé 49,99 % de la société détenant votre réseau mobile français au fonds d'investissement américain KKR. À la fin du mois dernier, vous avez annoncé la cession de 49,99 % du capital de la société détenant votre réseau en fibre optique à un consortium de fonds d'investissements composé des assureurs Axa et Allianz et du fonds de pension canadien OMERS infrastructures. Ces cessions sont-elles de nature à compromettre le bon déroulement de vos déploiements fixe et mobile, alors que vous avez pris de nouveaux engagements ?
Les difficultés de la fin d'année dernière vous ont également amené à renoncer à votre ambition de « fibrer la France » sans concertation avec les collectivités territoriales. Depuis, vous souhaitez davantage coopérer avec celles-ci, et cette orientation est bienvenue. Votre groupe participe-t-il au processus toujours en cours d'appels à manifestation d'engagement locaux (dits « AMEL ») dans les zones moins denses d'initiative publique ?
Votre groupe s'est également lancé dans une reconquête des clients, à travers d'importantes promotions. Néanmoins, votre chiffre d'affaires et votre marge bénéficiaire ont encore chuté au troisième trimestre. Cette stratégie ne semble pas convaincre les marchés financiers. Quels sont les axes d'amélioration ? Les promotions « à vie » seront-elles respectées ?
Par ailleurs, vous considérez qu'une consolidation du secteur est inévitable, à court ou à moyen terme. Vous pourrez nous expliquer en quoi ce scénario serait, selon vous, positif pour les consommateurs et pour la compétitivité du secteur français. Enfin, nous aimerions connaître votre stratégie sur la 5G et ce que vous pensez de la feuille de route établie par le Gouvernement en juillet dernier.
M. Alain Weill, président-directeur général d'Altice France. - Merci de m'accueillir ici au Sénat, dans la maison des territoires. Je commencerai par quelques mots sur l'historique du groupe Altice. Le groupe a été créé dans les années 90, à Châteaurenard, lorsque Patrick Drahi a eu l'intuition qu'il était judicieux d'investir dans le câble, que cette technologie avait de de l'avenir. Il avait 30 ans. Il a eu du mal à trouver un financement local pour l'aider à câbler la ville de Châteaurenard, parce que le système bancaire français n'était pas prêt, et il a trouvé un investisseur américain. Finalement, dans les années 2000, il s'est retrouvé à la tête de la quasi-totalité du câble en France avec le groupe Altice, en ayant investi des milliards d'euros, parce qu'il avait eu cette vision, au moment où les investisseurs institutionnels ou les grosses entreprises publiques ou privées ne croyaient plus à l'avenir du câble. Le câble est le coaxial du cuivre, de la télévision par câble, et, aujourd'hui, de la fibre. Il a donc eu la vision depuis 30 ans de faire passer tous les moyens de communication modernes à travers un câble. Patrick Drahi n'est pas un aventurier : diplômé de Polytechnique, il est expert des télécommunications et aussi des financements, ce qui est indispensable lorsque l'on investit dans des infrastructures aussi lourdes.
Le groupe Altice est partagé en deux divisions principales. La première, en Europe, représente 70 à 80 % du chiffre d'affaires. Cette division est présente en France, qui représente 40 % du chiffre d'affaires du groupe, au Portugal, en République dominicaine et en Israël. Au Portugal, nous sommes l'acteur historique puisque nous avons repris Portugal Telecom : le système de déploiement de la fibre y est complètement différent, car il repose sur une licence nationale qui permet de déployer sur l'ensemble du territoire. Nous aurons terminé de fibrer 100 % du pays en 2019, et tous les Portugais auront donc accès à la fibre grâce à nous. De même, on a envie d'être l'un des acteurs principaux du déploiement de la fibre en France. L'autre division concerne les États-Unis. Jamais une entreprise française n'a investi autant aux États-Unis et avec succès. Nous contribuons à fibrer New York et les États-Unis, avec succès. Il est vrai que notre groupe a des dettes très importantes, mais l'activité des télécoms est très généralement associée à des dettes très élevées, un peu comme l'immobilier, car elle repose sur des actifs importants et des revenus récurrents. Il y a deux options. Soit vous ouvrez votre capital pour financer votre développement, et vous perdez l'indépendance de votre groupe ; soit vous souhaitez conserver le contrôle de votre groupe et vous avez recours à la dette. Patrick Drahi a toujours voulu contrôler son groupe. Depuis trente ans qu'il est dans ce métier, il n'a jamais fait d'erreur stratégique. C'est un entrepreneur extrêmement solide, visionnaire. Il a un associé principal, Armando Pereira, Français d'origine portugaise, il est arrivé en France dans les années 70, comme travailleur clandestin. Il a d'abord travaillé dans une entreprise textile du Nord de la France puis il a découvert le monde des télécoms à l'heure du déploiement du cuivre pour le téléphone fixe, enjeu des années du septennat de M. Valéry Giscard d'Estaing. Avoir Armando Pereira à nos côtés est une grande chance parce qu'il a tout connu : il a démarré dans une tranchée avant de créer son entreprise, de la revendre et de s'associer à Patrick Drahi. Altice est donc un groupe très solide qui n'a qu'un métier et qui le fait bien. Le groupe sera donc à la hauteur pour le déploiement de la 4G et de la 5G.
Il y a un an, nous avons rencontré une secousse boursière forte. Depuis, nous avons modifié notre organisation. Le retournement de SFR, cette année, a été exceptionnel. Lors de la reprise de la société, la qualité du réseau était mauvaise et la dette était élevée. Une restructuration était indispensable après l'arrivée du 4ème opérateur, comme l'ont également fait Bouygues Telecom et Orange. Cette année, les actionnaires ont été très présents et le retournement s'est fait à une vitesse incroyable. J'ai rejoint Altice il y a trois ans quand je lui ai cédé mon groupe NextRadioTV. Aujourd'hui, je suis le président de SFR et le directeur général d'Altice Europe, ce qui prouve que la convergence a très bien fonctionné. Nous nous entendons très bien : Patrick Drahi est le stratège, l'homme du marketing et des prix. Armando Pereira est l'homme des opérations et un expert du déploiement ; il est en train d'industrialiser le déploiement de la fibre en France. Je suis l'homme des médias et des relations institutionnelles, et, à ce titre, je suis très souvent sur le terrain, dans les communes, dans les régions, dans les départements car nous avons gagné beaucoup d'appels d'offres depuis un an : en Corse, dans le Gard, dans les Pyrénées Atlantiques, en Isère ou dans l'Oise, où le déploiement est presque terminé, etc. Le retournement de l'entreprise cette année a été incroyable : alors que nous perdions des clients, nous sommes l'opérateur qui a le plus recruté de clients cette année, tant sur le fixe que sur le mobile. Les résultats de SFR du 3ème trimestre ont été les meilleurs du groupe depuis 2005. Certes les marges ont baissé comme celle de nos concurrents : comme il y a quatre opérateurs en France, la concurrence est féroce et se fait sur les prix. On pourrait penser que c'est bon pour le consommateur, mais cela retarde aussi les investissements des opérateurs télécoms. Nous avons décidé cette année de ne pas casser les prix, mais de répondre aux offres promotionnelles de nos concurrents. Cela a été efficace puisque nous avons regagné le million de clients que nous avions perdu, certes au détriment des marges, mais notre stratégie est totalement maîtrisée car l'année prochaine SFR retrouvera le chemin de la croissance, avec un chiffre d'affaires et sans doute un résultat en hausse. Nous avons aussi investi dans le contenu, moyen de faire remonter le revenu par abonné en vendant des programmes. On a lancé cette année, avec succès, RMC Sport, qui compte deux millions d'abonnés. Nous développons aussi des chaînes de télévision locales, comme BFM Paris, et nous lancerons BFM Lyon au 2ème trimestre. Nous croyons beaucoup à la télévision sur le digital, en direct, en linéaire ; la France a beaucoup de retard sur la télévision locale.
SFR ne souhaite pas particulièrement la consolidation du secteur, nous ne sommes pas contraints. Notre cash flow est positif, ce qui signifie que nous avons les moyens de notre ambition comme Orange, tandis que les deux autres opérateurs, plus petits, ne sont pas dans la même situation. À un moment, il y aura un rendez-vous avec l'histoire, quand les investissements devront encore augmenter pour développer la 5G, comme cela s'est passé dans beaucoup de pays. Aux États-Unis, il y a quatre opérateurs mobiles et ils vont passer à trois au moment où la 5G est lancée parce que les deux plus petits se sont rendu compte qu'ils ne pourraient pas financer un réseau supplémentaire. En Chine, le nombre d'opérateurs est passé de trois à deux. En Europe, on compte 87 opérateurs, mais à 87 on ne peut pas financer les infrastructures nécessaires pour la fibre ou la 5G. C'est révélateur des difficultés de l'Europe. Notre continent risque de prendre beaucoup de retard...
La stratégie de SFR repose sur trois piliers : d'abord satisfaire nos clients pour regagner leur confiance. En France, nos clients - ils sont vingt millions - ont été perturbés par les soubresauts de la transformation de SFR ces dernières années. Mais nous avons fait un travail considérable depuis un an. Si nous recrutons des clients, c'est qu'ils sont davantage satisfaits. Le nombre de clients qui partent a baissé, preuve qu'il y a beaucoup moins de problèmes. J'ai lu hier un rapport de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'Arcep, sur la relation client, qui pointe du doigt SFR. J'ai trouvé cette étude de mauvaise foi. L'Arcep n'a pas pour mission de jouer le rôle des associations de consommateurs. Elle le fait d'ailleurs très maladroitement ; elle ne tient pas compte des tendances qui évoluent considérablement tandis que l'écart de notation entre les opérateurs n'est pas très important. La réalité c'est que la relation client change, même si elle est encore loin d'être parfaite aujourd'hui. Modifier la perception de l'opérateur par les clients prend beaucoup de temps. Au moment où l'Arcep publie son rapport, nous avons déjà réalisé un travail considérable. Nos propres études sur l'appréciation des clients ou des études qui sont communes et publiques montrent que sur beaucoup de critères, là où nous étions derniers, nous sommes passés en troisième, voire en deuxième position. La tendance est claire, même s'il reste encore beaucoup de travail à faire.
Les infrastructures constituent une autre de nos priorités. SFR a fait le choix d'investir dans ses infrastructures. Nous ne sommes pas seulement un opérateur commercial, nous souhaitons être aussi un opérateur d'infrastructures. Nous sommes présents sur toutes les délégations de service public (DSP), sur toutes les zones AMEL ; nous avons signé un accord avec Orange pour réaménager la zone d'Appel à Manifestation d'Intention d'Investissement (zone AMII) et nous avons pris des engagements de déploiement vis-à-vis du Gouvernement dans cette zone de moyenne densité. Nous nous appuyons sur notre réseau câble qui est maintenant celui de la fibre FTTB (Fiber To The Building) en très grande partie et qui finalement passera en FTTH (Fiber To The Home). Notre force est d'avoir cru depuis toujours au câble. Nous sommes le numéro un du très haut débit en France. Un abonné au câble modernisé jouit d'une expérience en matière de télévision et d'Internet très haut débit qui est équivalente à celui qui est abonné FTTH ; quand des services sophistiqués permettant de remonter de la donnée depuis le consommateur jusqu'à l'opérateur se développeront, il sera indispensable de passer du FTTB au FTTH, c'est d'ailleurs ce que nous avons commencé à faire. En étant candidat à toutes les DSP et dans toutes les zones AMEL en France, nous espérons passer de 11 millions de prises à 20 millions de prises. C'est pour cela que nous avons créé la société SFR FTTH, que nous contrôlons, qui s'appuie sur des investisseurs européens, Allianz et AXA, et sur un opérateur canadien. Cette société dispose ainsi de financements très importants, ce qui sécurise notre objectif de devenir l'un des deux premiers acteurs du déploiement de la fibre en France. Vous avez aussi fait allusion à l'opération que nous avions réalisée avec KKR dans les pylônes : nous n'avons pas cédé notre réseau mobile mais la moitié de nos tours et nous possédons 51 % de la société qui les contrôle, tandis que nous possédons toujours l'autre moitié de nos tours. Il y a quelques années, Bouygues avait aussi cédé la totalité de ses tours à un spécialiste des infrastructures. C'est une tendance générale dans tous les pays, mais nous avons souhaité garder le contrôle de cet actif important. Investir dans les infrastructures est pour nous, en effet, prioritaire parce que le secteur est évolutif. Or toutes les évolutions, qu'il s'agisse de la transformation digitale, avec les réseaux sociaux ou l'e-commerce, ou des mutations de la télévision, avec les programmes délinéarisés, le replay ou l'arrivée de Netflix, tout cela passera par nos réseaux ! C'est pourquoi il est essentiel de posséder les infrastructures.
La dernière priorité, c'est la convergence médias-télécoms. L'essentiel des débits sur nos réseaux est constitué des contenus ; cela n'était pas le cas il y a encore quelques années au début de l'ADSL. C'était, en revanche, le cas sur le câble, qui donnait accès à la télévision. Patrick Drahi a l'expérience, depuis toujours, de cette convergence médias-télécoms parce que son métier était de distribuer des programmes de télévision à travers le câble. Le câble a été le premier à se moderniser. Grâce à lui, les gens ont eu accès à l'Internet haut débit. Le câble va continuer à se moderniser pour passer à la fibre. À New York, à 18 heures, 80 % des débits sur notre réseau, sont le fait de Netflix et de YouTube. Il en ira bientôt de même en France. Or ces acteurs ne mettent pas un euro pour financer le déploiement, ils ne payent même pas leurs impôts en Europe puisque rien ne les y oblige, mais ils sont ravis que nous investissions dans la fibre et que nous allions très vite. Ils n'ont rien à financer. Mais est-il logique qu'une famille aisée de quatre personnes, à Paris, qui consomme et surconsomme des films sur son réseau paye le même prix pour l'accès à l'Internet qu'une personne isolée dans une petite commune rurale qui ne peut pas avoir accès à Netflix parce que son réseau ne le lui permet pas ? Les deux foyers paient pourtant le même prix, notamment en raison de la neutralité du Net, notion que tout le monde défend sans savoir vraiment ce qu'elle représente. C'est un peu comme sur l'autoroute où une vieille voiture diesel paie autant qu'une voiture extrêmement moderne et puissante... Netflix propose pour dix euros par mois un catalogue exceptionnel. Comment voulez-vous que Canal Plus puisse s'adapter face à un concurrent dont les prix sont extrêmement bas parce qu'il ne finance pas les réseaux ?
Nous croyons à la convergence médias-télécoms. Altice est présent dans les médias depuis la reprise de NextRadioTV, groupe que j'avais créé il y a 18 ans. Cette convergence permet de développer des chaînes de sport, d'investir dans l'information locale ou dans des journaux importants que nous essayons de moderniser pour assurer leur pérennité, comme l'Express et Libération.
Mme Anne-Catherine Loisier. - SFR est le deuxième opérateur de réseaux d'initiative publique (RIP). Où en sont les déploiements dans ces zones ? Quels sont par ailleurs les engagements que vous avez pris auprès du Gouvernement dans les zones AMII ? Pourriez-vous aussi nous préciser le calendrier de mise en oeuvre ?
Dans son avis sur vos engagements et ceux d'Orange, l'Arcep insiste sur la nécessité d'accélérer pour respecter vos engagements et sur la nécessité de renforcer les liens avec les collectivités territoriales, notamment en leur communiquant les calendriers prévisionnels pour une durée de six mois. Cela a-t-il été fait ?
L'Arcep souhaite faire émerger un troisième acteur sur le marché destiné aux entreprises après Orange et SFR. Ce projet semble complexe. SFR serait en contentieux avec ce troisième opérateur. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Enfin sur le mobile, pourriez-vous nous préciser les modalités de votre participation au new deal mobile de janvier dernier : quels sont vos engagements, le calendrier ?
M. Martial Bourquin. - Vous avez perdu un million d'abonnés et votre dette s'élève à environ 50 milliards d'euros. Vous avez mis en oeuvre un plan de départs volontaires qui a abouti à la suppression de 5000 emplois, un tiers des effectifs. Vous avez évoqué le rapport de l'Arcep. Je pense que l'Arcep était dans son rôle en le publiant. Ce rapport fait état de 30 à 35 alertes pour 100 000 clients chez SFR ; Orange est l'opérateur qui enregistre le moins d'alertes. Après ces suppressions massives d'emplois, votre service après-vente est-il toujours fiable ?
Vous avez beaucoup parlé de M. Drahi et présenté son expérience comme la force du groupe. Mais son expérience c'est aussi l'optimisation fiscale et l'endettement... Il n'est pas sûr que cela constitue une assurance pour l'avenir du groupe.
Mme Sylviane Noël. - Dans notre monde, être connecté est presque aussi vital que respirer. Or cela ne va pas de soi pour 541 communes situées en zone blanche. Sept millions de Français n'ont pas accès à la 4G. Les inégalités entre zones urbaines et rurales sont fortes alors que le plan France très haut débit 2012-2022 touche à son terme. L'accès à la téléphonie mobile et à Internet en zones rurales et montagnardes peine à se démocratiser, laissant les élus locaux démunis face aux demandes de leurs administrés. Certaines communes sont privées de tout réseau téléphonique. SFR a obtenu les moins bonnes notes dans l'enquête de l'Arcep avec une note de 6,6 sur 10 pour ses services d'accès à Internet, et de 6,8 sur 10 pour le mobile. Dans certaines zones, les opérateurs nationaux sont absents et les collectivités territoriales qui ont tiré la fibre optique sont obligées de faire appel à des opérateurs spécialisés dont les prix sont très onéreux. Alors que SFR vient de céder la moitié de son réseau pour se désendetter et investir dans la fibre au-delà des métropoles, peut-on espérer une couverture correcte et plus large en téléphonie mobile et en Internet dans notre pays ? Et à quelle échéance ?
M. Laurent Duplomb. - Selon un analyste financier, le problème d'Altice n'est pas un problème de management mais est lié à une structure capitalistique insoutenable. L'endettement est élevé. Vous avez perdu deux millions de clients en deux ans, même si vous en avez regagné une part importante, mais avec des forfaits moins élevés, donc des marges réduites. Comment limiterez-vous l'endettement ? Comment faire pour éviter la course en avant ?
J'ai lu aussi que certains envisageaient le développement de la téléphonie par d'autres biais que le câble ou la fibre, en particulier grâce aux ondes hertziennes qui permettraient de mieux couvrir le territoire. Est-ce une fake news ou bien une solution d'avenir ?
M. Jean-Claude Tissot. - On compte quatre opérateurs en France dans un marché très concurrentiel. Certains proposent même des abonnements à deux euros. Qu'en pensez-vous ?
M. Jean-Pierre Decool. - Vous êtes chef d'entreprise mais, en tant que citoyen, que pensez-vous des chaines d'information continue qui diffusent en boucle la même information, les mêmes images, avec un commentaire journalistique très léger, tout en négligeant totalement les autres sujets, comme la politique internationale ou l'Europe ?
L'objectif du Gouvernement de donner accès au très haut débit fixe et mobile partout en France en 2022 pourra-t-il être tenu ? Avez-vous une politique particulière pour les territoires ruraux ?
Enfin, le Gouvernement envisage une grande réforme de l'audiovisuel. Quelles devraient être ses priorités selon vous ?
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Je veux vous interroger au nom des 2,5 millions de Français de l'étranger. Ils aiment regarder la télévision pour suivre les grands événements qui se produisent en France. En déplacement en Israël, j'ai regardé TV5 Monde, mais il n'y a aucun programme d'information en direct, comme BFM TV. Beaucoup de Français de l'étranger n'ont pas pu suivre les événements récents parce que les chaines françaises sont indisponibles sur Internet à cause de la géorestriction. Certains abonnements payants existent mais tous n'y ont pas accès ou n'en connaissent pas l'existence. Quelle solution envisagez-vous pour donner à nos compatriotes accès à l'information ?
M. Franck Montaugé. - Vous axez votre stratégie sur les infrastructures. Or l'Arcep a publié ses statistiques sur les réclamations. Orange est l'opérateur qui génère le moins de réclamations, avec 15 à 20 réclamations pour 100 000 habitants, et SFR arrive en dernier avec 30 à 35 réclamations. Votre stratégie ne sacrifie-t-elle pas la qualité de service ou la relation client ?
Avez-vous engagé des discussions dans la perspective d'un retour à trois opérateurs ? Que pouvez-vous nous en dire ?
Enfin, vous avez rapidement donné suite aux appels du Président de la République en annonçant la distribution d'une prime de 1000 euros brut à tous vos salariés. Cette annonce épuise-t-elle la question des négociations salariales avec les partenaires sociaux qui attendent aussi des hausses de salaire ?
M. Henri Cabanel. - Nous avons auditionné la semaine dernière les syndicats de votre entreprise. Ils nous ont expliqué qu'Altice est un conglomérat complexe, articulé autour de plusieurs pôles : un pôle médias, un pôle télécoms, un pôle customer service, etc. Il semblerait que les salariés des différents pôles ne soient pas soumis à la même convention collective. À quoi est due une telle complexité ?
Vous critiquez le manque d'objectivité des conclusions de l'Arcep. Elles vous sont assez défavorables. Mais vous ne nous avez pas expliqué comment vous comptiez améliorer ces résultats. Pourquoi enfin avoir séparé en deux entités Altice Europe et Altice États-Unis ?
M. Marc Daunis. - Permettez-moi une remarque préliminaire : le fait d'avoir accès au même service à Paris ou en province, cela s'appelle la République !
Le rapport de l'Arcep met le doigt sur des éléments qui vous sont reprochés par les clients. Ainsi dans ma commune une personne qui a résilié son abonnement depuis plusieurs mois continue pourtant à être prélevée... Votre entreprise semble très ambitieuse dans ses objectifs et pourtant ses effectifs baissent, le nombre de ses abonnés diminue et sa structure capitalistique semble fragile. On a l'impression que votre entreprise est lancée dans une fuite en avant, ce qui serait dommageable, en cas de défaillance, pour tous les territoires où elle intervient. D'où ma question : avez-vous les moyens d'atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés ?
M. Serge Babary. - Le 20 mars dernier vous présentiez votre plan d'action pour relancer SFR, avec 4 piliers : terminer le plan social, miser sur le service clients, simplifier les offres et persévérer dans les contenus, avec la convergence entre les tuyaux et les contenus mais aussi le projet de multiplier les plateformes d'accès aux contenus. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce dernier point ?
M. Fabien Gay. - Les téléphones portables sont devenus des petits coffres forts de paradis fiscaux ! Vous êtes un groupe de téléphonie et de médias. En permettant l'accès à vos journaux, vous appliquez la TVA à 2,1 % de la presse et non la TVA de 20 % applicable à la téléphonie mobile. Ainsi c'est plusieurs millions d'euros qui échappent au fisc...
Vous avez annoncé la distribution d'une prime de solidarité exceptionnelle de 1000 euros par salarié. Comptez-vous aussi augmenter les salaires ? Une prime n'est pas soumise aux cotisations sociales. Quel sera le dividende des actionnaires ?
M. Yves Bouloux. - La convergence médias-télécoms me semble une évidence. Vous êtes très axés sur l'information. Avez-vous des projets de diversification des contenus ?
Mme Catherine Procaccia. - J'avais souscrit à une offre RED by SFR. On ne pouvait y souscrire que par Internet et le service clients n'était accessible que par Facebook ou Twitter. Pourquoi avoir ciblé cette offre sur un public très branché sur les réseaux sociaux ?
Mme Sophie Primas, présidente. - On compte 87 opérateurs en Europe, contre quatre aux États-Unis. Souhaitez-vous un mouvement de consolidation ? Quels sont les obstacles à une concentration ? La politique européenne est-elle en cause ?
Vous avez dit que tout passerait par vos réseaux. Le satellite est-il à cet égard un concurrent ou une source de diversification ?
Youtube ou Netflix ne participent pas à l'effort collectif pour déployer les réseaux. Cela signifie-t-il qu'ils ne paient rien pour utiliser vos réseaux ? Est-ce du ressort de la législation française ? Comment cela se passe-t-il dans les autres pays ?
M. Alain Weill. - Ma critique, un peu virulente, du rapport de l'Arcep ne visait pas à prétendre que tout est parfait. Rien n'est parfait chez aucun opérateur. Mais depuis un an, tous les indicateurs montrent une amélioration de la qualité chez SFR. Je suis gêné que cette mauvaise impression, en décalage avec la réalité, vienne de l'Arcep. L'Arcep n'a pas vocation à jouer le rôle d'une association de consommateurs ni à se prononcer sur la relation-client...
M. Martial Bourquin. - Si, c'est aussi son rôle !
M. Alain Weill. - Nous faisons des efforts considérables depuis un an. Nous investissons 2,5 milliards d'euros par an dans les infrastructures. Le nombre de plaintes baisse régulièrement. Nous sommes en amélioration permanente. L'Arcep le sait. Publier un arrêt sur image en 2018 ne correspond pas à la réalité. L'Arcep devrait aider les opérateurs plutôt que dénoncer leurs difficultés. Je ne dis pas que tout est parfait aujourd'hui mais la situation est bien meilleure qu'il y a un an. La réalité ne correspond pas au message que l'Arcep a fait passer hier. C'est préjudiciable pour nous. La relation-client s'améliore, le nombre de clients qui partent a chuté de 40 % cette année. Nous progressons aussi dans la perception qu'ont les clients de la qualité de notre service. L'étude de l'Arcep a un an de retard.
La santé financière du groupe est bonne. Nous dégageons un Ebitda en Europe de 5 milliards d'euros, dont 3,5 milliards en France. Nous n'avons pas d'échéance dans les années qui viennent sur notre dette. Les actifs que nous avons cédés nous ont permis de désendetter le groupe. Le groupe a une expérience considérable de ce mode de financement depuis 30 ans. Il n'y a jamais eu de problème. Il n'y aucune raison de croire qu'il y aurait aujourd'hui une « fuite en avant ». Tout est sous contrôle. Notre dette, en Europe, est de 30 milliards d'euros. L'endettement va baisser avec les cessions. Donc le ratio entre la dette nette et l'Ebitda, en progression avec les opérations dans la fibre qui se feront sentir dès 2019, va baisser.
Tout à l'heure, je me suis mal exprimé quand j'ai comparé un foyer parisien et un abonné vivant dans un petit village. Je voulais dire qu'il n'est pas normal que quelqu'un qui vit loin d'une ville et n'a pas accès à un internet de très bonne qualité paie le même prix qu'un ménage qui profite d'un très haut débit pour regarder des films toute la journée.
Concernant la fiscalité, notre groupe a son siège à Amsterdam. Qu'un groupe aussi international que le nôtre y soit basé, comme Air France ou Publicis, n'a rien d'anormal. Le droit boursier néerlandais correspond à notre stratégie, non pas fiscale - nous ne tirons aucun intérêt fiscal de notre implantation à Amsterdam -, mais relative aux droits de vote : la législation en vigueur dans cet État européen permet à Patrick Drahi d'avoir des droits de vote plus importants que dans d'autres pays. On est loin d'une logique de paradis fiscal !
Vous m'avez aussi interrogé sur la TVA presse. SFR Presse, que nous avons lancé il y a quelques années, est un grand succès qui permet à beaucoup de Français d'avoir accès à la presse sur leur téléphone mobile pour un prix extrêmement bas. Le taux de TVA sur ce service optionnel est de 2,1 %, comme pour la presse sur papier : pourquoi le consommateur qui consulte les journaux sur son téléphone paierait-il un taux supérieur ? Nous contribuons à inventer un nouveau modèle pour la presse ; il faut s'en réjouir.
Je veux rappeler de façon plus précise et formelle nos engagements pour les zones faiblement couvertes. SFR et Orange ont signé un accord pour étendre et mettre en cohérence leurs déploiements de fibre FTTH en dehors des zones très denses. Cet accord concerne une partie de la zone de moyenne densité, dite zone AMII, qui n'était pas couverte par l'accord conclu par SFR et Orange en 2011. SFR s'est engagé à raccorder à la fibre plus de 1 million de logements ou locaux professionnels, sur 291 communes ; au total, 2,6 millions de prises seront déployées par SFR en zone AMII, d'ici à 2020. Ces déploiements s'effectuent sous le haut contrôle du régulateur, qui pourrait prononcer des sanctions si les engagements n'étaient pas respectés.
Concernant les alertes de l'Arcep, si le régulateur a pu noter une légère inflexion de nos déploiements, rien ne laisse présager d'un retard au regard de nos objectifs pour 2020. Un accord avec les fonds d'infrastructure des groupes AXA, Allianz et OMERS vient d'être conclu : une part minoritaire de SFR FTTH - 49,99 % du capital - leur a été cédée pour 1,8 milliard d'euros, ce qui contribuera au désendettement d'Altice France, tout en lui conservant le caractère d'actionnaire majoritaire.
Cet accord témoigne de la confiance des marchés financiers dans la stratégie d'infrastructure de l'entreprise. Altice a la confiance des investisseurs internationaux ; Patrick Drahi leur fait appel depuis longtemps. Il les associe à des projets importants ; aucun élément objectif ne peut laisser penser qu'ils ne seraient plus gagnants.
Grâce à l'entrée au capital de ces trois partenaires, SFR pourra accroître ses investissements dans la fibre, accélérera donc ses déploiements dans les zones moyennement denses, et deviendra l'un des acteurs majeurs de la fibre en Europe et même dans le monde. Nous avons stocké de la fibre pour ne pas prendre de retard, car elle est très recherchée et devient parfois rare. Cette garantie d'approvisionnement constitue d'ailleurs un atout lorsque nous candidatons aux marchés publics. Nous utilisons de la fibre fabriquée en France, plutôt qu'en Chine.
Quant au calendrier prévisionnel, notre engagement pris, au niveau national, au titre de l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques a comme horizon l'année 2020. Les conventions historiques conclues avec les collectivités sont en cours de mise à jour afin d'intégrer le rappel de notre engagement national. Des engagements complémentaires ont été pris au niveau local ; ils incluent des calendriers plus précis. Des outils sophistiqués permettent aujourd'hui aux élus de suivre le déploiement de la fibre rue par rue. Les habitants eux-mêmes, dans les Pyrénées Atlantiques, par exemple, ont parfois accès à ces outils. La fibre est bien la priorité de tous les Français. C'est ce qu'ils demandent à leurs élus. L'intérêt de l'entreprise est aussi d'aller vite : ainsi, nous pourrons commercialiser notre réseau dès que possible.
S'agissant du marché des entreprises, il apparaît nécessaire que la concurrence se renforce. Le projet de l'Arcep est de faire émerger un troisième acteur, mais cela ne semble pas porter ses fruits. Orange garde 70 % de parts de marché ; SFR Business est un acteur secondaire. La fibre représente aussi une opportunité pour convaincre les entreprises de nous rejoindre. Le marché professionnel sera notre priorité en 2019. Un troisième acteur, plus opportuniste qu'innovant, s'est certes lancé il y a quelques années. Nous ne craignons pas la concurrence d'opérateurs supplémentaires : étant de taille moyenne dans ce domaine, nous avons aussi vocation à prendre des parts de marché.
J'en viens au new deal de la téléphonie mobile : les opérateurs se sont engagés auprès du Gouvernement à améliorer la couverture 4G. Je voudrais rappeler que, lorsque les licences de chaque génération ont été attribuées, les ambitions de chacun n'étaient pas les mêmes. On a privilégié la baisse des prix au travers de l'arrivée d'un quatrième opérateur, ce qui a pu nuire au développement des infrastructures. Aujourd'hui, les priorités ont changé. Le très haut débit doit atteindre tous les villages, par la fibre ou le réseau mobile. SFR a joué un rôle moteur dans la négociation qui s'est tenue il y a un an avec le Gouvernement et l'Arcep.
Nous saluons le choix du Gouvernement de préférer des engagements de déploiement et de haute qualité sur tout le territoire national plutôt que d'exiger de lourdes contributions financières. Le Gouvernement a choisi d'apporter son soutien aux investissements des opérateurs : l'intérêt général y gagne.
Plusieurs milliards d'euros seront donc investis par les opérateurs pour la couverture des territoires. Ces engagements sont opposables et seront contrôlés par l'Arcep. Ce new deal mobile place les collectivités territoriales au coeur du processus de remontée des besoins de couverture, au travers d'un nouveau dispositif de couverture ciblée.
Le new deal va bien au-delà des dispositifs de couverture ciblée. Il vise l'accélération et la densification de la couverture mobile à très haut débit, mais aussi l'amélioration de la qualité de service. Ce qui compte est désormais la « bonne couverture » au sens de l'Arcep, c'est-à-dire la capacité de passer des appels et d'envoyer des SMS à l'extérieur des bâtiments.
La 4G sera généralisée, d'ici à la fin de 2020, à l'ensemble de nos sites 2G et 3G ; 75 % des sites en centre-bourg seront couverts en 2020, 100 % en 2022 ; ce sera aussi le cas de 55 000 kilomètres d'axes routiers, d'ici à la fin de 2020, et de 23 000 kilomètres du réseau ferré régional, pour 90 % d'ici à 2025. La couverture à l'intérieur des bâtiments sera aussi améliorée, notamment par la technique de la voix sur Wi-Fi. Des offres 4G fixes seront également déployées dans des zones identifiées par le Gouvernement : SFR et Orange se chargeront de 500 sites chacun.
Quant au nouveau dispositif de couverture ciblée, il prévoit la construction par chaque opérateur de 5 000 sites, choisis par les collectivités territoriales, entre 2018 et 2026. Pour un premier volet de 2 000 sites, on prévoit une mutualisation active à quatre opérateurs dans les zones les plus habitées où aucun opérateur n'offre une bonne couverture pour les appels et les SMS. Un atlas de 2 063 zones a été constitué par les opérateurs sous le contrôle de l'Arcep et remis en juillet aux collectivités. Piocher dans cet atlas permettra à celles-ci de disposer plus rapidement de sites dans les zones les plus habitées. Un second volet de 3 000 sites concerne les autres zones à couverture insuffisante, notamment celles où les opérateurs ne sont pas tous présents.
Un arrêté a été publié en juillet dernier pour 485 projets issus des anciens programmes pour lesquels les collectivités porteuses ont souhaité transférer aux opérateurs la maîtrise d'ouvrage. Deux autres arrêtés seront pris ce mois-ci et en février prochain pour 700 sites supplémentaires.
Le téléphone mobile existe depuis des décennies, mais on observe une vraie accélération. Maintenant, la priorité n'est plus au prix, mais aux infrastructures. On avait encore récemment du mal à trouver où installer nos pylônes ; maintenant, tous les acteurs travaillent main dans la main, sans négliger pour autant les enjeux de santé publique, pour trouver des sites adéquats.
J'en viens aux questions relatives aux médias. BFM TV est accessible dans le monde entier sans abonnement ; les Français de l'étranger en bénéficient donc. Aujourd'hui, la technologie le permet, sur téléviseur, ordinateur ou tablette.
Le fonctionnement des chaînes d'information est parfois critiqué par des élus ou des membres du Gouvernement. Je suis très fier du travail, parfois difficile, de BFM TV. Nous sommes loin d'être parfaits, mais notre rôle est très important : permettre à tous les Français, même les plus isolés, d'avoir accès aux images d'actualité, des relations internationales aux faits divers et aux catastrophes naturelles. Lors des inondations du mois d'octobre, nous avons montré la souffrance des victimes et ainsi permis une plus grande solidarité. Nous montrons également le travail quotidien de nos gouvernants, quels qu'ils soient, et de tous les élus.
Si BFM TV rencontre un tel succès, c'est que les chaînes d'information ont la confiance des Français. Ces derniers jours, 20 millions de Français ont regardé BFM TV chaque jour ! Au lendemain des événements dramatiques du Bataclan, un Français sur deux a regardé BFM TV. Nous fédérons tous les Français en leur permettant de partager des moments plus ou moins dramatiques, et je suis conscient de notre responsabilité.
Le CSA a fait le choix d'une concurrence très vive entre chaînes d'information, ce qui renforce le besoin de fournir des images fortes en cas d'accélération de l'actualité. Le monde politique a aussi un usage particulier des chaînes d'information, comme outil de travail ; cela donne aux hommes politiques une vision de ces chaînes qui ne correspond pas à l'usage qu'en ont tous les Français.
Nous essayons d'être le plus rigoureux possible, d'être impartiaux et de mener un travail de qualité. Ce n'est pas toujours parfait : quand on doit assurer 22 heures de direct par jour, c'est très difficile d'avoir en permanence le recul nécessaire. BFM TV fonctionne comme les autres chaînes d'information dans le monde et subit les mêmes critiques qu'elles. Au contraire de Fox News, nous sommes impartiaux, à l'image de CNN, qui veut fédérer un très large public autour des grands événements. Nous sommes souvent le reflet de l'air du temps : nous avons souvent accompagné des mouvements de l'opinion ; nous n'avons pas la puissance nécessaire pour la créer.
Les critiques actuelles à notre endroit me rappellent celles qu'on adressait aux radios périphériques en mai 1968. On leur reprochait d'avoir couvert les événements et ainsi mis de l'huile sur le feu, quand les stations publiques se taisaient. Serait-on aujourd'hui aussi sévère ?
Nous voulons investir dans le contenu et, en premier lieu, dans l'information. Celle-ci, contrairement à la fiction, ne subit pas la concurrence de grands studios américains avec lesquels nous ne pouvons pas lutter. Nous avons donc décidé de lever un peu le pied sur nos investissements dans le secteur du cinéma, mais des discussions sont en cours avec d'autres acteurs français pour se regrouper et ensemble être plus forts dans le domaine des séries et du cinéma. L'exception culturelle française est globalement un succès ; nous voulons continuer à la faire vivre.
Mme Sophie Primas, présidente. - Le rôle de la presse n'est pas du ressort de notre commission, même si cela nous intéresse tous.
Je voudrais revenir sur quelques questions qui n'ont pas trouvé de réponse. C'est le cas de questions sociales, relatives notamment aux primes de fin d'année et à l'organisation du groupe en filiales dotées de conventions collectives différentes.
Quel est votre avis sur le satellite ? Avez-vous une stratégie dans ce domaine ? Enfin, comment les grands réseaux américains tels que YouTube et Netflix pourraient-ils participer au financement de nos infrastructures ? À l'inverse, investissez-vous dans les infrastructures de pays où BFM TV est accessible ?
Mme Catherine Procaccia. - Qu'en est-il du forfait RED de SFR ?
M. Alain Weill. - Concernant la prime de fin d'année, je ne voudrais pas qu'on nous reproche d'avoir réagi vite et décidé de verser une prime à tous les collaborateurs du groupe, soit près de 12 000 personnes en France. J'ai reçu des messages encourageants des organisations syndicales. Nous mènerons en parallèle la négociation annuelle obligatoire : notre geste responsable permet de l'entamer dans un meilleur climat.
Nous avons considéré que le pouvoir d'achat était une priorité pour le pays. Les collaborateurs de SFR ne sont sans doute pas ceux qui ont le plus de difficultés en France, mais nous avons voulu leur envoyer un signal fort et, sans aucune appréciation politique, prendre une décision par rapport à la priorité sociale du Gouvernement. Tout comme d'autres entreprises l'ont fait, nous avons jugé que tel était notre devoir.
Concernant les conventions collectives, nous ne pensons pas que créer une unité économique et sociale (UES) pour l'ensemble du groupe ait un sens. Les télécoms et les médias forment deux secteurs ; leurs conventions collectives diffèrent énormément. Nous garderons donc ces deux unités économiques et sociales distinctes.
Le groupe est organisé aujourd'hui en deux branches : une américaine, l'autre principalement européenne. En effet, nous nous sommes rendu compte qu'il n'y avait pas de synergie entre ces deux zones et que les investisseurs étaient différents. Avoir une seule structure cotée nous empêcherait d'avoir accès à certains investisseurs.
Concernant les transmissions par satellite, cette activité est complémentaire plutôt que concurrente de la nôtre. Le satellite a une vocation importante dans les zones rurales, mais nous sommes convaincus que la fibre ira très loin, jusqu'à 100 % des territoires, comme l'électricité. Nous avons récemment pris des engagements pour couvrir par la fibre l'ensemble de la population, même en zone rurale.
Netflix et YouTube sont très présents dans notre pays. Je ne saurais précisément vous dire comment les faire contribuer au financement des infrastructures. Les acteurs qui surconsomment de la bande passante pourraient payer un prix différent que ceux qui consomment beaucoup moins, comme sur l'autoroute.
L'offre RED a été créée pour répondre à l'arrivée de Free, qui a beaucoup déstabilisé les autres opérateurs. Ils ont dû revoir leur organisation et réduire leurs coûts. Des plans sociaux importants ont eu lieu à SFR, mais aussi chez Bouygues. Quant à Orange, on n'y remplace pas tous les départs à la retraite : chaque année, on compte 5 000 collaborateurs de moins. C'est une période difficile pour les personnes concernées, mais aussi pour l'entreprise entière. À SFR, toutes les parties ont été très responsables, l'entreprise comme les syndicats. C'est pourquoi cette opération s'est déroulée de manière sereine, sans faire la une des journaux. Nous préférons créer des emplois et nous l'avons toujours fait, sauf en période de crise. Avec RED, nous offrons des prix beaucoup plus bas, grâce à une organisation plus légère : la relation avec les clients s'effectue exclusivement par internet, et non dans les boutiques.
Mme Sophie Primas, présidente. - Merci d'avoir répondu à nos questions, même quand leur sujet débordait des attributions de notre commission.
M. Alain Weill. - Je suis très heureux d'avoir pu m'exprimer devant vous. Déployer la fibre et les réseaux mobiles, c'est être dans les territoires, ce qui correspond à l'histoire de notre groupe. Nous sommes toujours à votre disposition pour examiner ensemble les problèmes de couverture et de déploiement de réseaux.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Nomination d'un rapporteur
La commission désigne Mme Dominique Estrosi Sassone en qualité de rapporteur pour la proposition de loi n° 175 (2018-2019) de Mme Sophie Primas relative aux articles 91 et 121 de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.
La réunion est close à 11 h 15.